Nations Unies

CCPR/C/120/D/2491/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 août 2017

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2491/2014 * , **

Communication présentée par :

José Oswaldo Quiroga Mendoza et Luís Alberto Aranda Granados (représentés par un conseil, Björn Arp)

Au nom de :

Les auteurs

État partie :

État plurinational de Bolivie

Date de la communication :

31 mars 2014

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 8 décembre 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

21 juillet 2017

Objet :

Jugement et condamnation pour génocide de chefs d’état-major de l’armée

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; abus du droit de présenter une communication ; défaut de fondement de la plainte ; litispendance internationale

Question(s) de fond :

Droit aux garanties d’une procédure régulière ; droit d’être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial ; droit à la présomption d’innocence

Article(s) du Pacte :

14 (par. 1, 2, 3 a), 3 e) et 5)

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2 a) et b))

1.1Les auteurs de la communication sont José Oswaldo Quiroga Mendoza et Luís Alberto Aranda Granados, de nationalité bolivienne, nés en 1948 et 1950. Ils se déclarent victimes d’une violation par l’État partie des paragraphes 1, 2, 3 a), 3 e) et 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 12 novembre 1982.

1.2Le 2 juin 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de rejeter la demande de l’État partie tendant à ce que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs étaient chefs d’état-major de l’armée de l’air et de la marine nationale pendant le deuxième mandat du Président Gonzalo Sánchez de Lozada y Sánchez Bustamante (2002-2003). En 2003, des mobilisations sociales antigouvernementales ont éclaté dans plusieurs villes du pays, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés. En janvier et février 2003, en particulier, les mesures fiscales adoptées par le Gouvernement ont provoqué une série de manifestations à l’occasion desquelles la population a défilé dans les rues et bloqué des axes routiers. La Police nationale ayant pris le parti des manifestants, des affrontements ont eu lieu entre les policiers et les forces armées, et des coups de feu ont été tirés sur le palais présidentiel, entraînant l’évacuation du Président de l’époque Sánchez de Lozada. Le conflit social s’est aggravé au point d’aboutir, en septembre et octobre 2003, à la « guerre du gaz », déclenchée par la décision du Gouvernement d’exporter du gaz naturel vers le Mexique et les États‑Unis. Des paysans et des ouvriers ont bloqué la route reliant les deux principales villes du pays, El Alto et La Paz, pendant plusieurs jours, paralysant la Bolivie tout entière et empêchant l’approvisionnement de La Paz en combustible. Le Gouvernement a déployé des unités mixtes composées de militaires et de policiers dans les zones touchées, en particulier dans la ville d’El Alto, et des affrontements ont eu lieu entre ces unités et les manifestants. Le conflit a fait 60 morts et 432 blessés et a contraint le Président à démissionner, le 17 octobre 2003, et à s’exiler aux États‑Unis. C’est le Vice-Président alors en exercice, Carlos Mesa Gisbert, qui lui a succédé à la présidence.

2.2Les auteurs soutiennent que les manifestations de 2003 ont été provoquées par des « groupes subversifs rebelles associés à des cartels de drogue et à des gouvernements d’extrême gauche d’autres pays d’Amérique latine » qui visaient à « déstabiliser le Gouvernement bolivien et à ébranler l’état de droit dans le pays ». Ils avancent que ces groupes étaient représentés sur la scène politique par le parti Movimiento al Socialismo (MAS), dirigé par Evo Morales.

2.3Le 22 octobre 2003, Evo Morales a déposé plainte contre l’ex-Président Sánchez de Lozada et plusieurs anciens ministres, alléguant qu’ils étaient responsables des morts survenues pendant les manifestations. Le 22 décembre 2003, la centrale ouvrière Central Obrera Boliviana (COB) a elle aussi déposé plainte contre l’ex-Président, ainsi que contre le Gouvernement et plusieurs hauts responsables militaires, dont les auteurs, les accusant de génocide et d’autres crimes.

2.4Le 31 octobre 2003, le Gouvernement de Carlos Mesa a pris un décret portant amnistie de toutes les infractions commises à l’occasion des événements de septembre et octobre 2003. Le 4 novembre 2003, il a toutefois pris un nouveau décret, par lequel il limitait l’amnistie aux actes commis entre le 5 août et le 4 novembre 2003 (le « décret d’amnistie ») dans le cadre des manifestations sociales organisées pour protester contre les décisions et politiques adoptées par le Gouvernement. Les auteurs font observer que ce texte a épargné à Evo Morales et à ses « alliés » d’être poursuivis pour leur participation aux événements.

2.5Le 21 novembre 2003, le Procureur général de la République a chargé un collège de trois magistrats du parquet d’enquêter sur les faits reprochés à l’ex‑Président Sánchez de Lozada et à son gouvernement en se fondant sur les accusations portées par Evo Morales et la Central Obrera Boliviana. Le 28 juillet 2004, ces magistrats ont décidé de classer l’affaire, estimant que le décret d’amnistie les empêchait de faire toute la lumière sur les événements de septembre et octobre 2003. Les auteurs font observer qu’alors que cette décision aurait dû mettre définitivement fin à l’enquête, le Président Mesa a révoqué les trois membres du collège et, en violation de la législation bolivienne, nommé un nouveau Procureur général, lequel a décidé, le 10 septembre 2004, de mettre en accusation l’ancien Président et son gouvernement.

2.6Le 28 septembre 2004, le Tribunal suprême de justice a demandé au Congrès national de l’autoriser à engager des poursuites contre l’ex-Président Sánchez de Lozada et son gouvernement, conformément à la législation en vigueur à l’époque. Le 13 octobre 2004, le Congrès national a voté contre les poursuites. Les auteurs allèguent que le vote a été annulé et, lorsque la question a été de nouveau mise aux voix quelques heures plus tard, les députés ont fait droit à la demande du Tribunal suprême. Par une décision du 14 octobre 2004, le Congrès national a non seulement autorisé l’ouverture d’une procédure, mais a aussi élargi la liste des ministres visés.

2.7Le 15 octobre 2004, le Tribunal suprême de justice a demandé au Congrès national de l’autoriser à étendre à d’autres crimes l’enquête menée contre l’ex-Président Sánchez de Lozada et ses ministres, demande qui a été rejetée le 8 décembre 2005.

2.8Le 22 novembre 2004, un des ministres mis en accusation a interjeté appel de la décision du Congrès national portant autorisation d’intenter une action en justice contre les intéressés, mais le Congrès a rejeté son recours au motif qu’il était dénué de fondement. Le 20 avril 2005, le même ministre a saisi le Tribunal constitutionnel d’une question de constitutionnalité, arguant que c’était au ministère public qu’il appartenait de décider de l’opportunité des poursuites, et non au Tribunal suprême. Le 8 juin 2005, le Tribunal constitutionnel a jugé que rien ne venait étayer la thèse selon laquelle la procédure était inconstitutionnelle.

2.9Le 19 février 2005, le Procureur général a mis en accusation l’ex‑Président Sánchez de Lozada et son gouvernement, sans viser aucun membre des forces armées. Le 7 octobre 2005, il a toutefois déposé un nouvel acte d’accusation visant non seulement l’ex‑Président et ses ministres, mais aussi de hauts responsables militaires, parmi lesquels les auteurs. La responsabilité des intéressés était mise en cause pour les crimes ci‑après, visés par le Code pénal bolivien : génocide (art. 138), homicide (art. 251), assassinat (art. 252), coups et blessures (art. 270 et 271), coups et blessures graves ayant entraîné la mort (art. 273), privation de liberté (art. 292), torture et autres mauvais traitements (art. 295), violation de domicile (art. 298 et 299) et décisions contraires à la Constitution et à la loi (art. 153). Les auteurs soulignent que les mêmes chefs étaient retenus contre tous les accusés et que l’acte d’accusation ne précisait pas quels faits particuliers étaient reprochés à chacun. En outre, deux des généraux mis en cause, dont José Oswaldo Quiroga Mendoza, étaient aux États‑Unis pendant une partie de la période au cours de laquelle les événements étaient survenus et n’ont donc pas pu participer à ceux-ci.

2.10En janvier 2007, un des ministres mis en accusation a demandé la récusation de deux des juges du Tribunal suprême de justice saisis de l’affaire au motif qu’ils entretenaient manifestement des relations d’amitié avec le Président Evo Morales, qui les avait nommés. Cette demande a été rejetée par les juges mis en cause eux-mêmes.

2.11Les auteurs ont demandé que soit déclarée prescrite l’action publique engagée contre eux, arguant de la complexité du dossier, du nombre d’accusés et du fait que l’affaire concernait des crimes contre l’humanité, qui sont imprescriptibles. Le 8 août 2007, la première chambre pénale du Tribunal suprême a rejeté leur demande.

2.12Après le changement de composition de la première chambre du Tribunal suprême, un des anciens ministres accusés a demandé la récusation des deux nouveaux juges nommés au motif qu’ils entretenaient manifestement des relations d’amitié avec le Président Evo Morales et s’étaient exprimés publiquement au sujet de la procédure. Le 9 août 2007, les intéressés eux‑mêmes ont rejeté cette demande. Le 7 septembre 2007, d’autres accusés dans l’affaire ont contesté la nomination d’un des juges au motif qu’il avait déclaré au micro de l’émission Micrófono Abierto, diffusée sur la station de radio Panamericana, que certains des recours formés n’étaient rien d’autre que des manœuvres dilatoires. Dans une lettre adressée au Tribunal suprême le 11 septembre 2007, le juge en question a nié avoir exprimé une opinion sur l’affaire.

2.13Le 16 octobre 2007, une procédure pénale a été engagée contre l’ex‑Président Sánchez de Lozada, ses ministres et les auteurs. Conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 118 de la Constitution en vigueur à l’époque, la première chambre du Tribunal suprême a assumé les fonctions de tribunal spécial chargé de les juger.

2.14À la fin 2008, le Président du Tribunal suprême de justice, qui faisait partie des juges saisis du dossier, a reçu du Gouvernement l’instruction d’accélérer le jugement de l’affaire, qui figurait en cinquième place sur le rôle du tribunal. Le Président ayant refusé d’obtempérer, le Gouvernement et l’avocat des parties civiles ont engagé des poursuites pénales contre lui. En janvier 2009, il a demandé à être dessaisi du dossier, mais sa demande a été rejetée par le tribunal spécial le 17 février 2009. Quelque temps plus tard, sur ordre du Gouvernement, il a été retiré de l’affaire.

2.15Au cours des audiences, qui se sont tenues de 2009 à 2011, le tribunal a entendu 380 témoins, dont 35 avaient été appelés à la barre par la défense. Les auteurs soutiennent qu’un grand nombre de témoins étaient également parties civiles en ce qu’ils étaient concernés par les violences commises en septembre et octobre 2003, soit parce qu’ils y avaient participé, soit parce qu’ils en avaient été victimes. Certains ont été attaqués et menacés. Après avoir déposé, des témoins à décharge ont été poursuivis pour « destruction de documents » et « faux témoignage ».

2.16Le tribunal spécial était initialement composé de 10 juges. Toutefois, depuis 2009, il n’en comptait plus que sept, les trois autres ayant cessé de siéger sans qu’un remplaçant soit nommé. Le représentant de la partie civile a donc soulevé une exception de procédure auprès du Tribunal suprême, faisant valoir que le quorum requis n’était pas atteint étant donné qu’en application de la loi no 2445, les jugements devaient être adoptés à la majorité des deux tiers des membres du Tribunal suprême, soit huit juges. Le 23 septembre 2009, le Tribunal suprême a rejeté cette exception, concluant que la disposition invoquée requérait la majorité des deux tiers des juges du tribunal spécial. M. Aranda a saisi le Tribunal suprême d’une demande tendant à obtenir des explications complémentaires et à faire réviser la décision du 23 septembre 2009, mais a été débouté le 24 septembre 2009. M. Quiroga a soulevé une exception de procédure contre la décision du 23 septembre 2009, arguant que le Tribunal suprême avait interprété la loi de manière arbitraire, mais a été débouté le 23 novembre 2009. Il a formé un recours en annulation contre la décision du 23 novembre, recours qui a été rejeté par le Tribunal suprême le 25 novembre 2009.

2.17Tout au long de la procédure, le Gouvernement et la société civile ont « fait pression » sur le Tribunal suprême pour qu’il juge l’affaire rapidement. Cette pression s’est intensifiée en juillet 2011, lorsque des organisations de la société civile ont organisé des manifestations devant le siège du Tribunal suprême. À la fin du mois de juillet, avec la coopération du Gouvernement, l’association des victimes des événements d’octobre 2003 a installé dans la salle d’audience une horloge qui affichait le 30 août 2011 comme « date limite pour clore le procès », et c’est précisément à cette date que le jugement a été rendu. Avant qu’il ne soit prononcé, le Président du Tribunal suprême a été agressé devant le siège du Tribunal et à son domicile.

2.18Le jugement a été rendu public en septembre 2011. Les auteurs ont été condamnés à une peine de onze ans d’emprisonnement en tant qu’« auteurs moraux d’un massacre constitutif de génocide », et il était précisé dans le jugement que la sentence n’était pas susceptible d’appel. Malgré cela, M. Quiroga a formé un recours en amparo faisant valoir qu’il ne pouvait pas faire appel, que le jugement était dénué de fondement et que l’exception qu’il avait soulevée pour prescription de l’action pénale avait été rejetée. Il a été débouté par le tribunal départemental de Chuquisaca le 5 avril 2012. Sans examiner au fond les violations des garanties procédurales alléguées, le tribunal a estimé que l’auteur aurait dû présenter un recours en habeas corpus après son arrestation, et non un recours en amparo. De surcroît, les deux auteurs se sont joints au recours en amparo formé par un coaccusé, arguant que : a) le jugement avait été prononcé sans que le quorum requis par la loi ait été atteint ; b) le jugement était insusceptible d’appel ; c) le tribunal avait siégé pendant les vacances judiciaires alors qu’il n’avait pas autorité ni compétence pour ce faire ; d) le jugement était entaché de graves erreurs. Ce recours est le seul à avoir été examiné par le tribunal départemental de Chuquisaca, qui l’a néanmoins rejeté par une décision du 28 mars 2013, confirmée par le Tribunal constitutionnel le 21 mai 2013. Concernant l’absence de recours contre le jugement, le Tribunal a considéré que les auteurs avaient été informés en temps utile, soit avant l’ouverture de la procédure pénale engagée contre eux, de la mise en place d’un tribunal spécial siégeant en premier et dernier ressort, et qu’ils n’avaient pas contesté le fait d’être poursuivis dans le cadre d’une procédure spéciale, que ce soit devant la chambre pénale de l’ancienne Cour suprême de justice, le tribunal spécial lui-même ou le Tribunal constitutionnel.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs se disent victimes d’une violation du droit à l’égalité devant les tribunaux consacré au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Ils affirment que le décret d’amnistie du 4 novembre 2003 a fait des criminels des forces et agents de l’État qui ont « défendu la ville » tout en offrant l’impunité aux forces subversives, véritables responsables des actes de violence. Ce décret a mis Evo Morales et Felipe Quispe à l’abri des poursuites alors que c’étaient eux qui avaient lancé l’appel à la mobilisation contre le gouvernement. En outre, l’amnistie accordée aux « dirigeants subversifs » a empêché les autorités de mener une enquête approfondie sur les faits, notamment de déterminer la responsabilité d’une des parties, et donc de faire la lumière sur le rôle joué par les forces de l’État, ce qui a porté atteinte au droit des accusés à une procédure régulière. Au procès, le tribunal spécial a élucidé avec certitude la mort de 20 personnes, concluant que 9 avaient été assassinées par des groupes subversifs et 11 par les forces militaires, mais n’a pas pu établir qui était responsable de la quarantaine d’ autres décès survenus durant les affrontements.

3.2Les auteurs allèguent qu’ils sont victimes d’une violation du droit à ce que leur cause soit entendue par un tribunal compétent, indépendant et impartial, reconnu au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Ils soutiennent que dans l’État plurinational de Bolivie, le pouvoir judiciaire est subordonné au pouvoir exécutif, en particulier lorsqu’il s’agit d’affaires d’un grand retentissement politique. Selon eux, le manque d’indépendance tient au fait que les juges sont nommés à titre provisoire et à l’absence de stabilité dans la fonction qui en résulte. En l’espèce, seuls deux des juges du tribunal spécial étaient titulaires. De surcroît, c’est le principal demandeur dans l’action engagée contre les auteurs, le Président Evo Morales, qui a nommé les magistrats du siège et du parquet chargés de l’affaire. Les accusés ont demandé la récusation des juges au motif que ceux-ci entretenaient des relations d’amitié avec le Président, mais les intéressés ont eux‑mêmes débouté les demandeurs.

3.3L’immixtion du pouvoir exécutif dans le procès des auteurs s’est également manifestée par la persécution dont a fait l’objet le Président du Tribunal suprême de justice, victime d’une campagne de dénigrement orchestrée par le Gouvernement et accusé de retarder l’administration de la justice, ce qui lui a valu d’être immédiatement suspendu de ses fonctions sur le fondement de la loi no 007 (2010) portant modification de la législation pénale (2010). Cette loi autorise le Conseil national de la magistrature, dont les membres sont nommés directement par le Président, à révoquer les juges sur la base d’une simple accusation.

3.4Les pressions exercées par le Gouvernement et la société civile ont conduit le tribunal à décider de siéger pendant les vacances judiciaires, du 11 au 30 juillet, afin de faire avancer le procès, décision contraire à la législation en vigueur.

3.5Les auteurs font observer que le tribunal spécial n’avait pas réuni le quorum prévu par la loi. Le jugement a été rendu par six juges, en violation de l’article 3 de la loi no 2445 sur les procès relevant du tribunal spécial, qui dispose que le tribunal doit se prononcer à la majorité des deux tiers du nombre total de membres du Tribunal suprême de justice. De surcroît, l’un des six juges délibérants avait démissionné, mais le Tribunal a néanmoins décidé qu’il devait continuer de siéger jusqu’à la fin du procès.

3.6Les auteurs allèguent une violation du droit à la présomption d’innocence consacré au paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. Le tribunal qui les a condamnés a agi sur ordre du Gouvernement, qui était dirigé par la personne qui avait encouragé et organisé le soulèvement contre le Gouvernement du Président Sánchez de Lozada, et sans égard pour le mandat que les forces armées tiennent de la Constitution. Le tribunal n’a pas tenu compte du fait que les chefs d’état-major de l’armée n’ont aucun pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de décider de l’opportunité d’obéir au Président lorsque celui-ci leur ordonne de maintenir l’ordre public, ni du fait que les auteurs n’ont pas participé aux opérations menées en septembre et octobre 2003 pour défendre La Paz contre les groupes subversifs étant donné qu’ils commandaient alors l’armée de l’air et la marine, respectivement.

3.7Les auteurs allèguent une violation du droit d’être informés des motifs de l’accusation portée contre eux, consacré au paragraphe 3 a) de l’article 14 du Pacte. Ils soutiennent que le parquet n’a mené qu’une enquête superficielle sur les faits et n’a pas replacé ceux-ci dans leur contexte ; selon eux, en effet, il aurait dû expliquer que c’étaient les forces subversives qui avaient ouvert le feu sur la police. Le Procureur général n’a pas précisé quelles infractions étaient reprochées à chacun des auteurs, ni quels décès ceux‑ci auraient causés. Faute d’avoir pu établir les circonstances des événements de septembre et octobre 2003, il a accusé M. Quiroga et M. Aranda d’avoir été les « auteurs moraux » des faits. Le Tribunal suprême n’a pas exigé du Procureur général qu’il présente des preuves plus précises de ce qui s’était passé. Le jugement est contraire au principe de la responsabilité pénale individuelle car il n’y est fait mention d’aucun acte précis constitutif du crime de génocide dont les auteurs ont été déclarés coupables, le tribunal ayant de fait reconnu que l’acte d’accusation reposait sur « une situation généralisée de troubles et de violences ».

3.8Les auteurs allèguent que les dispositions du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte ont été violées parce que les preuves n’ont pas été dûment appréciés. Ils soutiennent en particulier que des examens médico‑légaux n’ont pas été effectués pour déterminer qui, de la police nationale, des forces armées ou des groupes subversifs, était à l’origine des actes ayant entraîné la mort des victimes. En outre, sur les 380 témoins appelés à la barre 35 seulement avaient été cités par la défense ; les autres étaient des proches des victimes, et donc aussi des parties civiles ; partant, ils étaient motivés par l’obtention d’une indemnisation.

3.9Enfin, les auteurs affirment que le droit qu’ils tiennent du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte de faire examiner la déclaration de culpabilité et la peine a été violé parce qu’ils ont été jugés par la plus haute juridiction du pays et n’ont aucune voie de recours. Conformément à l’article 123 du Code de procédure pénale, le jugement de condamnation prononcé en première instance par le tribunal spécial n’était pas susceptible d’appel.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations du 9 février 2015, l’État partie affirme que la communication est irrecevable parce que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes. Il avance en particulier que les intéressés auraient pu invoquer l’article 421 du Code de procédure pénale, qui permet de demander la révision d’une décision de justice et offrait donc un recours adéquat et effectif contre les violations alléguées devant le Comité. Cette voie de recours extraordinaire permet de demander l’annulation d’un jugement fondé sur une erreur judiciaire sans être soumise à aucun délai, en conséquence de quoi les auteurs peuvent toujours s’en prévaloir.

4.2L’État partie affirme que la communication constitue un abus du droit de présenter une communication en ce que les auteurs cherchent à faire jouer au Comité le rôle d’une quatrième instance et souhaitent que celui-ci revienne sur l’appréciation des faits et des preuves faite par le Tribunal suprême.

4.3L’État partie avance que la communication est en outre irrecevable au regard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif parce que, ainsi qu’il ressort de son rapport annuel au Conseil des droits de l’homme, dans le cadre de son mandat, le bureau dans l’État plurinational de Bolivie du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a déjà donné un avis sur le jugement rendu par le Tribunal suprême, le qualifiant d’« historique » dans la lutte contre l’impunité. Cette affirmation repose sur le mandat de surveillance de la situation des droits de l’homme confié au bureau.

4.4Enfin, l’État partie soutient que la communication est dénuée de fondement. Il incombe aux auteurs d’étayer les allégations formulées, en particulier en qui concerne la violation du droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, qui reposent sur des arguments subjectifs, tendancieux et malveillants.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans leurs commentaires du 3 mai 2015, les auteurs soutiennent que la procédure de révision mentionnée par l’État partie ne constitue pas un recours effectif car elle ne permet pas d’examiner le grief de violation des garanties judiciaires porté devant le Comité.

5.2En ce qui concerne les déclarations du bureau en Bolivie du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les auteurs font observer qu’au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, les questions dont le Comité est saisi ne peuvent être considérées comme ayant déjà été examinées que si elles ont été portées devant un mécanisme judiciaire ou quasi judiciaire.

5.3Enfin, l’État partie n’a pas étayé ses allégations concernant l’abus du droit de présenter une communication et l’absence de fondement de la plainte.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans ses observations en date du 7 octobre 2015, l’État partie signale qu’en 2003 l’État a utilisé plusieurs fois la violence contre la population civile, notamment dans le contexte de la « guerre du gaz ». Les protestations sociales de septembre et d’octobre 2003 qui avaient pris la forme de défilés pacifiques avaient été provoquées par diverses mesures politiques et économiques du Gouvernement du Président Gonzalo Sánchez de Lozada. Contrairement à ce que les auteurs soutiennent, les instigateurs étaient non pas des groupes rebelles liés à des cartels de drogue et à des mouvements d’extrême gauche, mais la société civile bolivienne dans son ensemble, y compris les syndicats de travailleurs, de mineurs, de paysans et d’étudiants. En réponse aux protestations, le Gouvernement a fait intervenir des forces mixtes composées de policiers et de soldats, militarisant la ville d’El Alto. Pour disperser les manifestants, ces forces, commandées par les auteurs, ont utilisé des armes militaires létales, notamment des mitrailleuses montées sur des chars, faisant 63 morts et 432 blessés principalement parmi la population civile, et tout particulièrement la population autochtone. Le Gouvernement a décidé de faire intervenir les forces armées au mépris de la Constitution, qui impose l’obligation de déclarer préalablement l’état de siège. Le 11 octobre 2003, les autorités ont déclaré l’état d’urgence. Le 15 octobre, les journaux ont rapporté que des agents du gouvernement avaient saisi les numéros dans lesquels il était rendu compte des événements. En outre, les chaînes de radio et de télévision ont suspendu leurs émissions après avoir reçu des menaces.

6.2L’État partie signale que le tribunal spécial est une juridiction spécifiquement instituée pour poursuivre en justice les hauts fonctionnaires de l’État soupçonnés de violations des droits et garanties individuelles. La constitutionnalité de la loi qui le régit a été confirmée par le Tribunal constitutionnel dans un arrêt du 16 avril 2012. En vertu du principe de la primauté de la juridiction la plus élevée, c’est la plus haute juridiction nationale, c’est-à-dire le Tribunal suprême, qui a compétence pour juger les personnes mises en accusation aux côtés de hauts fonctionnaires de l’État.

6.3Le chef de génocide retenu contre les auteurs, puni par l’article 138 du Code pénal, peut être reproché à tout organe ou agent de l’État, mais sa perpétration suppose la participation de plusieurs personnes, et il y a donc lieu de distinguer ceux qui ont ordonné la perpétration des crimes et ceux qui les ont personnellement commis. Le massacre constitutif de génocide est une action violente menée par l’État pour réprimer des protestations sociales non armées.

6.4L’État partie fait observer que le Procureur général de la République a saisi le Tribunal suprême de justice de deux requêtes par lesquelles il le priait de demander au Congrès national de l’autoriser à engager des poursuites contre l’ex-Président Sánchez de Lozada et ses ministres. Le Tribunal suprême a fait suivre ces requêtes au Congrès, qui les a transmises à la Commission constitutionnelle mixte. Celle-ci les a examinées conjointement et a établi à leur sujet un rapport unique. Le Mouvement nationaliste révolutionnaire a ensuite présenté un autre projet de résolution, par lequel il demandait que l’ex‑Président et ses ministres soient traduits en justice. Réuni en plénière, le Congrès a mis aux voix le projet de la Commission mixte, mais celui-ci n’a pas obtenu la majorité nécessaire. Quelques heures plus tard, c’est le projet du Mouvement national révolutionnaire qui a été mis aux voix, et 126 membres ont voté en faveur de son adoption, approuvant ainsi la résolution 004/04-05 du 14 octobre 2004, qui autorisait l’ouverture d’une procédure contre l’ex-Président et ses ministres. Contrairement à ce que soutiennent les auteurs, le vote n’a donc pas été recommencé mais le Congrès s’est prononcé sur deux projets distincts.

6.5Le procès s’est ouvert le 18 mai 2009 devant un tribunal qui, à cause des objections et demandes de récusation présentées par les accusés, était composé d’un nombre de juges réduit, mais néanmoins suffisant, à savoir deux juges titulaires et sept assesseurs. Trois des titulaires ayant cessé d’exercer leurs fonctions pour cause de décès, de maladie et de démission, le représentant des victimes a soulevé une exception au motif que le quorum n’était pas atteint, mais le Tribunal suprême de justice l’a débouté le 23 septembre 2009. Suivant l’interprétation retenue par le tribunal spécial dans d’autres affaires, le Tribunal suprême a estimé que la majorité des deux tiers requise par l’article 3 de la loi no 2445 signifiait la majorité des deux tiers du tribunal saisi de l’affaire. Le jugement a donc été adopté à l’unanimité, par les six membres du tribunal spécial. De surcroît, en ne la contestant pas, les auteurs ont implicitement accepté la compétence du tribunal tel qu’il était composé.

6.6L’État partie soutient que les auteurs n’ont pas étayé leurs arguments concernant le manque d’impartialité et d’indépendance de la juridiction de jugement.

6.7L’État partie avance que les décrets d’amnistie n’ont bénéficié qu’aux participants aux protestations sociales de septembre et d’octobre 2003, et non aux agents de l’État, et concernaient seulement certaines infractions dont les violations des droits de l’homme ne faisaient pas partie.

6.8Pour ce qui est de la responsabilité des auteurs, la juridiction de jugement a apprécié les preuves présentées à l’audience et a conclu que, par l’intermédiaire du chef d’état-major des armées, le Président Sánchez de Lozada avait donné ordre aux auteurs de constituer une « force spéciale conjointe » chargée de « réaliser des opérations de défense de l’intégrité territoriale ». Les intéressés ont été considérés comme « auteurs moraux » pour avoir, grâce à l’autorité qu’ils exerçaient sur leurs troupes, ordonné, planifié, coordonné et supervisé des opérations disproportionnées ayant fait de nombreux morts et blessés, et parce qu’ils savaient quelles étaient les conséquences de ces opérations puisqu’ils en étaient informés par des rapports. En sa qualité de chef d’état-major de l’armée de l’air, M. Quiroga a ordonné à ses troupes d’intervenir et autorisé le transfert d’hommes et d’aéronefs à l’intérieur du pays. Les coups de feu que les militaires ont tirés sur la population civile depuis l’hélicoptère Lama et un avion léger on fait des morts et des blessés. En sa qualité de chef d’état-major de la marine, M. Aranda a ordonné à ses troupes d’intervenir dans les zones de La Paz et d’El Alto placées sous sa responsabilité, autorisé le transfert d’hommes à l’intérieur du pays et ordonné à la police militaire de se déployer à Río Seco, ce qui a fait des morts et des blessés. Dans son jugement, le tribunal a établi avec précision le rôle joué par les auteurs dans la répression illégale, illégitime et disproportionnée des manifestations de la population civile. Ainsi que le confirment les moyens utilisés (armes de guerre, projectiles d’armes à feu, avions et hélicoptères de combat) et, comme le montre le témoignage des militaires qui l’ont mise à exécution, cette répression, qui a duré plusieurs jours et fait des morts et des blessés, obéissait à une décision et à un plan d’intervention militaires. Les auteurs y ont participé volontairement, au mépris du paragraphe 3 de l’article 13 du Code pénal militaire, qui impose aux membres des forces armées d’ignorer tout ordre donné par un supérieur hiérarchique allant manifestement à l’encontre de la Constitution.

6.9Les auteurs ont été informés sans délai et dans les détails de la nature et des motifs de l’accusation portée contre eux par le parquet, ainsi qu’il ressort de la notification personnelle du 6 septembre 2008. Ils ont donc bénéficié du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense, ce que confirme les mémoires qu’ils ont présentés.

6.10Les auteurs ont exercé leur droit d’interroger les témoins à charge et de présenter des preuves à décharge. L’accusation a présenté 2 764 témoignages, 650 témoignages d’experts, 4 927 preuves documentaires et 167 éléments de preuve visuels, et les auteurs, 23 témoignages oculaires, 19 preuves documentaires et 10 rapports d’experts, qui ont été versés au dossier et pris en considération. Les témoins à décharge ont subi des interrogatoires et contre‑interrogatoires dans les mêmes conditions que les témoins à charge.

6.11En conclusion, l’État partie maintient que les griefs des auteurs, qui affirment qu’ils n’ont pas été informés des accusations portées contre eux et que l’appréciation des preuves avait été arbitraire et entachée d’erreur, ne sont pas suffisamment étayés.

6.12L’État partie signale que les jugements du tribunal spécial ne sont pas susceptibles d’appel pour deux raisons : a) du fait des fonctions publiques exercées par les accusés, une série de garde-fous juridiques et politiques interviennent entre la mise en accusation et le prononcé du jugement ; b) ils ont une finalité constitutionnellement légitime en ce qu’ils visent à réparer le préjudice causé aux victimes et à protéger l’intérêt public. Les auteurs n’ont introduit aucun recours pour contester leur mise en accusation devant le tribunal spécial. Au contraire, le 13 mars 2009, ils ont expressément reconnu la compétence de celui-ci lorsqu’ils ont demandé par écrit le rejet de la requête de certains coaccusés tendant à être jugés dans le cadre d’une procédure ordinaire et non pas spéciale. Ils ont renoncé à la juridiction des tribunaux ordinaires en déclarant que la procédure ordinaire à laquelle on prétendait les soumettre n’était pas à leur avantage et qu’ils refusaient donc de s’y prêter, et que de surcroît ils ne reconnaissaient pas la compétence du juge pour connaître des faits reprochés. En outre, à la différence d’autres militaires jugés à leurs côtés, ils n’ont pas formé de recours en amparo pour demander la protection de leurs droits fondamentaux et de leurs garanties constitutionnelles. Ils n’ont pas non plus soulevé la question du double degré de juridiction, ce qui indique qu’ils ont accepté d’être jugés en premier et dernier ressort.

Commentaires des auteurs concernant les observations de l’État partie sur le fond

7.1Dans leurs commentaires du 4 janvier 2016, les auteurs font de nouveau valoir qu’ils ont été jugés pénalement en premier et dernier ressort, et que les recours en amparo engagés contre le jugement ont tous été rejetés (voir par. 2.18).

7.2Les auteurs répètent que les décrets d’amnistie ont conduit à une inégalité de traitement entre les acteurs des événements de septembre et d’octobre 2003 et ont assuré l’impunité des responsables de violations graves des droits de l’homme ayant fait un grand nombre de morts et de blessés. L’État partie fait observer qu’aucun des faits amnistiés ne constituait une violation des droits de l’homme. Toutefois, les coups et blessures ayant entraîné la mort sont clairement une infraction constitutive de violation des droits de l’homme. Les faits amnistiés ne sauraient donc être considérés comme des manifestations légitimes de protestation sociale.

7.3Les auteurs affirment de nouveau que le tribunal qui les a jugés n’était ni compétent ni indépendant étant donné que bon nombre de magistrats du siège et du parquet avaient été nommés par le demandeur principal, à savoir le Président Evo Morales ; que les juges qui n’avaient pas été nommés par le pouvoir exécutif ont fait l’objet de poursuites destinées à faire pression sur eux ; que, sous l’influence de l’exécutif, le Tribunal suprême a été soumis à des pressions sociales visant à le pousser à accélérer leur procès ; et que le tribunal n’avait pas atteint le quorum requis. Les auteurs nient s’être volontairement soumis à la compétence du tribunal spécial et soulignent qu’ils devaient obligatoirement être traduits devant une juridiction pénale.

7.4Les auteurs avancent que le Tribunal suprême de justice n’a pas fait administrer certaines preuves à décharge ni cité à comparaître des témoins clefs et n’a quasiment pas entendu les témoins de la défense, et insistent sur le fait qu’il n’a jamais été établi qu’ils étaient personnellement responsables d’une mort ou d’un acte particuliers. Ils avancent que la notion d’« auteur moral » n’existe pas en droit pénal bolivien et qu’en application du Code pénal, les autorités auraient dû identifier les soldats qui avaient massacré la population et démontrer que la chaîne de commandement remontait jusqu’à eux. Le parquet est parti de l’hypothèse que les morts étaient imputables à des soldats boliviens, mais n’a jamais prouvé que c’était le cas, et aucune analyse balistique fiable et crédible n’a permis d’établir qui en était responsable. De surcroît, étant donné qu’aucun militaire n’a été reconnu pénalement responsable des faits, aucun supérieur hiérarchique ne saurait en être considéré comme l’auteur moral. En particulier le parquet n’a pas pu expliquer comment M. Aranda pouvait être responsable d’homicides commis à El Alto alors qu’il était chef d’état‑major de la marine. Les auteurs nient que M. Quiroga ait surveillé les manifestations depuis un hélicoptère de l’armée et maintiennent qu’entre le 12 et le 23 septembre, il se trouvait hors du pays.

7.5En ce qui concerne le double degré de juridiction, l’État partie reconnaît que les jugements du tribunal spécial ne sont pas susceptibles de recours. Cela a suscité des critiques, qui ont conduit à l’élaboration d’un projet de loi visant à modifier la loi sur les procès relevant du tribunal spécial de façon à permettre les recours.

Observations complémentaires de l’État partie

8.1Dans une note du 31 octobre 2016, l’État partie réaffirme que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes et soutient que les événements de septembre et d’octobre 2003 avaient eu pour cause les politiques socioéconomiques néolibérales appliquées au cours des années précédentes, notamment la libéralisation du marché de l’eau et l’exploitation de ressources naturelles au bénéfice de sociétés transnationales, qui avaient provoqué une grave crise sociale.

8.2L’État partie maintient que l’amnistie des infractions commises en septembre et octobre 2003 visait à compenser le déséquilibre entre la population civile et les forces mixtes, qui ont employé des armes militaires et usé de force excessive pour réprimer les protestations.

8.3L’État partie signale que le Président Evo Morales a nommé deux des juges de la première chambre du Tribunal suprême de justice par un décret du 30 décembre 2006, conformément aux dispositions de la Constitution. Ces juges n’ont siégé que très peu de temps car le Tribunal constitutionnel les a démis de leurs fonctions à sa session de 2007. Le 24 juillet 2007, quatre nouveaux juges ont été nommés au Tribunal suprême suivant la procédure ordinaire. Les juges nommés par le Président Morales n’ont donc pas participé à la décision rendue contre les auteurs.

8.4En ce qui concerne l’identification des victimes des événements de septembre et d’octobre 2003, le ministère public a assorti l’acte d’accusation d’une liste de 60 morts et 432 blessés, et a établi le lien de cause à effet entre les événements et les décès au moyen de nombreux témoignages d’experts et preuves documentaires, dont des certificats de médecins légistes.

8.5Étant donné que la Bolivie n’a pas de frontière maritime, la responsabilité de M. Aranda en sa qualité de chef d’état-major de la marine s’étend à des zones situées sur l’ensemble du territoire bolivien. C’est pourquoi les forces mixtes déployées en septembre 2003 étaient composées de membres de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine.

8.6Pour ce qui est du droit au double degré de juridiction, le Parlement examine actuellement un projet de loi visant à modifier la loi sur les procès relevant du tribunal spécial. Ce projet a été décrié par des membres de l’opposition, qui ont annoncé qu’ils entendaient former un recours pour contester sa constitutionnalité. L’examen du texte a toutefois été remis à l’ordre du jour du Parlement.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité note que l’État partie avance que la communication n’est pas recevable parce que le bureau dans l’État plurinational de Bolivie du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme se serait déjà prononcé sur l’affaire concernant les auteurs dans le rapport qu’il a adressé au Conseil des droits de l’homme en 2012. Le Comité constate néanmoins que si le rapport du Haut-Commissariat sur les activités menées par son bureau en Bolivie traite effectivement du procès des auteurs, il n’avait pas pour objectif de déterminer si l’État partie s’était ou non acquitté des obligations mises à sa charge par le Pacte, et le Haut-Commissariat n’est pas un organe international d’examen ou de règlement au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité estime que rien ne l’empêche d’examiner la recevabilité de la présente communication au regard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

9.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes disponibles parce qu’ils ne se sont pas prévalus de l’article 421 du Code de procédure pénale, qui prévoit la possibilité de présenter un recours extraordinaire en révision pour demander l’annulation d’un jugement fondé sur une erreur judiciaire. Les auteurs contestent cet argument, faisant valoir que le recours en révision n’est pas un recours utile étant donné qu’il ne permet pas de soulever le grief de violation des garanties judiciaires.

9.4Le Comité note que les auteurs ont formulé devant les tribunaux nationaux l’essentiel des griefs soulevés devant lui. En particulier, M. Quiroga a contesté son jugement au moyen d’un recours en amparo, lequel a été rejeté par le tribunal départemental de Chuquisaca le 5 avril 2012, puis de nouveau, en appel, par le Tribunal constitutionnel, le 21 mai 2013. M. Quiroga faisait valoir que le principe du double degré de juridiction n’avait pas été respecté et que le jugement était dénué de fondement. De surcroît, les auteurs se sont joints au recours en amparo formé par un coaccusé, qui arguait que le tribunal n’avait pas atteint le quorum requis, que le jugement était entaché de vices de procédure et que le principe du double degré de juridiction n’avait pas été respecté. Ils ont également soulevé des exceptions relatives à l’absence de quorum au sein du tribunal spécial. Compte tenu des renseignements donnés par les auteurs et du fait que l’État partie n’a pas donné d’informations sur l’existence d’un recours effectif ou permettant de réfuter les allégations des auteurs concernant l’épuisement des recours internes, le Comité estime que rien ne s’oppose à ce qu’il déclare la communication recevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

9.5Le Comité prend note des griefs que les auteurs tirent du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte concernant le manque d’indépendance des juges. Les auteurs contestent en particulier l’ingérence générale de l’exécutif dans le travail de la justice, qui s’illustre en l’espèce par les pressions politiques exercées pour accélérer le procès et par les persécutions politiques dont le Président du Tribunal suprême de justice a été victime et qui auraient abouti à sa suspension pour obstruction à la justice. Ils contestent la nomination provisoire de certains juges du tribunal spécial et la nomination de deux juges par le Président Morales. Le Comité constate toutefois que, faute d’avoir apporté des éléments de preuve ou des informations concrètes concernant une ingérence du gouvernement dans le travail des juges du tribunal spécial saisi en l’espèce, les auteurs n’ont pas démontré dans quelle mesure l’exécutif aurait exercé des pressions injustifiées pendant la procédure, qui a duré plus de deux ans, pour contraindre les juges à statuer rapidement. Ils n’ont pas non plus démontré que la suspension du Président du Tribunal suprême de justice aurait été la conséquence directe d’une supposée ingérence de l’exécutif ni dans quelle mesure cette suspension aurait permis d’aboutir à un jugement favorable à l’exécutif. En ce qui concerne les allégations des auteurs concernant la nomination des juges du tribunal spécial, le Comité note l’argument de l’État partie, qui indique que les deux juges nommés par le Président Morales n’ont pas participé au délibéré dans le procès des auteurs car ils avaient été récusés en 2007, et que leurs remplaçants ont été nommés suivant la procédure ordinaire. Par conséquent, et faute d’informations données par les auteurs permettant de réfuter ces allégations, le Comité estime que cette partie de la plainte n’a pas été suffisamment étayée et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.6En ce qui concerne l’autre grief soulevé par les auteurs au titre du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, à savoir que le tribunal ne comptait pas le quorum requis par la législation interne, le Comité rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence que l’application de la législation nationale appartient généralement aux seuls organes de l’État partie, sauf s’il peut être établi qu’elle a été manifestement arbitraire ou entachée d’erreur ou qu’elle a constitué un déni de justice. En l’espèce, le Comité constate que la question de savoir si le tribunal était ou non compétent compte tenu du quorum requis par la loi a été examinée par le Tribunal suprême dans le cadre de l’exception soulevée par le conseil de la partie civile. À la lumière de sa jurisprudence, le Tribunal suprême a estimé qu’au sens de la disposition pertinente, le quorum désignait un nombre minimum de membres du tribunal spécial, et non un nombre minimum de membres du Tribunal suprême de justice. Le Comité fait observer que les auteurs n’ont pas expliqué en quoi l’interprétation de la législation interne par le Tribunal suprême était arbitraire ou constituait une erreur manifeste ou un déni de justice. Les auteurs n’ont pas non plus montré en quoi le quorum prévu par la législation interne les aurait privés du droit à un jugement équitable consacré au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. En conséquence, le Comité estime que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leur grief et déclare celui-ci irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.7Le Comité prend note des allégations des auteurs qui affirment que le décret d’amnistie du 4 novembre 2003 a porté atteinte au droit à l’égalité devant les tribunaux consacré par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte en ce qu’il a empêché de faire toute la lumière sur les faits et d’établir la responsabilité de ceux qui les ont commis. Les auteurs affirment également que le décret d’amnistie introduit une inégalité de traitement en ce qu’il exonère de toute responsabilité certaines personnes impliquées dans les événements violents de septembre et d’octobre 2003, tout en sanctionnant d’autres personnes. Le Comité constate toutefois que les auteurs n’ont pas expliqué en quoi l’amnistie dont ont bénéficié d’autres personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions dans le contexte des événements de septembre et d’octobre 2003 a influencé l’enquête menée sur leur propre participation à ces événements ou la mise en cause de leur responsabilité. Le Comité fait également observer que le tribunal spécial a conclu que 9 décès étaient imputables à des personnes qui n’agissaient pas au nom de l’État et 11 aux forces de l’État. Le Comité considère que les auteurs n’ont pas non plus montré en quoi le décret d’amnistie, qui exonère certaines personnes présumées responsables des violences de septembre et d’octobre 2003, violerait le droit des auteurs à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice consacré par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. En conséquence, il estime que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leur grief et déclarent celui-ci irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.8Le Comité prend note de l’argument des auteurs selon lequel le tribunal de jugement a violé leur droit à la présomption d’innocence parce qu’il n’a pas tenu compte du mandat que les forces armées tiennent de la Constitution ni du fait que ni l’un ni l’autre ne disposaient d’un pouvoir discrétionnaire pour ce qui était de suivre ou non les ordres reçus. L’État partie avance que les auteurs ont participé aux faits qui leur étaient reprochés de leur plein gré et en toute connaissance de cause, et que le Code militaire en vigueur leur imposait d’ignorer les ordres reçus car ceux-ci étaient clairement contraires à la Constitution. Le Comité estime que le principe de la présomption d’innocence reconnu au paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte n’exonère pas de leur responsabilité pénale au regard du droit interne les personnes qui, en obéissant à des ordres, ont accompli des actes manifestement contraires au Pacte, tels que l’utilisation d’armes militaires contre la population civile non armée, et qu’il n’y a pas eu violation du droit d’être présumé innocent. En conséquence, le Comité conclut que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.9Le Comité prend note du grief que les auteurs tirent du paragraphe 3 a) de l’article 14 du Pacte, à savoir que leur droit d’être informés des motifs de l’accusation portée contre eux a été enfreint. Les auteurs soutiennent qu’ils ont été reconnus comme auteurs moraux d’un massacre constitutif d’un crime de génocide sans avoir été informés des infractions qui leur étaient personnellement reprochées ni de l’identité des personnes dont ils auraient causé la mort. L’État partie avance que les auteurs ont été rapidement et entièrement informés de la nature et des motifs des accusations portées contre eux et qu’en droit interne le crime de génocide est imputable non seulement aux auteurs matériels des faits, mais aussi à ceux qui en ont ordonné la perpétration. De même, après avoir examiné les preuves produites, le tribunal spécial a conclu que les auteurs avaient volontairement ordonné, planifié et supervisé le déploiement des forces militaires qui avaient utilisé des armes létales sous leur commandement alors qu’ils connaissaient le risque élevé qu’il y avait à faire intervenir les forces armées pour contrôler les conflits sociaux et étaient informés des conséquences des opérations menées dans le cadre de cette intervention, et que le jugement contient des informations précises sur les actes commis par les auteurs et la relation de cause à effet entre ces actes et le fait que telles et telles personnes aient été tuées ou blessées. Le Comité rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence que l’application de la législation nationale appartient généralement aux seuls organes de l’État, sauf s’il peut être établi qu’elle a été manifestement arbitraire ou entachée d’erreur ou qu’elle a constitué un déni de justice. Le Comité constate que, compte tenu des observations de l’État partie, les auteurs n’ont pas expliqué en quoi l’application de la législation nationale relative au crime que le tribunal les accusait d’avoir commis a été arbitraire ou a constitué une violation du paragraphe 3 a) de l’article 14 du Pacte. En conséquence, il déclare ce grief irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.10Le Comité note que, selon les auteurs, qui se fondent sur le paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte, les éléments de preuve n’ont pas été dûment appréciés, aucune analyse médico-légale n’a été effectuée pour déterminer la cause des décès, des 380 témoins entendus, seuls 35 ont été appelés à la barre par la défense, des témoins clefs n’ont pas été cités à comparaître, de nombreux témoins à charge s’étaient également constitués parties civiles, M. Quiroga était aux États-Unis pendant une partie des événements. Le Comité constate que, d’après l’État partie et ainsi qu’il ressort du jugement, les auteurs ont eu l’occasion de procéder au contre-interrogatoire des témoins à charge et d’obtenir la comparution de témoins à décharge, et que l’ensemble des dépositions des témoins et des éléments de preuve produits ont été admis et examinés. Le Comité rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence que c’est généralement aux seuls organes de l’État qu’il appartient d’examiner et d’apprécier les faits et les preuves, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice. Le Comité rappelle aussi que le paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte donne à l’accusé et à son conseil non pas le droit illimité d’obtenir la comparution de n’importe quel témoin, mais le droit d’obtenir la comparution de témoins utiles pour la défense et d’interroger les témoins à charge à n’importe quelle étape de la procédure. Le Comité note les détails donnés par l’État partie au sujet des preuves administrées, y compris des expertises médico-légales. Il note également que, d’après les informations dont il dispose, les auteurs n’ont pas précisé quels témoins clefs n’auraient pas été cités à comparaître ni, de manière générale, démontré que le Tribunal suprême de justice a été arbitraire ou manifestement injuste dans le traitement et l’appréciation des preuves. En conséquence, le Comité estime que les auteurs n’ont pas étayé cette partie de la communication et la déclare donc irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.11Le Comité prend note des allégations des auteurs qui affirment qu’ils ont été condamnés par la plus haute juridiction de l’État partie et n’ont aucune possibilité de recours, en violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il rappelle que, quand la juridiction la plus élevée d’un pays statue en premier et dernier ressort, le fait de ne pas avoir droit au réexamen du jugement par une juridiction supérieure n’est pas compensé par le fait d’avoir été jugé par l’organe suprême ; au contraire, pareil système est incompatible avec le Pacte, sauf si l’État partie concerné a formulé une réserve à ce sujet.

9.12En l’espèce, l’État partie a reconnu que les décisions du tribunal spécial n’étaient pas susceptibles d’appel, et qu’il était explicitement mentionné dans le jugement que la décision était définitive. De même, le recours en amparo, dans lequel les auteurs ont fait valoir notamment l’absence de recours contre le jugement, a été rejeté. L’État partie indique que le Parlement est saisi d’un projet de loi qui prévoit un recours contre les jugements du tribunal spécial mais ce texte n’a pas encore été approuvé et n’est donc pas pertinent en l’espèce. Le Comité fait observer néanmoins que l’État partie indique que les auteurs ont eux-mêmes insisté pour continuer d’être jugés par le Tribunal suprême siégeant en tant que tribunal spécial, plutôt que par un tribunal ordinaire. Il relève en particulier l’affirmation de l’État partie, non contestée par les auteurs, qui précise que ceux‑ci n’ont pas demandé que leur cause soit disjointe de celle d’autres fonctionnaires de haut rang jugés en premier et dernier ressort. Au contraire, en mars 2009, les auteurs ont renoncé expressément, par écrit, à être jugés par un tribunal pénal ordinaire en refusant de se joindre à la requête de certains coaccusés tendant à ce que les membres des forces armées soient jugés non pas par le tribunal spécial mais par un tribunal ordinaire. En effet, les auteurs ont demandé au Tribunal suprême de rejeter cette requête, rappelant que les coaccusés auraient dû soulever une exception d’incompétence, et ont refusé catégoriquement d’être jugés par un tribunal ordinaire. Le Comité note également que l’argument avancé dans le recours en amparo, auquel les auteurs se sont joints, selon lequel le jugement est insusceptible d’appel, a été rejeté au motif que les auteurs avaient été dûment informés de la mise en place d’un tribunal spécial et qu’ils n’avaient pas contesté le fait d’être poursuivis dans le cadre d’une procédure spéciale, que ce soit devant la chambre pénale de le Tribunal suprême de justice, le tribunal spécial lui‑même ou le Tribunal constitutionnel. Le Comité estime qu’en insistant pour être jugés par le tribunal spécial et en refusant de contester en temps voulu la compétence de cette juridiction, les auteurs − qui étaient représentés par des conseils dont ils n’ont pas remis en cause la compétence et l’efficacité − ont renoncé à leur droit de recours. Le Comité considère qu’au vu des circonstances de l’espèce, le grief que les auteurs tirent du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte n’est pas suffisamment étayé et déclare ce grief irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et à l’État partie.