Nations Unies

CCPR/C/120/D/2941/2017

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

30 août 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2941/2017 * , **

Communication présentée par :

Z. Z. (non représenté par un conseil)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Australie

Date de la communication :

8 janvier 2017 (date de la lettre initiale)

Date de la décision :

21 juillet 2017

Objet :

Procès équitable

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs ; délai excessif

Question(s) de fond :

Droit à un procès équitable

Article(s) du Pacte :

2, 3, 5, 7, 9 (par. 1, 3 et 5), 14 (par. 1, 2 et 3), 16, 17 (par. 1), 19 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.1L’auteur de la communication est Z.Z., de nationalité australienne, né en 1956 à Beijing. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2, 3, 5, 7, 9 (par.1, 3 et 5), 14 (par. 1, 2 et 3), 16, 17 (par. 1), 19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 décembre 1991. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 27 janvier 2017, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de ne pas demander de mesures provisoires au titre de l’article 92 de son règlement intérieur, et a estimé qu’il n’avait pas besoin de demander à l’État partie de présenter des observations pour évaluer la recevabilité de la présente communication.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur explique que, le 14 juin 1997, la police de l’État de Victoria lui a refusé l’égale protection de la loi contre les violences domestiques lorsqu’il s’est plaint d’avoir été maltraité et agressé par son ex-épouse, R. M. H.

2.2L’auteur affirme qu’un certain M., tueur à gages, aurait pris contact avec lui le 23 mars 2000. Selon lui, la police avait conspiré avec un informateur, P., pour le harceler constamment et le contraindre au moyen d’actes d’intimidation, de menaces de mort, de pressions et de manœuvres frauduleuses à engager M. pour tuer son ex-épouse. L’auteur affirme également que P. et la police poursuivaient le même objectif de « persécution politique » en le poussant à engager M. pour tuer son ex-épouse. Il explique que la police a utilisé des preuves non étayées, irrecevables et frauduleuses pour l’emprisonner.

2.3L’auteur indique qu’il a été arrêté par la police le 22 août 2000, et qu’il a été inculpé pour incitation au meurtre. Il affirme que cette arrestation constituait une violation du paragraphe 3 b) de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Il affirme également que la police, en abrégeant une enquête qui n’aboutissait pas, a dissimulé des preuves propres à le disculper afin de l’arrêter arbitrairement.

2.4L’auteur explique que l’instruction pour incitation au meurtre, qui s’est déroulée en 2000 et 2001, a été entachée de nombreuses irrégularités qui constituent des violations de ses droits. À cet égard, il affirme que : a) les documents juridiques en format papier qu’il avait remis à son avocat ont été volés deux fois ; b) tous ses documents juridiques en format électronique ont également été dérobés ; c) ses conversations téléphoniques avec ses avocats étaient systématiquement surveillées et interceptées, et ce en toute illégalité ; d) la police a fabriqué de toutes pièces de fausses déclarations ; e) le service d’aide juridictionnelle de l’État de Victoria lui a imposé les avocats qui le représenteraient au tribunal, et ceux-ci ont refusé de suivre ses instructions sur la marche à suivre pendant la procédure, qui étaient pourtant légitimes ; f) le juge l’a privé de ses droits procéduraux afin de faire gagner du temps au tribunal et de dissimuler les actes de corruption commis par la police pendant l’enquête, et il a récusé inutilement le premier jury pour le remplacer par un jury déséquilibré et sexiste.

2.5L’auteur affirme que le juge lui a refusé la possibilité de contester les preuves fournies par la police et ne lui a pas dit pourquoi il avait refusé de suspendre la procédure avant la désignation du jury et le prononcé du verdict. Il ajoute que le juge a « délibérément trompé le jury quant à l’application de la loi, afin d’alléger de plus de 80 % la charge de la preuve pour le ministère public ».

2.6L’auteur explique qu’entre le 1er novembre 2001 et le 15 mai 2003, la chambre d’appel de laCour suprême de l’État de Victoria a violé les droits qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte en confirmant la décision du juge de première instance, et l’a privé du droit d’accéder à la justice. Il affirme que la chambre d’appel a systématiquement usé de deux poids, deux mesures afin de préserver la réputation du juge de première instance, au lieu de se conformer aux principes fondamentaux de la primauté du droit et de la présomption d’innocence. Il affirme également que le service d’aide juridictionnelle de l’État de Victoria ne lui a pas laissé la possibilité de se représenter lui-même au tribunal et de renvoyer les avocats qui lui avaient été assignés dans le cadre de la procédure d’appel, et dont il n’était pas satisfait.

2.7L’auteur affirme que, le 11 février 2005, la Haute Cour d’Australie a violé à son tour les articles du Pacte précités, le privant de son droit d’accéder à la justice. Il soutient que l’audience concernant sa demande d’autorisation spéciale de faire appel a été conduite de manière injuste et arbitraire. À cet égard, il indique que : a) la Haute Cour n’a pas respecté le droit constitutionnel à la présence d’un quorum d’au moins trois juges à l’audience ; b) l’un des deux juges présents était le juge H., qui avait précédemment rejeté la demande de libération sous caution de l’auteur, et aurait donc dû se récuser pour les délibérations concernant l’impartialité de la Haute Cour ; c) la Haute Cour a réduit de cinq minutes le temps de parole de l’auteur afin de l’empêcher de présenter tous ses arguments. L’auteur affirme que la décision négative de la Haute Cour était donc fautive, viciée et illégale, qu’il a été victime de discrimination et que la Haute Cour a enfreint les règles de la justice naturelle, ce qui constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

2.8L’auteur explique que le Gouverneur de Victoria l’a informé que sa demande d’autorisation de faire appel de sa condamnation avait été rejetée deux ans après le dépôt de sa demande, le 29 mai 2012, sans lui donner de raison.

2.9L’auteur indique également que, le 8 juin 2012, les membres du service des prélèvements ADN de la police l’ont informé qu’ils prévoyaient de recourir à la force, voire à la violence, pour exécuter « un ordre illégal de la Cour de prélever son ADN ». L’auteur a demandé au Comité de le protéger des dommages physiques irréversibles, voire mortels, que la police menaçait de lui faire subir au nom de l’État partie afin d’appliquer un jugement frauduleux ordonnant un test ADN, en violation de l’article 7 du Pacte.

2.10L’auteur explique également qu’il avait tenté de trouver un emploi de conducteur de véhicules utilitaires en 2009. Il avait pour cela déposé, les 7 et 27 janvier 2009, une demande d’agrément au titre de la loi sur les emplois en contact avec des mineurs et une demande de permis de conduire des véhicules affectés au transport de passagers au titre de la loi sur les transports. Le 14 décembre 2010, le tribunal administratif civil de Victoria lui a refusé la possibilité d’accéder à ce type d’emploi. L’auteur a alors saisi la Cour suprême de Victoria d’une demande d’autorisation de former un recours. Le 22 mai 2013, la Cour suprême a autorisé l’auteur à faire appel de la décision, et a renvoyé l’affaire devant un autre juge. L’auteur explique que sa requête a été enregistrée le 14 avril 2016 par le tribunal, qui a ordonné au Ministère de la justice et à la Commission des services de taxi de lui délivrer l’agrément au titre de la loi sur les emplois en contact avec des mineurs, ainsi que le permis spécial de conducteur. Le Ministère et la Commission ont toutefois refusé d’appliquer la décision, et ont déposé une demande d’autorisation d’appel auprès de la chambre d’appel de la Cour suprême de l’État de Victoria. Le 17 février 2017, celle-ci a rejeté leur demande et confirmé la décision du tribunal.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que la police a refusé de le protéger des violences domestiques que son ex-épouse lui a infligées, ce qui constitue une violation des articles 3, 5, 16 et 26 du Pacte.

3.2L’auteur affirme également que les droits qu’il tient des articles 3, 5, 9 (par. 1, 3 et 5), 14 (par. 1, 2 et 3 b), d), e) et g)), 16 et 26 du Pacte ont été violés, en ce que la police a conspiré contre lui, l’a accusé à tort d’avoir cherché à tuer son ex-épouse, a abusé de son pouvoir pour dissimuler des preuves qui le disculpaient et l’a arbitrairement arrêté. Il ajoute que l’État partie a refusé sa remise en liberté sous caution car la police voulait espionner ses communications avec ses avocats pour trouver davantage d’éléments à étouffer, et que les décisions des tribunaux de l’État partie ont constitué un déni « de justice naturelle et d’équité procédurale ».

3.3L’auteur affirme en outre être victime d’une violation des droits qu’il tient des articles 7, 17 et 19 du Pacte puisque l’État partie l’a illégalement puni en ne l’autorisant pas à exercer la profession de chauffeur de bus pendant sept ans, ce qui constitue une discrimination. Il ajoute que cette punition illégale, qui lui a été infligée notamment parce qu’il avait exprimé ses opinions sur le système judiciaire et politique, lui a causé des souffrances psychologiques et d’importantes pertes financières, et a eu un effet négatif sur sa vie privée. Il considère que l’État partie doit être tenu responsable du préjudice financier qu’il a subi.

3.4L’auteur maintient que l’État partie a également violé les droits qu’il tient de l’article 2 et du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, puisque sa demande d’autorisation de faire appel de sa condamnation a été rejetée sans raison par le Gouverneur de Victoria.

3.5L’auteur affirme enfin que, si elle était mise à exécution, la menace de la police d’utiliser la force contre lui pour effectuer un prélèvement ADN ordonné par un jugement frauduleux constituerait une violation de l’article 7 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

4.3Le Comité considère que les griefs que l’auteur tire des articles 2, 3, 5, 9(par. 1 et 3), 14 (par. 1, 2, 3 b), d), e), g) et 5), 16 et 26 du Pacte concernent l’évaluation que les tribunaux de l’État partie ont faite des faits et des preuves au cours de la procédure. Le Comité rappelle qu’« [il] appartient généralement aux juridictions des États parties au Pacte d’examiner les faits et les éléments de preuve ou l’application de la législation nationale dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que l’appréciation des éléments de preuve ou l’application de la législation ont été de toute évidence arbitraires ou manifestement entachées d’erreur ou qu’elles ont représenté un déni de justice, ou que le tribunal a par ailleurs manqué à son obligation d’indépendance et d’impartialité ». Le Comité observe que l’auteur n’a pas démontré qu’il existait en l’espèce de telles lacunes dans la conduite de la procédure. En conséquence, le Comité estime que les griefs que l’auteur tire des articles 2, 3, 5, 9 (par. 1 et 3), 14 (par. 1, 2, 3 b), d), e), g) et 5), 16 et 26 du Pacte sont irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.4Le Comité prend note des affirmations de l’auteur selon lesquelles les droits qu’il tient des articles 3, 5, 16 et 26 du Pacte auraient été violés en ce que la police a refusé de le protéger des violences domestiques que son ex‑épouse lui a infligées. Il considère toutefois que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité. En conséquence, il déclare les griefs que l’auteur tire des articles 3, 5, 16 et 26 du Pacte irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.5En ce qui concerne les griefs tirés des articles 7, 17 et 19 du Pacte, le Comité note que, selon l’auteur, le fait de ne pas obtenir, pendant sept ans, l’autorisation de travailler avec des mineurs et comme conducteur lui a causé une souffrance psychologique et d’importantes pertes financières. Il note également que l’auteur fait valoir que la menace de la police de recourir à la force pour effectuer un prélèvement ADN ordonné par un jugement frauduleux constituerait, si elle était mise à exécution, une violation de l’article 7 du Pacte. Il relève toutefois que l’auteur n’a pas démontré qu’il avait épuisé tous les recours internes disponibles en ce qui concerne ces allégations. Le Comité conclut donc que les griefs que l’auteur tire des articles 7, 17 et 19 du Pacte sont irrecevables au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

5.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.