NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.

RESTREINTE*

CCPR/C/96/D/1792/2008

4 septembre 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-seizième session

13 – 31 juillet 2009

CONSTATATIONS

Communication n o  1 792/2008

Présentée par:

John Michaël Dauphin (représenté par un conseil, Alain Vallières)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

29 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision du Rapporteur spécial en application de l’article 91 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 2 juin 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

28 juillet 2009

Objet: Arrêté d’expulsion contre un ressortissant haïtien avec résidence permanente depuis l’âge de 2 ans, interdit du territoire pour grande criminalité

Questions de procédure: non étaiement des allégations de violation ; incompatibilité avec les dispositions du Pacte ratione materiae

Questions de fond : droit à la vie ; prohibition de la torture ; reconnaissance de la personnalité juridique ; protection contre immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée  ; droit à la vie de famille, principe de non discrimination 

Articles du Pacte: 6 ; 7 ; 16 ; 17 ; 23 et 26

Articles du Protocole facultatif: 2 ; 3

Le 28 juillet 2009, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations concernant la communication no 1792/2008 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS

CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-seizième session

concernant la

Communication n o 1792/2008 *

Présentée par:

John Michaël Dauphin (représenté par un conseil, Alain Vallières)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

29 mai 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en application de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 juillet 2009,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1792/2008 présentée par John Michaël Dauphin, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication, son conseil et par l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication datée du 29 mai 2008, est John Michaël Dauphin, citoyen haïtien. Il réside actuellement au Canada, et doit être expulsé vers Haïti, ayant été interdit de territoire après sa condamnation à une peine de 33 mois de prison, pour vol avec violence. Il fait valoir que son renvoi vers Haïti constituerait une violation par le Canada des articles 6, 7, 16, 23 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 2 juin 2008, conformément à l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications et mesures intérimaires a demandé à l’État partie de ne pas renvoyer l’auteur tant que son cas est à l’examen par le Comité. Le 28 juillet 2008, le 2 octobre 2008 et le 17 mars 2009, suite aux demandes de l’État partie, le Rapporteur spécial a refusé de lever la demande de mesures intérimaires.

1.3Le 28 juillet 2008, le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications et mesures intérimaires décidait de ne pas séparer l’examen de la recevabilité de celui du fond.

1.4Le 22 octobre 2008, le conseil de l’auteur a informé le Comité qu’à l’occasion d’une procédure de révision des motifs de détention de l’auteur, l’État partie aurait discuté si les mesures provisoires telles qu’elles étaient ordonnées par le Comité devraient être respectées. Le 23 octobre 2008, l’information a été transmise à l’État partie rappelant ses obligations en vertu de l’article 97 du Règlement intérieur.

Les faits tels que présentés par l’auteur

2.1L’auteur, né en 1987, est originaire d’Haïti. Il est l’aîné d’une famille de quatre enfants. Il a vécu ses deux premières années en Haïti, et ensuite au Canada, où il a effectué toute sa scolarité. Alors qu’il venait d’avoir 18 ans, il a été condamné à une peine de 33 mois de prison, pour vol avec violence. Pendant son emprisonnement, il a découvert qu’il n’avait pas la nationalité canadienne, ses parents n’ayant pas terminé les procédures pour l’obtention de la citoyenneté, uniquement en ce qui le concerne. En effet, tous les autres membres de sa famille ont acquis la nationalité canadienne.

2.2Alors qu’il était en prison, les autorités canadiennes ont initié les procédures afin de l’expulser du Canada, en raison de sa condamnation criminelle selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). Le 5 novembre 2007, une enquête a eu lieu devant la Section de l’immigration de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié (SI). L’auteur affirme avoir tenté, en vain, de prouver à la SI qu’il n’avait pas de liens avec Haïti et que toute sa famille ayant la nationalité canadienne se trouvait au Canada. La SI aurait refusé d’entendre toute information à ce sujet jugeant que ces informations n’étaient pas pertinentes à l’égard des restrictions imposées par la LIPR.

2.3L’auteur fait appel devant la Section d’appel de l’immigration qui, le 18 mars 2008, a estimé ne pas être compétente. L’auteur a demandé une révision de cette décision et a introduit une requête en suspension de l’expulsion devant la section d’appel de la Cour fédérale, qui a rejeté sa demande le 10 juin 2008. En même temps, l’auteur a fait appel de la décision de la SI devant la Cour fédérale qui a rejeté sa demande le 22 avril 2008.

2.4L’État partie a ensuite proposé à l’auteur de déposer une demande d’étude des risques avant renvoi (ERAR). Le 9 mai 2008, les autorités canadiennes ont rejeté sa demande considérant qu’il ne faisait face à aucun risque en cas de retour en Haïti. L’auteur souligne que cette décision a été rendue en un mois, alors qu’habituellement, il est nécessaire d’attendre une année pour qu’une décision semblable ne soit rendue. L’auteur a demandé la révision de cette décision devant la Cour fédérale. Sa demande a été rejetée le 2 juin 2008.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que son renvoi vers Haïti mettrait sa vie et son intégrité physique en danger, ce qui constituerait une violation par le Canada des articles 6 et 7 du Pacte. Il allègue que ce risque est connu par les autorités canadiennes, puisqu’il existe un moratoire empêchant l’expulsion de personnes vers Haïti. Il affirme que toute personne s’y trouvant peut être tuée, enlevée ou maltraitée, et que les autorités haïtiennes ne seraient pas en mesure d’assurer sa protection. En outre, l’auteur souligne que la protection de la vie et de l’intégrité physique sont des droits absolus qui ne peuvent pas être mis de côté même dans le cas des criminels.

3.2L’auteur fait valoir que l’État partie violerait l’article 16 en cas de sa déportation. Il lui aurait été interdit de faire valoir les motifs qui interdisent son renvoi en Haïti. En effet, l’auteur affirme que les pouvoirs de la SI sont limités par la loi ce qui ensuite donne un rôle particulièrement important au décideur ERAR évaluant le niveau du risque. L’auteur maintient que l’ERAR n’a pas pris en compte sa situation personnelle, et que ceci constituerait une négation de sa personnalité juridique. L’auteur ajoute que l’absence d’étude de sa situation personnelle empêche d’assurer une peine proportionnée à l’acte commis. Le système canadien ne prendrait pas en compte la proportionnalité entre l’acte et la peine puisque toute personne condamnée à deux ans et plus de prison se trouvera « expulsable » sans qu’une défense ne soit possible et sans qu’on étudie sa situation personnelle.

3.3L’auteur soutient que son éloignement l’empêcherait de maintenir des liens avec sa famille, et constituerait une violation de l’article 23. Avant son arrestation, il vivait avec sa famille au Canada et il n’a aucun lien familial en Haïti, étant donné qu’il n’y aurait passé que les deux premières années de sa vie. De plus, il affirme avoir une relation stable depuis 2001 avec sa petite amie rencontrée à l’école.

3.4L’auteur prétend qu’il y a discrimination en l’espèce, en violation de l’article 26. Il appartient au groupe particulier des étrangers vivant au Canada auquel toute possibilité d’obtenir un procès juste et équitable est refusé par l’État partie. Il établit que si la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) a notamment pour objectif d’assurer la protection des résidents canadiens, il n’est pas certain que l’expulsion automatique de toute personne ayant été condamnée à deux ans de prison atteigne cet objectif. Des criminels dangereux ayant les moyens de payer les services d’un avocat de talents pourront être condamnés à moins de deux ans de prison, alors qu’une personne de revenus moyens n’ayant pas d’avocat pourra être condamnée à deux ans et plus, et être expulsée. En outre, l’auteur argumente que parmi les étrangers vivant au Canada, seuls les justiciables condamnés à deux années et plus d’emprisonnement ne peuvent avoir accès à un processus judiciaire jugeant leur situation personnelle et seules ces personnes sont soumises à une « double peine » ne pouvant être contrôlée, et être éloignées du pays sans avoir accès à un processus judiciaire véritable.

Observations de l’État part ie concernant la recevabilité et le fond

4.1Le 18 juillet 2008, l’État partie a transmis ses observations sur la recevabilité de la communication et sa demande au Comité de lever les mesures intérimaires.

4.2L’État partie soumet que la communication repose sur de simples suppositions et ne révèle, prima facie, aucune violation du Pacte. Il fait notamment valoir que toutes les allégations de l’auteur ont fait l’objet d’examens approfondis par les instances nationales, qui ont conclu qu’il n’y en avait aucun mérite. En l’absence de preuve d’erreur manifeste, d’abus de procédure, de mauvaise foi, de partialité manifeste ou d’irrégularités graves dans la procédure, le Comité ne devrait pas substituer ses propres conclusions de fait à celles des instances nationales. Il appartient aux tribunaux des États parties d’apprécier les faits et la preuve dans les cas particuliers. L’État partie maintient que la communication devrait être déclarée irrecevable pour non-étayement en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif. Il ajoute que la communication est incompatible avec le Pacte en ce qui concerne les allégations au titre des articles 16, 23 et 26 et que ces parties de la communication devraient donc être déclarées irrecevables ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocol facultatif.

4.3L’État partie rappelle les faits tels que présentés par l’auteur et souligne que le 18 juillet 2006, l’auteur a été condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement, réduite à 33 mois compte tenu du temps passé en détention, pour vols avec l’emploi de violence ou menace de violence contre sept personnes, dont une a subi des blessures graves. Le 12 décembre 2006, après avoir examiné le dossier de l’auteur, l’Agence des Services Frontaliers du Canada (ASFC) a recommandé son renvoi du Canada. Cette recommandation a été confirmée le 27 avril 2007 par un délégué du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Le 5 novembre 2007, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (SI), suite à une audience de l’auteur et son conseil, a déterminé que les conditions pour « l’interdiction de territoire pour grande criminalité » étaient réunies, c’est-à-dire que l’auteur n’était pas citoyen canadien et qu’il avait été condamné pour plus de six mois d’emprisonnement. Lors de cette audience, l’auteur a soulevé que l’agent de la ASFC ne l’a pas rencontré en personne, que la SI n’était pas un tribunal indépendant et que le processus de renvoi prévu dans la LIPR était inconstitutionnel. Le 12 mars 2008, l’appel de l’auteur devant la Section d’appel de l’immigration a été rejeté pour défaut de compétence conformément à la LIPR qui statue qu’une personne interdite de territoire pour grande criminalité ne peut pas interjeter un appel. Le 21 avril et 10 juin 2008, les deux demandes de contrôle judiciaire des décisions de la Section de l’immigration et de la Section d’appel de l’immigration ont été rejetés par la Cour fédérale.

4.4La demande d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) a été rejetée le 9 mai 2008 constatant que l’auteur ne serait pas personnellement ciblé ni particulièrement à risque d’enlèvement et qu’il s’agissait d’un risque généralisé qui touche l’ensemble de la population haïtienne. Le 2 juin 2008, la Cour fédérale a rejeté la demande de sursoir à son renvoi. Le 24 juillet 2008, la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard du rejet de sa demande d’ERAR.

4.5Quant aux allégations de violation des articles 6 et 7, l’État partie maintient que le risque allégué par l’auteur au retour est d’ordre général, et qu’il ne prétendait pas appartenir à une catégorie de personnes qui est particulièrement à risque d’enlèvement, ni d’être personnellement ciblé. L’auteur n’a pas fournit de preuves de son prétendu risque de mort, d’enlèvement et de mauvais traitement, ni de l’incapacité des autorités à le protéger. L’État partie souligne que le sursis aux renvois en Haïti, mentionné par l’auteur et adopté par le Canada en février 2004 pour des raisons humanitaires, ne saurait être interprété comme une reconnaissance par le Canada des risques allégués par l’auteur. Ce sursis est une mesure volontaire qui va au-delà des obligations internationales en vertu du Pacte. En vertu de l’alinéa 230 (a)c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, le sursis ne s’applique pas aux individus qui sont interdits du territoire en raison d’actes criminels commis. L’État partie maintient que cette partie de la communication devrait être déclarée irrecevable, car l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses allégations.

4.6Sur la prétendue violation de l’article 16, l’État partie soumet que cette allégation est irrecevable ratione materiae puisque le Pacte ne garantissant pas le droit à une audience devant un juge dans le contexte de procédures d’immigration. Il fait valoir que l’article 16 protège le droit à la personnalité juridique et non pas le droit d’ester en justice. L’État partie maintient que cette partie est manifestement dénuée de fondement.

4.7Sur l’article 23, l’État partie soumet que cette allégation est irrecevable ratione materiae puisque l’article 23 ne garantit pas le droit à la famille. Subsidiairement, il soumet que la simple allégation d’avoir de la famille au Canada et non pas en Haïti ne suffit pas d’étaiement aux fins de la recevabilité et ne sauraient empêcher son renvoi. En outre, l’État partie souligne que, même si l’auteur n’a pas invoqué l’article 17, son renvoi ne constituerait pas une immixtion illégale ou arbitraire dans sa vie privée, sa famille ou son domicile considérant que le renvoi a été émis conformément à la loi et que les recours internes ont tenu compte des facteurs pertinents, y inclus du fait que la famille de l’auteur réside au Canada. En outre, l’État partie soumet que la communication en l’espèce ne serait pas comparable avec l’affaire Winata c. Australie, ni avec l’affaire Canepa c. Canada étant donné que l’auteur n’a ni épouse ni enfant au Canada et lorsque rien n’indiquerait que la famille serait nécessaire à sa réhabilitation. De plus, son renvoi constituerait une mesure raisonnable dans les circonstances et proportionnelle à la gravité des crimes qu’il a commis.

4.8Sur l’article 26 du Pacte, l’État partie soutient que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, son allégation que la LIPR était discriminatoire et aurait produit un résultat injuste ou inéquitable dans son cas. Dans ces circonstances, l’État partie maintient qu’il ne lui appartenait pas de spéculer sur le sens des allégations de l’auteur et encore moins de réfuter toutes les interprétations possibles. L’État partie maintient que cette partie de la communication est incompatible avec le Pacte et donc irrecevable ratione materiae.

4.9En outre, l’État partie soumet que la commission d’actes criminels graves ne constitue pas un motif illicite de différenciation, aux fins de l’article 26. C’est une pratique universellement reconnue et appliquée en matière de l’immigration et il serait légitime de nier aux étrangers qui ont commis des crimes graves certains privilèges conférés à d’autres étrangers. De plus, ce critère de différenciation est à la fois objectif et raisonnable, étant donné que l’auteur lui-même est responsable de son appartenance à la catégorie de personnes interdites de territoire.

4.10Le 1 octobre 2008, l’État partie se prononce sur le fond de la communication et a réitéré sa demande de levée des mesures provisoires citant notamment une affirmation de l’administratrice principale chargée de la protection au bureau du HCR en Haïti confirmant qu’il ne semble avoir aucune raison de maintenir la demande de non-refoulement pour les ressortissants haïtiens. En outre, l’État partie soumet que le renvoi ne constituerait pas un préjudice irréparable selon l’article 92 du Règlement intérieur du Comité puisque celui-ci serait réversible considérant qu’une autorisation de retour pourrait être octroyée à l’auteur au cas où le Comité conclurait à une violation des articles 17 et/ou 23.

4.11L’État partie soumet que subsidiairement à ses observations sur la recevabilité et pour les mêmes motifs, la communication devrait être rejetée sur le fond puisqu’elle ne révèle aucune violation des articles 6, 7, 16, 23 ou 26.

5.Les 2 octobre 2008, 9 février, 17 mars et 19 mai 2009, le Comité a prié l’auteur d’envoyer ses commentaires sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond, ces demandes sont restées sans réponse.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.Le 30 janvier 2009, l’État partie a soumis des observations supplémentaires sur la recevabilité et le fond précisant ses observations quant à l’article 23. Il rappelle que selon la jurisprudence du Comité, le renvoi d’une personne ayant de la famille sur le territoire de l’État partie ne constitue pas en soi une immixtion arbitraire dans sa famille. Il souligne que l’auteur n’a pas d’enfants ni d’épouse au Canada, qu’il n’a personne à sa charge et ne dépend pas lui-même de l’aide de sa famille. L’État partie note qu’à partir de l’âge de 13 ans, l’auteur habitait principalement dans des centres de jeunesse et foyers d’accueil, que sa famille ne lui a pas porté secours lorsqu’il a sombré dans la criminalité et toxicomanie, et que rien n’indiquait que sa famille est nécessaire à sa réhabilitation. L’État partie fait également valoir qu’aucune preuve n’indique qu’il existait des liens étroits entre l’auteur et sa famille. L’État partie souligne que le fait que l’auteur a passé la majorité de sa vie au Canada ne constitue pas en soi une circonstance exceptionnelle aux fins des articles 17 ou 23. L’État partie soumet que même si le renvoi de l’auteur constituait une immixtion dans sa famille, celle-ci serait raisonnable dans les circonstances, et proportionnelle à la gravité de ses crimes.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité a noté qu'il n'a pas été contesté que l'auteur avait épuisé tous les recours internes disponibles, et qu’ainsi les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif sont remplies.

7.4 En ce qui concerne les allégations de violation des articles 6 et 7 du Pacte, le Comité doit vérifier si les conditions énumérées dans les articles 2 et 3 du Protocole facultatif sont remplies. S'agissant des articles 6 et 7, les éléments dont il est saisi ne lui permettent pas d'établir que l'auteur a étayé, aux fins de la recevabilité, son allégation selon laquelle son expulsion vers Haïti et la séparation de sa famille au Canada mettrait sa vie en danger (article 6) ou équivaudrait à un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l'article 7. Le Comité rappelle que conformément à sa pratique, l’auteur doit démontrer qu’un renvoi dans un pays tiers engendre un risque personnel, réel et imminent de violation des articles 6 et 7. Dans sa communication, l’auteur se contente de déclarer que « toute personne s’y [Haïti] trouvant peut être tuée, enlevée ou maltraitée […] et que les autorités haïtiennes ne sont pas en mesure d’assurer la protection des individus qui sont livrés à eux-mêmes ». Le Comité note l’affirmation de l’État partie, citant le bureau du HCR en Haïti, qui considère qu’il n’est plus nécessaire de prolonger le moratoire de renvoi de ressortissants haïtiens de février 2004, qui exclut les personnes interdits de territoire pour criminalité. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les preuves dans un cas déterminé, sauf s’il peut être établi que l’appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Cette jurisprudence a également été appliquée aux procédures d’expulsion. Les éléments portés à la connaissance du Comité sont dans son opinion insuffisants pour montrer que la procédure devant les autorités de l’État partie a été entachée de telles irrégularités. En conséquence le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, ses griefs de violations des articles 6 et 7 et conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5 Pour ce qui est de l'article 16, le Comité note que le droit à une audience devant un juge dans le contexte d’un renvoi n’est pas prévu par l’article 16 qui se limite à la reconnaissance de la personnalité juridique et ne s’applique pas à la capacité d’ester en justice. À cet égard, le Comité considère dès lors que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif, comme incompatible avec les dispositions du Pacte.

7.6 Quant à l’allégation de violation de l’article 26, le Comité note l’argument de l’auteur faisant valoir qu’il y aurait discrimination en l’espèce, considérant qu’il appartient au groupe des étrangers délinquants et n’aurait en conséquence pas eu accès à un processus judiciaire jugeant de sa situation personnelle. Le Comité rappellequ’une différence fondée sur des critères raisonnables et objectifs n’équivaut pas à une discrimination interdite au sens de l’article 26.En l’espèce, l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, son allégation de discrimination et le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.7Pour ce qui est des articles 17 et23, le Comité note les arguments de l’État partie en ce qui concerne l’article 17 et considère pertinent d’examiner la communication aussi sous l’angle de cet article. Le Comité a pris note que l’auteur a seulement passé deux ans de sa vie en Haïti et le reste au Canada où sa famille continue de résider. Il a pris note de l’observation de l’État partie qui fait valoir que l’auteur n’a ni épouse ni enfant au Canada et qu’il ne dépend pas financièrement de sa famille. Le Comité rappelle néanmoins qu’à priori, rien n'indique que la situation de l'auteur ne soit pas couverte par lesarticles 17 et23 (para. 1), et conclut donc que cette question se doit d’être examinée au fond.

7.8Le Comité déclare la communication recevable dans la mesure où elle semble soulever des questions au titre des articles 17 et 23 (para. 1) du Pacte, et procède à son examen sur le fond.

Examen au fond

8.1En ce qui concerne les griefs de violation des articles 17 et 23 (para. 1), le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle il peut se produire des cas où le refus de l’État partie de laisser un membre d’une famille rester sur son territoire représente une ingérence dans la vie de la famille de cette personne. Mais le simple fait que certains membres d’une famille aient le droit de rester sur le territoire d’un État partie ne fait pas forcément de l’expulsion d’un des membres de la même famille une ingérence du même ordre.

8.2En l’occurrence, l’auteur vit sur le territoire de l’État partie depuis l’âge de deux ans et y a effectué toute sa scolarité. Ses parents et ses trois frères et sœurs vivent au Canada et ont acquis la nationalité canadienne. L’auteur doit être expulsé après avoir été condamné à une peine de 33 mois pour vol avec violence. Le Comité note l’affirmation de l’auteur selon laquelle toute sa famille se trouve sur le territoire de l’État partie, qu’il vivait avec sa famille avant son arrestation et qu’il n’a pas de famille en Haïti. Le Comité note également les arguments de l’État partiefaisant état d’un lien plutôt occasionnel entre l’auteur et sa famille, ceci lié au fait qu’il habitait principalement dans des centres de jeunesse et dans des foyers d’accueil et que sa famille ne lui aurait porté aucun secours quand il avait sombré dans la criminalité et la toxicomanie.

8.3Le Comité rappelle ses observations générales nº 16 et 19 selon lesquelles le concept de famille est interprété au sens large. Dans le cas en l’espèce, il n’est pas contesté que l’auteur n’a pas de famille en Haïti et que toute sa famille réside sur le territoire de l’État partie. Considérant qu’il s’agit en l’occurrence d’un jeune adulte qui n’a pas encore fondé sa propre famille, le Comité considère que ses parents, frères et sœurs constituent sa famille en vertu du Pacte. Il conclut que la décision de l’État partie d’expulser l’auteur après avoir vécu toute sa vie depuis son plus jeune âge sur son territoire, n’étant pas conscient qu’il n’avait pas la nationalité canadienne et en absence de toute attache familiale en Haïti constitue une immixtion dans la vie familiale de l’auteur. Le Comité note qu’il n’est pas contesté que l’ingérence en cause visait un but légitime, c’est-à-dire la prévention des infractions pénales. Il y a donc lieu de déterminer si cette immixtion serait ou non arbitraire et contraire aux articles 17 et 23, paragraphe 1, du Pacte.

8.4Le Comité constate que l’auteur se considérait citoyen canadien et n’a découvert que lors de son arrestation qu’il n’a pas obtenu la nationalité canadienne. Il a vécu toute sa vie consciente sur le territoire de l’État partie et toute sa proche famille et sa petite amie y résident et il n’a pas d’attache ni de famille dans son pays d’origine. Il note également que l’auteur n’a été condamné qu’une fois lorsqu’il venait d’avoir 18 ans. Le Comité conclut que l’ingérence rigoureuse pour l’auteur, qui possède des liens intenses avec le Canada et ne semble pas avoir d’autres attaches avec Haïti que sa nationalité est disproportionnée au but légitime poursuivi par l’État partie. L’expulsion de l’auteur en Haïti constitue donc une violation par l’État partie des articles 17 et 23, paragraphe 1, du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 du Pacte.

10.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu de fournir à l’auteur un recours utile, consistant notamment de s’abstenir à l’expulser vers Haïti. L’État partie est, en outre, tenu à veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

[Adopté en français (version originale), en espagnol et en anglais. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

APPENDICE

Opinion individuelle (dissidente) de M. Krister Thelin, membre du Comité

La majorité des membres du Comité a conclu à une violation de l’article 17 du paragraphe 1 de l’article 23 du Pacte.

Avec tout le respect que je leur dois, je suis en désaccord avec eux.

L’auteur, né en 1987, est de nationalité haïtienne. Il a été condamné à trente‑trois mois de prison pour vol avec violence au Canada et, pour ce motif et conformément à la loi, a fait l’objet d’une décision d’expulsion vers Haïti par les autorités canadiennes.

Le souhait de l’auteur d’échapper à l’expulsion vers le pays dont il a la nationalité, où il n’a aucune famille et où la situation générale est moins favorable qu’au Canada, est certes compréhensible, mais la question que doit trancher le Comité est de savoir si l’exécution de l’arrêté légitime d’expulsion constituerait une immixtion disproportionnée dans la vie familiale de l’auteur. Compte tenu du fait que celui‑ci n’a pas fondé sa propre famille au Canada, même si ses parents et ses frères et sœurs y vivent, et de la gravité des délits dont il a été reconnu coupable, une expulsion vers Haïti ne constituerait pas à mes yeux une violation de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 du Pacte.

[signé]M. Krister Thelin

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle (dissidente) de M me  Ruth Wedgwood, membre du Comité

Même dans un monde globalisé, la règlementation de l’immigration est une question importante pour les États nations. Elle couvre le droit d’établir les conditions à remplir non seulement pour obtenir la nationalité mais aussi pour avoir un permis de séjour de longue durée. Le Comité n’a jamais prétendu suggérer que le Pacte contenait un code détaillé de la façon dont les États peuvent régir ces deux matières. Dans un petit nombre de cas toutefois, le Comité a conclu que les articles 17 et 23 du Pacte établissaient une certaine limite extérieure, en particulier lorsque l’expulsion d’un parent n’ayant pas la nationalité aurait pour résultat de laisser un enfant ayant, lui, la nationalité dépourvu de protection parentale. Voir l’affaire Winata c. Australie (no 930/2000, 29 juillet 2001) (l’expulsion des auteurs aurait privé un enfant de 13 ans de la protection de ses parents); l’affaire Byahuranga c. Danemark (no 1222/2003, 15 août 2003) (l’expulsion du mari aurait privé la femme et leurs quatre enfants mineurs, tous nationaux, de son soutien); et l’affaire Madafferi c. Australie (no 1011/2001, 26 août 2004) (l’expulsion du mari obligerait de facto la femme et les quatre enfants mineurs, tous nationaux australiens, à quitter également le pays). Il faut comparer avec l’affaire Sahid c. Nouvelle-Zélande (no 893/1999, 28 mars 2003) (pas de violation dans le cas de l’expulsion d’un grand-père maternel n’ayant pas la nationalité, puisque les parents ayant, eux, la nationalité pouvaient encore s’occuper des enfants). Dans l’affaire Sahid, le Comité a introduit le critère selon lequel, pour limiter la mise en œuvre par un État partie de sa législation relative à l’immigration en invoquant le droit à la vie de famille il faudrait prouver l’existence de «circonstances exceptionnelles».

Dans la présente affaire, le Comité n’a pas appliqué de façon cohérente cette jurisprudence. En l’espèce l’auteur n’a pas invoqué l’article 17 du Pacte dans sa communication alors qu’il était pourtant représenté par un conseil. Mais même dans le cadre des dispositions de l’article 17, lu conjointement avec l’article 23, il est difficile de voir comment une violation peut être établie.

À l’âge de 18 ans, l’auteur avait été reconnu coupable et condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour une infraction violente grave, c’est‑à‑dire pour «vols avec l’emploi de violence ou menace de violence contre sept personnes dont une a[vait] subi des blessures graves». Voir constatations du Comité, paragraphe 4.3. Il a aujourd’hui 22 ans. Il n’est pas marié et n’a pas d’enfant même s’il affirme avoir une «relation stable depuis 2001 avec sa petite amie». Voir constatations, paragraphes 3.3 et 4.7.

Le Comité n’avance aucun motif qui interdirait l’expulsion de l’auteur une fois qu’il sera libéré, si ce n’est le droit à la vie de famille consacré par le Pacte. Voir constatations, paragraphe 8.3. Or la seule raison donnée dans le dossier pour expliquer pourquoi, contrairement à ses frères et sœurs, l’auteur n’a pas été naturalisé, est l’éloignement d’avec sa famille. L’auteur dit que ses parents n’ont jamais «terminé les procédures pour l’obtention de la citoyenneté (…) en ce qui le concerne». Voir constatations, paragraphe 2.1. Avant de commettre ces vols avec violence, «à partir de l’âge de 13 ans, l’auteur habitait principalement dans des centres de jeunesse et foyers d’accueil» et «sa famille ne lui a pas porté secours lorsqu’il a sombré dans la criminalité et la toxicomanie». Voir constatations, paragraphe 6.

Toute personne ayant un peu d’humanité ne peut que souhaiter que l’auteur s’en sorte mieux dans la vie. Mais de son côté l’État partie a le droit légitime de prendre en considération un passé criminel pour refuser d’autoriser un non-citoyen à demeurer au Canada. L’État partie a engagé une procédure d’expulsion contre l’auteur en application du paragraphe 1 a) de l’article 36 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui dispose qu’un résident permanent ou un étranger peut être interdit de territoire «pour grande criminalité» s’il a été reconnu coupable d’une infraction à une loi fédérale «pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois [a été] infligé».

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, y compris les opinions dissidentes, semble parfois inspirer le Comité − même si ces affaires sont fondées sur un instrument différent et ne représentent pas une autorité directe pour l’interprétation du Pacte. Il serait également souhaitable que les travaux préparatoires du Pacte − y compris les délibérations et les négociations des rédacteurs − soient aisément disponibles et souvent consultés.

Quoi qu’il en soit, il est intéressant de relever que de même que le Comité des droits de l’homme a posé une limite à la portée des articles 17 et 23 du Pacte, de même la Cour européenne des droits de l’homme a accepté la validité de décisions des États relatives à la résidence et à la naturalisation quand un étranger résident avait eu un comportement criminel grave.

Ainsi, l’affaire Bouchelkia c. France (no 112/1995/618/708, 22 janvier 1997) est pertinente. Dans cette affaire, le requérant, non français, avait été condamné pour «viol aggravé» alors qu’il était mineur et avait été expulsé vers l’Algérie. Il était retourné en France pour retrouver sa compagne, avait eu un enfant et s’était marié. La situation en Algérie était telle que sa femme et son enfant ne pouvaient pas l’accompagner. De plus, il était «particulièrement proche» de sa mère, «même quand il était en prison». Néanmoins la Cour européenne avait conclu que compte tenu de la gravité de l’infraction commise il n’y avait pas lieu de contester la décision de l’État partie de l’expulser une deuxième fois. La Cour avait conclu que «les autorités pouvaient légitimement considérer que la [première] expulsion du requérant était … nécessaire pour prévenir les troubles à l’ordre public et la criminalité» et que la situation n’avait pas changé. Voir arrêt de la Cour, paragraphes 51 à 53.

La juge Elizabeth Palm, qui est devenue plus tard membre du Comité des droits de l’homme, avait émis une opinion dissidente dans l’affaire Bouchelkia soulignant qu’«en règle générale, les immigrés de la seconde génération doivent être traités de la même manière que les nationaux. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que l’expulsion de non-nationaux peut être admise.». Malgré le profond respect dû aux connaissances et à l’expérience de Mme Palm, cette opinion minoritaire de la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas été la règle suivie par le Comité des droits de l’homme dans son application du Pacte.

En outre, dans l’affaire Boujlifa c. France (no 122/1996/741/1940, 21 octobre 1997), la Cour européenne des droits de l’homme a établi qu’il n’y avait pas eu d’atteinte illégitime à la vie de famille dans l’expulsion du requérant, qui avait été condamné pour vol à main armée. Il avait résidé en France depuis l’âge de 5 ans, semblait avoir gardé des contacts avec ses parents et ses huit frères et sœurs, qui étaient au bénéfice d’un permis de résidence, et qu’il avait «cohabité avec une Française». Néanmoins, par 6 voix contre 3, la Cour européenne avait estimé que les États pouvaient «maintenir l’ordre public, en particulier en exerçant le droit, établi en droit international et sous réserve de leurs obligations conventionnelles, de contrôler l’entrée et le séjour des étrangers. À cette fin ils ont la faculté d’expulser des étrangers condamnés pour une infraction pénale.».

C’est là un domaine où le Comité doit agir avec précaution. Les règles peuvent avoir des conséquences inattendues. Et si le respect de la vie de famille est invoqué pour aboutir à interdire de fait la prise en considération d’un comportement criminel dans les décisions relatives au séjour (et peut-être même à la nationalité) les États risquent de réagir en réédifiant les frontières qui ont rendu l’immigration beaucoup plus difficile pour ceux qui cherchent des perspectives économiques ou sociales meilleures.

[Signé] Mme Ruth Wedgwood

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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