Nations Unies

CCPR/C/129/D/2478/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 octobre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2478/2014 * , * *

Communication présentée par :

Sergei Sotnik (représenté par un conseil, Dmitri Bartenev)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Fédération de Russie

Date de la communication :

25 octobre 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquéeà l’État partie le 20 novembre 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

23 juillet 2020

Objet :

Détention illégale et défaut d’indemnisation

Question(s) de procédure :

Défaut de fondement

Question(s) de fond :

Détention illégale ; droit à réparation

Article(s) du Pacte :

9 (par. 1 et 5) et 14 (par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.L’auteur de la communication est Sergei Sotnik, ressortissant de la Fédération de Russie né en 1974. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 9 (par. 5) et 14 (par. 1) du Pacte. Le Comité considère que les faits exposés soulèvent également des questions au regard de l’article 9 (par. 1) du Pacte, bien que cette disposition n’ait pas été expressément invoquée. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 1er janvier 1992. L’auteur est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur déclare que des poursuites pénales ont été engagées contre lui le 28 novembre 2006 au motif qu’il aurait insulté des policiers dans l’exercice de leurs fonctions et usé de violence à leur égard. D’après les déclarations des agents en question et de quatre autres témoins, les policiers étaient en train d’interroger trois suspects dans le cadre d’une enquête sur une affaire de vol sans rapport avec celle-ci lorsque l’auteur s’est approché d’eux et s’est mis à les insulter. Après que deux des policiers lui eurent montré leur plaque d’identification, l’auteur aurait continué à les insulter et aurait agressé physiquement l’un des policiers en lui donnant des coups de pied dans la région abdominale, ce qui a abouti à l’arrestation de l’auteur.

2.2Le 20 février 2008, le tribunal du district Kouibychevsky de Saint-Pétersbourg a confirmé les actes imputés à l’auteur mais a considéré, à l’issue de l’examen psychiatrique dont il avait ordonné la réalisation et qui avait décelé chez l’auteur une schizophrénie paranoïde aigue, que celui-ci ne pouvait pas être tenu pénalement responsable de ces actes. Le tribunal a par conséquent clos la procédure pénale et ordonné une obligation de soins psychiatriques. L’auteur a fait appel de ce jugement, qui a cependant été confirmé par le tribunal de district le 7 décembre 2009 et par le tribunal municipal de Saint-Pétersbourg le 28 septembre 2010. Le 1er août 2008, l’affaire a été renvoyée au procureur par le tribunal de district en vue de joindre les deux affaires d’agressions verbale et physique en une même procédure. L’auteur dit n’avoir été informé d’aucun acte ultérieur du procureur.

2.3Or, le 12 novembre 2008, l’auteur a été arrêté par un enquêteur au motif qu’il ne se serait pas présenté devant la justice, ce qui était interprété comme un risque de fuite et une violation de l’engagement qu’il avait pris par écrit de ne pas quitter sans autorisation son lieu de résidence. L’auteur a nié avoir jamais cherché à se soustraire à la justice et a déclaré que ni lui ni son avocat n’avaient reçu de citation à comparaître. Le 14 novembre 2008, le tribunal de district a accédé à la demande de détention provisoire adressée par l’enquêteur à l’égard de l’auteur. L’auteur a contesté la mesure de détention, faisant valoir que rien ne prouvait qu’il chercherait à se soustraire à la justice et que, par conséquent, les allégations de l’enquêteur étaient sans fondement et sa détention illégale. Il a cependant été maintenu en détention du 12 novembre 2008 au 27 mars 2009 − soit plus de cent trente-neuf jours (quatre mois et deux semaines).

2.4Le 29 janvier 2009, le tribunal municipal de Saint-Pétersbourg a infirmé le jugement du 14 novembre 2008 du tribunal de district et renvoyé l’affaire pour un examen à nouveau. Le 4 février 2009, le tribunal de district a réexaminé l’affaire et a de nouveau accédé à la demande de l’enquêteur pour les mêmes raisons. Le 20 février 2009, cette décision a été annulée et renvoyée pour un nouveau réexamen. Après avoir examiné l’affaire à nouveau, le tribunal de première instance a une nouvelle fois conclu que l’auteur devait être maintenu en détention. Sur appel de l’auteur, le 26 mars 2009, le tribunal municipal a infirmé la décision du tribunal de district et ordonné la remise en liberté de l’auteur. Le 3 avril 2009, le tribunal du district Kouibychevsky a de nouveau rejeté la demande de détention présentée par l’enquêteur.

2.5L’auteur affirme que non seulement il a été détenu illégalement mais qu’il a aussi été soumis à des conditions déplorables dans le centre de détention provisoire IZ-47/1 de Saint‑Pétersbourg, ayant passé plus de quatre mois dans des cellules surpeuplées dans des conditions sanitaires sordides, ce qui l’a conduit à intenter une action en dommages et intérêts. Mais le tribunal du district Nevsky de Saint-Pétersbourg a rejeté, le 3 février 2010, la demande d’indemnisation de l’auteur au motif que celui-ci n’avait produit aucun élément prouvant l’illégalité des décisions ordonnant son placement et son maintien en détention. L’auteur s’est pourvu devant le tribunal municipal de Saint-Pétersbourg, qui a rejeté ses appels les 3 février, 6 avril et 20 août 2010 et confirmé le jugement du tribunal de district. L’auteur a alors saisi la Cour suprême et la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie de requêtes au titre de la procédure de contrôle, requêtes qui ont été rejetées respectivement le 18 octobre 2010 et le 17 novembre 2011.

Teneur de la plainte

3.1Selon l’auteur, sa demande d’indemnisation pour détention illégale a été rejetée en violation du paragraphe 5 de l’article 9 du Pacte et de plusieurs dispositions législatives internes lui donnant droit à réparation, ces dispositions ayant été interprétées comme ouvrant droit à réparation uniquement dans le cas où l’intéressé est acquitté dans le cadre d’une procédure pénale. Le tribunal municipal de Saint-Pétersbourg a en outre considéré que l’annulation de l’ordre de détention pour défaut de fondement ne pouvait donner lieu à un recours en illégalité.

3.2L’auteur prétend que les juridictions internes ont appliqué la loi de manière erronée puisqu’il a passé plus de quatre mois en détention provisoire sur la base de décisions de tribunaux qui n’avaient pas examiné tous les motifs justifiant sa privation de liberté. Ainsi, sans contester leur légalité formelle, l’auteur prétend que les décisions des tribunaux n’en sont pas moins matériellement illégales car elles ne sont pas fondées sur des motifs suffisants et ont conduit à sa détention illégale.

3.3L’auteur ajoute que si l’on acceptait l’interprétation des juridictions nationales, cela signifierait qu’il a été privé d’un droit à réparation opposable au titre de l’article 9 (par. 5) du Pacte. Il a été détenu plus de quatre mois sans raison apparente et ses droits protégés par l’article 9 (par. 5) du Pacte ont été violés. Cela montre, selon lui, que le droit de la Fédération de Russie n’offre pas de recours utile pour obtenir réparation en cas de détention arbitraire dès lors que la détention provisoire est fondée sur une décision judiciaire théorique.

3.4L’auteur soutient que faute d’être dûment motivé, le jugement rendu sur sa demande d’indemnisation constitue une violation de son droit à un procès équitable protégé par l’article 14 (par. 1) du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale datée du 19 juillet 2016, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Conformément à l’article 9 (par. 5), tout individu victime de détention illégale a droit à réparation. Conformément à l’article 1070 1) du Code civil de la Fédération de Russie, tout individu ayant été reconnu coupable, accusé d’une infraction, placé en détention provisoire ou condamné à une détention administrative de manière illégale a droit à une indemnisation intégrale, laquelle doit être versée par l’entité régionale de la Fédération de Russie ou une municipalité. Cette disposition s’applique, que la violation des droits ait été commise par des enquêteurs, des procureurs ou des juges.

4.2Le 6 avril 2010, le tribunal civil de Saint-Pétersbourg a refusé d’accéder à la demande d’indemnisation de l’auteur, considérant que la détention de ce dernier n’était pas nécessairement illégale. Il a reconnu que la détention de l’auteur était « injustifiée », au sens de l’article 7 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, mais non illégale. Dans sa décision datée du 18 octobre 2010, la Chambre civile de la Cour suprême de la Fédération de Russie a considéré que les juridictions inférieures n’avaient établi aucun « motif de réhabilitation », ce qui est indispensable pour pouvoir donner lieu à une indemnisation, et l’action de l’auteur a été rejetée. La Cour suprême a elle aussi considéré que la détention était « injustifiée » mais pas illégale.

4.3Au paragraphe 51 de son observation générale no 35 (2014) sur la liberté et la sécurité de la personne, le Comité indique que le caractère « illégal » de l’arrestation ou de la détention peut résulter d’une violation de la législation nationale. Il déclare également dans ce même paragraphe que le fait qu’un défendeur inculpé d’une infraction pénale ait finalement été acquitté ne rend pas en soi la détention qui a précédé « illégale ».

4.4Le 29 janvier et le 20 février 2009, le tribunal municipal de Saint-Pétersbourg a annulé la décision rendue par une juridiction inférieure concernant la détention de l’auteur mais n’a pas ordonné la remise en liberté de ce dernier. Il a simplement demandé au tribunal de première instance de tenir une nouvelle audience sur la détention provisoire. Ultérieurement, le 26 mars 2009, le tribunal municipal a décidé de libérer l’auteur, qui a été remis en liberté dans l’attente de son procès.

4.5Le grief soulevé par l’auteur dénonçant une violation de ses droits garantis à l’article 9 (par. 5) du Pacte peut par conséquent être considéré comme « incompatible » avec les dispositions du Pacte.

4.6Pour l’examen de l’action en dommages et intérêts intentée par l’auteur, les tribunaux ont sollicité du directeur du centre de détention provisoire no 4 de Saint-Pétersbourg des précisions sur les conditions de détention de l’auteur. Ils n’ont pas considéré que l’auteur avait droit à une indemnisation pour préjudice matériel. Conformément à l’article 56 1) du Code de procédure civile de la Fédération de Russie, chaque partie à la procédure doit produire des éléments prouvant les circonstances auxquelles elle se réfère. Le tribunal de première instance a, par exemple, examiné l’allégation de l’auteur dénonçant l’insuffisance ou la mauvaise qualité de la nourriture et des produits d’hygiène. Les « habitudes d’alimentation différentes » de l’auteur ne pouvaient pas être considérées comme des preuves d’un préjudice matériel. L’auteur n’a pas non plus démontré qu’il avait demandé des preuves médicales.

4.7L’État partie observe que les questions de la recevabilité, de la suffisance et de la pertinence des éléments de preuve sont normalement du seul ressort des juridictions nationales. Le Comité a lui-même établi que l’appréciation des faits et des éléments de preuve dans chaque cas d’espèce ainsi que l’application de la loi devaient être laissées aux juridictions nationales, à moins qu’il puisse être montré que cette appréciation a été arbitraire ou a constitué un déni de justice. Or rien ne montre, d’après les éléments produits dans la communication, que l’appréciation des juridictions nationales a été arbitraire ou a constitué un déni de justice.

4.8L’État partie déclare par conséquent que la communication soumise par l’auteur au Comité doit être considérée comme irrecevable en ce qu’elle est incompatible avec les dispositions du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et ne fait pas apparaître de violations de l’article 9 (par. 5) ni de l’article 14 (par. 1) du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 17 janvier 2017, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond. Il affirme que l’État partie doit l’indemniser pour l’avoir maintenu illégalement en détention du 12 novembre 2008 au 27 mars 2009.

5.2L’État partie prétend que cette détention était légale car elle était fondée sur des décisions de justice. Sur ce point, l’auteur rétorque que les arguments invoqués par l’État partie pour affirmer la légalité de sa détention vont à l’encontre des faits de la communication et de la jurisprudence du Comité. L’État partie se réfère à tort au paragraphe 51 de l’observation générale no 35 du Comité, selon lequel un simple acquittement ne rend pas en soi la détention qui a précédé « illégale ». Dans sa lettre initiale au Comité, l’auteur a dénoncé une violation de l’article 9 (par. 5) du Pacte indépendamment de l’issue finale de la procédure pénale dont il faisait l’objet.

5.3Comme le Comité l’a indiqué au paragraphe 12 de son observation générale no35, une arrestation ou une détention peut être autorisée par la législation interne et être néanmoins arbitraire. Le Comité a précisé que l’adjectif « arbitraire » n’est pas synonyme de « contraire à la loi » mais doit recevoir une interprétation plus large, intégrant le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non-respect des garanties judiciaires, ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité. Le placement en détention provisoire doit donc être une mesure raisonnable et nécessaire en toutes circonstances.

5.4L’auteur a fait valoir devant le Comité que, si sa détention était peut-être légale au regard du droit interne, elle ne répondait pas aux conditions de légalité prévues à l’article 9 du Pacte car elle n’était ni raisonnable ni nécessaire dans les circonstances de l’espèce. L’absence de caractère raisonnable et nécessaire est confirmée par les juridictions nationales. Dans sa décision définitive du 3 avril 2009, le tribunal du district Kouibychevsky a décidé de ne pas maintenir l’auteur en détention dans l’attente de son jugement, considérant que la demande à cet effet, soumise par un enquêteur le 12 novembre 2008, n’avait aucun fondement au regard des lois de la Fédération de Russie. L’État partie ne fournit aucune explication à ce sujet, se contentant d’indiquer que, formellement, la décision de maintenir l’auteur en détention n’a pas été considérée comme illégale.

5.5L’auteur observe que l’État partie indique que les 29 janvier et 20 février 2009, les tribunaux ont simplement renvoyé l’affaire pour réexamen sans libérer l’auteur. Le fait est qu’en renvoyant l’affaire pour réexamen, les tribunaux ont confirmé que la décision rendue en première instance de placer l’auteur en détention était illégale. L’auteur n’a pas été remis en liberté malgré l’infirmation de la décision de première instance, ce qui prouve encore une fois que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 9 du Pacte. L’auteur aurait dû être libéré pendant le renvoi de son affaire pour réexamen. Or les tribunaux ne l’ont pas remis en liberté et n’ont pas examiné comme ils l’auraient dû le bien-fondé de sa détention au regard du critère de nécessité. L’auteur dénonce par conséquent une violation des droits qui lui sont garantis à l’article 9 (par. 5) du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note du grief de l’auteur disant qu’il a épuisé tous les recours internes utiles dont il disposait. En l’absence de toute objection de la part de l’État partie sur ce point, le Comité considère que les conditions énoncées à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif sont satisfaites.

6.4Le Comité prend note des griefs soulevés par l’auteur au titre de l’article 14 (par. 1) du Pacte. En l’absence de toute information supplémentaire pertinente figurant au dossier, le Comité considère toutefois que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité. Par conséquent, il déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle la communication devrait être considérée comme incompatible avec les dispositions du Pacte parce que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs. Le Comité considère cependant que l’auteur a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, ses griefs invoquant des violations des droits qu’il tient de l’article 9 (par. 5) du Pacte. Le Comité considère également que cette partie de la communication soulève des questions au regard de l’article 9 (par. 1) du Pacte. Le Comité les déclare donc recevables et procède à leur examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 5 (par. 1)du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note des allégations de l’auteur disant qu’entre le 12 novembre 2008 et le 27 mars 2009, il a été détenu illégalement avant jugement. L’État partie reconnaît que l’auteur a été détenu, puis libéré, mais avance que sa détention a été considérée par les juridictions nationales non pas comme « illégale » mais comme « injustifiée ».

7.3Renvoyant à sa jurisprudence, le Comité rappelle qu’une arrestation ou une détention peut être autorisée par la législation interne et être néanmoins arbitraire. L’adjectif « arbitraire » n’est pas synonyme de « contraire à la loi » mais doit recevoir une interprétation plus large, intégrant le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non‑respect des garanties judiciaires, ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité. Par exemple, le placement en détention provisoire doit être une mesure raisonnable et nécessaire en toutes circonstances. En outre, le fait qu’un défendeur inculpé d’une infraction pénale ait finalement été acquitté, en première instance ou en appel, ne rend pas en soi la détention qui a précédé « illégale », et le caractère « illégal » de l’arrestation ou de la détention peut résulter d’une violation de la législation nationale ou d’une violation du Pacte lui-même.

7.4Le Comité note qu’en l’espèce, les juridictions nationales ont reconnu que rien ne prouvait que l’auteur ait été dûment informé et ne se soit pas présenté devant la justice, d’après la décision du tribunal du district Kouibychevsky en date du 3 avril 2009. Le Comité note ensuite que le 14 novembre 2008 et le 4 février 2009, le même tribunal a décidé de placer et de maintenir l’auteur en détention mais n’a pas examiné la question de savoir si l’auteur chercherait à se soustraire à la justice ou si sa détention dans ces conditions était « raisonnable et nécessaire ». Dans ces circonstances, et en l’absence d’explications particulières à ce sujet de la part des juridictions nationales et de l’État partie, le Comité considère que l’État partie a violé les droits garantis à l’auteur à l’article 9 (par. 1) du Pacte.

7.5Le Comité prend note ensuite de l’argument de l’auteur disant que parce qu’il a été détenu arbitrairement, il aurait dû avoir un droit opposable à réparation. Le Comité rappelle que l’article 9 (par. 5) fait obligation aux États parties d’établir le cadre juridique dans lequel une réparation peut être accordée aux victimes, à titre de droit opposable et non pas à titre gracieux ou discrétionnaire. La réparation ne doit pas seulement exister en théorie, elle doit être réelle et le versement de l’indemnité doit être effectué dans un délai raisonnable.

7.6En l’espèce, les juridictions nationales, bien qu’ayant accepté et examiné la demande de l’auteur, ont refusé d’indemniser celui-ci pour le temps passé en détention au motif que cette détention était non pas « illégale » mais « injustifiée ». Le Comité prend note de la décision du 3 février 2010 du tribunal du district Nevsky, qui a refusé à l’auteur une indemnisation parce qu’il n’avait pas été « réhabilité » au sens des articles 133 et 134 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie. Le Comité considère par conséquent que le tribunal du district Nevsky a restreint le droit de l’auteur à réparation en subordonnant ce droit à la constatation de motifs de « réhabilitation », constatation relevant des seules juridictions pénales. Le Comité relève que ce défaut n’a pas été corrigé par la suite par le tribunal municipal de Saint-Pétersbourg (décisions d’appel datées des 3 février, 6 avril et 20 août 2010) ou par la Cour suprême de la Fédération de Russie. En exigeant la constatation de motifs de réhabilitation par une juridiction pénale, l’État partie empêche, lorsque de tels motifs n’ont pas été établis, des personnes telles que l’auteur d’exercer leur droit à une réparation exécutoire. Compte tenu de cette constatation, et ayant considéré que la détention de l’auteur était effectivement arbitraire, le Comité conclut que l’État partie a violé le droit de l’auteur à une réparation exécutoire, protégé par l’article 9 (par. 5) du Pacte.

8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que l’auteur tient de l’article 9 (par. 1 et 5) du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a notamment l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En l’espèce, l’État partie est tenu d’offrir à l’auteur une réparation exécutoire, notamment une indemnisation suffisante pour les violations subies. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans sa langue officielle.