Nations Unies

CERD/C/107/D/66/2018

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

30 septembre 2022

Original : français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Avis adopté par le Comité au titre de l’article 14 de la Convention, concernant la communication no 66/2018 * , ** , ***

Communication présentée par :

Stanislas Breleur (représenté par un conseil, Jean-Claude Durimel)

Victime(s) présumée(s):

L’auteur

État partie :

France

Date de la communication :

22 mai 2017 (date de la lettre initiale)

Date de l’avis :

30 août 2022

Références :

Décision prise en application de l’article 91 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 12 décembre 2018 (non publiée sous forme de document)

Objet :

Discrimination dans l’accès à l’emploi ; droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux et autres autorités judiciaires ; protection et voies de recours effectives contre un acte de discrimination raciale

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique ; droit à la réparation intégrale en cas de discrimination

Article(s) de la Convention :

2, 3, 4, 5 et 6

1.L’auteur de la communication datée du 22 mai 2017 est Stanislas Breleur, de nationalité française, né en Martinique le 13 novembre 1946. Il soutient être victime d’une violation par l’État partie des articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la Convention. La France a adhéré à la Convention le 28 juillet 1971 et a fait la déclaration prévue à l’article 14 le 16 août 1982. L’auteur est représenté par un conseil, Jean-Claude Durimel.

Exposé des faits

2.1L’auteur a été engagé par la société Renault le 31 août 1971 en qualité d’électricien automobile. En décembre 2003, l’auteur a pris sa retraite. Il avait la qualification d’employé de service technique, coefficient 220. La société Renault a été nationalisée en 1945, devenant la Régie nationale des usines Renault, avant de prendre la forme d’une société anonyme en 1990. L’État partie était détenteur de 80 % du capital de la société jusqu’en 1996.

2.2L’auteur affirme que durant toute sa période d’activité au sein de la société Renault, il a été victime de discrimination par rapport à d’autres salariés ayant un profil professionnel comparable au sien. Alors même que la qualité de son travail, de l’avis même de sa hiérarchie, était irréprochable, et qu’il a multiplié les efforts de formation pour évoluer professionnellement, sa carrière n’a pas évolué de la même manière que celle de ses collègues européens de naissance qui étaient de la même catégorie professionnelle et présentaient un profil comparable.

2.3Le 20 mars 2003, l’auteur a saisi le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, afin de faire constater la discrimination professionnelle dont il a été victime tout au long de sa carrière au sein de la société en raison de ses origines, d’obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, et d’être repositionné dans les coefficients qu’il aurait dû atteindre.

2.4Le 12 décembre 2005, le Conseil de prud’hommes a débouté l’auteur de ses demandes, en justifiant sa décision par le fait que l’auteur n’avait jamais évoqué la stagnation de sa carrière et les discriminations dont il a fait l’objet au moment où il travaillait chez Renault. Le Conseil a rappelé qu’avant d’être saisi de ces allégations de discrimination, celles-ci n’avaient jamais été constatées formellement. De plus, le Conseil a indiqué que les faits devaient être appréciés dans le contexte de l’époque où ils s’étaient déroulés, avec des contraintes résultant de réorganisations et de fusions, et de leurs conséquences économiques. De même, le Conseil a constaté qu’en tenant compte du rapport de l’expert, et malgré l’existence de différences de salaires, de coefficients et de déroulement de carrières, il n’était pas possible de constater « le moindre fait visant à écarter un salarié en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances ». Le Conseil a rappelé également que l’auteur avait déjà formulé une demande d’examen de son dossier dans le cadre de la discrimination syndicale qui n’avait pas abouti, et que les actions de l’auteur semblaient « démontrer sa volonté d’obtenir la réparation d’un prétendu préjudice par le biais d’une discrimination ».

2.5L’auteur a interjeté appel de cette décision et, par un arrêt partiellement infirmatif du 2 avril 2008, la chambre sociale de la cour d’appel de Versailles a condamné la société Renault à lui payer la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de carrière, ainsi que la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral. La cour a également ordonné le repositionnement de l’auteur au coefficient 260, de 1985 à 1989, puis 285, de 1990 à 1999, et, enfin, au coefficient 305, de 2000 jusqu’à son départ à la retraite. La cour relève dans son arrêt que la société Renault n’apporte pas la preuve qui lui incombait que la différence de traitement quant à l’évolution de carrière entre l’auteur et les salariés placés dans une situation comparable était « justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race », et qu’en conséquence, « il y a lieu de considérer celle‑ci comme établie ».

2.6La société Renault n’a pas formé de pourvoi contre l’arrêt et a exécuté partiellement la décision en procédant au règlement des sommes fixées dans celle-ci, mais a refusé de procéder au repositionnement ordonné par la cour d’appel par la délivrance d’un certificat de travail mentionnant le repositionnement en question. L’auteur affirme que ce refus a eu pour conséquence de le pénaliser dans le calcul de ses droits à la retraite.

2.7Le 28 novembre 2008, l’auteur a saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre, afin qu’il ordonne à la société Renault de lui délivrer un certificat de travail conforme au repositionnement prononcé par la cour d’appel de Versailles.

2.8Le 17 mars 2009, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre s’est déclaré incompétent, au motif que les obligations de délivrance de certificat et de bulletins de paie étaient imposées à l’employeur et relevaient de la compétence exclusive de la juridiction prud’homale. Le juge a aussi considéré qu’étant donné qu’aucune demande n’avait été formée devant la cour, celle-ci ne pouvait d’office ordonner à la société Renault de remettre à ses anciens salariés un certificat de travail, sous peine de statuer ultra petita. L’auteur a interjeté appel de cette décision.

2.9Le 6 mai 2010, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement du 17 mars 2009 du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre.

2.10Devant le réel préjudice subi dans le calcul de ses droits à la retraite, du fait de l’inexécution par la société Renault de son obligation de repositionnement, l’auteur a de nouveau fait appel de la décision devant le juge de l’exécution afin que l’obligation de le repositionner soit assortie d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

2.11Le 3 juillet 2012, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Nanterre a débouté l’auteur de ses demandes, au motif qu’elles se seraient heurtées à l’autorité de la chose jugée, par l’arrêt rendu le 2 avril 2008 par la cour d’appel de Versailles. L’auteur a ensuite fait appel de cette décision.

2.12Le 5 septembre 2013, la cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement contesté au motif que l’auteur n’aurait pas sollicité de la cour statuant sur l’appel de la décision du Conseil des prud’hommes qu’elle condamne la société Renault à lui délivrer un certificat de travail rectifié, ni demandé que cette délivrance soit assortie d’une astreinte. La cour a également confirmé que le juge de l’exécution n’avait pas compétence pour ordonner la délivrance de certificats de travail, et que l’auteur se serait abstenu de préciser les modalités concrètes d’exécution de l’obligation de repositionnement, de sorte qu’aucune astreinte n’aurait pu assortir une obligation indéterminée.

2.13L’auteur s’est pourvu en cassation au motif que l’inexécution par la société Renault de l’obligation de repositionnement lui causait un préjudice réel dans le calcul de son droit à la retraite, et que les sommes versées par la société Renault à titre de dommages-intérêts n’étaient pas prises en compte par les caisses de retraite pour calculer le montant de sa pension. Le 4 décembre 2014, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, au motif que le juge de l’exécution pouvait assortir d’une astreinte la décision d’un autre juge si les circonstances en faisaient apparaître la nécessité. La Cour de cassation a aussi considéré qu’il appartenait à la cour d’appel de se prononcer sur la difficulté d’exécution dont elle était saisie, en interprétant au besoin la décision.

2.14Statuant après renvoi de cassation, la cour d’appel de Versailles a, par arrêt du 24 septembre 2015, infirmé le jugement du juge de l’exécution du 3 juillet 2012. Dans sa décision, la cour a d’abord déclaré recevable la demande présentée par l’auteur tendant à voir assortir d’une astreinte l’obligation de repositionnement ordonnée par l’arrêt du 2 avril 2008. Toutefois, la cour a rejeté sa demande sur le fond, au motif notamment que la cour aurait réparé l’entier préjudice du salarié par la seule allocation de dommages-intérêts, lesquels incluraient « les conséquences du repositionnement » de l’auteur. Ce dernier s’est pourvu en cassation contre cette décision.

2.15Le 1er décembre 2016, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi sans motiver sa décision, sur la base de l’article 1014 du Code de procédure civile, estimant que les moyens de cassation évoqués en soutien du pourvoi n’étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur allègue la violation par l’État partie des articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la Convention. Il estime que la discrimination dont il a été victime est fondée sur son appartenance ethnique, au sens des articles précités. Il rappelle que la discrimination a été reconnue dans l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 2 avril 2008, considérant que l’auteur avait subi une discrimination raciale depuis 1976 jusqu’à son départ à la retraite, en 2003.

3.2L’auteur soutient que l’État partie doit donc répondre de la discrimination raciale dont il a été victime, dès lors que celui-ci n’a pas fait respecter par la société Renault la Convention, alors même qu’il était de notoriété publique que des pratiques discriminatoires existaient au sein de la société à l’égard de certaines catégories de salariés. L’auteur indique qu’ont été rendus publics des documents internes qui attestent de la systématisation de ces pratiques discriminatoires, notamment le système ESCADRE, mettant en œuvre une quasi-« codification ethnique » à usage interne structurée autour de la couleur de peau et des origines ethniques. L’auteur précise que dans une note interne de la société Renault, il a été mentionné que « les moins bons, quant au module qualité de l’adaptation au travail dans l’entreprise, sont incontestablement les Africains noirs et les Algériens, Marocains, Tunisiens, suivis de près par les travailleurs des [départements d’outre-mer] » et que « les Noirs sont les plus difficiles à assimiler à la société française […] ».

3.3L’auteur allègue la violation de l’article 2 de la Convention, car il estime que l’État partie a laissé pratiquer des discriminations à l’égard de personnes ou de groupes de personnes en raison de leur origine ethnique ou géographique.

3.4L’auteur allègue également la violation de l’article 3 de la Convention, l’État partie n’ayant pas mis en œuvre de mesures pour éliminer la ségrégation raciale au sein de la société Renault.

3.5Au titre de l’article 4 de la Convention, l’auteur soutient que l’État partie a encouragé, par son attitude passive, la haine et la discrimination, alors qu’il était décisionnaire au sein de la société Renault. L’auteur soutient également que l’État partie a violé l’article 5 de la Convention en ne lui garantissant pas la protection de ses droits fondamentaux, notamment l’égalité de traitement sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique.

3.6Au titre de l’article 6 de la Convention, l’auteur soutient qu’il n’a pu obtenir que l’exécution partielle de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 2 avril 2008, qui reconnaissait la discrimination raciale dont il avait été victime, lui allouait des dommages-intérêts et ordonnait son repositionnement dont la mise en œuvre nécessitait la délivrance d’un certificat de travail. L’auteur explique qu’en raison du rejet de son pourvoi sans examen au fond, il a été privé d’une voie de recours effective devant une juridiction nationale, en lien avec les pratiques constitutives de discrimination raciale dont il a été victime. L’auteur soutient enfin qu’il n’a pas pu obtenir une réparation juste et adéquate de l’intégralité des dommages dont il a été victime, en raison de la discrimination raciale dont il a fait l’objet.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Le 13 mars 2019, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication tout en indiquant qu’il n’entendait formuler aucune observation sur la recevabilité.

4.2L’État partie considère que l’auteur a pu faire valoir ses arguments concernant la discrimination dont il s’estimait victime de la part de la société Renault, et qu’il a pu bénéficier du droit à un tribunal impartial et de toutes les garanties associées à l’exercice d’un tel droit dans des conditions satisfaisantes. L’État partie estime que le préjudice subi par l’auteur a été constaté et intégralement réparé, après condamnation de la société Renault par la cour d’appel de Versailles le 2 avril 2008.

4.3L’État partie réfute les arguments de l’auteur alléguant une violation des articles 2, 3, 4 et 5 de la Convention. En premier lieu, il considère comme dépourvue de tout fondement l’inertie qui lui est reprochée à l’égard des politiques discriminantes qui auraient été pratiquées par la société Renault, d’autant que les prétendus « documents internes rendus publics » à l’appui de cette allégation n’ont pas été produits par l’auteur.

4.4En deuxième lieu, l’État partie rappelle qu’il est doté d’un cadre juridique complet en matière de lutte contre les discriminations au travail, couvrant le champ des discriminations raciales. Il note que les principes d’égalité et de non-discrimination sont consacrés au sommet du corpus juridique français par le bloc de constitutionnalité. L’État partie note également que le Code du travail précise ces principes dans le cadre des relations de travail et que la protection des salariés s’étend également aux conséquences dommageables de la dénonciation de faits discriminatoires. En cas de reconnaissance par le juge du caractère discriminatoire d’une disposition ou d’un acte pris par un employeur à l’égard d’un salarié, une telle disposition ou un tel acte encourent la nullité.

4.5L’État partie précise que son système juridique permet un accès facilité à la justice pour les salariés victimes de discrimination. Il note que les salariés victimes d’actes de discrimination bénéficient d’un aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions civiles, garanti par l’article L1134-1 du Code du travail. En ce sens, les salariés sont dispensés de prouver la discrimination dont ils sont victimes. Le cas échéant, il incombe à l’employeur de prouver que la différence de traitement est étrangère à tout motif discriminatoire. À cet égard, l’État partie précise que l’avis du Comité en l’affaire Gabaroum c . France, cité par l’auteur dans ses observations, n’est pas opérant en l’espèce, la cour d’appel de Versailles ayant utilement appliqué le principe de renversement de la charge de la preuve prévu à l’article L122-45 du Code du travail et prononcé la condamnation de la société Renault.

4.6L’État partie soutient que la lutte contre les discriminations raciales dans le champ du travail est consacrée dans son droit pénal. Ainsi, la discrimination raciale constitue une infraction pénale lorsqu’elle consiste pour un employeur à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, ou encore à subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise. Les employeurs se rendant coupables d’une telle discrimination encourent une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

4.7L’État partie souligne que la discrimination alléguée par l’auteur a été reconnue par les juridictions nationales, lesquelles ont condamné la société Renault à l’indemniser pour les préjudices qu’il avait subis à ce titre. Il rappelle en ce sens que la cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 2 avril 2008, a ainsi considéré que la société Renault n’avait pas apporté la preuve qui lui incombait que la différence de traitement entre l’auteur et les salariés placés dans une situation comparable était « justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race », et qu’il y avait « lieu de considérer celle-ci comme établie ». La cour d’appel de Versailles a également considéré « que la société Renault doit réparer le préjudice subi par l’auteur du fait du blocage de sa carrière et du maintien de sa rémunération à un niveau inférieur à ce qu’elle aurait dû être » et a condamné la société Renault à des dommages-intérêts ainsi qu’aux dépens.

4.8L’État partie rappelle que la cour d’appel de Versailles a aussi ordonné le repositionnement de l’auteur aux différents coefficients de classification qui auraient dû être les siens au cours de sa carrière. Le préjudice de l’auteur, évalué à hauteur de 88 000 euros, hors dépens, par la juridiction saisie, a été intégralement réparé à la suite du paiement par la société Renault découlant de sa condamnation. L’État partie soutient en revanche que le repositionnement de l’auteur s’est révélé matériellement impossible, dans la mesure où celui‑ci était parti à la retraite depuis plusieurs années au moment de la condamnation de son ancien employeur. À cet égard, l’État partie souligne que, dans son arrêt du 24 septembre 2015, la cour d’appel de Versailles, statuant sur la requête en interprétation introduite par l’auteur, a considéré qu’il fallait interpréter l’arrêt du 2 avril 2008 dans le sens du repositionnement de l’auteur, ce qui justifie la condamnation de la société Renault à des dommages-intérêts pour le préjudice matériel et de carrière subi. L’État partie souligne que l’auteur n’a pas contesté que les condamnations pécuniaires prononcées par la cour lui avaient été versées. Il indique que la cour a en outre précisé que « l’arrêt du 2 avril 2008 n’ayant pas ordonné le paiement de salaires, il ne saurait résulter de cette décision que des bulletins de salaire ou un certificat de travail conformes doivent être délivrés par l’employeur. Cette dernière demande a d’ailleurs été rejetée par des décisions irrévocables ». L’État partie considère enfin qu’il résulte de ce qui précède que l’auteur − lequel a obtenu la condamnation de la société Renault, pour la discrimination dont il alléguait avoir été l’objet, à la réparation de l’intégralité du préjudice subi − est mal fondé à prétendre devant le Comité que l’État partie est resté inactif. Par conséquent, l’État partie soutient qu’en l’espèce, aucun manquement ne peut lui être reproché quant au respect des articles 2, 3, 4 et 5 de la Convention.

4.9En ce qui concerne la violation de l’article 6 de la Convention, l’État partie souligne en premier lieu que l’auteur ne peut valablement prétendre n’avoir obtenu qu’une exécution partielle de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 2 avril 2008, dans la mesure où son recours en interprétation a au contraire permis de confirmer que la décision avait été pleinement exécutée. L’État partie affirme que, dans sa décision d’interprétation de l’arrêt du 2 avril 2008, la cour d’appel de Versailles a considéré qu’elle avait choisi d’indemniser le préjudice résultant de la discrimination par l’octroi de dommages-intérêts incluant les conséquences du repositionnement de l’auteur. À cet égard, l’État partie rappelle qu’il n’appartient pas au Comité d’examiner la manière dont les tribunaux nationaux ont interprété le droit national, sauf si les décisions étaient manifestement arbitraires ou représentaient un déni de justice. L’État partie estime que le Comité doit tout simplement constater en l’espèce que l’arrêt du 2 avril 2008 a bien été intégralement exécuté et le préjudice du requérant, entièrement réparé. Par conséquent, les actions en justice de l’auteur lui ont permis, outre la reconnaissance de la discrimination qu’il avait subie, l’indemnisation intégrale du préjudice qui en résultait. Le droit d’accès à un tribunal de l’auteur a donc bien été garanti.

4.10En second lieu, en ce qui concerne le rejet du pourvoi en cassation formé par l’auteur contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 24 septembre 2015, l’État partie souligne qu’en application de l’article 1014 du Code de procédure civile, après le dépôt des mémoires des parties au litige, la formation de la Cour de cassation, compétente pour statuer sur la demande, peut légalement décider de rejeter le pourvoi par une décision non spécialement motivée, lorsque celui-ci n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation de l’arrêt attaqué. L’État partie soutient que l’instauration d’une procédure de sélection des pourvois en cassation poursuit le but légitime d’une bonne administration de la justice, qui exige de trier les cas soumis pour ne pas engorger l’office de la Cour et empêcher un nombre élevé de pourvois.

4.11L’État partie, tout en soulignant que l’obligation de motiver les décisions de justice constitue un élément inhérent à la notion de procès équitable, estime qu’il n’y a aucune obligation de motiver « en détail une décision par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chance de succès ». L’État partie soutient que les parties ont accès au rapport établi par le magistrat instruisant le dossier, qui a proposé à la Cour de cassation le rejet du pourvoi dans les conditions prévues par l’article 1014 du Code de procédure civile. Ce rapport contient les raisons objectives pour lesquelles le pourvoi, selon lui, ne présente pas de moyen sérieux de nature à entraîner la cassation de l’arrêt attaqué. Ainsi, il est loisible aux parties, par l’intermédiaire de leur avocat, de formuler toutes observations contraires avant l’audience, afin que la formation de jugement puisse décider de statuer en la forme ordinaire. L’État partie estime enfin que les dispositions de l’article 1014 du Code de procédure civile n’ont nullement pour effet de priver le justiciable d’un accès au juge pour faire entendre sa cause. Par conséquent, l’État partie considère qu’il n’a pas violé l’article 6 de la Convention.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 17 juillet 2019, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie sur le fond de la communication. L’auteur réitère que la discrimination raciale qu’il allègue a été reconnue judiciairement par l’arrêt du 2 avril 2008 de la chambre sociale de la cour d’appel de Versailles, ce qui n’est pas contesté par l’État partie. Il souligne toutefois que le préjudice subi n’a pas été intégralement réparé, car il n’a pas pu obtenir l’exécution en ce qui concerne le repositionnement ordonné par l’arrêt de la cour d’appel, notamment le paiement des salaires et des primes y afférents.

5.2L’auteur réitère que le traitement différencié des travailleurs en fonction de leur origine ethnique au sein de la société Renault a longtemps été une constante, alors même qu’il s’agissait encore d’une régie nationale, et s’est poursuivi après que la société Renault est devenue une société anonyme dont l’État français était actionnaire majoritaire. L’auteur soutient que les pratiques discriminatoires en fonction de la nationalité ou de l’origine ethnique sont avérées et documentées au sein de la société Renault.

5.3L’auteur fait valoir que le dispositif de l’arrêt du 2 avril 2008 comportait deux volets : d’une part, un volet indemnitaire consistant en l’allocation de dommages-intérêts qui ont été versés par la société Renault et, d’autre part, une obligation de repositionnement qui n’a pas été respectée. La non-exécution de l’obligation de repositionnement n’est pas contestée par l’État partie, qui la justifie par le fait qu’elle aurait été selon lui matériellement impossible en raison du départ à la retraite de l’intéressé depuis plusieurs années. L’auteur soutient que cette argumentation n’est pas opérante, dans la mesure où son départ à la retraite ne faisait pas obstacle à une reconstitution de sa carrière a posteriori. L’auteur estime que cette argumentation est de surcroît contradictoire en ce sens que l’État partie reconnaît d’un côté que le repositionnement ordonné n’a pas été suivi d’effet, et soutient dans le même temps que la réparation du préjudice a été intégrale.

5.4L’auteur indique que la jurisprudence de la Cour de cassation est constante quant au caractère intégral de la réparation du préjudice, qui suppose de rétablir « aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ». S’agissant du repositionnement d’un salarié, l’auteur souligne que la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises qu’un tel repositionnement faisait partie intégrante de la réparation intégrale, et que la mise à la retraite du salarié n’y faisait pas obstacle.

5.5L’auteur soutient qu’en l’espèce, ainsi qu’en a jugé la cour d’appel de Versailles, son non-repositionnement a eu pour conséquence de minorer le montant de sa pension de retraite, dès lors que le calcul a été établi sur la base de salaires minorés en raison de la discrimination qui ne lui a pas permis d’atteindre les coefficients auxquels il pouvait légitimement prétendre. Cette discrimination a également eu un effet sur les primes de performance et l’intéressement, dans la mesure où ces derniers avaient pour base un salaire injustement minoré. En conséquence, l’auteur réitère que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2, 3, 4 et 5 de la Convention.

5.6En ce qui concerne la violation de l’article 6 de la Convention, l’auteur soutient qu’en dépit du fait qu’il a soumis un pourvoi parfaitement motivé à la Cour de cassation pour dénoncer le préjudice subi, son action a été rejetée sans examen au fond, le privant ainsi d’une voie de recours effective. Ce manquement constitue selon lui un déni de justice et, partant, une violation de l’article 6 de la Convention.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit déterminer si celle-ci est recevable au regard de l’article 14 (par. 7 a)) de la Convention. Le Comité note que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication.

6.2Le Comité prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles : a) il a été victime de discrimination en raison de son appartenance ethnique alors qu’il était employé à la société Renault, de 1976 jusqu’à son départ à la retraite, en 2003 ; b) ladite société a entretenu des pratiques discriminatoires à l’égard de certaines catégories de salariés qui n’ont pas eu de progression de carrière équitable, en raison de leur origine ethnique ; et c) cette discrimination a été reconnue par les juridictions nationales, notamment dans l’arrêt du 2 avril 2008 de la cour d’appel de Versailles. Le Comité note également les allégations de l’auteur selon lesquelles l’État partie a laissé pratiquer de telles discriminations (article 2 de la Convention), n’a pas pris de mesures pour les freiner au sein de l’entreprise (article 3), a encouragé ces pratiques par son inaction (article 4), et ne lui a pas garanti l’égalité de traitement nécessaire sans considération de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique (article 5).

6.3Le Comité note que l’État partie fait valoir que son système juridique permet de protéger les salariés victimes de discrimination raciale par un aménagement des principes de non-discrimination dans son corpus juridique, notamment dans le bloc de constitutionnalité, le Code du travail et le Code pénal. Le Comité note également que dans ses observations, l’État partie admet que la discrimination raciale alléguée par l’auteur a été reconnue par les juridictions nationales. Il observe que l’auteur a eu la possibilité d’introduire une action en justice pour faire valoir son droit à l’égalité devant les tribunaux de l’État partie, et qu’en ce sens, la cour d’appel de Versailles a reconnu la discrimination à l’égard de l’auteur, et a condamné la société Renault à des dommages-intérêts et aux dépens, ainsi qu’au repositionnement de l’auteur pour la période allant de 1985 à 2003. Le Comité observe également que, dans le cadre de la condamnation de la société Renault, les juridictions de l’État partie ont tenu compte dans leurs décisions du principe du renversement de la charge de la preuve en matière de discrimination raciale, conformément à l’article L1134-1 (ancien article L122-45) du Code du travail et à son avis dans l’affaire Gabaroum c . France. Le Comité observe en outre que dans son arrêt du 2 avril 2008, la cour d’appel de Versailles a considéré que la société Renault n’avait pas apporté la preuve qui lui incombait que la différence de traitement entre l’auteur et les salariés placés dans une situation comparable était « justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race », et qu’il y avait « lieu de considérer celle-ci comme établie ».

6.4En l’espèce, le Comité estime qu’il ne ressort pas des soumissions de l’auteur d’éléments démontrant que l’État partie a laissé pratiquer la discrimination alléguée (article 2 de la Convention), n’a pas agi pour y mettre fin (article 3), l’a encouragée par son inaction (article 4) ou n’a pas garanti à l’auteur l’égalité de traitement (article 5). Le Comité estime que les éléments soumis à l’appui des allégations de l’auteur ne lui permettent pas de conclure à la recevabilité de la communication quant aux articles 2, 3, 4 et 5 de la Convention.

6.5Le Comité, après avoir vérifié que toutes les conditions de recevabilité au titre de l’article 14 de la Convention étaient remplies, décide que la communication est recevable quant aux griefs énoncés au titre de l’article 6 de la Convention, et procède à son examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 14 (par. 7 a)) de la Convention, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties.

7.2Le Comité prend note de la similitude entre la présente communication et l’affaire Kotor c . France, pour laquelle le Comité a émis un avis le 25 novembre 2021, lors de sa 105e session. Les auteurs, dans les deux affaires, ont reçu un traitement similaire de la part de leur employeur. Dans le cadre du système national, leurs affaires ont été tranchées par les mêmes juridictions, aux mêmes dates et selon le même raisonnement. Ils étaient représentés par le même avocat. Les deux affaires soulèvent donc les mêmes questions au regard de la Convention.

7.3Dans ce contexte, le Comité estime que, pour les mêmes raisons que celles exposées dans son avis relatif à l’affaire Kotor c . France, il y a eu violation par l’État partie de l’article 6 de la Convention.

8.Le Comité réitère en outre ses recommandations à l’État partie de faire en sorte que les personnes victimes de discrimination raciale puissent bénéficier d’une réparation intégrale, notamment : a) par l’accès aux voies de recours internes disponibles ; et b) par l’examen de tous les griefs ayant rapport à la fixation des réparations auxquelles elles ont droit. Le Comité recommande également que le repositionnement de salariés victimes de discrimination raciale soit explicitement pris en compte dans la détermination des dommages-intérêts qui leur sont alloués. L’État partie est en outre prié de diffuser largement le présent avis du Comité, notamment auprès des instances judiciaires.

9.Le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet au présent avis.

Annexe

Opinion individuelle (dissidente) de Régine Esseneme

1.Le 30 août 2022, le Comité a adopté son avis sur la communication soumise par Stanislas Breleur contre la France.

2.En la forme, le Comité a estimé qu’il ne ressortait pas des soumissions de l’auteur d’éléments démontrant que l’État partie avait laissé pratiquer la discrimination alléguée (article 2 de la Convention), n’avait pas agi pour y mettre fin (article 3), l’avait encouragée par son inaction (article 4) ou n’avait pas garanti à l’auteur l’égalité de traitement (article 5). Il a par conséquent conclu à l’irrecevabilité de la communication quant aux articles 2, 3, 4 et 5 de la Convention.

3.Par contre, le Comité a décidé que les conditions prévues par l’article 14 de la Convention étaient remplies et que la communication était recevable quant aux griefs énoncés au titre de l’article 6 de la Convention.

4.Examinant la communication au fond, le Comité a décidé qu’au vu de la similitude de la présente communication avec l’affaireKotor c . Franceet pour les mêmes raisons que celles exposées dans son avis relatif à cette affaire,il y avait eu violation par l’État partie de l’article 6 de la Convention.

5.À mon avis, la présente communication est une plainte individuelle au sens de l’article14 (par. 1) de la Convention, qui fait du Comité une instance quasi juridictionnelle de règlement de litiges entre un État qui reconnaît sa compétence et des personnes relevant de sa juridiction.À défaut d’avoir été jointe à l’affaire Kotor c . France pour cause de similitude et examinée au même moment, la présente communication aurait dû faire l’objet d’un examen au fond par le Comité.

6.Au titre de la violation de l’article 6 de la Convention retenue par le Comité, l’auteur soutient qu’il n’a obtenu que l’exécution partielle de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 2 avril 2008,lequel a reconnu qu’il avait été victime de discrimination raciale, lui a alloué des dommages-intérêts et a ordonné son repositionnement dont la mise en œuvre nécessitait la délivrance d’un certificat de travail.

7.L’auteur explique qu’en raison du rejet de son pourvoi sans examen au fond par la Cour de cassation, il a été privé d’une voie de recours effective devant une juridiction nationale, en lien avec les pratiques constitutives de discrimination raciale dont il a été victime,et que de ce fait, il n’a pas pu obtenir une réparation juste et adéquate de l’intégralité des dommages qu’il a subis.

8.L’article 6 de la Convention dispose que les États parties assureront à toute personne soumise à leur juridiction une protection et une voie de recours effectives, devant les tribunaux nationaux et autres organismes d’État compétents, contre tous actes de discrimination raciale qui, contrairement à la Convention, violeraient ses droits individuels et libertés fondamentales, ainsi que le droit de demander à ces tribunaux satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle discrimination.

9.Il ressort des allégations de l’auteur et des observations de l’État partie que, l’année de son départ à la retraite, l’auteur a saisi le tribunal du travail, en l’occurrence le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, d’une requête en date du 20 mars 2003 à l’effet :

a)De faire constater la discrimination professionnelle dont il avait été victime en raison de ses origines ethniques alors qu’il était employé par la société Renault ;

b)D’obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

c)D’être repositionné dans les coefficients de salaire qu’il aurait dû atteindre avant son départ à la retraite.

10.Par son arrêt du 2 avril 2008, soit cinq ans après le départ à la retraite de l’auteur, la chambre sociale de la cour d’appel de Versailles a fait droit aux trois chefs de demande de l’auteur.

11.En effet, cette juridiction a reconnu que l’auteur avait été victime de discrimination raciale. Elle a ordonné son repositionnement du coefficient 220 auquel il se trouvait à son départ à la retraite au coefficient 305, soit 85 points de plus.

12.En réparation, la cour d’appel de Versailles a condamné la société Renault à payer à l’auteur les sommes d’argent ventilées ainsi qu’il suit, à titre de dommages-intérêts :

a)Préjudice matériel : 80 000 euros ;

b)Préjudice moral : 8 000 euros.

13.Le préjudice matériel, qui est une atteinte au patrimoine de la victime, doit être justifié. En matière sociale, il se caractérise par la perte ou la privation de la rémunération. En l’espèce, le préjudice matériel a consisté en la privation d’une rémunération conforme à la situation professionnelle réelle de l’auteur.

14.Pour réparer le préjudice matériel ainsi subi par l’auteur, la cour d’appel de Versailles a procédé à la reconstitution de sa carrière et calculé en conséquence le montant des dommages-intérêts, fixé à 80 000 euros.

15.Pour réparer l’honneur et la considération bafoués de l’auteur, la cour d’appel de Versailles lui a alloué la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral.

16.Ces sommes ont été intégralement payées à l’auteur par la société Renault. 

17.L’auteur a par la suite saisi le juge de l’exécution au motif que le repositionnement ordonné par la cour d’appel de Versailles n’avait pas été exécuté par la société Renault, qui avait refusé de lui délivrer le certificat de travail y relatif.

18.Le juge de l’exécution s’est déclaré incompétent à ordonner l’exécution de ce que la cour d’appel de Versailles n’avait pas décidé. Ce jugement a été confirmé par la cour le 24 septembre 2015.

19.L’auteur s’est pourvu en cassation contre cet arrêt. Le 1er décembre 2016, la Cour de cassation a rendu un arrêt par lequel elle a déclaré le pourvoi recevable, mais l’a rejeté sans examen au fond, pour légèreté des moyens, dans le cadre de la procédure de non-admission de pourvois prévue par le Code de procédure civile.

20.L’arrêt de rejet de la Cour de cassation ne saurait être considéré comme la privation d’une voie de recours effective devant une juridiction nationale, en lien avec les pratiques constitutives de discrimination raciale dont a été victime l’auteur.

21.En effet, le filtrage des pourvois est une étape procédurale légale dans la plupart des hautes juridictions nationales, puisque l’office d’une juridiction de cassation ne consiste pas à réexaminer les circonstances de fait d’une cause, mais plutôt à contrôler la régularité de la motivation et la légalité des décisions qui lui sont soumises. C’est à cet égard que les cas d’ouverture à pourvoi sont limitativement énumérés dans la loi, et les moyens invoqués doivent correspondre à des cas précis d’ouverture à pourvoi, et être bien articulés et développés.

22.En matière non répressive, le cadre du procès est fixé par le demandeur, et la juridiction saisie ne peut pas sortir du cadre de sa saisine en statuant sur ce qui ne lui a pas été demandé, au risque de statuer ultra petita et d’entacher sa décision de nullité.

23.La délivrance du certificat de travail est un chef distinct de demande qui doit être formulé dès l’introduction de l’instance. L’auteur ne l’a pas sollicitée dans la requête par laquelle il a saisi le Conseil des prud’hommes le 20 mars 2003. Par conséquent, la cour d’appel de Versailles ne s’est pas prononcée sur la question.

24.L’auteur voudrait amener subtilement le Comité à se prononcer sur une demande qu’il n’avait pas préalablement soumise aux juridictions nationales.

25.Or, le Comité ne saurait agir en lieu et place d’une juridiction nationale, ni même devenir une instance d’appel ou de révision des décisions rendues par les juridictions internes.

26.Au regard de l’analyse qui précède, et en vertu de l’article 95 (par. 4) du Règlement intérieur du Comité, qui dispose quetout membre du Comité peut demander qu’un résumé de son opinion individuelle soit joint en annexe à l’avis du Comité, mon opinion individuelle est que la présente communication est irrecevable pour abus du droit de présenter une communication en vertu de l’article 14 de la Convention, motif d’irrecevabilité prévu à l’article 91 (al. d)) du Règlement intérieur du Comité.