Nations Unies

CCPR/C/127/D/2499/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

25 novembre 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2499/2014 * , **

Communication présentée par :

P. L. et M. L. (non représentés par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs

État partie :

Estonie

Date de la communication :

19 août 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 10 décembre 2014 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

8 novembre 2019

Objet :

Refus de restitution de biens

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes ; défaut de fondement des griefs ; incompatibilité avec le Pacte

Question(s) de fond :

Discrimination fondée sur l’origine nationale, ethnique ou sociale

Article(s) du Pacte :

2, 14 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2)

1.1Les auteurs de la communication sont P. L. et M. L., de nationalité allemande, nés le 23 août 1986 et le 28 novembre 1990, respectivement. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 2, 14 et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 21 janvier 1992. Les auteurs ne sont pas représentés par un conseil.

1.2Le 3 février 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de rejeter la demande de l’État partie tendant à ce que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1La grand-mère des auteurs était de nationalité estonienne. Elle était propriétaire, à Tallinn, de biens qui ont été illégalement expropriés dans les années 1940 pendant l’occupation soviétique. En 1941, elle a fui l’Estonie avec sa famille, y est revenue en 1942 et est repartie en 1944. En 1991, elle a saisi la Commission municipale de Tallinn pour la restitution des biens illégalement expropriés et l’indemnisation, dans le cadre de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété. En 1992, elle s’est vu restituer ses biens.

2.2Toutefois, en 1999, la Commission municipale de Tallinn a annulé sa décision antérieure, de sorte que les biens ont été repris par la municipalité et sont devenus publics. En 2002, la Cour suprême a déclaré la décision de 1999 inconstitutionnelle. La Commission n’en a pas pour autant restitué les biens. La grand-mère des auteurs est décédée en 2006, mais ceux-ci ont poursuivi la procédure en leur qualité d’héritiers. Le 31 août 2010, la Commission a informé les auteurs que leurs biens ne leur seraient pas restitués et qu’ils ne seraient pas indemnisés. La Commission a estimé que la grand-mère avait été indemnisée par l’Allemagne en application de la loi sur la péréquation des charges (Lastenausgleichsgesetz) et que les auteurs ne pouvaient dès lors demander la restitution des biens sur la base de l’article 17 (par. 5) de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété. Les auteurs ont contesté cette décision.

2.3Le 1erjuin 2011, le tribunal administratif de Tallinn a fait droit à la demande des auteurs et déclaré que le montant versé au titre de la loi allemande sur la péréquation des charges ne pouvait pas être considéré comme une indemnisation pour la perte des biens. Toutefois, le 18 octobre 2012, la Cour d’appel a infirmé cette décision et jugé que le montant versé constituait bien une indemnisation et que la restitution était donc exclue. Le 27 février 2013, la Cour suprême a refusé d’examiner le recours des auteurs.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs soutiennent que le refus de l’État partie de restituer leurs biens constitue une violation des articles 2, 14 et 26 du Pacte. Ils ont le droit de recouvrer leurs biens ou de recevoir une indemnisation équivalente. Ils arguent qu’ils ont été victimes de discrimination étant donné que d’autres demandeurs dans la même situation ont pu recouvrer leurs biens auprès de l’État partie, qu’ils aient ou non reçu des indemnités au titre de la loi allemande sur la péréquation des charges. En particulier, les Estoniens vivant en Estonie ont pu recouvrer leurs biens, ce qui n’a pas été le cas de ceux vivant à l’étranger. D’autres Germano-Baltes ont également pu recouvrer l’ensemble de leurs biens.

3.2Depuis août 2010, le maire de Tallinn refuse d’accorder une indemnité à ceux qui demandent la restitution de leurs biens mais qui ont déjà reçu une indemnité en Allemagne en application de la loi sur la péréquation des charges, position qui, à l’époque, a été contestée par le Ministre estonien des finances. L’objectif de la loi sur la péréquation des charges est d’offrir une indemnisation non pour la perte des biens, mais pour la perte d’usage des biens en question. Aucun autre pays européen que l’Estonie n’a refusé de restituer des biens au motif que des indemnités avaient été versées en application de la loi sur la péréquation des charges. Aux termes de cette loi, ceux qui recouvrent leurs biens ou perçoivent une indemnisation doivent restituer les sommes reçues en application de la loi.

3.3Les indemnités accordées en application de la loi allemande sur la péréquation des charges avaient essentiellement pour objet d’aider les victimes à se réinsérer dans la société ; en effet les montants versés ne correspondaient pas à la valeur des biens perdus. Les personnes qui ont perdu des maisons et des terrains n’ont reçu en application de cette loi qu’un montant représentant en moyenne 6,33 % de la valeur du bien. La somme que les auteurs ont reçue était bien inférieure à ce qu’aurait pu leur rapporter la location de leurs biens. Cela montre que cette loi avait pour seul objet d’offrir une aide sociale. Le versement d’indemnités n’excluait pas non plus la restitution future des biens car la loi prévoyait la fin possible de l’occupation, qui devait permettre aux propriétaires de demander la restitution de leurs biens. C’est ce qui s’est passé en 1991 : l’occupation soviétique ayant pris fin, la révocation des expropriations illégales est devenue possible.

3.4La Cour d’appel a décidé à tort que le montant que les auteurs avaient reçu au titre de la loi allemande sur la péréquation des charges constituait une indemnisation adéquate. Elle a utilisé des calculs erronés et n’a pas consulté de spécialiste de cette loi. L’indemnisation que les auteurs ont perçue est loin de refléter la valeur réelle de leurs biens. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’une indemnisation extrêmement disproportionnée pour l’expropriation de terrains ne saurait être considérée comme adéquate.

3.5C’est un fait historique que les Germano-Baltes réinstallés pendant la période 1940-1941 se sont vu promettre une indemnisation pour les biens qu’ils laissaient derrière eux et qu’ils n’ont pas pu vendre en 1940 en raison de l’absence de marché en Union des républiques socialistes soviétiques. La promesse d’indemnisation figurait dans un accord conclu le 10 janvier 1941 entre les Gouvernements de l’Union soviétique et de l’Allemagne, par lequel cette dernière cédait à l’Union soviétique les biens des personnes réinstallées pour un montant global de 200 millions. Bien que ce montant ait été versé à titre d’indemnisation pour les biens laissés derrière elles par les personnes réinstallées, celles-ci n’ont jamais été indemnisées. En 1989, les traités conclus entre les régimes nazi et soviétique ont été annulés. La Cour d’appel n’a pas tenu compte de cette décision et n’a pas voulu en examiner les conséquences pour les personnes réinstallées et pour le Gouvernement de l’État partie.

3.6Le 8 octobre 2012, le Ministre des finances a adressé une lettre à l’ambassadeur d’Allemagne en Estonie dans laquelle il reconnaissait l’injustice faite aux Germano-Baltes réinstallés et à leurs héritiers et proposait une solution : si les demandeurs restituaient les indemnités reçues en application de la loi allemande sur la péréquation des charges, la procédure de recouvrement des biens ou d’indemnisation serait lancée en Estonie. Les auteurs ne sont pas certains qu’une telle solution s’appliquerait également aux cas tels que le leur, qui a déjà été examiné par les juridictions estoniennes.

3.7Enfin, les auteurs affirment que la composition de la Cour d’appel a été manipulée parce que le juge qui était censé la présider a été remplacé par un juge qui avait rejeté une demande de restitution de biens dans une affaire similaire. Les auteurs se plaignent également de la durée de la procédure, qui a débuté en 1991, lorsqu’ils ont présenté leur demande de restitution de leurs biens, et s’est terminée le 31 août 2010, avec le refus opposé par la Cour.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 10 février 2015, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au regard des articles 2, 3 et 5 (par. 2) du Protocole facultatif. En ce qui concerne les faits, il argue que la grand-mère des auteurs a effectivement été indemnisée pour ses biens situés en Estonie en application de la loi allemande sur la péréquation des charges, ce qui exclut la possibilité de restitution des biens illégalement expropriés et la possibilité d’obtenir une indemnisation. La Cour d’appel a estimé que, bien qu’aucun document prouvant le versement effectif de l’indemnité ou la confirmation par la grand-mère des auteurs qu’elle avait reçu l’argent n’ait été produit, il avait été démontré de manière plausible par d’autres preuves que des indemnités avaient bien été versées à la grand-mère. L’État partie n’a jamais promis de restituer des biens pour lesquels une indemnisation avait déjà été accordée ni de verser une indemnité pour les biens en question.

4.2La communication est irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif parce que les auteurs ont abusé de leur droit de présenter une communication. Ils n’ont pas informé le Comité qu’ils avaient saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête sur la même question, qui a été déclarée irrecevable le 24 octobre 2013. La même question a donc été examinée devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, ce qui signifie que la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif. Les auteurs n’ont pas non plus suffisamment étayé leurs allégations dans la mesure où ils n’ont pas produit toutes les annexes mentionnées traduites dans l’une des quatre langues de travail utilisées dans le cadre de la procédure d’examen des communications. En outre, le droit de propriété n’est pas mentionné dans le Pacte, de sorte que le Comité n’est pas compétent pour examiner la communication.

4.3La communication est également irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif, le Comité ayant établi à maintes reprises dans sa jurisprudence que c’est aux juridictions des États parties et non au Comité qu’il appartient d’apprécier les faits et les preuves ou d’interpréter la législation nationale, sauf s’il peut être établi que la conduite du procès, cette appréciation ou cette interprétation ont été manifestement arbitraires ou ont représenté un déni de justice, ce qui n’est pas le cas s’agissant de la présente communication.

4.4Enfin, en application de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, le Comité n’examine aucune communication dont l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Les auteurs n’ont jamais formulé leur grief de discrimination devant les juridictions de l’État partie et n’ont pas non plus saisi le Chancelier de justice. Selon la loi relative au Chancelier de justice, celui-ci protège les libertés et droits fondamentaux des individus en veillant à ce que les autorités et les agents qui exercent des fonctions publiques ne violent pas les droits et libertés constitutionnels, les lois et les autres textes d’application générale et ne contreviennent pas aux bonnes pratiques administratives. Toute personne qui se plaint d’actes arbitraires peut aisément prendre contact avec le Chancelier aux fins d’une consultation, y compris dans les langues étrangères les plus courantes, dont l’anglais et l’allemand.

4.5Le 4 juillet et le 24 novembre 2017, l’État partie a présenté des observations complémentaires sur la recevabilité ainsi que des observations sur le fond. Il indique qu’au moment où les auteurs ont présenté leur communication, la procédure relative à leurs biens situés 45 rue Metsa était toujours pendante devant ses juridictions. Cette procédure a pris fin avec la décision définitive rendue par la Cour suprême le 25 septembre 2014. Par conséquent, quand ils ont présenté leur communication, les auteurs n’avaient pas épuisé les recours internes comme l’exige l’article 2 du Protocole facultatif.

4.6Les auteurs ne contestent pas que le droit de propriété n’est pas protégé par le Pacte. Or, ils font essentiellement valoir un droit sur des biens expropriés par les autorités soviétiques et pour lesquels ils ont reçu une indemnisation de l’Allemagne. Les auteurs ne veulent pas accepter le principe énoncé à l’article 17 (par. 5) de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété, à savoir que les personnes qui ont déjà été indemnisées ne peuvent légitimement compter obtenir la restitution de leurs biens ou une indemnisation supplémentaire. La communication est donc irrecevable ratione materiae. L’État partie rappelle que c’est aux États qu’il appartient de définir les conditions de la restitution des biens expropriés illégalement ou de l’indemnisation concernant ces biens.

4.7Les auteurs n’ont pas non plus étayé leur grief selon lequel la décision de la Cour d’appel a été arbitraire ou a constitué un déni de justice, en violation de l’article 14 du Pacte. Ils contestent la teneur des décisions des tribunaux internes, dont l’appréciation ne relève pas de la compétence du Comité. Les auteurs ne partagent pas l’avis de la Cour d’appel selon lequel l’indemnisation accordée à leur prédécesseur légal en Allemagne doit être considérée comme une indemnisation au sens de l’article 17 (par. 5) de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété. Le Comité a déjà expliqué que l’article 14 du Pacte garantit seulement l’égalité procédurale et l’équité, mais ne saurait être interprété comme garantissant l’absence d’erreur de la part du tribunal compétent.

4.8L’allégation selon laquelle la composition de la Cour d’appel a été manipulée n’a pas été étayée. Il ressort du dossier qu’un juge a été remplacé pour raisons de santé sur décision du Conseil de la Cour d’appel. À la connaissance de l’État partie, les auteurs n’ont pas, au cours de la procédure, formulé de préoccupations ou de griefs au sujet de la composition de la Cour ou de l’impartialité du juge remplaçant.

4.9Les auteurs n’ont pas non plus étayé leur allégation selon laquelle les juridictions de l’État partie auraient exercé à leur encontre une discrimination fondée sur leur origine germano-balte en décidant qu’ils n’avaient pas droit à la restitution des biens ou à une indemnisation parce qu’ils avaient déjà reçu une indemnité. Contrairement aux décisions rendues par le Comité dans les affaires Simunek et consorts (CCPR/C/54/D/516/1992) et Adam c. République tchèque (CCPR/C/57/D/586/1994), les faits de l’espèce ne soulèvent pas de question au titre de l’article 26 du Pacte.

4.10Dans le cas des auteurs, les lois applicables n’établissent, entre les anciens propriétaires des biens expropriés, aucune distinction fondée sur l’un des motifs mentionnés à l’article 26 du Pacte ou tout autre motif. Selon l’article 17 (par. 5) de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété, le seul critère permettant de décider si une personne relevant de cette disposition peut demander la restitution de biens ou une indemnisation est celui de savoir si les biens ont déjà été restitués à l’intéressé ou si celui-ci a reçu une indemnisation. Les auteurs n’ont fourni aucun argument ou élément de preuve à l’appui de leur allégation selon laquelle, en considérant le montant versé par l’Allemagne à leur grand-mère comme une indemnisation au sens de l’article 17 (par. 5) de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété, la Cour d’appel a été motivée par leurs origines germano-baltes. Les auteurs n’ont pas non plus expliqué en quoi les conditions énoncées à l’article 17 (par. 5) de la loi ont un rapport avec l’origine nationale ou ethnique.

4.11Le grief concernant la durée de la procédure est irrecevable ratione materiae au regard de l’article 3 du Protocole facultatif. Il ressort de l’observation générale no 32 (2007) du Comité, sur le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, que l’article 14 du Pacte énonce des garanties concernant les procédures de caractère judiciaire. La procédure devant la Commission municipale de Tallinn que les auteurs considèrent comme excessivement longue n’était pas une procédure judiciaire mais une procédure administrative. Les procédures administratives ne relèvent pas de l’article 14 du Pacte. De plus, ce grief devrait être déclaré irrecevable également au regard de l’article 2 et de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif pour non-épuisement des recours internes. Le droit interne permet de demander une indemnisation en cas de procédure excessivement longue. Les auteurs n’ont pas saisi le tribunal administratif en ce sens et n’ont pas non plus invoqué de circonstances particulières qui auraient pu les affranchir de l’obligation d’exercer ce recours.

4.12Si le Comité devait déclarer la communication recevable, l’État partie soutient qu’aucun des griefs que les auteurs tirent des articles 14 et 26 du Pacte n’est étayé par les faits ou les éléments de preuve.

4.13En ce qui concerne l’article 14, la Cour d’appel a expliqué en détail, dans son arrêt du 18 octobre 2012, les raisons pour lesquelles elle avait conclu que la grand-mère des auteurs avait déjà été indemnisée et que les auteurs n’avaient donc plus droit à la restitution ou à une indemnisation. Il ressort de son arrêt que la Cour a examiné de manière approfondie la nature des montants versés par l’Allemagne et a expliqué pour quelles raisons elle les a considérés comme constituant une indemnisation pour les biens laissés en Estonie. À cette fin, la Cour a analysé en détail la loi allemande sur la péréquation des charges, notamment son objet, la nature des indemnisations accordées, les méthodes de calcul de l’indemnisation, la manière dont la loi a été appliquée à la grand-mère des auteurs et la relation de ladite loi avec la loi estonienne relative aux principes de la réforme de la propriété. La Cour a également examiné l’argument des auteurs selon lequel les montants versés par l’Allemagne étaient uniquement des « prestations sociales » ou alloués aux fins de réinsertion. En particulier, et contrairement à ce qu’affirment les auteurs, elle a constaté que les autorités allemandes avaient fixé le montant de l’indemnisation en fonction de la valeur des biens.

4.14L’État partie explique de plus que, contrairement aux allégations trompeuses formulées par les auteurs, les personnes qui ont demandé une indemnisation pour leurs biens expropriés en Estonie ont perçu une indemnisation qui était aussi fonction de la valeur des biens au moment de l’expropriation. Par conséquent, l’indemnisation qu’ils ont reçue était inférieure aux prix du marché en vigueur lorsqu’ils ont pu déposer une demande d’indemnisation ou aux prix actuels du marché. L’État partie souligne que l’un des principaux objectifs de la réforme de la propriété était la réparation des dommages ou préjudices causés par une force d’occupation étrangère ou un autre État.

4.15L’argument des auteurs selon lequel les montants versés par l’Allemagne ne peuvent pas être considérés comme une indemnisation parce qu’ils ne reflètent pas la valeur réelle des biens expropriés relève de l’article 17 (par. 5) de la loi estonienne relative aux principes de la réforme de la propriété, que la Cour d’appel a convenablement appliqué. Les auteurs ont contesté l’application de cette disposition devant la Cour suprême, qui n’a pas jugé que la Cour d’appel avait appliqué la disposition de manière incorrecte.

4.16Les auteurs n’ont pas non plus présenté d’éléments de preuve démontrant que, en violation de l’article 26 du Pacte, les Germano-Baltes ont été traités de manière différente ou moins favorable que les autres groupes de population, notamment les Estoniens de souche, qui ont demandé la restitution de biens illégalement expropriés ou une indemnisation concernant ces biens. Leurs déclarations sur « l’impopularité » de la restitution de biens aux Germano-Baltes sont arbitraires et fausses. Il est encore plus arbitraire de laisser entendre que les juridictions estoniennes agissent en fonction de la popularité ou de l’impopularité supposée de certains groupes ethniques. L’article 17 (par. 5) de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété s’applique à tous, sans distinction fondée sur la nationalité, l’origine ethnique ou sur un quelconque autre motif. Le seul critère est celui de savoir si le bien a été restitué ou une indemnisation versée.

4.17La fausseté de l’affirmation des auteurs selon laquelle les autorités estoniennes exercent une discrimination à l’encontre des Germano-Baltes en refusant de leur restituer des biens expropriés illégalement ou de les indemniser est en outre démontrée par plusieurs affaires similaires, dans lesquelles les juridictions ont statué en faveur des demandeurs quand il n’existait aucune preuve concrète que l’Allemagne leur avait versé des indemnités. Ces affaires démontrent que les décisions sont fondées sur le droit et les preuves et non motivées par un parti pris contre certains groupes ethniques. Dans le cas des auteurs, il existait des preuves permettant de conclure que des indemnités avaient bien été versées et qu’elles l’avaient été pour la perte des biens que leur grand-mère possédait à Tallinn.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Dans leurs commentaires du 20 mars 2015 sur la recevabilité, les auteurs affirment avoir été victimes de discrimination parce que la Commission municipale de Tallinn n’a pris aucune mesure pendant des années et n’a pas répondu à leurs questions. Leur grand‑mère n’a jamais demandé ni reçu d’indemnisation pour ses biens en Allemagne. Les montants reçus en application de la loi sur la péréquation des charges ne constituent pas une indemnisation pour la perte de biens. Si le Pacte ne protège pas le droit de propriété, il interdit la discrimination, et les deux sont étroitement liés. Le Comité a jugé que la législation ne devait pas opérer de discrimination entre les victimes des confiscations passées, qui ont toutes droit à réparation, sans distinction arbitraire.

5.2Les auteurs contestent l’argument selon lequel leur communication devrait être considérée comme abusive parce qu’ils n’ont pas produit de traductions. Ils soutiennent que l’arrêt de la Cour d’appel de Tallinn constitue un déni de justice et reflète un parti pris parce qu’il ne tient pas compte d’une lettre du Président de l’Office fédéral allemand de la péréquation des charges, qui a déclaré que les montants versés par l’Allemagne en application de la loi sur la péréquation des charges ne constituaient pas une indemnisation pour la perte de biens. Quelle que soit sa motivation, cet arrêt a un effet discriminatoire.

5.3La requête devant la Cour européenne des droits de l’homme a été déclarée irrecevable parce que l’État partie avait formulé, le 16 avril 1996, une réserve dans laquelle il déclarait que les dispositions de l’article premier du Protocole no 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention européenne des droits de l’homme) ne s’appliqueraient pas aux lois ou réformes régissant la restitution des biens nationalisés ou expropriés illégalement pendant la période d’annexion à l’Union soviétique ou l’indemnisation concernant ces biens. En outre, les auteurs n’ont pas invoqué la violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme lu conjointement avec l’article premier du Protocole no 1.

5.4Les auteurs précisent qu’ils ont épuisé les recours qui étaient disponibles et utiles. Étant donné qu’ils tentent sans succès de recouvrer leurs biens depuis 1992, les procédures de recours internes ont excédé les délais raisonnables. Leur avocat a également soulevé la question de la discrimination lors du procès. Selon l’article 25 (par. 2) de la loi sur le Chancelier de justice, les auteurs ne sont pas autorisés à présenter une requête au Chancelier de justice si leur affaire a fait l’objet d’un jugement définitif. En outre, même si, au cours de la procédure, le conseil des auteurs a invoqué à plusieurs reprises l’inconstitutionnalité de la loi estonienne relative à la propriété, les juridictions n’ont jamais renvoyé la question à la Cour suprême pour un contrôle de constitutionnalité.

5.5Enfin, les auteurs affirment que les procédures internes concernant leur bien situé 45 rue Metsa ont également pris fin.

5.6Dans leurs commentaires du 9 septembre 2017, les auteurs ont précisé qu’ils ne s’étaient pas plaints de la durée de la procédure en invoquant l’article 25 de la Constitution parce que leur avocat estonien les avait informés que cette disposition n’offrait pas un recours utile. De plus, cet article ne permet pas la restitution de leurs biens.

5.7En ce qui concerne leur bien situé 45 rue Metsa, les auteurs estiment que l’introduction d’autres recours devrait être considérée comme inutile et que la question de ce bien devrait être examinée par le Comité en même temps que celle des deux autres biens, situés 3 rue Tina et 47 rue Metsa.

5.8Sur le fond, la question qui se pose au Comité est de savoir si les autorités de l’État partie ont exercé une discrimination à l’encontre des personnes qui se sont réinstallées en 1941. En particulier, le 10 mars 2008, l’Assemblée plénière de la Cour suprême a estimé que les Germano-Baltes concernés devaient être traités sur un pied d’égalité avec les autres personnes ayant droit à la restitution de leurs biens et que les demandes de restitution devaient être réexaminées. Les auteurs pouvaient donc légitimement compter que leurs biens leur seraient restitués. Or, à presque toutes les demandes de restitution de biens − soit plus de 30 affaires − les autorités estoniennes ont opposé l’existence de preuves qu’une indemnisation avait déjà été accordée en application de la loi allemande sur la péréquation des charges.

5.9Les auteurs insistent sur le fait que les procédures administratives et judiciaires qui ont duré de 1991 à 2013 ont excédé le délai raisonnable requis par l’article 2 du Pacte, qui fait obligation aux États parties de garantir les droits reconnus dans le Pacte à tous les individus relevant de leur juridiction.

5.10Le Comité doit déterminer si l’arrêt de la Cour d’appel a porté atteinte au droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi garanti aux auteurs, en violation des articles 14 et 26 du Pacte. Les personnes réinstallées n’ont reçu aucune indemnisation parce que le cadre juridique de l’indemnisation avait été défini dans des accords conclus entre l’Union soviétique et l’Allemagne en janvier 1941, qui ont été annulés par la Douma le 24 décembre 1989. La Cour d’appel a confirmé les conclusions de la Commission municipale de Tallinn, qui n’étaient pas conformes aux objectifs ni au libellé de la loi allemande sur la péréquation des charges. Cette loi n’avait pas pour objet d’indemniser les Germano-Baltes réinstallés comme le prévoyaient les accords de janvier 1941. Les personnes réinstallées ont perçu une indemnisation non pour leurs biens mais pour le préjudice et les pertes causés par la perte de leurs biens. La loi sur la péréquation des charges n’est pas une loi d’indemnisation mais une loi sociale interne de « péréquation des charges ». La méconnaissance de son libellé − en particulier de son préambule − implique une application délibérément fausse de ses dispositions, qui a inévitablement entraîné une atteinte au droit des auteurs à restitution.

5.11La Cour d’appel s’est appuyée sur des dispositions dénuées de pertinence de la loi allemande sur la péréquation des charges et a arbitrairement fait abstraction de l’objectif fondamental de cette loi, énoncé dans son préambule. Elle n’a pas non plus déterminé si l’indemnité était proportionnelle à la valeur des biens. Le montant reçu par la grand-mère des auteurs dans les années 1960 représentait moins de 10 % de la valeur marchande des biens. Ces indemnités étaient donc extrêmement disproportionnées par rapport à la valeur réelle des biens.

5.12La Cour d’appel n’a pas non plus tenu compte de la pratique en vigueur dans d’autres pays de l’Union européenne tels que l’Allemagne, la Hongrie et la Roumanie, où la restitution était accordée indépendamment des indemnités versées en application de la loi allemande sur la péréquation des charges.

5.13Les auteurs n’ont pas contesté le remplacement de l’un des juges de la Cour d’appel parce qu’ils n’en ont eu connaissance que des mois plus tard, lorsqu’un autre demandeur se trouvant dans une situation similaire leur a dit que cela s’était également produit dans son cas.

5.14Enfin, les auteurs rejettent l’argument selon lequel les deux affaires citées par l’État partie sont la preuve que les Germano-Baltes ne font l’objet d’aucune discrimination.

5.15Dans leurs commentaires du 10 février 2018, les auteurs précisent que leur communication vise à ce que le Comité se penche non pas sur l’interprétation de la législation nationale, mais sur le fait qu’il n’a pas été tenu compte d’un accord international et de son annulation, ainsi que sur l’application d’une loi nationale − la loi allemande sur la péréquation des charges − au mépris de ses dispositions et à l’encontre de la pratique de tous les autres pays d’Europe orientale. Les auteurs invoquent également une affaire dans laquelle la restitution a été refusée alors même que la loi allemande sur la péréquation des charges n’avait pas été appliquée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité est tenu de s’assurer, conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note que les auteurs ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête portant sur les mêmes faits, qui a été déclarée irrecevable le 24 octobre 2013. Le Comité constate que la question n’est dès lors plus pendante devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, et que l’État partie n’a pas formulé de réserve à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif. Les dispositions de l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif ne l’empêchent donc pas d’examiner la communication.

6.3En ce qui concerne l’affirmation des auteurs selon laquelle ils ont droit à la restitution des biens en litige, le Comité rappelle que le droit de propriété n’est pas protégé en tant que tel par le Pacte et qu’il n’est dès lors pas compétent ratione materiae pour examiner des allégations de violation de ce droit. En conséquence, le Comité déclare ce grief irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.4Le Comité prend note des griefs que les auteurs tirent des articles 2, 14 et 26 du Pacte, à savoir qu’ils ont été victimes de discrimination et d’un déni de justice devant les juridictions de l’État partie et que les procédures administratives et judiciaires, qui ont débuté en 1991 et ont pris fin en 2013, ont excédé le délai raisonnable requis.

6.5En ce qui concerne le grief fondé sur l’article 14 (par. 1) du Pacte, relatif à la composition de la Cour d’appel lorsque celle-ci a examiné leur recours, le Comité note que les auteurs ont reconnu n’avoir pas soulevé la question de l’impartialité des tribunaux internes dans le cadre des procédures nationales. En conséquence, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

6.6Le Comité prend note des arguments de l’État partie, qui affirme que les auteurs n’ont pas étayé leurs griefs, que c’est aux tribunaux internes qu’il appartient d’examiner les faits et les preuves et d’interpréter la législation nationale, et que les lois applicables ne font pas de distinction entre les anciens propriétaires de biens expropriés, le seul critère étant de savoir si les biens ont déjà été restitués ou des indemnités déjà versées. Enfin, le Comité prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel les procédures administratives ne relèvent pas de l’article 14 du Pacte.

6.7Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteurs n’ont pas épuisé tous les recours internes utiles à leur disposition dans la mesure où : a) ils n’ont jamais soulevé la question de la discrimination, ni devant les tribunaux ni devant le Chancelier de justice ; b) la procédure relative à leur bien situé 45 rue Metsa était toujours pendante à la date de leur lettre initiale et n’a pris fin que le 25 septembre 2014 ; et c) ils n’ont pas soulevé la question de la durée des procédures devant le tribunal administratif. Le Comité prend de plus note des arguments des auteurs selon lesquels : a) leur conseil a soulevé la question de la discrimination pendant le procès et ils ne pouvaient saisir le Chancelier de justice parce que leur affaire avait fait l’objet d’un jugement définitif ; b) la procédure interne relative à leur bien situé 45 rue Metsa a pris fin entre-temps ; et c) un recours relatif à la durée de la procédure introduit en vertu de l’article 25 de la Constitution n’est pas un recours utile.

6.8Le Comité note que l’État partie n’a pas contesté l’affirmation des auteurs selon laquelle ils ont bien soulevé la question de la discrimination pendant la procédure en restitution de biens. En ce qui concerne le Chancelier de justice, le Comité note que les auteurs ne pouvaient plus exercer ce recours après avoir obtenu un jugement définitif. Par conséquent, le grief de discrimination n’est pas irrecevable pour non‑épuisement des recours internes.

6.9Le Comité note que, bien que les principaux griefs des auteurs portent sur le droit de propriété, qui n’est pas lui-même protégé par le Pacte, les auteurs affirment également que la décision de la Cour d’appel était discriminatoire et a constitué un déni de justice. À cet égard, le Comité note que les griefs des auteurs portent sur l’interprétation et l’application de la législation interne par les juridictions de l’État partie et la pratique de celles-ci. Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties au Pacte d’apprécier les faits et les preuves ou l’application de la législation nationale dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que cette appréciation ou cette application ont été manifestement arbitraires ou erronées, ou ont représenté un déni de justice, ou que le tribunal a manqué de toute autre manière à son obligation d’indépendance et d’impartialité.

6.10En l’espèce, le Comité relève que les auteurs n’ont pas démontré que la législation nationale applicable − à savoir l’article 17 (par. 5) de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété − prévoyait une distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Le Comité relève que le seul critère imposé par cet article est de savoir si le bien en question a déjà été restitué ou une indemnité déjà versée. La Cour d’appel, après avoir pris en considération la situation des auteurs, a fondé sa décision sur cette disposition de la loi relative aux principes de la réforme de la propriété. Les auteurs n’ont pas démontré que l’application de cette loi avait été discriminatoire ni cité de jurisprudence attestant une application différente de la loi en fonction de la nationalité. Le Comité n’est donc pas en mesure de conclure, sur la base des éléments dont il dispose, que les juridictions nationales ont agi arbitrairement ni que leur décision relève d’une discrimination, de l’arbitraire ou d’un déni de justice. En conséquence, le Comité considère que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.11Le Comité note également que la procédure concernant le bien des auteurs situé 45 rue Metsa, bien que pendante à la date de leur lettre initiale (le 19 août 2013), avait pris fin lorsque le Comité a transmis la communication des auteurs à l’État partie pour observations (le 10 décembre 2014). Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle, sauf circonstances exceptionnelles, la date retenue pour déterminer si les recours internes peuvent être considérés comme épuisés est celle à laquelle il examine la communication. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les recours internes n’ont pas été épuisés en raison de la durée des procédures, le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré qu’il existait un recours qui aurait eu des chances raisonnables d’aboutir. Compte tenu de tout ce qui précède, le Comité considère que le grief relatif à la durée des procédures n’est pas irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

6.12Enfin, le Comité prend note du grief des auteurs selon lequel la durée des procédures administratives et judiciaires, qui ont débuté en 1991 ou 1992 et ont pris fin en 2013, a été déraisonnablement longue. Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel les procédures administratives ne sont pas couvertes par l’article 14 du Pacte. Le Comité rappelle toutefois son observation générale no 32, dans laquelle il explique clairement (par. 16) que la notion de détermination des droits et obligations « de caractère civil » dépend de la nature du droit en question et non pas du statut de l’une des parties ou de l’organe qui est appelé, dans le système juridique interne concerné, à statuer sur les droits en question, et que cette notion englobe les procédures visant à déterminer le bien‑fondé de contestations sur les droits et obligations relevant du domaine des biens ainsi que des notions équivalentes dans le domaine du droit administratif, comme les procédures relatives à l’appropriation de biens privés. Le Comité considère donc que la durée d’une procédure administrative doit être prise en considération lorsqu’il s’agit d’apprécier si la durée des procédures a été raisonnable au regard de l’article 14 du Pacte.

6.13À cet égard, le Comité prend note du grief des auteurs selon lequel la procédure a duré de 1991 ou 1992 à 2013. Premièrement, le Comité note que les auteurs n’indiquent pas clairement si les biens en question ont été réclamés en 1991 ou en 1992 et ont été recouvrés en 1992 ou en 1996, respectivement. Le Comité note également que la Commission municipale de Tallinn a annulé sa première décision en 1999. Les auteurs affirment que la Commission ne leur a pas restitué les biens depuis lors mais ils ne précisent pas s’ils ont déposé une nouvelle demande à cet égard. Ils indiquent seulement qu’en 2010 la Commission a refusé de leur restituer les biens ou de les indemniser, après quoi la procédure a duré jusqu’en 2013. Par conséquent, en l’absence d’élément étayant leurs allégations et de preuves, le Comité considère que les périodes pertinentes sont celles correspondant aux procédures administratives qui se sont déroulées en 1991 et 1992 − ou de 1992 à 1996 − et aux procédures judiciaires qui se sont déroulées de 2010 à 2013.

6.14Le Comité rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit être évalué au cas par cas, compte tenu de la complexité de l’affaire, de la conduite de l’accusé et de la manière dont les autorités administratives et judiciaires ont traité l’affaire. En l’espèce, le Comité constate que les auteurs n’ont pas précisé la période pendant laquelle la procédure administrative s’est déroulée et ne lui ont pas fourni, sur le déroulement des procédures internes, d’informations détaillées qui lui permettraient d’apprécier leur conduite et celle des autorités de l’État partie. Le Comité n’est donc pas en mesure, sur la base des éléments dont il dispose, de conclure que les autorités de l’État partie ont déraisonnablement prolongé les procédures internes. En conséquence, le Comité considère que le grief relatif à la durée des procédures n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2, 3 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication.