Nations Unies

CCPR/C/126/D/2420/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

25 septembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2420/2014 * , **

Communication présentée par :

Esenbek Ukteshbaev (représenté par un conseil, Bakhytzhan Toregozhina)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Kazakhstan

Date de la communication :

10 mars 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du Règlement intérieur du Comité (devenu l’article 92), communiquée à l’État partie le 10 juin 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

17 juillet 2019

Objet :

Arrestation et déclaration de culpabilité en raison d’une infraction administrative, et internement administratif pour l’organisation d’un événement collectif non autorisé

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Liberté d’association ; liberté d’expression ; droit à un procès équitable

Article(s) du Pacte :

14, 19 (par. 2) et 21

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5

1.L’auteur de la communication est Esenbek Ukteshbaev, de nationalité kazakhe, né en 1958. Au moment où la communication a été soumise, il affirmait être victime de violations par le Kazakhstan des droits qu’il tenait de l’article 21 du Pacte. Le 28 avril 2015, il a également affirmé être victime de violations des droits reconnus par les articles 14 et 19 (par. 2) du Pacte. Le Protocole est entré en vigueur pour l’État partie le 30 septembre 2009. L’auteur est représenté par un conseil, Bakhytzhan Toregozhina.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 1er octobre 2013, 200 personnes environ, parmi lesquelles se trouvait l’auteur, sont arrivées dans la ville d’Astana et se sont rassemblées devant le siège du Gouvernement pour remettre au Président du Kazakhstan une pétition dénonçant des problèmes de logement ainsi que des pratiques malhonnêtes en matière de services bancaires et de crédits. Cette manifestation avait été organisée par le mouvement social « Laisser le logement au peuple », qui en avait informé les autorités par Internet et par télégramme.

2.2Le même jour, deux représentants du Gouvernement, dont le Premier Vice-Ministre du développement régional, se sont adressés à la foule et ont promis d’annoncer la décision des autorités avant l’heure du déjeuner. La foule est restée paisiblement à proximité du siège du Gouvernement. À 16 heures, aucun représentant du Gouvernement n’était apparu et la foule a commencé à scander « Nazarbaïev, à l’aide ! ». La police a alors commencé à arrêter des manifestants et à les emmener vers différents sites du Ministère des affaires intérieures à Astana.

2.3L’auteur a lui aussi été appréhendé. Le jour même, il a été traduit devant le tribunal administratif interdistrict spécialisé d’Astana et, sur la base de la loi no 2126 du 17 mars 1997 sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de réunions de masse, défilés, piquets et manifestations pacifiques au Kazakhstan et du paragraphe 3 de l’article 373 du Code des infractions administratives du Kazakhstan, reconnu coupable d’avoir participé à une manifestation collective non autorisée et placé en internement administratif durant quinze jours.

2.4Le 7 octobre 2013, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal administratif interdistrict spécialisé devant le tribunal municipal d’Astana ; il a été débouté le 8 octobre 2013.

2.5Par la suite, l’auteur a déposé deux plaintes : l’une le 4 novembre 2013, auprès du Bureau du Procureur d’Astana, et l’autre le 23 décembre 2013, auprès du Bureau du Procureur général, aux fins d’un réexamen au titre de la procédure de contrôle de la décision rendue le 1er octobre 2013. Ces plaintes ont été rejetées et l’auteur soutient qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie n’a pas respecté les droits que lui confère l’article 21 du Pacte. Le Gouvernement était informé de la venue de personnes qui voulaient remettre une pétition au Président, mais les autorités ont ignoré le rassemblement et n’ont pas communiqué comme il aurait fallu avec la foule. Selon l’auteur, s’adresser au Président pour appeler son attention sur des questions sociales ne saurait être considéré comme un fait constituant un rassemblement illégal. Le rassemblement à proximité du siège du Gouvernement était pacifique et ne constituait pas une menace pour les intérêts de la sécurité nationale ou de la sûreté publique, pour la santé publique, la moralité ou les droits et libertés d’autrui. De plus, la foule a été invitée à attendre la décision près du siège du Gouvernement. Ses demandes n’ont pourtant pas été prises en compte et des personnes ont été arrêtées par la police avec brutalité et condamnées au versement d’une amende ou placées en internement administratif.

3.2L’auteur avance que, pour ce qui le concerne, il a été déclaré coupable et s’est vu infliger des sanctions administratives pour avoir organisé un rassemblement public non autorisé par les autorités locales. Il affirme que, dans ces circonstances, sa condamnation constitue une restriction à sa liberté de réunion. Il fait valoir que de telles restrictions sont contraires à l’article 21 du Pacte.

3.3L’auteur note que, selon la jurisprudence du Comité, les restrictions imposées au droit à la liberté de réunion doivent s’inscrire dans les limites autorisées par l’article 21 du Pacte. Il ajoute que la police et les juridictions n’ont donné aucune explication sur les valeurs que les restrictions imposées à sa liberté de réunion auraient visé à protéger et que, par conséquent, les sanctions administratives prononcées constituent une restriction injustifiée de son droit à la liberté de réunion protégé par l’article 21 du Pacte.

3.4L’auteur prie le Comité d’inviter instamment l’État partie à demander des comptes aux personnes responsables de la violation de ses droits, à veiller à ce que les restrictions injustifiées à la liberté de réunion soient levées et à ce que la législation applicable soit conforme à l’article 21 du Pacte, et à garantir que l’organisation de réunions pacifiques ne donne pas lieu à des sanctions.

3.5L’auteur a par la suite affirmé que l’État partie avait également violé les droits qu’il tient des articles 14 et 19 (par. 2) du Pacte (voir par. 5.4 et 5.5 ci-dessous).

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 21avril 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication et a demandé que celle-ci soit déclarée irrecevable pour défaut defondement.

4.2L’État partie rappelle les événements du 1er octobre 2013 et indique que l’auteur a été déclaré coupable et condamné le jour même par le tribunal administratif interdistrict spécialisé d’Astana à quinze jours d’internement pour une infraction administrative relevant du paragraphe 3 de l’article 373 du Code des infractions administratives. Il ajoute que cette décision a été confirmée en appel le 8 octobre 2013 par la cour d’appel municipale d’Astana. Il signale que l’auteur a demandé au Bureau du Procureur général de saisir la Cour suprême aux fins du réexamen de la décision du tribunal administratif au titre de la procédure de contrôle, demande qui a été rejetée.

4.3L’État partie explique que la manière dont peuvent être exprimés les intérêts de la société, d’un groupe ou de personnes dans les lieux publics, ainsi que la forme que peut revêtir cette expression et les restrictions qui peuvent y être imposées sont définies par la loi no 2126 du 17 mars 1997 sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de réunions de masse, défilés, piquets et manifestations pacifiques au Kazakhstan. Selon l’article 9 de cette loi, quiconque ne respecte pas les conditions de procédure voit sa responsabilité engagée. L’auteur n’avait pas adressé de demande aux autorités et n’avait donc pas reçu de réponse positive. En outre, le 22 mai 2013, il avait été déclaré coupable d’une infraction administrative similaire ; il a donc, en connaissance de cause, délibérément enfreint les conditions fixées par la loi.

4.4L’État partie rappelle en outre que les droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte sont soumis à certaines restrictions. Il précise que les réunions pacifiques ne sont pas interdites au Kazakhstan mais qu’il existe une certaine procédure à suivre pour organiser un rassemblement. Il renvoie aux dispositions des articles 2, 7 et 10 de la loi sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de réunions de masse, défilés, piquets et manifestations pacifiques, qui font obligation aux organisateurs de solliciter l’autorisation des autorités locales pour tenir un rassemblement. La loi prévoit que les autorités locales peuvent interdire les manifestations collectives ayant des fins illégales et qu’elles peuvent fixer des conditions supplémentaires à l’organisation des manifestations collectives. L’auteur n’ayant pas obtenu l’autorisation requise, il a été sanctionné pour ne pas avoir respecté la procédure d’organisation d’un rassemblement.

4.5L’État partie rappelle que le droit international des droits de l’homme reconnaît qu’il peut être nécessaire de soumettre la liberté de réunion à certaines restrictions. Au Kazakhstan, des lieux spéciaux sont alloués à la tenue de réunions afin de protéger les droits et libertés d’autrui et l’ordre public. L’État partie affirme par conséquent que la réalisation du droit à la liberté de réunion au Kazakhstan est pleinement conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 28 avril 2015, l’auteur a adressé ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il fait valoir que si l’État partie affirme que les droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte sont garantis au Kazakhstan et ne peuvent être restreints que dans certaines circonstances, il n’a pas expliqué en quoi il était nécessaire de le placer en internement administratif durant quinze jours.

5.2L’auteur affirme que selon les obligations internationales contractées par l’État partie, toute restriction imposée à la liberté de réunion devrait être proportionnée et appliquée en tenant compte des circonstances de chaque cas ; l’intervention des autorités dans l’organisation de manifestations publiques devrait être réduite au minimum et les mesures visant à mettre fin de force à un rassemblement ne devraient être prises qu’en dernier ressort. L’auteur soutient que l’État partie méconnaît et viole ces principes.

5.3L’auteur rappelle les observations du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, selon lequel « la loi est l’expression de la volonté des peuples et a donc pour but de servir le peuple. L’état de droit suppose que les individus sont libres d’exercer leurs droits fondamentaux sans autorisation préalable des autorités publiques ».

5.4L’auteur déclare que les juridictions, en violation de l’article 14 du Pacte, n’ont pas été impartiales, n’ont pas pris ses requêtes en considération et n’ont pas tenu compte des dispositions du Pacte.

5.5L’auteur allègue aussi une violation du droit à la liberté d’expression qui lui est garanti par l’article 19 (par. 2) du Pacte.

Observations complémentaires des parties

6.Le 28 mars 2017, l’État partie a rappelé ses observations initiales.

7.Le 19 avril 2017, l’auteur a rappelé ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité observe que l’État partie ne conteste pas le fait que les recours internes ont été épuisés. Il estime dès lors que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

8.4Le Comité note que l’auteur affirme que les droits que lui confère l’article 14 du Pacte ont été violés en ce que les juridictions se sont montrées partiales et ont adopté une démarche accusatoire dans l’examen de son dossier. Toutefois, en l’absence de toute autre information pertinente à cet égard, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité. Il conclut par conséquent que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité relève que l’auteur allègue que les droits consacrés par les articles 19 et 21 ont été violés car il a été sanctionné sans justification pour avoir participé, avec d’autres personnes, à un rassemblement pacifique qui avait pour objet de revendiquer le droit au logement et de remettre une pétition à ce sujet. Le Comité considère que ce grief a été suffisamment étayé aux fins de la recevabilité. Il le déclare donc recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité note que l’auteur affirme que, en le soumettant à un internement administratif, l’État partie a violé ses droits à la liberté d’expression et de réunion. L’auteur soutient qu’il a été arrêté au cours d’une manifestation pacifique organisée en réaction « directe et immédiate » à l’absence de décision au sujet d’une pétition dénonçant des violations du droit au logement, décision que les autorités avaient promis de prendre. L’État partie argue que l’auteur a été arrêté pour avoir participé à une manifestation publique non autorisée.

9.3Le Comité note que la sanction infligée à l’auteur pour avoir exprimé ses opinions en participant à une manifestation publique a porté atteinte à son droit de répandre des informations et des idées de toutes sortes, garanti par le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. Il rappelle que le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte autorise certaines restrictions, qui doivent toutefois être fixées par la loi et être nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Il renvoie à son observation générale no 34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, dans laquelle il a affirmé que ces libertés sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu et sont essentielles pour toute société, et qu’elles constituent le fondement de toute société libre et démocratique. Toute restriction imposée à l’exercice de ces libertés doit répondre aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité. Les restrictions doivent être appliquées exclusivement aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et doivent être en rapport direct avec l’objectif spécifique qui les inspire. Le Comité rappelle qu’il incombe à l’État partie de démontrer que les restrictions imposées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 étaient nécessaires et proportionnées.

9.4Le Comité rappelle également que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et indispensable dans une société démocratique. Ce droit suppose la possibilité d’organiser une réunion pacifique dans un lieu public et d’y participer. Les organisateurs d’une réunion ont, en règle générale, le droit de choisir un lieu qui soit à portée de vue et d’ouïe du public cible, et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. Lorsqu’il impose des restrictions afin de concilier le droit de réunion d’un particulier avec les éléments d’intérêt général précités, un État partie doit s’efforcer de faciliter l’exercice de ce droit plutôt que de s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier la limitation du droit garanti à l’article 21 du Pacte et de montrer qu’elle ne constitue pas un obstacle disproportionné à l’exercice de ce droit.

9.5Le Comité observe que l’obligation d’avertir à l’avance les autorités ou de demander une autorisation pour la tenue d’une réunion pacifique, lorsqu’une telle autorisation est accordée automatiquement, ne constitue pas en soi une violation de l’article 21, pour autant qu’elle soit appliquée dans le respect des dispositions du Pacte. En même temps, la tenue de réunions ne devrait pas, de façon générale, être soumise à un régime d’autorisation accordant aux autorités toute latitude pour autoriser ou non un rassemblement. En tout état de cause, lorsqu’il existe une procédure de notification préalable ou de demande d’autorisation, celle-ci ne devrait pas être extrêmement contraignante. Même dans le cas d’un rassemblement pour lequel il n’y a eu ni notification préalable ni demande d’autorisation, toute restriction du droit à la liberté de réunion pacifique doit être justifiée au regard de la deuxième phrase de l’article 21.

9.6Le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel l’État partie n’a pas justifié l’internement administratif qui lui a été imposé pour avoir participé à un rassemblement pacifique, quoique non autorisé. Il observe également que, selon l’État partie, la restriction en cause a été imposée à l’auteur conformément au Code des infractions administratives et aux dispositions de la loi sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de réunions de masse, défilés, piquets et manifestations pacifiques. Il prend note en outre de l’argument de l’État partie, qui affirme que l’obligation de présenter une demande vise à protéger l’ordre public ainsi que les droits et libertés des autres citoyens. Le Comité relève cependant à cet égard que l’auteur fait valoir que, bien que la restriction ait pu être légale au regard du droit interne, son arrestation et sa condamnation étaient inutiles dans une société démocratique aux fins des objectifs légitimes invoqués par l’État partie. L’auteur argue de plus que la manifestation en réaction à un problème important − l’indifférence des autorités au problème du logement des citoyens et les pratiques malhonnêtes en matière de services bancaires et de crédits − a été absolument pacifique, n’a porté préjudice à personne ni à aucun bien et n’a constitué une menace pour personne ni pour aucun bien.

9.7Le Comité observe que l’État partie s’est appuyé sur les dispositions de la loi sur les manifestations publiques prévoyant qu’une demande d’autorisation doit être présentée dix jours avant la manifestation et que l’autorisation doit être obtenue auprès des autorités exécutives locales, conditions qui à elles seules restreignent le droit de réunion pacifique. Pour être conformes au Pacte, les restrictions à ce droit, même si elles sont autorisées par la loi, doivent également satisfaire aux conditions énoncées dans la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte. Le Comité observe que l’État partie n’a pas démontré que l’internement administratif pour une durée de quinze jours, qui constitue une sanction lourde, imposé à l’auteur pour avoir participé à une manifestation publique pacifique était nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite d’un objectif légitime ou était proportionné à un tel but, au sens des conditions strictes énoncées dans la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a violé l’article 21 du Pacte.

9.8De même, compte tenu de la restriction imposée à la liberté d’expression de l’auteur, et en l’absence de toute information pertinente fournie par l’État partie pour démontrer la conformité des restrictions imposées avec les dispositions du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, le Comité conclut que les droits garantis à l’auteur par le paragraphe 2 de l’article 19 ont été violés.

10.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19 et de l’article 21 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer un recours utile à l’auteur. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’accorder à l’auteur une indemnisation adéquate et de lui rembourser tous frais de justice encourus. L’État partie est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent. À cet égard, le Comité réaffirme que, conformément aux obligations qui lui incombent en application du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, l’État partie devrait réviser sa législation en vue de garantir que les droits énoncés à l’article 21 du Pacte, notamment le droit d’organiser et de tenir des rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques, puissent être pleinement exercés sur son territoire.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.