Nations Unies

CCPR/C/KEN/RQ/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

27 janvier 2021

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des droits de l ’ homme

131 e session

1er-26 mars 2021

Point 6 de l’ordre du jour

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l ’ article 40 du Pacte

Réponses du Kenya à la liste de points concernant son quatrième rapport périodique * , **

[Date de réception : 26 janvier 2021]

Table des matières

Page

I.Renseignements d’ordre général sur la situation des droits de l’homme dans le pays3

II.Renseignements portant spécifiquement sur la mise en œuvre des articles du Pacte7

Lutte contre l’impunité et violations des droits de l’homme commises par le passé (art. 2, 6, 7 et 14)8

Non-discrimination (art. 2 et 26)10

Dépénalisation de l’homosexualité10

Égalité des sexes (art. 3 et 26)11

Mesures de lutte contre le terrorisme (art. 2, 4, 7, 9 et 14)13

Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale (art. 2, 3, 6, 7, 24 et 26)13

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de sexualité et de procréation (art. 6 et 17)17

Droit à la vie (art. 6)17

Droit à la vie (art. 6)18

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et traitement des personnes privées de liberté (art. 7 et 10)20

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes (art. 2, 6, 7, 8, 24 et 26)22

Traitement des étrangers, réfugiés, demandeurs d’asile et migrants, et déplacements de population (art. 2, 6, 7, 9, 13 et 26)24

Expulsions (art. 7, 12, 17, 26 et 27)24

Liberté de réunion (art. 19 et 21)24

Liberté d’expression (art. 19 et 20)25

Atteintes à la liberté de la presse imputées à l’État26

Participation à la conduite des affaires publiques (art. 7, 14, 25 et 26)27

Peuples autochtones (art. 2, 25, 26 et 27)27

I.Renseignements d’ordre général sur la situation des droits de l’homme dans le pays

1.Mesures prises par les organes judiciaires. Afin de protéger les droits de l’homme, les tribunaux ont déclaré certains articles de la législation interne incompatibles avec la Charte des droits figurant dans la Constitution. En particulier, ils ont considéré que l’article 204 du Code pénal était contraire à la Charte au motif qu’il violait le droit à un procès équitable, et que l’article 194 dudit Code, qui incrimine la diffamation, était également contraire à la Charte au motif que ses dispositions limitent indûment la liberté d’expression. Les paragraphes 2 et 3 de l’article 25 dudit Code, en vertu duquel les mineurs délinquants et les personnes atteintes de troubles de la santé mentale peuvent être détenus sur décision du Président de la République, ont eux aussi été déclarés incompatibles avec la Charte des droits au motif qu’ils allaient à l’encontre du principe de la séparation des pouvoirs et qu’ils violaient les droits de l’enfant. En outre, l’article 166 du Code de procédure pénale a été déclaré inconstitutionnel au motif que le pouvoir discrétionnaire qu’il confère au Président de la République de maintenir indéfiniment des suspects en détention est contraire au principe de la séparation des pouvoirs, étant donné que cet article dote l’exécutif de prérogatives réservées au pouvoir judiciaire.

2.En outre, les tribunaux ont réaffirmé les droits des réfugiés et protégé la liberté de conviction et de religion des étudiants, et ils ont fait droit à des requêtes émanant de personnes qui avaient changé de sexe et souhaitaient que leurs documents d’identité soient modifiés en conséquence. Lorsque le pays a été touché par la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), les tribunaux ont mis en place un système de dépôt électronique des documents à Nairobi et d’examen en ligne des affaires afin que le public puisse continuer d’accéder à la justice.

3.Le Bureau du Procureur général a également œuvré en faveur de la protection des droits de l’homme en élaborant la politique de déjudiciarisation, adoptée en 2019, et en définissant des normes de procédure pénale relatives au plaider coupable, adoptées en 2018.

4.Le Conseil national du service de l’aide juridictionnelle a élaboré le plan d’action national relatif à l’aide juridictionnelle pour la période 2017-2022. Ce plan prévoit diverses activités visant à faciliter l’accès à la justice des personnes démunies et des personnes appartenant à certains groupes vulnérables, dont les femmes, les enfants et les personnes handicapées, en faisant bénéficier ces personnes de l’aide juridictionnelle.

5.Parmi les autres mesures de protection adoptées au cours de la période considérée, on peut citer le projet de règlement de 2020 relatif au Fonds pour la protection des victimes, qui prévoit le versement d’une indemnisation aux victimes d’infractions, et le projet de loi de 2019 portant modification de la loi relative à la santé mentale, qui vise à offrir davantage de garanties aux personnes souffrant de troubles psychiatriques.

6.La Commission nationale des droits de l’homme lance régulièrement des campagnes d’information et de sensibilisation conçues à l’intention des différentes parties prenantes et du grand public, afin de mieux faire connaître et comprendre les droits de l’homme et de susciter l’intérêt pour cette question. Dans le cadre de ces activités, elle a organisé des séminaires sur le Pacte à l’intention des juges, des magistrats, des députés, des agents pénitentiaires, des membres des forces de l’ordre et des fonctionnaires. De 2017 à 2018, elle a mené des activités de sensibilisation aux droits consacrés par le Pacte, y compris aux droits des défenseurs des droits de l’homme, auxquelles 131 magistrats ont participé. Elle s’est également employée à sensibiliser les forces de l’ordre au Pacte, en traitant diverses questions liées aux droits de l’homme telles que la législation électorale et le maintien de l’ordre démocratique, les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme.

7.L’École de la magistrature a incorporé l’éducation aux droits de l’homme dans ses programmes de formation.

8.On trouvera dans le tableau ci-après un aperçu de l’état d’avancement de l’harmonisation de toutes les sources de droit nationales avec les dispositions relatives aux droits de l’homme contenues dans le Pacte.

Article du Pacte

Droit écrit/ Règlements d ’ application

Dispositions harmonisées

Observations

Articles 2, 6, 7 et 14 − lutte contre l’impunité et répression des violations des droits de l’homme commises dans le passé

Projet de loi de 2019 sur la réparation

Examen du projet de loi portant création d’une commission chargée de la réparation

Prévoit des dispositions concernant l’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme commises dans le passé et l’érection d’un monument à la mémoire des victimes, ainsi que des dispositions spéciales tendant à garantir l’égalité de traitement et la non‑discrimination dans la mise en œuvre de ce texte.

Articles 3 et 27 − Égalité des sexes

Modifications de la loi successorale de 2015, de la loi relative aux partis politiques et de la loi de 2011 portant création de la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral

Révision de la loi successorale et de la loi électorale afin que leurs dispositions garantissent l’égalité des sexes

Garantit l’égalité entre hommes et femmes en matière successorale.

Modifie la loi électorale et la législation s’y rapportant afin de promouvoir la représentation des femmes et d’autres groupes d’intérêt au sein du Parlement.

Articles 2, 4, 7, 9 et 14 − Mesures de lutte contre le terrorisme

Loi de 2012 relative à la prévention du terrorisme

Révision complète de la législation en vigueur à des fins de vérification de la conformité avec les normes relatives aux droits de l’homme

Harmonisation de toutes les peines, reformulation proposée des dispositions limitant la liberté d’expression s’agissant de l’incitation à la violence et à la radicalisation, et renforcement des garanties d’une procédure équitable

Articles 2, 3, 6, 7, 24 et 26 − Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale

Règles de 2019 relatives à la protection contre la violence familiale

Dispositions pour l’adoption d’ordonnances de protection des victimes de la violence familiale tenant compte du genre et axées sur la victime

Les ordonnances comprennent des dispositions concernant la sécurité personnelle, le séjour, la garde des enfants, l’indemnisation et la restitution.

Article 6 − droit à la vie

Code pénal et Code de procédure pénale

Dispositions relatives à la peine de mort, notamment dispositions de fond abolissant l’obligation d’appliquer la peine de mort, et normes régissant la procédure de réexamen des condamnations à la peine capitale ayant été prononcées en raison du caractère obligatoire de cette peine

Des recommandations concernant la réforme et l’harmonisation de la législation figurent dans le rapport final de l’équipe spéciale chargée du réexamen des dispositions rendant obligatoire l’application de la peine de mort. Ces recommandations comprennent des propositions de modification du Code pénal visant à abolir la peine de mort et des propositions de modification du Code de procédure pénale concernant le réexamen des condamnations à la peine capitale.

Articles 7 et 10 − Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et traitement des personnes privées de liberté

Code pénal et Code de procédure pénale

Dispositions relatives à la réclusion criminelle à perpétuité et nouvelles dispositions proposées visant à accorder aux personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité le droit de bénéficier d’une mise en liberté conditionnelle

Des recommandations concernant la réforme et l’harmonisation de la législation figurent dans le rapport final de l’équipe spéciale chargée du réexamen des dispositions rendant obligatoire l’application de la peine de mort. Elles prévoient notamment l’établissement et la mise en œuvre d’une nouvelle procédure permettant aux personnes condamnées à la réclusion à perpétuité de bénéficier de la libération conditionnelle (introduction de disposition non encore prévues par la loi sur les conditions à remplir pour bénéficier de la libération conditionnelle).

Article 9 − Liberté et sécurité de la personne

Loi de 2011 relative à l’exercice du droit de grâce et règlement de 2016 relatif à la procédure du Comité chargé de l’exercice du droit de grâce

Dispositions de fond sur les conditions à remplir pour bénéficier de la libération conditionnelle, dispositions procédurales relatives à l’équité des mesures administratives et droits des personnes privées de liberté, y compris l’habeas corpus.

Refonte complète du cadre relatif à la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles (art. 133) en ce qui concerne la remise de peine, la commutation de peine, la grâce et la libération conditionnelle.

Articles 19 et 20 − liberté d’expression (y compris droit à l’information)

Règlement de 2020 relatif à l’accès à l’information

Loi de 2019 relative à la protection des données

Proposition de loi concernant l’introduction d’un nouveau règlement tendant à donner effet au droit d’accéder à l’information détenue par les institutions publiques et les organismes privés qui mènent des activités ayant des incidences sur l’intérêt public

Prévoit des dispositions procédurales concernant les modalités d’accès à l’information, compte tenu des droits des personnes handicapées, la réglementation des tarifs d’accès, le contrôle assuré par la Commission de la justice administrative afin que les restrictions aient pour seul but de garantir le respect des droits ou de la réputation d’autrui et de protéger la sécurité nationale, l’ordre public ou la santé ou la moralité publiques

Le cas échéant, la loi et la réglementation relatives à l’accès à l’information sont subordonnées à l’application de la loi relative à la protection des données, le but étant que les principes régissant la protection des données soient respectés en matière d’accès à l’information.

Articles 23, 24 et 26 − droits de l’enfant

Loi de 2001 relative à l’enfance et règlements d’application

Révision et refonte complètes de la législation relative à tous les aspects de l’existence des enfants, selon une approche axée sur l’enfant

Dispositions relatives à la protection contre la discrimination, à l’intérêt supérieur de l’enfant, à la protection contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle, y compris dispositions relatives à la protection des enfants en ligne, à la protection contre le travail forcé, aux droits des mineurs délinquants (justice pour mineurs), à la responsabilité parentale et au droit à un nom et à une nationalité.

Article 25 − accès à la fonction publique

Projet de loi Huduma de 2019

Dispositions garantissant l’accès à la fonction publique dans des conditions générales d’égalité

Prévoit un système d’identification et d’enregistrement biométrique des personnes favorisant une mise en œuvre plus rapide et efficace du programme public en faveur du développement

II.Renseignements portant spécifiquement sur la mise en œuvre des articles du Pacte

9.Le Gouvernement continue de prendre des mesures pour réduire le nombre de cas de corruption dans le pays. À cette fin, les poursuites engagées dans des affaires de corruption se sont intensifiées. En outre, une formation à la législation anticorruption continue d’être dispensée aux membres de la police et aux autres agents chargés de faire respecter la loi, aux procureurs et aux juges.

10.D’autres mesures de lutte contre la corruption ont été prises : une équipe mixte composée de représentants de tous les organes participant aux enquêtes et aux poursuites relatives aux affaires de corruption a été constituée ; un centre d’information financière et un organisme de recouvrement des avoirs ont été créés ; la coopération avec plusieurs autres États a été renforcée par la conclusion d’accords d’entraide judiciaire ; l’Institut national de la lutte contre la corruption a été créé en novembre 2018.

11.Une équipe pluri-institutions a été constituée en novembre 2018 afin d’améliorer la coordination et la collaboration entre tous les organes jouant un rôle clef dans la lutte contre la corruption et le crime organisé. Les organismes qui y sont représentés échangent toute information utile en temps réel, et les enquêtes et opérations conjointes menées par ses membres permettent de mettre en commun les ressources, de créer des synergies et d’éviter les chevauchements d’activités.

12.Le mandat de la Commission d’éthique et de lutte contre la corruption consiste à combattre et prévenir la corruption et la criminalité économique au Kenya par la mise en œuvre de la loi, le recouvrement des avoirs, l’application de mesures de prévention, la sensibilisation du public et la promotion de normes et de pratiques en matière d’éthique et d’intégrité. En avril 2019, le nombre d’affaires de corruption et d’affaires concernant des crimes et délits économiques qui avaient été portées devant les tribunaux par la Commission s’établissait à 407. Sur l’ensemble de ces affaires, 41 concernaient des personnalités de premier plan, dont des gouverneurs de comté, des secrétaires du Conseil des ministres, des députés, des directeurs généraux d’organes semi-publics ou publics.

13.Le Bureau du Procureur général est habilité à engager et à mener des poursuites pénales devant n’importe quelle juridiction (à l’exception d’une cour martiale) contre toute personne soupçonnée d’une infraction quelle qu’elle soit.

14.La loi de 2009 relative au blanchiment et à la confiscation des produits du crime réprime le blanchiment d’argent et prévoit des mesures visant à combattre cette pratique et à identifier, localiser, geler, saisir et confisquer les produits du crime. Elle est mise en œuvre par deux institutions qui jouent un rôle clef à cet égard, l’Organisme de recouvrement des avoirs et le Centre d’information financière. L’Organisme de recouvrement des avoirs, qui a été créé en application du paragraphe 1 de l’article 53 de la loi susmentionnée a essentiellement pour mission d’identifier, de geler et de recouvrer les avoirs acquis et les avantages ou les profits tirés des produits du crime. Le recouvrement des produits du crime a eu un effet dissuasif sur la corruption et le blanchiment d’argent au Kenya.

15.Le Centre d’information financière, qui a été créé en application de l’article 21 de ladite loi, est chargé de contribuer à la détection des produits du crime et à la lutte contre le blanchiment d’argent. À cette fin, il collecte des déclarations d’opérations suspectes auprès des banques et d’autres institutions financières.

Lutte contre l’impunité et violations des droits de l’homme commises par le passé (art. 2, 6, 7 et 14)

16.L’accès à la justice est un droit fondamental consacré aussi bien par la Constitution que par le Pacte. La Constitution prévoit d’autres modalités de règlement des litiges, dont les systèmes traditionnels de règlement des conflits, qui font partie du cadre juridique visant à garantir l’accès à la justice des divers groupes de population au Kenya. Il convient de noter que ces systèmes de justice parallèle ne sont reconnus que s’ils ne sont pas contraires à la Charte des droits, ne vont pas à l’encontre de la justice et de la morale, et ne sont pas incompatibles avec la Constitution ou le droit écrit.

17.Le 27 août 2020, la politique fondamentale relative au système de justice parallèle et le cadre stratégique s’y rapportant ont été lancés. L’élaboration de cette politique a été l’un des jalons marquants de l’action menée par le Kenya pour garantir la pleine réalisation, le respect, la promotion et la protection du droit d’accéder à la justice. Cette politique vise à intégrer dans le système judiciaire formel des mécanismes traditionnels informels afin de garantir l’accès à la justice dans l’ensemble du pays. Le système de justice parallèle est un moyen pour les populations locales de rendre la justice et de régler les litiges en se fondant sur leur culture, leur droit coutumier, leurs pratiques et leurs croyances. Les procédures parallèles permettent d’alléger la charge de travail des tribunaux et visent à resserrer les liens entre les systèmes formels et les systèmes informels de justice, mais elles ne sont pas censées se substituer aux procédures judiciaires. La politique fondamentale contient des recommandations claires et des propositions de solutions viables de collaboration entre les organes judiciaires et les mécanismes de justice parallèle qui favorisent leur renforcement réciproque et qui sont axées sur l’efficacité du système judiciaire.

18.La capacité du système judiciaire formel à garantir l’accès de toute personne à la justice est considérablement limitée par la complexité et le coût des procédures judiciaires ordinaires, le temps nécessaire pour qu’une procédure aboutisse à une décision, les obstacles géographiques et d’autres obstacles concrets. Ces dernières années, par l’intermédiaire de ses organes judiciaires, le Kenya a adopté diverses mesures visant à améliorer l’accès à la justice. Il a notamment nommé des magistrats supplémentaires, construit des tribunaux dans tous les comtés et utilisé les technologies de l’information et de la communication pour renforcer le système judiciaire. Ces mesures ont permis d’améliorer légèrement la situation, mais elles n’ont pas été suffisantes pour résorber l’arriéré considérable d’affaires en souffrance et réduire la durée et le coût des procédures. En conséquence, la majorité des personnes − en particulier celles qui sont démunies et vulnérables − ne peuvent pas obtenir justice devant les tribunaux en cas de litige.

19. D’après une enquête sur les besoins et la satisfaction en matière de justice au Kenya réalisée par les tribunaux, avec le soutien de la Banque mondiale, 10 % seulement des Kenyans choisissent de régler leurs litiges par la voie judiciaire. La majorité de la population préfère recourir à des mécanismes de règlement extrajudiciaire des conflits, dont le système de justice parallèle n’est qu’un exemple parmi d’autres. En conséquence, et afin de désengorger le système judiciaire formel, il a été jugé nécessaire de mettre en place des systèmes complets, coordonnés et systématiques, qui respectent strictement les différents principes constitutionnels. Le système de justice parallèle tient compte de la réalité des Kenyans et est un moyen efficace pour nombre d’entre eux d’accéder plus facilement à la justice. Le recours à ce système va dans le sens des efforts consentis pour garantir que personne ne soit laissé pour compte.

20.Le Pacte met l’accent sur l’importance de la lutte contre la discrimination, de l’accès à la justice et de l’égalité. La Constitution consacre des valeurs et des principes de gouvernance qui sont compatibles avec le Pacte.

21.Les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la recommandation de la Commission vérité, justice et réconciliation sont illustrés par les mesures ci-après :

La présentation d’excuses publiques par le Président de la République, le 25 mars 2015 ;

La création d’un fonds pour la justice réparatrice doté de 10 milliards de shillings kényans et l’élaboration de projets de loi et de politiques portant sur la réparation, qui font l’objet de consultations ;

L’érection de monuments ;

L’indemnisation des personnes déplacées à l’intérieur du pays ainsi que d’autres catégories de victimes, dont les personnes qui ont été torturées dans les locaux de la Nyayo House.

22.Toute une série de mesures ont été prises afin d’assurer une réparation aux victimes des violences commises dans le contexte des élections organisées après 2008. On peut notamment citer :

La création du Fonds pour la protection des victimes ;

La création au sein du Bureau du Procureur général d’un service spécialisé dans le traitement des affaires de violence sexuelle et fondée sur le genre (y compris les affaires relatives aux violences commises dans le contexte des élections) ;

La publication au Journal officiel, par le Procureur général, de la nomination de procureurs spéciaux expressément formés aux poursuites et aux enquêtes portant sur les affaires de violence sexuelle et fondée sur le genre. Ces procureurs sont désignés par la Fédération internationale des femmes juristes, l’International Justice Mission (IJM) et d’autres organisations de la société civile ;

La formation intensive au traitement des affaires de violence sexuelle et fondée sur le genre dispensée aux magistrats et aux enquêteurs du parquet ;

La publication d’un manuel destiné aux formateurs chargés des poursuites relatives aux affaires de violence sexuelle et fondée sur le genre et de lignes directrices sur les enquêtes et les poursuites dans ce domaine ;

La mise en place dans huit comtés (Bungoma, Kakamega, Kisumu, Siaya, Vihiga, Homabay, Migori et Nairobi) de structures d’aide aux victimes, qui ont apporté un accompagnement psychosocial et une assistance à l’autonomisation à 150 personnes.

Mesures prises pour mettre efficacement en œuvre la loi de 2014 relative à la protection des victimes, y compris les statuts du Fonds d’affectation spéciale pour la protection des victimes

23.Le Conseil de la protection des victimes a été chargé de superviser les activités menées afin d’indemniser les victimes d’infractions. Le projet de règlement relatif à la protection des victimes (Fonds d’affectation spéciale), qui porte sur l’indemnisation des victimes, a été élaboré et devrait être approuvé prochainement par le Parlement.

Non-discrimination (art. 2 et 26)

24.Le Kenya n’a pas adopté de loi portant expressément sur l’égalité et la non‑discrimination, mais ces deux principes sont pleinement respectés et consciencieusement mis en œuvre par l’application de diverses lois et politiques et par d’autres moyens. Parmi les lois concernées, on peut notamment citer la loi de 2009 relative à la cohésion nationale et à l’intégration, la loi de 2012 portant création de la Commission nationale du genre et de l’égalité, le projet de loi de 2018 sur les personnes handicapées, la loi de 1981 relative aux successions, et la version révisée en 2012 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre le VIH/sida.

25.Le projet de loi de 2019 portant modification de la loi relative à l’enregistrement des personnes permet aux personnes intersexes, qui n’étaient auparavant pas reconnues par la législation interne, de s’inscrire à l’état civil.

26.Le Kenya s’est doté de plusieurs mécanismes institutionnels afin de protéger les personnes vivant avec le VIH/sida contre la discrimination et les pratiques inéquitables, dont le tribunal du VIH/sida, organe établi en application de l’article 25 de la loi de 2006 relative à la prévention et à la lutte contre le VIH/sida, qui connaît des affaires relatives aux violations des droits de l’homme liées au VIH/sida.

27.La Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral tient compte des questions liées au handicap dans toutes ses activités, dont la question de l’accès des personnes handicapées à l’information et aux bureaux de vote chaque fois que des élections doivent se tenir dans l’année.

28.En outre, la Politique de promotion de la diversité dans la fonction publique prévoit des stratégies tendant à ce que la fonction publique n’exclue personne et prenne en considération les intérêts des différentes composantes de la société kényane, compte tenu notamment du genre et de l’appartenance ethnique, dont les jeunes, les personnes handicapées, les minorités et les groupes marginalisés.

29.Les tribunaux reconnaissent et protègent les droits des intersexes. À la suite de l’arrêt rendu dans l’affaire Baby A Vs Attorney General and others, (requête no 266, 2013, eKLR), une équipe spéciale a été chargée d’examiner la législation et les politiques afin de remédier aux problèmes auxquels se heurtent les intersexes au Kenya, ce qui a débouché sur la reconnaissance officielle de la mention « intersexe », qui a été ajoutée à la suite des mentions « masculin » et « féminin » dans le recensement national de la population de 2019.

Dépénalisation de l’homosexualité

30.Les relations homosexuelles sont expressément interdites par la législation nationale et sont considérées comme incompatibles avec la culture et les valeurs kenyanes. Toutefois, toute personne dont les droits sont violés bénéficie pleinement de la protection de la loi, indépendamment de son orientation sexuelle. Les personnes qui s’estiment victimes de violation de leurs droits peuvent porter plainte devant différents organes, dont l’Autorité indépendante de surveillance de la police, la Commission nationale des droits de l’homme et le Service de la police nationale.

31.La Commission nationale du genre et de l’égalité et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), parmi lesquelles la Commission kenyane des droits de l’homme et la Legal Resource Foundation, ont organisé à l’intention des fonctionnaires, y compris les membres des forces de l’ordre, des activités de sensibilisation à l’universalité des droits de l’homme et à l’importance du respect du principe de non-discrimination au sein de la population.

32.Le Gouvernement encourage activement la fourniture équitable de tous les biens et services publics à toutes les personnes sans distinction, indépendamment de considérations liées à l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression du genre. À cette fin, plusieurs lois et politiques visant à concrétiser les principes d’égalité et de non-discrimination ont été élaborées. On peut notamment citer la loi de 2017 relative à la santé, la loi de 2012 relative à l’éducation et la politique de promotion de la diversité dans la fonction publique de 2016. Personne n’est tenu de préciser son orientation sexuelle pour accéder à un service public.

33.Le Gouvernement est conscient du fait que la stigmatisation et la discrimination sont les principaux obstacles empêchant les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) d’avoir accès aux services. Les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes et qui vivent avec le VIH risquent particulièrement de ne pas y avoir accès, ce qui a des répercussions négatives sur leur santé. Pour remédier à ce problème, l’État a pris un certain nombre de mesures. Il s’est notamment employé à sensibiliser les professionnels de la santé afin de lutter contre la stigmatisation de cette catégorie de patients dans les établissements médicaux, à élaborer et diffuser des informations conçues à l’intention de certains groupes et présentées sous une forme accessible, et à promouvoir la reconnaissance de toutes les personnes en tant que membres de la société afin d’améliorer l’accès aux services. Des activités de sensibilisation sont organisées à l’intention des juges, des procureurs, des membres de la police, des agents pénitentiaires, des parlementaires et des décideurs afin que ceux-ci sachent comment aborder les questions touchant les LGBT.

34.En ce qui concerne les affaires EG & 7 others v Attorney General, DKM & 9 others (Interested Parties) ; Katiba Institute & another (Amicus Curiae) eKLR, il convient de noter ce qui suit :

L’article 162 du Code pénal interdit les relations sexuelles contre nature. L’article 165 interdit les relations sexuelles entre hommes aussi bien en public qu’en privé. Les requérants ont demandé au tribunal de déclarer les articles 162 et 165 du Code pénal inconstitutionnels et nuls et non avenus, faisant valoir qu’ils étaient contraires aux droits constitutionnels des LGBT au Kenya.

35.Le 24 mai 2019, les juges de la Haute Cour ont rejeté la requête, estimant que les articles 162 et 165 du Code pénal n’étaient pas incompatibles avec la Constitution. Ils ont réaffirmé qu’en vertu de la législation nationale, en particulier le Code pénal, les relations homosexuelles constituaient des infractions et des actes contraires à la culture et à la morale de la société kényane.

Égalité des sexes (art. 3 et 26)

36.Le projet de loi de 2016 portant modification de la loi de 2011 relative aux partis politiques prévoit l’introduction de nouvelles dispositions visant à promouvoir une représentation équitable des hommes et des femmes dans les partis politiques. On trouvera ci-après des détails sur les mesures prises pour donner effet à ces modifications.

37.Le projet de loi de 2019 portant modification de la loi relative à la représentation des groupes d’intérêt est en cours d’examen par le Parlement. Ce projet prévoit d’imposer aux partis politiques l’obligation de veiller à ce qu’au moins un tiers des candidats aux élections parlementaires et aux assemblées de comté soient des hommes ou des femmes. Il prévoit en outre d’interdire à la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral d’accepter les listes de candidats de partis politiques qui ne sont pas conformes aux normes relatives à la représentation équitable des sexes, et de faire dépendre 20 % des crédits budgétaires alloués aux partis politiques de la proportion d’élus appartenant à un groupe d’intérêt, le but étant d’inciter les partis politiques à faire en sorte que davantage de femmes, de jeunes et de personnes handicapées obtiennent des sièges au sein des organes électifs.

38.Le projet de loi de 2020 sur les primaires des partis politiques a pour objet la mise en place d’un cadre juridique régissant l’organisation des primaires. Il vise à garantir que les partis politiques respectent les dispositions constitutionnelles relatives à la non‑discrimination, l’inclusion et l’égalité des sexes dans le cadre des primaires.

39.Des progrès considérables ont été réalisés et continuent d’être accomplis pour améliorer la représentation des femmes à des postes de responsabilité dans la fonction publique, le système judiciaire et les commissions constitutionnelles. Des informations sont fournies ci-après sur les stratégies tendant à améliorer le respect de l’égalité des sexes.

40.Des activités ont été menées afin de sensibiliser les présidents et les secrétaires des conseils de la fonction publique des comtés à l’intégration des groupes d’intérêt dans les gouvernements locaux. Les membres de 41 conseils de la fonction publique des comtés ont été sensibilisés et se sont engagés à garantir l’égalité des sexes et l’inclusion dans les organes publics locaux.

41.Le rapport d’audit 2019 sur le traitement de la question du genre dans le système judiciaire a mis en évidence un certain nombre de lacunes en ce qui concerne la pleine prise en compte des questions de genre et la réactivité du système judiciaire dans ce domaine. Afin de remédier à cette situation, il a été recommandé, entre autres, d’adopter une politique globale en matière de genre, d’intégrer le genre dans le prochain plan stratégique du système judiciaire, d’allouer des crédits au financement d’un rapport budgétaire sur l’égalité des sexes, d’élaborer et de mettre en place, à l’intention des juges et des fonctionnaires du système judiciaire, un module de formation consacré à la jurisprudence dans le domaine de la discrimination et de l’égalité, d’envisager de reporter les décisions des tribunaux kadhis (tribunaux islamiques) afin d’encourager les khadis (juges) à examiner de près les incidences de la Constitution sur la charia kenyane, et lancer une consultation officielle avec la communauté musulmane sur la question des femmes kadhis.

42.Les audits et les évaluations servent de base aux avis adressés aux organes judiciaires et aux autres organes chargés de régler les divers problèmes mis en évidence. Les différentes institutions concernées ont commencé à donner suite aux recommandations qui leur ont été transmises. Le rapport est disponible à l’adresse https://www.ngeckenya.org/Downloads/Judiciary_Kenya_Gender_Audit_Dec.pdf.

43.La Commission nationale du genre et de l’égalité a élaboré un manuel juridique sur les principes d’égalité et de non-discrimination. Ce document contient une description des différentes tâches qu’accomplissent les membres de l’Assemblée nationale, du Sénat et des assemblées de comté dans le contexte de l’élaboration des lois, de la réglementation et des politiques portant sur les questions d’égalité et d’inclusion. En outre, la Commission nationale du genre et de l’égalité a fourni une assistance technique au Conseil des gouverneurs et au Forum des assemblées de comté en vue de l’élaboration de programmes de formation visant à préparer des femmes à occuper des postes de responsabilité dans le secteur public.

44.En 2019, la Commission nationale du genre et de l’égalité a publié des avis à l’intention de tous les ministères, services et autres organes publics afin que ceux-ci se conforment à la loi no 21 de 2017 sur la santé, qui impose à tous les services publics l’obligation de mettre en place des salles d’allaitement pour les employées qui ont un enfant en bas âge.

45.En outre, dans le cadre d’une initiative en faveur de l’égalité et de l’inclusion dans le secteur privé, la Commission nationale du genre et de l’égalité a mis en place un plan pour la prise en compte des principes d’égalité et d’inclusion dans le secteur privé, qui est axé en particulier sur les médias, les télécommunications et le secteur bancaire.

46.Des réunions ont été organisées avec les partis politiques afin que ceux-ci appliquent une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la violence à l’égard des femmes dans le contexte des campagnes électorales et des élections. Des forums de renforcement des capacités ont été organisés afin de doter les candidats appartenant à un groupe d’intérêt de connaissances et de compétences leur permettant de comprendre le fonctionnement du monde politique pour y percer. Des hommes ont été invités à participer au forum afin de débattre des préjugés culturels concernant la présence de femmes dans la vie politique et électorale, lesquels peuvent être à l’origine de violences pendant les périodes électorales.

47.La Commission nationale du genre et de l’égalité a élaboré un cadre législatif type et une politique de lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre destinée aux gouvernements des comtés afin de donner à ceux-ci des lignes directrices sur les éléments et les aspects critiques de la loi relative à la violence sexuelle et fondée sur le genre.

48.La Commission a considéré que l’émission au cours de laquelle est décerné le prix de l’entreprise de l’année était un bon moyen de faire connaître les meilleures pratiques en matière de prise en compte du genre dans le monde du travail. Les entreprises les plus performantes dans ce domaine sont distinguées et récompensées à l’occasion de la cérémonie annuelle de remise du prix de l’entreprise de l’année.

49.Toutefois, comme cela a déjà été souligné dans son quatrième rapport périodique, le Kenya continue de se heurter à des difficultés en ce qui concerne le respect des quotas visant à assurer la représentation politique des femmes au sein du Parlement.

Mesures de lutte contre le terrorisme (art. 2, 4, 7, 9 et 14)

50.Il convient de souligner que le Kenya se trouve en permanence sous la menace terroriste des milices des Chabab, qui ont déjà commis des attentats contre des établissements d’enseignement, des hôtels et des centres commerciaux dans le pays. En conséquence, le Gouvernement a intensifié ses mesures et ses stratégies de lutte contre le terrorisme afin de préserver des vies humaines. La loi de 2014 portant modification des lois relatives à la sécurité, qui modifie certaines dispositions de la loi relative à la prévention du terrorisme, du Code pénal, du Code de procédure pénale, de la loi relative aux réfugiés et de la loi relative aux services de la police nationale, a été adoptée pour renforcer l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Dans l’affaire Coalition for Reform and Democracy (CORD) & 2 others v Republic of Kenya &10 others [2015] eKLR, la Haute Cour a considéré que certains articles de la loi de 2014 portant modification des lois relatives à la sécurité étaient contraires à la lettre et à l’esprit de la Constitution. Elle a donc déclaré ces articles nuls et non avenus en raison de leur inconstitutionnalité.

51.Les articles contestés de la loi de 2014 portant modification des lois relatives à la sécurité ont été déclarés inconstitutionnels et sont désormais dépourvus d’effet juridique. Le Bureau de l’ Attorney General et le Ministère de la justice s’emploient actuellement à réexaminer toutes les dispositions contestées comme suite à l’arrêt de la Haute Cour.

52.Les arrestations arbitraires, le harcèlement, l’extorsion, les mauvais traitements, les déplacements forcés et l’expulsion ne sont pas encouragés par le Gouvernement. La lutte contre le terrorisme ne cible aucune communauté en particulier. Les suspects sont généralement des individus et non des communautés. Les garanties d’une procédure régulière sont rigoureusement respectées lorsqu’un membre des forces de l’ordre est soupçonné de mauvais traitements infligés à des suspects. En tel cas, une enquête est ouverte et le fonctionnaire concerné est inculpé.

53.Certains étrangers vivant au Kenya sont en situation irrégulière. Ils sont expulsés conformément aux procédures prévues par la législation interne.

Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale (art. 2, 3, 6, 7, 24 et 26)

54.La loi portant interdiction des mutilations génitales féminines est entrée en vigueur en 2011. Grâce à l’application complète de ce texte, davantage de poursuites ont été engagées et la prévention de cette pratique a gagné en efficacité (voir tableau ci-après). En effet, le pourcentage de cas a considérablement diminué, passant de 32 % en 2003 à 21 % en 2014.

55.Afin de donner suite au document de session no 3 de 2019 concernant la politique nationale en matière d’élimination des mutilations génitales féminines (MGF), des mesures ont été prises pour :

Promouvoir les activités de sensibilisation et l’organisation de débats avec les communautés locales sur la question de la prévention et de la répression des MGF ;

Encourager la participation des anciens à la lutte contre les MGF et mobiliser ainsi davantage d’hommes, qui sont devenus des défenseurs des droits des filles et de l’éducation des filles ;

Renforcer la collaboration et la coopération transfrontières en matière de lutte contre les maladies régionales ;

Élaborer à l’intention du personnel médical un manuel de formation à la lutte contre la médicalisation des MGF.

56.Le Kenya s’est doté de politiques et de lois solidement conçues visant à prévenir et combattre la violence fondée sur le genre. Le cadre législatif pertinent comprend notamment la loi relative aux infractions sexuelles, la loi portant interdiction des mutilations génitales féminines, la loi de 2015 relative à la protection contre la violence familiale, le Code pénal, la loi relative à l’enfance et la législation type des comtés concernant la lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre.

57.Un service spécial chargé de traiter les affaires de MGF, de mariages d’enfants et de violence fondée sur le genre et d’engager des poursuites contre les responsables présumés de ces actes a été créé au sein du Bureau du Procureur général. Ce service comprend 20 procureurs.

Des réponses au paragraphe 9 de la liste de points sont fournies dans le tableau ci-après.

Nombre d ’ affaires enregistrées par les tribunaux et de condamnations pour violences sexuelles et fondées sur le genre et pour MGF

A.Affaires concernant des infractions sexuelles et fondées sur le genre (2019-2020)

Infraction

Nouvelles affaires enregistrées

Déclarations de culpabilité

Verdict d ’ acquittement

Classement sans suite

a) Viol

388

143

43

57

b) Tentative de viol

173

85

25

47

c) Viol sur mineur

2 313

592

162

191

d) Tentative de viol sur mineur

345

148

40

43

e) Viol en réunion

120

27

13

12

f) Inceste

208

69

14

11

g) Agression sexuelle

84

24

10

6

h) Zoophilie

4

3

-

-

i) Bigamie

10

-

-

-

j) Transmission délibérée du VIH

5

-

-

-

k) Traite à des fins d ’ exploitation sexuelle

8

2

-

1

l) Prostitution enfantine/tourisme pédophile/pédopornographie

14

-

-

3

m) Attentat à la pudeur sur mineur

320

109

28

47

n) Actes contraires à la nature

75

12

1

4

o) Autres infractions liées à la mortalité

21

-

-

-

Sous-total

4 088

1 214

336

422

Abandon moral d ’ enfant, cruauté, travail des enfants, maltraitance d ’ enfants

547

229

41

58

Total

4 635

1 443

377

480

B.Infractions visées par la loi de 2019 et 2020 portant interdiction des mutilations génitales féminines (MGF)

Infraction

Nouvelles affaires enregistrées

Déclaration de culpabilité

Verdict d ’ acquittement

Classement sans suite

a) Pratique de MGF

18

11

2

6

b) Participation en tant que complice à la pratique de MGF

19

4

0

4

c) Mise à disposition d ’ une personne en vue de la pratique de MGF

2

0

0

0

d) Utilisation de locaux en vue de pratiquer des MGF

6

4

0

1

e) Non-dénonciation de cas de MGF

16

15

1

0

f) Emploi de termes dénigrants

9

1

0

0

g) Imposition de pratiques culturelles préjudiciables à un enfant

15

6

2

1

Sous-total

85

41

5

12

Poursuites et déclarations de culpabilité et recours assurés aux victimes.

Mesures de lutte contre la violence fondée sur le genre prises par le Bureau du Procureur général

a)Création et mise en service au sein du Bureau du Procureur général d’une division spéciale chargée des affaires de violence sexuelle et fondée sur le genre ;

b)Création d’un service spécialisé chargé d’apporter un soutien et une assistance aux témoins pendant la procédure ;

c)Étoffement des effectifs des procureurs grâce à une politique de recrutement tendant à couvrir les besoins dans les 47 comtés et sous-comtés du pays ;

d)Diffusion du Manuel sur l’élimination de la violence sexuelle et fondée sur le genre au Kenya destiné aux enquêteurs et aux procureurs ;

e)Élaboration et diffusion d’exemplaires d’actes d’accusation types auprès de tous les parquets du pays ;

f)Activités intensives de formation et de sensibilisation des magistrats et des enquêteurs du parquet aux traitement des affaires de violence sexuelle et fondée sur le genre. Le Bureau du Procureur général n’a ménagé aucun effort pour renforcer les capacités des enquêteurs de police, qui jouent un rôle clef dans le système de justice pénale ;

g)Collaboration étroite entre le Bureau du Procureur général et l’équipe spéciale chargée de la mise en œuvre de la loi relative aux infractions sexuelles, qui a élaboré et publié des règlements et un projet de politique et de règles pour la mise en œuvre efficace de ladite loi ;

h)Organisation d’un concours de plaidoiries ouvert au public, tenue d’audiences fictives réunissant des représentants de l’International Association of Women Judges, de l’administration pénitentiaire et du Bureau du Procureur général ;

i)Collaboration entre le Bureau du Procureur général et des partenaires clefs aux fins de la promotion et du renforcement de la coopération interinstitutionnelle et des mécanismes de collaboration dans le domaine de la lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre, avec le concours de partenaires tels que les ministères et les services de l’administration publique, des partenaires internationaux, des ONG nationales et internationales et des organisations d’utilité publique ;

j)Adoption d’une politique nationale pour la prévention et la répression de la violence fondée sur le genre et d’une politique type en matière de lutte contre la violence fondée sur le genre destinée aux gouvernements des comtés ;

k)Élaboration du plan national de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants au Kenya 2018‑2022 ;

l)Activités de sensibilisation visant à doter les enfants de compétences applicables dans la vie quotidienne leur permettant de ne pas devenir victimes d’abus sexuels.

Politique relative aux infractions sexuelles

Un comité interinstitutions s’emploie actuellement à élaborer la politique relative aux infractions sexuelles.

Recours ouverts aux victimes

a)Des lignes directrices concernant le soutien et l’assistance à apporter aux victimes d’infractions ont été élaborées ;

b)Les procureurs veillent à ce que les victimes et les témoins à charge soient traités avec respect dans l’ensemble du système de justice pénale. Ils veillent également à ce que les victimes (qui sont des témoins) et les témoins soient conscients et informés des droits dont ils jouissent dans le système de justice pénale, et à ce qu’ils soient à même de participer aux procédures.

2.Le Bureau du Procureur général a mis en place une ligne téléphonique gratuite afin que les victimes d’infractions puissent signaler les violations des droits de l’homme qu’elles ont subies, dont les violences sexuelles et fondées sur le genre.

Allégations de viols collectifs de femmes et de filles

Toutes les allégations de viols collectifs ont donné lieu à des enquêtes et ont été dûment examinées par les tribunaux.

Allégations de violences sexuelles infligées à des femmes et des filles atteintes d ’ albinisme

Toutes les affaires d’attaques et de violations des droits commises au Kenya, quelles qu’en soient les victimes, y compris celles qui concernent les personnes atteintes d’albinisme, donnent immédiatement lieu à des enquêtes et des poursuites menées en bonne et due forme. Pour le moment, le Kenya ne dispose pas de statistiques ventilées prenant en compte le critère de l’albinisme. Toutes les affaires sont poursuivies au titre des articles réprimant le viol, la tentative de viol et le viol sur mineur. Toutefois, la vulnérabilité et la marginalisation des personnes atteintes d’albinisme sont considérées comme une circonstance aggravante.

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de sexualité et de procréation (art. 6 et 17)

58.L’avortement est illégal au Kenya. Le paragraphe 1 de l’article 26 de la Constitution dispose que l’avortement n’est pas autorisé, sauf si, de l’avis d’un professionnel de santé qualifié, un traitement urgent s’impose ou si la vie de la mère est en danger ou encore si une autre loi écrite l’autorise.

59. L’une des lois d’habilitation de la Constitution est la loi relative à la santé, qui définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Le paragraphe 1 de l’article 6 de ladite loi dispose que toute femme présentant une pathologie médicale aggravée du fait de sa grossesse jouit du droit de se faire soigner par un professionnel de santé qualifié dès lors que sa vie ou sa santé sont menacées.

60. Dans l’affaire Federation of Women Lawyers (Fida - Kenya) & 3 others v Attorney General & 2 others; [2019] eKLR, la Haute Cour s’est efforcée de clarifier cette question, déclarant que, si de l’avis d’un professionnel de santé qualifié, une grossesse résultant d’un viol ou d’un viol sur mineure met en danger la vie ou la santé de l’intéressée, ou son bien‑être mental, physique ou social, cette grossesse peut être interrompue en vertu des exceptions prévues par le paragraphe 4 de l’article 26 de la Constitution. La Haute Cour a déclaré ce qui suit :

«  ... l ’ avortement est illégal au Kenya, sauf dans les cas prévus par le paragraphe 4 de l ’ article 26 de la Constitution.  »

61.Les normes et les lignes directrices visant à réduire la morbidité et la mortalité liées aux avortements non sécurisés au Kenya ont été soumises une nouvelle fois aux parties prenantes afin qu’elles tiennent de nouveaux débats plurisectoriels et que toutes les contributions soient prises en considération.

Droit à la vie (art. 6)

62.Les tribunaux kenyans ont commencé à rejuger les condamnés à mort qui remplissaient les conditions requises pour demander une révision de leur peine et qui les ont saisis d’une requête à cette fin. Les tribunaux réexaminent chaque affaire en se fondant sur un rapport relatif à la détermination de la peine établi par le Service de l’administration pénitentiaire et le Bureau du Procureur général. Au 3 juillet 2020, le nombre de détenus placés dans les quartiers des condamnés à mort s’établissait à 646.

63.Peu de temps après la publication de l’arrêt par lequel la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle le caractère obligatoire de l’imposition de la peine de mort, le groupe de travail chargé de la révision de cette peine a été invité à formuler des recommandations afin que cet arrêt soit pleinement mis en œuvre. Il a passé en revue toutes les lois prévoyant l’obligation de prononcer la peine de mort pour certains actes et formulé des recommandations en vue de leur modification. En outre, il a élaboré un projet de réglementation régissant le réexamen des affaires ayant abouti à une condamnation à mort, soumis des propositions de peines appropriées réprimant le meurtre et d’autres crimes emportant la peine capitale, et recommandé le maintien de la peine de réclusion à perpétuité, tout en ménageant des possibilités de libération conditionnelle.

64.Afin de garantir que les procédures de réexamen soient structurées et bien coordonnées, le groupe de travail a recommandé la création au sein du Conseil national d’administration de la justice d’une commission d’application ayant pour mandat de surveiller le déroulement de ces procédures. Cette commission est chargée d’établir un rapport pour la détermination de la nouvelle peine comportant des informations sur les circonstances de l’infraction et de l’auteur, sa personnalité, notamment son comportement avant et après la condamnation et son état de santé mentale, et l’existence éventuelle de circonstances atténuantes, ainsi qu’une déclaration de la victime sur les conséquences que l’infraction a eues pour elle. À l’audience de réexamen, le magistrat qui préside la séance reçoit des observations sur ce rapport et la nouvelle peine recommandée, et les condamnés à mort qui remplissent les conditions voulues pour demander une libération conditionnelle sont classés dans l’ordre de priorité suivant, aux fins de la révision de leur peine :

Détenus ayant passé le plus d’années en prison (20 ans et plus) ;

Détenus vulnérables (détenus qui sont des personnes de plus de 60 ans, des personnes handicapées, des malades en phase terminale, des femmes ou des personnes qui étaient peut-être mineures au moment de la commission de l’infraction) ;

Vol avec voies de fait ;

Homicide volontaire.

65.En outre, le groupe de travail a élaboré un cadre complet relatif à la conduite des audiences de réexamen afin que les tribunaux chargés de rejuger les condamnés à mort le fassent de manière structurée, en se fondant sur des éléments de preuve et en prenant en considération toutes les informations pertinentes afin de tenir compte des circonstances atténuantes, des besoins de réinsertion et de réinstallation des auteurs ainsi que du point de vue des victimes, des familles et des communautés concernées, tout en assurant la cohérence des décisions de révision de la peine de mort dans l’ensemble du pays.

66.Avant d’élaborer ce cadre, en 2019, le groupe de travail s’est entretenu avec tous les détenus qui avaient été condamnés à la peine capitale, y compris ceux dont la peine avait été commuée en une peine de réclusion à perpétuité, afin de recueillir des informations lui permettant de fixer des priorités et de dresser la liste des condamnés remplissant les conditions voulues pour être rejugés.

67.Les organes judiciaires s’emploient actuellement à mettre sur pied un comité d’application relevant du Conseil national d’administration de la justice, qui sera chargé de surveiller le déroulement des procédures de réexamen.

68.Dans son rapport, le groupe de travail a recommandé au Parlement d’abolir totalement la peine de mort.

Droit à la vie (art. 6)

69. Le Gouvernement a créé l’Autorité indépendante de surveillance de la police, organe chargé de mener des enquêtes et de recommander l’ouverture de poursuites sur les pratiques illégales des fonctionnaires de police. De même, le groupe des affaires internes du Service de la police nationale traite toutes les plaintes déposées contre des membres des forces de l’ordre. Lorsque des fonctionnaires sont accusés d’avoir outrepassé les limites de leur mandat, des enquêtes approfondies sont menées et, le cas échéant, les intéressés sont ensuite traduits en justice conformément à la procédure prévue par la loi. S’il existe une cause probable, les fonctionnaires concernés sont arrêtés et placés en détention conformément à la loi. On trouvera dans l’annexe jointe au présent rapport une liste des policiers traduits en justice et de policiers déclarés coupables. Le Gouvernement s’emploie actuellement à rendre opérationnel un service national du coroner, qui sera chargé de mener des enquêtes indépendantes et de déterminer les décès qui doivent être signalés.

70.La sixième annexe de la loi de 2011 relative au Service de la police nationale fixe les conditions régissant l’usage de la force par la police. D’après les conditions 1 et 2, le fonctionnaire de police doit toujours s’efforcer d’employer des moyens non violents et ne recourir à la force que lorsque ces moyens sont inefficaces ou ne donnent aucun espoir d’atteindre le résultat escompté. La force doit être proportionnelle à l’objectif poursuivi, à la gravité de l’infraction et à la résistance de la personne contre laquelle elle est utilisée. Elle ne doit être employée que dans les proportions nécessaires, compte tenu des dispositions de la loi et du règlement intérieur de la police. Les autres lois pertinentes qui doivent être prises en compte dans ce contexte sont le Code pénal et la loi relative aux armes à feu.

71.Afin de garantir que ces normes soient respectées, les autorités organisent des cours de formation continue à l’intention des fonctionnaires de police. En cas de comportement non conforme à ces normes, les fonctionnaires soupçonnés sont inculpés et poursuivis.

72.L’École de police du Kenya (Kiganjo) a pour mission de former des policiers ayant un niveau de compétence et d’intégrité très élevé et d’inculquer aux futurs policiers le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine comme le préconise le paragraphe d) de l’article 244 de la Constitution.

73.En ce qui concerne le meurtre de M. Kimani, de son client, Josephat Mwenda, et de son chauffeur, Joseph Muiruri, les quatre membres de la police administrative accusés des faits ont été traduits devant la Haute Cour de Milimani. L’examen de cette affaire se poursuit et est parvenu à un stade avancé. Le tribunal a recueilli les dépositions de 41 témoins et n’a plus qu’à en entendre encore deux pour que la présentation des moyens à charge soit terminée.

74.Le Kenya a mis au point diverses stratégies afin de préserver l’environnement et le protéger contre les dommages, la pollution et les changements climatiques causés par des acteurs publics et des entités privées. Parmi les mesures prises, on peut notamment citer :

L’adoption de la loi de 2012 relative à l’environnement et à la coordination, qui prévoit plusieurs cadres réglementaires, dont le règlement de 2003 relatif à l’environnement (prévention de la pollution dans la zone côtière et d’autres zones), l’ordonnance de 2004 relative à la gestion de l’environnement (plan de gestion du lac Naivasha), et le règlement de 2006 relatif à la gestion de l’environnement et à la coordination (qualité de l’eau) ;

La création, en application de ladite loi, de l’Autorité nationale de gestion de l’environnement, qui a pour mission de faire respecter la réglementation de l’environnement. L’Autorité est le principal organe public chargé de l’application de toutes les politiques relatives à l’environnement et de la surveillance et de la coordination globales de toutes les questions touchant l’environnement. Ses activités portent sur la qualité de l’eau, la gestion des déchets, les substances contrôlées, la biodiversité, les zones humides, les rivières et le littoral ainsi que le respect de la réglementation relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement.

L’adoption du Plan national de lutte contre les changements climatiques 2018-2022, plan quinquennal visant à orienter les mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre les changements climatiques, en particulier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et l’adoption de la loi de 2016 relative aux terres communautaires, qui impose aux communautés l’obligation de se doter de stratégies pour protéger les écosystèmes critiques et préserver les ressources se trouvant sur leurs terres, entre autres.

75.Le service forestier du Kenya collabore avec les gouvernements des comtés et les propriétaires fonciers privés en vue de planter des arbres, et il a lancé des activités tendant à réduire les émissions résultant de la déforestation et de la dégradation des forêts, le but étant de prévenir ces deux phénomènes en protégeant activement les forêts et en proposant d’autres moyens de subsistance aux communautés locales vivant dans les zones forestières et dans les zones environnantes. Le Kenya s’emploie actuellement à établir un niveau de référence pour les forêts, qui servira de critère objectif pour évaluer la performance des activités de REDD+. Il a beaucoup investi dans la production d’énergie géothermique, qui fournit une énergie peu coûteuse et à faibles émissions. Des entreprises privées produisent également de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, dont l’énergie solaire, le biogaz et la bagasse. L’association kényane des fabricants collabore avec le Ministère de l’énergie afin de promouvoir les audits énergétiques et les gains d’efficacité afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et traitement des personnes privées de liberté (art. 7 et 10)

76.La pratique de la torture et des mauvais traitements, en particulier dans le contexte des opérations de sécurité et d’autres mesures antiterroristes, est interdite. Des organismes publics investis de fonctions de surveillance mènent des enquêtes approfondies sur les allégations de violation et les auteurs présumés d’actes contraires à la loi sont inculpés et poursuivis en conséquence. L’Autorité indépendante de surveillance de la police est chargée d’enquêter sur les affaires d’usage excessif de la force par la police et de recommander l’ouverture de poursuites au Bureau du Procureur général.

77.En 2017, le Kenya s’est doté d’une loi relative à la prévention de la torture, que les organes publics ont eu quelques difficultés à appliquer. Le Bureau de l’Attorney General et le Ministère de la justice, le Bureau du Procureur général, la Commission kényane des droits de l’homme, l’Autorité indépendante de surveillance de la police et le Service de la police nationale collaborent actuellement en vue de remédier aux défaillances de ce texte. En application de la loi adoptée en 2017 à cet effet, un service national des coroners a été créé. Cet organe a pour mandat de mener des enquêtes médico-légales indépendantes et de déterminer la cause des décès de causes non naturelles qui doivent être signalés. Une commission d’application a été chargée de rendre ce service pleinement opérationnel.

78.Trois organes − le Bureau du Procureur général, l’Autorité indépendante de surveillance de la police et le Service des affaires intérieures − ont constitué une équipe spéciale chargée de former et de sensibiliser les membres des forces de l’ordre à l’importance du respect et de l’application des droits de l’homme dans l’exercice de leurs fonctions. L’équipe spéciale veille en outre à ce que les plaintes déposées contre les auteurs présumés de violations des droits de l’homme fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites et à ce que les intéressés aient à rendre des comptes.

79.On trouvera dans le tableau ci-dessous des données sur le nombre et la nature des allégations de torture reçues par l’Autorité indépendante de surveillance de la police au cours de la période considérée ainsi que sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de déclarations de culpabilité auxquelles elles ont donné lieu.

N o

Objet

Nombre

Nature

1.

Nombre de plaintes pour torture reçues de 2014 à juin 2020 1

Décès résultant de l’application de mesures de police

769

Comprend les décès résultant de l’application de mesures de police, notamment l’utilisation d’armes à feu et l’usage de la force ayant entraîné des blessures.

Agressions physiques/blessures

2 603

Comprend les agressions ayant entraîné des blessures graves et des blessures de peu de gravité

Agressions sexuelles

176

Plaintes pour viol et pour viol sur mineur

2.

Enquêtes ouvertes et menées à bonne fin sur des affaires de torture 2 de 2014 à juin 2020

Décès

562

Décès causés par des coups de feu et des blessures

Agressions physiques/blessures

943

Comprend les agressions ayant entraîné des blessures graves et d’autres types de lésions corporelles

Agressions sexuelles

35

Viol et viol sur mineur

3.

Nombre cumulé de dossiers soumis au Bureau du Procureur général pour suite à donner depuis la création de cet organe jusqu’en juin 2020

274

Comprend notamment les cas de décès, de blessures graves, d’infractions sexuelles, d’inaction de la police (notamment non-assistance à un détenu nécessitant des soins médicaux).

4.

Nombre d’affaires en instance au 30 juin 2020

76

5.

Condamnations prononcées depuis 2014

8

Décès − 2+1+1+2

Blessures graves − 1

Agressions sexuelles − 0

Inaction de la police − 1

1 L ’ Autorité indépendante de surveillance de la police a enquêté sur des affaires portant sur des comportements répréhensibles − meurtres, homicides involontaires, agressions, préjudices graves, lésions corporelles infligées illégalement et autres infractions − imputés à des membres du Service de la police nationale, conformément au Code pénal et à son a cte constitutif .

2 Ibid.

80.L’Autorité indépendante de surveillance a enregistré deux affaires (IPOA/INU/-2018 et IPOA/INU/000158-2020) portant respectivement sur des actes de torture commis par la police administrative à Homabay et sur des traitements cruels, inhumains et dégradants infligés par des policiers au commissariat de Kilome, qui ont fait l’objet d’enquêtes.

81.Des renseignements sur la réparation assurée aux victimes figurent au paragraphe 23 du présent rapport.

82. Le Protocole se rapportant au Pacte est l’un des instruments internationaux actuellement examinés par l’Attorney General.

83.Afin de remédier à la surpopulation carcérale, le Service de l’administration pénitentiaire a pris les mesures suivantes, en collaboration avec le système judiciaire :

1.Adoption d’ordonnances relatives aux travaux d’intérêt général (TIG) ;

2.Recours à la caution et aux garanties ;

3.Réexamen des peines ;

4.Révision des peines.

84.On trouvera dans le tableau ci-dessous des statistiques sur l’application des mesures susmentionnées qui ont abouti à des remises en liberté pendant la période allant du 15 mars 2020 au 5 juin 2020.

N o

Région

Remises en liberté ordinaires

TIG/Révision de la peine

Amende/Paiement en liquide Caution/garantie

Total

1

Côte

380

472

344

10 196

2

Nord-Est

85

100

74

1 259

3

Est

419

1 014

453

1 886

4

Centre

699

665

573

1 937

5

Vallée du Rift

1 371

1 555

962

3 888

6

Ouest

166

362

210

738

7

Nyanza

254

568

224

1 046

8

Nairobi

592

286

160

1 038

Total

3 966

5 022

3 000

11 988

85.Au Kenya, les suspects sont arrêtés et placés en détention conformément à la loi, à la condition qu’il existe une cause probable. Une fois arrêté, le suspect doit être déféré devant un tribunal dans les vingt-quatre heures ou être remis en liberté. La libération sous caution constitue un droit, sauf s’il y a des raisons impérieuses de ne pas remettre le suspect en liberté. Un recours en habeas corpus peut être présenté en cas de détention ou d’emprisonnement contraire à la loi. Les lignes directrices régissant la libération sous caution ont été élaborées en 2015 par le pouvoir judiciaire afin que la police et les magistrats sachent comment appliquer les lois prévoyant des possibilités de libération sous caution.

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes (art. 2, 6, 7, 8, 24 et 26)

Poursuites engagées dans des affaires de traite

Infraction

Nouvelles affaires enregistrées

Déclaration de culpabilité

Verdict d ’ acquittement

Classement sans suite

Traite des personnes

18

1

1

4

Traite des enfants

9

1

1

2

Promotion de la traite des personnes

-

1

Acquisition de documents de voyage, fraude ou fausse déclaration

13

5

Facilitation de l ’ entrée dans le pays ou de la sortie du pays

109

54

5

Confiscation de documents de voyage et d ’ effets personnels

1

Traite des personnes pour le crime organisé

1

4

Autres infractions liées à la traite des personnes

23

8

1

86.Le Gouvernement a élaboré un projet de consignes permanentes en vue de combattre le trafic de main-d’œuvre. Les consignes permanentes sont des lignes directrices destinées aux forces de l’ordre, aux procureurs et aux autres personnes qui cherchent à identifier et poursuivre les trafiquants de main-d’œuvre et les personnes pratiquant des méthodes de recrutement contraires à l’éthique, et qui enquêtent sur ces agissements. L’objectif de ces consignes est de promouvoir une approche globale de la lutte contre la traite des personnes et les pratiques abusives en matière de recrutement et, parallèlement, d’offrir une protection aux victimes et aux victimes potentielles en prévenant et combattant ces pratiques, et de traduire en justice les personnes impliquées dans des activités liées à la traite.

87.Le plan national de lutte contre la traite des personnes fait de la réduction des offres frauduleuses d’emploi une priorité stratégique en matière de prévention. Il prévoit en outre que les autorités mènent des activités de surveillance et d’évaluation des agences de placement et de leurs procédures et pratiques afin de détecter les défaillances ou les lacunes éventuelles susceptibles d’être exploitées par les trafiquants.

88.Autres données sur le trafic de main-d’œuvre (2019-2020) :

Catégorie

Nombre d’enfants soumis aux pires formes de travail des enfants

273 filles

161 garçons

Personnes atteintes d’albinisme victimes de traite aux fins du prélèvement de parties de leur corps

Aucune donnée disponible

Traite des femmes dans les camps de réfugiés

Aucune donnée disponible

89.Plusieurs mesures ont été prises pour améliorer l’identification des auteurs et relever le taux de poursuites et d’établissement de la culpabilité dans les affaires de traite. On peut notamment citer :

L’élaboration de consignes permanentes par le comité consultatif chargé de la lutte contre la traite ;

L’élaboration d’un manuel sur la traite destiné aux procureurs ;

La création d’un service chargé de la lutte contre la traite relevant du Bureau de l’Inspecteur général de la police, qui mène des enquêtes sur la traite des enfants et la maltraitance d’enfants en ligne ;

La création d’un service chargé de la lutte contre la criminalité transnationale organisée, qui mène des enquêtes sur la traite des adultes et le trafic de personnes, en collaboration avec le Directeur des enquêtes pénales ;

La création du comité consultatif chargé de la lutte contre la traite des personnes, qui coordonne la formation des membres des forces de l’ordre dans le domaine des enquêtes et des poursuites ;

L’organisation de formations à la conduite des enquêtes destinées aux fonctionnaires chargés de faire respecter la loi (policiers, fonctionnaires des services de protection de l’enfance, procureurs) ;

La diffusion auprès de la population de documents de sensibilisation contenant des informations sur les moyens d’identifier les auteurs d’infractions ainsi que le numéro des lignes téléphoniques d’urgence telles que le 116, qui a été mis en place pour les enfants ;

Activités de sensibilisation menées au niveau local dans le cadre des barazas (réunions publiques d’information).

90.L’article 22 de la loi de 2010 relative à la lutte contre la traite des personnes prévoit la création du Fonds national d’assistance aux victimes de la traite. Des ressources sont allouées au financement des mesures d’assistance aux victimes, dont les services d’accompagnement psychosocial prévus au paragraphe e) de l’article 15 de ladite loi.

91.Le Gouvernement a élaboré des lignes directrices pour le mécanisme national d’assistance aux victimes de la traite, qui contiennent des dispositions sur l’accompagnement psychosocial.

Traitement des étrangers, réfugiés, demandeurs d’asile et migrants, et déplacements de population (art. 2, 6, 7, 9, 13 et 26)

92.Le projet de loi de 2019 relatif aux réfugiés prévoit des dispositions concernant la reconnaissance, la protection et la gestion des réfugiés, et donne effet à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Ce projet a été soumis à l’Assemblée nationale, mais il a été renvoyé au ministère compétent afin que de nouvelles consultations soient organisées et que le public puisse participer à l’élaboration de ce texte. En février 2018, 78 517 réfugiés provenant des camps de Dadaab et de Kakuma et de centres urbains avaient bénéficié de programmes de rapatriement volontaire. En outre, afin de renforcer la sécurité dans ces deux camps, un programme élargi relatif à la police de proximité a été lancé et des unités de police supplémentaires ont été déployées. Le Gouvernement n’a pas reçu d’informations indiquant que des migrants en situation irrégulière avaient été victimes de xénophobie et de politiques répressives, notamment de descentes de police à leur domicile, depuis la mise en service d’une permanence téléphonique permettant aux particuliers de les dénoncer. De plus amples informations, notamment les données personnelles des victimes présumées, seraient nécessaires pour qu’une réponse puisse être apportée à ce sujet.

93.La loi relative à la prévention, à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et aux communautés touchées a été adoptée en 2012 afin d’orienter les stratégies publiques visant à protéger les personnes déplacées. La loi prévoit la création d’un fonds destiné à couvrir les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées au déplacement ainsi que la reconstruction des logements de base détruits et la remise en état des services collectifs et des institutions locales. Elle prévoit en outre l’application de mesures de prévention, dont des campagnes d’information du public et des activités de sensibilisation, de formation et d’éducation concernant les causes, les incidences et les conséquences des déplacements internes, et permet aux personnes déplacées de faire des choix libres et éclairés en vue de leur réinstallation durable dans leur localité d’origine ou de leur installation durable dans les zones de refuge ou d’autres régions du pays.

94.La politique nationale de 2011 pour la prévention des déplacements internes, la protection des personnes déplacées et l’assistance à leur apporter vise à assurer la protection des droits des personnes déplacées et à éliminer le phénomène des déplacements internes au Kenya en faisant bénéficier toutes les personnes concernées de solutions durables et en prévenant de nouveaux déplacements de population.

Expulsions (art. 7, 12, 17, 26 et 27)

95. La loi de 2016 portant modification de la législation foncière prévoit des dispositions complètes régissant les expulsions au Kenya. Les expulsions auxquelles procèdent les pouvoirs publics doivent être strictement conformes aux dispositions de la Constitution et de la législation et doivent se dérouler de façon humaine.

Liberté de réunion (art. 19 et 21)

96.La loi de 1950 relative à l’ordre public a été révisée en 2012 afin que ses dispositions soient mises en conformité avec les principes constitutionnels garantissant le droit d’organiser et de participer à des réunions, des piquets de grève et des manifestations. Les défenseurs des droits de l’homme ne sont pas arrêtés parce qu’ils exercent leur droit à la liberté de réunion. Une personne ne peut être arrêtée que si une infraction a été commise ou s’il y a eu atteinte à l’ordre public. Les défenseurs des droits de l’homme qui manifestent pacifiquement et sans armes le font librement et sans subir d’ingérences de l’État.

97.Le projet de loi de 2019 portant modification de la loi relative à l’ordre public vise à modifier la version révisée de 2012 de la loi relative à l’ordre public en érigeant en infraction le fait de causer des préjudices graves, des dommages aux biens et des pertes de revenus. En outre, ce projet offre aux victimes la possibilité d’être indemnisées par les manifestants et les organisateurs. La Constitution garantit le droit de se réunir, de manifester, d’organiser des piquets de grève et de soumettre des requêtes aux organes publics, mais les manifestants doivent exercer ces droits pacifiquement et sans porter d’armes.

98. Dans l’affaire Ngunjiri Wambugu vs Inspector General of Police, & 2 voters [2019] eKLR, la Haute Cour a invité l’État à modifier la législation en vigueur ou élaborer de nouvelles lois et de nouveaux règlements afin de garantir l’exercice pacifique du droit de réunion, et elle l’a engagé à rédiger des codes de conduite à l’intention des organisateurs de manifestations. Dans son arrêt, elle a considéré que le droit de l’individu de participer à des piquets de grève dépendait du comportement des manifestants, qui devaient se conduire de manière pacifique et ne pas être armés, et que les policiers devaient arrêter immédiatement les manifestants s’ils portaient une arme quelle qu’elle soit. C’est dans ce contexte que le projet de loi de 2019 portant modification de la loi relative à l’ordre public a été élaboré. La législation kényane prévoit que les agents de l’État doivent recourir à la force uniquement dans les cas prévus par la loi et en faire un usage proportionné lorsqu’ils ont à maîtriser des débordements pendant les rassemblements et les manifestations. Toutefois, toute infraction à la législation interne imputée à un membre des forces de l’ordre donne lieu à une enquête et, le cas échéant, l’intéressé est inculpé en conséquence.

Liberté d’expression (art. 19 et 20)

99. Le droit à la liberté d’expression est consacré par la Constitution. Les tribunaux ont déclaré certaines dispositions de la législation interne inconstitutionnelles au motif qu’elles étaient incompatibles avec le droit à la liberté d’expression.

100.Dans l’affaire Jacqueline Okuta & another v Attorney General & 2 others, eKLR, la constitutionnalité des dispositions de l’article 194 du Code pénal, qui érigeaient la diffamation en infraction, a été contestée. La Haute Cour a considéré que cet article était inconstitutionnel au motif qu’il était contraire au droit fondamental à la liberté d’expression.

101.Dans un arrêt rendu le 26 avril 2017 dans l’affaire Robert Alai v The Hon Attorney General & another [2017] eKLR, la Haute Cour a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de l’article 132 du Code pénal, qui incrimine le fait d’employer, oralement ou par écrit, des termes considérés comme portant atteinte à l’autorité d’un fonctionnaire.

102.L’article 181 du Code pénal interdit les activités en lien avec les contenus obscènes. Cette interdiction s’étend notamment à la distribution, à l’exposition publique, à la production, à la possession et à l’importation d’un ou de plusieurs contenus obscènes ou au fait de favoriser la diffusion ou le trafic de tels contenus. Il convient de noter que ces dispositions couvrent toutes les formes d’obscénité, y compris celles qui concernent les LGBT. Toute personne reconnue coupable d’activités en lien avec des contenus obscènes est passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans ou d’une amende de 7 000 shillings. L’État a supprimé plusieurs fois des contenus publiés en ligne considérés comme immoraux ou diffamatoires. La loi de 2018 sur le piratage informatique et la cybercriminalité érige en infraction la diffusion de contenus obscènes ou intimes, y compris la pornographie mettant en scène des enfants. En outre, pour renforcer la réglementation de la diffusion d’informations destinées au public, les propriétaires de médias ont créé un mécanisme d’autoréglementation, le conseil kényan des médias.

Conformité au Pacte de la loi de 2018 sur le piratage informatique et la cybercriminalité

103. Le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte et la Constitution consacrent le principe selon lequel le droit à la liberté d’expression peut légitimement être limité pour protéger l’intérêt public ainsi que les droits et la réputation d’autrui. Le Gouvernement est habilité à restreindre toute manifestation de la liberté l’expression susceptible de causer un préjudice. En 2018, compte tenu de la responsabilité qui lui incombe de protéger toutes les personnes, il a adopté la loi sur le piratage informatique et la cybercriminalité, qui érige en infraction des actes tels que l’interception d’informations et les ingérences non autorisées, la publication de fausses informations, la pédopornographie, la diffusion illégale d’images obscènes ou intimes, entre autres. Il convient de noter que, dans un arrêt rendu en 2020 dans l’affaire Bloggers Association of Kenya (BAKE) v Attorney General & 3 others; Article 19 East Africa & another (Interested Parties) [2020] eKLR, la Haute Cour a rejeté une requête contestant la constitutionnalité et la légalité de plusieurs dispositions de cette loi. Considérant que les dispositions en question étaient conformes à la Constitution, qu’elles n’étaient pas contraires aux libertés et droits fondamentaux, qu’elles n’y portaient pas atteinte et ne les menaçaient pas, elle a déclaré ce qui suit :

« Le danger imminent réside dans l ’ incapacité du Gouvernement à garantir la sécurité nationale contre les infractions relevant de la cybercriminalité et du piratage informatique ; en conséquence, la nécessité de protéger le grand public contre les dangers du cyberespace prévaut sur celle de faire droit à la requête. La Cour a considéré que les dispositions contestées de la législation protégeaient efficacement l ’ intérêt public et que l ’ intérêt public devait être une priorité. »

104.Comme indiqué précédemment, les relations homosexuelles sont expressément interdites par la législation nationale et sont considérées comme incompatibles avec la culture et les valeurs kenyanes. Cependant, au Kenya, toute personne jouit de la pleine protection de la loi, indépendamment de son identité sexuelle, en cas de violation des droits que lui garantit la loi. En témoignent notamment la reconnaissance juridique et judiciaire des personnes intersexes, l’instruction donnée en 2016 par le tribunal de l’emploi et des relations de travail à l’Église anglicane du Kenya de réintégrer trois prêtres qui avaient été suspendus en 2015 à la suite de rumeurs portant sur leur homosexualité supposée, et un arrêt rendu le 22 mars 2018 par la Cour d’appel, qui a déclaré contraire à la Constitution les examens rectaux imposés sans leur consentement à des personnes accusées de relations homosexuelles. Cet arrêt a annulé une décision rendue en 2016 dans laquelle la Haute Cour avait confirmé la légalité de la pratique par les autorités kényanes d’examens rectaux imposés de force à des suspects en vue d’obtenir la preuve qu’ils avaient eu des relations homosexuelles. En outre, en 2013, la Cosmopolitan Affirming Church a été inaugurée à Nairobi, devenant ainsi la première église ouvertement LGBT du pays.

Atteintes à la liberté de la presse imputées à l’État

105.Le Kenya est partie à plusieurs instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs à la liberté d’expression. Les articles 33 et 34 de la Constitution élargissent la portée de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, notamment en interdisant à l’État de restreindre l’indépendance éditoriale de certains journalistes ainsi que des médias publics ou privés. Dans le même esprit, la Constitution limite la liberté des médias de diffuser des propos portant atteinte à la vie privée ou relevant de l’incitation à la haine, des discours de haine et de la propagande antigouvernementale en temps de guerre.

106.Le Kenya est doté de structures efficaces permettant de protéger les droits de toutes les personnes, y compris des professionnels des médias. Les pouvoirs publics offrent aux médias un cadre de travail adéquat et des mesures de sécurité ont été prises. L’Autorité indépendante de surveillance de la police est un mécanisme jouant un rôle important à cet égard et les journalistes et les professionnels des médias peuvent le saisir s’ils ont des griefs contre la police.

107.La loi de 2013 relative au Conseil des médias prévoit plusieurs sanctions pénales pouvant être imposées aux journalistes et aux médias, qui consistent dans : 1) une amende n’excédant pas 200 000 shillings ou une peine d’emprisonnement de six mois au maximum, ou les deux ; 2) en cas de récidive, une amende n’excédant pas un million de shillings ou une peine d’emprisonnement de deux ans au maximum, ou les deux.

108. En ce qui concerne l’affaire Okiya Omutatah Okoiti vs Communication Authority of Kenya (requête no 28 de 2018, eKLR), le Gouvernement a donné suite à la décision du tribunal et a autorisé la reprise de toutes les émissions de télévision qui avaient été interdites. Le retard dans l’application de cette décision s’explique par le fait que le Gouvernement avait envisagé de faire appel de la décision au motif que ses représentants n’avaient pas assisté à l’audience du tribunal au cours de laquelle l’ordonnance avait été rendue.

109. L’équipe spéciale chargée des questions touchant les enfants, qui a été créée le 29 janvier 2016 et qui relève du Conseil national d’administration de la justice, a pour mission de combler les lacunes dans le domaine de l’administration de la justice pour mineurs. L’une de ses tâches principales consiste à élaborer et soumettre des propositions de réforme d’ordre législatif, politique, procédural et stratégique dans des domaines concernant les enfants. Dans ce cadre, elle a élaboré le projet de loi de 2018 relatif aux enfants, qui prévoit de revoir complètement tous les aspects de la justice pénale qui concernent et affectent les enfants et, en particulier, de relever l’âge de la responsabilité pénale. Ce projet a été élaboré compte tenu des contributions des parties prenantes et de la participation du public et doit être soumis au Conseil des ministres pour approbation, puis à l’Assemblée nationale pour examen et adoption.

Participation à la conduite des affaires publiques (art. 7, 14, 25 et 26)

110.En 2017, afin de garantir la tenue d’élections libres et transparentes, la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral s’est employée à :

i.Donner une image d’elle-même respectable, montrant que les ressources sont mobilisées avec efficacité ;

ii.Entamer rapidement la révision des diverses lois régissant l’organisation des élections et des référendums ;

iii.Sensibiliser les électeurs en garantissant une représentation équitable ;

iv.Faire en sorte que le système électoral qu’elle a mis au point soit soumis en temps utile à un audit afin de garantir la responsabilité, la sécurité et l’efficacité des processus électoraux ;

v.Mettre en place des mécanismes d’établissement des responsabilités pour lutter contre les fraudes électorales imputables aux membres du personnel électoral ;

vi.Investir massivement dans l’amélioration des infrastructures informatiques afin de renforcer la transparence des processus électoraux.

111. En outre, la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral a lancé un certain nombre d’autres stratégies visant à améliorer le déroulement des élections générales à venir. Ces stratégies prévoient notamment l’adoption de nouvelles lois électorales et le réexamen de la législation et de la réglementation en vigueur, le but étant d’améliorer l’environnement électoral, de renforcer la formation des fonctionnaires électoraux en révisant les manuels relatifs à l’inscription des électeurs et à l’organisation des élections, et d’étoffer les programmes de sensibilisation des électeurs par l’élaboration de programmes pédagogiques sur les élections destinés aux élèves du primaire et du secondaire. Les mesures prises se sont révélées efficaces.

112.Le Gouvernement ne tolère ni ne soutient l’usage excessif de la force, la violence sous quelque forme que ce soit ou le harcèlement et la dissolution des organisations de la société civile par ses fonctionnaires. Toutes les allégations font immédiatement l’objet d’une enquête et, si un fonctionnaire est reconnu coupable des actes qui lui sont imputés, la procédure prévue par la loi est rigoureusement respectée.

Peuples autochtones (art. 2, 25, 26 et 27)

113.Le Gouvernement est conscient de l’obligation qui lui incombe de protéger les droits de tous les groupes vulnérables, y compris des communautés marginalisées vivant au Kenya. Il est tenu de garantir l’intégration de toutes ces communautés et de protéger celles-ci contre la discrimination. C’est donc à lui que revient la responsabilité de régler toute question intéressant les populations autochtones de manière inclusive et globale.

114.La Constitution reconnaît que les peuples autochtones font partie des communautés marginalisées qui doivent être protégées par des mesures d’action positive propres à garantir l’exercice par ces peuples des droits et des libertés fondamentales qui leur sont consacrés dans les mêmes conditions que le reste de la population. Leurs droits fonciers sont reconnus et protégés par la loi de 2016 relative aux terres communautaires, la loi de 2016 relative à la conservation et la gestion des forêts, le projet de politique forestière nationale pour 2020 et le projet de loi de 2019 portant modification de la loi relative à la représentation des groupes d’intérêt. Le Gouvernement a également élaboré des cadres de planification relatifs aux peuples autochtones. Toute démarche entreprise en relation avec les terres communautaires ne peut se faire qu’avec le consentement et la participation des communautés concernées.

115.Le Kenya ne s’est pas doté d’une législation visant expressément à garantir les droits des femmes autochtones. Toutefois, il existe suffisamment de lois, de politiques et de cadres institutionnels permettant de protéger efficacement les droits de tous les peuples autochtones et de toutes les femmes en général.