Nations Unies

CAT/OP/PRT/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

3 juillet 2019

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite au Portugal du 1er au 10 mai 2018 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mise en œuvre du Protocole facultatif : le mécanisme national de prévention3

III.Problèmes généraux7

A.Cadre institutionnel7

B.Mécanismes de plainte9

IV.Prévention de la torture et des mauvais traitements10

A.Police10

B.Prisons10

C.Soins psychiatriques11

V.Pratiques et procédures policières12

A.Garanties fondamentales pendant la garde à vue12

B.Conditions matérielles de garde à vue12

VI.Prisons12

A.Conditions matérielles de détention dans les prisons12

B.Discipline13

VII.Soins de santé15

A.Observations et préoccupations générales15

B.Examens médicaux16

C.Prisons17

D.Unités médico-légales18

E.Établissements psychiatriques18

VIII.Prochaines étapes19

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee21

II.Places of deprivation of liberty visited jointly by the national preventive mechanism and the Subcommittee22

III.List of government officials and other persons with whom the Subcommittee met23

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a effectué sa première visite régulière au Portugal du 1er au 10 mai 2018.

2.La délégation du Sous-Comité était composée des membres suivants : Nora Sveaass (chef de délégation), Satyabhooshun Gupt Domah, Roberto Michel Fehér Pérez, Kosta Mitrović et Margarete Osterfeld. Elle était assistée de trois spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), deux agents de sécurité de l’ONU et quatre interprètes.

3.Au cours de la visite, la délégation s’est rendue dans des postes de police, des établissements pénitentiaires, des centres médicaux, des établissements psychiatriques et des centres de détention pour migrants (annexe I), a observé l’action menée par le mécanisme national de prévention dans des lieux de privation de liberté (annexe II) et a rencontré des représentants de plusieurs autorités gouvernementales, des fonctionnaires, des parlementaires, la médiatrice (dont le bureau fait office de mécanisme national de prévention) et des membres de la société civile (annexe III).

4.À la fin de la visite, la délégation a présenté ses observations préliminaires aux autorités publiques et aux représentants du Gouvernement, oralement et à titre confidentiel.

5.On trouvera dans le présent rapport les conclusions et recommandations formulées par le Sous-Comité concernant la prévention de la torture et des autres mauvais traitements à l’égard des personnes privées de liberté au Portugal. Le Sous-Comité adressera à l’État partie un autre rapport, confidentiel, dans lequel il formulera des recommandations à l’intention du mécanisme.

6. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire distribuer le présent rapport à tous les organes, services et établissements concernés, nota mment − mais non exclusivement − à ceux qui y sont mentionnés.

7.Le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que le Portugal décide de le rendre public, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif.

8. Le Sous-Comité recommande au Portugal de rendre public le présent rap port conformément au paragraphe  2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif.

9.Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé par l’article 26 du Protocole facultatif, dont les règles prévoient que les recommandations formulées dans les rapports de visite du Sous-Comité qui ont été rendus publics peuvent servir de base à une demande de financement de projets.

10.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités portugaises de l’avoir aidé à organiser sa visite et d’avoir contribué au bon déroulement de celle-ci.

II.Mise en œuvre du Protocole facultatif : le mécanisme national de prévention

11.Le Portugal a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 15 janvier 2013. Le 23 mai 2013, le Sous-Comité a été informé que le bureau du médiateur (Provedor de Justiça) avait été désigné comme mécanisme national de prévention par une résolution du Conseil des ministres en date du 9 mai 2013.

12.Outre qu’il fait office d’institution nationale des droits de l’homme, le bureau du médiateur effectue donc des visites inopinées dans des lieux de privation de liberté (établissements pénitentiaires, centres éducatifs, centres de détention administrés par la police et hôpitaux psychiatriques). En outre, conformément à la résolution du Conseil des ministres, il est habilité à faire des recommandations aux autorités compétentes et à soumettre des propositions et des observations concernant aussi bien la législation en vigueur que les projets de loi relatifs aux questions relevant du Protocole facultatif’.

13.Aux fins de l’exercice des fonctions du mécanisme national de prévention, le médiateur est assisté par une structure d’appui qui l’aide à choisir les lieux de détention à visiter, à organiser et effectuer les visites, à recueillir des données et à analyser les informations obtenues. Cette structure est composée d’un conseil consultatif, d’un comité directeur et d’une équipe de visiteurs. Le conseil consultatif compte 12 membres : le médiateur (président) ; 6 membres nommés par la Commission parlementaire des affaires, libertés, garanties et droits constitutionnels, le Conseil supérieur des magistrats du siège, le Conseil supérieur des magistrats du parquet, l’Ordre des avocats, l’Ordre des médecins et l’Ordre des psychologues (1 membre chacun) ; 3 membres nommés par le médiateur devant posséder les plus hautes qualités de déontologie et de civisme ; 2 membres représentant les organisations de la société civile dont les activités s’inscrivent dans l’objectif du mécanisme. Le comité directeur, qui compte trois membres, établit le programme de visite annuel du mécanisme. La plupart des visites se déroulent en présence d’un de ses membres. Chaque visite d’un lieu de détention est effectuée par une équipe de neuf membres du bureau du médiateur spécialement choisis pour leur expérience et leurs connaissances.

14.Faute de crédits affectés au mécanisme national de prévention, les activités de celui-ci ont dû être financées au moyen des ressources ordinaires du bureau du médiateur. Le mandat du mécanisme n’étant pas clairement séparé de celui de l’institution nationale des droits de l’homme, son exécution ne fait pas l’objet d’une rubrique budgétaire distincte. Le Sous-Comité constate qu’aucune disposition législative ne prévoit expressément l’affectation de fonds au mécanisme et souligne que ce manque d’autonomie budgétaire peut nuire à l’indépendance de fonctionnement du cette institution.

15.S’il n’y pas un seul modèle de mécanisme répondant aux exigences du Protocole facultatif, il est néanmoins évident que lorsqu’une institution nationale des droits de l’homme est désignée pour faire office de mécanisme national de prévention, il faut s’assurer que sa structure lui permettra de s’acquitter du mandat qui lui a été confié. L’expérience montre que c’est lorsqu’il constitue une entité distincte au sein de l’institution nationale des droits de l’homme que le mécanisme national de prévention est le plus efficace. Cela ne semble toutefois pas être le cas du mécanisme portugais, qui, de surcroît, devrait être entièrement autonome en ce qui concerne le personnel, mais ne l’est pas puisqu’il ne dispose pas de ses propres effectifs. Tous les membres de l’équipe exercent des fonctions à la fois au sein du mécanisme national de prévention et au sein de l’institution nationale des droits de l’homme. Dans cette situation, il est très difficile, sinon impossible, de travailler de manière systématique et planifiée.

16.Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que, si le bureau du médiateur a été désigné pour exercer les fonctions de mécanisme national de prévention, il n’a néanmoins pas été doté de toutes les ressources humaines et autres dont il a besoin pour ce faire. Le Sous-Comité rappelle qu’en application du paragraphe 3 de l’article 18 du Protocole facultatif, les États parties doivent s’engager à dégager les ressources nécessaires au fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention. Sans ressources humaines et autres suffisantes, le mécanisme ne peut pas accomplir pleinement et efficacement sa mission de prévention.

17.Le Sous-Comité est également préoccupé par le fait que, malgré les efforts de la médiatrice, les autorités n’ont pas alloué de fonds supplémentaires pour le mécanisme national de prévention, estimant que ce n’était pas nécessaire. Le Sous-Comité ne partage pas cette opinion. En 2015, la Commission parlementaire des affaires, libertés, garanties et droits constitutionnels avait rejeté la proposition du médiateur tendant à ce que trois membres du personnel soient exclusivement affectés au mécanisme national de prévention, mais la médiatrice a informé la délégation qu’elle espérait pouvoir enfin engager une personne travaillant à plein temps pour le mécanisme.

18.Le Sous-Comité rappelle à l’État partie que, pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat, le mécanisme national de prévention doit disposer de son propre secrétariat et de son propre personnel et pouvoir faire appel à des spécialistes extérieurs, y compris des experts médicaux et des interprètes, lorsqu’il a besoin de compétences dont il ne dispose pas en interne. Afin de garantir l’indépendance fonctionnelle et opérationnelle du mécanisme, l’État partie devrait dialoguer directement et constructivement avec cet organe en vue de définir clairement la nature et l’ampleur des ressources dont il a besoin pour pouvoir s’acquitter de son mandat conformément aux dispositions du Protocole facultatif.

19.D’après le rapport annuel de 2014 établi par le médiateur, en collaboration avec les membres du conseil consultatif, le mécanisme national de prévention a établi une liste d’experts susceptibles de participer à ses visites. En 2016, le mécanisme s’est rendu dans 53 lieux de privation de liberté. Les visites ont été effectuées par des équipes composées des membres du conseil consultatif, de l’équipe de visiteurs et d’experts externesdont la délégation a été informée qu’elles comptaient généralement 15 spécialistes (14 avocats et 1 psychologue). Le Sous-Comité est d’avis que, pour que les visites soient conformes aux dispositions du Protocole facultatif, ces équipes doivent disposer de compétences et de connaissances plus vastes et comprendre d’autres experts, par exemple des experts médicaux.

20.Le Sous-Comité souligne que le mécanisme national de prévention devrait venir compléter, plutôt que remplacer, les mécanismes de surveillance existants, et faciliter la coopération et la coordination entre ceux-ci. Pour que chacun puisse s’acquitter de son mandat efficacement et en toute indépendance, le mécanisme national de prévention et le bureau du médiateur devraient clairement séparer leurs ressources humaines, financières et techniques.

21. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de s ’ employer à titre prioritaire à allouer au mécanisme national de prévention les ressources financières dont il a besoin, comme l ’ exigent ses directives concernant les mécanismes nationaux de prévention (CA T/OP/12/5, par.  11) et les dispositions du paragraphe  3 de l ’article  18 du Protocole facultatif. Pour fonctionner de mani ère totalement indépendante, le  mécanisme doit exercer un contrôle total sur ses effectifs et ne pas dépendre des décisions d ’ autres organes publics.

22. Comme il l ’ a déjà fait lorsqu ’ il a abordé la question des demandes de financement des mécanismes nationaux de préve ntion (CAT/C/57/4, annexe, par. 11 à  23), le Sous-Comité recommande que les crédits alloués au mécanisme national de prévention fassent l ’ objet d ’ une rubrique distincte dans le budget annuel du pays. Le  Sous-Comité recommande également que le montant des ressources affectées au mécanisme national de prévention permette à celui-ci de mener à bien son programme de visites, d ’ engager du personnel travaillant exclusivement pour lui, de recourir aux services d ’ experts extérieurs et de participer régulièrement à des formations.

23.Le Sous-Comité demande instamment à l ’ État partie de s ’ employer, en étroite coopération avec le mécanisme national de prévention, à examiner le cadre juridique dans lequel ce dernier opère afin de le rendre pleinement conforme à toutes les normes et directives internationales pertinentes et ainsi de régler tout problème existant ou éventuel susceptible de l ’ empêcher de s ’ acquitter de son mandat efficacement et en toute indépendance. Il conviendra pour ce faire de tenir compte des besoins concrets du mécanisme et de ses modalités de fonctionnement, et envisager de simplifier sa structure d ’ appui afin de le rendre plus efficace et plus rationnel.

24.Le Sous-Comité a été informé que le mécanisme national de prévention avait des difficultés à accéder aux lieux de privation de liberté non traditionnels tels que les hôpitaux psychiatriques et les centres sociaux, et surtout à ceux qui étaient administrés par des entreprises privées. Il souligne qu’en application de l’article 4 du Protocole facultatif, l’État partie doit autoriser les visites dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté. Tout lieu dans lequel une personne est ou pourrait être privée de liberté en ce sens qu’elle ne peut pas exercer sa liberté de circulation devrait donc relever de la compétence du mécanisme national de prévention.

25.L e Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une interprétation large des notions de détention et de lieu de privation de liberté afin d ’ optimiser l ’ effet des activités du mécanisme national de prévention (ibid . , par.  1 à  3). Il recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que le mécanisme puisse, en droit et en pratique, accéder à tout lieu dans lequel il a des raisons de penser que des personnes sont ou pourraient être privées de libe rté, conformément aux articles 4, 19 et  20 du Protocole facultatif.

26.Le Sous-Comité constate que les activités du mécanisme national de prévention consistent principalement à contrôler les lieux de détention. Bien que le mécanisme soit habilité à formuler des propositions et des observations au sujet de projets de loi, les organes législatifs ne lui ont jamais soumis aucun texte pour examen.

27. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures juridiques et budgétaires qui s ’ imposent pour que, en plus de visiter les lieux de privation de liberté, le mécanisme national de prévention mène d ’ autres activités, par exemple qu ’ il formule des observations sur les projets de loi et organise des activités de sensibilisation et de form ation, comme prévu aux articles  4 et 19 du Protocole facultatif.

28.Lors des visites qu’elle a effectuées à la prison de Carregueira et au centre éducatif pour mineurs Navarro de Paiva avec les membres du bureau du médiateur, la délégation a constaté avec satisfaction que ceux-ci étaient bien considérés tant par les autorités pénitentiaires que par les détenus et avaient pleinement accès à tous les lieux de détention au sein de la prison et à toutes les informations concernant le nombre de détenus et les conditions carcérales.

29.Toutefois, il ressort des réunions que la délégation a tenues avec certaines autorités compétentes que le mécanisme national de prévention est méconnu. Ses activités n’ont guère de retentissement et son rôle par rapport au bureau du médiateur n’est peut-être pas bien compris. Il faut donner davantage de publicité à ses rapports et, surtout, à la suite donnée aux recommandations qui y sont formulées. Le Sous-Comité constate que le mécanisme est très peu connu des parties intéressées, notamment les personnes privées de liberté, les autorités publiques, les autres organes publics de contrôle, les acteurs de la société civile et le grand public.

30.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre immédiatement des mesures visant à donner un plus grand retentissement au mécanisme national de prévention, et notamment de mener des activités desti nées à faire mieux connaître le  mandat de cette institution et à informer le public sur le Protocole facultatif. Conformément à l ’article  19 du Protocole facultatif, les recommandations du mécanisme devraient donner lieu à un examen approfondi mené en concertation avec les parties prenantes.

31. L ’ État partie doit faire participer le mécanisme national de prévention au processus législatif et aux activités d ’ information, comme le prévoit l ’article  19 du Protocole facultatif, ce qui permettra de renforcer les garanties contre la torture et de faire mieux connaître le mécanisme.

32. Le Sous-Comité recommande à l ’État partie  :

a) D’aider le mécanisme à mieux faire connaître son mandat et ses travaux au grand public ;

b) De faire en sorte que le mécanisme soit reconnu comme étant une composante essentielle du système national de prévention de la torture et des mauvais traitements ;

c) De contribuer à donner un plus grand retentissement à l’action du mécanisme, par exemple en organisant des campagnes de sensibilisation et de communication consistant notamment à diffuser des supports d’information sur le mandat et les activités de cette institution auprès des personnes privées de liberté, des autorités publiques, des organisations de la société civile, des avocats, des magistrats et du grand public ;

d) D’inclure des informations sur le mécanisme dans les programmes de formation des forces de l’ordre ;

e) De consulter un large éventail de parties intéressées, en particulier des représentants de la société civile, au sujet des travaux du mécanisme.

III.Problèmes généraux

A.Cadre institutionnel

33.Le Sous-Comité se félicite de la politique de « tolérance zéro » dont les représentants de l’État partie ont fait état au cours de sa visite, ainsi que de la mise en place de tout un arsenal juridique visant à prévenir la torture et les mauvais traitements. Toutefois, s’il constate que la torture est interdite par la Constitution et par la législation nationale, il note que, contrairement à ce que le Comité contre la torture lui a recommandé de faire, l’État partie n’a pas revu la définition de la torture pour la rendre pleinement conforme à celle figurant à l’article premier de la Convention contre la torture (CAT/C/PRT/CO/5-6, par. 7).

34.Le Sous-Comité se félicite que la question des droits de l’homme soit abordée dans les programmes de formation des forces de l’ordre et du personnel pénitentiaire. Le Sous-Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que les programmes de formation destinés aux agents publics amenés à être en contact avec des personnes privées de liberté tiennent compte des normes internationales relatives à la torture et aux mauvais traitements et à faire en sorte que toutes les personnes chargées de recueillir des informations et d ’ enquêter sur les cas de torture et de mauvais traitements soient dûment familiarisées avec le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

35.Le Sous-Comité se félicite que l’État partie ait reconnu au cours de sa visite que la loi no 36 du 24 juillet 1998 sur la santé mentale devait être révisée et mise en conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il est néanmoins préoccupé par le fait que le contrôle de l’application des dispositions du chapitre II de cette loi, qui régit l’hospitalisation d’office, laisse à désirer. En effet, si la loi porte création d’une commission de contrôle chargée de présenter des rapports annuels au Gouvernement, les rapports soumis portent essentiellement sur les activités menées par la commission et contiennent très peu d’informations détaillées sur le recours au chapitre II. Il est également préoccupé par le fait que la commission déclare qu’elle manque cruellement de ressources, ne bénéficie pas vraiment de la coopération des institutions publiques et privées, notamment les tribunaux et les directions des hôpitaux, et ne reçoit pas de réponse aux demandes et propositions qu’elle formule dans le cadre de son mandat.

36. Le Sous-Comité recommande que l ’ État partie révise sans tarder la loi sur la santé mentale pour la mettre en conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées et renforce le contrôle de l ’ applicati on des dispositions du chapitre  II, notamment en dotant la commission chargée de ce contrôle des ressources et de l ’ appui voulus.

37.Au cours de ses visites dans les prisons, les établissements psychiatriques et les unités de soins médico-légales, la délégation a relevé un problème général, à savoir le manque de personnel de sécurité et de personnel médical. Entre autres conséquences, ce manque de personnel empêche les autorités de contrôler la population carcérale comme il se doit, entraîne des conflits entre détenus, compromet la rapidité des soins médicaux et ralentit les procédures disciplinaires. Le Sous-Comité se félicite donc que du personnel médical supplémentaire et 400 surveillants pénitentiaires soient en cours de recrutement.

38. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie d ’ allouer aux prisons, aux établissements psychiatriques et aux services de soins médico-légaux les crédits dont ils ont besoin pour se doter du personnel administratif et médical et des agents de sécurité nécessaires.

39.La délégation a par ailleurs constaté un problème de surpopulation carcérale. Contrairement à ce qu’indiquent les statistiques nationales générales, la surpopulation existe bel et bien du fait d’une répartition inégale des détenus entre les prisons, certaines étant sous-peuplées et d’autres, comme la prison de Porto, surchargées. Tout en se félicitant que l’État partie veille à incarcérer les détenus dans un établissement proche du lieu de résidence de leur famille, le Sous-Comité souligne que la surpopulation a des conséquences négatives sur divers aspects du fonctionnement des prisons, y compris les conditions matérielles de détention, la sécurité, la discipline, et l’organisation et la fréquence des visites.

40.Le Sous-Comité fait observer que la détention devrait toujours être une mesure de dernier recours, surtout pour les mineurs de 18  ans. Il engage instamment l ’ État partie à recourir plus fréquemment encore aux peines de substitution telles que la surveillance électronique, le contrôle judiciaire, notamment la libération sous caution, le sursis avec mise à l ’ épreuve, la médiation et le travail d ’ intérêt général et, si nécessaire, à modifier la législation afin d ’ abolir les peines d ’ emprisonnement pour certaines infractions, comme la conduite sans permis, ce qui permettrait de réduire la population carcérale.

41.Le Sous-Comité note que les dispositions de la section IV du Code pénal autorisent les détenus à demander la libération conditionnelle après avoir purgé la moitié, les deux tiers ou les cinq sixièmes de leur peine (en fonction de la durée de celle-ci) pour autant que certaines conditions soient remplies. Des détenus ont toutefois dit à la délégation que la libération conditionnelle était rarement accordée et que les décisions n’étaient pas transparentes. Certains ont allégué que l’on pouvait soudoyer les autorités pénitentiaires pour qu’elles fassent les recommandations voulues au juge d’application des peines.

42. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ autoriser la libération conditionnelle de tous les détenus qui remplissent les conditions prévues par la loi. Il lui recommande également de veiller à ce que les détenus soient tenus pleinement informés de l ’ état d ’ avancement de leurs demandes de libération conditionnelle et soient mis au courant des motifs des décisions rendues.

43.La délégation a estimé que le centre de détention pour migrants et demandeurs d’asile administré par le Service de l’immigration et des frontières de l’aéroport de Lisbonne et le centre de détention de Santo António, à Porto, offraient des conditions adéquates pour l’hébergement temporaire des immigrants et des demandeurs d’asile. Au centre de détention de l’aéroport, elle a toutefois relevé un problème en ce qui concerne l’accès aux services d’un avocat. En effet, si les migrants en détention étaient informés de leur droit à l’assistance d’un avocat, ils bénéficiaient rarement de cette assistance car l’entreprise privée qui gérait l’aéroport faisait payer environ 12 euros l’entrée dans le centre. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de négocier avec l ’ entreprise privée qui gère l ’ aéroport afin que les avocats qui assistent les migrants puissent entrer gratuitement dans le centre de détention.

44.Au centre de détention de Santo António, les conditions matérielles étaient très bonnes et, pour la plupart, les migrants ne s’en sont pas plaints. Toutefois, dans ce centre et dans celui de l’aéroport de Lisbonne, les migrants et les demandeurs d’asile ont formulé des allégations inquiétantes selon lesquelles ils manquaient d’informations sur leur situation et sur les raisons de leur détention. L ’ État partie doit veiller à ce que les détenus soient toujours pleinement informés, dans une langue qu ’ ils comprennent, des raisons de leur détention, des étapes et du fonctionnement de la procédure d ’ immigration et de l ’ état d ’ avancement de leurs demandes.

45.Le Sous-Comité félicite l’État partie des conditions de détention à la prison de haute sécurité pour femmes de Santa Cruz do Bispo. Il a été informé que cet établissement fonctionnait dans le cadre d’une coopération public-privé : la sécurité et l’administration étaient sous la responsabilité de l’État, tandis qu’un partenaire privé s’occupait de la fourniture des soins médicaux et de l’organisation des cours de formation, des activités professionnelles et des activités récréatives et culturelles. La délégation a constaté que les relations entre le personnel et la population carcérale étaient ouvertes et respectueuses et a reçu très peu de commentaires négatifs de la part des détenues interrogées.

46.Le Sous-Comité constate qu’à de très rares exceptions près, personne ne s’est plaint au sujet des visites. Tous les détenus interrogés ont dit qu’ils pouvaient avoir des parloirs d’une heure une fois par semaine et des visites conjugales de trois heures une fois par mois, conformément aux dispositions légales en vigueur.

B.Mécanismes de plainte

47.L’État partie est doté de plusieurs dispositifs de prévention de la torture et des mauvais traitements dans les lieux de détention, parmi lesquels le mécanisme national de prévention, l’inspection générale de l’administration, le service d’audit et d’inspection de la direction générale de la réinsertion et des services pénitentiaires, et la commission de contrôle de l’application du régime d’hospitalisation d’office. Ces dispositifs sont habilités à se rendre dans les lieux de privation de liberté et à recevoir les plaintes des personnes détenues dans les lieux de détention administrés par la police (le mécanisme national de prévention et l’Inspection générale de l’administration), dans les prisons (le mécanisme national de prévention et le service d’audit et d’inspection) et dans les établissements et hôpitaux psychiatriques (le mécanisme national de prévention et la commission de contrôle). Le Sous-Comité a toutefois constaté que, dans les lieux dans lesquels la délégation s’est rendue, il n’était pas facile de se procurer des informations sur ces dispositifs et, à de rares exceptions près, les détenus interrogés ne savaient même pas qu’ils existaient. Les détenus interrogés ont de surcroît dit qu’il était difficile, voire impossible, de se procurer les formulaires de plainte, et que les procédures de plainte étaient longues et compliquées.

48. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les informations sur les dispositifs de contrôle et d ’ enquête et les procédures de plainte soient facilement accessibles aux personnes privées de liberté, et notamment soient affichées bien en vue dans les postes de police et les prisons.

49.La délégation a constaté que la plupart des détenus hésitaient à dénoncer officiellement les agressions verbales ou physiques dont ils étaient victimes de la part de surveillants parce qu’ils pensaient que le système de plainte ne fonctionnait pas. Certains ont dit que lorsqu’ils avaient demandé un formulaire de plainte, on leur avait répondu que ce formulaire n’existait pas ; d’autres, qu’il arrivait que les surveillants détruisent le formulaire sous leurs yeux. Plusieurs détenus ont indiqué que même si leur plainte avait été déposée et examinée, ils n’avaient jamais reçu de réponse. Les mêmes préoccupations ont été exprimées concernant les plaintes relatives aux conditions matérielles de détention. Certains détenus hésitaient à se plaindre de l’absence de vitres aux fenêtres ou du manque de couvertures chaudes en hiver (par exemple à la prison de Paços de Ferreira) parce qu’ils craignaient d’être transférés dans un établissement où les conditions étaient encore pires. Un détenu a raconté qu’après avoir déposé une plainte écrite auprès d’une commission parlementaire spéciale, il avait été privé de visites et d’appels téléphoniques à Noël et sa première visite conjugale en deux ans avait été annulée.

50.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de se doter de mécanismes permettant aux détenus victimes de mauvais traitements de saisir directement des organes indépendants, impartiaux et efficaces habilités à enquêter et à ordonner les mesures de protection et de réparation voulues, en toute confidentialité et sans aucune forme de contrôle ou de censure interne ou externe. Il recommande également à l ’ État partie de faire en sorte que les plaignants ne subissent aucune forme de représailles ou de sanction physique, disciplinaire ou administrative.

51.Au cours de ses entretiens avec des représentants de l’Inspection générale de l’administration et du mécanisme national de prévention, la délégation a constaté que de nombreuses affaires avaient été classées parce que, outre que les preuves manquaient, le dossier était incomplet et trop maigre. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les programmes de formation des policiers et des agents pénitentiaires portent aussi sur les méthodes de traitement des documents et des plaintes.

52.Le Sous-Comité note que le mécanisme national de prévention compte actuellement 15 membres qui exercent simultanément des fonctions au sein du bureau du médiateur et que l’Inspection générale de l’administration se compose de 12 policiers détachés. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de veiller à ce que ces institutions se voient allouer les ressources dont elles ont besoin pour recruter des fonctionnaires qualifiés en nombre suffisant et permettre à ces fonctionnaires de s ’ acquitter efficacement de leurs fonctions.

IV.Prévention de la torture et des mauvais traitements

A.Police

53.Personne n’était détenu dans les postes de police dans lesquels la délégation s’est rendue. En général, les conditions d’enregistrement et de transfert des détenus et les conditions matérielles dans les cellules semblaient satisfaisantes. Certains détenus que le Sous-Comité a interrogés dans les prisons ont néanmoins dit que les policiers leur avaient donné des coups de pied et des coups de poing lors de leur arrestation. Aucun n’avait officiellement déposé plainte, être frappé étant considéré comme une chose « normale » qui « arrivait tout le temps ».

54. Le Sous-Comité juge inacceptable que les personnes arrêtées trouvent normal qu ’ un policier leur donne des coups de pied et des coups de poing, et recommande à l ’ État partie de renforcer les activités de formation et les mesures de contrôle afin que les policiers respectent à la lettre les normes relatives à la prévention de la torture et au respect des droits de l ’ homme.

B.Prisons

55.Rien n’a permis à la délégation de penser que les prisons étaient le théâtre de violences, de torture ou de mauvais traitements généralisés. À quelques rares exceptions près, la délégation n’a pas eu l’impression que les détenus se faisaient intimider ou vivaient dans la peur. Certains ont toutefois dit avoir été battus. Dans un cas, le surveillant responsable a été transféré dans un autre établissement. Un homme qui faisait la grève de la faim avait été frappé à coups de pied et de poing. La plupart des personnes incarcérées ont rapporté que dans les prisons de Lisbonne (prison centrale et prison de Caxias), les surveillants rouaient de coups les détenus. Certains ont de surcroît allégué que les surveillants leur faisaient subir des agressions verbales.

56.Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie sur la situation dans la prison de Porto, qui était particulièrement surpeuplée le jour de la visite de la délégation. L’établissement comptait 1 077 détenus pour une capacité officielle de 686, ce qui signifie qu’il fonctionnait à plus de 150 % de sa capacité. L’augmentation du taux d’occupation n’ayant pas été compensée par un accroissement du personnel, la santé, voire la vie, des occupants était gravement menacée. Les détenus ont dit qu’en cas d’urgence, ils risquaient de mourir dans leur cellule, les surveillants ne répondant pas à leurs appels. La délégation l’a elle-même constaté lorsque la sonnette d’appel d’une cellule disciplinaire a retenti pendant vingt minutes sans que rien ne se passe car les surveillants étaient tous en pause déjeuner. La délégation a finalement réussi à appeler un surveillant. Lorsque, à sa demande, celui-ci a ouvert la cellule, le détenu était à peine conscient et avait besoin de soins médicaux immédiats.

57.Les cellules disciplinaires de la prison de Porto étaient particulièrement surpeuplées. La délégation a visité une cellule dans laquelle 12 détenus étaient entassés dans moins de 3 m2 par personne, lits et table à manger compris (tous les repas devant être pris dans la cellule). Outre qu’ils ne pouvaient pratiquement pas se mouvoir, les intéressés étaient confinés dans cette cellule jusqu’à vingt-trois heures par jour la semaine et vingt-quatre heures par jour le week-end, certains pour plusieurs mois et d’autres pour plusieurs années. Les fumeurs fumaient à l’intérieur, au détriment des autres. Les détenus ont dit être régulièrement roués de coups par les surveillants. La délégation s’est vu signaler le cas d’un détenu qui avait été violemment battu au cours d’une fouille de sa cellule et était mort sans recevoir d’assistance médicale. Un mois environ avant sa visite, un détenu en fauteuil roulant qui ne s’était pas levé après avoir reçu l’ordre de le faire avait été roué de coups par un surveillant. La délégation a vu le dossier et les photos de ce détenu, qui était couvert d’ecchymoses. Le surveillant responsable travaillait toujours à la prison et aucune procédure n’avait été engagée pour enquêter sur les allégations.

58.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre à la disposition des personnes qui disent avoir été victimes de mauvais traitements un moyen facilement accessible de déposer plainte confidentiellement auprès d ’ un mécanisme d ’ enquête indépendant et de faire en sorte que leurs allégations de mauvais traitements fassent l ’ objet d ’ une enquête rapide et efficace, que les responsables soient sanctionnés comme il se doit et que le plaignant reçoive une réponse dans un délai raisonnable. Le Sous-Comité souligne que le transfert dans une autre prison ne saurait être considéré comme une sanction suffisante contre les personnes reconnues responsables d ’ actes de torture ou de mauvais traitements.

59. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ examiner d ’ urgence la situation dans la prison de Porto et de veiller à ce que cet établissement dispose d ’ effectifs suffisants, offre des conditions matérielles adéquates et fournisse les soins médicaux nécessaires, afin de prévenir tous futurs mauvais traitements.

C.Soins psychiatriques

60.Le Sous-Comité est préoccupé par le fait qu’un médecin puisse recommander la contention physique d’un détenu sans que l’opportunité de cette mesure ne soit jamais réexaminée, ou en tout cas ne soit pas réexaminée avant plusieurs années, comme cela a été le cas pour une patiente de la clinique psychiatrique de São José placée sous contention en cinq points. Il apparaît de surcroît que, dans cette clinique, la contention n’est pas utilisée comme une mesure de dernier recours, contrairement à ce que recommandent pourtant divers textes parmi lesquels les directives no 021/2011 publiées par le Ministère de la santé le 6 juin 2011, mais pour pallier le manque de personnel, qui empêche de surveiller comme il se doit certains patients à moins qu’ils ne soient immobilisés.

61. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la contrainte physique ne soit utilisée qu ’ en dernier recours et l ’ opportunité de cette mesure soit régulièrement réexaminée pour chaque patient. Le Sous-Comité souhaite être tenu informé de l ’ évolution de l ’ arsenal juridique récemment adopté et renvoie aux normes révisées sur les moyens de contention dans les établissements psychiatriques pour adultes (CPT/ Inf (2017)6) établies par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

V.Pratiques et procédures policières

A.Garanties fondamentales pendant la garde à vue

62.La délégation a constaté que la garde à vue, qui peut légalement durer jusqu’à quarante-huit heures, était en pratique très courte et se terminait généralement à l’issue des quelques heures nécessaires pour dresser le procès-verbal, sauf le week-end, lorsque le tribunal était fermé, et la personne arrêtée devait alors rester en détention jusqu’au lundi avant de pouvoir être conduite devant un juge.

63.Le Sous-Comité prend note du fait que des détenus interrogés ont dit ne pas avoir eu accès à un avocat pendant leur garde à vue. Certains ont affirmé qu’ils n’avaient pas été informés du droit de contacter un avocat ; d’autres que c’était à l’audience qu’ils s’étaient entretenus pour la première fois avec leur conseil, commis d’office, et que celui-ci n’était pas suffisamment préparé. Le Sous-Comité a cependant constaté que, dans les postes de police dans lesquels la délégation s’était rendue, les procès-verbaux d’arrestation étaient soigneusement compilés et comprenaient chacun une page, signée par l’intéressé, sur laquelle étaient énumérés les droits de la personne arrêtée. Cette liste de droits était disponible en plusieurs langues. La délégation a par ailleurs pu consulter la base de données de la police, qui permet de connaître le statut des personnes arrêtées et de savoir où elles se trouvent en temps réel.

64. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les personnes privées de liberté aient accès à un avocat dès leur arrestation et, à tout le moins, pendant leur interrogatoire. L ’ État partie devrait renforcer le système d ’ aide juridictionnelle et en élargir l ’ accès de manière à ce que tous les détenus puissent véritablement bénéficier, sur un pied d ’ égalité, d ’ une représentation compétente.

B.Conditions matérielles de garde à vue

65.La délégation a estimé que les conditions matérielles dans les postes de police visités étaient satisfaisantes pour une détention de courte durée. Les cellules mesuraient environ 8 m2 et contenaient un banc encastré et des toilettes. Matelas et couvertures étaient fournis et les détenus recevaient trois repas par jour. La délégation a toutefois constaté qu’il y avait peu de lumière naturelle, que l’éclairage artificiel était très faible et qu’il n’y avait pas de cour où les détenus auraient pu faire de l’exercice.

66. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les cellules de garde à vue soient suffisamment éclairées pour permettre la lecture et à ce que les personnes maintenues en garde à vue au-delà de vingt-quatre heures puissent passer au moins une heure en plein air.

VI.Prisons

A.Conditions matérielles de détention dans les prisons

67.Dans toutes les prisons, les détenus ont dénoncé le manque de possibilités de travailler, de suivre des études, de participer à des programmes de réadaptation et de pratiquer des loisirs, ainsi que les difficultés rencontrées pour contacter les éducateurs chargés de les accompagner dans ces démarches. Dans les cellules de haute sécurité de certains établissements, les journaux étaient interdits et les livres presque impossibles à obtenir. De nombreux détenus se sont plaints du fait que le travail était mal rémunéré. Certains ont dit que les détenus à qui on proposait du travail étaient souvent encouragés à la délation. Dans le même temps, la délégation a constaté une pratique positive à la prison de Sintra, où environ la moitié des détenus travaillaient, certains en dehors de l’établissement.

68.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de fournir davantage de possibilités de travail, d ’ études, de réadaptation et de loisirs dans les prisons afin de faciliter la réinsertion des détenus dans la société. Il recommande également à l ’ État partie de faire en sorte que tous les détenus aient accès à un travail équitablement rémunéré. L ’ État partie pourrait envisager de répartir les heures de travail entre plusieurs détenus afin de permettre à un plus grand nombre de personnes de participer à des activités utiles.

69.Dans toutes les prisons, sans exception, les détenus se sont plaints de la qualité, de la quantité et de la variété des repas, et parfois même de l’hygiène des aliments. Entre autres problèmes, ils ont signalé que la nourriture sentait le moisi et était trop grasse et qu’on y trouvait des corps étrangers comme des cafards et d’autres insectes. Ils se sont également plaints de ce que la réglementation concernant la nourriture que leur famille était autorisée à leur apporter était trop stricte, certains produits de base étant interdits. Beaucoup ont aussi critiqué les conditions d’hygiène personnelle et le manque de produits de nettoyage.

70.Bien que la délégation n ’ ait pas trouvé que la qualité de la nourriture que les détenus lui ont montrée soit particulièrement mauvaise, l ’ État partie est instamment prié de contrôler régulièrement l ’ hygiène, la valeur nutritionnelle, la variété et la qualité des repas servis dans les prisons. Le Sous-Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que tous les détenus reçoivent suffisamment de produits d ’ hygiène personnelle et de produits de nettoyage.

71.Dans certaines prisons, les cellules étaient moisies, humides, froides et délabrées et l’entretien de base n’était pas fait. La délégation a constaté que certaines parties des bâtiments (fenêtres, douches, plafonds) étaient cassées. Selon les informations recueillies, cette situation durait depuis des mois, voire des années. Des détenus ont dit avoir demandé à plusieurs reprises qu’on leur donne l’autorisation et le matériel nécessaire pour faire les réparations eux-mêmes, en vain. Entre autres choses, la délégation a vu des fenêtres brisées sur le cadre desquelles il y avait toujours des éclats de verre tranchants. D’après les détenus, les réparations attendaient depuis plus d’un an. Outre que cela permettait à l’air froid de l’hiver de s’engouffrer à l’intérieur, les éclats de verre pouvaient entraîner des blessures accidentelles, ou même être utilisés comme armes. Ces fenêtres brisées créaient donc un grave risque pour la santé des détenus, notamment un risque des blessures accidentelles ou intentionnelles.

72. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de faire en sorte que les conditions matérielles de détention ne présentent pas de risques pour la santé et lui recommande de veiller à ce que l ’ entretien de base soit assuré, notamment en donnant aux détenus la possibilités de faire des travaux, rémunérés ou non.

73.La délégation du Sous-Comité a fait observer que dans presque tous les établissements visités, les sonnettes d’appel ne fonctionnaient pas, même dans les cellules disciplinaires. En cas d’urgence, les détenus ne pouvaient attirer l’attention qu’en frappant contre la porte. Certains se sont plaints de ce que les surveillants ne réagissaient qu’au bout de plusieurs heures, voire pas du tout.

74. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les établissements soient dotés de sonnettes d ’ appel qui fonctionnent et d ’ effectifs suffisants pour que quelqu ’ un réponde lorsqu ’ une alarme est déclenchée.

B.Discipline

75.Dans toutes les prisons visitées, la délégation a été alarmée par ce qu’elle considère comme un recours abusif au placement en cellule disciplinaire et par le fait que les détenus soumis à une sanction disciplinaire devaient parfois attendre jusqu’à six mois pour exécuter leur peine parce que, faute de place, les cellules disciplinaires étaient parfois utilisées comme cellules ordinaires. La délégation a toutefois cru comprendre que cette situation était due au fait que les prisons manquaient d’effectifs alors qu’elles étaient surpeuplées, en conséquence de quoi la population carcérale ne pouvait pas être adéquatement surveillée et certains détenus devaient être isolés, pour leur propre protection ou pour la protection d’autrui. La délégation a constaté avec préoccupation que les cellules disciplinaires étaient aussi utilisées à titre préventif pour confiner les détenus en attendant l’issue de la procédure disciplinaire et que le temps passé en confinement n’était apparemment pas déduit de la durée de la sanction à subir.

76.Si, selon la législation en vigueur, la durée de la peine de cellule disciplinaire est limitée à vingt et un jours, certains ont dit qu’elle pouvait aller jusqu’à trente jours et que, à la prison de Porto, elle avait même atteint quatre-vingt-dix jours dans le cas d’un détenu soumis à plusieurs peines consécutives. Le Sous-Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur le fait que la prison de Porto ne tient pas de registres concernant l’utilisation des cellules disciplinaires. Dans les autres prisons, la plupart des détenus ont déclaré que la durée des peines de cellule disciplinaire ne dépassait pas vingt et un jours et que les autorités n’imposaient pas de peines consécutives. Le confinement pendant une durée excessive est grave et peut constituer un acte de torture psychologique. Certains détenus ont dit qu’après dix à douze jours sans voir personne, ils avaient commencé à « devenir fous ».

77.Certains détenus se sont plaints du fait qu’ils pouvaient être confinés en cellule pendant une durée excessive, au-delà des trente jours maximum prévus par la loi. Un détenu de la prison de Paços de Ferreira interrogé par la délégation a raconté qu’il avait été confiné dans une cellule pendant plusieurs mois et que, après un mois sans radio, télévision ou possibilité de communiquer avec qui que ce soit, il était « devenu fou » et s’était brûlé le visage et la main.

78.Certaines prisons ont apparemment de graves problèmes de sécurité à cause de détenus qui s’endettent pour acheter de la drogue et des cigarettes. Bien que les autorités pénitentiaires mettent les détenus en garde dès leur arrivée, nombreux sont ceux qui accumulent quand même des dettes. Dans bien des cas, cela leur vaut d’être frappés et menacés par des codétenus. À la prison de Coimbra, les détenus endettés devaient être placés dans une aile séparée, voire confinés dans une cellule, pour leur propre protection. À la prison de Paços de Ferreira, deux détenus ont entamé une grève de la faim pour être transférés dans une section de l’établissement où ils se sentiraient moins menacés. Ils ont été placés dans les deux cellules disciplinaires de la prison réservées aux grévistes de la faim. Toutefois, comme, pour ne pas être renvoyés dans la section d’où ils venaient, il leur fallait poursuivre leur grève, ils se sont trouvés dans une situation potentiellement lourde de conséquences, de même que les autorités pénitentiaires. Celles-ci ne semblent pourtant pas avoir signalé ce type de problèmes de sécurité au parquet pour qu’il enquête à leur sujet.

79.Dans toutes les prisons dans lesquelles la délégation s’est rendue, nombre de détenus ont allégué que les surveillants se livraient à la contrebande de téléphones et de drogues. Le prix d’un téléphone portable variait entre 300 et 600 euros selon la prison. Des détenus ont aussi allégué que les surveillants de nuit travaillaient sous l’influence de l’alcool, voire de la drogue, et se comportaient de façon agressive. Toutefois, les seuls détenus à s’être directement plaints d’avoir été battus et brutalisés par des surveillants étaient certains des détenus placés en cellule disciplinaire.

80.En ce qui concerne la possibilité de faire appel des sanctions disciplinaires, un seul détenu a dit avoir contesté la sanction imposée, et ce, parce qu’il avait selon lui été puni pour une faute inventée de toutes pièces par un surveillant. On ne sait donc pas au juste si les détenus ont la possibilité de contester les sanctions disciplinaires et si, le cas échéant, le mécanisme d’appel est facile d’accès.

81.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les procédures disciplinaires menées dans les prisons soient rapides et de prendre des mesures pour que les détenus puissent faire appel des sanctions. Les peines de cellule disciplinaire ne devraient être imposées qu ’ en cas d ’ absolue nécessité et le temps passé en confinement devrait être déduit de leur durée. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de faire en sorte, en modifiant sa législation si besoin est, que les peines de confinement ne dépassent pas quinze jours consécutifs et ne puissent pas être imposées l ’ une à la suite de l ’ autre ou de manière très rapprochée.

82. Le Sous-Comité recommande que les autorités pénitentiaires informent les autorités compétentes à l ’ extérieur de la prison lorsque la violence entre détenus est telle qu ’ elles ne peuvent plus la contrôler. Il recommande aussi que les allégations selon lesquelles des surveillants se livrent à la contrebande de marchandises et d ’ objets fassent l ’ objet d ’ une enquête.

VII.Soins de santé

A.Observations et préoccupations générales

83.Au cours de ses visites dans les prisons, les établissements psychiatriques et les services médico-légaux, la délégation a entendu des préoccupations communes, exposées ci-après. Les détenus n’étaient pas souvent soignés par un médecin. La plupart des soins étaient prodigués par des infirmiers qui se chargeaient de tâches qui devraient être accomplies ou, à tout le moins, étroitement supervisées par un médecin, comme la suture des plaies, le dosage des médicaments et la supervision des détenus faisant la grève de la faim. La délégation a constaté avec une vive inquiétude que même dans certains hôpitaux, comme l’hôpital psychiatrique de Coimbra, il n’y avait pas forcément de médecin disponible 24 heures sur 24. Elle a également constaté qu’il arrivait que des infirmiers examinent un patient et lui prescrivent des médicaments sans la présence d’un médecin. C’étaient des infirmiers qui pesaient les détenus de la prison de Porto qui faisaient la grève de la faim, prenaient leur tension artérielle, mesuraient leur glycémie et analysaient leurs urines. Le médecin rendait compte de l’état de santé des intéressés sans les avoir vus, sur la base des données qui lui étaient fournies.

84.La délégation a constaté une prescription excessive de médicaments, notamment à l’hôpital psychiatrique de Coimbra et à la prison de Porto, où les médicaments officiellement prescrits à certains détenus pour contrôler un comportement perturbateur ou autodestructeur pourraient en réalité servir à compenser un manque de personnel. Les détenus ont signalé que l’obligation d’obtenir le consentement éclairé du patient aux fins de la prescription de médicaments n’était en général pas respectée. Dans une unité psychiatrique, par exemple, un jeune homme a dit qu’il avait dû consentir à se faire faire une piqûre pour qu’il soit mis fin à la mesure judiciaire dont il faisait l’objet, sans qu’on lui explique les effets secondaires du produit injecté. Ce type de contrainte est susceptible d’être dégradant pour les patients.

85. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les détenus soient examinés par un médecin en tant que de besoin, les médicaments ne soient pas utilisés comme moyen de contrôler les détenus en l ’ absence de personnel suffisant et le consentement éclairé du patient soit obtenu avant chaque traitement.

86.Le Sous-Comité constate que tous les lieux visités demandent l’aide de l’Institut national des urgences médicales en cas d’urgence médicale. Seuls les hôpitaux psychiatriques sont dotés de matériel médical d’urgence (défibrillateurs) et de personnel sachant s’en servir.

87. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que tous les lieux de détention soient équipés de fournitures médicales et de matériel médical d ’ urgence, notamment de défibrillateurs, et que leur personnel soit formé à l ’utilisation de ces  appareils afin de pouvoir intervenir rapidement lorsque le besoin s ’ en fait sentir.

B.Examens médicaux

88.Le Sous-Comité se félicite de l’adoption d’une procédure qui vise à vérifier que les allégations des détenus qui soutiennent avoir été blessés au cours de leur arrestation ou de leur transfert au poste de police ou en prison sont corroborées par l’examen physique pratiqué par le médecin. Il est toutefois préoccupé par le fait que les personnes blessées au cours de leur arrestation ou pendant leur garde à vue ne sont pas automatiquement soumises à un examen médical. La délégation a en effet été informée que c’était à l’intéressé de demander un examen s’il le jugeait nécessaire. Par ailleurs, si, en général, les détenus sont examinés par un médecin à leur arrivée en prison, c’est souvent en présence d’un policier ou d’un surveillant, ce qui les prive du droit à la confidentialité de l’entretien et risque de les dissuader de dire toute la vérité sur d’éventuelles blessures par crainte de représailles. Seul un des établissements visités par la délégation était doté d’une procédure garantissant la confidentialité des consultations.

89.La délégation a constaté que les rapports établis à l’issue de l’examen médical initial n’étaient pas toujours suffisamment détaillées, en particulier en ce qui concerne la description des éventuelles blessures constatées et des circonstances dans lesquelles elles étaient survenues. De surcroît, les résultats de l’examen n’étaient pas toujours intégralement consignés dans le dossier médical du détenu. La délégation a remarqué que les médecins et les infirmiers n’étaient pas suffisamment sensibilisés ni formés sur la question de la torture et des mauvais traitements et sur le Protocole d’Istanbul.

90.Le Sous-Comité souligne que l’examen médical des détenus à leur arrivée en prison et le signalement des blessures constatées à l’occasion de cet examen, outre qu’ils sont des éléments importants de la procédure de prévention de la torture et des mauvais traitements et de la lutte contre l’impunité, peuvent protéger les policiers et les membres du personnel pénitentiaire contre les allégations mensongères.

91. Le Sous-Comité recommande que, le plus rapidement possible et au plus tard vingt-quatre heures après leur mise sous écrou, tous les détenus arrivants soient soumis à un examen médical approfondi, y compris une auscultation complète visant à détecter d ’ éventuelles traces de blessures. Les résultats de cet examen devraient être intégralement consignés dans un registre confidentiel expressément prévu à cet effet et tous soupçons de torture ou de mauvais traitements devraient être signalés, conformément aux règles 33 et  34 de l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

92.Les examens médicaux devraient être effectués régulièrement et toujours dans le respect du principe du secret médical : aucune personne étrangère au corps médical ne devrait y assister. Ils devraient être réalisés hors de portée de voix et à l ’ abri des regards du personnel pénitentiaire, sauf dans les rares cas où le personnel médical demande qu ’ un surveillant y assiste pour des raisons de sécurité. Les dossiers médicaux devraient être mis à la disposition des détenus ou de leurs représentants légaux s ’ ils en font la demande.

93. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer la formation du personnel médical travaillant dans les lieux de détention, en particulier en ce qui concerne les normes internationales, au premier rang desquelles le Protocole d ’ Istanbul, qui est un outil indispensable pour détecter et signaler les cas de torture et de mauvais traitements, recueillir des informations sur ces cas et, donc, les prévenir.

C.Prisons

94.Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que certaines prisons sont toujours dotées d’un modèle hybride public-privé pour ce qui est des services médicaux. Dans ces établissements, le Ministère de la santé se partage le travail avec des entreprises du secteur privé ; des médecins spécialistes travaillant pour des sociétés privées qui se rendent dans les prisons et, à l’hôpital, les détenus sont soignés par des agents du Ministère de la santé.

95. Le Sous-Comité se félicite que l’État partie ait prévu de confier la responsabilité des soins de santé des détenus au seul Ministère de la santé et recommande que cela soit fait sans délai .

96.Le Sous-Comité constate avec satisfaction que, en général, le personnel médical est dûment formé et les dossiers cliniques sont bien tenus et faciles à consulter. La délégation n’a remarqué aucun problème majeur en ce qui concerne la préparation des médicaments en vue de leur distribution, sauf à la prison de Porto. Dans cet établissement, les médicaments étaient sortis de leur emballage très à l’avance, placés dans des conteneurs, puis transférés dans des récipients individuels avant d’être distribués. En conséquence, ils étaient exposés à l’humidité et au risque de contamination pendant des heures et le risque de commettre une erreur de distribution était plus élevé.

97. Le Sous-Comité recommande que la manière de distribuer les médicaments à la prison de Porto soit modifiée et que les médicaments restent sous plaquette alvéolée jusqu ’ à leur administration, ce qui permettra de mieux conserver leurs propriétés et sera plus hygiénique.

98.Le Sous-Comité constate que les soins médicaux sont dispensés par les polycliniques des prisons à la demande des détenus. Il est toutefois préoccupé par le fait que, dans toutes les prisons visitées, les détenus ont signalé que l’accès aux médecins était difficile. Les demandes de consultation étaient en général faites par l’intermédiaire d’un surveillant et n’étaient pas consignées sur un registre. Il a donc été difficile d’évaluer la disponibilité des services médicaux dans les polycliniques. Par ailleurs, si certains traitements psychiatriques, psychologiques et dentaires étaient fournis au sein des prisons, la délégation a été informée que les ressources étaient très limitées et donc peu disponibles. Les soins spécialisés non fournis en interne étaient dispensés en coordination avec les hôpitaux voisins, mais le temps d’attente était souvent long, à plus forte raison en cas de manque de moyens de transport ou d’escorte. Le Sous-Comité estime que retarder l’accès aux soins spécialisés peut entraîner une aggravation de l’état de santé des détenus, qui ne sont pas libres de faire eux-mêmes le nécessaire pour consulter un médecin. Dans certaines circonstances, pareille négligence peut constituer un mauvais traitement au regard du droit international.

99. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer l ’ accès des détenus aux soins médicaux, y compris aux soins spécialisés, grâce à une meilleure coordination permettant de réduire le temps d ’ attente pour consulter un médecin.

100.Le Sous-Comité s’inquiète de la situation en ce qui concerne les soins de santé mentale. Le problème de la surmédicalisation a déjà été soulevé et. dans certaines prisons, par exemple celle de Porto, les détenus ont dit qu’ils étaient tous obligés de prendre des tranquillisants la nuit.

101. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les autorités pénitentiaires n ’ administrent pas de tranquillisants aux détenus sans leur consentement préalable, libre et éclairé.

102.La délégation a constaté avec préoccupation que dans certaines prisons, par exemple la prison de Coimbra, les toxicomanes n’étaient pas toujours soignés pour leur addiction. Dans un cas particulièrement préoccupant, un gros toxicomane a signalé à la délégation qu’on ne lui avait pas administré de traitement de remplacement, ce qui lui avait causé de graves troubles du sommeil et un profond déséquilibre mental et l’avait rendu agressif. En conséquence, il avait été transféré dans une cellule de confinement de haute sécurité, où il se trouvait depuis près de deux ans au moment de la visite de la délégation.

103. Le Sous-Comité recommande que tous les toxicomanes qui en ont besoin se voient fournir un traitement de remplacement, et ce, le plus tôt possible.

D.Unités médico-légales

104.La délégation appelle l’attention de l’État partie sur la situation qui règne au pavillon 16 de l’hôpital psychiatrique de Coimbra, qui souffre d’une grave pénurie de personnel. Selon toute apparence, ce sont les infirmiers qui font tout, tandis que les médecins se contentent d’autoriser les traitements et ne sont la plupart du temps pas sur place. En application de l’article 35 de la loi de 1998 sur la santé mentale, la situation du patient détenu doit être réexaminée deux mois après le début de la détention, puis de nouveau deux mois après chaque décision de maintien en détention. Or, la délégation a été informée que cet examen n’avait pas toujours lieu. Les dossiers médicaux de l’hôpital n’étaient pas mis à jour et ne satisfaisaient apparemment pas les critères applicables. À la suite d’un surdosage médicamenteux, un détenu avait subi de graves effets secondaires et avait dû être examiné par un neurologue externe. Selon les documents que la délégation a pu consulter, bien que ces effets aient été manifestes, le psychiatre responsable ne semblait pas disposé à ajuster la prescription. La délégation a constaté avec une préoccupation particulière qu’une jeune détenue était maintenue dans l’unité médico-légale sans jamais avoir été réexaminée et alors que le tribunal avait pourtant ordonné sa mise en liberté, soi-disant parce qu’elle n’avait « nulle part où aller ». La délégation estime que cette situation est constitutive de détention arbitraire en ce que la privation de liberté se poursuit au-delà du délai fixé par le tribunal.

105. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de veiller à ce que le pavillon  16 de l ’ hôpital psychiatrique de Coimbra soit doté d ’ effectifs suffisants, tienne des dossiers médicaux détaillés régulièrement mis à jour et se conforme à toutes les dispositions légales, notamment pour ce qui est de prendre en charge les patients après leur sortie de l ’ hôpital.

E.Établissements psychiatriques

106.La délégation a constaté qu’en général, les établissements psychiatriques ne proposaient pas de traitements autres que médicaux, c’est-à-dire pas d’activités récréatives et créatives. Les patients n’avaient pas non plus accès à une assistance psychologique ni, dans la plupart des établissements, à des ateliers d’ergothérapie. Le Sous-Comité estime que la procédure consistant pour les tribunaux à ordonner l’hospitalisation d’office en unité psychiatrique sur la base d’une évaluation des risques posés par l’intéressé n’est pas judicieuse. Dans les cas examinés par la délégation, l’hospitalisation ne semblait pas justifiée par un diagnostic médical détaillé. Le juge l’avait ordonnée sur la base d’un questionnaire comportant une série de cases à cocher en vue d’établir si la personne représentait un danger pour la société ou pour elle-même, sans qu’aucun examen complémentaire de l’intéressé ou de sa situation n’ait été effectué. Les patients interrogés par la délégation ont indiqué qu’ils avaient uniquement comparu devant le juge pour entendre sa décision, une fois que celle-ci avait été prise.

107.Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que l’absence de solutions de prise en charge extrahospitalière n’entraîne un recours excessif aux traitements psychiatriques non consentis, c’est-à-dire à la privation de liberté pour des raisons de santé, alors que d’autres options seraient préférables. Au lieu d’être une mesure de dernier recours, comme le prévoit la loi de 1998 sur la santé mentale, l’hospitalisation psychiatrique de longue durée en unité fermée est très fréquente, y compris lorsque le patient pourrait ou devrait être pris en charge en externe. Par conséquent, les personnes souffrant de troubles psychiatriques de longue date sont handicapées sur le plan psychosocial et bon nombre d’entre elles prennent trop de médicaments. Ces personnes semblent presque avoir été oubliées et leur réadaptation à la vie en société n’est pas ce qu’elle devrait être. La délégation s’est trouvée face à quelques cas dans lesquels il aurait été bien plus indiqué de dispenser des soins externes de base que de priver la personne de liberté pour une longue durée en l’internant dans une unité psychiatrique.

108. Le Comité recommande à l ’État partie  :

a) De veiller à ce que des soins multidisciplinaires soient dispensés à tous les patients et à ce que des activités de réadaptation à la vie en société, des ateliers d’ergothérapie et des activités récréatives soient régulièrement proposés ;

b) De faire en sorte que l’évaluation individuelle des risques sur laquelle repose la décision d’hospitalisation d’office dans une unité psychiatrique soit assortie d’un diagnostic médical détaillé et que la personne concernée ait la possibilité de comparaître devant le tribunal avant qu’il ne se prononce ;

c) De prendre des mesures supplémentaires en vue de faciliter la mise en place de services de prise en charge extrahospitalière pour que les patients internés de longue date puissent sortir de l’hôpital.

109.Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de faire en sorte que les professionnels de la santé soient dûment formés en ce qui concerne les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, en particulier la Convention relative aux droits des personnes handicapées. En outre, le nombre de psychiatres, d ’ infirmiers, de psychologues, d ’ ergothérapeutes et d ’ assistants sociaux devrait être augmenté.

VIII.Prochaines étapes

110.Le Sous-Comité demande qu’une réponse lui soit communiquée dans les six mois à compter de la date de la communication du présent rapport à la Mission permanente du Portugal. L’État partie est prié de répondre directement à toutes les recommandations et demandes de renseignements complémentaires formulées dans le présent rapport et de rendre compte pleinement des mesures prises ou prévues (et des échéances fixées) pour donner suite aux recommandations, en donnant des détails sur l’application des recommandations portant sur telle ou telle institution, ainsi que des renseignements généraux sur les politiques et les pratiques en vigueur.

111.L’article 15 du Protocole facultatif interdit toutes formes de sanctions ou représailles, de quelque source que ce soit, contre une personne qui est entrée en contact avec le Sous-Comité ou a tenté de le faire. Le Sous-Comité rappelle au Portugal qu’il est tenu de prévenir pareilles sanctions ou représailles et le prie de fournir, dans sa réponse, des renseignements détaillés sur les mesures prises pour s’acquitter de cette obligation.

112.Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture est une obligation permanente et générale et demande donc à être informé de toute mesure législative, judiciaire, réglementaire, administrative ou autre prise concernant à la fois le traitement des personnes privées de liberté et les travaux du mécanisme national de prévention. Cela lui permettra de continuer d’aider le Portugal à s’acquitter au mieux des obligations mises à sa charge par le Protocole facultatif.

113.Le Sous-Comité estime que sa visite et le présent rapport s’inscrivent dans le cadre d’un dialogue continu. Il espère coopérer avec le Portugal pour l’aider à s’acquitter des obligations mises à sa charge par le Protocole facultatif en continuant de lui fournir des conseils et une assistance technique en vue de la concrétisation de l’objectif qu’il partage avec lui, à savoir prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté. Le Sous-Comité estime que le moyen le plus efficace de poursuivre le dialogue serait pour lui de rencontrer les autorités nationales chargées de l’application de ses recommandations dans les six mois qui suivront la réception de la réponse au présent rapport.

114. Le Sous-Comité recommande que, conformément au paragraphe  d) de l ’article  12 du Protocole facultatif, les autorités portugaises engagent un dialogue avec lui au sujet de la suite donnée à ses recommandations, et ce, dans les six mois qui suivront la réception de la réponse au présent rapport. Il recommande également que le Portugal entame des discussions avec lui sur les modalités de ce dialogue au moment de la soumission de la réponse au présent rapport .

Annexe I

List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee

Penitentiary facilities

Coimbra prison

Pacos de Ferreira prison

Porto prison

Santa Cruz do Bispo Female Prison

Sintra prison

Police stations

Headquarters of the National Republican Guard in Porto

PSP district police stations in Coimbra

PSP Police Station Vila Nova do Gaia

PSP Police Facility Bela Vista

PSP police division 89 in Sintra

Holding facilities for migrants

Lisbon Airport Immigration and Borders Service holding facility

Santo António detention facility in Porto

Mental Health Institutions

Medical Centre of Conde de Ferreira

Psychiatric Hospital of Coimbra

Psychiatric Clinic of S. José

Psychiatric Centre of Lisbon

Annexe II

Places of deprivation of liberty visited jointly by the national preventive mechanism and the Subcommittee

Carregueira prison

Navarro de Paiva Educational Centre for Juveniles

Annexe III

List of government officials and other persons with whom the Subcommittee met

Ministry of Foreign Affairs

Mr. Luís Cabaço, Deputy Director General of Political Affairs

Ms. Vera Ávila, Director of the Department of Political Multilateral Organizations

Ms. Raquel Chantre, Head of the Human Rights Division

Ms. Alexandra Carreira, Adviser of the Ministry of Foreign Affairs

Ministry of Justice

Mr. Celso Manata, Director General for Reinsertion and Prison Services

Ms. Ana Horta, Deputy Director General for the Administration of Justice

Ms. Rodrigo Carvalho, Head of the Infrastructures Unit, Directorate-General for the Administration of Justice

Ms. Maria Cristina Mendonça, Member of the Executive Board, National Institute of Legal Medicine and Forensic Sciences

Ms. Carla Moura, Coordinator of the Equipment Conservation Unit, Institute for Financial Management and Equipment of Justice

Mr. Verissimo Milhazes, Director of the Information and Criminal Investigation Unit, Criminal Police

Ms. Helena Leitão Public Prosecutor, Coordinator of the International Relations Department of the Centre for Judicial Studies

Ms. Ida Teixeira, Inspector-Internal Controller Ministry of Justice

Ms. Manuela Almeida Silva, Inspector-Internal Controller Ministry of Justice

Ms. Maria Luísa Pacheco, Deputy Director General for Justice Policy

Ms. Sara Almeida, Head of the Unit for Civil Justice, International Affairs Department, Directorate General for Justice Policy

Mr. António Folgado, Head of the Unit for Criminal Justice, International Affairs Department, Directorate General for Justice Policy

Ms. José Castello-Branco, Senior Legal Adviser, Unit for Civil Justice Directorate General for Justice Policy

Mr. João Freire, Head of Cabinet of the Deputy Secretary of State and Justice

Mr. Manuel Leonardo Belchior, Coordinator of the Prison Santa Cruz do Bispo

Office of the Prosecutor General

Ms. Joana Gomes Ferreira, Public Prosecutor and Director of the Documentation and Comparative Law

Ms. Raquel Tavares, Legal Adviser of the Documentation and Comparative Law Office

Ministry of Home Affairs

Mr. Ricardo Carrilho, Deputy Secretary General for International Affairs and Management of EU Funds

Ms. Sónia Rosa, Senior Officer

Lieutenant-Colonel Paulo Poiares, National Republican Guard

Sub-intendant Hugo Guinote, Public Security Police

Mr. João Ataíde, Inspector Coordinator, Immigration and Border Service

Mr. João Pedrosa, Inspector, Inspection General of Internal Administration

Mr. Rogério Soares, Inspector

Ministry of Health

Mr. Miguel Xavier, Director of the National Programme for Mental Health, Directorate-General of Health

Ms. Paula Domingos, Senior Officer of the National Programme for Mental Health

Ms. Eva Falcão, Director of International Relations

Ms. Diana Correia, Directorate of International Relations

Ministry of Labour, Solidarity and Social Affairs

Ms. Odete Severino, Vice-President of the National Commission for the Promotion of the Rights and Protection of Children and Youth

Ms. Célia Chamiça, Coordinator of the International Relations Department of NCPRPCY

Ms. Sandra Alves, Director of the Department of Social Development of the Social Security Institute

Mr. Humberto Santos, President of the National Institute for Rehabilitation

Mr. Orlando Costa, Senior Officer, International Relations

Ministry of Defense

Lieutenant-Colonel Mota Pereira, Director of the Military Prison

Ms. Letícia Bairrada, General Directorate for National Defense Policy

Parliamentary Committee on Constitutional Affairs, Rights, Freedoms and Guarantees

Mr. Bacelar de Vasconcelos, Member of Parliament, President of the Committee

Ms. Sandra Pereira, Member of Parliament from PSD (Social Democratic Party)

Mr. Filipe Neto Brandão, Member of Parliament from PS (Socialist Party)

Ms. Sandra Cunha, Member of Parliament from BE (Left Block)

National Preventive Mechanism of Portugal

Ms. Maria Lúcia Amaral, Ombudsperson

Mr. João Portugal, Ombudsperson’s Office

Mr. Miguel Coelho, Ombudsperson’s Office

Members of the National Preventive Mechanism

Civil Society

Ms. Catarina Prata, Advocacy and Research Coordinator of Amnesty International Portugal

Mr. Pedro Matos Aguas, Coordinator of HIV/AIDS programme of Anti-Discrimination Centre (CAD)

Ms. Sara Malcato and Mr. Gonçalo Aguiar, Associação ILGA PORTUGAL