Nations Unies

CCPR/C/125/D/2331/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2331/2014 * , **

Communication présentée par :

Karima Sabirova et Bobir Sabirov (non représentés par un conseil)

Au nom de :

Karima Sabirova et Bobir Sabirov

État partie :

Ouzbékistan

Date de la communication :

10 juin 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 13 janvier 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

29 mars 2019

Objet :

Perquisition domiciliaire illégale et saisie de littérature religieuse

Question(s) de procédure :

Griefs non étayés

Question(s) de fond :

Vie privée, liberté de religion, droit à un procès équitable, liberté de circulation, arrestation et détention arbitraires

Article(s) du Pacte :

9, 12, 14, 17 et 18

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.Les auteurs de la communication sont Karima Sabirova, née en 1957, et son fils, Bobir Sabirov, né en 1981, tous deux de nationalité ouzbèke. Ils affirment que l’Ouzbékistan a violé les droits qu’ils tiennent des articles 9, 12, 14, 17 et 18 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 28 décembre 1995.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 22 mai 2012, huit policiers en civil du service de district du Ministère des affaires intérieures sont entrés de force chez Mme Sabirova et ont procédé à une perquisition dans son appartement sans lui présenter de mandat décerné par un procureur ou un tribunal. Ayant découvert des portraits de Sathya Sai Baba, des livres ésotériques et religieux et une photographie sur laquelle Mme Sabirova apparaissait dans un camp médical international réunissant des bénévoles provenant des pays russophones membres de l’organisation internationale de services Sathya Sai Baba, les policiers ont accusé les auteurs d’appartenir à l’organisation religieuse « fictive » « Sri Sathya Sai Baba ».

2.2Mme Sabirova a indiqué aux policiers qu’elle avait ramené ces livres et photographies de ses voyages en Fédération de Russie, en Inde et au Kazakhstan et que les autorités douanières ouzbèkes n’avaient pas objecté à ce qu’elle les fasse entrer dans le pays. En outre, certains de ces ouvrages étaient publiés par une maison d’édition russe (Amrita Rus) ayant pignon sur rue. À une date non précisée, les policiers ont également procédé à une perquisition au domicile de M. Sabirov. Celui-ci a affirmé que les ouvrages religieux et ésotériques que les policiers avaient trouvés dans son appartement appartenaient à sa mère et qu’il ne les avait jamais utilisés.

2.3Le 31 mai 2012, le tribunal du district de Chilanzar a déclaré les auteurs coupables d’infraction administrative au titre de l’article 184-2 du Code des infractions administratives. La qualification de l’infraction en tant que telle reposait sur l’article 19 de la loi sur la liberté de conscience et les organisations religieuses, qui porte sur la production, la possession et la diffusion de publications, d’enregistrements audio, de vidéos, de photographies et de documents contenant des idées religieuses extrémistes, séparatistes ou fondamentalistes. Le procès n’a duré que quelques minutes et les auteurs n’ont eu aucune possibilité de présenter leur défense à l’audience. Chacun des auteurs a été condamné à une amende dont le montant équivalait à cent fois le salaire mensuel minimum de l’époque, soit 6 292 000 sum (ce qui représente environ 2 800 dollars des États-Unis d’Amérique par personne).

2.4La décision du tribunal était fondée sur l’avis d’expert du Comité aux affaires religieuses, organe qui relève du Cabinet des ministres, daté du 23 mai 2012. Dans ce document, l’expert, K. B., indique que les ouvrages confisqués ne contiennent pas d’idées religieuses extrémistes, séparatistes ou fondamentalistes. Il conclut néanmoins que, comme la religion sur laquelle portent ces ouvrages n’est pas considérée comme « officielle » en Ouzbékistan, l’introduction sur le territoire national, la diffusion et l’utilisation de tels livres religieux sont illégales. À la suite de la décision du tribunal, les livres, les CD, les DVD, les brochures et d’autres documents qui appartenaient aux auteurs ont été détruits.

2.5Le 7 juin 2012, les auteurs ont formé un recours devant le tribunal municipal de Tachkent. Le 12 juillet 2012, celui-ci a rejeté le recours au motif que la culpabilité des auteurs avait été démontrée, que la qualification de l’infraction administrative avait été correcte et que la sanction imposée était appropriée.

2.6Le 12 juin 2012, les auteurs ont saisi le Président du tribunal municipal de Tachkent chargé des affaires pénales qui, le 5 août 2012, les a déboutés. Le 23 juillet 2012, les auteurs ont formé un recours devant la Cour constitutionnelle. Le 1er août 2012, celle-ci leur a fait savoir que leur recours avait été renvoyé devant la Cour suprême.

2.7Le 30 juillet 2012, les auteurs ont saisi le Président de la chambre pénale de la Cour suprême d’un recours au titre de la procédure de contrôle. Le 28 août 2012, la Cour suprême a rejeté ce recours, considérant que la qualification de l’infraction avait été correcte et que la sanction imposée était appropriée et conforme à la loi.

2.8Le 18 septembre 2012 et le 20 novembre 2012, les auteurs ont formé des recours au titre de la procédure de contrôle devant le Vice-Président et le Président de la Cour suprême, respectivement. Le 17 octobre 2012, la Cour suprême a renvoyé à sa décision du 28 août 2012. Le 5 avril 2013, les auteurs ont saisi le Présidium de la Cour suprême d’une plainte contestant la légalité des décisions des juges du tribunal de district, du tribunal municipal et de la Cour suprême. Le 3 mai 2013, la Cour suprême a rejeté leur plainte pour défaut de fondement.

2.9Les 4, 7 et 14 juin 2012, les auteurs ont déposé plainte auprès du bureau du procureur du district de Chilanzar, mais ils n’ont reçu aucune réponse. Le 19 juin 2012, les 2, 9, 11 et 30 juillet 2012 et le 13 novembre 2012, les auteurs ont soumis des plaintes au bureau du procureur municipal de Tachkent. Le 24 août et le 23 novembre 2012, celui-ci les a rejetées pour défaut de fondement. Le 7 février 2013, les auteurs ont saisi le Bureau du Procureur général d’une plainte. Le 2 mars 2013, le Procureur général l’a rejetée, considérant que, comme la qualification de l’infraction avait été correcte et que la sanction imposée était appropriée, il n’y avait aucune raison de remettre en question les décisions des tribunaux concernés.

2.10Les 12 et 22 mars et les 4 et 6 avril 2013, les auteurs ont saisi le Président de la République de plaintes dans lesquelles ils dénonçaient l’inaction du Bureau du Procureur et contestaient la légalité des décisions des juges du tribunal de district, du tribunal municipal et de la Cour suprême ainsi que des mesures ordonnées par le Ministère de l’intérieur. Le 3 mai 2013, les auteurs ont reçu une lettre de la Cour suprême les informant que les plaintes qu’ils avaient soumises au Président de la République avaient été examinées et que la Cour suprême avait renvoyé à son arrêt en date du 28 août 2012 concernant leur affaire. Les auteurs affirment qu’ils ont épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 9 et 17 en s’introduisant de force chez eux, en y procédant à des perquisitions et en saisissant des livres et d’autres documents leur appartenant.

3.2En outre, l’État partie n’a pas fait en sorte que leur cause soit entendue équitablement, ce qui constitue une violation des droits qu’ils tiennent de l’article 14. L’audience n’a duré en tout et pour tout que cinq minutes et le juge n’a interrogé ni auteurs ni les témoins.

3.3Les auteurs affirment en outre qu’en confisquant et en détruisant leurs livres religieux et en les condamnant à une amende administrative, l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent de l’article 18.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans des notes verbales datées du 5 décembre 2014 et du 26 mai 2015, l’État partie dit qu’il considère que les griefs des auteurs sont « fictifs » et « ne correspondent pas à la réalité ». Les auteurs ont été condamnés par le tribunal du district de Chilanzar à une amende administrative pour violation de l’article 184-2 du Code des infractions administratives. Les documents religieux qui avaient été saisis à la suite de la condamnation des auteurs par la juridiction administrative ont été détruits. Le 28 juin et le 12 juillet 2012, les auteurs ont été déboutés de leurs recours.

4.2L’État partie précise que, le 31 mai 2012, le service de garde du poste de police de Chilanzar avait reçu des informations indiquant que Mme Sabirova et son fils détenaient chez eux de la « littérature religieuse illégale ». La police a procédé à une perquisition au domicile de Mme Sabirova, où elle a trouvé des ouvrages religieux, qu’elle a saisis et envoyés aux services compétents en vue d’une « expertise ». D’après les documents versés au dossier de l’affaire, il a été établi que la perquisition avait eu lieu sur la base d’un mandat. Le Comité aux affaires religieuses (qui relève du Cabinet des ministres) a rendu son avis d’expert le 23 mai 2012. Il a déclaré que les documents religieux en question étaient « liés au mouvement religieux Sathya Sai Baba » et que « les activités de ce mouvement étaient interdites en Ouzbékistan ».

4.3L’État partie garantit l’égalité de traitement entre toutes les communautés religieuses, mais il exige toutefois qu’elles respectent les dispositions des lois et de la réglementation applicables en la matière. Les activités religieuses illégales sont interdites. Une organisation religieuse peut être créée dès lors qu’elle compte au moins 100 membres ayant leur résidence en Ouzbékistan. L’enregistrement s’effectue auprès du Ministère de la justice. L’enseignement religieux en privé est interdit par la loi. Seule une organisation religieuse dûment enregistrée est autorisée à produire, exporter, importer et diffuser de la littérature religieuse ou tout autre type d’information concernant une religion. Les publications religieuses éditées à l’étranger ne peuvent être importées en Ouzbékistan qu’après avoir fait l’objet d’un examen spécial.

4.4À l’audience, Mme Sabirova a confirmé qu’elle avait ramené certains des ouvrages religieux qui lui avaient été confisqués de ses voyages en Fédération de Russie et en Inde et qu’elle en avait acheté d’autres sur Internet. Les juges administratifs ont examiné l’affaire de manière objective et approfondie, en se conformant aux dispositions du Code de procédure pénale. Le Bureau du Procureur général a considéré qu’il n’y avait aucune raison de remettre en question les décisions judiciaires.

4.5En outre, Mme Sabirova a été frappée d’une interdiction de quitter le territoire car elle ne s’était pas acquittée de l’amende à laquelle elle avait été condamnée par le tribunal. L’huissier de justice s’est présenté plusieurs fois à son domicile et l’a sommée de verser la somme due, mais elle a refusé d’obtempérer. Des démarches sont en cours pour garantir que l’amende soit payée.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1En réaction aux observations de l’État partie, les auteurs objectent que leurs plaintes ne sont nullement « fictives ». Les actes de l’État partie sont clairement contraires à plusieurs articles de la Constitution, dont les articles 16, 18, 24 et 25, ainsi qu’aux dispositions pertinentes du Code de procédure pénale, du Code des infractions administratives et de la loi sur les religions. L’État partie n’a pas expliqué comment il avait pu intenter une procédure contre les auteurs sur la base de renseignements communiqués par le biais d’un appel téléphonique anonyme. Les renseignements en question n’avaient pas été correctement enregistrés par la police, en violation des dispositions de l’article 329 du Code de procédure pénale.

5.2Les auteurs relèvent que l’État partie soutient que la perquisition et la saisie ont été effectuées conformément au Code de procédure pénale. Les auteurs ont ouvert leur porte à un policier qui a dit être chargé de vérifier des données sur les passeports des résidents. Or, au lieu de cela, huit policiers en civil ont fait irruption chez les auteurs sans décliner leur identité, ni indiquer le motif de leur présence, ni fournir de mandat attestant qu’ils étaient habilités à procéder à une perquisition. Certains des documents saisis étaient publiquement accessibles sur Internet. D’autres documents, dont des livres, avaient été achetés par Mme Sabirova en Fédération de Russie et en Inde. La confiscation et la destruction de livres est une pratique qui rappelle les heures sombres du Moyen-Âge. La Constitution ouzbèke garantit le droit de rechercher et d’obtenir des informations ainsi que la liberté de circulation des personnes. Les auteurs affirment qu’ils n’ont jamais appartenu à une organisation religieuse, contrairement à ce qu’affirme l’État partie.

5.3En outre, l’article 184-2 du Code des infractions administratives interdit la possession de littérature religieuse illégale à des fins de diffusion. Les auteurs affirment en outre qu’ils n’ont jamais créé d’organisation religieuse et que la possession d’ouvrages religieux ne saurait être considérée comme tel. De plus, en 2004, le Ministère de la justice avait refusé d’enregistrer la communauté Sathya Sai Baba comme une organisation religieuse. L’expert lui-même a conclu dans son avis que les ouvrages confisqués ne comportaient aucun propos menaçant et n’avaient pas un caractère extrémiste ou fondamentaliste.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que les auteurs affirment avoir épuisé tous les recours internes utiles qui leur étaient ouverts. En l’absence d’objection de l’État partie sur ce point, il considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont réunies.

6.4Le Comité prend note des griefs que les auteurs tirent des articles 9, 12 et 14 du Pacte. Toutefois, compte tenu de l’absence d’informations complémentaires à ce sujet dans le dossier, il considère que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité estime que les auteurs ont suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les autres griefs qu’ils tirent des articles 17 et 18 du Pacte. Il les déclare donc recevables et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note des griefs que les auteurs tirent de l’article 17 du Pacte, qui ont pour motif le fait que huit policiers sont entrés de force dans l’appartement de Mme Sabirova et y ont procédé à une perquisition sans fournir d’explication ni de document justificatif tel qu’un mandat de perquisition. Le Comité rappelle son observation générale no 16 (1988) sur le droit au respect de la vie privée, aux termes de laquelle « les perquisitions domiciliaires doivent être limitées à la recherche des éléments de preuve nécessaires, et ne doivent pas pouvoir donner lieu à des vexations » (par. 8). L’État partie soutient que la perquisition et la saisie avaient fait l’objet d’un mandat, mais il n’a fourni aucune copie de ce document et n’a pas non plus expliqué pourquoi celui-ci n’a pas été présenté aux auteurs par les huit policiers ni précisé quelle autorité l’avait décerné. Dans ces circonstances, la question dont est saisi le Comité n’est pas de savoir si cette immixtion était légale au regard du droit interne, mais de savoir si le fait d’avoir appliqué le droit interne en l’espèce était arbitraire au regard du Pacte, étant donné qu’une immixtion prévue par la loi doit être conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte et doit, dans tous les cas, être raisonnable eu égard aux circonstances particulières de chaque cas d’espèce.

7.3À ce propos, le Comité relève que l’État partie ne réfute pas les allégations des auteurs selon lesquelles les huit policiers qui se sont introduits chez eux ne leur ont pas présenté de mandat de perquisition ni précisé les motifs de la perquisition et de la saisie. L’obligation de présenter un mandat valable avant de procéder à une perquisition domiciliaire vise à garantir que l’objectif de la mesure soit légal et raisonnable, eu égard aux circonstances particulières, comme le souligne le Comité dans son observation générale no 16. Compte tenu des circonstances de l’espèce et, en particulier, du fait que la perquisition avait pour objectif la saisie d’ouvrages religieux et d’autres documents, dont la possession constitue une manifestation de la religion d’une personne, comme il est indiqué au paragraphe 1 de l’article 18, le Comité conclut que l’immixtion de l’État partie dans la vie privée des auteurs était déraisonnable et représente donc une immixtion arbitraire portant atteinte au droit des auteurs au respect de leur vie privée, ce qui constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte.

7.4Le Comité relève en outre que les auteurs se disent victimes d’une violation de l’article 18 du Pacte au motif que la confiscation de leurs livres, CD et autres documents personnels et leur condamnation à une amende administrative constituent une violation par l’État partie de leur droit à la liberté de religion, étant donné que les livres traitaient essentiellement d’un mouvement religieux en particulier, Sathya Sai Baba. L’État partie soutient que les auteurs ont violé l’article 184-2 du Code des infractions administratives, qui interdit la production, la possession, l’importation ou la diffusion illégales de documents à caractère religieux.

7.5Le Comité fait référence à son observation générale no 22 (1993) sur la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion a une large portée; il englobe la liberté de pensée dans tous les domaines, les convictions personnelles et l’adhésion à une religion ou une croyance, manifestée individuellement ou en commun. Le Comité rappelle toutefois que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions n’est pas absolue et peut être soumise aux restrictions qui sont prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publics, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui, ainsi qu’il est énoncé au paragraphe 3 de l’article 18 du Pacte. Il constate que l’État partie n’a invoqué aucun des motifs particuliers qui de son point de vue rendaient « nécessaires » les restrictions imposées aux auteurs et qu’il a seulement fait référence à une partie de l’avis d’expert du Comité aux affaires religieuses, dans lequel il était dit que les documents religieux en question étaient « liés au mouvement religieux Sathya Sai Baba » et que « les activités de ce mouvement étaient interdites en Ouzbékistan » (par. 4.2 ci-dessus). Cependant, l’État partie n’a pas contesté l’argument des auteurs selon lequel le même avis d’expert indiquait aussi que les ouvrages confisqués ne contenaient pas d’idées « religieuses extrémistes, séparatistes ou fondamentalistes » (par. 2.4 ci-dessus). Au lieu de cela, l’État partie s’est employé à justifier la condamnation des auteurs et l’immixtion dans leur vie privée et dans leur domicile en invoquant le fait qu’ils n’avaient pas respecté les dispositions de l’article 184-2 du Code des infractions administratives. Dans les circonstances de l’espèce et en l’absence d’argument solide fourni par l’État partie pour justifier les restrictions imposées aux auteurs, le Comité conclut que les droits que les auteurs tiennent du paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte ont été violés.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que Mme Sabirova et M. Sabirov tiennent du paragraphe 1 de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 18 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il est tenu de ce fait d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie doit, entre autres : a) annuler la décision administrative et l’amende à laquelle les auteurs ont été condamnés, et rembourser le montant de l’amende administrative qu’ils ont acquittée et tous autres frais connexes qu’ils auraient engagés ; et b) accorder aux auteurs une indemnisation adéquate. Il est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.