Nations Unies

CERD/C/106/D/61/2017

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

26 juillet 2022

Français

Original : espagnol

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Avis adopté par le Comité au titre de l’article 14 de la Convention, concernant la communication no 61/2017*,**

Communication présentée par :

Yaku Sacha Pérez Guartambel (non représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Équateur

Date de la communication :

10 février 2017 (date de la lettre initiale)

Date du présent avis :

28 avril 2022

Références :

Décision prise en application de l’article 91 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 28 mars 2017 (non publiée sous forme de document)

Objet :

Discrimination due à la non-reconnaissance du mariage ancestral

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; griefs insuffisamment étayés

Question(s) de fond :

Discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique

Article(s) de la Convention :

1er (par. 1, 2 et 4), 2 (par. 1a) et 2), 5 a) et d) iv)) et 9 (par. 1)

1.1L’auteur de la communication est Yaku Sacha Pérez Guartambel, né le 26 février 1969. De nationalité équatorienne et appartenant au peuple quechua/cañari, il est membre de la communauté autochtone d’Escaleras, Président de la Confédération des peuples de nationalité quechua d’Équateur et coordonnateur général de la Coordination andine des organisations autochtones. Il affirme être victime d’une violation par l’État partie des droits qu’il tient des articles 1er (par. 1, 2 et 4), 2 (par. 1 a) et 2), 5 a) et d) iv)) et 9 (par. 1) de la Convention. L’État partie a ratifié la Convention en 1966 et fait la déclaration prévue à l’article 14 le 18 mars 1977. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2L’auteur a épousé Manuela Lavinas Picq, journaliste et professeure d’université ayant la double nationalité brésilienne et française, le 21 août 2013, dans la communauté autochtone d’Escaleras. Le mariage a été célébré par les autorités traditionnelles du peuple quechua/cañari de la communauté autochtone d’Escaleras conformément aux traditions culturelles et spirituelles qui sont les leurs. Il a donc été inscrit dans le registre des mariages ancestraux de la communauté autochtone d’Escaleras et dans celui de la Confédération des peuples de nationalité quechua d’Équateur. En 2015, à la suite de l’arrestation du couple au cours d’une marche pour la défense des droits des peuples autochtones, le visa de Mme Lavinas Picq a été annulé. Mme Lavinas Picq a fait l’objet d’une procédure d’expulsion et s’est vue contrainte de quitter le pays. L’auteur et son épouse ont sollicité un visa de regroupement familial afin que Mme Lavinas Picq puisse regagner l’Équateur pour y vivre avec son mari, reprendre son travail et retrouver sa vie sociale. La demande de visa a été rejetée au motif que le mariage n’était pas inscrit au registre d’état civil de l’État partie. L’auteur a déposé auprès de la Direction générale de l’état civil, de l’identification et des documents d’identité une demande d’enregistrement de son mariage, qui a été rejetée au motif que l’État partie reconnaissait uniquement les mariages célébrés par les autorités de l’état civil et non pas ceux auxquels procédaient les autorités traditionnelles autochtones. L’auteur a déposé un recours en protection constitutionnelle devant l’Unité de justice pénale du district de Quito, demandant que son mariage soit inscrit au registre d’état civil et qu’un visa de regroupement familial soit délivré à son épouse. Ce recours a été rejeté aux motifs que le mariage ancestral n’avait aucune valeur juridique, la juridiction autochtone n’étant pas compétente pour célébrer et enregistrer des mariages, et que rien n’empêchait l’auteur et son épouse de faire célébrer leur mariage par l’autorité compétente. L’auteur a fait appel de cette décision devant la Cour provinciale de justice de Pichincha et a été débouté au motif que son mariage n’avait pas été célébré conformément aux textes applicables, à savoir le Code civil et la loi organique sur la gestion de l’identité et des données d’état civil. L’auteur allègue que le refus de l’État partie de reconnaître son mariage, qui a été célébré par l’autorité communautaire légalement et légitimement constituée et reconnue par l’assemblée communautaire, constitue une discrimination. Il allègue également que le rejet de la demande de visa pour son épouse constitue un acte de représailles contre ses propres activités de défense des droits des peuples autochtones, principalement celles qui l’amènent à s’opposer aux industries extractives sur les territoires autochtones. Il fait également valoir qu’il a été porté atteinte non seulement à ses droits individuels, mais aussi aux droits collectifs qu’ont les peuples autochtones de conserver leur culture, leurs traditions et leurs usages et coutumes et de perpétuer leur histoire. Ainsi, les faits en cause portent atteinte au droit des peuples autochtones à l’autodétermination, à l’autonomie juridictionnelle et au respect des procédures et institutions millénaires qui sont les leurs, comme le mariage, institution antérieure à la création de l’État, qui est assortie de rites, d’allégories, de cérémonies et de formalités propres à ces peuples, en accord avec leurs pratiques culturelles et spirituelles. L’auteur soutient également qu’il a été porté atteinte à son droit à une procédure régulière lorsque le Ministre de l’intérieur a demandé au tribunal de consulter son ministère avant de prendre une décision finale, après qu’une juge a refusé d’expulser l’épouse de l’intéressé ; selon lui, il s’agit d’une ingérence de l’exécutif dans l’administration de la justice.

1.3Le 4 décembre 2019, le Comité a déclaré la communication recevable au regard de l’article 14 de la Convention et de l’article 94 de son règlement intérieur. Premièrement, en ce qui concerne la compétence ratione personae, il a estimé que la plainte présentée par l’auteur au nom des peuples autochtones dont les droits collectifs auraient été violés par la non-reconnaissance du mariage autochtone avait un caractère générique. En conséquence, il a décidé de limiter son examen à la plainte présentée par l’auteur en son nom propre, en tant que personne directement et personnellement lésée par le refus d’enregistrer son mariage et de délivrer un visa à son épouse. Deuxièmement, le Comité a estimé que l’auteur avait épuisé les recours internes raisonnablement disponibles et utiles pour dénoncer le refus d’enregistrer son mariage et de délivrer un visa à son épouse, étant donné qu’il avait déposé un recours en protection constitutionnelle et fait appel de la décision de refus. Troisièmement, le Comité a considéré que l’auteur n’avait pas épuisé les recours internes en ce qui concerne les persécutions politiques dont il aurait fait l’objet et a déclaré cette partie de la communication irrecevable. Quatrièmement, le Comité a estimé que la partie de la communication concernant la violation des garanties d’une procédure régulière n’avait pas été suffisamment étayée et l’a également déclarée irrecevable. Enfin, en ce qui concerne l’allégation de l’auteur selon laquelle il aurait été victime de discrimination raciale du fait que les autorités de l’État partie n’avaient pas reconnu son mariage ancestral ni accepté de l’enregistrer et ont par conséquent refusé de délivrer à son épouse un visa de regroupement familial, bien que cette union ait été célébrée par l’autorité communautaire légalement et légitimement constituée et reconnue par l’assemblée communautaire, le Comité a pris note de l’argument de l’État partie selon lequel le mariage de l’auteur devait satisfaire aux conditions prévues par la loi pour être inscrit au registre d’état civil. Toutefois, à la lumière de l’article premier de la Constitution de l’État partie, qui dispose que l’Équateur est un État interculturel et plurinational, de l’article 11 (par. 1) de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de sa recommandation générale no 23 (1997), le Comité a estimé que, aux fins de la recevabilité, les griefs que l’auteur tire des articles 1er (par. 4), 2 (par. 1 a) et 2) et 5 d) iv)) de la Convention avaient été suffisamment étayés et devaient être examinés quant au fond. Il a prié les parties de soumettre leurs observations et commentaires écrits quant au fond de la communication. Pour de plus amples informations sur les faits, les griefs soulevés par l’auteur, les observations et commentaires des parties sur la recevabilité, et la décision du Comité à ce sujet, voir la décision sur la recevabilité.

Observations de l’État partie sur le fond

2.1Le 26 mars 2020, l’État partie a indiqué que la Direction générale de l’état civil, de l’identification et des documents d’identité était l’entité de droit public chargée de gérer les documents d’identité et les faits et actes d’état civil d’une personne et de fournir les données s’y rapportant. Ainsi, seuls les services de l’état civil sont habilités à officialiser, autoriser, inscrire et enregistrer les faits et actes liés à l’état civil d’une personne et les modifications qui y sont apportées.

2.2L’État partie soutient que l’auteur a reconnu la compétence de la Direction de l’état civil lorsqu’il s’est marié une première fois en 1998, puis ultérieurement, lorsqu’il a indiqué qu’il était veuf, et lorsque, en application des dispositions de l’article 78 de la loi organique sur la gestion de l’identité et des données de l’état civil, il a demandé à ne plus s’appeler Carlos Ranulfo Pérez Guartambel mais Yaku Sacha Pérez Guartambel. Ainsi, selon l’État partie, l’auteur aurait pu, également en 2013, faire célébrer son second mariage par l’autorité publique compétente.

2.3L’État partie indique que le fait que l’auteur a pu changer de nom montre bien que le droit à l’identité peut être exercé sans discrimination. Il précise en outre que c’est au nom de la diversité culturelle que l’auteur s’est engagé politiquement, s’est porté candidat et a été élu préfet de la province d’Azuay en 2019. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie estime qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 1er (par. 4) de la Convention. En particulier, le refus de la Direction de l’état civil d’enregistrer le mariage ancestral n’était pas discriminatoire car il ne résultait pas d’une décision prise par une institution à l’égard d’un groupe racial ou d’une ethnie particulière. L’État partie rappelle que, dans l’affaire L. R. et consorts c. République slovaque, le Comité a exigé que l’acte constituant la discrimination alléguée soit formellement constaté. L’État partie affirme qu’il n’y pas de discrimination en l’espèce. En fait, les peuples autochtones célèbrent les rites propres aux mariages ancestraux sans discrimination, le cadre constitutionnel et infraconstitutionnel favorisant l’interculturalité et la plurinationalité et n’interdisant pas la célébration de ces unions.

2.4L’État partie fait en outre valoir qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 2 (par. 1 a) de la Convention et rappelle l’article 11 (par. 2) de la Constitution selon lequel nul ne peut faire l’objet d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique, le lieu de naissance, l’âge, le sexe, l’identité de genre, l’identité culturelle, l’état civil, la langue, la religion, l’idéologie, l’appartenance politique, le casier judiciaire, la situation socioéconomique, le statut de migrant, l’orientation sexuelle, l’état de santé, la séropositivité au VIH, le handicap ou la différence physique, ni sur toute autre distinction, personnelle ou collective, temporaire ou permanente, qui aurait pour objet ou résultat de compromettre ou d’annihiler la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice des droits. En outre, l’article 21 de la Constitution protège le droit de chacun de construire et de conserver sa propre identité culturelle et de décider de son appartenance à une ou plusieurs communautés culturelles.

2.5Enfin, l’État partie soutient qu’il n’y a pas non plus eu de violation des articles 2 (par. 2) et 5 d) iv)) de la Convention du fait que la loi organique relative aux Conseils nationaux pour l’égalité et les programmes nationaux pour l’égalité entre les nationalités et les peuples (2013-2017) et (2017-2021) répondent pleinement aux exigences découlant de ces articles. Il affirme que les autorités judiciaires qui ont statué sur le recours en protection et l’appel formés par l’auteur ont examiné attentivement quelle était l’autorité compétente pour célébrer et enregistrer un mariage civil. Les autorités compétentes pour célébrer un mariage sont les fonctionnaires de l’état civil ou toute autre personne autorisée qui, en raison de sa profession, exerce des activités liées à la loi organique sur la gestion de l’identité et des données d’état civil, comme les notaires, mais pas les autorités traditionnelles de la communauté autochtone d’Escaleras ; et l’autorité compétente pour enregistrer un mariage est la Direction générale de l’état civil, de l’identification et des documents d’identité et non la Confédération des peuples de nationalité quechua d’Équateur.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant le fond

3.1Le 15 août 2020, l’auteur a fait valoir que la Direction de l’état civil devait respecter la Constitution de l’État partie, norme suprême qui prime toute autre norme de l’ordre juridique. En effet, l’article 424 de la Constitution dispose que les règles adoptées par les pouvoirs publics et les actions menées par ceux-ci doivent être conformes aux dispositions de la Constitution, sous peine de nullité.

3.2L’auteur fait observer que, selon l’article premier de la Constitution, l’Équateur est un État plurinational. L’article 57 garantit aux peuples et nationalités autochtones des droits collectifs leur permettant de renforcer librement leur identité, leur sentiment d’appartenance, leurs traditions ancestrales et leurs formes d’organisation sociale, de développer leurs propres formes de coexistence et d’organisation sociale, et de créer, de développer, d’appliquer et de pratiquer leur droit propre ou leur droit coutumier. En outre, l’article 171 accorde aux peuples et nationalités autochtones le droit d’exercer des fonctions juridictionnelles sur leur propre territoire en se fondant sur leurs traditions ancestrales et leurs propres règles de droit ; les décisions prises par les autorités autochtones doivent être respectées par les institutions et les pouvoirs publics.

3.3L’auteur soutient donc que, les fonctions juridictionnelles des autorités traditionnelles autochtones étant reconnues et protégées par la Constitution, la Direction de l’état civil aurait dû considérer comme valable et reconnaître la célébration de son mariage ancestral par les autorités traditionnelles de son peuple.

3.4De même, l’auteur fait valoir que, selon les articles 424 et 426 de la Constitution, la Direction de l’état civil aurait également dû respecter le droit international. Ces articles de la Constitution disposent respectivement que les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État qui reconnaissent des droits plus favorables que ceux garantis par la Constitution l’emportent sur toute autre norme juridique ou action des pouvoirs publics, que les droits consacrés par la Constitution et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont d’application immédiate et que l’absence de législation ou l’ignorance du droit ne saurait être invoquée pour justifier la violation d’un droit.

3.5À cet égard, l’auteur rappelle que la Convention concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (no 169) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), 1989, ratifiée par l’État partie, garantit le droit des peuples de conserver et de développer leur culture, leurs modes de vie et leurs institutions propres, ce qui suppose qu’aucune discrimination ne saurait être établie en matière de droits liés à la citoyenneté. En particulier, l’article 2 dispose qu’il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples au moyen de mesures visant à assurer que les membres desdits peuples bénéficient, sur un pied d’égalité, des droits et possibilités que la législation nationale accorde aux autres membres de la population. L’article 5 dispose également qu’il faut reconnaître et protéger les valeurs et les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et respecter l’intégrité des valeurs, des pratiques et des institutions desdits peuples. De même, l’article 8 prévoit qu’en appliquant la législation nationale aux peuples intéressés, il doit être dûment tenu compte de leurs coutumes ou de leur droit coutumier et que les peuples autochtones doivent avoir le droit de conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système juridique national et avec les droits de l’homme reconnus au niveau international. De son côté, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dispose qu’en vertu du droit à l’autodétermination qui leur est reconnu, les peuples autochtones déterminent librement leur statut politique, social et culturel, et qu’à ce titre, ils ont le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes (art. 3, 4 et 5). La Déclaration prévoit également que les peuples autochtones ont le droit de revivifier leurs traditions culturelles, leurs coutumes et leurs rites (art. 11), de conserver leurs institutions politiques et sociales (art. 20) et de décider de leur propre identité conformément à leurs coutumes (art. 33). L’auteur rappelle que, selon la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, ceux-ci ont le droit de préserver, conserver et promouvoir leurs propres systèmes familiaux (art. XVII).

3.6Fondé sur ce qui précède, l’auteur affirme que l’État partie a violé les articles 1er (par. 4), 2 (par. 1 a) et 2) et 5 d) iv)) de la Convention, lus conjointement avec les textes internationaux susmentionnés, car la Direction de l’état civil ne saurait être seule compétente pour célébrer, autoriser, inscrire et enregistrer les mariages, étant donné que la reconnaissance d’un mariage célébré par les autorités traditionnelles s’appuie sur le principe de l’autodétermination des peuples et que la Constitution définit l’Équateur comme un État plurinational.

3.7L’auteur fait observer que, pendant des millénaires, bien avant la création de l’État partie, les peuples autochtones ont eu recours à des mariages ancestraux célébrés par leurs institutions et ont organisé leur vie et leur société autour de ces unions, conformément aux cultures qui sont les leurs. Il soutient que la non-reconnaissance de la compétence des institutions traditionnelles autochtones est discriminatoire car elle empêche les autochtones et les membres de leur famille d’exercer leurs droits civils (notamment d’obtenir un visa de regroupement familial), ce qui les pousse par assimilation forcée à se soumettre à l’institution étatique du mariage civil.

3.8En fait, la célébration de plusieurs mariages autochtones dans la province d’Azuay, ce que l’État partie a rappelé pour prouver l’absence de discrimination, constitue précisément un motif qui justifie de reconnaître légalement l’existence de ces unions et de cesser de folkloriser la vie autochtone. L’auteur ne dit pas que les autorités autochtones sont empêchées de célébrer des mariages ancestraux, mais plutôt que l’État partie ne reconnaît pas la validité de ces unions célébrées par des institutions autochtones millénaires. En effet, les peuples autochtones ont toujours fait célébrer des mariages par leurs institutions, mais il faut que ces mariages soient reconnus par l’État partie pour que les autochtones puissent exercer leurs droits civils dans des conditions d’égalité (comme, en l’espèce, le droit d’obtenir un visa de regroupement familial).

3.9Concernant l’argument de l’État partie selon lequel, en 1998, l’auteur s’est marié une première fois devant l’état civil, celui-ci soutient que le fait de ne pas avoir observé ses coutumes par le passé (la colonisation a eu pour effet que de nombreux peuples éprouvent des difficultés à vivre et à penser comme ils l’entendent, et à adhérer à une philosophie et une organisation sociale qui leur sont propres) ne saurait être utilisé contre lui en l’espèce. Il précise que ce n’est que récemment que l’identité autochtone a commencé à s’affirmer à nouveau, à la suite de l’adoption de la Constitution de 2008.

3.10En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel le fait que l’auteur a pu changer de nom montre qu’il n’a subi aucune discrimination, l’intéressé fait valoir que, pour établir que la non-reconnaissance d’un mariage ancestral constitue un acte de discrimination, il est inutile de démontrer que la possibilité de changer de nom n’est pas discriminatoire. L’auteur ajoute que la colonisation a consisté, entre autres choses, à imposer des noms chrétiens aux peuples autochtones, raison pour laquelle des procédures de changement de nom sont en cours dans le cadre du processus de décolonisation.

3.11En ce qui concerne le fait que l’auteur a exercé la fonction de préfet de la province quechua/cañari d’Azuay au nom de la diversité culturelle, argument que l’État partie considère comme une preuve supplémentaire qu’il n’y a pas de discrimination en Équateur (voir supra, par. 2.3), l’auteur ajoute qu’au contraire, on l’a poursuivi en justice pour l’empêcher de mener à bien ses activités, à tel point que la Commission interaméricaine des droits de l’homme a ordonné des mesures provisoires en sa faveur. Il rappelle en outre que des analystes politiques ont considéré que la mise en détention de Mme Lavinas Picq constituait précisément un acte de racisme et de représailles dirigé contre lui en raison de l’action qu’il menait en faveur des droits des peuples autochtones, notamment dans le cadre de ses fonctions de préfet.

3.12Enfin, l’auteur prie le Comité de protéger son droit à un mariage sous le régime de la juridiction autochtone et de recommander que son union soit inscrite au registre d’état civil afin que son épouse et lui puissent ultérieurement obtenir un visa de regroupement familial, dans les mêmes conditions que les autres citoyens.

Délibérations du Comité

Examen au fond

4.1Conformément à l’article 14 (par. 7 a)) de la Convention et à l’article 95 de son règlement intérieur, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations et de tous les éléments de preuve que lui ont communiqués les parties.

4.2Le Comité note que l’auteur affirme que les articles 1er (par. 4), 2 (par. 1 a) et 2) et 5 d) iv)) de la Convention ont été violés en ce que la non-reconnaissance de la compétence des autorités traditionnelles autochtones qui ont célébré son mariage conformément aux cultures et aux coutumes qui leur sont propres depuis des millénaires avant la création de l’État partie et, partant, de son mariage constitue un acte de discrimination qui a pour effet de le priver des droits civils qu’exercent les personnes qui contractent mariage devant l’état civil. Il note également que, selon l’auteur, le refus de lui accorder un visa de regroupement familial et l’obligation qui lui est faite de contracter mariage devant la juridiction civile ordinaire le poussent par assimilation forcée à se soumettre à l’institution du mariage civil, ce qui est contraire à la Constitution de l’État partie, qui dispose que l’Équateur est un État plurinational qui garantit aux peuples et nationalités autochtones le droit d’appliquer et d’observer leur droit propre ou droit coutumier et leur permet d’exercer des fonctions juridictionnelles en se fondant sur leurs traditions ancestrales et leurs propres règles de droit. Selon l’auteur, ces normes constitutionnelles doivent être respectées par la Direction de l’état civil, au même titre que le droit international, qui reconnaît le droit des peuples autochtones à l’autodétermination, à l’autonomie juridictionnelle et au respect des procédures et institutions millénaires qui sont les leurs, et qui prévoit que, lorsqu’ils appliquent la législation nationale aux peuples autochtones, les États doivent prendre dûment en considération les coutumes et le droit coutumier propres à ces peuples.

4.3Le Comité note en outre que l’État partie affirme que la célébration des mariages autochtones n’est pas interdite sur son territoire et que le refus d’enregistrer le mariage ancestral en l’espèce ne résultait pas d’une décision prise par une institution à l’égard d’un groupe racial ou d’une ethnie particulière. Il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel, en Équateur, la célébration, l’inscription et l’enregistrement du mariage civil sont exclusivement du ressort des fonctionnaires de l’état civil et de la Direction générale de l’état civil, de l’identification et des documents d’identité et non des autorités traditionnelles de la communauté autochtone d’Escaleras ou de l’organisation de la Confédération des peuples de nationalité quechua d’Équateur. Ainsi, l’auteur aurait dû faire célébrer son mariage devant l’autorité compétente.

Autodétermination, autonomie et juridiction autochtone

4.4Le Comité observe que la Constitution de l’État partie, adoptée en 2008, selon laquelle l’Équateur est un État interculturel et plurinational (art. 1er), reconnaît et garantit aux communes, communautés, peuples et nationalités autochtones les droits collectifs qui leur permettent de maintenir, de développer et de renforcer librement leur identité, leur sentiment d’appartenance, leurs traditions ancestrales et leurs formes d’organisation sociale, de conserver et de développer leurs propres formes de coexistence et d’organisation sociale, de conception et d’exercice de l’autorité, sur leurs territoires légalement reconnus et leurs terres communautaires de possession ancestrale, de créer, de développer, d’appliquer et de pratiquer leur droit propre ou droit coutumier, qui ne pourra porter atteinte aux droits constitutionnels, en particulier des femmes, enfants et adolescents et de constituer et de maintenir des organisations qui les représentent, dans le respect du pluralisme et de la diversité culturelle, politique et organisationnelle ; la Constitution prévoit en outre que l’État reconnaît et encourage toutes leurs formes d’expression et d’organisation (art. 57 (par. 1, 9, 10 et 15)). De même, elle dispose que les autorités des communautés, peuples et nationalités autochtones exercent des fonctions juridictionnelles sur leur propre territoire conformément à leurs traditions ancestrales et leurs propres règles de droit, et que l’État doit veiller à ce que les décisions des juridictions autochtones, qui doivent faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, soient respectées par les institutions et les autorités publiques (art. 171). Outre la Constitution, le Comité note qu’en ce qui concerne la juridiction autochtone, le Code organique de la fonction judiciaire prévoit également que les autorités des communautés, peuples et nationalités autochtones exercent des fonctions juridictionnelles sur leur propre territoire conformément à leurs traditions ancestrales et à leur droit propre ou droit coutumier (art. 343), et que, dans leurs fonctions et leurs décisions, les auxiliaires de l’administration et les fonctionnaires doivent observer le principe de diversité en tenant compte du droit propre, des coutumes et des pratiques ancestrales des personnes et des peuples autochtones, le principe non bis in idem, en application duquel une affaire instruite par les autorités de la justice autochtone ne peut être jugée ni réexaminée […] par aucune autorité administrative, le principe de la présomption en faveur de la juridiction autochtone, selon lequel en cas de doute entre la juridiction ordinaire et la juridiction autochtone, le choix porte sur cette dernière, de façon à garantir sa plus grande autonomie et la moindre intervention possible, et le principe de l’interprétation interculturelle, ce qui implique que les droits doivent être interprétés d’une manière interculturelle, compte tenu d’éléments culturels liés aux coutumes, pratiques ancestrales, normes et procédures du droit propre aux peuples, nationalités, communes et communautés autochtones (art. 344).

4.5Le Comité note en outre que la Convention concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (no 169) de l’OIT, ratifiée par l’État partie, protège également les pratiques et institutions des peuples autochtones (art. 5) et dispose qu’« [e]n appliquant la législation nationale aux peuples [autochtones], il doit être dûment tenu compte de leurs coutumes ou de leur droit coutumier » ou que les peuples autochtones « doivent avoir le droit de conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système juridique national et avec les droits de l’homme reconnus au niveau international » (art. 8). De même, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones prévoit que « les peuples autochtones ont droit à l’autodétermination » (art. 3). À ce titre, ils ont « le droit d’être autonomes et de s’administrer eux‑mêmes » (art. 4), « de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes » (art. 5), « d’observer et de revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes », notamment le droit de conserver, de protéger et de développer les manifestations de leur culture, telles que les rites (art. 11), « de déterminer les structures de leurs institutions et d’en choisir les membres selon leurs propres procédures » (art. 33), et « de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et [...] leurs systèmes ou coutumes juridiques, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme » (art. 34). Pour sa part, la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones dispose que « [l]es États reconnaissent pleinement la personnalité juridique des peuples autochtones » (art. IX), que « [l]es peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles ainsi que [...] leurs propres usages et systèmes juridiques, conformément aux normes internationales relatives aux droits de la personne » et que « le droit et les systèmes juridiques autochtones doivent être reconnus et respectés par l’ordre juridique national, régional et international » (art. XXII). En outre, le Comité note que la Déclaration prévoit que les États reconnaissent, respectent et protègent les diverses formes autochtones de la famille « ainsi que de l’union conjugale » (art. XVII, par. 1).

4.6Le Comité estime que les normes susmentionnées, relatives à la reconnaissance de l’autodétermination, de l’autonomie, de la juridiction autochtone et de l’autogestion qu’exercent les autorités traditionnelles autochtones qui appliquent leur propre droit coutumier, répondent au pluralisme juridique. À cet égard, le Comité note l’article premier de la Constitution de l’État partie selon lequel l’État est interculturel et plurinational. Cela signifie que divers systèmes de gouvernance et modes de régulation sociale coexistent au sein de différentes instances, comme la juridiction ordinaire et la juridiction autochtone, et qu’ils ont pour fondement des éléments culturels, politiques ou historiques. De même, le Comité estime que l’autodétermination des peuples autochtones a pour objet principal de reconnaître la diversité culturelle qui existe sur un territoire national et de veiller à ce que celle-ci soit particulièrement protégée et préservée car, en plus de constituer un véritable patrimoine immatériel, elle participe de la réalisation des droits des peuples autochtones, y compris de leurs droits de conserver et de développer leurs propres institutions politiques, juridiques, culturelles, sociales et économiques.

Obligations énoncées dans la Convention à la lumière du droit coutumier autochtone

4.7Le Comité rappelle que l’interdiction de la discrimination raciale établie dans la Convention exige que les États parties garantissent à quiconque relevant de leur juridiction la jouissance de droits égaux en droit et en fait. En application de l’article 2 (par. 1 c)), chaque État partie doit prendre des mesures efficaces pour revoir les politiques gouvernementales nationales et locales et pour modifier, abroger ou annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe. Ainsi, le Comité a déjà établi que les États doivent prendre des mesures positives pour permettre la réalisation des droits humains des peuples autochtones, soit en supprimant les derniers obstacles, soit en adoptant des mesures législatives et administratives, et ce afin de s’acquitter des obligations que leur impose la Convention. C’est pourquoi le Comité a affirmé que, par exemple, la reconnaissance des droits des peuples autochtones sur leurs territoires traditionnels, fondés sur un usage ancestral, entraînait l’obligation de respecter et de protéger ces droits dans la pratique, et que des mesures spéciales devaient être prises à cette fin. En effet, comme le Comité l’a déjà indiqué, le fait d’ignorer le droit inhérent des peuples autochtones d’utiliser leurs territoires traditionnels − qui est fondé sur le droit coutumier autochtone − constitue une forme de discrimination car cela a pour effet de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les peuples autochtones, dans des conditions d’égalité, de leurs droits sur leurs territoires ancestraux, leurs ressources naturelles et, par conséquent, leur identité .

Non-discrimination dans l’exercice du droit au mariage

4.8En l’espèce, le Comité constate que l’acte de mariage ancestral inscrit au registre des actes familiaux de la communauté ancestrale d’Escaleras est rédigé comme suit :

« Par devant l’autorité autochtone de la présente communauté, se présentent librement, volontairement et de leur plein gré, Carlos Pérez Guartambel et Manuela Lavinas Picq, accompagnés des témoins Mirian Chuchuca Pugo et Ruth Noemi Pugo Pérez, afin d’inscrire au registre des actes familiaux de la présente communauté l’acte de mariage ancestral entre : Nom du marié : Carlos Pérez Guartambel, carte d’identité no 0102475449 ; lieu et date de naissance : Kachipucara/Escaleras, paroisse de Tarqui, le 26 février 1969 ; état civil : veuf, dont l’épouse, María Verónica Cevallos Uguña, a quitté ce monde le 16 octobre 2012 et avec laquelle il a eu deux filles [...]. Nom de la mariée [...] ; domicile des mariés [...] ; lieu et date de la cérémonie : Lagunes de Kimsakocha, le 21 août de l’année occidentale 2013 (jour de pleine lune) (junda killa). Le présent acte est également signé par Rosa Inés Guartambel Guinansaca, qui, en sa qualité de grand-mère et de marraine des filles mineures, s’engage à apporter le soutien nécessaire pour leur garantir une bonne éducation, inspirée par le principe du bien vivre ou allí sumak kawsay, en harmonie et en accord avec le père des filles mineures, et conformément au droit propre des peuples autochtones. Le présent acte de bonne gouvernance communautaire est fondé sur les dispositions des articles 1er, 10, 11, 56, 57, 68 et 171 de la Constitution, des articles 1er, 2, 3, 5 et 8 de la Convention no 169 de l’OIT, des articles 1er, 2, 3, 4, 5, 9, 11, 33 et 34 de la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones et des articles 343 et 344 du Code organique de la fonction judiciaire, ainsi que sur le droit propre de peuples riches d’une tradition millénaire. Il est procédé à l’inscription du présent acte de mariage ancestral au registre de la communauté d’Escaleras, et une copie sera remise à la Fédération des organisations autochtones et paysannes de la province d’Azuay et à la Confédération des peuples de nationalité quechua d’Équateur. ».

4.9Le Comité note également que les registres des mariages ancestraux tenus par la Fédération des organisations autochtones et paysannes de la province d’Azuay et par la Confédération des peuples de nationalité quechua d’Équateur attestent dans des termes similaires que le mariage ancestral entre l’auteur et Mme Lavinas Picq a été célébré par devant les autorités quechua/cañari de la communauté autochtone d’Escaleras.

4.10Le Comité note que les autorités traditionnelles de la communauté ancestrale d’Escaleras, qui ont établi l’acte de mariage selon leurs coutumes millénaires, se sont assurées de l’identité des mariés, de leur âge, de leur état civil antérieur, de leur adresse et du caractère volontaire de leur union et ont confirmé le lieu et la date du mariage, le tout en présence de deux témoins.

4.11Le Comité relève en outre que l’État partie n’a pas reconnu le mariage de l’auteur parce qu’il n’avait pas été célébré par les autorités publiques instituées à cette fin par le Code civil et la loi organique sur la gestion de l’identité et des données d’état civil. Il note que l’État partie demande à l’auteur de se remarier devant les autorités chargées de l’état civil et estime que cela peut contribuer à mettre en danger des pratiques culturelles qui constituent un patrimoine culturel. En l’espèce, le refus de l’État partie de reconnaître le mariage de l’auteur a eu pour conséquence que celui-ci n’a pas pu exercer un droit civil rattaché au mariage, comme le droit d’obtenir un visa de regroupement familial, portant ainsi atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.

4.12Le Comité rappelle l’article XVII (par. 1) de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, qui dispose que les États doivent reconnaître, respecter et protéger les formes d’union maritale des peuples autochtones. Le Comité rappelle également que selon les articles 57 et 171 de la Constitution de l’État partie, les peuples autochtones exercent, conformément à leurs traditions ancestrales et à leur droit propre ou droit coutumier, des fonctions juridictionnelles et des modes de gouvernance qui leur sont propres. Le Comité rappelle également la nécessité d’une interprétation interculturelle des droits, conformément au Code organique du pouvoir judiciaire de l’État partie, en tenant compte des éléments culturels liés aux coutumes, pratiques ancestrales, règles ou procédures du droit propre des peuples autochtones (par. 4.4). Le Comité considère donc que l’enregistrement et la reconnaissance des effets juridiques des mariages célébrés par les autorités traditionnelles autochtones selon leurs coutumes millénaires, loin de priver l’État partie de sa compétence en matière de droit civil, met plutôt en œuvre la nécessaire coopération et coordination qui doit être au cœur de la relation entre le système ordinaire et le système autochtone − ce dernier émanant non seulement du cadre constitutionnel qui favorise l’interculturalité et la plurinationalité, mais aussi du droit des peuples autochtones à l’autonomie et à l’auto‑gouvernement (par. 4.6).

4.13Le Comité considère que l’État partie ne doit pas seulement ne pas interdire la célébration de mariages autochtones (supra, par. 2.3) ou la délivrance par les autorités traditionnelles autochtones d’actes de mariage pour les unions célébrées sur leur territoire, mais qu’il doit plutôt reconnaître comme valables les mariages célébrés par les autorités traditionnelles dont il est informé et les inscrire au registre de l’état civil afin de leur conférer la même validité que les mariages célébrés par les agents de l’état civil. Cela aurait permis à l’auteur et à Mme Lavinas Picq d’exercer les mêmes droits civils que ceux dont jouissent les couples mariés reconnus par l’état civil. Au vu de ce qui précède, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que l’auteur tient de l’article 5 d) iv) de la Convention.

5.Dans les circonstances de l’espèce, le Comité, agissant en vertu de l’article 14 (par. 7 a)) de la Convention, considère que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie de l’article 5 d) iv).

6.Le Comité rappelle que, conformément à une règle coutumière qui constitue l’un des principes fondamentaux du droit international contemporain de la responsabilité de l’État, toute violation d’une obligation internationale ayant entraîné un préjudice emporte l’obligation de réparer intégralement le préjudice en question. Par conséquent, l’État partie devrait notamment : a) inscrire au registre de l’état civil le mariage de l’auteur avec Mme Lavinas Picq afin que les mariés puissent ultérieurement demander un visa de regroupement familial ; b) accorder à l’auteur une indemnisation adéquate pour le préjudice subi ; c) présenter à l’auteur des excuses pour la violation de ses droits ; d) modifier sa législation conformément au présent avis de manière à y inclure la reconnaissance et l’inscription des mariages célébrés par les autorités traditionnelles autochtones conformément aux coutumes et au droit coutumier qui sont les leurs et dans le respect des autres obligations internationales en matière de droits de l’homme ou des exigences du droit interne en matière de célébration des mariages ; e) élaborer un programme de formation à l’intention des fonctionnaires de l’état civil, des juges et des autres fonctionnaires de l’appareil judiciaire sur la validité et la reconnaissance des mariages autochtones célébrés par les autorités traditionnelles ; et f) diffuser largement le présent avis et de le traduire en langue quechua.

7.Le Comité prie l’État partie de lui soumettre, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet au présent avis.