NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/96/D/1585/200721 août 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑seizième session13‑31 juillet 2009

CONSTATATIONS

Communication n o  1585/2007

Présentée par:

Batyrova Zoolfiya (représentée par un conseil, Verenin S.)

Au nom de:

Batyrov Zafar (père de l’auteur)

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

6 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 15 août 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

30 juillet 2009

Objet: Allégation de violation du droit à la liberté de circulation

Questions de procédure: Griefs non étayés

Question s de fond: Droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien; appréciation des faits et des preuves

Article s du Pacte: 12 (par. 2 et 3), 14 (par. 1, 3 b) et 3 e)) et 15 (par. 1)

Article s du Protocole facultatif: 2 et 5 (par. 2 b))

Le 30 juillet 2009, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations concernant la communication no 1585/2007 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre - vingt - seizième session

concernant la

Communication n o 1585/2007*

Présentée par:

Batyrova Zoolfiya (représentée par un conseil, Verenin S.)

Au nom de:

Batyrov Zafar (père de l’auteur)

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

6 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 30 juillet 2009,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1585/2007 présentée au nom de M. Batyrov Zafar en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Zoolfiya Batyrova, de nationalité ouzbèke, née en 1971, qui présente la communication au nom de son père, Zafar Batyrov, également de nationalité ouzbèke, né en 1946. Elle affirme que son père est victime de violations par l’Ouzbékistan des droits qu’il tient des paragraphes 2 et 3 de l’article 12, des paragraphes 1 et 3 b) et 3 e) de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 12 décembre 1995. L’auteur est représentée par un conseil, Verenin S.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1Le 25 septembre 2006, le père de l’auteur a été reconnu coupable et condamné à cinq ans d’emprisonnement en vertu du paragraphe 3 de l’article 184, du paragraphe 2 a) et 2 b) de l’article 205 et du paragraphe 2 c) de l’article 223 du Code pénal ouzbek, pour «non‑paiement de sommes particulièrement importantes dues au titre de l’impôt», «abus de pouvoir ayant causé des dommages particulièrement graves» et «voyage illégal à l’étranger ou sortie illégale de la République d’Ouzbékistan».

2.2Le 29 mai 2006 ou aux alentours de cette date, le père de l’auteur, qui dirigeait à l’époque une entreprise publique de gaz et qui était élu au conseil régional de la région de Khorezm et au Conseil suprême de la République du Karakalpakstan, avait été envoyé en voyage d’affaires officiel à Achgabat (Turkménistan) pour participer à des négociations sur le transport de gaz naturel du Turkménistan vers l’Ouzbékistan. Ce voyage faisait suite à une lettre d’invitation officielle du Gouvernement turkmène.

2.3Le père de l’auteur résidait à l’époque dans la province de Khorezm en Ouzbékistan, près de la frontière turkmène. Pour participer à la réunion d’affaires, il avait passé en voiture la frontière entre l’Ouzbékistan et la région frontalière turkmène de Dashoguz, en remplissant toutes les formalités exigées au poste frontière no 1. L’auteur affirme que les deux pays ont signé en 2004 un accord intitulé «Circulation des citoyens et simplification des règles pour les citoyens qui résident dans les zones frontalières», lequel dispense de visa les citoyens résidant dans les régions ouzbèkes de Boukhara et de Khorezm qui souhaitent se rendre dans les régions turkmènes de Dashoguz et de Lebap et en revenir, pour une durée de trois jours au maximum une fois par mois. Le passeport du père de l’auteur porte un cachetqui pourrait confirmer qu’il était resté au Turkménistan moins de trois jours. Il avait ensuite utilisé le visa d’entrée délivré par le Turkménistan pour se rendre à Achgabat en avion.

2.4Les 1er et 2 juin 2006, le père de l’auteur avait participé à Achgabat aux négociations sur le transport de gaz naturel entre les deux pays, qui avaient abouti à la signature d’un protocole sur les termes et les dispositions des futurs contrats. Le 2 juin 2006, il était retourné en avion dans la région de Dashoguz (Turkménistan). Il avait ensuite passé la frontière ouzbèke sans incident, par le même poste frontière no 1, en s’acquittant des formalités de contrôle nécessaires à la frontière.

2.5Le 25 août 2006, le père de l’auteur avait été arrêté et inculpé pour avoir franchi illégalement la frontière ouzbéko‑turkmène avec un visa de sortie périmé délivré par le Département des visas et de l’enregistrement, et pour ne pas avoir obtenu l’accord du maire de la province de Khorezm et du Président du Conseil suprême de la République du Karakalpakstan avant de quitter le Turkménistan, en violation de l’article 223, paragraphe 2 c), du Code pénal ouzbek. Selon cette disposition, les élus doivent obtenir une autorisation spéciale pour voyager à l’étranger. L’auteur fait valoir que l’article 223, paragraphe 2 c), du Code pénal ne contient aucune information sur les procédures à suivre pour obtenir cet accord, ni sur sa forme, ses termes et ses conditions. Par conséquent, elle affirme que comme le maire de sa province d’origine était absent au moment de son départ, son père a organisé le voyage avec l’adjoint au maire. En outre, il avait séjourné au Turkménistan uniquement pour affaires. L’auteur a transmis une copie d’une lettre du Conseil suprême de la République du Karakalpakstan indiquant qu’aucune délégation parlementaire du Karakalpakstan ne s’était rendue au Turkménistan en 2006.

2.6L’auteur affirme que, conformément à l’annexe 1 du décret du Conseil des ministres no 8, du 6 janvier 1995, et à l’Instruction no 760, du 1er juillet 1999, confirmée par le Ministère de la justice, les citoyens ouzbèkes n’ont pas besoin d’un visa de sortie pour se rendre dans les États membres de la CEI, y compris le Turkménistan. Elle se réfère aussi aux dispositions d’un autre accord signé en 2004 entre l’Ouzbékistan et le Turkménistan intitulé «Franchissement de la frontière ouzbéko‑turkmène par les citoyens servant des intérêts économiques situés dans les zones frontalières des deux pays», selon lesquelles les citoyens d’un pays poursuivant des objectifs économiques, comme le père de l’auteur, peuvent entrer sur le territoire des zones frontalières des deux pays, y séjourner et en sortir sans visa s’ils sont munis d’autorisations délivrées à la frontière par les organismes compétents de l’État, sur la base de listes de noms établies à l’avance. L’auteur renvoie à la correspondance entre le Ministère des affaires étrangères de l’Ouzbékistan et l’entreprise publique de gaz, qui a autorisé le voyage d’affaires de son père, et affirme que cette liste, où figure notamment le nom de son père, a été établie conformément à la procédure.

2.7Le père de l’auteur a également été inculpé d’«évasion fiscale ou autre soustraction» en vertu de l’article 184, paragraphe 3, du Code pénal ouzbek. L’évasion fiscale est notamment définie comme «une tromperie des organismes fiscaux destinée à dissimuler et à diminuer notablement le montant des prélèvements obligatoires en faveur de l’État ou des budgets locaux». L’auteur fait valoir qu’aucune information recueillie au cours des enquêtes, qu’il s’agisse de rapports d’audit ou de déclarations de témoins, n’a apporté la moindre preuve que son père ait commis de tels actes.

2.8Le père de l’auteur a également été inculpé d’«abus d’autorité» en vertu de l’article 205, paragraphe 2, du Code pénal ouzbek. L’abus d’autorité est notamment défini comme «l’abus intentionnel de son autorité par un élu, qui cause [...] un préjudice important aux droits et intérêts des citoyens ou aux intérêts de l’État et du public». L’auteur fait valoir que ni l’enquête préliminaire ni l’enquête judiciaire n’ont jamais établi le montant du dommage causé par son père à la suite d’un quelconque acte de ce type.

2.9Le 25 septembre 2006, le père de l’auteur a été reconnu coupable en vertu du paragraphe 3 de l’article 184, du paragraphe 2 a) et b) de l’article 205 et du paragraphe 2 c) de l’article 223 du Code pénal ouzbek et condamné à cinq ans d’emprisonnement par le tribunal de district de Bagat. L’auteur dénonce les nombreuses violations de la procédure commises au cours de la procédure judiciaire, la partialité de la juridiction de jugement et les contradictions dans la condamnation au regard des faits de la cause.

2.10L’auteur affirme que l’avocat de son père n’a pas été informé de la procédure et n’a donc pas pu défendre son client pendant des parties essentielles de l’action en justice, alors que le tribunal disposait de ses coordonnées. L’avocat a été informé par un tiers de l’ouverture de la procédure judiciaire. Il a fait valoir cette infraction devant le tribunal lors d’une des audiences, au cours de laquelle il a appris que l’enquête était achevée. L’avocat a invoqué ce vice de procédure pour demander que la procédure soit recommencée, mais son recours a été rejeté. Un autre appel visant à ce que la procédure soit recommencée en raison de nouvelles circonstances, c’est-à-dire l’existence de nouveaux témoins, a également été rejeté.

2.11En outre, l’auteur affirme que l’avocat de son père n’a pas eu le droit de s’entretenir avec son client pendant sa détention. L’avocat s’est plaint auprès du bureau du procureur et du tribunal et a demandé à rencontrer le père de l’auteur.

2.12L’auteur affirme que la condamnation contient des incohérences et des contradictions portant sur les faits et les preuves. Neuf pages de motions de défense et 18 autres annexes n’ont pas été examinées par le tribunal. La condamnation ne précise pas pour quels motifs le tribunal a rejeté les preuves et documents présentés par la défense. L’avocat du père de l’auteur a déposé devant le tribunal régional de Khorezm un recours dénonçant toutes ces violations. Avant le début de l’audience en appel, l’avocat a demandé à s’entretenir avec le père de l’auteur, demande qui a de nouveau été rejetée. Il n’a même pas eu l’autorisation de s’entretenir avec lui en tête à tête dans l’enceinte du tribunal avant l’ouverture de l’audience, et n’a pu lui parler qu’au cours de celle‑ci. Sa demande a été rejetée par le président du collège du tribunal qui a examiné l’affaire.

2.13L’auteur affirme que, à l’audience en appel, l’avocat a fait valoir les violations de procédure commises lors du procès au tribunal de district. La cour d’appel a rejeté ses griefs et a confirmé la décision du tribunal de district de Bagat. L’avocat a alors déposé devant le tribunal régional de Khorezm un recours en révision, qui a été rejeté le 28 novembre 2006. Le recours en révision qu’il a déposé ensuite devant la Cour suprême a été également rejeté, en date du 16 mars 2007.

2.14Le 30 novembre 2006, le Parlement ouzbek a adopté un décret intitulé «L’amnistie décrétée à l’occasion du quatorzième anniversaire de l’indépendance de l’Ouzbékistan». Le père de l’auteur n’a pas bénéficié de cette amnistie, alors qu’il avait 60 ans au moment où le décret a été publié et qu’il aurait dû faire partie des bénéficiaires, selon les critères retenus. L’avocat a fait appel devant le Département principal de l’application des peines et le tribunal de district de Bagat en leur demandant de préciser les raisons pour lesquelles le père de l’auteur n’avait pas bénéficié de l’amnistie. Il n’a jamais reçu de réponse.

Teneur de la plainte

3.1 L’auteur affirme que son père a été condamné illégalement pour s’être rendu à l’étranger pour affaires, ce qui ne constituait pas une menace pour la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui, en violation de ses droits au titre des paragraphes 2 et 3 de l’article 12 du Pacte.

3.2 L’auteur fait valoir que les incohérences et les contradictions portant sur les faits et les preuves contenues dans la condamnation et le défaut d’examen des motions de défense par le tribunal constituent une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

3.3L’auteur affirme aussi que l’avocat de son père n’a pas été tenu informé des procédures et n’a donc pas pu défendre son père à des moments importants du procès, et qu’on lui a refusé la possibilité de le rencontrer durant sa détention, en violation du paragraphe 3 b) de l’article 14. Elle fait valoir que le refus opposé à l’avocat qui demandait la comparution d’autres témoins est une violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte.

3.4L’auteur affirme que son père a été jugé coupable d’actes qui n’étaient pas délictueux, en violation du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une lettre datée du 15 octobre 2007, l’État partie rappelle les faits présentés par l’auteur et affirme que la culpabilité du père de l’auteur a été établie à partir des preuves qui ont été obtenues au cours de l’enquête et corroborées au procès. Il fait valoir que les actes de l’auteur ont été appréciés correctement et que la condamnation a été déterminée conformément à la loi.

4.2L’État indique en outre pour étayer son argumentation que le 20 août 2007, le tribunal pénal de la ville de Tachkent a rendu une autre décision reconnaissant le père de l’auteur coupable en vertu des articles suivants du Code pénal: paragraphe 3 a) et b) de l’article 167 relatif au détournement ou à la malversation de fonds; article 179 relatif à l’usurpation de la qualité d’entrepreneur; paragraphe 2 a), b) et c) de l’article 205 relatif à l’abus d’autorité et de fonctions officielles; paragraphe 2 a) et b) de l’article 209 relatif à la falsification de documents; paragraphe 3 a), b) et c) de l’article 210 relatif aux pots‑de‑vin; et paragraphe 1 de l’article 242 relatif à l’association de malfaiteurs. Il l’a condamné à 12 ans et 6 mois d’emprisonnement en vertu de l’article 59 du Code pénal de l’État partie. L’État partie affirme que, grâce à la confusion des peines prononcées le 25 décembre 2006 et le 20 août 2007, l’auteur a été condamné à treize ans d’emprisonnement. Conformément au décret du 30 novembre 2006 sur l’amnistie, la durée de sa peine a ensuite été réduite du quart.

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie

5.1Dans une lettre datée du 10 décembre 2007, l’auteur fait valoir que dans ses observations l’État partie n’a pas réfuté ses arguments mais a au contraire prouvé que son père n’avait commis aucune infraction pénale. Elle souligne que l’État partie n’a réfuté aucune des allégations de violation du Pacte.

5.2L’auteur affirme que la deuxième affaire pénale examinée par le tribunal pénal de Tachkent ne visait qu’à corriger les erreurs commises au cours de l’enquête et de la procédure judiciaire dans la première affaire. Au cours de l’enquête préliminaire de la deuxième affaire pénale, l’avocat de son père a déposé de nombreuses plaintes concernant des irrégularités de procédure dans le recueil et l’appréciation des preuves, et des violations des droits de la défense. Aucune de ces plaintes n’a été prise en considération.

5.3L’auteur fait valoir qu’avant le début du second procès, la section judiciaire du tribunal de Tachkent n’a pas tenu compte des requêtes présentées par l’avocat de son père en vue d’engager un second avocat. L’action pénale n’a pas fait l’objet d’un examen au fond au cours du procès. L’auteur donne une liste d’exemples ayant trait à chaque article du Code pénal pour lesquels le tribunal a rejeté ou n’a pas examiné les témoignages et autres éléments de preuve. Si le montant des dommages matériels causés par son père était si élevé, pourquoi personne n’a engagé de poursuites civiles? Les requêtes présentées en vue de faire comparaître des témoins dont les dépositions auraient été essentielles dans cette affaire ont toutes été rejetées. Parallèlement, aucune des requêtes formulées par le ministère public n’a été rejetée.

5.4L’auteur ajoute que le procès‑verbal du procès a été publié quatorze jours après que la décision a été rendue. Cela a permis de le falsifier et d’y ajouter des éléments, parce qu’il contenait de nombreuses inexactitudes. L’auteur a soumis une note relative au procès‑verbal du procès au tribunal municipal de Tachkent chargé des affaires pénales.

5.5L’auteur ajoute que les griefs ci‑dessus constituent également des violations des articles 6, 7, 10, et des paragraphes 2 et 3 d) de l’article 14 du Pacte.

Réponses complémentaires de l ’ auteur

6. Dans une lettre du 21 mars 2009, l’auteur indique que l’état de santé de son père s’est nettement dégradé. Son père a été placé en observation ambulatoire au Centre de cardiologie et il a été établi qu’il souffre de «cardiopathie ischémique de forme arythmique et d’arythmie ciliaire de forme paroxystique». En 2003, une hypertension du premierdegré avait été diagnostiquée en plus de maladies cardiaques et d’une hyperplasie bénigne de la prostate. En 2005, l’hypertension a atteint le second degré. En juillet 2007, le personnel médical de la prison a confirmé une cardiopathie ischémique, une sténocardie stable FK’2, une arythmie ciliaire paroxystique et une hypertension du second degré. En outre, il a diagnostiqué un diabète pancréatique de type 2. L’auteur affirme que ces diagnostics montrent que la vie de son père sera en danger si des mesures préventives ne sont pas prises à temps. Elle demande au Comité d’accélérer l’examen de l’affaire afin d’éviter des dommages irréparables.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) et b) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note également que l’État partie n’a pas contesté que les recours internes avaient été épuisés.

7.3Le Comité a pris note des allégations de l’auteur sur la manière dont les tribunaux ont traité l’affaire, apprécié les preuves, qualifié les actes présumés et déterminé sa culpabilité, qui d’après l’auteur peuvent soulever des questions au titre des paragraphes 1 et 3 b) et e) de l’article 14 du Pacte. Il relève cependant que ces allégations ont trait essentiellement à l’appréciation des faits et des preuves par les tribunaux de l’État partie. Il rappelle que c’est généralement aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les preuves dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice. En l’absence d’autres informations pertinentes, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif faute d’avoir été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

7.4Le Comité note que l’auteur affirme que le droit consacré au paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte a été violé. Cependant, l’auteur ne donne pas suffisamment d’informations pour étayer ce grief. En conséquence, cette partie de la communication est considérée comme irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’avoir été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

7.5Le Comité a également noté que dans une de ses plus récentes lettres l’auteur a également fait valoir des violations des articles 6, 7, 10 et des paragraphes 2 et 3 d) de l’article 14 du Pacte, qu’elle n’avait pas mentionnées avant. Il estime que l’auteur n’a pas apporté des informations suffisantes pour étayer ces nouvelles allégations. Le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif car elle est insuffisamment étayée.

7.6Le Comité considère que les autres allégations de l’auteur, qui semblent soulever des questions au regard des paragraphes 2 et 3 de l’article 12 du Pacte, ont été suffisamment étayées aux fins de la recevabilité et les déclare donc recevables.

Examen au fond

8.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations fournies par les parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.2Le Comité note que l’auteur affirme que le droit de son père de quitter n’importe quel pays, y compris le sien, garanti par les paragraphes 2 et 3 de l’article 12, a été violé. Il relève que l’État partie n’a pas réfuté les allégations de l’auteur mais a simplement déclaré que les chefs d’inculpation étaient fondés sur des preuves obtenues au cours de l’enquête et vérifiées au procès.

8.3Le Comité rappelle son Observation générale no 27 relative à l’article 12, dans laquelle il a indiqué que la liberté de circulation était une condition indispensable au libre développement de l’individu. Cependant, il rappelle également que les droits visés à l’article 12 ne sont pas absolus. Le paragraphe 3 de l’article 12 du Pacte prévoit des cas exceptionnels dans lesquels l’exercice des droits visés à l’article 12 peut être restreint. Conformément aux dispositions de ce paragraphe, un État partie ne peut restreindre l’exercice de ces droits que si les restrictions sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et sont compatibles avec les autres droits reconnus par le Pacte. Dans son Observation générale no 27, le Comité a noté «qu’il ne suffit pas que les restrictions servent les buts autorisés; celles‑ci doivent également être nécessaires pour protéger ces buts» et que «les mesures restrictives doivent être conformes au principe de la proportionnalité; elles doivent être appropriées pour remplir leurs fonctions de protection». En l’espèce toutefois, l’État partie n’a pas donné d’informations montrant la nécessité de la restriction ni la justifiant au regard du principe de proportionnalité. Dans ces circonstances, le Comité conclut qu’il y a eu violation des paragraphes 2 et 3 de l’article 12 du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des paragraphes 2 et 3 de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

10.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’offrir à l’auteur un recours utile, y compris une indemnisation, ainsi que de modifier sa législation qui régit la sortie du pays afin de la mettre en conformité avec les dispositions du Pacte. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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