Nations Unies

CCPR/C/127/D/2444/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

25 novembre 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2444/2014 * , **

Communication présentée par :

A. S. et consorts (représentés par un conseil, Theodoros Alexandridis)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs et leur famille

État partie :

Albanie

Date de la communication :

21 juillet 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 7 décembre 2015 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

8 novembre 2019

Objet :

Expulsion forcée de Roms

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Recours utile ; traitement cruel, inhumain ou dégradant ; liberté de circulation ; immixtions illégales et arbitraires dans le domicile et la famille ; discrimination fondée sur l’origine ethnique

Article(s) du Pacte :

2 (par. 1 et 3), 7, 17, 23, 26 et 27

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2 b))

1.1Les auteurs de la communication sont A. S., né en 1957, A. L., né en 1968, A. S., né en 1977, D. S., né en 1984, N. S., né en 1966, et S. S., né en 1968, tous de nationalité albanaise. Ils soumettent la communication en leur nom propre et au nom de leur famille. Ils affirment que l’expulsion forcée et injustifiée dont ils sont menacés constitue une violation des articles 7, 17, 23, 26 et 27, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Albanie le 4 janvier 2008. Les auteurs sont représentés par un conseil.

1.2Le 21 juillet 2014, conformément à l’article 94 de son règlement intérieur, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser les auteurs tant que la communication serait à l’examen.

1.3Le 6 août 2014, les arrêtés d’expulsion ayant été révoqués après la présentation par le Comité de la demande de mesures provisoires, le conseil des auteurs a sollicité la levée de cette demande.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs sont d’origine rom et vivent à Elbasan (Albanie). Ils sont tous sans emploi et vivent avec leurs familles respectives, soit 32 personnes dont des enfants, dans des maisons de fortune construites sans autorisation au début des années 1990. Tous ont demandé la régularisation de leur logement, où ils sont installés depuis plus de vingt ans. Pendant toutes ces années, les autorités ont toléré de facto, si ce n’est reconnu, le fait que les auteurs y résident, et les habitations sont raccordées au réseau électrique principal et aux conduites d’eau de la commune.

2.2Le 2 juillet 2014, le Conseil des ministres a décidé (par la décision no 432) de prolonger et d’élargir l’une des routes principales d’Elbasan − la rue Qemal Stafa − dans le cadre de la rénovation du stade de football. Le 16 juillet 2014, l’Inspection de l’urbanisme de la commune d’Elbasan a notifié aux auteurs des arrêtés d’expulsion avec un préavis de cinq jours. Selon ces documents, la démolition des maisons était nécessaire pour des « raisons d’intérêt public ». Les autorités n’ont pas consulté les auteurs et ne leur ont proposé aucune forme d’aide ou d’indemnisation ni aucune solution de relogement.

2.3Les auteurs font valoir qu’ils ne disposaient d’aucun recours utile pour contester les arrêtés d’expulsion car le droit interne prévoit expressément que les recours administratifs ou judiciaires contre un arrêté d’expulsion n’ont pas d’effet suspensif. De plus, l’Agence de régularisation, d’urbanisation et d’intégration des implantations et des constructions sauvages a jugé que le logement de A. L. pouvait être régularisé, mais que ceux des autres auteurs ne pouvaient pas l’être car cela ferait obstacle aux travaux de construction sur la rue Qemal Stafa, qui était un projet d’intérêt public. Les auteurs signalent que, bien qu’une séance publique ait été organisée par la municipalité le 18 juillet 2014 pour expliquer de quelle manière se dérouleraient les expulsions et comment les personnes concernées pourraient bénéficier d’une solution de relogement avec prise en charge partielle du loyer, l’État partie n’a commencé à venir en aide aux auteurs qu’après qu’ils ont saisi le Comité. Aucune solution de relogement n’était garantie avant la date de l’expulsion, aucune indication n’était donnée sur une éventuelle suspension des expulsions, les allocations‑logement ne couvraient pas la totalité du loyer et la durée de leur versement n’était pas précisée, le conseil municipal n’avait encore accepté aucun des projets du maire et les fonds nécessaires ne seraient pas débloqués rapidement.

2.4Le 5 août 2014, après que les auteurs eurent accepté à contrecœur la solution de relogement proposée par l’État partie, leurs logements (à l’exception de celui de A. L.) ont été démolis. Les auteurs ont accepté une allocation-logement de 50 % du loyer.

2.5Les auteurs se réfèrent aux observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale concernant l’Albanie, dans lesquelles les deux Comités se sont dits préoccupés par les cas de Roms et d’Égyptiens expulsés de force de leurs campements illégaux sans proposition de relogement, sans indemnisation et sans garanties juridiques suffisantes. Ils renvoient également aux observations finales du Comité des droits de l’homme et à sa jurisprudence dans des affaires similaires ainsi qu’aux rapports d’organisations internationales.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie a violé les articles 7, 17, 23, 26 et 27, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

3.2Eu égard à la jurisprudence du Comité et à la jurisprudence internationale d’autres organes, les auteurs font valoir que la destruction d’habitations appartenant à des Roms constitue un traitement cruel, inhumain ou dégradant contraire à l’article 7 du Pacte. Ils ont été contraints de vivre dans des conditions inhumaines, ce qui a eu des répercussions extrêmement négatives sur leur vie de famille.

3.3Renvoyant à Naidenova et consorts c. Bulgarie(CCPR/C/106/D/2073/2011), les auteurs soutiennent que leur expulsion constitue une immixtion dans leur domicile, contraire à l’article 17 du Pacte. Les autorités ne les ont jamais consultés, ne les ont jamais informés du projet d’extension de la route et ne leur ont pas expliqué pourquoi ils devaient être expulsés aussi rapidement. En outre, les autorités ne leur ont proposé aucune solution concrète de relogement à long terme dans un autre quartier d’Elbasan. Au lieu de cela, l’État partie n’a proposé aux auteurs qu’une solution de relogement temporaire avec prise en charge partielle du loyer. Il a déclaré qu’il se pencherait sur la régularisation de leurs logements, mais une seule des habitations a été considérée comme susceptible d’être régularisée, les autres faisant obstacle à un projet d’intérêt public.

3.4Les auteurs affirment que l’arrêté d’expulsion pris contre eux et la destruction de leur logement ont constitué une violation de leur droit de protéger leur cellule familiale en tant qu’entité fondamentale de la société, conformément à l’article 23 du Pacte. Les auteurs et leur famille ont été contraints de vivre dans des conditions inhumaines qui ont eu des répercussions sur leur vie de famille, en violation directe de l’article 23. En outre, les appartements dans lesquels ils vivent actuellement en attendant que l’État partie les aide à obtenir un logement permanent ne répondent pas aux besoins particuliers de leur famille. L’État partie n’a fait aucune différence entre les familles nombreuses et les petites unités familiales et n’a pas pris en compte l’influence de la culture rom sur les besoins des auteurs en matière de logement.

3.5Les auteurs soutiennent également qu’ils ont été victimes d’une discrimination fondée sur leur origine rom, en violation de l’article 26 du Pacte. Les arrêtés d’expulsion du 16 juillet 2014 visaient uniquement des Roms. Les Roms et les Égyptiens sont les seuls Albanais concernés par de telles expulsions forcées.

3.6Les auteurs affirment que les droits qu’ils tiennent de l’article 27 du Pacte ont été violés. En raison de la discrimination indirecte dont ils sont systématiquement victimes, les citoyens roms n’ont pas les mêmes chances que les autres d’obtenir un droit de propriété foncière et sont particulièrement exposés aux expulsions forcées. Comme indiqué plus haut, les logements dans lesquels les auteurs vivent actuellement ne sont pas adaptés à leur culture.

3.7Enfin, les auteurs affirment que l’absence de recours internes efficaces qui auraient permis de surseoir à leur expulsion constitue une violation des paragraphes 1 et 3 de l’article 2 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 22 septembre 2014, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité. Il soutient que les auteurs n’ont pas épuisé tous les recours internes disponibles. Ils n’ont pas utilisé le mécanisme juridique interne permettant de contester les expulsions forcées et n’ont pas porté plainte devant un organe administratif ou un tribunal. S’il reconnaît que la contestation d’un arrêté d’expulsion devant les tribunaux nationaux n’entraîne pas automatiquement un sursis à exécution, l’État partie affirme que les tribunaux ont le pouvoir d’ordonner la suspension d’une expulsion. C’est pourquoi, selon lui, les auteurs auraient dû contester l’arrêté d’expulsion devant une juridiction interne tout en demandant un sursis à exécution.

4.2En ce qui concerne les griefs de discrimination formulés par les auteurs, l’État partie affirme que la loi no 10221 vise à garantir que les droits de toutes les personnes soient protégés dans des conditions d’égalité et que toutes les personnes soient égales devant la loi. Ce texte donne au Commissaire à la protection contre la discrimination la compétence de connaître des plaintes pour discrimination. Selon l’État partie, les auteurs auraient dû recourir à ce mécanisme au niveau national.

4.3L’État partie explique que la Constitution et la législation interne garantissent les droits et libertés fondamentaux, l’égalité devant la loi et le droit des particuliers de contester les actes administratifs devant les organes administratifs ou judiciaires. En particulier, la Constitution dispose que les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine sont indivisibles, inaliénables et inviolables et constituent le socle de l’ordre juridique et que les pouvoirs publics, dans l’exercice de leurs fonctions, ont l’obligation de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales et de concourir à leur réalisation (art. 15). Selon l’article 18 de la Constitution, tous les individus sont égaux devant la loi sans aucune discrimination. Des restrictions aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peuvent être imposées que par la loi pour un motif d’intérêt public ou de protection des droits d’autrui, et toute restriction doit être proportionnée à la situation qui l’impose (art. 17). Selon l’article 42 de la Constitution, il ne peut être passé outre aux droits reconnus par la Constitution et par la loi qu’au terme d’une procédure régulière, et chacun a droit, pour la défense des droits, libertés et intérêts qui lui sont garantis par la loi et la Constitution, ou dans le cas où des charges ont été retenues contre lui, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi. L’article 43 de la Constitution garantit aux particuliers le droit d’interjeter appel d’une décision de justice devant une juridiction supérieure, à moins que la Constitution n’en dispose autrement.

4.4Enfin, l’État partie laisse entendre que les auteurs n’ont pas qualité pour agir puisqu’ils ont bénéficié d’une solution de relogement sous la forme d’un loyer subventionné et que les arrêtés d’expulsion ont été annulés.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans leurs observations du 29 octobre 2014 et du 1er avril 2015, les auteurs affirment qu’ils sont victimes d’une violation même s’ils ont bénéficié d’une solution de relogement sous la forme d’un loyer subventionné et si l’habitation de A. L. n’a pas été démolie. Ils font valoir qu’un dédommagement ne leur a été offert qu’après que le Comité a demandé des mesures provisoires. Aucun accord ne leur a été proposé au moment où l’avis de démolition leur a été notifié et aucun logement de remplacement ne leur a été offert avant la tentative d’expulsion dont ils ont fait l’objet. En outre, les auteurs affirment que le logement de remplacement proposé par l’État partie ne constitue pas une réparation effective. L’État partie n’a jamais indiqué à quel moment les auteurs se verraient proposer un logement dont ils seraient propriétaires ; ceux-ci ont été contraints de louer un logement qui ne répond pas aux différents besoins de leurs familles, avec des subventions qui ne sont pas modulées en fonction de la taille des familles, et l’État partie ne s’est pas assuré que les auteurs ne seraient pas menacés d’expulsion par le propriétaire. Les auteurs affirment qu’ils ne pourront pas contester une expulsion s’ils ne parviennent pas à s’acquitter du montant du loyer du fait que la subvention accordée par l’État partie ne couvre que 50 % du montant dû. Ils soutiennent donc que, puisque la question soulevée dans la présente communication n’a pas été examinée, ils ont qualité pour agir.

5.2Les auteurs affirment qu’ils ne devraient pas être pénalisés pour avoir accepté la solution de relogement proposée par l’État partie après le dépôt de la demande de mesures provisoires. Ils ont été contraints d’accepter cette proposition parce qu’il n’existait aucune voie de recours qui leur aurait permis de contester leur expulsion et qu’ils avaient été informés que leur logement ne pouvait être régularisé.

5.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, les auteurs appellent l’attention sur les déclarations de l’État partie concernant l’absence de recours effectif contre les expulsions forcées des communautés rom et égyptienne vivant dans des établissements informels qui ne peuvent être régularisés. Ils font valoir que l’État partie, compte tenu de ce qu’il a affirmé par le passé au sujet de la situation des communautés rom et égyptienne et de la reconnaissance du droit au logement en tant que droit de l’homme, ne peut pas prétendre que le cadre juridique interne est désormais efficace.

5.4Les auteurs signalent que les recours utiles tels que les demandes d’indemnités compensatoires n’aboutissent à un dédommagement que si le Gouvernement a agi illégalement et si le bien est régularisé. Des squatters dans leur situation ne peuvent donc prétendre à aucune indemnisation en cas d’expropriation et ont uniquement le droit d’être relogés. à aucun moment les autorités ne leur ont indiqué clairement s’ils pouvaient recevoir des indemnités pour expropriation et ils n’ont été informés de la possibilité d’être relogés qu’après que des mesures provisoires ont été prises dans le cadre de l’examen de la présente communication. En outre, ils soulignent que même si, dans l’État partie, il est possible d’être relogé, rien ne garantit dans la pratique que les personnes touchées se voient offrir une telle solution avant que leur logement ne soit démoli. Ils font remarquer que les procédures applicables sont contraignantes et longues.

5.5Enfin, les auteurs font observer que l’État partie ne dit rien sur le fait qu’ils n’ont pas eu accès à une aide juridictionnelle effective pour contester leur expulsion forcée. La discrimination persistante dont sont victimes les communautés roms dans l’État partie empêche celles-ci de bénéficier d’une représentation en justice. Étant donné que les Roms victimes d’expulsion sont davantage susceptibles d’avoir un faible niveau de connaissances juridiques, une aide juridictionnelle effective est nécessaire.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 22 septembre 2014, l’État partie a présenté ses observations sur le fond. Il souligne que le projet de route qui a valu aux auteurs de faire l’objet d’un arrêté d’expulsion touchait également des personnes non roms. L’Inspection de l’urbanisme de la commune d’Elbasan a supervisé le processus de notification des arrêtés d’expulsion visant à faire évacuer les logements et les terrains conformément au Code de procédure administrative. Les auteurs ont été avisés le 16 juillet 2014, conformément à la législation nationale et aux procédures administratives applicables, qu’un délai de cinq jours leur était imparti pour quitter leur propriété privée. L’État partie affirme donc que le grief de discrimination est dénué de fondement.

6.2L’État partie indique qu’il s’est efforcé d’accélérer et de faciliter le processus de régularisation des logements et d’obtention de titres de propriété pour toutes les personnes touchées par le projet, y compris les auteurs, en vue de leur verser une indemnisation pour le préjudice subi. Il a créé un fonds d’expropriation à l’intention des personnes dont les logements étaient visés par le projet. Il fait observer que l’Agence de régularisation, d’urbanisation et d’intégration des implantations et des constructions sauvages a enquêté sur les logements illégaux des auteurs et qu’elle a constaté que seule l’habitation de A. L. n’était pas touchée par le projet et pouvait donc être régularisée. Il affirme par conséquent qu’aucun obstacle légal n’empêche la poursuite du processus de régularisation du logement de A. L. Selon l’État partie, la réalisation du projet et l’application de la loi sur la régularisation empêchent de régulariser les habitations des autres auteurs.

6.3L’État partie fait valoir que le cadre juridique national prévoit l’accès des personnes touchées à un logement de remplacement ou à un hébergement temporaire. Il existe des fonds spéciaux destinés aux personnes expropriées, créés avant l’évacuation des logements, dont que les auteurs auraient pu demander à bénéficier. Le grief des auteurs selon lequel l’État partie les expulse sans leur offrir d’indemnisation ou de solution de relogement est donc dénué de fondement. Les auteurs avaient la possibilité de demander un logement de remplacement et une indemnisation en utilisant les moyens susmentionnés. Plus précisément, le 5 août 2014, ils ont signé de leur plein gré des accords par lesquels ils s’engageaient à évacuer leur logement en contrepartie d’une allocation-logement mensuelle versée par l’État.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans leurs commentaires des 1er avril 2015, 23 juin 2015 et 18 janvier 2019, les auteurs appellent l’attention sur les rapports pertinents des organes conventionnels concernant le traitement des Roms dans l’État partie, en lien avec leur grief de discrimination. Pour contester l’argument de l’État partie selon lequel, en l’espèce, les auteurs n’ont pas fait l’objet d’une discrimination en raison de leur origine rom, ils appellent l’attention sur les plans d’action mis en place par l’État partie lui-même pour lutter contre la discrimination à l’égard des Roms.

7.2Dans leurs commentaires des 1er avril et 2 novembre 2015, les auteurs réaffirment que l’État partie leur a dit que leurs logements, à l’exception de celui de A. L., ne pouvaient pas être régularisés. Cette absence de recours approprié constitue selon eux une violation manifeste des articles 7 et 17 du Pacte, que l’État partie n’a pas examinée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les recours internes n’ont pas été épuisés puisque, après avoir reçu les arrêtés d’expulsion, les auteurs n’ont pas exploité la possibilité qui s’offrait à eux de contester ces actes comme le prévoit le Code de procédure administrative. Il constate que les auteurs ont tenté de faire régulariser leurs logements et qu’aucune des habitations, à l’exception d’une seule, n’a pu être régularisée en raison du projet de route, qui est le motif de l’expulsion des auteurs. Le Comité prend aussi note de l’argument des auteurs selon lequel les procédures de droit administratif seraient inefficaces car, à l’époque de l’expulsion, l’ordre juridique interne ne leur permettait pas de contester directement l’expulsion forcée ou de demander immédiatement un logement ou une autre forme de dédommagement.

8.4Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle, même s’il n’est pas obligatoire d’épuiser les recours internes si ceux‑ci n’ont aucune chance d’aboutir, les auteurs de communications doivent faire preuve de la diligence voulue pour exercer les recours disponibles et que de simples doutes ou supputations quant à l’utilité de ces recours ne les dispensent pas de les épuiser. En l’espèce, le Comité constate que les auteurs n’ont contesté leur expulsion devant aucun organe national. Les auteurs ont tenté de faire régulariser leurs logements mais ils n’ont pas démontré en quoi d’autres recours administratifs ou judiciaires auraient été manifestement inefficaces. Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes de manière à pouvoir alléguer que leur expulsion forcée constitue une violation des droits qu’ils tiennent des articles 7, 17, 23, 26 et 27, lus seuls et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

9.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication.