Nations Unies

CCPR/C/125/D/2308/2013

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

24 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par.4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2308/2013 * , **

Communication présentée par:

Ruslan Dzhumanbaev (représenté par un conseil, Bakhytzhan Toregozhina)

Au nom de:

Ruslan Dzhumanbaev

État partie:

Kazakhstan

Date de la communication:

13 juin 2013 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 4 décembre 2013 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

29 mars 2019

Objet:

Sanction pour participation à une réunion pacifique

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond:

Liberté d’expression ; liberté de réunion

Article(s) du Pacte:

19 (par. 2) et 21

Article(s) du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Ruslan Dzhumanbaev, de nationalité kazakhe, né en 1974. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 2 de l’article 19 et de l’article 21 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Kazakhstan le 30 septembre 2009. L’auteur est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 2 juin 2012, l’auteur a rencontré des amis dans le centre d’Almaty, près de la statue du poète Abaï Kunanbaïev, un ancêtre direct de l’auteur. Ils ont parlé ensemble de la poésie de M. Kunanbaïev et des événements tragiques survenus le 16 décembre 2011 à Janaozen. Ils n’avaient pas de microphones ou de banderoles en leur possession et leur réunion était de nature informelle.

2.2À un moment donné, un représentant du Bureau du Procureur s’est approché d’eux pour les informer qu’ils violaient la loi sur l’organisation et la tenue de réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques. Après cette mise en garde, l’auteur et ses amis ont décidé de s’éloigner de la statue pour ne pas enfreindre la loi.

2.3Le même jour, l’auteur a été arrêté par la police et jugé par le tribunal administratif interdistrict spécialisé d’Almaty. Il a déclaré qu’il s’était uniquement réuni avec des amis pour parler de poésie et des événements de Janaozen, exerçant ainsi sa liberté d’opinion et d’expression. Le tribunal a déclaré l’auteur coupable d’infraction à la législation relative à l’organisation et à la tenue de manifestations pacifiques mentionnée ci-dessus et l’a condamné à une amende de 32 360 tenge.

2.4L’auteur a lu dans le compte rendu d’audience que l’akimat d’Almaty avait précédemment rejeté une demande d’autorisation de tenue d’une réunion publique présentée par B. M. Abilov, un dirigeant du parti politique Azat, et prévue le même jour, à la même heure et au même endroit. L’auteur affirme ne pas être membre du parti Azat et n’être en rien lié à l’organisation de cette manifestation.

2.5Le 11 juin 2012, l’auteur a saisi la cour d’appel d’Almaty d’un recours dans lequel il soutenait que le tribunal administratif n’avait pas tenu compte du fait que la réunion à laquelle il avait participé était de nature pacifique, ne portait pas atteinte aux droits d’autrui et n’avait aucun lien avec une réunion prévue par M. Abilov. Le 19 juin 2012, la cour d’appel a confirmé la décision de première instance et rejeté l’appel au motif que le tribunal administratif avait agi conformément à la loi, avait correctement apprécié les faits et les éléments de preuve et avait prononcé une sanction appropriée.

2.6Le 5 juillet 2012, l’auteur a saisi le Bureau du Procureur général d’une demande de contrôle juridictionnel de la décision du tribunal administratif, qui a été rejetée le 17 juillet 2012 par le Procureur général adjoint.

Teneur de la plainte

3.L’auteur soutient que l’État partie a violé son droit à la liberté d’expression garanti au paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte et son droit de réunion pacifique reconnu à l’article 21 du Pacte, étant donné que ni la police ni les tribunaux n’ont donné une raison valable pour justifier une restriction à ces droits.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 28 janvier 2014, l’État partie a adressé une note verbale au Comité, dans laquelle il lui demande de déclarer la communication irrecevable pour défaut de fondement des griefs et non‑épuisement des recours internes. L’État partie indique que le 2 juin 2012, l’auteur, accompagné d’environ 25 personnes, a participé activement à une réunion non autorisée pour évoquer les événements de Janaozen. S’adressant au public, l’auteur a parlé de la pauvreté de la population rurale, de la corruption et d’autres sujets. La manifestation a été couverte par plusieurs organes d’information. L’État partie souligne que, par son comportement, l’auteur a violé l’article 9 de la loi sur l’organisation et la tenue de réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques. Le jour de la réunion, l’auteur a été déclaré coupable d’une infraction administrative par le tribunal administratif interdistrict spécialisé d’Almaty sur le fondement du paragraphe 1 de l’article 373 (violation de la loi relative à l’organisation et la tenue de réunions pacifiques) du Code des infractions administratives du Kazakhstan, et condamné à une amende de 32 360 tenge.

4.2L’État partie relève en outre que l’auteur ne nie pas avoir participé à la réunion non autorisée du 2 juin 2012, mais qu’il soutient que son comportement n’était pas contraire à la loi. Le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte autorise certaines restrictions au droit à la liberté d’expression si elles sont prévues par la loi et nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui et à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. De même, l’article 21 garantit le droit de réunion pacifique, et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. L’État partie signale qu’au Kazakhstan, la loi sur l’organisation et à la tenue de réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques établit la procédure à suivre pour exprimer son opinion dans un lieu public et fixe les restrictions possibles à ce droit. En vertu de cette loi, l’organisation d’une manifestation publique est soumise à l’autorisation préalable de la municipalité compétente et les contrevenants sont passibles de poursuites. L’État partie fait valoir que l’organe municipal compétent en l’espèce n’avait délivré aucune autorisation pour le rassemblement auquel l’auteur a participé.

4.3L’État partie reconnaît que la liberté de réunion permet d’exercer démocratiquement une action politique, et que la Constitution du Kazakhstan garantit la réalisation et la protection de ce droit inaliénable. Il fait observer toutefois que la réalisation des droits de certains ne doit pas porter atteinte aux droits d’autrui. Il renvoie aux principes définis par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dans lesquels est reconnue la nécessité de prévoir des restrictions et des exceptions à l’exercice du droit de réunion pacifique. L’État partie fait remarquer que tous les pays démocratiques développés imposent des restrictions au droit de réunion pacifique par des lois qui fixent les conditions spécifiques de sa réalisation. Selon lui, les pays européens ont subi, ces dernières années, des pertes s’élevant à plusieurs milliards de dollars des États‑Unis parce que l’exercice du droit de réunion pacifique par certains acteurs de la société s’est soldé notamment par de nombreuses émeutes, la destruction de biens publics ou privés et des arrêts de travail dans les usines. C’est pourquoi, afin de garantir le respect des droits et libertés d’autrui, la sécurité publique, le fonctionnement normal des moyens de transport et la préservation des infrastructures, les autorités kazakhes au niveau local ont désigné des lieux pour la tenue de manifestations publiques non officielles.

4.4L’État partie souligne que l’auteur a été sanctionné non pas pour avoir exprimé son opinion mais pour avoir violé la procédure fixée pour la tenue d’une réunion publique. L’argument de l’auteur selon lequel il n’a commis aucun acte illégal a été examiné par les juridictions de première instance et d’appel, et jugé infondé.

4.5L’État partie reconnaît par ailleurs qu’il n’y a aucun lien entre le rassemblement non autorisé auquel l’auteur a participé et la demande d’autorisation de tenir une réunion publique présentée par M. Abilov pour la même période et le même lieu.

4.6Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes, l’État partie fait valoir que le Code des infractions administratives prévoit une procédure de contrôle juridictionnel permettant à l’auteur de demander le réexamen de l’affaire le concernant au Bureau du Procureur général. L’auteur a saisi le Procureur général adjoint d’une demande en ce sens, qui a été rejetée le 6 juin 2013. Il n’a toutefois déposé aucune demande de contrôle juridictionnel auprès du Procureur général. L’État partie considère donc que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles et que sa communication devrait être déclarée irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre datée du 20 février 2014, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie. Il renvoie aux Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique élaborées par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en 2007 et acceptées par le Kazakhstan et d’autres membres de l’Organisation, qui définissent six principes directeurs pour la réglementation des réunions pacifiques. L’auteur affirme que l’État partie a violé chacun de ces principes. Il soutient également que, si l’article 10 de la loi sur l’organisation et la tenue de réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques permet aux autorités locales de réglementer la procédure d’un rassemblement pacifique, il ne leur confère pas le pouvoir de déterminer le lieu dans lequel doivent se tenir les manifestations et en particulier de cantonner les réunions en un seul lieu. L’auteur fait valoir en outre que, dans sa décision no 167 du 29 juillet 2005, le conseil municipal d’Almaty a recommandé au maire d’utiliser la place principale de la ville pour la tenue des manifestations officielles financées par l’État, d’affecter la place située derrière un cinéma de quartier aux manifestations prévues par les organisations non gouvernementales et de destiner toutes les autres places à l’organisation de manifestations officielles et de spectacles. Il soutient que cette décision n’est pas légalement fondée et qu’elle est incompatible avec le droit international des droits de l’homme en ce qu’elle restreint de fait la liberté de réunion pacifique. Il soutient en outre que la décision établit une discrimination fondée sur les opinions politiques.

5.2En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur affirme qu’il a déjà saisi le Bureau du Procureur général d’une demande de contrôle juridictionnel. Il considère donc que les recours internes ont été épuisés.

Observations complémentaires de l’État partie concernant la recevabilité

6.Dans une note verbale du 30 avril 2014, l’État partie réaffirme sa position selon laquelle le Comité devrait déclarer la communication irrecevable pour défaut de fondement des griefs et non-épuisement des recours internes.

Commentaires de l’auteur sur les observations complémentaires de l’État partie

7.Dans une lettre datée du 30 mai 2014, l’auteur fait remarquer que, selon ce qu’admet l’État partie dans ses observations, il a été accusé d’une infraction administrative pour avoir participé à une réunion pacifique. Il soutient que ses droits ont été restreints sur la base du règlement adopté par le conseil municipal, qui a valeur de recommandation et qui viole la Constitution kazakhe et les normes internationales. L’auteur signale que, conformément au paragraphe 35 de l’observation générale no 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, quand un État partie invoque un motif légitime pour justifier une restriction à la liberté d’expression, il doit démontrer de manière spécifique et individualisée la nature précise de la menace ainsi que la nécessité et la proportionnalité de la mesure particulière prise. Cependant, le rassemblement du 2 juin 2012 ne peut être qualifié de menace puisqu’il était pacifique et n’a porté atteinte ni à l’ordre public ni aux droits d’autrui. L’auteur fait observer que, lorsqu’il allègue que la restriction des droits de l’auteur était nécessaire, l’État partie n’indique pas sur quel motif énuméré au paragraphe 3 de l’article 19 il s’appuie pour faire valoir cet argument.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas saisi le Procureur général d’une demande de contrôle juridictionnel. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle une requête adressée à un organe du parquet en vue d’obtenir le réexamen de décisions de justice devenues exécutoires ne constitue pas un recours qui doit être épuisé aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. En l’espèce, le Comité constate que l’auteur affirme que le 5 juillet 2012, il a saisi le Bureau du Procureur général d’une demande de contrôle juridictionnel de la décision du tribunal administratif mais qu’il a été débouté par le Procureur général adjoint, le 17 juillet 2012. Le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré qu’une nouvelle demande de contrôle juridictionnel adressée au Procureur général aurait constitué un recours utile en l’espèce. En conséquence, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la présente communication.

8.4Le Comité considère que l’auteur a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs qu’il tire des articles 19 et 21 du Pacte. Il déclare donc la communication recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité prend note du grief de l’auteur qui allègue une violation par l’État partie de son droit à la liberté d’expression et de son droit de réunion pacifique parce qu’il a été condamné à une amende pour avoir participé à une manifestation publique pacifique à Almaty, le 2 juin 2012. Le Comité considère que l’État partie a imposé des restrictions aux droits de l’auteur, en particulier au droit de répandre des informations et des idées de toute espèce garanti au paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. Il doit donc déterminer si les restrictions peuvent être justifiées au regard du paragraphe 3 de l’article 19.

9.3Le Comité renvoie à son observation générale no 34, dans laquelle il affirme que la liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu et qu’elles sont essentielles pour toute société et constituent le fondement de toute société libre et démocratique (par. 2). Le Comité rappelle que le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte n’autorise certaines restrictions que si elles sont expressément fixées par la loi et nécessaires : a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; et b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Toute restriction à l’exercice de ces libertés doit répondre aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité, être appliquée exclusivement aux fins pour lesquelles elle a été prescrite et être en rapport direct avec l’objectif spécifique qui l’inspire. Le Comité rappelle également qu’il incombe à l’État partie de démontrer que les restrictions imposées aux droits reconnus à l’auteur par l’article 19 étaient nécessaires et proportionnées.

9.4Le Comité fait observer que l’auteur a été sanctionné pour avoir participé à une manifestation publique le 2 juin 2012, les juridictions locales ayant estimé que la manifestation s’était déroulée sans autorisation préalable, en violation de la loi sur l’organisation et la tenue de réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques. Le Comité prend note des différentes versions des événements. Selon l’auteur, il s’agissait d’une rencontre informelle dont les thèmes de discussion étaient limités à la poésie et aux événements récents survenus à Janaozen. Les participants étaient l’auteur lui-même et un groupe d’amis, et ils se sont immédiatement dispersés après que des représentants de la loi les eurent informés qu’ils contrevenait à la loi. Le Comité note également que, selon l’État partie, la manifestation organisée par l’auteur a été couverte par plusieurs organes d’information et environ 25 autres personnes y ont participé activement. L’État partie soutient que, lorsqu’il a parlé publiquement des événements récents survenus à Janaozen, l’auteur a évoqué notamment la pauvreté de la population rurale et la corruption, ce que l’auteur n’a pas nié.

9.5Le Comité fait observer qu’en l’espèce, l’État partie soutient que le paragraphe 3 de l’article 19 autorise certaines restrictions au droit à la liberté d’expression si elles sont fixées par la loi et nécessaires au respect des droits d’autrui et à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Le Comité relève en outre qu’indépendamment de la nature ou de la teneur des discussions auxquelles l’auteur a pris part lors de la manifestation du 2 juin 2012, l’État partie n’a indiqué de manière explicite aucun motif précis justifiant la nécessité des restrictions imposées à l’auteur, comme l’exige le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. De plus, dans ses observations, l’État partie n’a pas donné d’information qui aurait justifié la restriction du droit de l’auteur à la liberté d’expression. Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, il n’a pas été démontré que les restrictions aux droits de l’auteur, bien que fondées sur la législation interne, étaient justifiées et proportionnées, au regard des conditions énoncées au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. Il conclut par conséquent que les droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte ont été violés.

9.6En ce qui concerne le grief de violation de l’article 21 du Pacte, le Comité rappelle que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et indispensable dans une société démocratique. Les organisateurs d’une réunion ont en règle générale le droit de choisir un lieu qui soit à portée de vue et d’ouïe du public ciblé. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions a) imposées conformément à la loi et b) nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui. Lorsqu’ils imposent des restrictions au droit de réunion des particuliers afin de concilier ce droit avec l’intérêt général, les États parties doivent chercher à faciliter l’exercice de ce droit et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier la limitation du droit garanti à l’article 21 du Pacte.

9.7Le Comité note que l’État partie affirme que la Constitution du Kazakhstan garantit la protection du droit de réunion pacifique et que la réalisation de ce droit peut être restreinte afin de garantir le respect des droits et libertés d’autrui, la sécurité publique, le fonctionnement normal des moyens de transport et la préservation des infrastructures. Le Comité observe toutefois qu’en l’espèce, l’État partie n’a pas justifié ou expliqué en quoi, concrètement, la réunion à laquelle a participé l’auteur aurait porté atteinte à la sécurité nationale ou à la sûreté publique, à l’ordre public, à la santé ou la moralité publiques ou aux droits et libertés d’autrui au sens de l’article 21 du Pacte. En conséquence, le Comité conclut que les faits dont il est saisi constituent également une violation des droits de l’auteur consacrés par l’article 21 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 duProtocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations par l’État partie des droits que l’auteur tient du paragraphe2 de l’article 19 et de l’article21 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’offrir à l’auteur une indemnisation adéquate, notamment sous la forme du remboursement du montant actuel de l’amende et de tous frais de justice ou autres frais engagés par lui. Il est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cet égard, l’État partie devrait revoir sa législation relative à la liberté d’expression et de réunion pacifique, en particulier la loi sur l’organisation et la tenue de réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques, telle qu’elle a été appliquée en l’espèce, afin que les droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte puissent être pleinement exercés sur son territoire.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans toutes ses langues officielles.