Nations Unies

CCPR/C/KEN/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

26 avril 2019

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des droits de l’homme

Quatrième rapport périodique soumis par le Kenya en application de l’article 40 du Pacte, attendu en 2015 * , **

[Date de réception : 28 décembre 2018]

Liste des abréviations

OITOrganisation internationale du Travail

Sidasyndrome d’immunodéficience acquise

VIHvirus de l’immunodéficience humaine

I.Introduction

1.Depuis la présentation du troisième rapport du Kenya au Comité des droits de l’homme en 2012, le Gouvernement a continué de mettre en œuvre les engagements pris par le pays au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après, « le Pacte »). Les recommandations du Comité ont éclairé la formulation de politiques, de lois et d’autres stratégies qui contribuent à améliorer l’exercice des droits de l’homme au niveau national. Le Gouvernement a donc le plaisir de présenter au Comité son quatrième rapport périodique sur l’application du Pacte. Le présent rapport décrit les progrès accomplis dans la réalisation des droits reconnus par le Pacte depuis le dernier exposé. Il contient des renseignements précis en réponse aux observations finales formulées par le Comité des droits de l’homme à sa 105e session (CCPR/CO/105/KEN). Il examine en outre les facteurs déterminants et les difficultés rencontrées par le Kenya dans la mise en œuvre de certains de ses objectifs relatifs aux droits de l’homme.

2.Le présent rapport a été établi conformément aux directives générales harmonisées du Comité des droits de l’homme formulées dans le document 06637. Conformément à ce qui est demandé dans les directives, les renseignements déjà communiqués aux autres organes créés en vertu d’instruments internationaux ne sont pas repris dans le présent document. Par exemple, les questions concernant les femmes sont traitées dans le huitième rapport périodique soumis par le Kenya au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et les informations relatives à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants peuvent être consultées dans le troisième rapport du Kenya sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3.Le Bureau du Procureur général (Attorney General)/Ministère de la justice a coordonné l’élaboration du présent rapport avec la participation de tous les ministères, des commissions nationales des droits de l’homme, des organisations de la société civile et des gouvernements des comtés. Les observations finales formulées par le Comité des droits de l’homme lors du dernier examen ont été diffusées.

II.Application de certains articles et réponses aux observations finales

A.Article premier : Autodétermination

4.La Constitution établit un cadre complet pour la démocratie constitutionnelle au Kenya, où le pouvoir souverain appartient au peuple. Le peuple kényan exerce sa souveraineté par l’élection libre et régulière de ses représentants tous les cinq ans. Les élections sont organisées sous la direction d’une Commission électorale indépendante créée en application de l’article 248 (par. 2 c) et conformément à la loi sur les élections. Les Kényans élisent des dirigeants pour les gouverner aux niveaux national et des comtés. La décentralisation, introduite par la Constitution en 2010, a joué un rôle majeur pour : accroître la participation de la population concernant la manière dont elle est gouvernée ; élargir le champ des activités de développement, la plupart de ces activités étant dévolues aux gouvernements des comtés ; assurer la répartition équitable des ressources nationales et locales ; protéger les droits des minorités et des communautés marginalisées ; et promouvoir le développement social et économique de même que l’accès aux services publics dans tout le Kenya.

5.La Constitution reconnaît que les peuples autochtones font partie des communautés marginalisées qui doivent être protégées par des mesures d’action positive visant à s’assurer qu’elles jouissent de leurs droits et de leurs libertés fondamentales sur un pied d’égalité avec le reste de la population. Leurs droits à la terre sont reconnus et protégés par la loi relative aux terres communautaires, promulguée en 2016, qui précise en outre le rôle des gouvernements des comtés en matière de terres communautaires non enregistrées. Toute démarche entreprise en relation avec les terres communautaires ne peut se faire qu’avec le consentement et la participation des communautés concernées.

6.La loi sur la gestion et la conservation des forêts protège les forêts qui constituent l’habitat des populations autochtones et prévoit la participation des communautés à la gestion forestière. Le Cadre de participation des autochtones à la planification (Indigenous People Planning Framework) est appliqué lorsque des peuples autochtones sont présents sur les terres d’un projet ou sont collectivement attachés à celles-ci. Le Plan est établi de façon que le processus de développement respecte pleinement la dignité, les droits de l’homme, les économies et la culture des peuples autochtones.

B.Article 2 : Non-discrimination et recours utile

7.L’égalité et la non-discrimination, consacrées par la Constitution, font partie des valeurs nationales importantes et des principes de gouvernance sur lesquels l’État kényan est fondé. Toute la Constitution témoigne d’un engagement ferme envers les principes d’équité, d’égalité, d’inclusivité, de non-discrimination et de protection des personnes marginalisées. Depuis la présentation du troisième rapport au titre du Pacte, un certain nombre d’améliorations majeures ont été apportées au cadre juridique et de décision en matière d’égalité et de non-discrimination au Kenya. Les paragraphes ci-après résument les dispositions législatives en matière d’action positive, les politiques et les mesures budgétaires et administratives adoptées pour lutter contre la discrimination subie par des personnes et/ou des groupes.

8.La loi de 2016 relative aux terres communautaires interdit toutes les formes de discrimination en rapport avec les terres communautaires. Elle permet aux communautés d’obtenir la reconnaissance juridique officielle de leurs droits fonciers. La loi de 2016 portant modification de la législation foncière traite de la question des injustices historiques liées aux terres, y compris des mesures de restitution et d’indemnisation qui peuvent être obtenues lorsque la décision judiciaire est favorable aux plaignants. Pour veiller à ce que l’exploration et l’extraction des ressources naturelles n’entraînent pas une marginalisation socioéconomique ou un appauvrissement des communautés qui possèdent ou occupent des terres, le projet de loi de 2014 sur les ressources naturelles (partage des bénéfices) vise à fournir un cadre pour l’établissement et l’application d’un système de partage des bénéfices entre les exploitants des ressources, le Gouvernement central, les gouvernements des comtés et les communautés locales.

9.La loi de 2016 relative à l’agence nationale pour l’emploi constitue le cadre juridique dans lequel l’État peut prendre des mesures d’action positive pour garantir l’accès à l’emploi des jeunes et des groupes marginalisés et leur autonomisation économique. La loi de 2009 sur la cohésion et l’intégration nationales interdit la discrimination fondée sur l’origine ethnique, la race, la couleur, la religion, la nationalité ou l’origine dans les domaines publics et privés de la vie nationale. Certaines des autres mesures politiques, budgétaires et administratives adoptées sont présentées ci-après.

10.Un Fonds de péréquation a été institué par la Constitution pour assurer aux zones marginalisées des services de base de la même qualité que ceux généralement accessibles aux citoyens dans le reste du pays. Ce fonds a été doté de 6 milliards de shillings kényans (environ 58,2 millions de dollars des États-Unis) en 2016/2017, de 7,7 milliards de shillings kényans (environ 74,7 millions de dollars des États-Unis) en 2017/2018 et de 4,4 milliards (environ 4,7 millions de dollars des États-Unis) pour l’année 2018/2019.

11.La décentralisation est encouragée dans le cadre d’une stratégie de développement économique et social équilibré. Elle renforce la participation des populations à la prise de décisions sur les questions qui les intéressent et assure une répartition équitable des ressources. Les recettes perçues à l’échelle nationale sont partagées comme suit : 8,45 % pour le Gouvernement central, 15 % pour les gouvernements des comtés et 0,5 % pour le Fonds de péréquation.

12.La Commission nationale pour l’égalité des sexes procède actuellement à un audit et au suivi des mesures d’action positive prises par les gouvernements décentralisés en matière d’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé et à l’information pour les femmes, les personnes handicapées, les minorités ethniques et autres et les communautés marginalisées. Les résultats de l’audit serviront à identifier les domaines dans la prestation de services qui présentent des insuffisances et qui pourront faire l’objet de mesures supplémentaires de rééquilibrage.

13.La politique du logement (document de session no 3 de 2014) détaille les mesures visant à répondre aux besoins des groupes vulnérables tels que les femmes, les jeunes, les personnes âgées et les personnes handicapées. La politique d’assainissement des quartiers insalubres (document de session no 2 de 2015) porte également sur les besoins de ces groupes. Cette politique est en cours d’actualisation dans le cadre du Programme d’amélioration des bidonvilles du Kenya (Kenya Slum Upgrading Programme) et du Projet d’amélioration des établissements humains informels du Kenya.

14.Audit ethnique et de la diversité : afin de remédier aux discriminations exercées par le passé, la Constitution appelle à la diversité ethnique dans la fonction publique. La loi sur la cohésion et l’intégration nationales prévoit qu’aucun établissement public ne peut recruter plus d’un tiers de ses employés au sein d’une même communauté ethnique. À cet égard, un audit ethnique et de la diversité a révélé un déséquilibre dans la fonction publique avec une prédominance des plus grandes communautés du Kenya. L’audit a permis d’influer sur la diversification de la fonction publique, tant au niveau national qu’à celui des comtés. Par exemple, l’audit des universités réalisé en 2016 a montré l’inclusion des Orma, qui en étaient totalement exclus en 2012, ainsi qu’une augmentation du nombre d’Ilchamus, qui sont des communautés marginalisées. Les gouvernements des comtés ont expressément ciblé des communautés minoritaires spécifiques pour le recrutement dans les offres d’emplois diffusées dans les journaux publics. La police kényane a élaboré des directives de recrutement pour se conformer à la Constitution de 2010 et à la loi sur la cohésion et l’intégration nationales. En conséquence, les récents recrutements de la police ont accordé une attention particulière à l’intégration des minorités.

15.La Politique sur la diversité dans la fonction publique (2016) prévoit des stratégies pour s’assurer que le processus de recrutement dans la fonction publique reflète la diversité des communautés kényanes. Cette politique est strictement respectée pour tous les recrutements et toutes les nominations dans la fonction publique. Les gouvernements des comtés ont expressément ciblé des communautés minoritaires spécifiques pour le recrutement. Pour permettre aux entités décentralisées de respecter les lois en vigueur en matière de non-discrimination dans l’emploi, le Gouvernement central a élaboré un manuel prescrivant les normes minimales que ces entités doivent appliquer pour se conformer au droit existant. Le manuel contient en outre les meilleures pratiques et les principes qui, lorsqu’ils sont appliqués, garantissent l’inclusion dans l’emploi au niveau des comtés.

Recours utiles

16.Les personnes disposent de divers moyens et voies de recours en cas d’allégation de discrimination et de déni de leurs droits constitutionnels et autres droits juridiques connexes. La Commission nationale des droits de l’homme, la Commission nationale pour l’égalité des sexes et la Commission de la justice administrative sont tenues par la Constitution et par la loi d’enquêter sur les plaintes pour violation des droits de l’homme et de prendre les mesures appropriées. La Commission nationale pour l’égalité des sexes, en particulier, a pour mandat de lutter contre la discrimination et de promouvoir l’égalité des chances fondée sur l’égalité entre les sexes, pour les personnes handicapées et les autres groupes vulnérables et marginalisés. Les Commissions communiquent fréquemment avec les communautés pour les sensibiliser aux questions d’actualité relatives aux droits de l’homme et pour leur donner les moyens de faire valoir leurs droits.

17.Les cours et tribunaux ont compétence pour statuer sur des demandes de réparation d’un préjudice résultant du déni, de la violation, du non-respect ou de menaces de violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale consacrés par la Charte des droits. Dans l’affaire Mitu-Bell Welfare Society & 2 autres c. Procureur général [2013] eKLR, la Cour a conclu qu’il y avait « manifestement donc, par la démolition sélective du village de Mitumba, violation du droit à la non-discrimination et à l’égale protection de la loi garantis par l’article 27 (par. 1, 2 et 4) de la Constitution ».

18.Dans l’affaire Fredrick Gitau Kimani & autre c. Procureur général & 2 autres (2012) eKLR (Haute Cour de Nairobi, Département des droits de l’homme et des droits constitutionnels), la Cour a déclaré que le refus, par le défendeur, de proroger l’âge de départ à la retraite du requérant de 55 ans à 60 ans, comme prévu par la loi de 2003 sur les personnes handicapées, constituait une violation de son droit de ne pas subir de discrimination en raison de son âge et handicap, protégé par l’article 27 (par. 4, 5, 6 et 7) de la Constitution et par l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le juge a considéré que le requérant avait été privé d’équité procédurale du fait que sa demande de départ différé à la retraite n’avait pas fait l’objet d’une réponse ni même d’un examen.

Réponse au paragraphe 8 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

19.L’article 45 (par. 2) de la Constitution prévoit le mariage entre adultes de sexes opposés, fondé sur le libre consentement des parties. L’article 165 du Code pénal (chap. 63) interdit les actes indécents entre personnes de sexe masculin. L’État réaffirme qu’il sanctionne et ne tolère pas les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle en ce qui concerne l’accès aux droits fondamentaux de l’homme tels que la santé, l’éducation et le logement. Les lois et les politiques sont en cours de modification pour veiller à ce qu’elles soient pleinement conformes à l’impératif constitutionnel de non-discrimination. En effet, dans l’affaire République c.  Conseil national des examens et une autre requérante ex parte Audrey Mbugua Ithibu, Département de contrôle judiciaire de la Haute Cour, affaire no 147 de 2013, eKLR, Mme Audrey Mbugua a poursuivi le Conseil national des examens (Kenya National Examinations Council, KNEC) pour avoir refusé de changer ses prénom et nom et de supprimer la mention « sexe masculin » sur son diplôme malgré la publication d’un avis au Journal officiel indiquant sa nouvelle identité. La Haute Cour du Kenya a rendu une ordonnance de mandamus obligeant le Conseil national des examens à reprendre le diplôme scolaire de la requérante délivré au nom d’Andrew Mbugua Ithibu et à remplacer ce diplôme par un autre au nom d’Audrey Mbugua Ithibu. Le nouveau diplôme ne devait pas comporter de mention relative au sexe.

20.Le Service de la police nationale, la Commission nationale pour l’égalité des sexes et un certain nombre d’organisations non gouvernementales, telles que la Commission nationale des droits de l’homme et la Fondation des ressources juridiques, sensibilisent les fonctionnaires sur la manière de traiter les questions relatives aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.

Réponse au paragraphe 9 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

21.Le Gouvernement kényan fournit des services à tous les habitants du Kenya sans discrimination. La stigmatisation et la discrimination ont été identifiées comme des obstacles à la prévention du VIH/sida et à l’utilisation des services de soins et de traitement. Les personnes socialement exclues, pauvres et vulnérables qui vivent avec le VIH utilisent rarement ces services, ce qui a des conséquences délétères. L’accès à la justice est au cœur de la création du Tribunal du VIH et du sida. La Haute Cour du Kenya et le Tribunal du VIH et du sida ont rendu des décisions qui ont confirmé les droits des personnes vivant avec le VIH. Le Gouvernement a mis en œuvre ces décisions en lançant diverses initiatives de sensibilisation et d’éducation de la population, pour mettre ainsi fin à la stigmatisation et à la discrimination, en particulier dans la prestation des services.

22.Voici quelques-unes de ces initiatives : sensibilisation des travailleurs sanitaires pour lutter contre les attitudes de stigmatisation dans les structures de soins ; élaboration et diffusion d’informations adaptées aux différents publics et facilement accessibles, y compris en braille ; les organisations religieuses ont intégré l’information sur le VIH et encouragent leurs membres à utiliser ces services ; et promotion de l’acceptation du concept de population prioritaire au sein de la communauté pour une utilisation accrue des services.

23.En outre, le Gouvernement : encourage les personnes vivant positivement avec le VIH/sida à faire campagne contre la stigmatisation et la discrimination liées au VIH ; sensibilise les communautés sur les questions juridiques et celles relatives à leurs droits et au genre, et utilise les médias pour mener des campagnes de lutte contre la stigmatisation et la discrimination ; lutte contre la violence fondée sur le genre ; promeut l’adoption des services liés aux VIH et les interventions de prévention. Des programmes de sensibilisation sont menés auprès des décideurs et des législateurs sur la nécessité d’adopter des lois, des règlements et des politiques qui interdisent la discrimination et facilitent l’accès à la prévention, aux traitements et aux soins.

24.La politique la plus récente sur le VIH/sida dans le secteur de l’éducation, élaborée en 2013, a éclairé l’élaboration de programmes visant à améliorer la prévention du VIH, les soins et le soutien aux élèves ainsi qu’aux personnels de l’éducation (par exemple, aux enseignants). Elle met l’accent sur des stratégies qui tiennent compte des questions de genre, car les femmes et les filles sont proportionnellement plus touchées par l’épidémie que le reste de la population.

25.Il convient de noter que depuis 2008, année où a été menée la première enquête sur les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), des efforts ont été déployés pour réduire le nombre d’infections à VIH chez ces personnes. L’un des principaux objectifs de l’étude sur les travailleurs du sexe masculins de Mombasa était de déterminer la faisabilité et l’efficacité des interventions visant à réduire le risque d’infection à VIH. À l’issue de cette enquête initiale, 40 travailleurs du sexe masculins ont été formés comme pairs éducateurs à la prévention du VIH et aux compétences de base en matière de conseils. En outre, 20 prestataires de soins de santé des hôpitaux et cliniques de la région de Mombasa ont été formés et sensibilisés aux questions relatives aux HSH, notamment au diagnostic des MST et au soutien psychologique en matière de VIH. Des préservatifs et des lubrifiants à base d’eau ont été distribués par l’intermédiaire d’un centre « Portes ouvertes » et par les pairs éducateurs. Des enquêtes de suivi continuent d’être menées pour s’assurer que cette population vulnérable est sensibilisée à la prévention et bénéficie de l’attention médicale nécessaire.

Réponse au paragraphe 20 des observations finales (CCPR/CO/105/KEN)

26.Le Gouvernement a indemnisé 19 000 personnes, déplacées à l’intérieur du Kenya à la suite des violences postélectorales de 2007, qui vivaient dans 80 camps. L’accent est désormais mis sur la réinstallation des personnes déplacées qui sont intégrées. L’organe chargé de la réinstallation des personnes déplacées est le Comité consultatif national de coordination pour les personnes déplacées (NCCC). Un montant de 6 milliards de shillings kényans a été réservé à la réinstallation de plus de 90 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays qui sont intégrées. Le Comité s’emploie, en collaboration avec les administrations des comtés, à identifier les personnes déplacées pour qu’elles puissent être indemnisées. Certaines personnes déplacées intégrées vivent à Ol Kalou, Nakuru, Kakamega, Vihiga, Kisii, Migori, Marsabit et Mombasa. La réinstallation des personnes déplacées à l’intérieur du pays s’est heurtée à certaines difficultés ; le recensement initial n’a pas permis d’identifier tous les déplacés susceptibles d’être indemnisés, et certaines personnes ont prétendu être des déplacés tandis que d’autres ont été enregistrées deux fois en tant que déplacés. Le manque de moyens financiers et de personnel suffisants pour faire face aux déplacements internes, au fil des ans, est également un facteur de ralentissement du processus de réinstallation. La loi de 2012 sur la prévention, la protection et l’assistance aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et aux communautés touchées est axée sur le respect des droits de ces personnes. La législation établit un fonds pour la nourriture, le logement, les fournitures médicales et une assistance financière, à l’intention des personnes déplacées à l’intérieur du pays, afin d’aider celles-ci à recommencer à gagner leur vie. La politique nationale relative à la prévention des déplacements internes et à la fourniture d’une protection et d’une assistance aux personnes déplacées à l’intérieur du Kenya comporte des dispositions qui offrent une protection supplémentaire.

27.La loi sur la prévention, la protection et l’assistance aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et aux communautés touchées est entrée en vigueur le 18 janvier 2013. Cette loi prévoit des procédures pour la réinstallation des personnes déplacées à l’intérieur du pays et porte création d’un Comité consultatif national de coordination chargé de piloter les programmes de réinstallation.

Réponse au paragraphe 5 des observations finales (CCPR/CO/105/KEN)

28.Avant la promulgation de la Constitution en 2010, le Kenya était doté d’un système dualiste dans lequel tout traité ratifié relatif aux droits de l’homme devait être incorporé dans la législation nationale par une loi. Toutefois, l’adoption de la Constitution en 2010 a radicalement transformé la position du droit international des droits de l’homme dans le système juridique kényan. Les paragraphes 5 et 6 de l’article 2 disposent respectivement que « [l]es règles générales du droit international font partie intégrante du droit kényan » et que « [t]out traité ou convention ratifié par le Kenya sera incorporé dans le droit kényan conformément à la présente Constitution ». La loi relative à la conclusion et à la ratification des traités a été promulguée en 2012. Cette loi prévoit une procédure détaillée pour la ratification des traités et précise le rôle du Parlement.

29.Toutefois, l’article 2 (par. 4) de la Constitution dispose que toute loi kényane ou règle de droit international incompatible avec la Constitution est nulle et non avenue dans la mesure de cette incompatibilité. À ce titre, il convient de comprendre que l’applicabilité du droit ou des régimes internationaux doit toujours être appréciée à l’aune du critère d’incompatibilité avec la Constitution.

30.Cette position a été confortée dans l’affaire Joseph Njuguna Mwaura & 2 autres c. République [2 ‑ 13] eKLR (Cour d’appel), où la Cour chargée d’examiner la question de l’abolition de la peine de mort a déclaré que, « conformément à l’article 2 (par. 5 et 6) de la Constitution, les traités et pactes internationaux auxquels le Kenya est partie, ainsi que les règles de droit international, font partie de notre droit. Il convient de préciser d’emblée que les instruments internationaux et les normes du droit international font partie intégrante de notre droit, mais seulement dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la Constitution. Cette condition est prévue à l’article 2 (par. 4) selon lequel « toute loi, y compris toute règle de droit coutumier, qui n’est pas conforme à la Constitution est, dans la mesure de son incompatibilité, considérée comme nulle […] ». À ce titre, le rôle des juges n’était pas de se livrer à des supputations et de s’interroger sur ce que devrait être la loi en l’interprétant dans l’abstrait. En effet, procéder de la sorte serait contraire aux articles 159 et 259 de la Constitution.

31.L’article 2 (par. 6) prévoit non seulement la primauté de la Constitution, mais également l’incorporation des traités internationaux ratifiés par Kenya dans son système national en tant que sources de droit.

32.Il est important de souligner que la Constitution sert de point d’ancrage à la Charte des droits dans les nombreux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Kenya est partie, dont le présent Pacte. En effet, l’article 19 (par. 3 b) souligne que la Charte des droits n’exclut pas les autres droits de l’homme et libertés fondamentales qui, bien que ne figurant pas dans la Charte des droits, sont reconnus ou conférés par la loi, sauf s’ils sont incompatibles avec la loi suprême du Kenya.

33.L’évolution de la situation en matière d’applicabilité du droit international au Kenya a en outre été confirmée dans l’affaire David Njoroge Macharia c. République [2011] eKLR ainsi que par la Cour suprême du Kenya dans l’opinion dissidente de son président, M. le juge Willy Mutunga, dans l’avis consultatif relatif à la représentation des femmes fixée au seuil minimal d’un tiers (avis consultatif no 2 de 2012) dans les termes ci‑après.

34.« La marginalisation des femmes kényanes sur la scène politique est indiscutablement une forme de discrimination au sens de l’article 27 de la Constitution et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à laquelle le Kenya a adhéré le 9 mars 1984, est mise en œuvre par effet de l’article 2 (par. 6) de la Constitution. Ces dispositions appellent collectivement à l’élimination immédiate de cette discrimination au moyen de l’autonomisation des femmes par leur représentation dans la vie politique, et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes demande que des mesures d’urgence soient adoptées pour inverser les répercussions négatives de cette discrimination systémique dans notre société. »

35.Les autres affaires qui développent cette jurisprudence sont notamment les suivantes : l’affaire Zipporah Wambui Mathara [2010] eKLR, où la Haute Cour, lors de son examen de l’article 11 du Pacte, a considéré que l’article 2 (par. 6) de la Constitution permettait d’incorporer dans le droit interne, en tant que sources du droit kényan, les conventions et traités internationaux ratifiés par le pays. Cette conception a également été confirmée par la Haute Cour dans l’affaire Beatrice Wanjiku & autre c. Procureur général & autre [2012] eKLR, où la Cour a fait la déclaration citée ci-après.

36.« Avant la promulgation de la Constitution, le Kenya avait adopté une approche dualiste en ce qui concerne l’application du droit international. Les conventions ou traités internationaux ratifiés par le Kenya ne pouvaient s’appliquer à l’échelle nationale que si le Parlement les incorporait dans le droit kényan en adoptant la législation pertinente. La Constitution, en particulier son article 2 (par. 5 et 6), a redéfini la relation entre le droit international et les instruments internationaux, d’une part, et le droit kényan, d’autre part. »

37.Cette incorporation directe du droit international des droits de l’homme dans le système juridique interne, par la Constitution de 2010, s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence dominante des organes créés en vertu d’instruments internationaux tels que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, lequel a recommandé, dans son observation générale no 9, l’application directe et immédiate des instruments internationaux contraignants relatifs aux droits de l’homme dans le cadre du système juridique interne de chaque État partie afin de permettre aux personnes de demander aux tribunaux nationaux d’assurer l’exercice effectif, accessible, abordable et rapide de leurs droits.

38.De nombreuses lois et réglementations ont été promulguées au Kenya pour intégrer les traités relatifs aux droits de l’homme dans la législation du pays. Pour n’en citer que quelques-unes : la loi sur les personnes privées de liberté, la loi sur la protection des victimes et la loi sur les personnes déplacées à l’intérieur du pays. Toutes les autres lois kényanes sont en cours d’examen pour assurer le respect des obligations du Kenya découlant des traités régionaux et internationaux.

C.Article 3 : Égalité entre les hommes et les femmes

(Pour plus d’informations sur l’article 3, voir le huitième rapport périodique du Kenya sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes présenté au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 2017)

Réponse au paragraphe 6 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

39.La Constitution garantit l’égalité des chances en réaffirmant le principe selon lequel « les femmes et les hommes ont droit à l’égalité de traitement, y compris à l’égalité des chances dans les domaines politique, économique, culturel et social ». Plus important encore, il est impératif, conformément à la Constitution, que les organes dont les postes sont pourvus par élection ou nomination ne soient pas composés à plus de deux tiers de membres du même sexe. Grâce à cette disposition, un grand nombre de femmes ont été nommées à divers postes au sein des pouvoirs exécutif, judiciaire et parlementaire. Ces dispositions sont de bon augure pour les femmes kényanes qui ont généralement été tenues à l’écart par la dynamique culturelle et sociale.

40.Toutefois, la pleine réalisation de l’égalité totale de facto est d’une certaine complexité. Le Kenya continue de se heurter à des difficultés en ce qui concerne l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier pour la représentation des femmes aux postes de décision et de direction dans la vie politique et économique. Bien que les femmes aient obtenu de meilleurs résultats aux élections de 2017 qu’en 2013, leur nombre ne permet toujours pas d’assurer le respect de la règle constitutionnelle des deux tiers. Aux élections nationales tenues en août 2017, 23 femmes ont été élues à l’Assemblée nationale, en augmentation par rapport aux 16 femmes élues à l’issue du scrutin précédent, ainsi que 47 représentantes et 6 candidates désignées par les partis politiques (le nombre total de femmes à l’Assemblée nationale est de 76). Toutefois, il manque encore 41 sièges à ce nombre pour atteindre 117 sièges, soit un tiers des 349 députés − 290 élus, 47 représentantes et 12 membres désignés. Pour la première fois depuis la décentralisation, 3 femmes gouverneurs et 3 femmes sénateurs ont été élues. Le nombre de femmes élues aux assemblées des comtés a également augmenté, passant de 84 à 96 sur un total de 1 450. Les données présentées dans le tableau 1 (annexe 1) fournissent des informations sur le nombre total de femmes au Parlement, dans l’appareil judiciaire et dans la haute fonction publique à la fin de mars 2018. Le tableau 2 (annexe 1) présente le nombre et le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration d’entités privées, le nombre de femmes présidant des conseils d’administration et le nombre de femmes dirigeant des sociétés cotées à la Bourse de Nairobi. Les données montrent en outre les entreprises privées qui sont parvenues à respecter le principe de deux tiers maximum de membres du même sexe aux postes de direction. L’article 8 de la loi portant création de la Commission nationale pour l’égalité des sexes charge ladite Commission de promouvoir l’égalité femmes-hommes et de lutter contre la discrimination dans les secteurs privé et public, conformément à l’article 27 de la Constitution.

41.Ces dernières années, trois tentatives ont été faites pour présenter au Parlement des projets de loi portant modification de la Constitution afin de mettre en œuvre son article 81 (al. b)) selon lequel pas plus de deux tiers des membres des organes publics dont les postes sont pourvus par élection doivent être du même sexe. Ces tentatives ont été faites en 2016, en 2017 et, plus récemment, en 2018. Cependant, à chaque fois, le Parlement a débattu de la question sans réussir à faire adopter les projets de loi proposés. Le principal argument en faveur de ce rejet était que les nouvelles dispositions entraîneraient une surreprésentation et alourdiraient encore davantage la charge fiscale. Les résultats insuffisants enregistrés par les femmes dans l’arène politique kényane peuvent être attribués à deux facteurs importants : la culture patriarcale du pays et son système électoral. Le système politique kényan exige un investissement énorme en capital social ; or, les processus d’accumulation du capital économique, culturel et politique continuent de favoriser les hommes par rapport aux femmes, indépendamment des divisions ethniques, religieuses et de classe. Le Gouvernement poursuit ses efforts pour mettre en œuvre des mesures visant à promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Certaines de ces mesures sont mises en évidence ci-après.

42.Les modifications apportées à la loi de 2011 sur les partis politiques contiennent des garanties en faveur de l’égalité entre les sexes afin de renforcer la participation des femmes à la vie politique et de combler les inégalités fondées sur le genre. Le Code de conduite prévu par cette loi impose aux partis de respecter et de promouvoir l’équité et l’égalité femmes-hommes ainsi que les droits de la personne et les libertés fondamentales, de pratiquer la tolérance et d’organiser des activités politiques inclusives.

43.Autonomisation économique grâce à l’amélioration des perspectives entrepreneuriales, avec notamment le Fonds Uwezo et le Fonds pour les femmes entrepreneurs. Afin d’accroître l’accès des femmes à la propriété et à l’utilisation foncières, par héritage et par acquisition personnelle, un certain nombre de lois ont été promulguées : la loi foncière (no 12 de 2012) et la loi sur l’enregistrement foncier (no 3 de 2012) augmentent l’accès des femmes à la propriété et à l’utilisation des terres, par héritage et par acquisition personnelle. La loi de 2013 sur les biens matrimoniaux garantit l’égalité entre les hommes et les femmes mariés en matière de possession, d’accès, de contrôle et de disposition des biens matrimoniaux.

44.Élaboration d’un guide pour l’intégration des principes d’égalité et d’inclusion dans les entreprises du secteur privé au Kenya. Ce guide vise à sensibiliser le secteur privé sur ses obligations et responsabilités constitutionnelles. Le Gouvernement, par l’intermédiaire de la Commission nationale pour l’égalité des sexes, surveille certains indicateurs et outils pour déterminer les niveaux institutionnels d’intégration des principes d’égalité et d’inclusion dans le secteur privé, dont le Règlement de 2016 sur le Fonds de discrimination positive du Gouvernement central, le Règlement sur le Fonds pour le développement social par la discrimination positive, la loi de 2013 sur la protection contre la violence familiale et diverses modifications apportées à la loi sur les marchés publics. Des projets généraux de sensibilisation ont été menés dans les écoles à l’intention de groupes cibles d’adolescents et de jeunes adultes. Les enfants et les jeunes sont sensibilisés à la question de l’égalité entre les sexes et incités à s’informer sur les professions atypiques pour leur genre et à ne pas se laisser guider par les rôles stéréotypés lorsqu’ils choisissent leur métier.

Réponse au paragraphe 7 des précédentes observations finales (CCPR/C/ KEN/CO/3)

45.La loi de 2014 sur le mariage reconnaît quatre types de mariage, à savoir le mariage civil, le mariage chrétien, le mariage islamique et le mariage coutumier. La polygamie est une pratique culturelle profondément enracinée, reconnue tant par le droit coutumier africain que par le droit islamique. Tous les mariages enregistrés en vertu de cette loi ont le même statut juridique. Avant l’adoption de la loi sur le mariage, les mariages coutumiers n’étaient pas régis par la loi, ce qui les rendait informels et incertains car leur légitimité ne pouvait être confirmée et officiellement reconnue qu’au moyen de jugements et de décisions judiciaires. Avant l’adoption de la loi, des femmes ont perdu leurs biens, leur compagnon et des avantages liés au mariage en raison de la difficulté de prouver l’existence d’un mariage coutumier. Dans certains cas, des femmes mariées selon le droit coutumier se sont vu refuser le droit d’hériter de leur conjoint décédé en raison de la difficulté de prouver l’existence d’une telle union.

46.Il convient de noter que la loi sur le mariage fixe l’âge légal du mariage à 18 ans et que les parties doivent librement consentir à l’union. Le couple adulte choisit librement, dès l’origine, le type d’union qu’il souhaite contracter. Les adultes qui choisissent volontairement de contracter un mariage monogame ne peuvent pas contracter ultérieurement un autre mariage, sauf en cas de divorce ou de décès. De même, quiconque a contracté un mariage polygame ne peut ultérieurement contracter un mariage monogame. Un mariage polygame peut par la suite être converti en mariage monogame, à condition qu’il n’y ait qu’une seule épouse au moment de la conversion.

47.La loi de 2015 relative aux successions : cette loi a été promulguée en 1981 et régit la transmission des biens d’une personne décédée. La loi a été révisée en 2015 pour aligner son contenu sur la Constitution. La disposition de la Constitution de 2010 relative à l’égalité prévoit qu’il n’est plus fait de discrimination à l’égard de l’un ou l’autre sexe et place toutes les personnes sur un pied d’égalité pour les questions de propriété et d’héritage. La législation révisée intègre désormais le droit des femmes d’hériter de biens.

48.La loi de 2013 sur les biens matrimoniaux : les parties à un mariage ont les mêmes droits à tout moment du mariage, y compris lors de sa dissolution (par. 3 de l’article 45 de la Constitution). En particulier, l’article 7 de la loi de 2013 sur les biens matrimoniaux dispose qu’en cas de dissolution du mariage, les parties ont droit à une part des biens égale à leur contribution monétaire ou non monétaire. Aux termes de l’article 2 de cette loi, la contribution comprend les contributions non monétaires ainsi que les tâches domestiques et la gestion du foyer conjugal, la garde des enfants, le soutien, la gestion de l’entreprise familiale ou des biens de la famille et le travail agricole. L’argument avancé en l’espèce est que cette définition désavantage grandement les femmes dont la contribution est principalement non monétaire et donc difficile à quantifier et à prouver, ce qui les démunit et les prive de droits économiques en cas de divorce. Depuis l’adoption de la loi, les cours et tribunaux ont privilégié la répartition sur la base de la contribution réelle.

49.Dans l’affaire Fédération des femmes juristes (FIDA) et autre c. Procureur général (2018) eKLR, (requête no 164B de 2016), la constitutionnalité de l’article 7 de la loi sur les biens matrimoniaux a été contestée en ce qu’elle porte atteinte aux dispositions de la Constitution. La Haute Cour du Kenya, dans sa décision rendue le 14 mai 2018, a déclaré que le fait que la Constitution reconnaisse la valeur et l’importance égales des époux ne garantit pas un partage « moitié-moitié » des biens. La part dont bénéficie chaque conjoint conformément à la loi sur le partage des biens matrimoniaux dépend en fin de compte au Kenya des proportions respectives prouvées des contributions financières directes ou indirectes des parties pour l’acquisition des biens. Dans l’exercice du pouvoir d’appréciation des juges, le règlement de cette question est largement tributaire des faits et des éléments de preuve présentés devant eux pour établir la nature de la contribution de l’un ou l’autre conjoint aux fins de l’acquisition des biens matrimoniaux. La jurisprudence énoncée dans ladite affaire est que les cours et tribunaux évalueront les contributions apportées pour l’acquisition du bien et procéderont à un partage juste et équitable de ce bien. Les cours et tribunaux ont adopté la position selon laquelle :

« […] à la dissolution du mariage chaque conjoint devrait quitter l’union avec ce qu’il ou elle mérite. Ce que l’on mérite doit être calculé en fonction de sa contribution respective, qu’elle soit financière ou non financière. Plus la contribution est élevée, plus les droits sont importants. Lorsqu’il est prouvé qu’une contribution non monétaire donne droit à un conjoint à la moitié des biens matrimoniaux, les cours et tribunaux sont tenus de donner effet à ce droit. Mais considérer que l’article 45 (par. 3) instaure automatiquement un partage “moitié-moitié” pourrait mettre en péril l’institution du mariage [...] ».

D.Article 4 : État d’urgence

50.La Constitution fournit un cadre global pour garantir la protection effective des droits en cas d’état d’urgence. Les dérogations limitées et spécifiques à certains droits ne peuvent être décidées que dans la mesure strictement nécessaire pour rétablir la normalité et la stabilité. L’article 58 de la Charte des droits dispose que l’état d’urgence ne peut être déclaré qu’en cas de guerre, d’invasion, d’insurrection générale, de désordre, de catastrophe naturelle ou d’autre danger public exceptionnel et seulement lorsque cela s’avère nécessaire. Le paragraphe 6 de l’article 58 précise que la législation promulguée en conséquence de la déclaration de l’état d’urgence ne peut limiter un droit ou une liberté fondamentale consacrés par la Charte des droits que dans la mesure où cette limitation est strictement requise par l’état d’urgence et conforme aux obligations de la République découlant du droit international applicable à l’état d’urgence. La Cour suprême est habilitée à se prononcer sur la validité de toute loi adoptée ou de toute autre mesure prise à la suite d’une déclaration d’état d’urgence. Le paragraphe 6 de l’article 58 habilite le Parlement à adopter, en période d’état d’urgence, une loi qui peut limiter un droit ou une liberté fondamentale énoncés dans la Charte des droits uniquement dans la mesure où :

a)Ces restrictions sont strictement exigées par la situation d’urgence ;

b)Ladite loi est conforme aux obligations qui incombent à la République conformément au droit international applicable à l’état d’urgence.

51.L’article 25 de la Constitution énonce clairement les droits non susceptibles de dérogation, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit à un procès équitable et le droit à une ordonnance d’h abeas corpus. L’article 2 (par. 6) dispose que les traités internationaux ratifiés par le Kenya font partie du droit kényan.

52.Le Kenya a été, et est toujours, la cible d’activités terroristes. Il a subi des attentats perpétrés par des groupes terroristes qui créent un climat de peur et nuisent à la qualité de vie en faisant des morts et des blessés. L’attentat perpétré en septembre 2013 contre le Westgate Mall (Nairobi) a fait 67 morts et plus de 175 blessés. En avril 2015, des extrémistes d’Al-Shabaab ont lancé une attaque contre l’Université de Garissa, faisant 148 morts et plus de 80 blessés. En juillet 2016, six personnes ont été tuées et plus de 20 autres blessées lorsque des terroristes ont tendu une embuscade à deux autobus publics en provenance de la ville de Mandera, dans la région frontalière du nord-est. Il y a eu plusieurs attentats contre des postes de police, des camps militaires et des villages où les civils ne sont pas armés. Pour lutter contre le terrorisme, le Gouvernement a renforcé les effectifs de sécurité dans ces zones afin de permettre une réaction rapide et dissuasive dans les régions touchées par l’extrémisme violent et les attentats. Des couvre-feux ont également été annoncés dans certaines régions. Toutefois, les couvre-feux sont normalement de courte durée et ne servent qu’à endiguer l’insécurité. Tous les droits de l’homme sont protégés et la légalité est respectée pour traduire en justice les auteurs d’attentats terroristes.

E.Article 5 : Dérogation aux droits fondamentaux de l’homme

53.Il n’y a rien de nouveau à rapporter concernant cet article.

F.Article 6 : Droit à la vie

Réponse au paragraphe 10 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

54.La Constitution reconnaît le droit à la vie et dispose qu’une personne ne peut être privée de la vie intentionnellement, sauf dans les circonstances prévues par la Constitution ou une autre loi écrite. L’article 204 du Code pénal prévoit l’imposition obligatoire de la peine de mort pour les personnes reconnues coupables de meurtre et d’autres crimes emportant la peine capitale.

55.Dans une décision historique rendue le 14 décembre 2017, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel le caractère obligatoire de l’article 204 du Code pénal, qui dispose que « toute personne reconnue coupable de meurtre est condamnée à la peine de mort » (affaire Francis Karioki Muruatetu et Wilson Thirimbu Mwangi c. République du Kenya et 5 autres, requêtes nos 15 et 16 de 2015 (jointes)). Le recours portait sur le caractère obligatoire de la peine de mort énoncé à l’article 204, qui ne permettait pas aux juges d’examiner les circonstances atténuantes des accusés. Les circonstances atténuantes constituent un aspect important d’un procès équitable. La Cour a déclaré ce qui suit :

« C’est au cours de l’examen des circonstances atténuantes que la version des faits présentée par l’accusé peut être particulièrement émouvante, ce qui oblige le juge à tenir compte d’un aspect qui n’a peut-être pas été clair pendant le procès... certaines circonstances peuvent appeler davantage la pitié que le blâme ou, au contraire, nécessiter l’imposition de la peine capitale si cet examen révèle un niveau indicible de brutalité et de cruauté. ».

56.Une équipe spéciale nommée par le Procureur général pour élaborer un cadre d’application de la décision rendue par la Cour suprême a proposé un cadre juridique complet pour guider la conduite des nouvelles audiences de détermination de la peine pour tous les détenus qui avaient été condamnés à la peine capitale au moment de la décision Muruatetu, tous les condamnés à mort dont la peine avait été commuée en emprisonnement à vie, et tous les détenus qui avaient été condamnés à mort après la décision mais sans qu’il soit tenu compte de la déclaration de la Cour suprême ni que celle-ci ait été prise en considération. L’équipe spéciale a en outre recommandé l’élaboration d’un guide sur l’imposition de la peine de mort et énoncé les critères permettant de condamner une personne à la réclusion à perpétuité. Il convient toutefois de noter que la décision de la Cour suprême n’abolit pas la peine de mort.

57.Le Comité consultatif sur l’exercice du droit de grâce (POMAC), la Commission nationale des droits de l’homme et le Bureau du Procureur général/Ministère de la justice ont organisé un certain nombre de campagnes pour sensibiliser la population à l’intérêt d’abolir la peine de mort.

58.Le Kenya n’a pas encore adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Réponse au paragraphe 10 des Précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

59.Lois antiterroristes : le Kenya a été la cible d’attentats terroristes qui continuent de coûter la vie à des Kényans innocents et de causer des destructions. La loi sur la prévention du terrorisme a été promulguée en 2012 pour lutter contre le terrorisme et mettre un terme aux ravages qu’il cause. Cette loi comporte une définition complète des actes de terrorisme, qui inclut, sans toutefois s’y limiter, les actes qui mettent en danger la vie d’une personne, causent de graves dommages matériels, font intervenir des armes à feu et présentent un risque grave pour la santé ou la sécurité du public. Ces actes doivent être perpétrés dans le but suivant :

a)Intimider ou faire peur à la population ou à une partie de la population ;

b)Intimider ou contraindre le Gouvernement ou une organisation internationale à agir ou à s’abstenir d’agir ; ou

c)Déstabiliser les institutions religieuses, politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale.

60.Il est à noter qu’un acte qui perturbe un service et qui est commis dans le cadre d’une protestation, d’une manifestation ou d’une cessation du travail n’est pas considéré comme un acte terroriste au sens de la présente définition tant que l’acte n’a pas pour but de causer un quelconque préjudice. La loi contient des garanties pour protéger les droits des personnes arrêtées qui ne peuvent pas être détenues pendant plus de vingt-quatre heures après leur arrestation, à moins que le suspect ne soit présenté devant un tribunal et que le tribunal n’ait ordonné sa détention provisoire.

61.La loi portant modification des lois relatives à la sécurité a été adoptée en 2014 à la suite de la vague d’attentats terroristes sur des cibles civiles et de la montée de la pression de l’opinion publique pour mettre fin à ces attaques. En 2016, certains articles de la loi ont été déclarés inconstitutionnels au motif qu’ils constituaient une violation de la liberté d’expression et des médias, des droits de l’accusé et du principe de non-refoulement consacré par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. La loi fait actuellement l’objet d’une révision pour trouver un point d’équilibre entre les impératifs de la sécurité et ceux des libertés civiles à l’ère du terrorisme.

62.Projet de loi sur les réfugiés : le Parlement a adopté en 2017 un projet de loi sur les réfugiés qui a été soumis au Président pour approbation. Ce projet de loi vise à donner effet à la Convention relative au statut des réfugiés, au Protocole relatif au statut des réfugiés et à la Convention de l’UA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. L’article 15 interdit le refoulement des demandeurs d’asile, des réfugiés, de leur famille et de toute autre personne. La loi proposée permet à une personne qui a obtenu le statut de réfugié et qui est en possession d’une carte d’identité valide d’exercer une activité rémunérée ou salariée. Elle prévoit également que les réfugiés résidant dans des camps désignés ont librement accès à la terre à des fins agricoles, mais sans avoir le droit de vendre, louer ou céder la terre. Le Président a renvoyé le projet de loi devant le Parlement en vue d’un examen plus approfondi et pour permettre la participation de la population. Le législateur étudie à nouveau le projet de loi afin d’examiner les raisons invoquées pour ce renvoi avant de le resoumettre au Président.

Réponse au paragraphe 11 des Précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

63.Le Gouvernement kényan accepte les obligations juridiques que lui font divers traités de respecter et de protéger le droit à la vie, le droit à la sécurité et le droit de ne pas être soumis à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Cette protection trouve sa pleine expression dans la Constitution.

64.La Constitution garantit en particulier la liberté et la sécurité de la personne et protège le droit à la vie. Les agents des forces de l’ordre soupçonnés d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires font l’objet d’une enquête et, en cas de faits avérés, sont traduits devant un tribunal civil compétent et impartial et des sanctions pénales leur sont imposées s’ils sont reconnus coupables. En ce qui concerne MM. Oscar Kamau King’ara et John Paul Oulu, les enquêtes sont au point mort faute de preuves, l’intégrité des lieux concernés n’ayant pas été préservée en raison des manifestations étudiantes qui ont éclaté peu après. Le dossier sera rouvert si de nouvelles preuves sont découvertes.

65.La Constitution impose aux policiers les normes les plus élevées de professionnalisme, de transparence, de responsabilité et de discipline. Elle exige également le respect des normes constitutionnelles relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales pour favoriser et promouvoir le lien avec l’ensemble de la société. Le Règlement intérieur de la police nationale est entré en vigueur en 2017 pour guider les policiers qui servent les Kényans selon la nouvelle Constitution. Ce Règlement intérieur énonce les règles de déontologie des forces de police. Il guide les agents de police sur le bon usage de la force et des armes à feu et de la force non létale. Un agent de police doit toujours s’efforcer d’utiliser d’abord des moyens non violents, et la force ne peut être employée que lorsque les moyens non violents sont inefficaces ou ne sont pas susceptibles d’obtenir le résultat escompté. Il convient de noter que la police a de plus en plus recours aux gaz lacrymogènes lorsque la situation le justifie. Lorsque la force létale n’est pas autorisée, les agents ne peuvent utiliser que le niveau de force objectivement raisonnable pour maîtriser un incident. En ce qui concerne les restrictions sur l’utilisation des armes à feu, le Règlement dit clairement que les armes à feu peuvent uniquement être utilisées dans les cas suivants : lorsque des moyens moins extrêmes sont inadéquats ; pour sauver ou protéger la vie de l’agent ou d’une autre personne ; en cas de légitime défense ou pour défendre une autre personne contre une menace imminente de mort ou de blessure grave. Les policiers doivent faire tout leur possible pour éviter l’utilisation d’armes à feu, en particulier contre les enfants.

66.Tous les agents des forces de l’ordre reçoivent une formation sur le respect des droits de l’homme qui permet un traitement équitable, juste et humain du public, ce qui est essentiel pour les activités de la police, en particulier celles relatives aux arrestations, détentions, perquisitions, saisies de biens et surveillances ainsi qu’à l’emploi de la force et des armes à feu. Les fonctionnaires de police sont tenus de suivre périodiquement des cours de révision sur l’utilisation des armes à feu. Tous les agents de police sont obligatoirement recrutés sur la base de critères en matière de professionnalisme, d’intégrité, d’antécédents et d’aptitudes psychologiques.

Réponse au paragraphe 13 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

67.En 2008, le Directeur des poursuites pénales a créé un groupe de travail interinstitutions chargé d’examiner toutes les affaires de violences locales postélectorales en cours d’enquête ou soumises aux tribunaux, pour faire des recommandations sur la manière et les moyens de garantir leur jugement rapide et équitable. Plusieurs affaires concernant des violences, notamment des viols, ont donné lieu à des poursuites et à des condamnations prononcées par les tribunaux kényans. Toutefois, le groupe de travail n’a pas pu recommander l’engagement de poursuites dans certains cas en raison du manque de preuves susceptibles de justifier une condamnation. Les facteurs identifiés par le groupe de travail comme contribuant au manque de preuves sont résumés ci-après.

68.Bien que les plaignants aient reconnu les communautés de leurs agresseurs en se fondant sur leur langue, ils n’ont pas été en mesure d’identifier des individus. Certains plaignants ont refusé d’identifier leurs voisins agresseurs du fait qu’ils (les plaignants) avaient déjà été réinstallés dans leur ferme d’origine. D’autres plaignants, qui avaient été indemnisés par le Gouvernement, ont quitté les lieux des affrontements et n’ont pas pu être retrouvés pour témoigner. Les dossiers restent ouverts.

G.Article 7 : Protection contre la torture et autres peines ou traitements inhumains, cruels et dégradants

(Pour plus d’informations sur l’article 7, voir le troisième rapport périodique du Kenya au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, soumis au Comité contre la torture en 2018)

Réponse au paragraphe 16 des Précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

69.L’article 29 de la Constitution dispose que toute personne a le droit de ne pas être soumise à la torture, qu’elle soit physique ou psychologique.

70.Les mesures prises pour réduire la surpopulation carcérale dans les centres de détention et les prisons consistent notamment à : accroître le recours au travail d’intérêt général, en particulier pour les infractions mineures ; augmenter l’aide juridictionnelle en faisant appel à des assistants juridiques pour conseiller les accusés ; tenir des audiences foraines dans les prisons afin de réduire la charge de travail des tribunaux ; mobiliser les comités d’usagers des tribunaux pour faire en sorte que les affaires soient examinées régulièrement et menées rapidement à leur terme ; accorder des remises de peine dans les conditions prévues par la loi ; faciliter le travail du Comité consultatif sur l’exercice du droit de grâce chargé d’examiner les affaires dans lesquelles les accusés sont susceptibles de bénéficier d’une libération, notamment sous caution. Le Gouvernement procède actuellement à l’introduction de la libération conditionnelle pour désengorger les prisons et accroître les chances de réinsertion des délinquants dans la communauté tout en assurant la sécurité publique.

71.Les allégations de torture et de mauvais traitements font l’objet d’enquêtes effectives et les auteurs présumés sont poursuivis et sanctionnés de manière appropriée s’ils sont condamnés ; les victimes reçoivent une indemnisation adéquate.

72.La torture visée à l’article 25 est un droit non susceptible de dérogation. La loi no 11A de 2011 sur le Service national de la police interdit aux policiers de soumettre toute personne à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 95). Un policier reconnu coupable d’avoir soumis une personne à la torture est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à vingt-cinq ans d’emprisonnement. L’article 270 de la loi no 25 de 2012 relative aux forces de défense kényanes interdit également au personnel militaire de se livrer à la torture, et tout militaire coupable d’actes de torture est passible d’une amende pouvant atteindre 10 millions ou d’une peine maximale de vingt-cinq ans d’emprisonnement. L’interdiction claire faite aux organismes de sécurité de recourir à la torture figure dans le programme de réformes et satisfait aux exigences de la Constitution. La loi relative à la protection des victimes prévoit l’indemnisation des victimes d’infractions au Kenya. Cette loi porte création d’un fonds de protection des victimes qui permet aux tribunaux de leur accorder réparation, notamment une indemnisation financière versée par le fonds, pour les dépenses encourues en raison de la perte ou du préjudice résultant de l’infraction visée. Ainsi, pour qu’il y ait réparation, la réparation des victimes doit être décidée par un tribunal après l’aboutissement des poursuites intentées.

73.À cette fin, l’État partie doit faire en sorte que les membres des forces de l’ordre continuent d’être formés en la matière en intégrant l’étude du Manuel de 1999 pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) dans tous les programmes de formation à l’intention desdites forces. Le Gouvernement a également pris des mesures pour éliminer la torture et les mauvais traitements, notamment en prolongeant la période de formation des nouvelles recrues des services de sécurité et en intégrant dans le programme d’enseignement une formation aux droits de l’homme et à la responsabilité de ne soumettre personne à la torture ou aux mauvais traitements. Les pratiques actuelles des services de sécurité promeuvent le respect et la défense des droits de l’homme des civils. Les techniques d’interrogatoire qui n’impliquent pas le recours injustifié à la force ou à la cruauté sont également enseignées dans le cadre de leur formation professionnelle. Parallèlement, des poursuites pénales ainsi que des mesures administratives et disciplinaires ont été engagées contre des agents de sécurité quand il s’avère qu’ils ont pris part à des actes de torture.

74.Promulgation de la loi sur la prévention de la torture : promulguée en 2017, cette loi donne une définition de la torture conforme à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les mesures décrites ci-après ont également été prises.

75.Traitement humain des personnes privées de liberté : une personne privée de liberté dans les conditions prévues par la loi au Kenya jouit de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales consacrés par la Charte des droits, sauf si ces droits et libertés ne sont pas compatibles avec l’incarcération et la privation de liberté. La loi sur les personnes privées de liberté, promulguée en 2014, prévoit que les personnes détenues, placées en garde à vue ou incarcérées sont traitées avec humanité, et respecte leur dignité humaine inhérente. Cette loi affirme les droits des personnes en garde à vue ou en prison et les devoirs de ceux qui en ont la charge. Elle prévoit en outre de lourdes peines pour ceux qui soumettent une personne privée de liberté à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

76.Mesures visant à assurer la sécurité des détenus : pour assurer la sécurité des détenus, les autorités pénitentiaires prennent des mesures pour classer les délinquants par catégorie de sorte que les criminels dangereux ne sont pas placés dans les mêmes cellules que les petits délinquants. Des investissements importants ont été faits dans du matériel de surveillance pour s’assurer que les détenus n’entrent pas dans les cellules avec des armes dissimulées qui pourraient mettre en danger la vie de leurs codétenus. En outre, les autorités pénitentiaires reçoivent une formation continue sur les fouilles à mener avant d’enfermer les détenus dans leurs cellules.

77.L’administration pénitentiaire a des travailleurs sanitaires en poste dans toutes les prisons du pays pour y dispenser des services de santé. Les agents sanitaires qui travaillent dans les prisons reçoivent une formation continue et sont informés des récentes avancées en matière de soins de santé. L’achat de médicaments et de fournitures médicales est effectué à temps pour tous les détenus. L’administration pénitentiaire travaille en étroite collaboration avec tous les gouvernements des comtés afin de renforcer l’appui apporté aux établissements pénitentiaires en ce qui concerne la fourniture de produits de base, les effectifs et la supervision.

78.Nombre d’enfants accompagnant leur mère : actuellement, 340 enfants se trouvent en prison avec leur mère. Les enfants sont autorisés à rester avec leur mère en prison jusqu’à l’âge de 4 ans, en raison essentiellement de la difficulté d’accéder aux institutions ou au personnel qui s’occupent des enfants. Des mesures ont été prises afin de mettre en place des structures spéciales pour les enfants qui se trouvent en prison avec leur mère, notamment en travaillant avec les parties prenantes pour fournir un environnement adéquat pour l’éducation, les loisirs, la lactation et l’hébergement des enfants et de leur mère. Lorsque l’enfant atteint l’âge de 4 ans, des dispositions sont prises pour qu’il soit pris en charge par un parent ou transféré dans un foyer pour enfants. Les tribunaux s’efforcent autant que possible de prononcer des peines non privatives de liberté à l’encontre des mères condamnées.

Réponse au paragraphe 12 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

79.Un programme élargi de police de proximité a été mis en place dans les camps de réfugiés de Dadaab et de Kakuma. Des unités de police supplémentaires ont été déployées pour renforcer la sécurité dans les camps. Il convient de noter que toute allégation d’infraction visant des policiers fait rapidement l’objet d’une enquête et que toute personne suspectée est poursuivie. Au Kenya, les personnes qui souhaitent obtenir une indemnisation doivent porter plainte devant une juridiction civile.

Réponse au paragraphe 15 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

80.La Commission nationale pour l’égalité des sexes, en collaboration avec les principaux partenaires et les parties prenantes, a facilité l’élaboration d’un cadre national multisectoriel de suivi et d’évaluation de la prévention et de la lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre au Kenya. Ce cadre fournit un mécanisme centralisé de suivi des progrès réalisés en matière de prévention et de lutte contre ce type de violence. Il permet de disposer de données fiables pour éclairer l’élaboration des politiques et simplifier l’établissement de rapports réguliers et périodiques à l’intention des parties prenantes et des organisations internationales. D’autres initiatives incluent l’élaboration des outils suivants : le règlement du fonds de discrimination positive du Gouvernement central (2016) ; la Politique de lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre au niveau des comtés (2017), qui définit un cadre global pour éliminer progressivement ces violences grâce à l’instauration d’un environnement de prévention, de protection, de soutien et de transformation ; et les Directives nationales sur la prise en charge des victimes de violences sexuelles (2014), qui fournissent un cadre directeur pour les procédures et services à l’intention des personnes ayant subi des violences sexuelles et reconnaissent expressément que la violence sexuelle constitue une atteinte grave aux droits de l’homme de même qu’un problème de santé majeur qui appelle impérativement l’attention de toutes les parties concernées. Ce cadre donne aux professionnels de la santé des orientations sur les étapes à suivre pour la prise en charge des personnes ayant subi des violences sexuelles, la conservation des éléments de preuve en vue de leur utilisation au procès, le soutien psychosocial et les autres questions éthiques liées à la gestion des problèmes de santé découlant de la violence sexuelle et fondée sur le genre.

81.Le manuel de formation en matière de violences sexuelles et fondées sur le genre à l’intention des procureurs est utile aux enquêteurs, professions médicales et organisations de la société civile, entre autres parties prenantes. Il constitue une importante ressource à laquelle les procureurs se réfèrent lors de la préparation des dossiers judiciaires. Il détaille les éléments constitutifs des infractions sanctionnées par la loi de 2006 sur les infractions sexuelles. Il explique la procédure à suivre pour signaler une infraction sexuelle et pour la procédure d’enquête, en particulier les étapes cruciales devant faire l’objet d’une attention particulière comme le recueil des dépositions, la manière d’intervenir sur le lieu de l’infraction, l’expertise médicale, l’identification des délinquants, les témoins experts et les contre-expertises. Il couvre en outre la procédure d’arrestation et la procédure préalable au jugement, en rappelant les droits de l’accusé énoncés dans notre Constitution.

82.Loi sur les infractions sexuelles (modifications) : les modifications proposées pour renforcer la loi sur les infractions sexuelles portent notamment sur la définition des infractions sexuelles, sur la prévention et la protection de toutes les personnes contre les actes sexuels illicites, sur les peines planchers pour les infractions sexuelles, sur la nécessité d’interdire les différents types de violence sexuelle commis contre les hommes, les femmes et les enfants − dont la tentative de viol, le viol, l’agression sexuelle, les actes indécents, le viol sur mineur, le viol collectif, le harcèlement sexuel, la pédopornographie, la prostitution enfantine, le tourisme pédophile, l’exploitation de la prostitution, l’inceste, la transmission délibérée du VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles mettant en danger la vie d’autrui − et sur les infractions motivées par la culture et la religion.

H.Article 8 : Droit de ne pas être tenu en esclavage ni en servitude

Réponse au paragraphe 17 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

83.Le Comité consultatif pour la lutte contre la traite des personnes, créé en application de l’article 19 de la loi de 2010 sur la lutte contre la traite des personnes, a été mis en place en 2014. Ses membres sont désignés par les organisations gouvernementales et la société civile. Il s’acquitte de son mandat conformément au Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains 2013-2017. L’une des activités menées par le Comité consultatif est le renforcement des capacités et la formation des procureurs, des fonctionnaires de l’immigration et de la police. De plus, il sensibilise le public, les hôteliers, les voyagistes et la police des frontières sur les questions relatives à la traite des êtres humains, y compris sur la prostitution des enfants et le tourisme pédophile. Tous les hôteliers et autres acteurs du secteur du tourisme ont été encouragés à signer le Code de conduite contre la prostitution des enfants. Le Comité directeur national, créé par la Commission nationale pour l’égalité des sexes, s’occupe également des questions relatives à la traite des êtres humains (en particulier des enfants et des femmes) à des fins d’exploitation sexuelle et de travail, grâce à une véritable collaboration avec les différentes parties prenantes aux niveaux national et régional.

84.Le Comité consultatif a réalisé des progrès appréciables dans l’identification des victimes et la poursuite des trafiquants. Les statistiques montrent que 47 victimes de la traite ont été identifiées à ce jour et que, sur les 30 trafiquants poursuivis, sept ont été condamnés.

85.Des structures communautaires sont en place dans les villes frontalières pour lutter contre la traite dans ces régions grâce à des campagnes de sensibilisation du public et à la surveillance des mouvements humains le long des frontières et au-delà. Les agents de l’État sont formés à l’utilisation de tous les outils juridiques à leur disposition pour faciliter l’extradition des trafiquants aux fins de poursuites judiciaires. Le Kenya dispose en outre d’un comité regroupant plusieurs organismes qui facilite le sauvetage volontaire des victimes ainsi que leur rapatriement, réadaptation et réinsertion dans leur famille, ou qui propose d’autres solutions si elles sont dans l’impossibilité de retourner dans leur communauté d’origine.

I.Article 9 : Liberté et sécurité de la personne

Réponse au paragraphe 18 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

86.De vastes réformes ont été entreprises pour permettre à la police d’être efficiente, efficace et professionnelle.

87.La réforme de la police est une priorité au Kenya depuis quelques années déjà. Le Document révisé relatif au programme de réforme de la police pour la période 2015-2018 s’inscrit dans le prolongement de ces efforts. Grâce à ce document stratégique, les cadres directeurs et institutionnels, ainsi que les capacités de responsabilisation, des services de la police ont été renforcés grâce à un meilleur respect, par les policiers, de la loi de 2003 relative à l’éthique des personnes occupant des emplois publics et de la loi de 2012 sur l’exercice des responsabilités et l’intégrité. Les capacités en matière de gestion stratégique des ressources humaines et le professionnalisme de la police ont également été renforcés en vue de réorganiser la préparation opérationnelle, la capacité logistique, le matériel et l’équipement des policiers. L’importance de motiver les policiers s’est imposée avec l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies novatrices et créatives pour leur bien-être et leur motivation durable. En septembre 2018, la police a fait l’objet de changements radicaux. Ces changements portent sur le commandement, l’uniforme, le logement et la formation au sein de la police administrative, de la police kényane et de la direction des enquêtes criminelles. Ils comprennent l’intégration des fonctions, la création d’une nouvelle image de la police, un nouveau nom et la suppression de certains postes.

88.Afin de promouvoir l’efficacité et l’efficience de l’administration de la justice et du système judiciaire, l’article 12 de la loi de 2015 sur la Haute Cour (organisation et administration) prévoit que son président est tenu de faciliter l’accès raisonnable et équitable aux services de la Cour et de créer au moins une antenne de la Cour dans chaque comté. À cette fin, le Président a entamé la décentralisation de la Haute Cour dans les 47 comtés. En décembre 2017, 39 Hautes Cours avaient été créées dans 38 comtés, ce qui signifie que seuls 9 comtés n’avaient toujours pas d’antenne de la Haute Cour. Il est également prévu de créer au moins un tribunal de première instance dans chacun des 290 sous-comtés. En ce qui concerne la règle des vingt-quatre heures : dans l’affaire Michael Rotich c. République du Kenya (Cour criminelle, requête pénale no 304 de 2016), la Haute Cour a jugé illégal pour la police de détenir des suspects pendant plus de vingt-quatre heures au motif de mener des enquêtes. Tous les accusés ont droit à ce que leur cause soit jugée rapidement. Dans cette requête pénale, le requérant avait été expulsé de Rio de Janeiro car il était accusé d’avoir perverti l’organisation des contrôles antidopage de certains athlètes. À son arrivée au Kenya, le requérant a été arrêté par la police et présenté à un tribunal dans les vingt-quatre heures sans avoir été informé des raisons de son arrestation, aucune charge n’ayant par ailleurs été retenue contre lui. Le ministère public, craignant que le requérant n’exerce des pressions sur les témoins en raison de sa position hiérarchique, a demandé son placement en détention provisoire avant qu’il ne soit formellement accusé d’une infraction pénale. La Cour a jugé qu’il était illégal pour la police de demander qu’une personne arrêtée reste sous sa garde sans qu’aucune accusation formelle ne soit retenue par un tribunal : « Le droit à la liberté d’une personne doit être respecté en toute circonstance, à moins qu’il n’existe des raisons juridiquement motivées de la priver de sa liberté. La police ne peut arrêter une personne que si elle a des indices convaincants qu’une infraction a eu lieu et si cette personne peut être accusée de ladite infraction ou si une accusation justifiant son maintien en détention est présentée au tribunal. ».

89.Depuis la présentation du dernier rapport au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, plusieurs textes législatifs et mesures ont été élaborés pour protéger les droits des personnes détenues. Les tribunaux et cours ont statué sur plusieurs questions concernant les droits des personnes détenues.

90.La loi de 2014 relative aux personnes privées de liberté garantit les libertés et droits fondamentaux des personnes en garde à vue ou incarcérées. Toutes les personnes privées de liberté ont la possibilité de communiquer avec toute personne de leur choix, y compris avec un avocat. Les personnes détenues qui estiment avoir été privées de leurs droits ou que leurs droits ont été violés peuvent porter plainte auprès du fonctionnaire responsable du lieu de détention ou du secrétaire du Gouvernement compétent. Il est possible de former un recours auprès de la Commission de la justice administrative (Bureau du Médiateur) et de la Commission nationale des droits de l’homme.

91.Une personne arrêtée a le droit d’être libérée sous caution, selon des conditions raisonnables, dans l’attente d’une accusation ou d’un procès, à moins qu’il n’existe des raisons impérieuses de ne pas la libérer. Il revient au tribunal d’accorder ou de refuser la mise en liberté sous caution. Le tribunal doit examiner s’il existe des raisons impérieuses de ne pas libérer la personne dans l’attente de son procès. La probabilité que l’accusé prenne la fuite et la sécurité des témoins sont des motifs qui peuvent justifier le rejet d’une demande de mise en liberté sous caution. En 2015, un groupe de travail sur la mise en liberté sous caution, créé en 2015, a élaboré des lignes directrices régissant la liberté sous caution qui constituent maintenant un cadre directeur pour les membres des forces de l’ordre, les juges et les policiers en matière de mise en œuvre du droit à la liberté sous caution tout en protégeant l’intégrité du processus judiciaire. Ces lignes directrices donnent des précisions sur le droit d’être libéré sous caution et les raisons impérieuses pouvant justifier le refus de mise en liberté sous caution, et insistent sur le fait que ces raisons doivent être précisées.

92.Dans l’affaire Aboud Rogo & autre c. République [2012] eKLR, deux personnes ont été inculpées de participation à un crime organisé, sur le fondement de l’article 3 (par. 3), lu conjointement avec l’article 4 (par. 1) de la loi de 2010 sur la prévention de la criminalité organisée. Elles étaient soupçonnées d’être membres du groupe illégal Al-Shabaab. Elles ont été arrêtées le 21 décembre 2010. Se fondant sur l’article 49 de la Constitution, le juge leur a accordé la liberté sous caution, soulignant que l’infraction visée ne l’interdisait pas et qu’il n’existait aucune raison impérieuse de la refuser. Il a ordonné que chaque demandeur signe une caution d’un montant de 3 000 000 shillings kényans ou fournisse une garantie correspondant à ce même montant. L’article 49 dispose qu’une personne arrêtée a le droit d’être libérée sous caution, selon des conditions raisonnables, dans l’attente d’une accusation ou d’un procès, à moins qu’il n’existe des raisons impérieuses de ne pas la libérer.

93.En outre, un recours en habeas corpus peut être présenté devant les tribunaux en cas de détention ou d’emprisonnement illégaux. Le recours en habeas corpus est un droit non susceptible de dérogation consacré à l’article 25 (al. d)) de la Constitution de 2010. La Constitution dispose également, au paragraphe 2 de son article 51, que « toute personne détenue ou placée en garde à vue a le droit de présenter un recours en habeas corpus ».

94.Dans l’affaire Masoud Salim Hemed & autre c. Directeur des poursuites pénales & 3 autres [2014] eKLR, l’homme concerné a été arrêté par des policiers le 2 février 2014 à la suite d’une descente de police sur une réunion de djihadistes présumés tenue à la mosquée Masjid Musa. L’homme n’a pas été présenté au tribunal dans les vingt-quatre heures suivant son arrestation, comme le prévoit pourtant la Constitution. Aucun poste de police de la région n’a enregistré son arrivée. Les recherches ultérieures dans les morgues se sont avérées infructueuses. Le tribunal a rendu en faveur du requérant une ordonnance d’habeas corpus aux fins que cette personne lui soit présentée le lundi 17 février 2014 à 10 heures. L’ordonnance n’a pas été suivie d’effet, la police ayant affirmé que l’homme ne se trouvait pas sous leur garde puisqu’il s’était échappé au moment de son arrestation. En dernier lieu, le tribunal a notamment ordonné à la Direction des enquêtes criminelles de la police, en se fondant sur l’article 387 du Code de procédure pénale qui prévoit la tenue d’enquêtes simultanées par la police en sus de l’enquête menée par le tribunal de première instance, de poursuivre l’enquête sur les circonstances entourant la disparition et/ou la mort de la personne faisant l’objet de la procédure d’habeas corpus.

95.Dans l’affaire Law Society of Kenya & 2 autres c. Procureur général & 2 autres [2016] eKLR, les requérants demandaient principalement la production d’une ordonnance d’habeas corpus adressée aux intimés. Lors de l’audition de la requête, le tribunal n’a pas été en mesure de conclure que les deuxième et troisième requérants avaient été arrêtés et détenus par des membres de la police administrative pour justifier une ordonnance d’habeas corpus contre le troisième intimé. Le tribunal a considéré que l’affaire devait être examinée au fond afin de rendre un jugement définitif sur la question de savoir si le troisième intimé avait arrêté et détenu illégalement les deuxième et troisième requérants pour justifier une ordonnance d’habeas corpus. Le tribunal a donc rendu une ordonnance à cet effet.

96.La loi sur la protection des victimes a été promulguée en 2014 pour garantir la protection, les droits et le bien-être des victimes d’infractions et d’abus de pouvoir. Elle porte également création d’un fonds d’indemnisation des victimes afin de pouvoir leur accorder des réparations et des indemnisations. Le terme « victime » désigne toute personne physique qui subit une blessure, une perte ou un dommage en conséquence d’une infraction. La loi relative à la prévention de la torture promulguée en 2017 prévoit que les dépenses encourues pour la prise en charge ou l’aide des victimes sont imputées au fonds de protection des victimes créé en application de l’article 27 de la loi de 2014 relative à la protection des victimes.

J.Article 11 : Nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle

97.Au Kenya, le mécanisme de détention dans un établissement civil est toujours applicable, en particulier lorsque les parties ne sont pas en mesure d’honorer une partie de leurs engagements contractuels. La loi de procédure civile régit la procédure dans le cadre de laquelle la détention est ordonnée. Certains craignent que cette disposition ne viole le droit d’une personne à la liberté et à la sécurité ainsi que le droit de ne pas être arrêté arbitrairement. Toutefois, plusieurs tribunaux ont interprété cette disposition comme signifiant qu’une personne ne peut pas être emprisonnée pour la seule raison qu’elle n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle. Des éléments constitutifs d’une infraction, autres que la simple incapacité d’exécuter l’obligation contractuelle, doivent être présents. Ces éléments comprennent la négligence ou le fait que le débiteur soit sur le point de s’enfuir ou ait l’intention d’entraver ou de retarder l’exécution de la décision le concernant.

98.Dans l’affaire Beatrice Wanjiku & autre c. Procureur général & autre (requête no 190 de 2011) (2012) EKLR, la détention dans un établissement civil demandée par le requérant pour ses débiteurs violait les droits et libertés fondamentales énoncés dans la Constitution et les conventions relatives aux droits de l’homme. Dans sa décision, la Cour a déclaré que la formulation « pour la seule raison », employée dans l’article 11 du Pacte, signifiait qu’une personne ne pouvait pas être emprisonnée pour la seule raison qu’elle était incapable d’exécuter une obligation contractuelle. Une raison supplémentaire doit exister pour qu’une personne puisse être emprisonnée. Toutefois, la Cour a déclaré inconstitutionnelle, nulle et non avenue, l’ordonnance 22 à l’article 7 de la loi de procédure civile, au motif qu’elle portait inutilement atteinte aux droits du débiteur judiciaire. Cette ordonnance habilite le tribunal à délivrer un mandat d’arrêt sur demande orale du créancier judiciaire lors de l’adoption du jugement si le débiteur judiciaire se trouve dans l’enceinte du tribunal. La Cour a conclu que cette disposition ne donnait pas au débiteur judiciaire un préavis suffisant ni la possibilité de rembourser sa dette, même s’il en avait les moyens.

K.Article 12 : Droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence

100.L’article 39 de la Charte des droits dispose que toute personne au Kenya a le droit de circuler librement dans le pays et de quitter le Kenya. Les citoyens ont le droit d’entrer, de rester et de résider partout au Kenya. Tous les visiteurs qui entendent se rendre au Kenya et qui ne sont pas citoyens kényans doivent déposer une demande de visa auprès de l’Office de l’immigration. Les étrangers qui ont obtenu tous les documents nécessaires pour entrer dans le pays peuvent se déplacer et résider n’importe où au Kenya. Toutes les zones sont accessibles, à l’exception de celles désignées comme zones de sécurité, des maisons d’État et des terrains privés. Les représentants de l’État et les fonctionnaires doivent obtenir l’autorisation du directeur des services de l’immigration ou du directeur de la fonction publique pour quitter le pays. Toutefois, des restrictions à l’exercice du droit de quitter le pays, même pour les citoyens, peuvent être décidées ou imposées par les tribunaux.

101.Une personne qui estime que ses droits ont été violés a le droit d’intenter une action en justice pour faire valoir qu’un droit ou une liberté fondamentale a été refusé, violé, non respecté ou menacé.

L.Article 13 : Expulsion d’un étranger qui se trouve légalement sur le territoire kényan

102.La loi no 11 de 2011 sur la citoyenneté et l’immigration est la loi d’orientation en ce qui concerne les ressortissants étrangers. Elle a abrogé les anciens statuts, la loi sur la citoyenneté (chap. 170), la loi sur l’immigration (chap. 172) et la loi portant limitation des droits des étrangers (chap. 173). Au Kenya, le terme « étranger » inclut les ressortissants étrangers. La première partie de la nouvelle loi de 2011 sur la citoyenneté et l’immigration définit l’étranger comme toute personne qui n’est pas un citoyen kényan.

103.L’enregistrement des étrangers est régi par la loi de 2011 sur la citoyenneté et l’immigration (partie VII, art. 56). La loi exige que tous les étrangers résidant au Kenya pour une période supérieure à quatre-vingt-dix jours soient enregistrés. Ces personnes reçoivent, sur demande, un certificat ou une carte de résident étranger.

104.En cas d’état de guerre entre le Kenya et un pays, le Secrétaire du Cabinet chargé de l’intérieur et de la coordination du Gouvernement central et le Conseil national de sécurité ont le pouvoir d’imposer des restrictions et des conditions aux ressortissants étrangers et de prendre des dispositions pour : interdire aux ressortissants étrangers d’atterrir au Kenya ou d’y entrer d’une autre manière ; interdire aux ressortissants étrangers d’embarquer au Kenya ou d’en sortir d’une autre manière ; imposer aux ressortissants étrangers de résider et de rester dans certains lieux au Kenya ; interdire aux ressortissants étrangers de résider ou de séjourner dans les zones précisées dans l’ordonnance ; imposer des sanctions aux personnes qui aident ou encouragent toute violation de l’ordonnance ; et toute autre question qui semble nécessaire ou utile pour la sécurité du pays.

105.Les personnes lésées par l’une des dispositions susmentionnées peuvent demander à la Haute Cour de réexaminer la décision. En outre, les décisions du Secrétaire du Cabinet ou du Service prises au titre de ladite loi peuvent faire l’objet d’un appel devant la Haute Cour.

106.La Constitution dispose également que justice doit être rendue à tous, quel que soit leur statut. Les articles 22 et 23 de la Constitution prévoient des garanties pour toute personne qui souhaite contester la mise en œuvre ou la protection des droits fondamentaux et/ou des libertés prévus par ce texte. Toute personne lésée a le droit d’intenter une action devant une juridiction compétente pour connaître de l’affaire.

107.En application de l’article 11 (par. l) de la loi sur les personnes privées de liberté, tous les étrangers privés de liberté doivent être informés sans délai, et en tout état de cause avant qu’ils ne fassent de déclaration aux autorités compétentes, de leur droit à l’assistance consulaire ou diplomatique et à demander que les autorités consulaires ou diplomatiques soient immédiatement informées de leur privation de liberté. Lorsque l’assistance consulaire n’est pas disponible, l’étranger a droit à une aide et une assistance judiciaires conformément à la législation.

M.Article 14 : Droit à un procès équitable et à l’égalité devant les tribunaux

Réponse au paragraphe 19 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

108.Le droit à un procès équitable est un droit absolu garanti par la Constitution. En effet, l’article 50 (par. 4) dispose que « les éléments de preuve obtenus d’une manière qui viole un droit ou une liberté fondamentale énoncés dans la Charte des droits doivent être exclus si leur admission est de nature à nuire à l’équité du procès ou à l’administration de la justice ». Dans son analyse de l’applicabilité et/ou de la réalisation du droit à un procès équitable au Kenya, la Haute Cour chargée de l’affaire Robert Muli Matolo c. République [2015] eKLR a clairement expliqué la manière dont elle a appliqué l’article 50 (par. 4) de la Constitution. Le sujet de désaccord portait sur l’introduction, par le ministère public, de déclarations de témoins et de pièces à conviction qui n’avaient pas été communiquées à l’accusé, ce qui était contraire au droit constitutionnel de l’accusé à un procès équitable tel que prévu par la Constitution. Le juge a statué que les cours et tribunaux devaient s’interroger de façon générale sur ce qui entraverait l’administration efficace de la justice et que, à ce titre, chaque affaire devait être examinée au fond et selon ses circonstances propres.

109.De même, dans l’affaire Joseph Ndungu Kagari c. République [2016] eKLR (Cour d’appel en matière pénale), il a été établi que l’appelant avait eu à répondre d’un chef d’accusation dont il n’était pas accusé et pour lequel il n’avait pas présenté de plaidoyer. D’autre part, les accusés n’avaient pas été représentés par un avocat. Dans sa décision, la cour d’appel a jugé que l’appelant et ses coaccusés n’avaient pas bénéficié d’un procès équitable et que l’ensemble de la procédure était une mascarade, en violation flagrante des dispositions constitutionnelles protégeant le droit à un procès équitable, et n’avait pas respecté les dispositions du Code de procédure pénale. La décision rendue en appel a été confirmée par la Haute Cour.

110.Le droit de l’accusé à un avocat est reconnu par l’article 50 de la Constitution, qui dispose que tous les accusés ont le droit de choisir, et d’être représentés par, un conseil et d’être informés de ce droit dans les plus brefs délais. L’État a l’obligation constitutionnelle de désigner un avocat commis d’office à la défense de l’accusé si une injustice substantielle en découlerait autrement. L’accusé doit être informé de ce droit dans les plus brefs délais.

111.L’assistance judiciaire est un élément essentiel de la promotion de l’accès à la justice pour tous. Toutefois, les honoraires des avocats restent prohibitifs pour beaucoup de personnes et entravent l’accès à la justice. L’une des mesures prises par l’État est la mise en place d’un système d’aide juridictionnelle au titre de la loi no 2 de 2016 sur l’aide juridictionnelle, qui fournit un cadre dans lequel une aide juridictionnelle gratuite est offerte à toutes les personnes indigentes. La loi sur l’aide juridictionnelle autorise légalement le versement de fonds publics pour répondre aux exigences de la mise en place de ce système. Le système est géré par le Conseil de l’aide juridictionnelle.

112.La loi sur l’aide juridictionnelle nationale a été promulguée en 2016 afin de fournir un cadre dans lequel une assistance judiciaire est mise à disposition en tant que mesure nationale pour améliorer l’accès à la justice en fournissant des services d’aide judiciaire abordables, accessibles, durables, sérieux et responsables aux personnes indigentes au Kenya et conformément à la Constitution. Cette loi porte création du Conseil national de l’aide juridictionnelle, qui a pour mandat de fournir une assistance judiciaire gratuite, y compris pour que les indigents puissent être représentés par un avocat. Elle promeut également l’élévation du niveau de connaissance juridique de la population, appuie les services juridiques dans les communautés en finançant des centres de conseils juridiques, et soutient les initiatives en matière d’éducation et de recherche qui améliorent l’accès à la justice tout en promouvant des modes alternatifs de règlement des litiges qui facilitent l’accès à la justice conformément aux principes constitutionnels.

113.Égalité devant les tribunaux : la bonne administration de la justice est un processus continu qui vise à réaliser l’intérêt supérieur de la population afin de maintenir sa confiance, de faire respecter la primauté du droit et de concrétiser un véritable sentiment de justice. En conséquence, des réformes de grande envergure ont été entreprises dans ce domaine afin de garantir l’accès à la justice et d’éliminer toute inégalité dans le système judiciaire. Le pouvoir judiciaire a mis en place un cadre directeur, juridique et administratif élaboré et mis en œuvre diverses initiatives stratégiques pour veiller à ce que les personnes ne soient pas privées de leur droit de demander justice.

114.Certaines des mesures adoptées au titre du Cadre de transformation de l’appareil judiciaire 2016/2017 comprennent : une augmentation substantielle du nombre de juges et la création de tribunaux supplémentaires ; l’introduction d’audiences foraines ; la réduction des coûts des services judiciaires ; la mise en place d’un système efficace d’information du public sur les frais de justice, d’un calendrier judiciaire et d’une charte des litigants. Les autres mesures prises incluent : la création du Bureau du conseiller juridique dans chaque tribunal pour aider les litigants qui se représentent eux-mêmes dans les procédures judiciaires ; des procédures judiciaires simplifiées ; et la mise en place de bureaux d’accueil du public dans tous les tribunaux. Le pouvoir judiciaire a également créé des tribunaux spéciaux pour les enfants et autres groupes vulnérables. La mise sur pied de tribunaux s’occupant des petites réclamations et des petits délinquants est à un stade avancé. Des investissements massifs dans le développement des capacités technologiques, organisationnelles, institutionnelles et humaines ont permis d’accroître l’efficacité de l’appareil judiciaire.

115.Plus révolutionnaire, le pouvoir judiciaire encourage les modes alternatifs de règlement des litiges dans le but d’améliorer l’accès à la justice, conformément aux dispositions de l’article 159 de la Constitution. Au cours de la période considérée, 88 médiateurs ont été accrédités pour s’occuper de la médiation rattachée aux institutions judiciaires. En tout, 1 497 dossiers ont été examinés et 463 dossiers ont été renvoyés devant un médiateur. Sur ces 463 dossiers, 156 ont été réglés pour un montant total de 615 594 226 shillings kényans. En moyenne, il a fallu soixante-neuf jours pour régler chaque dossier par le biais de la médiation. Cela démontre que les affaires sont réglées plus rapidement par la médiation que si elles suivent un processus judiciaire normal.

116.De surcroît, un groupe de travail sur les systèmes de justice informels a été créé au sein du pouvoir judiciaire et annoncé au Journal officiel en 2016. Il a été chargé d’examiner les mécanismes traditionnels, informels et autres d’administration de la justice en vue de mettre les systèmes de justice informels en conformité avec les règles constitutionnelles et de promouvoir l’accès à la justice.

N.Article 15 : Condamnation pour des comportements qui constituent des infractions

117.La Constitution affirme ce droit en son article 50 n) et confirme la pratique du droit kényan. La police kényane qui accuse des personnes arrêtées de crimes doit qualifier les comportements qui constituent des infractions d’après le Code pénal ou toute autre législation. Les tribunaux sont tenus d’instruire les affaires pénales et de condamner ou d’acquitter les accusés sur la base du droit pénal en vigueur. C’est la pratique dans le pays.

O.Article 16 : Droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique

118.La reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique est un élément clef dans la réalisation d’une multitude de droits pour permettre à une personne de vivre dans la dignité qui convient à un être humain. Au Kenya, l’enregistrement des naissances est la première étape clef pour la reconnaissance de sa personnalité juridique. Une fois enregistrée, une personne peut jouir de beaucoup d’autres droits, notamment en matière de travail, de vote, d’éducation et de propriété. La loi de 2011 sur la citoyenneté et l’immigration détaille les procédures d’enregistrement au Kenya. Elle permet la reconnaissance des enfants trouvés, des apatrides et des migrants, et précise les critères d’enregistrement. Avec la promulgation de la Constitution en 2010, le Kenya a pris des dispositions concernant les délais afin de réduire l’apatridie sur cinq ans. Ce processus a été ardu en raison principalement du manque de pièces justificatives. Toutefois, les apatrides Makondé vivant dans le comté de Kwale et remplissant les conditions requises ont récemment obtenu la nationalité kényane conformément à la loi.

P.Article 17 : Droit de ne pas être l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, son domicile et sa famille

119.La Constitution reconnaît à toutes les personnes le droit à la vie privée. Cela inclut le droit pour une personne : de ne pas subir de fouille corporelle ; à ce que son domicile ou ses biens ne fassent pas l’objet d’une fouille ; à ce que ses biens ne soient pas saisis ; à ce que les informations relatives à sa famille ou à sa vie privée ne soient pas inutilement exigées ou divulguées ; ou à ce que le caractère privé de ses communications soit respecté. Il est donc impératif que toutes les personnes, y compris les personnels de la Police nationale, respectent, protègent et fassent respecter les dispositions de la Constitution telles que prévues par le législateur. La nouvelle Constitution prévoit qu’une procédure judiciaire est indispensable pour obtenir le mandat de perquisition permettant à quiconque de procéder à une fouille. Sur cette base, chaque cas de violation du droit à la vie privée est examiné et tranché en fonction de la situation personnelle de chaque personne. Le droit à la vie privée est protégé au Kenya par un certain nombre de cadres législatifs, judiciaires et directeurs.

120.Dans l’affaire Standard Newspaper Ltd & autre c. Procureur général & 4 autres [2013] eKLR, la police a perquisitionné la société de presse Standard Newspaper et saisi son matériel et ses publications. Cette perquisition a soulevé la question de savoir si la fouille et la saisie du matériel de communication ou des publications constituaient une violation des droits fondamentaux du requérant. La Cour a jugé que les actes des intimés (de la police) étaient illégaux et avaient violé les droits du requérant en ce qu’ils constituaient une perquisition et une saisie arbitraires.

121.Dans l’affaire Winfred Gisebe Gisebe & 2 autres c. Gouvernement du comté de Kisii & 2 autres [2017] eKLR, la requête concernait des allégations de fouille, d’arrestation et de détention arbitraires de citoyens pacifiques et de destruction de biens par des policiers. La Cour a considéré que les défendeurs avaient agi en toute impunité et violé l’article 31 de la Constitution. Elle a donc déclaré que le droit à la vie privée du requérant, protégé par l’article 31 (al. a) et b)) de la Constitution, avait été violé par l’intrusion et la perquisition arbitraires à son domicile par les intimés.

122.Conformément à l’expectative légitime, l’article 51 de la loi sur le Service de la Police nationale souligne qu’un agent de police doit respecter et exécuter toutes les ordonnances et tous les mandats légalement émis. Toutefois, et dans le respect de la Constitution, l’article 57 de ladite loi dispose que si un policier a des motifs raisonnables de penser que tout ce qui est nécessaire à l’enquête sur une infraction présumée se trouve en un certain lieu et que le retard causé par l’obtention d’un mandat pour y pénétrer et procéder à une perquisition risque de compromettre le succès de l’enquête, ce policier peut exiger que la personne résidant en ce lieu ou responsable de celui-ci lui permette d’y entrer librement et lui fournisse des facilités raisonnables pour y effectuer une fouille. Par ailleurs, l’agent de police peut pénétrer en ce lieu sans mandat et procéder à la perquisition si, après avoir décliné ses fonctions et précisé son but, il ne peut y pénétrer sans retard déraisonnable.

123.Le plus important est que, s’agissant d’arrestations, de perquisitions et de saisies, la Constitution permet d’apprécier toute action policière et, en cas de violation, les policiers concernés seront tenus de verser des dommages et intérêts pour violation des droits et libertés fondamentaux d’autrui.

124.Le projet de loi de 2017 sur la protection des données a été élaboré pour garantir à toute personne le droit de ne pas voir ses informations personnelles inutilement exigées ou divulguées ainsi que le droit à la confidentialité de ses communications. Le projet de loi, une fois adopté, limitera la transmission et l’appropriation des données personnelles. Il réglementera également la collecte, l’extraction, le traitement, le stockage, l’utilisation et la divulgation des données personnelles.

125.Dans l’affaire C. O. M. c. Standard Group Limited & autre [2013] eKLR, l’intimé avait publié un article dans les quotidiens locaux révélant le statut VIH du requérant sans son consentement. La Cour a jugé que le défendeur avait violé le droit au respect de la vie privée du requérant, inscrit dans la Constitution et à l’article 22 de la loi sur la prévention et la maîtrise du VIH et du sida, lequel interdit à quiconque de divulguer toute information concernant le statut VIH d’une personne sans son consentement écrit.

126.La loi de 2014 sur la protection des victimes souligne le droit des victimes d’infractions pénales : à la protection de leur vie privée par les médias, qu’il s’agisse de la presse écrite ou électronique ou d’autres médias ; de ne pas subir l’immixtion déraisonnable des professionnels de la santé ; à la confidentialité de leurs communications avec les services d’aide aux victimes. Les forces de l’ordre qui enquêtent sur une infraction doivent veiller à ce que les renseignements concernant la victime demeurent confidentiels, sauf si cela est contraire à la loi ou pour assurer la sûreté et la sécurité de toute personne.

Réponse aux paragraphes 21 et 24 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

127.Le Kenya dispose d’un cadre juridique complet pour la protection des communautés touchées par les divers projets de développement entrepris par l’État. Les dispositions constitutionnelles énoncent que l’État ne peut priver une personne d’un bien, ou d’un intérêt ou droit sur un bien quelconque, à moins que cette privation ne résulte de l’acquisition d’un terrain ou d’une cause d’utilité publique ou d’intérêt public. Une telle privation exige une indemnisation rapide et juste, et la personne concernée peut saisir un tribunal en cas de litige. Les articles 107 à 143 de la loi foncière de 2012 garantissent que toutes les personnes sont dûment informées, consultées et donnent leur consentement éclairé. La population est consultée sur les questions de délocalisation, de financement, d’indemnisation des terres et des biens ainsi que de réinstallation des personnes déplacées. La procédure prévue par le droit kényan permet de s’assurer que l’acquisition des terres et le déplacement de la population ont lieu dans le respect des normes internationales. La loi de 2016 relative aux terres communautaires prévoit en outre : la reconnaissance, la protection et l’enregistrement des droits fonciers des communautés ; la gestion et l’administration des terres communautaires ; et le rôle des gouvernements des comtés vis‑à‑vis des communautés non enregistrées.

128.Le Cadre de participation des autochtones à la planification est utilisé lorsque des peuples autochtones sont présents sur les terres d’un projet ou sont collectivement attachés à celles-ci. Dans ces cas, un Plan des peuples autochtones (IPP) est établi afin que le processus de développement respecte pleinement la dignité, les droits de l’homme, les économies et la culture des peuples autochtones. À cette fin, le Cadre de participation des autochtones à la planification énonce des principes directeurs pour, entre autres choses, procéder à une évaluation sociale des communautés autochtones, mener des consultations gratuites, préalables et éclairées permettant de susciter une large adhésion au sein des communautés, et élaborer des plans d’action visant à :

a)Éviter les conséquences potentiellement néfastes sur les communautés des peuples autochtones ; ou

b)Lorsqu’il n’est pas possible de les éviter, à minimiser, atténuer ou compenser ces conséquences ; et

c)Veiller à ce que les peuples autochtones bénéficient d’avantages sociaux et économiques adaptés à leur culture de même qu’à tous les sexes et à l’ensemble des générations.

129.En ce qui concerne les Ogiek, le Gouvernement a créé un groupe de travail sur la mise en œuvre du jugement de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples concernant le peuple autochtone ogiek. Le groupe de travail est chargé d’étudier ce jugement et les autres décisions rendues par les juridictions locales concernant l’occupation de la forêt de Mau par les Ogiek, en vue : d’identifier toutes les lois et politiques foncières pour voir comment ces textes traitent de la situation difficile des Ogieks de Mau ; de déterminer la situation cadastrale et foncière des terres revendiquées ; de recommander des mesures de réparation en faveur des Ogiek, lesquelles peuvent comprendre la restitution de leurs terres d’origine ou leur dédommagement en proposant d’autres terres ; et d’élaborer un rapport qui sera soumis à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à Arusha. Le groupe de travail doit également examiner les conséquences du jugement sur les affaires similaires dans d’autres régions du pays.

Q.Article 18 : Liberté de pensée, de conscience et de religion

130.Le Kenya compte un grand nombre d’églises bien établies, qui pratiquent librement leur culte dans tout le pays. La vague de confréries protestantes et/ou pentecôtistes a vu naître de nombreuses autres églises et plus de 4 000 églises sont maintenant enregistrées au Kenya. Le pays compte également un nombre important de musulmans et d’hindous.

131.La Constitution garantit le droit à la religion et/ou aux croyances. Compte tenu de la mixité de la population, les rédacteurs de la Constitution, dans leur sagesse, ont proclamé en son article 8 qu’il n’y a pas de religion d’État. De surcroît, l’article 32 de la Constitution de 2010 reconnaît à chacun le droit à la liberté de conscience, de religion, de pensée, de croyance et d’opinion. Toutes les églises sont enregistrées en tant que sociétés au Registre des sociétés.

132.En 2015, le Procureur général a élaboré un projet de modification de la loi sur les sociétés pour rationaliser les procédures d’enregistrement des organisations religieuses au Kenya. Toutefois, des organisations confessionnelles se sont opposées à certaines dispositions qui, à leur avis, entraîneraient une réglementation excessive de la part du Gouvernement. Parmi ces dispositions, les plus importantes portaient sur les chefs/dirigeants religieux et sur l’intégrité, ainsi que sur l’obligation de rendre compte des ressources confiées aux organisations religieuses par les paroissiens. L’impasse sur ces dispositions a conduit à l’adoption d’un moratoire sur l’enregistrement des églises et des sociétés.

133.Le moratoire ne visait nullement à limiter les libertés d’association, de conscience et de religion, telles que garanties par la Constitution ou le Pacte. Le problème était que des responsables de plusieurs institutions et sociétés religieuses se livraient à des activités inadmissibles qui portaient préjudice à leurs fidèles. C’est le cas notamment du scandale, tristement célèbre, des « panda mbegu » [graines de plantes]. Il s’agissait d’un pasteur qui demandait à son auditoire de lui envoyer de l’argent liquide, qu’il appelait une « contribution », afin de pouvoir bénéficier de prières, de miracles et de guérisons. Cette escroquerie a provoqué l’indignation générale et l’État a jugé nécessaire de prendre des mesures pour mettre un terme à ces activités.

134.Le Bureau du Procureur général/Ministère de la justice a tenu diverses consultations avec des organisations religieuses pour examiner les activités actuelles des institutions confessionnelles en vue d’encourager les organismes religieux à accepter un système de fonctionnement davantage rationalisé et réglementé. Jusqu’à présent, la réforme prévue est bloquée en raison de l’affaire en instance devant la Cour.

135.Néanmoins, la réglementation fondée sur la loi relative aux sociétés existe, mais son application doit être plus stricte. Par exemple, l’article 30 de la loi relative aux sociétés exige que les organisations religieuses soumettent des rapports vérifiés. En conséquence, chaque société enregistrée est tenue de fournir annuellement au Registre des sociétés, au plus tard à la date prescrite, les déclarations fiscales, les comptes et autres documents prévus par la loi. Le non-respect de l’article susmentionné constitue une infraction. Concrètement, il convient de contrôler les prêtres voyous et/ou les individus qui profitent des enseignements religieux pour exploiter leurs fidèles et s’enrichir en les appauvrissant.

R.Articles 19 et 20 : Nul ne peut être inquiété pour ses opinions

136.Le droit à la liberté d’opinion et d’expression est bien défini dans notre Constitution. La liberté des médias est garantie par son article 34 de la Constitution, qui interdit à l’État d’exercer un contrôle indu sur les médias. Le caractère sacré et l’importance de la liberté de parole et d’expression dans un espace démocratique sont incontestables. Dans une société progressiste, seule la liberté d’opinion et d’expression permet la transformation par la transmission et le partage des idées qui inclut les voix dissidentes pour l’avenir et le développement durables de l’humanité. Il est donc important de sauvegarder ces droits et, quoi qu’il en soit, il convient d’identifier les menaces réelles qui sont jugulées par le cadre constitutionnel, comme la propagande en faveur de la guerre, car celles-ci ne sont pas admissibles.

137.La loi sur l’accès à l’information a été adoptée en 2015. Elle affirme le droit juridiquement exigible de tout citoyen d’accéder à l’information détenue par le Gouvernement et les services de l’État. Ce droit permet aux citoyens d’accéder librement à l’information et d’être ainsi en mesure de demander des comptes au Gouvernement, ce qui conduit à la promotion de la bonne gouvernance.

138.Les cours et tribunaux kényans ont redoublé d’efforts pour créer davantage d’espace pour la liberté d’expression dans le pays en abrogeant l’article 194 du Code pénal relatif à la diffamation criminelle. La décision rendue par la Haute Cour dans l’affaire Jacqueline Okuta & Anor c. Procureur général & autres [2017] eKLR est importante pour sauvegarder les droits fondamentaux des Kényans. La Cour a conclu que l’emprisonnement en tant que sanction ne pouvait pas « raisonnablement se justifier dans une société démocratique » et que l’existence de voies de recours civils permettait d’obtenir une réparation suffisante en cas d’atteinte à sa réputation. Le Procureur général a abandonné toutes les poursuites dans les affaires de diffamation criminelle quand la Haute Cour a déclaré que ledit article était inconstitutionnel.

139.Une autre affaire qui renforce le droit à la liberté d’expression est Geoffrey Andare c. Procureur général et 2 autres [2016] eKLR, dans laquelle le requérant était accusé d’infraction à l’article 29 de la loi sur l’information et les communications (chap. 411A) suite à une publication sur les médias sociaux (Facebook). La Cour a jugé que cet article était inconstitutionnel, car il était rédigé en des termes vagues et trop généraux qui violaient ou menaçaient le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 33 de la Constitution.

140.S’il est vrai que la liberté d’opinion et d’expression est fondamentale dans toute société démocratique, le Gouvernement a en permanence la responsabilité de promouvoir la cohésion et l’harmonie nationales, de protéger les personnes contre les discours haineux et désobligeants ainsi que de sauvegarder la sécurité nationale. La montée des canaux alternatifs d’information, largement non réglementés, tels que les médias sociaux, pose également de nouveaux défis au journalisme responsable et créé des brèches pour les discours d’incitation. Les discours haineux et les fausses nouvelles sur les médias sociaux posent constamment de véritables défis.

S.Article 20 : Interdiction de toute propagande en faveur de la guerre et de tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse

141.L’article 33 garantit la liberté d’expression dès lors que l’exercice de cette liberté ne constitue pas de la propagande en faveur de la guerre, de l’incitation à la violence, un discours de haine, de l’incitation à la haine ou une incitation à causer du tort à autrui. La liberté d’expression fait l’objet de restrictions quand elle favorise la discrimination à l’égard de personnes ou de groupes fondée sur la race, le sexe, la grossesse, la situation matrimoniale, la santé, l’origine ethnique ou sociale, la couleur, l’âge, le handicap, la religion, la conscience, les convictions, la culture, l’habillement, la langue ou la naissance.

142.La Commission nationale pour la cohésion et l’intégration, créée par la loi de 2008 sur la cohésion nationale et l’intégration, a pour mandat de renforcer la cohésion et l’intégration au Kenya ainsi que d’identifier les formes inacceptables d’expression publique et de donner des moyens de recours en la matière, car ladite loi interdit l’incitation à la haine ou les déclarations susceptibles d’inciter à la haine ethnique ou de la susciter. La responsabilité de la Commission est d’encourager et de faciliter les bonnes relations et une coexistence harmonieuse et pacifique entre les membres des différentes communautés ethniques au Kenya et de lutter contre les discours de haine qui utilisent des mots ou des comportements menaçants, impropres ou insultants pour commettre une infraction dans l’intention, ou ayant pour conséquence, d’attiser la haine ethnique.

143.Avec l’utilisation accrue d’Internet et des médias sociaux, le Gouvernement doit relever le défi de repérer et de décourager les discours haineux, qui sont parfois anonymes et difficiles à identifier, et de permettre au plaignant d’obtenir réparation. La frontière entre la liberté d’expression, y compris la critique et les commentaires négatifs, d’une part, et les remarques qui incitent à la haine, d’autre part, est souvent ténue. Ces mêmes défis se posent également à l’échelle mondiale en raison de l’utilisation généralisée des médias sociaux, qui peuvent servir à perpétuer la haine et notamment à promouvoir des idéologies terroristes.

T.Article 21 : Droit de réunion pacifique

144.La Constitution garantit, en son article 37, le droit de se réunir, de manifester, de mettre en place des piquets de grève et de présenter des pétitions aux autorités publiques de manière pacifique et sans armes. La loi relative à l’ordre public (telle que révisée en 2014 [2012]) établit un équilibre entre la liberté de réunion et le devoir de maintenir l’ordre public. Tout groupe ayant l’intention de tenir une réunion ou une assemblée publique doit en informer le représentant de l’État compétent au moins trois jours avant l’événement. Les organisateurs d’assemblées publiques ou leurs représentants autorisés doivent être présents tout au long du rassemblement public et aider la police à maintenir l’ordre public. 

145.Le Gouvernement soutient et défend le droit des individus, des défenseurs des droits de la personne et des groupes à se réunir librement, à mettre en place des piquets de grève, à manifester et à présenter des pétitions. Il s’agit du cadre normal de la participation citoyenne, en particulier aux niveaux politique et de la société civile. Au Kenya, les partis politiques, les parlementaires, la société civile et le monde universitaire participent à un débat public animé sur diverses questions d’actualité. Cependant, les manifestations ont parfois dégénéré en émeutes et en activités criminelles, y compris avec le pillage de biens privés, le vol de passants ne faisant pas partie des rassemblements et, dans certains cas, des agressions physiques contre des passants innocents.

146.Divers groupes ont joui du droit de réunion pacifique à l’intérieur du pays, notamment les groupes syndicaux d’enseignants et de médecins. Les enseignants se sont collectivement mis en grève et ont tenu plusieurs assemblées pacifiques dans diverses régions du pays pour obtenir que l’accord de reconnaissance de 1968 entre leur syndicat et la commission des enseignants soit respecté dans une nouvelle convention collective récemment négociée. Le Gouvernement et le syndicat des enseignants ont trouvé un terrain d’entente pour que l’accord de reconnaissance susmentionné soit appliqué et pour donner aux enseignants des possibilités de progresser dans leur carrière, entre autres points sur lesquels ils se sont accordés.

147.De même, les médecins kényans ont récemment mené une grève à l’échelle du pays en suspendant les services médicaux dans tous les hôpitaux publics, sauf pour les cas d’urgence. Les médecins ont tenu plusieurs assemblées pacifiques dans divers villages et villes du pays. La grève a duré quatre-vingt-quinze (95) jours, pendant lesquels les représentants syndicaux ont revendiqué, auprès du Ministère de la santé et des autres services de l’État compétents, l’application de la convention collective que leur syndicat avait signée avec le Gouvernement. La grève avait été provoquée par le fait que la convention collective n’était pas appliquée par le Gouvernement. Les responsables syndicaux sont parvenus à trouver une solution qui puisse garantir que le Gouvernement central honore la convention collective. Les gouvernements des comtés devaient également jouer un rôle clef en veillant à ce que la convention collective soit pleinement mise en œuvre, notamment en ce qui concerne la rémunération des médecins et l’amélioration des conditions de travail dans les hôpitaux des comtés.

148.Le Gouvernement continue, d’une part, de superviser et de faciliter la liberté de réunion avec équité, et, d’autre part, d’incorporer l’interprétation et l’explicitation du droit par les cours et tribunaux pour trouver un équilibre entre liberté de réunion et protection du droit à la sûreté et à la sécurité.

U.Article 22 : Liberté d’association et droit de constituer des syndicats et d’y adhérer

149.La Constitution reconnaît et protège la liberté d’association et le droit de toute personne de constituer une association, quelle qu’en soit la nature, d’y adhérer et de participer à ses activités. En outre, toute personne a le droit à des pratiques de travail équitables et le droit de constituer un syndicat, d’y adhérer et de participer à ses activités et programmes. Ces dispositions de la Constitution visent à garantir et à protéger davantage les droits consacrés à l’article 22 du Pacte.

150.La liberté d’association est un droit fondamental dans toute démocratie. Telle qu’envisagée par la Constitution, elle suppose l’adhésion volontaire d’un individu à une association de son choix. La liberté d’association suppose que toute législation qui exige l’enregistrement d’une association de quelque nature que ce soit doit prévoir cette procédure ; cet enregistrement ne peut être refusé ou retiré sans motif raisonnable et le droit à une procédure équitable doit être garanti avant de procéder à son annulation.

151.Au Kenya, les membres de la police et des forces de défense ne sont pas autorisés par leur législation respective à adhérer à un syndicat ni à participer aux activités d’un syndicat, ni à faire grève. Ces deux cas de figure sont les seules restrictions au droit de constituer des syndicats et d’y adhérer et à la liberté d’association prévues par la législation kényane actuelle. Ces restrictions sont prévues par l’article 24 (par. 5) de la Constitution.

152.Le Kenya soutient le droit des syndicats de faire grève pour défendre leurs intérêts collectifs. En tant que membre de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le pays a modifié sa législation du travail pour la rendre conforme aux conventions de l’OIT et à la Constitution. La loi sur l’emploi (telle que révisée en 2012 [2007]), la loi sur l’indemnisation des accidents du travail (telle que révisée en 2012 [2007]) et la loi sur la sécurité et la santé au travail (telle que révisée en 2012 [2007]) ont été modifiées pour les rendre conformes à la Constitution et pour s’assurer qu’elles respectent les droits des travailleurs.

153.En outre, afin de promouvoir l’exercice de la liberté d’association, la loi sur les sociétés prévoit l’enregistrement des sociétés au Kenya. Cette loi porte création du Bureau d’enregistrement des sociétés, chargé de recevoir et d’examiner les demandes d’enregistrement de sociétés ou d’associations. Elle donne une définition large du terme « société » : on entend par société, tout club, toute entreprise, tout partenariat ou toute autre association de 10 personnes ou plus, quelle que soit sa nature ou son objet, établis au Kenya ou ayant son siège ou bureau principal dans le pays, et toute branche d’une société.

154.Il existe également une loi sur les relations professionnelles, qui prévoit la création et l’enregistrement de syndicats et d’organisations d’employeurs. Elle définit la procédure d’enregistrement des syndicats et organisations d’employeurs. Elle fournit également un cadre pour la conduite des activités des organisations syndicales et patronales.

V.Article 23 : Protection de la famille et de l’institution du mariage

155.Le Kenya continue de réaliser des progrès dans l’adoption de mesures législatives, administratives, de politique générale et autres visant à protéger la famille en tant qu’élément naturel et fondamental de la société. La Constitution protège le droit des adultes de sexe opposé de fonder une famille sur la base du libre consentement des parties. En outre, elle protège l’égalité des droits des époux pour contracter mariage, pendant le mariage et à la dissolution du mariage.

156.La loi no 4 de 2014 sur le mariage rassemble toutes les lois relatives au mariage et au divorce. Elle prévoit l’enregistrement de toutes les formes de mariages légitimes, y compris les mariages civils, les mariages coutumiers et les mariages religieux. La reconnaissance officielle des mariages coutumiers est une évolution importante dans un pays où de nombreuses femmes qui se marient dans le cadre du système traditionnel perdent leurs droits liés au mariage et au divorce du fait que les mariages coutumiers n’étaient pas officiellement enregistrés avant cela.

157.La loi interdit le mariage avec un mineur et a érigé cette pratique en infraction pénale. Toutefois, ces mariages persistent, en particulier dans les zones rurales. Le Gouvernement continue de promouvoir l’éducation et la sensibilisation afin de lutter contre cette pratique tout en imposant des sanctions pénales aux parents, chefs et anciens qui en sont reconnus coupables.

158.La loi no 49 de 2013 sur les biens matrimoniaux énonce les droits et responsabilités des époux en matière de biens matrimoniaux. Elle prévoit la copropriété des biens matrimoniaux sur la base des contributions individuelles à l’acquisition des biens, la « contribution » étant définie en termes de contributions financières et non financières. Cette disposition est importante, car elle limite la marginalisation de nombreuses femmes qui contribuent au mariage par l’entretien et la gestion du foyer sans apporter de contributions financières. Or, ces femmes peuvent facilement perdre leur logement si ceux‑ci sont enregistrés au nom du mari.

159.La loi no 2 de 2015 sur la protection contre la violence familiale protège tous les membres de la famille des mauvais traitements dans le cadre familial, y compris de la violence sexuelle, physique et psychologique. La loi définit en outre les membres de la famille comme étant les conjoints actuels et précédents d’une personne, les personnes vivant sous le même toit, les enfants de la personne et les autres membres de la famille de la personne.

W.Article 24 : Protection de l’enfant

(Pour plus d’informations sur l’article 24, voir le rapport du Kenya valant troisième à cinquième rapports périodiques sur la Convention relative aux droits de l’enfant, soumis au Comité des droits de l’enfant en 2016)

Réponse au paragraphe 22 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

160.L’article 14 (par. 2) du Code pénal dispose que toute personne âgée de moins de 12 ans n’est pas pénalement responsable de ses actes et omissions. Toutefois, cette présomption est réfutable et la personne pourra être tenue responsable d’un acte ou d’une omission si l’accusation prouve qu’elle était capable d’en connaître les conséquences au moment de la commission. La situation des droits de l’homme dans le monde a évolué sur cette question, l’âge minimum étant passé de 8 à 12 ans ou plus. Le Kenya continue de réexaminer ses lois pour s’assurer de leur conformité avec les normes internationalement acceptées en matière de droits de l’homme et les principes constitutionnels. Le Code pénal et d’autres lois pertinentes sont en cours de révision. La loi sur l’enfance fait actuellement l’objet d’une révision complète et la question de l’âge minimum de la responsabilité pénale donne lieu à d’intenses débats entre les parties prenantes. La création du Groupe de travail sur les questions relatives aux enfants, rattaché au Conseil national de l’administration de la justice (NCAJ), a été annoncée au Journal officiel le 10 décembre 2015. Ce Groupe de travail a été constitué pour remédier aux nouvelles difficultés rencontrées par les enfants dans le domaine de la justice, conformément aux dispositions de la Constitution, aux articles 5 et 34 de la loi sur les services judiciaires et à l’article 22 (par. 3) de la loi sur l’enfance.

161.Suite à la réforme des établissements pénitentiaires, les délinquants mineurs en attente de jugement sont séparés des détenus adultes dans les prisons. Tous les délinquants âgés de 15 à 18 ans sont séparés des adultes dans des établissements Borstal. Ces établissements pour jeunes délinquants se trouvent sur la côte (Shimo la Tewa Borstal), dans la région ouest (Shikusa Borstal) et à Nairobi (centre de correction pour jeunes délinquants de Kamiti). À l’heure actuelle, ces établissements sont les seuls susceptibles d’accueillir les garçons faisant l’objet d’une mesure de détention. Les enfants des autres régions sont donc inévitablement détenus loin de chez eux. Les Directives de 2016 concernant les peines soulignent que les enfants ne peuvent faire l’objet d’une mesure de détention qu’en dernier ressort. En conséquence, les mineurs délinquants sont uniquement placés dans des écoles de rééducation ou des établissements Borstal lorsque les mesures non privatives de liberté ont échoué.

Réponse au paragraphe 23 des précédentes observations finales (CCPR/C/KEN/CO/3)

162.L’enregistrement des naissances a augmenté au cours de ces dernières années. Toutefois, le manque de sensibilisation à l’importance d’enregistrer les naissances et les difficultés d’accès aux services d’enregistrement sont des facteurs qui contribuent à empêcher l’enregistrement complet des naissances. Le Gouvernement a collaboré avec divers partenaires nationaux et internationaux pour sensibiliser la population à l’enregistrement des naissances dans les régions reculées du Kenya. L’utilisation du téléphone mobile étant extrêmement répandue dans toutes les régions du pays, le Gouvernement élabore actuellement des stratégies permettant de les utiliser pour enregistrer les naissances.

163.En ce qui concerne les enfants nubiens, le Gouvernement a créé un comité chargé d’examiner les demandes et d’enregistrer les Nubiens nés au Kenya. Le Gouvernement kényan a connu des difficultés dans ce domaine lorsque des Nubiens d’Ouganda et des immigrants soudanais récents ont fait valoir qu’ils étaient les premiers Nubiens installés au Kenya par le Gouvernement britannique. Le Gouvernement kényan a mis en place un processus transparent d’examen minutieux des demandes de carte d’identité. Les comités d’examen sont composés de représentants des sous-préfets de districts, du registre de l’état civil, du département de l’immigration, du département d’enregistrement des actes d’état civil, du service national de renseignement et de sécurité, du département des enquêtes criminelles, des chefs, des chefs adjoints et surtout des sages de la communauté nubienne. Il est fait appel à ces sages, car ils sont présumés savoir quels sont les Nubiens nés au Kenya et ceux qui n’y sont pas nés. Ces sages sont donc les mieux placés pour conseiller les personnes compétentes. Un grand nombre de Nubiens ont fait l’objet d’une procédure d’examen et ont obtenu une carte d’identité nationale. La carte d’identité est une preuve de citoyenneté. La citoyenneté permet aux Nubiens et à leurs enfants d’accéder à tous les droits fondamentaux sur un pied d’égalité avec les autres Kényans.

X.Article 25 : Accès au système politique et aux services publics

164.Le droit des citoyens de prendre part au processus politique est un pilier fondamental de la démocratie constitutionnelle au Kenya. Tout citoyen est libre : de fonder un parti politique ou de participer à sa fondation ; de participer aux activités d’un parti politique ou de recruter des membres pour ce parti ; de faire campagne pour un parti ou une politique. Plus important encore, tout citoyen a le droit de participer à des élections libres, équitables et périodiques fondées sur le suffrage universel. Le Gouvernement, en donnant effet aux dispositions constitutionnelles, a adopté diverses mesures de réforme générales afin de promouvoir la démocratie politique au Kenya. Ces mesures garantissent : l’inclusion obligatoire des femmes, des jeunes, des groupes marginalisés et des personnes handicapées dans les processus politiques du pays ; l’institutionnalisation des partis politiques ; la participation obligatoire de la population au processus législatif ; la possibilité de contester le résultat des élections présidentielles avant l’investiture du Président élu ; la possibilité pour les candidats indépendants de se présenter aux élections ; la liberté des médias et l’accès à l’information ; le renforcement de la justice électorale et un meilleur respect du cadre juridique des élections. Tous ces efforts ont abouti à la tenue d’élections plus efficaces, transparentes et pacifiques. Les mesures ci-après ont également été prises.

165.Financement des élections : la loi sur le financement des campagnes électorales a été adoptée en 2013. Cette loi limite les contributions que l’on peut apporter à la campagne d’un candidat. Elle sert l’intérêt public en luttant contre la corruption des candidats et en garantissant le respect de la volonté du peuple.

166.Inscription des détenus : la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral est mandatée par la Constitution pour, d’une part, inscrire tous les Kényans remplissant les conditions requises sur les listes électorales, et, d’autre part, établir, gérer et actualiser ces listes. Dans l’affaire Kituo Cha Sheria c. Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral (requête no 574 de 2012), la Haute Cour a déclaré que tous les détenus remplissant les conditions requises ont le droit de voter conformément à l’article 38 (par. 3, al. a) et b)) de la Constitution.

167.Kényans de la diaspora : dans l’affaire Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral c. New Vision Kenya et autres (requête no 25 de 2014), la Haute Cour a affirmé le droit de vote des Kényans qui vivent à l’étranger et remplissant les conditions requises. Elle a ordonné leur inscription progressive pour leur permettre de participer aux élections locales. La Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral a procédé à l’inscription des électeurs kényans vivant dans ces quatre pays : Tanzanie, Ouganda, Rwanda, Burundi et Afrique du Sud. Pour des raisons logistiques, il n’a pas été possible d’inscrire tous les Kényans établis dans d’autres parties du monde.

168.Services publics : la Constitution reconnaît et promeut l’égalité d’accès aux services publics. La décentralisation a permis d’améliorer l’efficacité des services, d’augmenter la participation de la population pour les questions qui la concernent, d’assurer la distribution équitable des ressources et des services, de reconnaître la diversité et de protéger les minorités et les communautés marginalisées.

169.Le Programme Huduma Kenya est un projet phare du plan « Kenya Vision 2030 » lancé par S. E. Uhuru Kenyatta, Président de la République du Kenya, le 7 novembre 2013. L’objectif du programme Huduma Kenya est d’améliorer l’accès et la prestation efficace des services publics à tous les Kényans à partir d’un guichet unique pour tous les centres de services aux citoyens. Cela signifie qu’ils peuvent obtenir un certificat de naissance, une carte d’identité nationale ou un passeport, enregistrer leur société, déposer une demande de certificats de mariage, de permis de conduire ou d’extrait de casier judiciaire et accéder à de nombreux autres services, en un seul endroit.

Y.Article 26 : Égalité devant la loi

170.L’égalité et la non-discrimination sont des valeurs nationales et des droits importants qui doivent sous-tendre toutes les politiques publiques et les lois kényanes. En effet, toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination au même bénéfice de la loi. Toutefois, il existe encore des politiques, statuts et règlements, en particulier parmi ceux adoptés avant 2010, qui ne parviennent pas à garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination. La Commission nationale de réforme du droit procède à l’examen de toutes les lois et politiques afin, entre autres, de remédier à toute absence de protection juridique contre la discrimination.

171.Les cours et tribunaux se sont activement employés à déclarer inconstitutionnels l’ensemble des lois, politiques ou règlements jugés inconstitutionnellement discriminatoires. En 2014, dans l’affaire L. N. W c. Procureur général et autres (requête no 484 de 2014), la Haute Cour a déclaré inconstitutionnel l’article 12 de la loi sur l’enregistrement des naissances et des décès, au motif qu’il était discriminatoire envers les enfants nés hors mariage. La requête concernait l’enregistrement des naissances et la question de savoir si le nom du père biologique devait être inscrit sur l’acte de naissance de l’enfant. Le requérant contestait l’article 12 de la loi sur l’enregistrement des naissances et des décès, qui interdit à une mère d’inscrire le nom du père biologique sur un certificat de naissance sans le consentement de l’homme concerné. La Cour a déclaré que chaque enfant a droit à ce que le nom de son père soit inscrit sur son certificat de naissance. Le consentement du père n’est donc plus nécessaire.

172.Pendant longtemps, les droits des personnes intersexes n’ont pas été reconnus au Kenya, ni en droit ni en fait. De nombreuses questions juridiques et sociales se sont posées, telles que la double mention du sexe dans les documents officiels et les conditions de vie des détenus. Les personnes intersexes sont confrontées à beaucoup de stigmatisation. Les perceptions traditionnelles de l’intersexualité sont cependant en train de changer. La loi de 2014 sur les personnes privées de liberté reconnaît les personnes intersexes et dispose que celles-ci doivent être traitées de manière humaine et digne pendant leur détention. Toutes les personnes intersexes en détention peuvent désormais choisir le sexe de la personne qui doit les fouiller. La loi dispose en outre que les détenus intersexes doivent être séparés des autres détenus.

173.Les cours et tribunaux kényans ont également œuvré pour reconnaître et protéger les droits des enfants intersexes. Dans sa décision rendue le 5 décembre 2015 en l’affaire Bébé A c. Procureur général et autres (requête no 266 de 2013), le juge de la Haute Cour a déclaré que le Gouvernement avait le devoir de protéger les droits des bébés et personnes intersexes en fournissant un cadre juridique pour traiter les questions qui les concernent, notamment l’enregistrement des naissances et des décès, les examens et tests médicaux et les chirurgies correctives. La Cour a enjoint au Gouvernement d’adopter un cadre juridique approprié, basé sur les normes internationales, pour réglementer les questions liées aux enfants intersexes. Le Procureur général a annoncé au Journal officiel la création d’un groupe de travail composé de diverses organisations chargé d’élaborer un cadre complet visant à répondre aux besoins des personnes intersexes. L’État dispose d’un projet de politique pour résoudre les défis et les difficultés auxquels les personnes intersexes sont confrontées.

174.Dans l’affaire République c. Conseil national des examens au Kenya et autre (Département de contrôle judiciaire, requête no 147 de 2013), la Haute Cour a ordonné au Conseil national des examens (Kenya National Examinations Council, KNEC) de changer le nom et le sexe figurant sur les diplômes de fin d’études secondaires de la requérante, qui présente des troubles de l’identité sexuelle diagnostiqués. La requérante est née avec les caractéristiques physiques d’un enfant de sexe masculin, mais s’est toujours identifiée à une personne de sexe féminin.

Z.Article 27 : Droit des minorités à la culture, à la religion et à la langue

175.La Constitution interdit toute forme de discrimination, quel qu’en soit le motif, y compris la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique, la religion, la croyance et la culture. En effet, la non-discrimination et la protection des personnes marginalisées y sont décrites comme des valeurs nationales centrales et des principes de gouvernance qui doivent imprégner toutes les sphères des programmes de développement. Toutes les personnes, y compris les communautés marginalisées, jouissent de la liberté d’expression, de pensée, de conscience et de croyance.

176.La culture est le fondement de la nation kényane et de la civilisation cumulative de son peuple. C’est pourquoi l’État encourage toutes les formes d’expression nationale et culturelle par la littérature, les arts, les célébrations traditionnelles, la science, la communication, l’information, les médias, les publications, les bibliothèques et autre patrimoine culturel. Il protège également les droits de propriété intellectuelle dans le domaine de la culture. Par exemple, l’État encourage l’utilisation des langues vernaculaires ou locales dans l’enseignement dispensé dans les centres d’éveil et d’éducation préscolaires (ECD&E). Des centres culturels communautaires ont été construits pour soutenir pleinement et durablement le développement des diverses expressions culturelles dans le pays. Des festivals culturels sont organisés chaque année dans plusieurs régions du Kenya en partenariat avec les communautés locales, y compris avec les personnes marginalisées et les personnes handicapées. Ces programmes permettent de promouvoir et de préserver le riche patrimoine culturel kényan, et aident les participants à profiter de leur vie culturelle. Ils renforcent en outre la cohésion et l’intégration nationales.