Nations Unies

CCPR/C/129/D/2890/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 décembre 2020

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2890/2016 * , **

Communication présentée par :

M. R. S. (représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Espagne

Date de la communication :

26 avril 2016

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 7 décembre 2016 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

23 juillet 2020

Objet :

Droit à la présomption d’innocence ; droit à une procédure régulière ; droit de saisir une juridiction du second degré

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; défaut de fondement des griefs

Question(s) de fond :

Droit de faire réexaminer une décision de justice ; droit à la présomption d’innocence ; droit à une procédure régulière ; droit d’être jugé par un tribunal compétent, indépendant et impartial

Article(s) du Pacte :

14 (par. 1, 3 b) et 5)

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

1.L’auteur de la communication est M. R. S., de nationalité marocaine, né le 10 août 1983. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 avril 1985.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 8 janvier 2014, l’auteur a été arrêté par la police de manière violente et déféré devant la première chambre d’instruction de Jaén pour avoir commis sept infractions de vol avec violences ou menaces entre décembre 2013 et janvier 2014 (vols avec violences de petites sommes d’argent d’un montant de 22 à 40 euros et de téléphones portables, avec, dans un cas, blessure de la victime par arme blanche).

2.2Le 11 janvier 2014, un journal local a publié en première page un compte-rendu des faits, accompagné d’une photo de l’auteur menotté et escorté par un policier.

2.3Le 15 janvier 2014, l’auteur a demandé à la première chambre d’instruction d’ordonner, dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte contre lui à la suite des plaintes des victimes des vols, les cinq mesures suivantes : la recherche d’empreintes digitales sur les sacs de trois victimes, la communication de l’enregistrement vidéo d’un distributeur automatique de billets, l’organisation d’une parade d’identification, l’organisation, à l’intention des victimes présumées, d’une séance de reconnaissance vocale et la localisation de J. M. qui, selon l’auteur, présente une grande ressemblance physique avec lui et serait le véritable auteur des infractions. Le tribunal a rejeté quatre de ces demandes et fait droit à celle concernant l’organisation d’une parade d’identification. Les demandes de recherche d’empreintes digitales et de séance de reconnaissance vocale ont été rejetées en raison du temps écoulé depuis les faits ; la demande de communication des enregistrements vidéo d’un distributeur automatique a été rejetée au motif que ces enregistrements concernaient des faits relevant d’une autre affaire ; quant à la requête visant à localiser J. M., elle a été rejetée afin d’éviter toute violation des droits de la défense de l’intéressé, faute d’éléments permettant de le mettre en cause. Selon l’auteur, J. M. aurait « fuit en Belgique après avoir commis les infractions ».

2.4Les 19 et 22 janvier 2014, lors d’une audition au commissariat de la Police nationale, Y. R. a indiqué avoir acheté à J. M., à la fin de 2013 et au début de 2014, trois téléphones portables dont il savait qu’ils étaient volés.

2.5Le 6 février 2014, la première chambre a ordonné l’ouverture d’une procédure abrégée contre l’auteur pour sa participation à sept infractions de vol avec violences ou menaces, dont une tentative de vol, à une infraction de coups et blessures et à quatre infractions de voies de fait. L’auteur a formé devant cette même chambre un recours en révision et un recours subsidiaire en appel contre cette décision. Il affirme que son droit à la défense a été violé étant donné que l’enquête préliminaire n’a duré que seize jours, délai qui ne lui a pas permis de préparer convenablement sa défense, le tribunal ayant refusé de faire droit à sa demande visant à ce que certaines mesures soient prises pendant la phase d’instruction. L’auteur a en outre demandé qu’il soit donné suite au refus d’accorder ces mesures. Le 24 février 2014, la première chambre a rejeté le recours en révision formé par l’auteur, considérant que la conclusion de la phase d’instruction ne l’avait pas privé de défense, cette phase ayant pour objet de déterminer l’existence ou l’absence de charges suffisantes et non d’établir l’innocence ou la culpabilité du mis en cause, et que les mesures demandées et rejetées durant cette phase pourraient à nouveau être sollicitées en vue de l’audience. Par la même ordonnance, la chambre a accueilli l’appel devant l’Audiencia Provincial de Jaén. Le 19 mars 2014, l’Audiencia Provincial a rejeté le recours formé par l’auteur contre les décisions rendues par la première chambre les 6 et 24 février 2014.

2.6Le 5 mars 2014, l’auteur a présenté un mémoire de défense dans lequel il demandait que soit pris en compte le témoignage de son épouse, qui attestait qu’il se trouvait à son domicile au moment des faits. Dans ledit mémoire, l’auteur demandait également que soient prises les mesures suivantes : une enquête sur la divulgation de son casier judiciaire sur les réseaux sociaux, la communication de l’enregistrement vidéo d’un distributeur automatique de billets et des enregistrements de vidéosurveillance de plusieurs banques, et la prise en compte d’actes accomplis dans le cadre d’autres affaires. L’audience a eu lieu le 19 juin 2014. Le 20 juin 2014, la première chambre a déclaré l’auteur coupable d’une infraction de vol avec violences ou menaces, de cinq infractions de vol avec violences et usage d’armes, d’une infraction de tentative de vol avec violences ou menaces, d’une infraction de coups et blessures et de quatre infractions de voies de fait, et l’a condamné à une peine totale de vingt‑cinq ans d’emprisonnement, ramenée à une durée maximale de douze ans. L’auteur a fait appel de ce jugement devant l’Audiencia Provincial de Jaén.

2.7Le 8 septembre 2014, l’Audiencia Provincial a rejeté l’appel interjeté par l’auteur.

2.8Le 21 octobre 2014, l’auteur a déposé un recours en amparo auprès du Tribunal constitutionnel, pour atteinte à son droit à une protection judiciaire effective, au droit d’utiliser les moyens appropriés pour sa défense et au droit à la présomption d’innocence, qui sont reconnus à l’article 24 de la Constitution. Le 11 mars 2015, le Tribunal constitutionnel a débouté l’auteur, au motif qu’il n’avait pas démontré la dimension constitutionnelle du recours, ainsi que l’exige l’article 49 (par. 1) de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel.

2.9Le 20 août 2015, l’auteur a saisi la Cour européenne des droits de l’homme. Le 7 septembre 2015, le greffe a renvoyé la requête à l’auteur, l’informant que la Cour n’était pas en mesure d’examiner ses griefs au motif que l’exposé des faits dépassait la limite (trois pages) fixée par l’article 47 (par. 2 b)) de son règlement intérieur.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme être victime d’une violation de l’article 14 du Pacte, au motif que la rapidité avec laquelle a été conduite l’instruction, qui n’a duré que seize jours, a porté atteinte à son droit de préparer convenablement sa défense.

3.2L’auteur affirme également que la procédure pénale ouverte contre lui était arbitraire. Il a été déclaré coupable essentiellement sur la base d’une identification photographique effectuée de manière irrégulière par la police. L’auteur indique qu’il a été arrêté et inculpé par erreur pour des infractions commises en réalité par J. M., qui lui ressemble beaucoup physiquement. Cette erreur serait due au fait que les victimes présumées l’ont reconnu comme l’auteur des infractions sur la base d’une photographie d’identité judiciaire prise en 2007 et non sur la base d’une photographie récente. L’auteur affirme que la police aurait divulgué cette photographie sur les réseaux sociaux, en même temps que son casier judiciaire, afin que les victimes le reconnaissent comme l’auteur des infractions. En outre, les victimes ont confirmé que la photographie d’identité judiciaire de 2007 et la photographie prise deux jours après son arrestation en janvier 2014 étaient, « sans l’ombre d’un doute », celles d’une seule et même personne. L’auteur soutient que son apparence physique est sensiblement différente dans ces deux photographies et voit dans la détermination des victimes à reconnaître une seule et même personne, malgré les différences notables que ces photographies présentaient, la marque de l’ascendant pris par la police sur les victimes ou de l’influence qu’elle a exercée sur elles. En outre, tout au long du procès, l’auteur a été masqué à la vue des victimes par un panneau, dont l’installation n’était pas justifiée étant donné qu’il n’y avait, dans cette procédure, aucun témoin protégé. Par ailleurs, deux des vols attribués à l’auteur ont été commis dans des lieux différents à quinze minutes d’intervalle. À cet égard, l’auteur soutient qu’il n’était pas possible de se rendre à pied d’un endroit à l’autre en quinze minutes. Dans son jugement, le Tribunal de première instance a rejeté cet argument, une telle distance pouvant, selon « Google Maps », parfaitement être parcourue à pied en quinze minutes.

3.3Les autorités judiciaires ont arbitrairement rejeté sa demande de mesures d’instruction, dont l’exécution aurait permis d’apporter des preuves à décharge décisives. En outre, J. M., l’auteur des faits, n’a pas fait l’objet d’une enquête. L’auteur affirme que la police a refusé d’enquêter sur toute hypothèse qui n’aurait pas visé à établir sa culpabilité. Il fait valoir que pour d’autres vols qui ont eu lieu à la même période, aucun lien n’a été établi avec son affaire parce qu’il n’avait pas été reconnu par les victimes, alors que, selon lui, tous ces vols avaient été commis par la même personne, à savoir J. M. Il soutient que s’il avait eu plus de temps pour préparer sa défense, il aurait pu citer ces victimes comme témoins à décharge. D’après lui, ce traitement arbitraire est dû à une discrimination en raison de son origine arabe.

3.4L’auteur affirme que les victimes ont été influencées par l’article publié le 11 janvier 2014 dans le journal local, qui a renforcé la conviction de ceux qui l’avaient reconnu.

3.5L’auteur affirme qu’il n’a pas pu faire examiner par une instance supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées par la première chambre pénale. Le ministère public, qui s’est opposé à son recours devant l’Audiencia Provincial, a estimé qu’il n’était pas possible dans une procédure en appel de mettre en cause la crédibilité des témoins, sauf dans les situations manifestement arbitraires. Cela montre, selon l’auteur, qu’une telle procédure ne peut pas être considérée comme un contrôle juridictionnel du jugement et de la condamnation.

3.6L’auteur affirme que les peines prononcées contre lui (vingt-cinq ans d’emprisonnement, ramenés à douze ans) sont inhumaines, discriminatoires et disproportionnées par rapport aux infractions commises, étant donné que certains homicides avec circonstances atténuantes sont passibles de seulement six années d’emprisonnement.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale datée du 7 juin 2017, l’État partie fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication. Il affirme que la communication est irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif au motif que les griefs sont insuffisamment étayés et renvoient de manière abstraite à l’article 14 sans préciser en quoi les dispositions dudit article ont été violées.

4.2L’État partie fait observer que l’auteur se contente d’indiquer que l’enquête pénale a été brève, sans développer plus avant ce grief, et affirme que cette célérité est conforme à l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 14 (par. 3 c)).

4.3En ce qui concerne les griefs relatifs à la non-validité de séances de reconnaissance sur photographie, l’État partie renvoie aux jugements rendus en première instance et en appel dans lesquels la validité de ces séances et des parades d’identification est examinée. En outre, le jugement de première instance établit qu’une seule des victimes avait vu la photographie d’identification judiciaire de l’auteur divulguée dans la presse et sur les réseaux sociaux.

4.4L’État partie précise que la demande soumise en vue d’obtenir les images filmées par la caméra d’un distributeur automatique a été rejetée car ces images concernaient une infraction pour laquelle une autre enquête était menée, dans le cadre d’une procédure différente de celle faisant l’objet de la présente communication. En outre, lors de l’audience et des questions préliminaires, l’auteur s’est contenté de réitérer sa demande, qui a été accueillie par le tribunal, tendant à ce que le témoignage de son épouse soit pris en compte, et n’a pas évoqué les autres éléments de preuve.

4.5En ce qui concerne l’utilisation de « Google Maps » pour calculer le temps de parcours entre les deux lieux où l’auteur était accusé d’avoir commis des vols au cours de la même soirée, l’État partie assure qu’il ressort, à la lecture du jugement, que cette mention est purement accessoire, étant donné que sept victimes ont identifié l’auteur sans l’ombre d’un doute.

4.6L’État partie affirme que si l’individu identifié comme J. M. n’a pas fait l’objet d’une enquête, c’est parce qu’aucun élément ne permettait de le relier aux infractions. En particulier, les téléphones portables qui auraient été vendus par J. M. n’ont pas été reconnus par les victimes des vols comme leur appartenant et étaient donc sans rapport avec les infractions en cause.

4.7L’État partie indique qu’aux termes de l’article 707 de la Loi de procédure criminelle, les victimes ont droit à ce que des mesures soient prises pour leur éviter tout contact visuel avec l’auteur présumé des faits. En l’espèce, un panneau de séparation a été installé à la demande des victimes. En outre, la défense n’a pas demandé que l’accusé soit reconnu par les victimes lors de l’audience et ne s’est pas plainte de la présence du panneau de séparation.

4.8L’État partie fait valoir que le droit à la présomption d’innocence a en permanence été respecté et que l’auteur a été reconnu coupable par un jugement dûment motivé, qui a été examiné par une instance supérieure et rendu à l’issue d’une procédure au cours de laquelle sept victimes l’ont identifié. En ce qui concerne la peine de vingt-cinq ans d’emprisonnement ramenée à une durée maximale de douze ans, il souligne que l’auteur n’a pas précisé les raisons pour lesquelles il considère cette peine disproportionnée par rapport aux infractions commises, à savoir deux vols avec violences ou menaces, dont un avec armes, cinq vols avec menaces, une infraction de coups et blessures et quatre infractions de voies de fait.

4.9L’État partie considère que l’auteur n’a étayé aucun de ses griefs, qui consistent en de simples reproches qui ne sont même pas corroborés par les pièces soumises à titre de preuve, et qui, par conséquent, sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif. À titre subsidiaire, l’État partie considère que la communication ne révèle aucune violation de l’article 14 du Pacte, pour les motifs susmentionnés.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Les commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication ont été reçus le 5 septembre 2017. L’auteur y décrit son affaire comme un exemple typique du dysfonctionnement total du système judiciaire dans l’État partie.

5.2L’auteur répète les griefs qu’il a déjà exposés dans la lettre initiale et affirme qu’il a amplement motivé chacun d’entre eux. Il réaffirme que les séances de reconnaissance sur photographie ont été biaisées puisque les victimes qui ne l’ont pas reconnu ont été écartées de la procédure et orientées vers d’autres affaires. L’auteur joint un avis d’expert daté du 3 novembre 2015 qui conclut à l’existence d’importantes différences physionomiques entre la photographie de 2007 et celle de 2014 et à un certain nombre de coïncidences physionomiques entre ses photographies et celles de J. M.

5.3L’auteur répète que la rapidité avec laquelle la phase d’instruction a été conclue l’a privé de défense et révèle une présomption de culpabilité à son égard, et qu’il a été mis fin prématurément à l’enquête afin qu’aucun élément de preuve à charge ne puisse être découvert. Selon lui, la présomption d’innocence n’est pas respectée par la grande majorité des juges de l’État partie, qui exercent leurs fonctions de manière arbitraire.

5.4L’auteur affirme que la divulgation de son casier judiciaire entraîne non seulement une atteinte à son droit à la présomption d’innocence, mais constitue également une violation des droits qu’il tient de l’article 17 (par. 1) du Pacte.

5.5En ce qui concerne le rejet de sa demande tendant à obtenir la communication de l’enregistrement vidéo d’un distributeur automatique, l’auteur déclare que cette pièce a été rattachée à une autre affaire précisément parce qu’il aurait été possible de reconnaître en J. M. l’auteur de l’infraction en question, et donc aussi de toutes les autres infractions. En outre, il précise qu’il n’a pas renouvelé cette demande en vue de l’audience car il n’était pas possible de solliciter, dans ce contexte, une mesure qui avait déjà été refusée précédemment par la juridiction supérieure, l’Audiencia Provincial.

5.6L’auteur soutient que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, les victimes ont bel et bien reconnu les téléphones portables vendus par J. M. comme leur appartenant mais que malgré cela, celui-ci n’a fait l’objet d’aucune enquête visant à déterminer s’il était l’auteur des faits.

5.7Le 26 avril 2019, l’auteur a transmis un avis de la Commission d’éthique judiciaire concernant l’utilisation d’informations extrajudiciaires. Il y est dit, entre autres, que les juges ne devraient pas rechercher sur Internet des informations sur les parties, leurs avocats ou l’objet du litige.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité constate que l’auteur a présenté une requête fondée sur les mêmes faits à la Cour européenne des droits de l’homme et rappelle que, lorsque l’Espagne a ratifié le Protocole facultatif, elle a émis une réserve par laquelle elle a exclu la compétence du Comité concernant toute question en cours d’examen ou déjà examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note que, par une lettre datée du 7 septembre 2015, l’auteur a été informé que sa plainte ne pouvait pas être examinée étant donné que le formulaire de requête ne réunissait pas les conditions de forme requises. Le Comité renvoie à sa jurisprudence relative à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif et rappelle que, lorsque la Cour européenne déclare une requête irrecevable, non seulement pour vice de forme, mais aussi pour des motifs reposant, dans une certaine mesure, sur un examen au fond, il est considéré que la question a déjà été examinée au sens des réserves audit article. En l’espèce, le Comité note que la Cour européenne a simplement déclaré que la requête ne remplissait pas les conditions de forme requises. En conséquence, il considère que la question soumise par l’auteur n’a pas été examinée au fond, fût-ce superficiellement, et il conclut que l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif ne constitue pas un obstacle à la recevabilité de la communication.

6.4Le Comité note que l’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 14 du Pacte en ce que la rapidité avec laquelle a été menée l’instruction, qui n’a duré que seize jours, a porté atteinte à son droit de préparer convenablement sa défense et que la procédure pénale à son égard a été arbitraire. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs au regard de l’article 3 du Protocole facultatif. Il prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle la rapidité avec laquelle la phase d’instruction a été conclue l’a privé de défense, puisqu’il n’a pas pu préparer correctement celle-ci. À cet égard, l’État partie fait valoir que la célérité de l’instruction protège les droits que l’auteur tire de l’article 14 (par. 3 c)). Le Comité note également que l’Audiencia Provincial de Jaén a souligné que la phase d’instruction avait pour but de déterminer l’existence ou l’absence de charges suffisantes, et non d’établir l’innocence ou la culpabilité du mis en cause, et que l’auteur a pu présenter des éléments à décharge en vue de l’audience, qui s’est tenue le 19 juin 2014. Il note que l’auteur a été arrêté le 8 janvier 2014, que la première chambre a ordonné, le 6 février, l’ouverture d’une procédure abrégée contre l’auteur pour sa participation à diverses infractions, que l’Audiencia Provincial a rejeté, le 19 mars, le recours formé par l’auteur contre les décisions de la première chambre, que l’auteur a déposé, le 5 mars, un mémoire en défense, que l’audience a eu lieu le 19 juin et que l’auteur a été reconnu coupable par le tribunal le 20 juin. L’auteur a donc eu six mois pour préparer sa défense. Compte tenu des informations dont il dispose, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, son grief selon lequel la durée de la phase d’instruction, à savoir seize jours, l’aurait privé de défense, et le déclare irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité note que l’auteur affirme que des policiers auraient divulgué son dossier à la presse et aux réseaux sociaux pour lui imputer les infractions reprochées, et ce en raison d’une discrimination à son égard du fait de son origine ethnique. Il note également que, bien que l’État partie soit tenu de garantir le respect de la présomption d’innocence, l’auteur n’avance aucun fait précis qui donnerait à penser que la police de l’État partie a pris des mesures visant à l’incriminer ou qu’elle ait réservé un traitement différent à des affaires du même type. Il relève en outre que l’auteur n’a saisi les autorités nationales d’aucune plainte concernant ces griefs. Par conséquent, le Comité déclare que ces griefs sont irrecevables pour non-épuisement des recours internes conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Le Comité note que l’auteur formule de nombreuses allégations selon lesquelles les autorités judiciaires auraient agi de manière arbitraire à son égard, en le déclarant coupable sur la base d’actes d’identification photographique menés de manière irrégulière, en écartant du dossier certains faits à décharge, en acceptant des témoignages qui auraient été manipulés ou déformés, en rejetant des éléments à décharge, en utilisant des outils en ligne qui n’auraient pas été vérifiés, en lui imposant une peine disproportionnée et en installant, pour la durée de l’audience, un panneau afin de le séparer des victimes, tout cela de manière arbitraire. Le Comité rappelle que, selon sa jurisprudence constante, il appartient en principe aux organes de l’État partie d’apprécier les faits et les preuves dans un cas d’espèce, ou l’application de la législation nationale, sauf s’il peut être établi que cette appréciation ou application a été manifestement arbitraire ou entachée d’irrégularités ou a représenté un déni de justice. Le Comité a examiné les éléments présentés par l’auteur, y compris la décision de l’Audiencia Provincial de Jaén qui s’est penchée sur les griefs qu’il avait formulés à ce sujet, à l’exception de l’installation d’un panneau de séparation qui n’a pas été contestée, et a apprécié de manière détaillée la validité des éléments à charge. En particulier, l’Audiencia a expliqué que les résultats des reconnaissances sur photographie avaient ensuite été corroborés par ceux des parades d’identification, au cours desquelles toutes les garanties avaient été respectées, et a motivé de façon détaillée la décision validant les témoignages, indiquant que toutes les victimes, sauf une, avaient affirmé n’avoir eu aucune connaissance des informations publiées dans la presse ou sur les réseaux sociaux. L’Audiencia Provincial a conclu que les éléments à charge, obtenus dans le respect des garanties légales, étaient suffisants pour l’emporter sur le principe de la présomption d’innocence, déclarer l’auteur coupable des infractions et le condamner à une peine de vingt-cinq ans d’emprisonnement ramenée à une durée maximale de douze ans. Le Comité considère que les informations fournies par les parties tout au long de la procédure ne lui permettent pas de conclure que les juridictions nationales ont apprécié les éléments de preuve ou interprété la législation nationale de manière arbitraire et que, ayant vérifié que les décisions prises étaient précisément motivées et cohérentes, il ne lui appartient pas d’intervenir plus avant. Il considère par conséquent que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses allégations et conclut que les griefs selon lesquels les autorités judiciaires auraient agi de manière arbitraire sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif. En outre, le Comité note que l’auteur n’a pas contesté l’installation d’un panneau de séparation au moment de l’audience, et considère par conséquent qu’il n’a pas épuisé les recours internes concernant ce grief et que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.7Le Comité note que l’auteur soutient qu’il n’a pas pu faire examiner par une instance supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation dont il a fait l’objet, le ministère public ayant lui-même affirmé qu’il n’était pas possible de remettre en cause la validité des témoignages. Il note également que l’auteur a fait appel du jugement de la première chambre pénale de Jaén devant l’Audiencia Provincial de Jaén, qui a apprécié la valeur probante des déclarations des victimes, ainsi que tous les griefs exposés par l’auteur dans son recours. Il considère par conséquent que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, l’allégation selon laquelle il n’aurait pas pu faire examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation dont il a fait l’objet et déclare celle-ci irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2 et 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.