Nations Unies

CEDAW/C/FJI/CO/4/Add.1

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

2 août 2012

Français

Original: anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Cinquante-troisième session

1er-19 octobre 2012

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Fidji

Additif

Renseignements communiqués par le Gouvernement de la République des Fidji sur la suite donnée aux observations finales du Comité (CEDAW/C/FJI/CO/4) *

Table des matières

Page

1.Introduction3

2.Aperçu du contenu du rapport3

3.Le processus de révision de la Constitution3

4.Participation des femmes4

5.État de droit5

6.Indépendance de l’autorité judiciaire10

a.Nominations11

b.Sécurité d’emploi12

c.Publication des décisions12

d.Tenue des audiences en public13

e.Code déontologique de la profession et sanctions en cas de manquement13

f.Gestion au cas par cas13

g.Formation des magistrats13

7.Commission des services judiciaires13

8.Égalité des sexes et réforme constitutionnelle15

9.Principe de l’égalité des sexes17

10.Respect des dispositions19

11.Élections libres20

12.Élections régulières d’ici à 201422

13.Conclusion23

1.Introduction

1.1Le présent rapport fait suite aux observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sur les obligations des Fidji découlant de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et porte sur la recommandation suivante formulée en juillet 2010 par le Comité au sujet du rapport unique des Fidji valant deuxième à quatrième rapports périodiques:

«11.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures immédiates, claires et crédibles pour adopter une nouvelle Constitution dans le cadre d’un processus de collaboration permettant la pleine participation des femmes et pour rétablir pleinement l’État de droit et l’indépendance de l’autorité judiciaire, notamment en rétablissant la Commission des services judiciaires. Le Comité invite l’État partie à tenir dès que possible des élections libres et justes. Conformément à sa recommandation antérieure, le Comité encourage l’État partie à faire en sorte que le processus de révision constitutionnelle aboutisse à consacrer dans la Constitution le principe de l’égalité entre hommes et femmes, conformément à l’article 2 de la Convention, à donner une définition de la discrimination à l’égard des femmes et à inclure une procédure claire pour faire respecter leurs droits fondamentaux, conformément à l’article premier de la Convention».

2.Aperçu du contenu du rapport

2.1Le présent rapport comporte dix parties. La première est consacrée à la question du processus de révision de la Constitution et aux mesures envisagées en faveur d’une réforme constitutionnelle. La deuxième porte sur la garantie de la participation pleine et effective des femmes au processus de réforme constitutionnelle. La troisième présente les mesures prises pour renforcer l’état de droit, et la quatrième celles prises pour renforcer l’indépendance de l’appareil judiciaire aux Fidji. La cinquième donne suite à la recommandation tendant au rétablissement de la Commission des services judiciaires. La sixième porte sur les mesures prises pour garantir que la réforme judiciaire et constitutionnelle inclura le principe de l’égalité des sexes. La septième est consacrée à la définition de la discrimination à l’égard des femmes, justifiée ou non, directe ou indirecte. La huitième donne suite à la recommandation tendant à la mise en place d’une procédure claire pour faire respecter les dispositions relatives à la discrimination sexiste. La neuvième porte sur la question des élections libres, et la dixième sur celle des élections justes, du délai requis pour garantir que les élections qui se tiennent aux Fidji sont libres et justes, et qu’elles prévoient la libre participation des hommes et des femmes, citadins et ruraux, riches et pauvres, alphabétisés et analphabètes.

3.Le processus de révision de la Constitution

3.1Le processus de révision de la Constitution doit débuter en 2012. Toutefois, il est prévu que ce processus repose sur la Charte du peuple pour le changement, la paix et le progrès, et sur la Feuille de route pour la démocratie et le développement socioéconomique durable pour 2009-2014. Le processus visant à garantir la participation effective des femmes devrait également s’appuyer sur les stratégies employées pour garantir que la consultation publique sur la Charte du peuple pour le changement, la paix et le progrès a été valable et représentative.

3.2Le Conseil consultatif national sur la Charte du peuple surveille la mise en œuvre de la Feuille de route pour la démocratie et le développement socioéconomique. Cadre pour l’édification d’un consensus national sur les questions de développement, il a également dispensé des conseils sur un processus de dialogue, de consultation et de sensibilisation propre à garantir la mise au point d’un cadre constitutionnel représentatif.

3.3Le Ministère de la protection sociale, de la condition féminine et de la lutte contre la pauvreté doit, en partenariat avec des groupes de la société civile, mettre en place 20 centres pour femmes dans le pays. Ces centres seront aussi utilisés pour le processus de consultation du mécanisme de révision de la Constitution.

4.Participation des femmes

4.1Par le passé, la dimension patriarcale de la société fidjienne a véritablement fait obstacle à la participation effective des femmes, tout comme l’existence de barrières culturelles, qui empêche les femmes de faire entendre leur voix de sorte que les pressions culturelles, religieuses et familiales soient atténuées. Durant les processus de 1995 et 1996 de révision de la Constitution, à la suite desquels le texte de la Constitution de 1997 a été établi, la participation des femmes a été décevante. Certes, les organisations de femmes et les femmes faisant partie de l’élite étaient représentées, mais aucun processus véritable n’a alors garanti que ces femmes s’exprimaient vraiment au nom des femmes fidjiennes.

4.2Grâce au processus de consultation sur la Charte, on a bel et bien tenté, avec une certaine réussite, d’éviter les écueils inhérents à la seule consultation des femmes faisant partie de l’élite, mettant plutôt en place de nouveaux modes de consultation au niveau local permettant de consulter les femmes de milieu traditionnel, vivant dans les zones urbaines défavorisées et appartenant à tous les groupes confessionnels et culturels. Le but était de traverser les couches supérieures de la société (l’élite), qui ne représentaient pas l’ensemble des vues de la population féminine du pays, et de concevoir des stratégies permettant de consulter les groupes de femmes informels et jusque-là non reconnus.

4.3Ainsi, à l’échelle des villages, les modèles culturels n’ont pas toujours permis aux femmes de se faire entendre. Souvent, de manière informelle, l’infirmière du village s’exprimera au nom des habitantes. Sur le plan formel, ce sont généralement les hommes plus âgés qui véhiculent ce que les femmes ont à dire. Durant le processus de consultation sur la Charte, cette méthode traditionnelle de consultation des populations vivant dans les villages a été adaptée de façon à permettre de solliciter les vues de groupes distincts de femmes. Le résultat a été à la hauteur des attentes: les femmes se sont senties plus à l’aise pour parler aux représentants du groupe de consultation sur la Charte, hors de la présence des hommes du village, et elles ont souvent fait part de perspectives et de points de vue différents de ceux des hommes du village. Il est également apparu clairement que les groupes de femmes, souvent menés par des femmes appartenant à l’élite, ne s’exprimaient pas au nom des femmes vivant dans les villages, habitant les bidonvilles ou encore les zones urbaines fortement peuplées. Cela ne diminue en rien la valeur des contributions des différentes représentantes de groupes de femmes jusque-là, qui ont au moins garanti que les femmes pouvaient faire entendre leur voix. Toutefois, il est temps d’œuvrer à une contribution des femmes qui soit plus représentative.

4.4Pour garantir la participation véritable et effective des femmes au processus d’élaboration de la Constitution, il est donc envisagé d’adopter la stratégie de consultation en place pour la Charte du peuple. De façon indirecte, l’adoption, pour la consultation des femmes, de mécanismes informels qui contournent les voies protocolaires ancrées dans la culture, dont certaines n’autorisent pas les femmes à s’exprimer, pourrait bien aboutir à l’adaptation utile des traditions et pratiques culturelles des Fidji, respectant en cela les obligations des Fidji au titre de la Convention.

4.5Il sera également tenu compte de la suggestion tendant à ce que, lors de la sélection d’un jury pour le processus de révision de la Constitution, une femme au moins, soit 30 % des membres, fasse partie du jury, et que l’ensemble des membres du jury, hommes et femmes confondus, soient au fait des questions de genre.

4.6Le pilier 1 de la Charte du peuple requiert d’assurer «une démocratie durable et une bonne gouvernance». Les principes auxquels les Fidji sont attachées sont les suivants: un système électoral équitable et représentatif, le renforcement de la sécurité nationale, la réduction notable du risque de coup d’État, la définition du rôle des Forces armées de la République des Fidji, la garantie du fonctionnement effectif de l’état de droit, l’amélioration de la réponse apportée aux questions de maintien de l’ordre et de respect de la loi, la mise en place d’une culture de la gouvernance démocratique, le renforcement de la responsabilisation du secteur public et de la participation à la gouvernance, l’entretien d’un cadre efficace de lutte contre la corruption, la création d’organes de presse libres et responsables qui contribuent à la bonne gouvernance et au développement national, et le renforcement du contrôle parlementaire.

5.État de droit

5.1L’état de droit aurait à voir avec l’égalité devant la loi. Il revêt deux dimensions: premièrement, chacun est soumis à la loi (le Roi étant soumis à Dieu et à la loi) et, deuxièmement, la loi doit être appliquée de la même façon pour tous. Cette conception a évolué avec la jurisprudence dans les pays de common law en raison du fait incontournable que les sociétés sont porteuses d’inégalités et qu’un traitement «égal» appliqué aux personnes défavorisées aboutit souvent à l’aggravation de leur situation.

5.2La discrimination positive n’est donc pas forcément un exemple d’inégalité. Elle peut être employée pour imposer un accès égal à la justice à ceux qui n’en ont pas bénéficié. Donc, lorsqu’on aborde la question de l’état de droit, il importe de débattre de l’inégalité dans l’accès aux tribunaux, de la justice dans les rapports entre hommes et femmes et des liens entre pauvreté et inégalité des sexes dans le système judiciaire. Il est nécessaire de débattre des réformes de la Commission de l’aide judiciaire, qui représente les pauvres et qui, jusqu’en 2007, a été dotée par le Gouvernement d’un budget largement insuffisant. Il faut débattre des réformes judiciaires visant à supprimer la discrimination sexiste systémique, notamment de l’abolition de la loi sur le privilège du conjoint et sur les antécédents sexuels. Il est nécessaire de débattre de la mise à disposition des pauvres, dans les zones rurales, et des femmes et des enfants, de services judiciaires efficaces et rapides. Dans le rapport sur le développement humain intitulé «Power, Voices and Rights − A Turning Point for Gender Equality in Asia and the Pacific», il est indiqué ce qui suit:

«Dans le monde, 4 milliards de personnes − soit la plus grande partie de la population mondiale − sont privées de l’état de droit. Ce nombre englobe un nombre important de femmes de la région de l’Asie et du Pacifique, même dans les pays où les lois sont relativement saines. Des obstacles particuliers, enracinés dans le genre, empêchent les femmes d’accéder aux tribunaux ou à d’autres mécanismes judiciaires, ou, si elles parviennent à y accéder, de bénéficier de jugements équitables. Cette tendance s’aggrave lorsque les lois elles-mêmes ignorent les femmes ou sont discriminatoires à leur égard. Un système de justice efficace devient vital en l’absence d’équilibre des pouvoirs et lorsque les personnes qui ont peine à se faire entendre et ont moins de voies de recours − comme les femmes − voient leurs possibilités d’obtenir réparation réduites. Les femmes sont souvent davantage exposées à l’injustice, et ont davantage besoin de mesures pour protéger leurs droits. Les femmes tombées dans la pauvreté portent un plus lourd fardeau encore. L’absence totale de pouvoir dans laquelle la pauvreté plonge les personnes les expose davantage encore aux infractions criminelles et aux violations des droits de l’homme, et les rend plus susceptibles de sombrer dans la pauvreté du fait de l’absence de réparation».

5.3Les Fidji ont conscience de ces obstacles bien réels. En l’absence d’accès effectif à la justice, il n’y a pas d’état de droit. Les auteurs de violence à caractère sexiste, en particulier, ont été au-dessus des lois de nombreuses années durant.

5.4Les réformes mises en œuvre actuellement en matière d’égal accès à la justice pour tous aux Fidji et, en particulier, pour ceux qui sont depuis toujours défavorisés, prévoient de doter la Commission de l’aide judiciaire des ressources voulues.

5.5Selon les statistiques de 2010 concernant la Commission de l’aide judiciaire, la grande majorité des femmes qui l’ont sollicitée le faisaient dans le cadre d’une affaire touchant au droit de la famille. Cette année-là, la Commission a pris en charge 316 affaires concernant des femmes et portant sur le droit de la famille, et 109 affaires ont concerné des femmes qui souhaitaient obtenir des conseils ou se faire représenter dans des affaires criminelles. Les femmes font bon usage du système de permanence d’avocats géré par la Commission, qui dispense gratuitement, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des services de conseil au public. En 2012, le nombre de femmes qui sollicitent la Commission devrait être en augmentation, et les moyens pour une femme provenant d’un milieu économique défavorisé de se faire représenter devraient augmenter. Le personnel de la Commission fait également preuve d’une plus grande préoccupation pour l’égalité des sexes, et une formation obligatoire aux questions de genre et aux droits de l’homme est dispensée aux juristes. Chacun d’entre eux est formé à recourir au Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour protéger les droits des clients de la Commission à une procédure régulière.

5.6En 2006, le Gouvernement a contribué à la Commission de l’aide judiciaire à hauteur de 400 000 dollars. Si la Commission devait bénéficier d’une contribution provenant des comptes fiduciaires des avocats, cette contribution a été minime. En 2007, l’Australie, qui avait aidé la Commission auparavant, a renoncé à verser une contribution en réaction au différend politique l’opposant aux Fidji. Les personnes les plus pénalisées par une telle insuffisance de financement ont été les pauvres et les femmes. Sur l’ensemble des requérants d’une aide judiciaire en 2007-2010, 29,20 % étaient des femmes. Toutefois, seuls les requérants sont ici pris en compte: il n’est pas tenu compte des services de conseil et d’avocat commis d’office rendus à des femmes. En 2010, les crédits budgétaires alloués à la Commission de l’aide judiciaire ont été relevés à 800 000 dollars et les effectifs de la Commission sont passés de 19 à 46 employés. Cinq centres de la Commission de l’aide judiciaire aux Fidji, précisément à Labasa, Lautoka, Ba, Suva City et Nausori, ont ouvert leurs portes récemment cette année.

5.7En 2010, la Cour suprême des Fidji a conclu que bien que les Fidji n’aient pas ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les droits énoncés dans le Pacte s’y appliquent en vertu de l’incorporation du Pacte dans le décret de 2009 sur la criminalité. En page 4 de son jugement, la Cour a conclu:

«La plupart des juridictions de common law consacrent le droit de toute personne accusée à être jugée de façon équitable dans un délai raisonnable. Ce droit est énoncé à l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme à laquelle les Fidji adhèrent, et au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les Fidji n’ont pas ratifié ce Pacte mais les dispositions qui y sont énoncées ont été incorporées dans les constitutions successives du pays depuis 1970.

Bien que les Fidji ne disposent d’aucun parlement depuis quelques années, le Gouvernement en place a montré sa volonté de respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en adoptant le décret de 2009 sur la criminalité, dans lequel sont incorporées les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les tribunaux y ont montré à tous les niveaux leur respect pour les droits des personnes accusées à un procès équitable, autrement dit à un procès se déroulant conformément à la loi. Cela inclut le droit d’être assisté d’un conseil, le droit d’être informé, le droit de disposer d’un délai et des moyens suffisants pour préparer sa défense, le droit de garder le silence et le droit d’être jugé sans délai».

5.8La Commission des droits de l’homme continue de s’acquitter de sa tâche, en dépit de l’absence de médiateur et de président. Elle est pleinement opérationnelle, et reçoit les plaintes concernant un certain nombre de violations des droits de l’homme, évalue si l’affaire doit faire l’objet d’une médiation et d’une conciliation, ou si elle doit être portée devant les tribunaux pour réparation. En 2010, la Commission a eu communication de 42 plaintes, dont 29 ont été portées devant un tribunal, 16 d’entre elles ayant trait à une plainte déposée par une femme. Pour beaucoup, ces plaintes concernaient des cas de violence au foyer et des affaires familiales. Un certain nombre ont été adressées à la Commission par le Cabinet du Premier Ministre. L’on trouvera à l’appendice 7 un exemple d’affaire que la Commission des droits de l’homme a renvoyée devant les tribunaux.

5.9Afin d’améliorer l’accès de la population aux services publics, et en l’absence de parlement, le Cabinet du Premier Ministre offre un service qui prend en charge les plaintes déposées par des citoyens ainsi qu’une ligne téléphonique directe permettant de déposer plainte. Une procédure d’enquête spécialisée est en place pour examiner ces plaintes et les adresser à l’organe ou à l’institution qui a compétence pour traiter l’affaire.

5.10L’accès équitable à la justice est un véritable enjeu aux Fidji. Bien qu’une partie importante de la population vive en ville, l’accès à la justice pour les populations rurales est important, en particulier parce que le nombre d’affaires de violence à caractère sexiste enregistrées en milieu rural est élevé. Lautoka, deuxième plus grande ville des Fidji, a par le passé considérablement manqué de moyens sur le plan judiciaire. De 1999 à 2005, la Haute Cour de Lautoka n’a disposé que de deux juges, contre 10 à Suva. Les affaires en souffrance à Lautoka ont été un véritable sujet de préoccupation et, en 2007, le Président de la Cour suprême a nommé quatre juges pour siéger à Lautoka, d’autres juges étant envoyés régulièrement dans cette ville pour traiter les affaires en souffrance.

5.11Actuellement, en 2011, Lautoka dispose de trois juges civils, d’un Président de la Haute Cour et de deux juges aux affaires pénales, siégeant tous à plein temps. Labasa, ville la plus importante de l’île de Vanua Levu, a été, elle aussi, délaissée par le passé. De fait, entre 2003 et 2005, aucun juge n’y a été envoyé pour juger les affaires pénales. Il en est résulté un important arriéré d’affaires en souffrance concernant notamment des homicides et des cas de violence sexuelle envers des femmes et des enfants. Le Président de la Cour suprême a, depuis 2007, lancé un projet visant à ce que Labasa examine les affaires en attente et à ce que les affaires y soient traitées dans les six mois suivant le dépôt de la plainte, objectif qui a été atteint en mars, cette année. Toutes les affaires pénales et familiales dont la Haute Cour des Fidji est saisie sont traitées au cas par cas et l’on recourt à des stratégies pour raccourcir les délais, éviter la pratique du chalandage de juges et veiller à ce que la justice rendue dans l’ensemble des tribunaux des Fidji soit de même qualité. Le système de traitement des affaires au cas par cas est informatisé et géré par les magistrats de la Haute Cour. Il est prévu d’élargir ce système aux magistrates ’ courts (juges de paix), système déjà en place pour la juridiction civile de la Haute Cour.

5.12Le tribunal des litiges mineurs a élargi ses activités. En 2011, on dénombrait 10 arbitres (dont trois femmes) et, en juin de la même année, un tribunal des litiges mineurs s’est ouvert pour la première fois dans l’agglomération rurale de Sigatoka. Le tribunal des litiges mineurs présente pour les femmes l’intérêt d’être d’un coût très modeste, le plafond pour les litiges étant de 5 000 dollars des Fidji et les avocats n’étant pas autorisés à représenter les parties. Les arbitres sont tous non professionnels. Il est envisagé d’élargir les services offerts par le tribunal des litiges mineurs à d’autres agglomérations rurales. Les arbitres sont tenus de suivre une formation au moins deux fois par an.

5.13Dans les tribunaux insulaires, la justice est rendue tout au long de l’année à Taveuni, Kadavu, Lomaiviti et dans l’archipel des îles Lau. Un magistrat est amené par avion ou par bateau jusqu’aux îles et, bien que le nombre d’affaires à traiter ne soit pas élevé, le principe de l’accès à la justice pour toutes les communautés du pays est important pour l’état de droit. Même s’il est quelque peu freiné par le coût de chaque déplacement, le département judiciaire est déterminé à faire bénéficier les communautés insulaires d’un accès égal à la justice en faisant fonctionner les tribunaux insulaires et ruraux.

5.14Une autre raison fait qu’un tel service est essentiel: le principe d’un même système de justice utile à toutes les communautés du pays, accessible et efficace pour toute la population est important pour garantir que les normes culturelles en matière de justice occupent un rang inférieur à celui du système de justice national. En effet, la culture a souvent véhiculé des préjugés sexistes envers les femmes, qui se trouvaient privées de recours au sein d’un modèle de justice accepté sur le plan culturel. Nous savons d’expérience que les chances de parvenir à l’égalité des sexes sont plus grandes avec un système de justice certes soucieux des spécificités culturelles mais débarrassé des schémas culturels patriarcaux.

5.15L’on s’efforce de faire en sorte que la désignation des officiers ministériels habilités à recevoir les déclarations sous serment se fasse dans la transparence, de sorte que l’égalité des sexes puisse être réalisée. Le public est invité par voie de publicité dans les journaux à manifester son intérêt pour la fonction, et les Fidji comptent actuellement 45 hommes et 13 femmes officiers ministériels habilités à recevoir les déclarations sous serment. Désireuse de faire que le système des tribunaux réponde aux besoins des nombreuses communautés qui souhaitent y accéder, la Haute Cour a invité les interprètes ayant le mandarin, le cantonais, le vietnamien, l’indonésien, le japonais et le coréen comme langues de travail à manifester leur intérêt. Les indemnités de comparution ont été relevées, tout comme celles versées aux assesseurs lors des procès pénaux.

5.16Le comportement des juges, des magistrats, des policiers, des procureurs et du personnel pénitentiaire dans leurs activités visant à faire appliquer la loi constitue un obstacle courant à la justice en matière d’égalité des sexes. Les Fidji admettent que c’est là une difficulté persistante, dont on ne peut venir à bout qu’avec une formation soutenue et bien pensée. Si, par exemple, le décret sur la violence familiale est maintenant en vigueur depuis près d’un an, les policiers et les magistrats semblent encore réticents à recourir aux ordonnances de protection. Le décret offre aussi à tout membre de la communauté qui le souhaite la possibilité de demander une ordonnance de protection auprès des tribunaux, mais peu de demandes ont été formulées. Il semble que les organisations non gouvernementales aient la même réticence à appliquer le décret sur la violence familiale.

5.17Toutefois, dans plusieurs de ses décisions la Haute Cour a grandement critiqué la magistrature pour avoir manqué d’appliquer le décret, ce qui a provoqué un changement de comportement. Dans l’affaire État c.S. T., le juge de la Haute Cour a déclaré:

«Le 7 février 2011, le magistrat a fait observer qu’il n’avait pas compétence pour prononcer une condamnation pour coups et blessures graves. L’affaire a été transmise à la Haute Cour. Ce n’est qu’à [ce stade que] j’ai signalé au conseil agissant pour l’État qu’il s’agissait d’une affaire de violence familiale et que l’État était tenu d’appliquer les dispositions du décret sur la violence familiale… Nous avons là une situation fâcheuse. Le décret sur la violence familiale est entré en vigueur le 6 septembre 2010, mais il me semble que les forces de l’ordre ne sont pas résolues à faire appliquer la loi. Ce manque de détermination peut saper les objectifs explicites du décret sur la violence familiale. Ce décret vise à accorder une plus grande protection aux victimes de la violence familiale, qui généralement sont les femmes. Les femmes victimes sont vulnérables. La plupart dépendent financièrement de leur conjoint. La pratique judiciaire a montré que dans les négociations, elles ont moins de poids que leur conjoint. Elles sont contraintes de se résigner dans les affaires de violence familiale en raison des pressions culturelles et sociales qui pèsent sur elles. Le décret sur la violence familiale a pour objectif d’écarter ces pressions et de permettre aux femmes de vivre à l’abri de la violence».

5.18En outre, les juges et les magistrats ont assisté à cinq ateliers englobant des sessions sur la violence familiale. Le Programme d’orientation pour les nouveaux juges et magistrats comporte un volet sur la justice en matière d’égalité des sexes ainsi qu’un autre sur les liens entre culture et égalité des sexes. La police dispose d’un programme de formation continue sur la violence familiale et la violence à caractère sexiste. La formation sur le décret sur la violence familiale comporte des exercices avec simulation de procès (présidés par des juges et des magistrats en poste, eux-mêmes passés par la même formation), au cours desquels les policiers doivent établir les demandes d’ordonnance de protection. En 2010, il s’est ainsi tenu 13 ateliers à Suva, Lautoka et Labasa. De plus, le décret sur la violence familiale et le décret sur la protection de l’enfance ont été portés au programme des cours de formation des policiers à l’Académie de police, et 59 ateliers au total se sont tenus dans le cadre des programmes de formation générale des personnels de police.

5.19Les procureurs du Bureau du Procureur général doivent, dans le cadre de leur formation, suivre un module obligatoire consacré aux droits de l’homme, qui comprend une formation à tous les instruments internationaux ayant trait à la justice et au droit. Ils ont été formés au décret sur la violence familiale, ainsi que sur les questions d’égalité des sexes et le droit; un atelier doit se tenir le 29 juillet 2011. Il est admis que même les lois les plus exemplaires dans le monde ne sauraient garantir un accès à la justice dans des conditions d’égalité. Il ne fait aucun doute que les Fidji doivent déployer des efforts importants et soutenus pour former les responsables de l’application des lois à faire abstraction des préjugés sexistes et des stéréotypes à ancrage culturel lorsqu’ils se prononcent sur une affaire.

5.20Les autres mesures − déjà évoquées par le Ministre de la protection sociale, de la condition féminine et de la lutte contre la pauvreté dans sa déclaration à la quarante-sixième session du Comité − ayant visé à lever les obstacles à la justice via des réformes de la législation sont:

a)L’abolition de la loi sur la corroboration;

b)L’abolition, pour l’homosexualité, de la qualification d’infraction pénale;

c)Les règlements relatifs à l’avortement inscrits dans le décret sur les infractions pénales, qui protègent davantage les droits des femmes à donner leur consentement éclairé, ainsi que les droits de l’enfant in utero;

d)L’interdiction de la loi sur le contre-interrogatoire sur les antécédents sexuels;

e)L’abolition du privilège du conjoint dans le cadre de la déposition;

f)Les dispositions spéciales du décret sur la procédure pénale relatives au recueil des éléments de preuve auprès des témoins vulnérables;

g)La nouvelle définition de la loi sur le viol, qui est désormais neutre quant aux considérations de genre et énonce le viol comme notamment la pénétration de toute partie du corps par un pénis ou du vagin par un objet;

h)Les nouvelles infractions de traite des femmes et des enfants;

i)Les nouvelles infractions d’esclavage sexuel et d’agression sexuelle;

j)Le relèvement des peines pour les cas d’exploitation sexuelle de femmes et d’enfants;

k)L’intégration de toutes les infractions visées dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

l)L’intégration du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans le décret sur la criminalité;

m)Les dispositions du décret sur la criminalité qui prévoient que les entreprises peuvent être poursuivies pour toute infraction au sens du décret (y compris la violence fondée sur le sexe) lorsque l’infraction est le fait d’un responsable, d’un agent ou d’un employé de l’entreprise agissant dans le cadre de ses fonctions réelles ou supposées, et lorsque l’entreprise a négligé de mettre en place une culture maison décourageant de tels agissements;

n)L’approbation, cette année, par le Conseil des ministres, de la signature de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants ayant déjà été signée;

o)Le relèvement de l’âge légal pour le mariage, qui passe de 16 à 18 ans, ce qui évitera le mariage d’enfants, en particulier des filles;

p)L’approbation par le Conseil des ministres de la ratification par les Fidji du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme);

q)La révision par le Ministère de la protection sociale, de la condition féminine et de la lutte contre la pauvreté, en concertation avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), de la loi relative à l’adoption des nourrissons, de la loi sur la mise à l’épreuve des délinquants et de la loi sur les mineurs, visant à garantir aux filles notamment la protection effective dans le cadre de la loi.

6.Indépendance de l’autorité judiciaire

6.1L’indépendance de l’autorité judiciaire est au cœur de l’état de droit. Les Fidji conçoivent que cette autorité doit être indépendante, non seulement au niveau des pouvoirs publics mais aussi à celui d’autres autorités d’influence et disposant d’importants moyens, aux Fidji comme à l’étranger. La véritable indépendance consiste à prendre des décisions sur le fond des affaires sans parti pris réel ou apparent.

6.2Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) suggère que, pour préserver l’indépendance de l’autorité judiciaire et éviter la corruption des magistrats, la réforme du secteur s’attache à ce qui suit:

a)L’indépendance dans la procédure de nomination;

b)La stabilité d’emploi et l’indépendance des procédures disciplinaires;

c)La publication des décisions et leur mise à disposition du public;

d)La tenue des audiences en public;

e)Un code déontologique de la profession et des sanctions en cas de manquement;

f)Une gestion au cas par cas des affaires afin d’éviter le chalandage de juges et les retards;

g)La formation obligatoire et permanente des magistrats.

a.Nominations

Actuellement, c’est le Président de la République des Fidji qui nomme les magistrats à la Haute Cour, à la Cour d’appel, à la Cour suprême et dans les autres juridictions. Les vacances de postes sont publiées dans les journaux des Fidji et de l’étranger. Il est toutefois envisagé de demander à une Commission des services judiciaires de formuler des recommandations au Président lorsque le moment sera opportun. Cette question est développée au point 7 ci-après.

Actuellement, des obstacles se posent à la nomination de juges à partir du barreau local.

Tous les juges et magistrats des Fidji étant sous le coup d’une interdiction de voyager en Nouvelle-Zélande et en Australie, nombre de juristes locaux qualifiés se sont soustraits à une nomination. Il a donc fallu recruter auprès du Bureau du Procureur général et des juges siégeant à Sri Lanka. Toutefois, dans la mesure où les mesures politiques instaurées par l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont fait obstacle au recrutement aux Fidji d’hommes et de femmes compétents, qualifiés et convenant à la fonction de magistrat dans le pays, il y a ingérence directe dans l’appareil judiciaire. La procédure de nomination devrait reposer sur des critères de mérite uniquement. Dans un discours qu’il a fait le 1er novembre 2009, le Président de la Cour suprême a déclaré:

«Comme nombre de hauts responsables de l’appareil judiciaire, je devrais normalement prendre mon temps avant de publier une déclaration dans la presse, et a fortiori avant de faire une déclaration publique télévisée, sur une telle question. Toutefois, en ma qualité de Chef de l’appareil judiciaire aux Fidji, je dois m’insurger contre une telle ingérence. Les Fidji doivent disposer d’un appareil judiciaire, et ce n’est pas à l’Australie ou à la Nouvelle-Zélande de nous dire que nous ne pouvons pas en avoir un, ou de nous dire qui nous devons nommer. Aucun instrument international ne prévoit qu’un État voisin joue un tel rôle de supervision».

L’on s’efforce actuellement de parvenir à l’égalité hommes-femmes dans l’appareil judiciaire. La magistrature compte 16 hommes et 8 femmes, et la Haute Cour et la Cour d’appel comptent 12 hommes et 2 femmes. Une femme est en poste à la Cour suprême. Le greffier en chef de la Haute Cour est une femme, et sur les 10 arbitres des délits mineurs, 3 sont des femmes.

Bien évidemment, l’équilibre dans la représentation des hommes et des femmes aux différents postes ne saurait à lui seul pallier la non-prise en compte des questions de disparité. Il faut parvenir à une magistrature compétente dans les questions d’égalité des sexes via la formation continue des juges et des magistrats des deux sexes.

b.Sécurité d’emploi

Tous les juges et les magistrats exercent leurs activités dans le cadre d’un contrat. Si, sous le régime de la Constitution de 1997, les juges pouvaient être nommés à vie, la plupart ont bénéficié d’un engagement contractuel. La question sera examinée lors du processus de consultation sur la nouvelle constitution. Toutefois, si des juges doivent être nommés à vie, il faut alors que des procédures appropriées et indépendantes soient en place pour sanctionner les juges qui se comportent de façon répréhensible dans l’exercice de leurs fonctions. La question de la durée appropriée des contrats accordés aux juges expatriés sera également examinée.

Pour l’heure, il n’existe pas de règlements concernant la discipline des fonctionnaires de justice. En fait, aucun règlement disciplinaire pour la magistrature n’a jamais été adopté sous la Constitution de 1997, malgré l’existence de nombreuses plaintes contre des juges pour actes de corruption et retards présumés. Il a bien sûr été avancé que des nominations à vie seraient plus adaptées pour les habitants des petites îles, qui sont fortement tributaires de juges expatriés qui ne souhaitent nullement être nommés à vie. Il s’agit là d’un problème important, qu’il faut aborder avec précaution, après avoir bien comparé le principe de l’indépendance de la magistrature et celui de la responsabilité judiciaire. Le processus de révision de la Constitution offrira à cet égard la tribune requise pour en débattre, après avoir pris connaissance des vues des juges, des avocats et du public en général.

c.Publication des décisions

Le Président de la Cour suprême a donné pour instruction à l’ensemble des juges de publier leurs décisions. Celles-ci sont accessibles en ligne sur le site du Pacific Islands Legal Information Institute (PACLII) ainsi que sur celui de la magistrature. Ces textes sont les indicateurs les plus fiables de l’indépendance de la magistrature. La mise à disposition des décisions sur le site Web montre bien l’indépendance des juges dans le pays. Les affaires État c. Lole Vulaca et al. HAC 120/07, État c. Ilaisa Kurimana et al. HAC 165/07, et État c. Maika Vuniwaqa HAC 170/07, par exemple, sont intéressantes à cet égard. Ces procès ont fait suite à des plaintes déposées contre des agents de police et des soldats pour violences et violations des droits de l’homme. Ils ont abouti à des condamnations pour meurtre et homicide involontaire, assorties de peines. Sur le site Web également, on peut consulter l’affaire Sakuisa Tuisolia et Imrana Jalal c. État [2010] HAM 122/09, dans laquelle la Haute Cour a différé une plainte déposée contre une femme défenseur des droits des femmes réputée et son époux, ainsi que l’affaire Commission fidjienne indépendante de lutte contre la corruption c. Sakuisa Tuisolia [2010] FHHC 484 HAC 127/2008, dans laquelle le même accusé, M. Tuisolia, a été acquitté par la Haute Cour après un procès pour les six chefs d’accusation de fraude.

Chacun peut également accéder aux décisions concernant diverses affaires de viol et d’agression sexuelle commis contre des femmes et des enfants. Des affaires telles que celle de État c. Joji Mara HAC038.2010 montrent que les magistrats ont tenu compte de l’augmentation des peines énoncées dans le décret sur la criminalité pour les actes de violence à caractère sexiste et ont relevé les montants des amendes pour de telles infractions. Une tendance inverse par rapport aux statistiques de 2005 et 2006, d’où il ressort que la Cour d’appel (constituée d’hommes exclusivement) avait réduit les peines ou cassé les condamnations dans 95 % des affaires se rapportant à la violence sexiste. Le site Web de la magistrature a été inauguré en 2010.

d.Tenue des audiences en public

Les procès à huis clos sont interdits depuis 2007 par suite d’une circulaire publiée par l’actuel Président de la Cour suprême. Pour autant, les juges peuvent fort bien ordonner que les débats se tiennent à huis clos au titre du décret sur la procédure pénale afin de protéger des témoins vulnérables, ou au titre du décret de 2011 sur le VIH/sida.

e.Code déontologique de la profession et sanctions en cas de manquement

Les Fidji disposent d’un Code d’éthique judiciaire depuis 2005 qui ne prévoit, toutefois, aucune sanction en cas de manquement professionnel. La question sera abordée lors du processus de révision de la Constitution.

f.Gestion au cas par cas

Les affaires criminelles dont la Haute Cour est saisie sont traitées au cas par cas avec un taux élevé de réussite. Il en résulte un écoulement efficace des affaires et l’absence d’allégation de chalandage de juges. Le dispositif a été présenté à la Haute Cour civile et est sur le point d’être présenté à la magistrature.

g.Formation des magistrats

C’est le Comité national des études judiciaires qui est responsable de la formation judiciaire. Des activités de formation sont prévues chaque mois; les calendriers d’activités pour 2010 et 2011 sont joints au présent document. Les programmes détaillés indiquent les volets obligatoires consacrés à l’égalité des sexes. La formation englobe des programmes de sensibilisation aux questions d’égalité des sexes et de sensibilisation culturelle, ainsi que des cours de gestion de la salle d’audience et d’éthique judiciaire.

7.Commission des services judiciaires

7.1Bien que le décret de 2009 sur l’administration de la justice prévoie la création de la Commission des services judiciaires, cette commission n’a pas encore été mise en place. Elle sera composée du Président de la Cour suprême (président), du Président de la Cour d’appel, d’un juriste expérimenté et d’un citoyen ordinaire. Pour l’heure, aucun juge n’a été nommé à la fonction de Président de la Cour d’appel. La Commission des services judiciaires, créée en vertu de la Constitution de 1997 et qui a succédé à la Commission indépendante de la magistrature et des services juridiques en place sous la Constitution de 1970, avait compétence pour désigner les magistrats et faire des recommandations au Président pour la nomination des juges. Elle avait aussi compétence pour punir les fonctionnaires de justice, mais n’en a jamais usé. En outre, la Commission a été freinée dans ses activités entre 2000 et 2009 en raison de la défiance entre l’appareil judiciaire et l’Association juridique des Fidji (Fiji Law Society) − le Président de cette association étant membre de la Commission créée en vertu de la Constitution de 1997 − du fait du rôle que la magistrature aurait joué après les crises nationales successives.

7.2Le Président de l’Association juridique était donc soit absent des réunions, soit mis régulièrement en minorité par les deux autres membres, à savoir le Président de la Cour suprême et le Président de la Commission du service public. En effet, depuis 2000 la Commission du service public s’est montrée très largement inefficace dans son rôle escompté, à savoir offrir des procédures indépendantes et transparentes pour la nomination des juges et des magistrats et les sanctions à leur encontre.

7.3La Commission a été critiquée notamment pour son côté cercle d’anciens élèves, exclusivement masculin et fonctionnant en l’absence totale de transparence. L’on ne disposait d’aucun compte rendu des débats et, en 2007, l’actuel Président de la Cour suprême a découvert qu’il n’existait pas de procès-verbal pour la plupart des séances de la Commission entre 1998 et 2006. Lors de sa nomination en tant que Président de la Cour suprême par intérim, en 2007, l’actuel Président de la Cour suprême a insisté pour qu’il soit procédé à l’enregistrement audio de toutes les séances de la Commission. Cependant, l’Association juridique des Fidji a refusé d’assister aux séances, ou n’y a assisté que pour exprimer son désaccord. L’Association juridique a en fait pris la décision d’engager une procédure légale pour contester la validité de la nomination du Président de la Cour suprême alors en fonctions et de la Commission des services judiciaires dans le cadre d’une demande de contrôle juridictionnel. De ce fait, ces onze dernières années la Commission a été grandement inefficace dans son rôle escompté.

7.4La Commission d’enquête sur le système judiciaire aux Fidji a recommandé la création d’une Commission judiciaire, dont le Président de la Cour suprême assurerait la présidence et qui serait aussi composée du Président de la Commission du service public, du Solicitor General, du Secrétaire d’État à la justice, du Président (ou d’un représentant) de l’Association juridique des Fidji et d’un autre membre, profane, devant être choisi parmi la population par le Président de la République des Fidji, après consultation du Président de la Cour suprême. Le Commissaire Sir David Beattie a également recommandé que la Commission judiciaire ait compétence pour recommander des nominations, organiser les programmes d’études et de formation continue, et réunir les moyens permettant de traiter les plaintes concernant des fonctionnaires de justice. Il a recommandé que la fonction de secrétaire de la Commission soit confiée à l’Administrateur en chef des tribunaux. Ces recommandations n’ont pas été approuvées au moment de la rédaction de la Constitution de 1997. En particulier, aucun membre profane de la Commission n’a été prévu. En revanche, le décret sur l’administration de la justice prévoit bel et bien la désignation d’un membre profane.

7.5Le Connors Report de 2009 sur la magistrature renferme les mêmes critiques sur la capacité de la Commission des services judiciaires à nommer des juges en fonction du mérite, ou à faire rendre compte aux magistrats de leurs fautes professionnelles. Le Commissaire a déclaré, en page 72 de son rapport:

«Très peu de mesures ont été prises dans le cadre de ses pouvoirs d’investigation ou de sanction. Il semble qu’il y ait eu des velléités, il y a quelques années de cela, au sujet d’un magistrat résident; toutefois, cette initiative a été menée par celui qui était alors Président du tribunal et aucune mesure manifeste ne semble avoir été prise par la Commission des services judiciaires pour porter l’affaire à son terme».

De par sa constitution, la Commission n’est pas vraiment l’instance appropriée pour mener des enquêtes en cas d’allégations pouvant être portées ponctuellement contre des auxiliaires de justice. Dans d’autres juridictions, des entités bien mieux adaptées ont été mises en place à cette fin. On peut notamment citer la Commission judiciaire de la Nouvelle-Galles du Sud, créée en application de la loi de 1986 sur les auxiliaires de justice, qui, tout au long de son existence, a œuvré pour être reconnue comme un modèle dans son genre au sein du Commonwealth.

7.6Le processus de révision de la Constitution devra permettre d’étudier si la procédure de nomination des juges et des magistrats sur recommandation d’une Commission des services judiciaires est véritablement le meilleur moyen d’assurer que ces nominations se font en fonction du mérite, tout en tenant compte des questions de genre et de culture aux Fidji, et que les auxiliaires de justice peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires pour faute professionnelle; il devra également permettre d’étudier si l’expérience acquise par d’autres pays de common law, tels que l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, peuvent être plus utiles. À l’évidence, l’expérience des Fidji quant à la Commission des services judiciaires n’a pas été entièrement satisfaisante. Il serait préférable de confier la question d’une telle commission au processus de révision de la Constitution.

8.Égalité des sexes et réforme constitutionnelle

8.1La Constitution de 1997, en son article 38, garantissait le droit à l’égalité des sexes, ainsi qu’un certain nombre d’autres droits parmi lesquels le droit de ne pas être exposé à des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Il est fortement improbable qu’une nouvelle constitution comporte une quelconque dérogation à ce droit. Premièrement, le décret relatif à la Commission des droits de l’homme énonce expressément le droit de ne pas être exposé à des discriminations fondées sur le genre. Il prévoit aussi des procédures d’application effective propres à assurer que les droits garantis ne sont pas simplement des lieux communs. Le décret définit également la discrimination conformément à la doctrine en gestation, en particulier à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

8.2Deuxièmement, le décret sur la violence familiale énonce expressément qu’il a été adopté conformément aux obligations des Fidji au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. En effet, et conformément à l’argumentation développée dans l’affaire Tevita Nalawa c. État, la Convention fait partie du droit interne des Fidji, et lorsqu’ils interprètent le décret, les tribunaux peuvent tenir compte des dispositions et de l’esprit de la Convention. L’article 6 du décret sur la violence familiale dispose ceci:

«Le décret a pour objets:

a)D’éliminer, de réduire et de prévenir la violence familiale;

b)D’assurer la protection, la sécurité et le bien-être des victimes de violences familiales;

c)D’appliquer la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant et les autres instruments connexes; et

d)D’offrir un cadre viable pour la réalisation des objectifs énoncés aux alinéas a, b et c ci-dessus».

8.3Troisièmement, le décret de 2009 sur la protection de l’enfance évoque les principes consacrés dans la Convention relative aux droits de l’enfant comme suit:

«Le présent décret doit être appliqué compte tenu du principe selon lequel en toutes circonstances le bien-être et l’intérêt supérieur de l’enfant prévalent, et conformément aux principes suivants:

a)Tout enfant a le droit d’être protégé contre les mauvais traitements ou le risque de mauvais traitements;

b)C’est aux membres de la famille qu’il incombe au premier chef d’assurer le bien-être de l’enfant sur les plans physique, psychologique et émotionnel;

c)Le moyen privilégié d’assurer le bien-être de l’enfant est de soutenir la famille et l’entourage de l’enfant;

d)Tout pouvoir exercé au titre du présent décret doit l’être de façon ouverte, équitable et respectueuse des droits des personnes touchées par cet exercice et, en particulier, d’une façon qui garantisse que:

i)Les vues de l’enfant et de son entourage immédiat et élargi sont bien prises en compte;

ii)L’enfant et ses parents ont la possibilité de prendre part à l’adoption de décisions influant sur le bien-être de l’enfant;

e)L’enfant doit être informé des questions le concernant d’une façon et dans une mesure appropriées tenant compte de l’âge de l’enfant et de son aptitude à comprendre ces questions.».

8.4Quatrièmement, le décret relatif à la santé mentale, promulgué en 2010, dispose notamment ce qui suit:

«Aux fins du présent décret, personne ne doit être considéré comme présentant un trouble mental au seul motif qu’il ou elle:

d)Exprime, refuse d’exprimer, ne parvient pas à exprimer ou a exprimé ou refusé d’exprimer, ou n’est pas parvenu(e) à exprimer une préférence sexuelle ou une orientation sexuelle donnée;

g)Se livre ou s’est livré(e) à des relations sexuelles sans lendemain;».

De plus, l’article 4 requiert d’interpréter le décret conformément aux normes de l’Organisation mondiale de la santé, ainsi qu’aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et, notamment, à la Convention relative aux droits de l’enfant.

8.5Le décret sur le VIH/sida, promulgué en 2011, dispose ce qui suit:

«3.1Lorsqu’il s’agit d’interpréter ou d’appliquer une quelconque disposition du présent décret, et dans l’exercice de l’un des pouvoirs ou devoirs ou de l’une des fonctions prévues, chacun et chaque tribunal doit, autant que faire se peut:

a)Veiller à ce qu’il soit pleinement tenu compte des normes universellement reconnues relatives aux droits de l’homme et du droit public international applicables en matière de protection des droits, et veiller à ce que ces normes et dispositions soient appliquées dans toute la mesure possible pour protéger les droits en question, y compris celui de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, ainsi que la disponibilité et l’accessibilité de la prévention du VIH, et du traitement, des soins et de l’assistance en matière de VIH/sida pour tous, quels que soient l’âge, le sexe, l’identité sexuelle ou l’orientation sexuelle;

b)Appliquer autant que possible et sous réserve des dispositions législatives écrites et des ressources existantes les pratiques internationalement admises et les normes universelles arrêtées dans le contexte du VIH/sida et, en particulier, les Directives internationales et la Déclaration d’engagement sur le VIH/sida, et veiller à ce que toute personne vivant avec le VIH/sida ou touchée par le sida bénéficie des services de santé allant dans le sens de ses droits; et

c)Appliquer, dans toute la mesure possible aux Fidji, sous réserve des dispositions écrites et des ressources existantes, les principes, droits et obligations énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention relative aux droits des personnes handicapées, dans l’administration des installations de santé et la prestation des services de santé aux personnes vivant avec le VIH/sida ou touchées par le sida».

8.6Les dispositions ci-dessus sont énoncées pour montrer que l’engagement des Fidji à incorporer les principes relatifs aux droits de l’homme et, plus précisément, ceux figurant dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes est manifeste. Compte tenu de cet engagement, dans les décrets, envers les principes des droits de l’homme, il est vraisemblable qu’un engagement aussi fort se manifestera dans la nouvelle Constitution. Toutefois, il subsiste un grand nombre de questions sur lesquelles des décisions restent à prendre dans l’optique de l’élaboration de la Constitution.

8.7L’une de ces questions est la façon dont des droits en particulier ont été modifiés par la jurisprudence. Une autre est celle de la nécessité de codifier les modifications ou simplement les droits tels qu’ils figurent dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou la Convention européenne des droits de l’homme. On peut citer à titre d’exemple la protection contre les peines ou traitements cruels ou inhumains. Le droit a été élargi par plusieurs juridictions de façon à inclure la disproportion de la peine. La Constitution de 1997 incluait expressément la disproportion de la peine en tant que composante du droit général d’être protégé contre la torture et autres peines ou traitements cruels ou inhumains. En revanche, ce n’était pas le cas de la loi de 1998 du Royaume-Uni sur les droits de l’homme, qui se contentait de la définition énoncée dans la Convention, à savoir que «Personne ne doit faire l’objet de tortures et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants».

8.8La question de l’inclusion des droits doit donc être débattue dans son intégralité au cours du processus de révision de la Constitution. Le droit à l’égalité des sexes ne sera pas négociable. La façon dont il doit être exprimé, la nécessité ou non d’énoncer des dispositions distinctes pour chacun des droits, de quoi seront faites les procédures d’application, les pouvoirs dont la Commission des droits de l’homme sera dotée pour faire appliquer les droits devant les tribunaux et via les processus de médiation, les recours qui devront être mis à disposition, la possibilité d’invoquer devant les tribunaux, outre les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels, ne sont que quelques-unes des questions sur lesquelles les Fidji devront se prononcer en 2012. Il serait prématuré de spéculer sur l’issue du processus de consultation, mais les Fidjiens disposeront d’une garantie de vivre à l’abri de toute discrimination fondée sur le genre. Les dispositions des différents décrets en place cités précédemment attestent une intention à cet égard.

9.Principe de l’égalité des sexes

9.1L’article premier de la Convention définit la discrimination à l’égard des femmes comme suit:

«... toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine».

9.2La Constitution de 1997 n’énonçait aucun droit spécifique devant être protégé contre la discrimination fondée sur le sexe. La Charte des droits constitutionnelle disposait ceci:

«2)Nul ne peut faire injustement l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, en raison de:

a)Ses caractéristiques ou circonstances personnelles réelles ou supposées, notamment la race, l’origine ethnique, la couleur, le lieu de naissance, le sexe, l’orientation sexuelle, la naissance, la langue maternelle, la situation économique, l’âge ou le handicap; ou

b)Ses opinions et croyances, sauf dans la mesure où ces opinions ou croyances peuvent nuire à autrui ou altérer les droits ou libertés d’autrui;

Ou pour toute autre raison interdite par la Constitution».

9.3Le décret de 2008 sur les relations en matière d’emploi définit ainsi la «discrimination»:

«… toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur l’un des motifs énoncés au paragraphe 2 de l’article 6 et au paragraphe 75».

9.4Le paragraphe 2 de l’article 6 dispose ceci:

«Nul ne traitera un autre travailleur ou travailleur prospectif de manière discriminatoire en raison de l’appartenance ethnique, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’origine nationale, l’orientation sexuelle, l’âge, l’origine sociale, la situation patrimoniale, la grossesse, les responsabilités familiales, l’état de santé y compris l’infection réelle ou supposée par le VIH, l’appartenance à un syndicat ou l’activité syndicale ou un handicap en ce qui concerne le recrutement, la formation, la promotion, les conditions d’emploi, le licenciement ou toute autre question découlant de la relation d’emploi».

9.5Le décret sur le VIH/sida définit ainsi la discrimination:

«La “discrimination” englobe le harcèlement et se produit lorsqu’une distinction est faite envers autrui et que la personne visée est traitée de façon défavorable par une autre personne ou une autre entité, en contradiction avec la pratique habituelle en des circonstances données».

9.6Le décret définit ainsi le harcèlement:

«Par “harcèlement” on entend une conduite injustifiable, généralement − mais pas forcément − persistante et répétée, envers une personne, ayant pour effet de la désemparer, la gêner, l’effrayer ou l’embarrasser; le verbe “harceler” répond à la même définition».

9.7Le décret de 2009 relatif à la Commission des droits de l’homme définit ainsi la discrimination:

«Par “motif de discrimination interdit”, on entend:

a)Les motifs tenant aux caractéristiques ou circonstances personnelles réelles ou supposées, notamment la race, l’origine ethnique, la couleur, le lieu d’origine, le sexe, l’orientation sexuelle, la naissance, le niveau d’instruction, le statut économique, l’âge ou le handicap;

b)Les opinions ou croyances, sauf dans la mesure où ces opinions ou croyances risquent de nuire à autrui ou d’altérer les droits et libertés d’autrui.

Sous réserve, toutefois, que toute disposition législative ou mesure administrative qui:

a)Affecte des revenus ou autres montants à des fins particulières;

b)Impose à la personne qui est titulaire d’une fonction publique un âge pour prendre sa retraite;

c)Impose aux non-citoyens un handicap ou une restriction, ou leur confère un privilège ou un avantage, non imposés ni conférés aux citoyens;

d)Énonce des dispositions ayant trait à l’adoption, au mariage, au divorce, aux funérailles, à la transmission des biens lors du décès ou aux autres affaires de même ordre;

ne comporte pas de motifs de discrimination interdits et ne transgresse ni n’enfreigne lesdits motifs».

9.8L’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme intégrée dans la loi britannique de 1998 relative aux droits de l’homme dispose ceci:

«La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation».

9.9Il existe donc différents modèles pour la protection de la multitude de droits de l’homme énoncés dans les différents instruments internationaux et dans le cadre de la common law. Les Fidji comptent adopter le modèle le plus efficace sur le plan de l’applicabilité. D’expérience, le pays sait que la discrimination peut reposer sur de multiples motifs tels que l’origine ethnique et le sexe. La jurisprudence sur l’interprétation du droit à l’égalité et à la non-discrimination a toutefois évolué de façon uniforme dans tous les pays relevant de la common law. Elle comporte une définition de la discrimination qui tient compte de la notion de discrimination justifiée (comme dans les programmes en faveur de la justice sociale, qui opèrent une discrimination visant à remédier à un préjudice historique) et de la discrimination indirecte (comportement discriminatoire dans la pratique) ainsi que de la discrimination injustifiée et de la discrimination directe.

9.10Dans sa jurisprudence relative à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué qu’une différence de traitement est discriminatoire si elle «manque de justification objective et raisonnable» et si elle ne poursuit pas un but légitime, ou s’il n’y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité «entre les moyens employés et le but visé». Il peut aussi y avoir discrimination lorsque l’État, sans justification objective et raisonnable, n’applique pas un traitement différent pour les personnes dont la situation est sensiblement différente.

9.11Les Fidji comptent examiner attentivement l’utilité d’offrir une protection contre la discrimination fondée sur de multiples motifs, ou de protéger de façon ponctuelle contre la discrimination reposant sur certains motifs, comme c’est par exemple le cas pour les droits énoncés à l’article premier de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Cependant, le droit d’être protégé de toute discrimination injustifiée, directe ou indirecte, fondée sur le sexe, sera garanti par une disposition constitutionnelle.

10.Respect des dispositions

10.1L’alinéa c de l’article 2 de la Convention impose aux États parties d’«instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes et [de] garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d’autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire».

10.2Actuellement, la Commission des droits de l’homme, la Commission de l’aide judiciaire et les tribunaux agissent pour faire respecter les droits des femmes. Le droit interne des Fidji, en particulier, énonce de meilleures stratégies de protection depuis l’adoption des décrets sur la criminalité, la procédure pénale, les relations en matière d’emploi, la violence familiale, le bien-être de l’enfant, la santé mentale, le VIH/sida et la Commission des droits de l’homme.

10.3Il est prévu que la nouvelle Constitution énonce des droits au respect des dispositions. La Constitution de 1997 a conféré à l’appareil judiciaire le pouvoir d’abolir ou d’interpréter strictement les lois qui étaient incompatibles avec la Charte des droits. Forts de cette compétence, les juges ont interprété de façon stricte les lois pénales sur l’homosexualité et ont aboli les lois sur les peines de prison obligatoires pour les mineurs. Il sera envisagé de maintenir ce pouvoir judiciaire dans la nouvelle Constitution. Toutefois, les Fidji ont parallèlement pour priorité d’assurer la formation continue des juges et des magistrats en matière de justice relative à l’égalité des sexes et de droits de l’homme. Cette formation est acceptée par la magistrature, et elle est mise en œuvre.

10.4Les procédures déjà en place, à savoir les dispositions pénales applicables aux cas de violence à caractère sexiste, le Conseil des prud’hommes et le tribunal de l’emploi pour les affaires de harcèlement sexuel, les procédures de médiation et de conciliation de la Commission des droits de l’homme, ou encore le régime d’ordonnances de protection pour les violences familiales, permettent elles aussi de faire respecter les dispositions en vigueur. Il est admis que le véritable obstacle au respect des dispositions n’est pas la loi, mais la façon dont elle est appliquée. La formation des organes chargés de faire respecter la loi demeure une priorité.

11.Élections libres

11.1Garantir que les élections devant se tenir aux Fidji seront des élections libres est une gageure pour le pays. L’expérience que nous avons acquise au fil des ans a montré que l’autorité des institutions traditionnelles, patriarcales et culturelles influence la façon dont les suffrages sont enregistrés et exprimés. Le pilier 1 de la Charte du peuple pour le changement recense les obstacles qui se sont posés à la démocratie par le passé: un système de représentation communal, un système préférentiel pour l’expression des suffrages qui ne représentait pas fidèlement les vues de la majorité, l’absence de loi propre à garantir que nul ne fera l’objet de discrimination de la part de partis politiques du fait de sa race, de sa religion, de son sexe ou d’autres motifs, l’âge minimum pour le droit de vote de 21 ans si bien que les adultes de plus de 18 ans n’étaient pas autorisés à voter, l’obligation de voter, une procédure électorale constitutionnelle difficile à modifier de façon à tenir compte de la volonté du peuple et, plus important, des sièges réservés aux différents groupes raciaux et le suffrage reposant sur des considérations ethniques imposé par la Constitution de 1997.

11.2Les élections qui se sont tenues par le passé étaient loin d’être libres. Les lois électorales ouvraient largement la voie à une mauvaise répartition des sièges, à des erreurs dans l’enregistrement des suffrages, privant de fait des groupes entiers de population du droit de vote, et au transfert des suffrages en grand nombre d’une circonscription à l’autre.

11.3Les mesures prises actuellement pour garantir que les élections de 2014 seront libres et que les personnes se sentiront à l’abri de toute pression, qu’elle soit politique, culturelle ou religieuse ou influencée par le patriarcat, visent à:

a)Renforcer les procédures d’enregistrement des suffrages − avec la mise en place du système d’enregistrement électronique des électeurs;

b)Relever le taux de participation aux élections en dispensant des programmes d’éducation des électeurs par les mêmes procédés participatifs que ceux utilisés pour la consultation sur la Charte et le processus de révision de la Constitution;

c)Réduire le plus possible le nombre de bulletins nuls notamment en modifiant la présentation des bulletins de vote;

d)Éliminer la fraude électorale en recourant à des mesures telles que l’identification via les empreintes digitales et sur photo d’identité;

e)Faire en sorte que les élections soient financées de la façon la moins coûteuse, via l’adoption de mesures telles que la tenue des élections sur une journée, et le recours à une même liste pour les élections municipales et les élections nationales;

f)Garantir que les élections sont conformes aux normes nationales et internationales en révisant les systèmes et procédures en place;

g)Garantir l’existence de règles régissant la tenue des campagnes politiques, la levée de fonds de campagne et les comptes rendus faits dans les médias au sujet des campagnes politiques. Cela englobera un examen des codes de conduite pour les hommes politiques et les partis politiques.

11.4Le pilier 1 de la Charte du peuple énonce que la réforme doit être mise en œuvre pour abolir le régime électoral en place, qui ne rendait pas fidèlement compte de l’opinion des électeurs, pour adopter le système ouvert et libre de la représentation proportionnelle et un système d’enregistrement électronique des électeurs de façon à remédier aux failles du système d’enregistrement manuel par le porte à porte et à l’expression des suffrages en fonction de considérations ethniques. Il est envisagé d’inscrire dans la Constitution le suffrage égal, sans considération ethnique et reposant sur la représentation proportionnelle, mais d’énoncer les procédures et règlements électoraux dans un décret distinct relatif aux élections. En éliminant les critères ethniques du régime électoral et en supprimant les sièges communaux réservés, l’on s’attend à ce que les partis politiques axent davantage leur campagne sur les politiques sociales et économiques. Il sera également nécessaire d’éduquer la population quant à la nécessité de s’exprimer sur les politiques et non sur les orientations raciales ou communales.

11.5Le Rapport sur l’État de la Nation et de la situation économique publié en août 2009 présentait les réformes électorales envisagées comme suit:

11.5.1Abolition complète du régime de représentation communal tel que prévu dans la Constitution et la loi électorale de 1998, et recours à un registre commun pour toutes les élections à venir;

11.5.2Réforme du système électoral et de vote tel que prévu dans la Constitution et la loi électorale de 1998 de façon à permettre l’adoption d’un système de représentation proportionnelle;

11.5.3Recommandation des listes ouvertes de parti comme système électoral de prédilection dans le cadre des consultations publiques sur la réforme électorale. Les autres systèmes pouvant être instaurés pour ces consultations sont les listes closes et le système de représentation proportionnelle mixte;

11.5.4Inclusion dans les lois électorales des Fidji de mesures de lutte contre la discrimination de façon à garantir que nul ne fera l’objet d’une discrimination de la part des partis politiques pour des motifs de race, de religion, de sexe ou de situation;

11.5.5Mise en place d’un nombre relativement limité de circonscriptions électorales de grande envergure (pas plus de cinq) afin d’optimiser les avantages que présente un régime électoral de représentation proportionnelle;

11.5.6Suppression de l’accord de partage obligatoire des pouvoirs prévu à l’alinéa 9 du paragraphe 5 de l’article 99 de la Constitution et examen de la possibilité de former un Conseil des ministres véritablement représentatif;

11.5.7Rabaissement de l’âge minimum pour voter de 21 ans à 18 ans; et

11.5.8Abolition de l’obligation de voter.

Le Gouvernement de la République des Fidji a approuvé ces recommandations en tant que fondement de la réforme électorale. Les autres réformes envisagées ont trait à la durée du mandat des parlementaires, au nombre de membres de la Chambre des représentants, au futur statut du Sénat, au droit de contester une élection générale, au droit de voter et aux moyens par lesquels la Constitution pourrait être modifiée.

11.6Par suite de l’abrogation de la Constitution en avril 2009, toutes les nominations auxquelles il avait été procédé au titre de la Constitution ont été annulées, y compris celle du Superviseur des élections. Le Bureau du Superviseur a été rétabli en application du décret no 6, tout comme la Commission électorale. Le Bureau met au point les mesures requises pour administrer les élections et, notamment, pour mener la réforme électorale. D’ici à 2014, le nombre d’électeurs en âge de voter (de plus de 18 ans) sera d’environ 660 000. Il y aura vraisemblablement quatre ou cinq circonscriptions, le système électoral reposera sur un régime de représentation proportionnelle, le pays comptera 1 150 bureaux de vote, l’enregistrement sera obligatoire et le vote facultatif. L’enregistrement se fera électroniquement, et environ 1 150 urnes seront mises à disposition, enfin les dispositions électorales seront prises pour garantir que les élections se déroulent sur une journée.

12.Élections régulières d’ici à 2014

12.1 Lorsque les élections sont libres, elles ont plus de chances d’être régulières. Toutefois, les irrégularités se produisent souvent dans des circonstances qui ne peuvent être aisément décelées, voire réprimées. Dans quelle mesure les femmes des Fidji sont-elles libres de voter où bon leur semble? Doivent-elles voter accompagnées de leur conjoint et de leur(s) fils? Tout comme les femmes sont souvent soumises à des pressions pour éviter qu’elles ne se plaignent des violences familiales qui leur sont infligées, et tout comme le nombre dramatique de crimes non signalés est le plus élevé pour les victimes qui sont des femmes ou des enfants, les femmes subissent des pressions afin qu’elles votent selon les orientations que l’on attend d’elles dans une société patriarcale.

12.2Le Bureau du Superviseur des élections a adopté une politique d’intégration des questions d’égalité des sexes qui vise à renforcer la participation des femmes à tous les stades de la préparation et de la tenue des élections. Des stratégies sont prévues pour consulter les femmes durant les programmes d’éducation des électeurs, la procédure de nomination des partis politiques, la procédure d’enregistrement et la procédure de vote. Ainsi, la représentation des femmes pourra-t-elle s’étoffer tant pendant les élections qu’à la suite de ces élections.

12.3Pour garantir que les élections sont véritablement «régulières», les Fidji se sont engagées dans une phase de bouleversements sociaux visant à ce que la société se démocratise en profondeur. Par démocratisation, on entend l’égalité de fond. Par égalité, on entend l’égalité des hommes et des femmes, des riches et des défavorisés sur le plan économique, et de tous les groupes ethniques que compte le pays. Afin de garantir que le vote de chacun a le même poids que les autres, il faut éradiquer les inégalités sociales profondes, qui ont empêché par le passé la tenue d’élections régulières.

12.4Les moyens d’y parvenir sont inscrits dans la Charte du peuple pour le changement, la paix et le progrès et dans la Feuille de route pour le changement stratégique, qui traite non seulement de la réforme juridique mais aussi des réformes sociale et économique. Il est admis aux Fidji que les réformes juridiques n’ont pas grande portée si elles ne s’accompagnent pas d’une autonomisation sur le plan économique. Le Gouvernement œuvre donc à des réformes ayant trait au droit à un logement sûr, au droit d’accéder au microfinancement, au droit à bénéficier sur un pied d’égalité de loyers fonciers, aux programmes d’atténuation de la pauvreté, à la légalisation des titres sur des terres pour les squatters, au développement des communautés villageoises, à la gratuité de l’éducation pour tous les enfants, à la gratuité des manuels scolaires et des transports collectifs pour les écoliers, et à la suppression de la TVA sur les denrées alimentaires de première nécessité. Ce qui ne signifie pas pour autant que notre peuple dépendra de l’assistance de l’État. Compte tenu des relations entre l’État et les groupes de population depuis l’ère coloniale, la population ne se montre ni autonome ni indépendante. Nos réformes visent à encourager l’acquisition d’une certaine autonomie.

12.5Il n’est pas davantage prévu d’abolir notre culture. Nous sommes fiers de nos cultures et en tirons une certaine force. Nos réformes visent à éduquer la population et les figures marquantes de la culture au fait qu’une direction responsable est une direction démocratique, qui confère l’autonomie aux hommes et aux femmes afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées sur les questions les concernant personnellement comme sur celles concernant l’ensemble de la communauté. Une direction éclairée a aussi à voir avec la responsabilisation, des dirigeants mais aussi de chacun.

12.6Nos réformes visent donc à démocratiser en profondeur notre société, et à unifier la population en dépassant les considérations liées à l’origine ethnique, au sexe et au statut économique. Les élections régulières ne sont possibles que lorsque existe une égalité de fond et, partant, une démocratie profondément enracinée. Nous ne souhaitons pas tenir des élections pour que certains groupes en rejettent les résultats du fait que leur propre parti ne les a pas remportées. Cela s’est pourtant produit dans notre pays, par le passé. Si l’on veut que la démocratie survive aux Fidji, il faut qu’elle ait un sens dans le cœur des hommes et des femmes. C’est la raison pour laquelle les réformes doivent être menées avant les élections, de façon à garantir que les élections à l’avenir seront régulières dans le vrai sens du terme. Ce n’est pas pour autant que les élections ne pourront pas se tenir avant 2014: elles se tiendront en 2014 au plus tard.

13.Conclusion

Le présent document avait pour but précis de répondre aux recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes portant sur le processus de réforme de la Constitution, aux élections, à l’état de droit et à l’indépendance de l’appareil judiciaire. Dans leurs réponses, les Fidji font état des réformes fondamentales entreprises dans le pays en vue de parvenir à instaurer une véritable démocratie. Ce document n’a pas abordé de façon spécifique le problème de la corruption, qui est l’un des obstacles à la démocratie. Les réformes visent également à améliorer la gouvernance. Il existe par ailleurs un lien direct entre développement, obstacles à l’égalité des sexes et corruption. Les réformes menées dans le pays visent à parvenir à une démocratie durable, fondée sur l’égalité, la bonne gouvernance et la responsabilisation. La justice en matière d’égalité des sexes est un but nécessaire qui doit être atteint si l’on veut parvenir à l’égalité et à la démocratie. L’État partie est disposé à fournir toute autre information utile dans le cadre de cette recommandation.