Nations Unies

CCPR/C/120/D/2147/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 septembre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2147/2012 * , **

Communication p résentée par :

Yan Melnikov (non représenté par un conseil)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Bélarus

Date de la communication :

21 février 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 25 avril 2012 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

14 juillet 2017

Objet :

Placement en détention administrative pour avoir organisé une réunion pacifique sans autorisation préalable

Question(s) de procédure :

Défaut de coopération de l’État-partie ; épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Droit de réunion pacifique et droit à la liberté d’expression ; détention illégale ; procès équitable ; non-discrimination

Article(s) du Pacte :

2 (par. 1 et 3), 9 (par. 1), 14 (par. 1), 19, 21 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

1, 2 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Yan Melnikov, de nationalité bélarussienne, né en 1993. Il se déclare victime d’une violation par le Bélarus des droits qu’il tient des articles 2 (par. 1 et 3), 9 (par. 1), 14 (par. 1), 19, 21 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur n’est pas représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est membre du parti d’opposition « Ruh za svabodu » (Mouvement pour la liberté).

2.2Le 5 octobre 2011 à 17 h 15, l’auteur a été arrêté par la police à Minsk alors qu’il distribuait aux passants des tracts concernant un rassemblement public prévu le 8 octobre à 13 heures au Parc de l’amitié, place Bangalore, à Minsk. Ce rassemblement, qui avait pour objectif de débattre de la détérioration de la situation économique et des problèmes socioéconomiques du Bélarus, était organisé conformément à la procédure prévue par la loi no 411 du 12 juillet 2000 sur les assemblées nationales et locales, laquelle n’exige aucune autorisation préalable. L’auteur joint des documents attestant que le rassemblement a été organisé par un groupe de citoyens dans le respect de cette loi.

2.3Après son arrestation, l’auteur a été conduit dans les locaux du Département des affaires intérieures du district Zavodskoï, où un procès-verbal d’infraction a été dressé au titre de l’article 23.24 (1) du Code des infractions administratives. Cet article dispose que quiconque enfreint les dispositions relatives à l’organisation et au déroulement de réunions, de défilés, de marches, d’autres manifestations de masse ou de piquets engage sa responsabilité. Toute violation de ces dispositions est passible d’une amende pouvant atteindre un montant de 30 unités de salaire de base ou d’une arrestation administrative.

2.4L’auteur a été placé au centre de détention temporaire de Minsk du 5 au 6 octobre 2011.

2.5Le 6 octobre 2011, l’auteur a comparu devant le tribunal du district Zavodskoï. Il était représenté par un conseil de son choix. Il s’est dit non coupable et a affirmé qu’il diffusait des informations concernant l’assemblée à venir, pour laquelle aucune autorisation préalable n’était nécessaire, conformément à la loi sur les assemblées nationales et locales. Toutefois, le tribunal l’a reconnu coupable au titre de l’article 23.34 (1) du Code des infractions administratives et l’a condamné à cinq jours de détention administrative à compter du 5 octobre 2011 à 17 h 15. Le tribunal a rejeté les arguments de l’auteur au motif que les tracts faisaient référence à des « assemblées de masse » et a estimé que l’auteur n’avait pas respecté la loi sur les manifestations publiques, qui impose d’obtenir l’autorisation préalable du comité exécutif local avant d’organiser une telle manifestation. L’auteur affirme que les conditions de son arrestation étaient insoutenables et qu’il a dû dormir par terre, dans le froid et dans des conditions insalubres.

2.6Le 7 octobre 2011, l’avocat de l’auteur a fait appel, répétant les arguments précédemment avancés à propos de l’applicabilité de la loi sur les assemblées nationales et locales et soulignant que, comme l’indique son article 3 (2), la loi sur les manifestations publiques ne s’applique pas aux manifestations qui sont organisées conformément à la procédure prévue par la loi no 411. L’avocat a souligné que les motifs de l’arrestation de l’auteur n’étaient pas clairs et que l’on ne savait pas non plus comment le policier qui avait procédé à cette arrestation avait pu établir que l’assemblée était en fait une manifestation nécessitant l’autorisation préalable des autorités. Le 18 octobre, le tribunal municipal de Minsk a confirmé en appel la décision du tribunal de district. Il n’a pas cherché à déterminer si la détention de l’auteur était légale et justifiée. Le 20 janvier 2012, la demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle déposée par l’auteur a été rejetée par décision du Président du tribunal municipal de Minsk, qui a estimé qu’il n’y avait pas lieu de réexaminer l’affaire.

2.7L’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

2.8L’auteur demande au Comité de reconnaître que les droits qu’il tient du Pacte ont été violés et de prier l’État partie de l’indemniser pour l’arrestation illégale dont il a fait l’objet.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des paragraphes 1 et 3 de l’article 2 et du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Il soutient que les procédures administratives engagées contre lui ne constituaient pas un procès équitable parce que le tribunal a fondé l’examen de son affaire sur les points de forme, sans expliquer pourquoi les actes de l’auteur relevaient de la loi sur les manifestations publiques plutôt que de la loi sur les assemblées nationales et locales. Il soutient en outre que la procédure judiciaire constituait une violation de l’article 26 du Pacte en ce qu’elle avait été engagée à cause de ses opinions politiques et parce qu’il avait organisé un rassemblement visant à critiquer le régime économique et politique en place.

3.2L’auteur affirme en outre que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte en ce qu’il a été maintenu illégalement en détention pendant cinq jours dans des conditions insupportables.

3.3L’auteur soutient enfin que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 21 du Pacte en ce que sa liberté de réunion pacifique a été restreinte sans justification.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale du 20 juillet 2012, l’État partie a contesté l’enregistrement de la communication ainsi que sa recevabilité. Il avance que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’il n’a pas demandé le réexamen, au titre de la procédure de contrôle, des décisions rendues dans son affaire par les juridictions nationales. En particulier, l’auteur n’a pas introduit de recours auprès du Président de la Cour suprême ni auprès du Bureau du Procureur général. L’État partie affirme qu’il n’y a aucun fondement juridique à l’examen de la recevabilité ou du fond de la communication. Il ajoute qu’il mettra un terme aux procédures relatives à la communication et se dissociera des constatations que le Comité pourrait adopter.

4.2Dans une note verbale du 4 janvier 2013, l’État partie a réaffirmé sa position concernant la recevabilité de la communication.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 25 octobre 2012, l’auteur a contesté les observations de l’État partie concernant la recevabilité. Il note que l’État partie n’a fourni aucun argument montrant pourquoi la communication devrait être déclarée irrecevable.

5.2L’auteur affirme en outre que, d’après la jurisprudence du Comité et de la Cour européenne des droits de l’homme, la procédure de contrôle ne peut être considérée comme un recours interne utile.

5.3L’auteur renvoie à la position du Comité concernant le défaut de coopération de l’État partie.

5.4L’auteur affirme que les droits qu’il tient de l’article 19 du Pacte ont été violés, le droit à la liberté d’expression étant étroitement lié aux droits consacrés à l’article 21. L’auteur diffusait des informations concernant l’organisation d’une assemblée publique qui visait à soulever d’importantes questions socioéconomiques telles que l’inflation, la hausse des prix et les mesures d’incitation pour les entreprises. Il a été reconnu coupable car il avait distribué des tracts et avait invité la population à participer à la manifestation. Il soutient que l’État partie a enfreint les droits qu’il tient des articles 19 et 21 en en restreignant l’exercice de manière injustifiée.

Délibérations du Comité

Défaut de coopération de l’État partie

6.1Le Comité note que l’État partie affirme qu’il n’y a aucun fondement juridique à l’examen de la communication de l’auteur, puisque celle-ci a été enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif, et que, si le Comité prenait une décision concernant cette communication, les autorités bélarussiennes se dissocieraient de ses constatations.

6.2Le Comité fait observer qu’en adhérant au Protocole facultatif, tout État partie au Pacte reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se déclarent victimes de violation de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et article premier du Protocole facultatif). En adhérant au Protocole facultatif, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et au particulier concernés (par. 1 et 4 de l’article 5). Pour un État partie, l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication ou d’en mener l’examen à bonne fin, et de faire part de ses constatations, est incompatible avec ces obligations. C’est au Comité qu’il appartient de déterminer si une affaire doit être enregistrée. En n’acceptant pas la compétence du Comité pour évaluer l’opportunité d’enregistrer une communication et en déclarant à l’avance qu’il n’acceptera pas la décision du Comité concernant la recevabilité et le fond de la communication, l’État partie manque à ses obligations au titre de l’article premier du Protocole facultatif.

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas demandé au Président de la Cour suprême ni au Bureau du Procureur général d’engager une procédure de contrôle des décisions rendues par les juridictions nationales. Il renvoie à sa jurisprudence et rappelle que l’introduction auprès du ministère public d’une demande de contrôle de décisions de justice devenues exécutoires ne fait pas partie des recours qui doivent être épuisés aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il considère également que le dépôt auprès du Président d’un tribunal d’une demande de contrôle visant des décisions judiciaires devenues exécutoires, dont l’issue dépend du pouvoir discrétionnaire d’un juge, constitue un recours extraordinaire et que l’État partie doit montrer qu’il existe une possibilité raisonnable qu’une telle demande constitue un recours utile dans les circonstances de l’espèce. Dans le cas présent, le Comité note que l’État partie n’a formulé aucune nouvelle observation après que le Président du tribunal municipal de Minsk a rejeté la demande de contrôle déposée par l’auteur. En conséquence, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 ne font pas obstacle à l’examen de la communication.

7.4Le Comité prend note du grief de l’auteur au sujet de ses conditions de détention au centre de détention temporaire de Minsk. Il fait observer que les allégations de l’auteur, si elles avaient été étayées, auraient pu justifier qu’il examine si l’État partie avait violé l’article 10 du Pacte. Toutefois, en les circonstances de l’espèce et au vu des documents dont il dispose, il considère que ce grief n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5S’agissant des allégations de violations du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2 et avec l’article 26, selon lesquelles l’auteur aurait été victime de discrimination, le Comité considère que le grief selon lequel l’auteur aurait été privé du droit à une procédure équitable en raison de ses positions politiques n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et qu’il est donc irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.6Enfin, le Comité considère que les autres griefs de l’auteur, qui soulèvent des questions au titre de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 14 lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 et des articles 19 et 21 du Pacte, ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Il déclare donc ces griefs recevables et va les examiner au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité note que l’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 19 et 21 du Pacte en en restreignant l’exercice de manière injustifiée. Il doit déterminer si le fait que l’auteur a été arrêté par la police dans un lieu public alors qu’il distribuait des tracts au sujet d’un rassemblement visant à discuter des difficultés socioéconomiques du pays et qu’il ait été reconnu coupable d’une infraction administrative pour ne pas avoir obtenu préalablement l’autorisation d’organiser ce rassemblement puis condamné à une peine de cinq jours de détention administrative constitue une violation des droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte. Le Comité relève que l’État partie n’a présenté aucune observation sur le fond de la présente communication et que, dans ces circonstances, il convient d’accorder le poids voulu aux allégations de l’auteur. Compte tenu des informations dont il dispose, le Comité considère que l’État partie a imposé des restrictions aux droits de l’auteur, en particulier son droit de répandre des informations et des idées de toute espèce, consacré par le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte, et son droit de réunion pacifique, consacré par l’article 21. Le Comité doit donc déterminer si les restrictions imposées à l’exercice de ces droits peuvent être justifiées au regard du paragraphe 3 de l’article 19 et de la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte.

8.3Le Comité renvoie à son observation générale no 34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, dans laquelle il déclare que la liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu et qu’elles sont essentielles pour toute société (par. 2). Elles constituent le fondement de toute société libre et démocratique (par. 22). Le Comité rappelle que le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte n’autorise certaines restrictions que si elles sont expressément fixées par la loi et nécessaires : a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Les restrictions à l’exercice de ces libertés doivent répondre à des critères stricts de nécessité et de proportionnalité. Les restrictions doivent être appliquées exclusivement aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et doivent être en rapport direct avec l’objectif spécifique qui les inspire. Le Comité rappelle aussi qu’il incombe à l’État partie de montrer que les restrictions dont les droits garantis à l’article 19 ont fait l’objet étaient en l’espèce nécessaires et proportionnées.

8.4Le Comité relève que l’auteur a été puni pour avoir diffusé des informations concernant l’organisation d’une assemblée locale sur la base d’une conclusion des autorités nationales et du tribunal de district, qui ont estimé qu’en ne demandant pas d’autorisation préalable pour l’organisation d’une telle manifestation, l’auteur avait enfreint la loi sur les manifestations publiques. Il prend note des explications étayées de l’auteur, qui affirme qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir l’autorisation des autorités locales pour tenir une assemblée locale, une telle manifestation étant régie par la loi sur les assemblées nationales et locales et non par la loi sur les manifestations publiques. Le Comité relève qu’il ressort des éléments versés au dossier que les autorités de l’État partie ont estimé que les arguments de l’auteur étaient dénués de fondement au seul motif que les tracts qu’il distribuait désignaient le rassemblement prévu sous l’appellation d’« assemblée de masse ». Il relève en outre que ni l’État partie, ni les juridictions nationales n’ont expliqué en quoi ces restrictions étaient justifiées au regard des conditions de nécessité et de proportionnalité énoncées au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, ou si la peine imposée, à savoir cinq jours de détention administrative, même si elle était fondée en droit, était nécessaire et proportionnée et répondait à l’un des buts légitimes énumérés dans cette disposition. En l’absence de toute explication de la part de l’État partie, le Comité conclut que les droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte ont été violés.

8.5Le Comité rappelle que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental essentiel à l’expression publique des points de vue et des opinions de chacun et indispensable dans une société démocratique. Ce droit suppose la possibilité d’organiser une réunion pacifique dans un lieu public ou d’y participer. Les organisateurs d’une réunion ont, en règle générale, le droit de choisir un lieu qui soit à portée de vue et à portée de voix du public ciblé, et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions : a) imposées conformément à la loi ; b) qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. Lorsqu’il impose des restrictions au afin de concilier le droit de réunion d’un particulier avec les éléments d’intérêt général précités, un État partie doit s’efforcer de faciliter l’exercice de ce droit plutôt que de s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier la limitation du droit que l’auteur tient de l’article 21 du Pacte.

8.6En l’espèce, le Comité doit déterminer si les restrictions imposées au droit de réunion de l’auteur sont justifiées au regard de l’un quelconque des critères énoncés dans la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte. Il constate, à la lumière des informations versées au dossier, que les autorités nationales et le tribunal de district n’ont pas justifié leur décision ni expliqué en quoi, dans la pratique, l’assemblée locale que l’auteur avait l’intention d’organiser aurait constitué une menace à la sécurité nationale ou à la sûreté publique, à l’ordre public, à la protection de la santé ou de la moralité publiques ou à la protection des droits et des libertés d’autrui, au sens de l’article 21 du Pacte .

8.7Le Comité note qu’il a déjà examiné des affaires analogues concernant les mêmes lois et pratiques de l’État partie dans plusieurs communications antérieures. Il conclut, de la même façon que précédemment, qu’en l’espèce, l’État partie a violé les droits garantis par l’article 21 du Pacte.

8.8Ayant conclu au caractère injustifié des restrictions dont les droits que l’auteur tient des articles 19 et 21 ont fait l’objet, et en l’absence d’arguments de l’État partie expliquant en quoi il était nécessaire et proportionné d’imposer une peine de détention administrative à l’auteur pour l’exercice des droits garantis par le Pacte, le Comité conclut en outre que la privation de liberté à laquelle l’auteur a été soumis était arbitraire et constituait une violation des droits énoncés au paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Il rappelle qu’il y a arbitraire si l’arrestation ou la détention vise à sanctionner quelqu’un pour l’exercice légitime des droits protégés par le Pacte, comme le droit à la liberté d’opinion et d’expression ou à la liberté de réunion.

8.9Compte tenu de ces conclusions, le Comité n’examinera pas séparément les griefs que l’auteur tire de l’article 14 du Pacte lu séparément et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par le Bélarus des articles 9, 19 et 21 du Pacte.

10.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. Dans le cas présent, l’État partie a l’obligation de rembourser à l’auteur les frais de justice engagés et de lui accorder une indemnisation adéquate et des mesures de réparation appropriées. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cet égard, le Comité répète que l’État partie devrait revoir sa législation, en particulier la loi du 30 décembre 1997 sur les manifestations publiques telle qu’elle a été appliquée en l’espèce, afin de permettre la pleine jouissance, sur son territoire, des droits consacrés par les articles 9, 19 et 21 du Pacte.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans le pays en biélorusse et en russe.