Nations Unies

CCPR/C/128/D/2384/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

8 juin 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2384/2014 * , * *

Communication présentée par :

Zhanysbek Khalmamatov, représenté par Utkir Dzhabbarov

Victime (s) présumée (s) :

L’auteur

État partie :

Kirghizistan

Date de la communication :

13 septembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 30 avril 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

13 mars 2020

Objet :

Torture ; détention arbitraire ; privation du droit à un procès équitable

Question(s) de procédure :

Néant

Question(s) de fond :

Torture ; absence d’enquête ; détention arbitraire ; privation du droit à un procès équitable

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3 a)), 7, 9 (par. 1, 3 et 4), et 14 (par. 3 b), d) et g))

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Zhanysbek Khalmamatov, de nationalité kirghize, né en 1971. Il affirme que le Kirghizistan a violé les droits qu’il tient de l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 a) de l’article 2, des paragraphes 1, 3 et 4 de l’article 9, et du paragraphe 3 b), d) et g) de l’article 14 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 7 janvier 1995. L’auteur est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 16 mai 2009, un ami de l’auteur a trouvé la mort dans un accident de la circulation. L’auteur a été arrêté, en tant que suspect, par la police routière et, le 17 mai 2009 à 2 h 40, a été conduit au poste de police du district de Suzak. Il y a été détenu jusqu’à 16 heures le lendemain et, dans l’intervalle, il a été battu à plusieurs reprises par quatre policiers qui cherchaient à lui faire avouer qu’il avait renversé son ami puis avait pris la fuite. Il a été frappé et a reçu des coups de pied et de matraque à la tête, au torse, à l’abdomen et sur les pieds. Les policiers lui ont ensuite retiré ses chaussures, l’ont maintenu à plat ventre sur une table et ont commencé à lui assener des coups de matraque sur les talons. Ne supportant plus la douleur, l’auteur a avoué les faits.

2.2Le 18 mai 2009, le procureur du district de Suzak a vu l’auteur dans le sous-sol du poste police, lequel s’est plaint à lui d’avoir été battu. Le même jour, il a été remis en liberté et le Bureau du procureur du district de Suzak a ordonné qu’un examen médico-légal soit pratiqué sur ses blessures. Le 19 mai 2009, l’auteur, se plaignant de douleurs aux reins, a été envoyé par l’expert médico-légal à l’hôpital régional de Djalal‑Abad pour subir des examens dans le service d’urologie. Plus tard dans la journée, il a été conduit par la police de l’hôpital au poste de police du district de Suzak où il a officiellement été déclaré suspect dans l’affaire de l’accident de la circulation ayant entraîné la mort de son ami. Au poste de police, son état de santé s’est détérioré et il a de nouveau été conduit au service d’urologie de l’hôpital régional de Djalal-Abad. Le 20 mai 2009, l’auteur a été transféré à l’hôpital du district de Suzak, dans l’unité sécurisée, où il a été interrogé par la police.

2.3Le 21 mai 2009, l’auteur a officiellement été accusé d’avoir accidentellement renversé son ami. Le même jour, le tribunal de district de Suzak a ordonné son placement en détention provisoire. L’auteur affirme que le juge n’a pas examiné la légalité de son arrestation et a ordonné son placement en détention alors même que l’enquêteur n’avait pu produire aucun élément prouvant qu’il risquait de prendre la fuite ou de faire obstruction à l’enquête. Le 2 juin 2009, le tribunal régional de Djalal-Abad a annulé la décision du tribunal de district de Suzak de placer l’auteur en détention et a ordonné qu’il soit assigné à résidence. Le 9 juillet 2009, la Cour suprême du Kirghizistan a annulé la décision du tribunal régional de Djalal-Abad et ordonné le placement en détention provisoire de l’auteur. Le 15 juillet 2009, l’auteur a été placé en détention dans un local de détention temporaire.

2.4Le 3 juin 2009, le Bureau du procureur du district de Suzak a ouvert une enquête pénale pour abus de pouvoir au sujet des mauvais traitements infligés à l’auteur par des policiers non identifiés. Deux examens médico-légaux ont été pratiqués et ont l’un et l’autre montré que l’auteur avait subi diverses blessures qui correspondaient à la période au cours de laquelle il était détenu au poste de police du district de Suzak. Le 31 juillet 2009, le Bureau du procureur du district de Suzak a clos son enquête sur les coups et blessures faute d’éléments matériels caractérisant l’infraction. L’affaire a été renvoyée aux services de police du district de Suzak pour un complément d’enquête, mais ceux-ci ont suspendu la procédure le 3 août 2009, les auteurs des faits n’ayant pu être identifiés. L’auteur ayant fait appel de cette suspension auprès du Bureau du Procureur général, le 19 août 2009, le Bureau du procureur de la région de Djalal-Abad a annulé les deux décisions précédentes des autorités du district et rouvert l’enquête pénale sur les coups reçus par l’auteur. Les 16 et 17 octobre 2009, les quatre policiers dont l’auteur avait donné le nom ont été inculpés de coups et blessures, d’abus de pouvoir et d’arrestation illégale sur la personne de l’auteur. L’auteur affirme qu’en raison du temps perdu, les autorités n’ont pu interroger des témoins clefs ni saisir des éléments de preuve importants, comme des traces de sang dans le local où il avait été torturé et sur les vêtements des policiers, lesquels auraient pu être déterminants pour sa cause durant le procès engagé contre ceux-ci.

2.5Le 4 mai 2011, le tribunal du district de Suzak a déclaré les quatre policiers non coupables d’abus de pouvoir, faute de preuves. Pendant le procès, la femme de l’auteur a témoigné avoir vu plusieurs policiers frapper son mari le 18 mai 2009, pendant qu’il se trouvait au poste de police. Néanmoins, le tribunal a considéré qu’il y avait des incohérences dans son témoignage et qu’elle cherchait à couvrir son mari. Deux autres témoins, à savoir le frère de l’auteur et un autre parent, ont attesté que l’auteur leur avait dit, le 18 mai 2009, qu’il avait été battu par la police et que les policiers dont il avait donné le nom avaient ensuite offert de le payer s’il retirait la plainte pour coups et blessures qu’il avait déposée auprès des services du procureur. En ce qui concerne les blessures que présentait l’auteur, le tribunal de première instance a estimé que les conclusions du deuxième examen médico-légal étaient erronées, vu qu’elles contredisaient les circonstances de l’espèce et que cet examen s’appuyait sur les résultats du premier examen et les photos des blessures de l’auteur, et non sur un nouvel examen physique de ce dernier. S’agissant de la détention de l’auteur au poste de police du district de Suzak entre 2 h 40 le 17 mai 2009 et 16 heures le 18 mai 2009, le tribunal a considéré qu’elle était légale compte tenu de l’accident de voiture qu’il avait provoqué peu avant, la police devant réunir l’ensemble des faits et des éléments de preuve. Le 12 août 2011, le tribunal régional de Djalal-Abad a confirmé la décision du tribunal de district de Suzak. Le 8 décembre 2011, la Cour suprême du Kirghizistan a confirmé les décisions du tribunal de district de Suzak et du tribunal régional de Djalal‑Abad.

2.6Le 23 mars 2011, le tribunal de district de Suzak a déclaré l’auteur coupable d’avoir causé la mort de son ami et l’a condamné à neuf ans d’emprisonnement. Bien que l’auteur ait affirmé que ses aveux avaient été obtenus par la torture, le tribunal a retenu ces aveux comme un élément de preuve sur lequel il a fondé sa décision, estimant que la plainte de l’auteur pour torture était une tentative pour s’exonérer de sa responsabilité pénale. Le 14 mai 2011, le tribunal régional de Djalal-Abad a confirmé la décision du tribunal de district de Suzak. Le 12 octobre 2011, la Cour suprême du Kirghizistan a confirmé les décisions du tribunal de district de Suzak et du tribunal régional de Djalal‑Abad. À une date qui n’est pas précisée, l’auteur a été remis en liberté en raison de l’adoption d’une loi d’amnistie générale.

2.7L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que la police l’a torturé pendant sa détention, du 17 au 18 mai 2009, pour le forcer à avouer qu’il avait causé la mort de son ami. L’État partie n’a pas enquêté efficacement sur les circonstances de la détention de l’auteur et du traitement qu’il a subi, ce qui constitue une violation de l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 a) de l’article 2, et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte. Selon l’auteur, les deux examens médico‑légaux ont confirmé que ses blessures lui avaient été infligées durant sa garde à vue, et les conclusions du deuxième examen ont montré qu’elles avaient très probablement été causées par des objets semblables à des matraques de police. Bien que l’auteur ait été retrouvé par le procureur de district dans le sous-sol du poste de police le 18 mai 2009, présentant des blessures confirmées par les comptes rendus de l’hôpital, et qu’il ait donné les noms des quatre policiers qui l’avaient torturé, les autorités nationales n’ont ouvert une enquête officielle pour coups et blessures que le 3 juin 2009, et les auteurs des faits n’ont été inculpés que le 16 octobre 2009. L’auteur indique que son propre procès s’est terminé avant que débute celui des policiers et que le même procureur a officié lors de son procès et de celui des quatre policiers. L’auteur affirme que ce procureur n’a pas pu porter l’accusation contre les policiers en toute impartialité, car si ces derniers avaient été reconnus coupables de coups et blessures et d’extorsion d’aveux, cela aurait entaché la déclaration de culpabilité de l’auteur.

3.2L’auteur affirme que son arrestation, sa détention provisoire et le fait que le juge qui a ordonné sa détention n’a pas examiné la légalité de son arrestation constituent des violations des paragraphes 1, 3 et 4 de l’article 9 du Pacte.

3.3L’auteur affirme en outre que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte en ne désignant aucun conseil pour le représenter avant son déferrement devant le juge le 21 mai 2009, bien qu’il ait été interrogé plusieurs fois entre le 17 et le 21 mai 2009. Il fait valoir que le procès-verbal de son arrestation, daté du 20 mai 2009, a été présenté par la police tant à son procès qu’à celui des quatre policiers. La copie du procès-verbal présentée à son procès contenait une note de l’enquêteur indiquant que son avocat avait refusé de signer le procès-verbal. Or, la copie du même procès-verbal présentée par la police au procès des quatre policiers ne contenait pas cette note de l’enquêteur. Selon l’auteur, une telle différence montre que le procès-verbal de son arrestation a été falsifié et que le 20 mai 2009, il n’avait pas d’avocat.

Défaut de coopération de l’État partie

4.Par des notes verbales en dates des 30 avril 2014, 18 février 2015, 20 novembre 2015 et 5 janvier 2016, le Comité a prié l’État partie de lui faire parvenir des informations et ses observations sur la recevabilité et le fond de la présente communication. Il constate que ces informations ne lui sont pas parvenues et regrette que l’État partie n’ait fait part d’aucune observation sur la recevabilité ou le fond des griefs de l’auteur. Il rappelle que le paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif fait obligation aux États parties d’examiner de bonne foi toutes les allégations portées contre eux et de communiquer au Comité toutes les informations dont ils disposent. En l’absence de réponse de l’État partie, il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur, pour autant qu’elles aient été suffisamment étayées.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

5.3Le Comité prend note des griefs de l’auteur concernant le fait que l’État partie n’a pas désigné de conseil pour le représenter. Il fait toutefois observer que ces allégations ne semblent avoir été formulées à aucun moment au cours des procédures internes. Cette partie de la communication, qui soulève des questions au regard du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte, est en conséquence déclarée irrecevable parce que tous les recours internes n’ont pas été épuisés comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

5.4Le Comité prend aussi note des griefs que l’auteur tire de l’article 9 du Pacte. Il considère cependant que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.5De l’avis du Comité, l’auteur a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs qu’il tire de l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 a) de l’article 2, et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte. Il déclare donc ces griefs recevables et procède à leur examen au fond.

Examen au fond

6.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

6.2Le Comité prend note des affirmations de l’auteur selon lesquelles pendant sa détention du 17 au 18 mai 2009, quatre policiers l’ont torturé et l’ont contraint à avouer avoir renversé son ami, et l’État partie n’a pas enquêté efficacement sur ses allégations de torture. À cet égard, le Comité note que l’auteur fait un compte rendu détaillé des différentes formes de torture auxquelles il a été soumis et qu’il a donné le nom des policiers qui les lui ont infligées. Le Comité constate également que les copies des comptes rendus des examens médico-légaux ont confirmé que l’auteur avait subi diverses blessures, dont l’apparition coïncidait avec sa période de détention au poste de police du district de Suzak. Il fait observer que bien que les juridictions internes aient jugé erronées les conclusions du deuxième examen médico-légal, qui répondaient de manière extrêmement détaillée aux questions concernant le moment où l’auteur avait subi les blessures, la gravité de celles-ci et leur cause, elles n’ont apporté aucune explication quant à l’origine des blessures en question.

6.3Le Comité rappelle qu’un État partie est responsable de la sécurité de toute personne placée en détention et que, lorsqu’un détenu présente des lésions, il incombe à l’État partie de produire des éléments de preuve exonérant l’État de toute responsabilité. Le Comité a affirmé à plusieurs reprises qu’en pareil cas la charge de la preuve ne saurait incomber uniquement à l’auteur de la communication, d’autant que l’État partie est souvent le seul à disposer des renseignements voulus. En l’absence de toute observation de l’État partie réfutant les allégations de l’auteur, il considère qu’il convient de leur accorder le crédit voulu.

6.4Quant à l’obligation qu’a l’État partie de faire procéder à une enquête en bonne et due forme sur les allégations de torture formulées par l’auteur, le Comité renvoie à sa jurisprudence, dont il ressort qu’une enquête pénale suivie de poursuites est indispensable pour remédier aux violations de droits de l’homme tels que ceux qui sont protégés par l’article 7 du Pacte. Le Comité rappelle également que les plaintes faisant état de mauvais traitements infligés en violation de l’article 7 doivent faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales de l’État partie afin de rendre les recours efficaces. En l’espèce, le Comité note que le 18 mai 2009, l’auteur a déposé une plainte auprès des services du procureur du district de Suzak contenant des allégations de torture, a immédiatement donné les noms de tous les auteurs des faits et a vu ses blessures faire l’objet d’un examen médical dès le lendemain. Malgré cela, et bien que le deuxième examen médico-légal ait conclu que les blessures avaient très probablement été causées par des matraques de police ou des objets similaires au moment où l’auteur se trouvait en garde à vue, le Bureau du procureur du district de Suzak et les services de police du district de Suzak ont décidé de clore l’enquête, en se fondant sur l’absence d’éléments matériels caractérisant l’infraction et sur le fait que les auteurs des faits n’avaient pu être identifiés. Le Comité relève que bien que l’enquête officielle sur les allégations ait débuté le 3 juin 2009, les auteurs des faits n’ont été inculpés que le 16 octobre 2009. À cet égard, le Comité note que selon l’auteur, en raison du temps perdu pour l’ouverture de l’enquête et l’inculpation, les autorités n’ont pas saisi certains éléments de preuve importants, comme des traces de sang dans le local où il avait été torturé et sur les vêtements des policiers, qui auraient pu être déterminants durant le procès engagé contre ceux-ci.

6.5Le Comité fait observer que lors du procès de l’auteur, bien que celui-ci ait affirmé que ses aveux avaient été obtenus par la torture, le tribunal a considéré que ces aveux ne lui avaient pas été extorqués et que sa plainte pour torture était une stratégie de défense visant à l’exonérer de sa responsabilité pénale. En conséquence, au moment où a débuté le procès des quatre policiers, le tribunal de district de Suzak s’était déjà prononcé sur la manière dont les aveux de l’auteur avaient été obtenus. Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur selon laquelle le même procureur ayant officié dans les deux procès, il ne pouvait porter l’accusation contre les policiers en toute impartialité, car si ces derniers avaient été reconnus coupables de coups et blessures et d’extorsion d’aveux, cela aurait entaché la déclaration de culpabilité de l’auteur. Compte tenu de l’ensemble des observations qui précèdent, et étant donné que l’État partie n’a fourni aucune explication, le Comité conclut que l’État partie n’a pas procédé à une enquête efficace sur les allégations de torture de l’auteur et que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que l’auteur tient de l’article 7 du Pacte, seul et lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2. Considérant que l’État partie n’a pas fourni d’explication concernant l’extorsion d’aveux, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte.

7.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits garantis à l’auteur par l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, et par le paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte.

8.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En l’espèce, l’État partie est tenu, entre autres : a) d’annuler la déclaration de culpabilité de l’auteur ; b) de mener une enquête approfondie et efficace sur les allégations de torture de l’auteur et, si celles-ci sont confirmées, de poursuivre, de juger et de punir les responsables ; c) d’accorder à l’auteur une indemnisation adéquate. L’État partie est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.