Pacte international relatif aux droits civilset politiquesDistr.GÉNÉRALE

CCPR/C/KEN/CO/2/Add.117 juillet 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

KENYA*

Additif

Commentaires du Gouvernement kényan sur les observations finales du Comité des droits de l’homme

[17 juillet 2006]

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité des droits de l’homme, le Gouvernement de la République du Kenya a l’honneur de présenter ci‑après ses réponses aux observations finales du Comité sur le deuxième rapport périodique du Kenya (CCPR/C/KEN/2004/2).

INTRODUCTION

Le Gouvernement kényan a examiné attentivement les observations finales du Comité des droits de l’homme sur le deuxième rapport périodique présenté par le Kenya en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et a tenu un certain nombre de consultations internes à ce sujet. Ces consultations ont abouti à l’organisation d’un séminaire les 29 et 30 mai 2006, avec le concours du Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles, en vue d’établir un plan d’action pour donner suite aux recommandations du Comité.

Le Kenya répondra de manière exhaustive aux observations finales du Comité lorsqu’il présentera son troisième rapport périodique. Dans le présent document, il commente les recommandations formulées par le Comité dans les paragraphes 10, 16, 18 et 20 de ses observations finales.

PARAGRAPHE 10 DES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

A. Le Kenya devrait prendre d’urgence des mesures pour remédier à l’absence dans la Constitution de dispositions garantissant aux femmes une protection contre la discrimination et les inégalités.

1.À l’issue de consultations entre le Gouvernement et la société civile, diverses mesures ont été prises pour garantir et promouvoir l’égalité des droits et de traitement entre femmes et hommes et interdire la discrimination fondée sur le sexe, notamment:

Le projet de loi sur l’égalité de traitement pour tous les citoyens, sans considération de sexe;

Des dispositions du Code pénal prévoyant des sanctions pénales pour diverses violations touchant les femmes;

Des politiques et des programmes d’action positive, en particulier dans le secteur de l’éducation;

La création d’une Division des affaires familiales à la Haute Cour pour protéger les droits des femmes;

Le Gouvernement travaille également avec la société civile à l’élaboration d’un projet de loi sur les biens matrimoniaux et d’un projet de loi portant modification de la loi sur la succession;

Après de nombreuses consultations, le projet de loi sur les infractions sexuelles a été adopté par le Parlement le 30 mai 2006.

2.La loi relative à la Commission nationale de la promotion de la femme (2003) a porté création de la Commission nationale de la promotion de la femme et du développement qui protège les droits des femmes et préconise des réformes juridiques en rapport avec:

Des questions et des lois touchant les femmes;

Les pratiques et les politiques qui tendent à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, par exemple les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et forcés, la bigamie et la violence sexiste. Les autorités provinciales ont été invitées à faire en sorte que ces pratiques soient abandonnées; et

Toutes les coutumes qui portent atteinte à la dignité des femmes.

B. Le Kenya devrait intensifier ses efforts pour assurer aux femmes une protection par l’intermédiaire de la Commission nationale de la promotion de la femme et du développement ou d’une autre manière.

3.La Commission de la promotion de la femme a redoublé d’efforts pour faire adopter les projets de lois suivants: le projet de loi sur la protection de la famille, le projet de loi sur l’égalité, le projet de loi sur la lutte contre le VIH/sida, le projet de loi sur les infractions sexuelles qui est maintenant devant le Parlement, le projet de loi sur l’égalité (2001), le projet de loi sur la violence domestique (projet de loi sur la protection de la famille) et le projet de loi sur l’action positive.

4.Le Gouvernement, pour sa part, a apporté son appui aux travaux de la Commission de la promotion de la femme et du Ministère de la parité, des sports, de la culture et des services sociaux, en mettant à leur disposition des fonds, des locaux et du personnel et en organisant régulièrement des réunions consultatives sur des questions relatives à la promotion des femmes, telles que la mise au point de stratégies concernant les projets de loi sur la parité qui sont en instance. Selon certaines critiques, la Commission ne disposerait pas de ressources suffisantes mais des ouvertures de crédits budgétaires supplémentaires sont envisagées.

5.Par ailleurs, le Gouvernement continue de collaborer avec des organisations non gouvernementales s’occupant de questions de parité et de discrimination à l’égard des femmes dans le but de former les policiers aux questions relatives à la parité entre les sexes, à la prise en charge des victimes de viol et de violence sexuelle, à l’intégrité et à la morale professionnelle.

6.Le projet de loi sur les infractions sexuelles dont le Parlement est actuellement saisi a reçu l’appui du Gouvernement inquiet devant la multiplication des actes de violence, viols notamment, dont les femmes sont victimes. Les cas signalés sont passés de 1 675 en 2000 à 2 908 en 2004. Ces actes ont été condamnés par des fonctionnaires de haut rang, y compris des ministres. Le Gouvernement a versé cette année 4 millions de shillings kényans à l’hôpital des femmes de Nairobi à l’intention des victimes de violences sexistes.

7.Le Gouvernement et les organisations communautaires s’efforcent de faciliter l’accès des femmes au microfinancement, compte tenu des difficultés qu’elles ont à rassembler les fonds de garantie demandés par les institutions financières pour l’octroi de prêts et pour répondre à d’autres problèmes tels que le manque de capacités ou de compétences en matière de gestion qui leur seraient nécessaires pour pouvoir utiliser les fonds de manière efficace et faire fonctionner des microentreprises.

8.Le pays a maintenant une politique nationale en matière de parité et de développement (Document de session no5) qui porte sur une gamme étendue de questions, y compris les problèmes en matière d’éducation que rencontrent les personnes handicapées car le handicap a une dimension sexospécifique. Le Gouvernement mène actuellement une enquête sur les handicapés pour faire mieux connaître leurs besoins.

9.Pour améliorer la protection, le Gouvernement a adopté une politique d’action positive concernant l’admission des étudiants dans les universités publiques. Les femmes et les handicapés sont admis avec des notes légèrement inférieures aux autres.

C. Le projet de loi visant à assurer l’égalité des droits entre époux en ce qui concerne le mariage, le divorce, la transmission des biens et autres droits devrait être adopté sans délai.

10.Bien que le projet de constitution qui visait à garantir cette égalité ait été rejeté lors d’un référendum, il convient de noter que la charte des droits qu’il contenait n’a jamais été contestée et qu’il est donc pratiquement garanti qu’elle serait conservée sous sa forme actuelle dans un nouveau projet. Si tel était le cas, l’égalité des époux concernant les questions d’ordre personnel serait garantie.

En attendant, on insiste beaucoup sur l’utilité de mesures en ce sens et les tribunaux ont rendu d’importantes décisions reconnaissant l’égalité des époux sur des questions relatives à la famille.

11.La Commission de réforme du droit procède actuellement à la révision de toutes les lois sur les femmes en vue de supprimer les iniquités, en particulier les dispositions en vertu desquelles une veuve est tenue de renoncer à l’usufruit successoral lorsqu’elle se remarie ainsi qu’aux droits sur les terres agricoles, les cultures et le bétail de son époux, si celui-ci décède intestat.

12.D’autres initiatives ont été prises en vue d’harmoniser les lois relatives au mariage. En l’état actuel de la législation, un mariage contracté selon l’un ou l’autre des systèmes décrits dans les textes ci-après est valide:

Le chapitre 151 de la loi sur le mariage et le divorce chrétien africain;

Le chapitre 150 de la loi sur le mariage;

Le chapitre 156 de la loi sur le mariage, le divorce et les questions de succession musulmans;

Le chapitre 157 de la loi sur le mariage hindou;

Le mariage coutumier africain.

13.Ces différents mariages ont des conséquences diverses. Les mariages contractés en vertu des chapitres 150, 152 et 157 sont des mariages monogames et les époux doivent être de sexe différent. Dans le cas des mariages contractés en vertu du chapitre 156, l’homme peut avoir au maximum quatre épouses à la fois. En droit coutumier, un homme peut avoir autant d’épouses qu’il le souhaite sans que les femmes aient leur mot à dire. Selon les coutumes, les mariages entre femmes sont valides également mais sont différents des mariages entre personnes de même sexe, tels qu’ils sont pratiqués dans d’autres pays. Ils sont courants pour les femmes aisées qui ne peuvent avoir d’enfants et qui épousent une femme ayant déjà des enfants ou qu’elles encouragent à avoir des enfants qui appartiendront à la femme stérile. Ces mariages sont considérés comme un moyen d’avoir des fils, par exemple, lorsque des femmes célibataires ne pourraient en adopter. À ces différents types de mariages correspondent différents types de divorces.

D. Le Kenya devrait interdire les mariages polygames.

14.L’existence de mariages polygames a une origine philosophique qui remonte à l’histoire coloniale du Kenya. Au moment de l’indépendance, on pouvait distinguer trois groupes de population au Kenya: les Africains, les Arabes de la côte et les Européens.

Ces trois groupes distincts avaient des modes de vie différents dont il avait fallu tenir compte dans la Constitution établie au moment de l’indépendance, qui avait été un document négocié. Le mariage est un élément essentiel du mode de vie. Pour de nombreux Africains et Arabes, culture et religion sont intimement liées et tout ce qui touche l’une touche l’autre.

Tout en étant conscient des préoccupations que l’autorisation des mariages polygames suscite au sein du Comité, le Gouvernement ne voit aucune possibilité d’interdire la polygamie à l’heure actuelle sans de nombreuses négociations et un gros travail de sensibilisation, travail qu’il est en train de mettre en place actuellement. Un programme d’éducation visant à sensibiliser la population aux conséquences négatives des mariages polygames est envisagé. Tout autre moyen serait considéré non seulement comme une atteinte à la liberté d’association mais aussi comme une violation du droit à la culture.

PARAGRAPHE 16 DES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

E. L’État partie devrait enquêter sans délai sur les rapports dénonçant des exécutions extrajudiciaires par la police ou autres agents des forces de l’ordre et veiller à ce que les responsables soient poursuivis.

15.La loi sur l’usage de la force par les agents des forces de l’ordre est très explicite. Sauf si une personne est abattue par un policier lors d’un échange de coups de feu entre la police et des criminels, auquel cas l’agent des forces de l’ordre est présumé avoir agi en état de légitime défense, une enquête est engagée immédiatement pour déterminer les circonstances du décès. La pratique juridique courante est en tout cas, quelles que soient les circonstances dans lesquelles un homicide a été commis par un agent des forces de l’ordre, de procéder à une enquête et à une autopsie.

16.Le Gouvernement a pris note de la recommandation du Comité tendant à ce que les agents des forces de l’ordre ayant procédé à des exécutions extrajudiciaires soient poursuivis. De grands progrès ont été faits quant à la rapidité avec laquelle les services concernés prennent des mesures disciplinaires à l’encontre des agents des forces de l’ordre soupçonnés d’avoir procédé à des exécutions extrajudiciaires, avant même que des enquêtes pénales ne soient engagées.

17.Un certain nombre d’agents des forces de l’ordre soupçonnés d’avoir procédé à des exécutions extrajudiciaires ont été l’objet d’enquêtes, de sanctions et/ou de poursuites et condamnés. Il est arrivé souvent que, les tribunaux s’étant trouvés dans l’impossibilité de condamner des personnes en raison de capacités de poursuite insuffisantes, les autorités de police aient licencié des agents, en application de leur règlement intérieur, convaincues que leur conduite était répréhensible. La célèbre affaire King’ong’o en est un exemple. D’autre part, une enquête est en cours sur les circonstances du décès de cinq détenus de la prison Meru G. K.

Il est toujours difficile, compte tenu des lois actuellement en vigueur, de quantifier les affaires relevant de cette catégorie car les personnes faisant l’objet d’enquête peuvent invoquer les dispositions de la loi sur le secret de fonctions, qui est actuellement à l’examen et qui va être révisée. La création d’un mécanisme d’examen des plaintes par une police civile indépendante est envisagée. Des négociations sont en cours actuellement et le Comité sera informé de tout progrès en temps utile.

Par ailleurs, le Comité consultatif national sur les obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme procède à la mise au point d’un instrument standard qu’il sera recommandé aux forces de l’ordre d’utiliser pour rassembler des données. Le Comité espère que les informations recueillies au moyen de cet outil seront plus précises que celles qui étaient obtenues auparavant.

Impunité

18.Pour décourager le recours excessif à la force, le Gouvernement applique une politique sans équivoque, en vertu de laquelle les auteurs d’actes prétendument commis au nom de l’État, actes de négligence ou autres, ne peuvent plus être automatiquement défendus par les conseils de l’État. Les agents sont individuellement tenus pour responsables de leurs actes. Nul ne peut faire valoir qu’une action est le résultat d’ordres donnés par des supérieurs.

19.Le Gouvernement prend note du fait que le Comité est d’avis que l’impunité de facto continue de régner. Cependant, la situation à cet égard s’est considérablement améliorée. Les activités d’information sur les droits des citoyens, organisées dans l’ensemble du pays, n’ont jamais été aussi nombreuses. Ceci est la conséquence des efforts combinés du Gouvernement, de particuliers, d’ONG, d’organisations religieuses, de parlementaires et de la société civile en général. Aujourd’hui, les cas d’impunité au Kenya sont rares. Les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires mobilisent généralement toute l’attention des parties prenantes et sont rarement laissées de côté sans que les mesures appropriées soient prises. Ce type d’information déclenche sans délai des enquêtes approfondies.

20.Le Gouvernement reconnaît qu’en dépit de ces efforts beaucoup reste à faire, après des décennies de culture de l’impunité sous le régime de parti unique de facto, pour générer au sein des forces de l’ordre un changement radical de comportement. Les réformes actuelles, engagées en vertu de la gouvernance, de la justice et du programme de réforme du secteur du maintien du secteur de l’ordre, visent à répondre aux défis du renforcement des capacités en matière d’enquête et de poursuite pour que les suspects soient effectivement traduits en justice.

F. L’État partie devrait envisager sérieusement la création d’un organe civil indépendant qui serait chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre la police.

21.Le Gouvernement est conscient des problèmes que posent les actuels mécanismes d’enquête sur les plaintes et de la facilité avec laquelle ils pourraient être utilisés de manière partiale lorsque c’est la police elle‑même qui enquête. Ceci vient s’ajouter à la crainte fondée que, lorsqu’un agent de police fait l’objet d’une plainte, l’accès au formulaire d’examen médical (P3) risque d’être entravé.

22.Le Gouvernement est actuellement en train de revoir entièrement toute la conception nationale du maintien de l’ordre pour que les valeurs relatives aux droits de l’homme deviennent réalité et soient intégrées dans la vie publique de la nation. C’est dans cet esprit que le Président a chargé en 2004 une Équipe spéciale, composée de personnalités éminentes des secteurs public et privé, y compris de représentants de la KNCHR (Kenya National Commission on Human Rights), de diriger la réforme de la police nationale.

23.L’Équipe spéciale envisage, entre autres, la création d’un mécanisme mixte chargé de l’examen des plaintes, ou d’un organe civil de surveillance, et le transfert de certains services, y compris la délivrance des formulaires P3, de la police à d’autres départements. Cette initiative peut paraître minime mais il est maintenant possible de télécharger le formulaire P3 en se rendant sur le site Web de la police. L’Équipe spéciale a présenté le rapport préliminaire lors d’un débat national des parties prenantes à la fin de l’année 2005. Le rapport final sera présenté à un forum des parties prenantes.

24.Quel que soit le mécanisme proposé, le Gouvernement souhaite que soit mis en place un système qui améliorera la crédibilité des enquêtes sur les plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre et dans lequel les citoyens auront confiance. Il n’est pas possible à ce stade de prévoir quelles seront les recommandations de l’Équipe spéciale à cet égard.

PARAGRAPHE 18 DES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

G. L’État partie devrait prendre des mesures plus efficaces pour prévenir les placements abusifs en garde à vue, les tortures et autres mauvais traitements, et il devrait renforcer la formation dispensée au personnel compétent dans le domaine considéré.

25.Le chapitre 84 de la loi sur la police stipule que les actes de torture, les tentatives de pratiquer la torture et les actes qui constituent une complicité et une participation à la torture sont interdits. La loi dispose, au paragraphe 2 de l’article 14A que: «Aucun agent de police ne fera subir à quiconque des tortures ou autres traitements cruels ou dégradants,» et au paragraphe 3 dudit article que: «Tout agent de police qui enfreint les dispositions du présent article sera reconnu coupable d’infraction grave.».

26.Lors de son arrivée au pouvoir, le gouvernement actuel a témoigné sans équivoque de son engagement contre la torture en fermant les célèbres salles de torture de la Nyayo House en 2003. Cet engagement a été confirmé par la loi portant modification du droit pénal en 2003, ce dont le Comité a pris bonne note. Les informations obtenues sous la torture n’ont donc pas valeur de preuve devant la police ou devant un tribunal kenyan.

27.Toute allégation de torture donnera lieu immédiatement à des mesures disciplinaires, souvent sous la forme d’une interdiction, avant qu’une enquête pénale ou autre ne soit engagée. Dans un certain nombre de cas, des mesures disciplinaires sont prises par les organes de répression avant que les tribunaux n’aient fait part de leur décision dans des affaires contre des agents de police accusés de torture (voir par. 19 ci‑dessus).

28.Le Kenya se félicite d’avoir des institutions des droits de l’homme dynamiques aux niveaux national et local, et que des organisations non gouvernementales, des entités religieuses et la société civile en général surveillent activement la situation et appellent l’attention sur tout soupçon ou allégation de torture. Au rôle de ces entités non gouvernementales s’ajoute l’action d’une industrie des médias dynamique qui jouit d’une liberté sans égale pour ce qui est de mener des enquêtes et de publier des informations sur les allégations de torture. Le Gouvernement pour sa part est en train d’établir des statistiques sur les plaintes de torture et de mauvais traitements reçues au cours des cinq dernières années. Cet exercice prend davantage de temps que prévu en raison du manque de données informatisées, aussi n’est‑il pas possible de fournir des chiffres précis à l’heure actuelle mais le Gouvernement s’efforcera de le faire d’ici mars 2008.

H. L’État partie devrait s’assurer que les allégations de torture et autres mauvais traitements, ainsi que les décès en détention, fassent sans délai l’objet d’enquêtes approfondies confiées à un organe indépendant afin que les auteurs de ces actes soient traduits en justice, et veiller à ce que les formules officielles de dépôt de plaintes soient disponibles auprès d’un service public indépendant de la police.

29.Le Gouvernement reconnaît toutefois qu’il serait présomptueux d’affirmer que la torture a complètement disparu au Kenya. La possibilité de cas isolés est réelle et ne peut être écartée même si la torture est inacceptable du point de vue de la loi et du point de vue politique. Les personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture sont donc individuellement responsables de leur crime qui ne peut être imputé à l’État ni être justifié par des ordres émanant de supérieurs. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement tient à institutionnaliser les mécanismes en ce qui concerne le dépôt et l’examen de plaintes dans le cadre de sa réforme des services de répression ainsi qu’il a été souligné dans les paragraphes précédents.

30.En dehors de la filière judiciaire, le Gouvernement renforce les mécanismes existants en matière de plaintes dans tous les commissariats de police (bureaux d’accueil du public), dans les bureaux administratifs de province (les chefs de village, leurs adjoints et les anciens, les agents de district, les commissaires de district, les commissaires de province et les représentants du Bureau principal du Président), ainsi qu’au Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles, entre autres, qui peuvent engager une enquête en cas d’allégation de torture. Les numéros d’appel d’urgence de la police et des permanences téléphoniques sont régulièrement publiés dans les journaux pour permettre à la population de présenter des plaintes facilement, y compris en cas de torture.

Formation relative aux droits de l’homme

31.Sans attendre les recommandations de l’Équipe spéciale sur la réforme de la police, le Gouvernement a déjà intégré le droit humanitaire et le droit relatif aux droits de l’homme dans le programme de formation de la police. Dans le cadre de ses efforts visant à améliorer les compétences dans le domaine des relations humaines et des relations avec le public, il a porté la période de formation de six à neuf mois. Ceci est énoncé clairement dans l’actuel plan stratégique de la police. Le Code de conduite de l’ONU pour les responsables de l’application des lois est utilisé comme guide.

32.Parmi les initiatives supplémentaires qui ont déjà été prises pour donner un visage humain aux pratiques des services de répression, on peut citer l’institution de la police de proximité. Cette initiative met l’accent sur la consultation plutôt que sur le recours à la force, ainsi que sur le respect de la démocratie, des droits de l’homme et de la légalité. Elle marque le début d’un mouvement orienté vers un changement d’attitude visant à substituer à des rapports de confrontation des rapports de confiance mutuelle entre la police et la population.

33.Le Gouvernement a souvent fait appel à des ONG et à des organisations de la société civile et de défense des droits de l’homme, y compris l’institution nationale des droits de l’homme (KNCHR), pour améliorer la formation des agents des forces de l’ordre dans le domaine des droits de l’homme. Ces organisations continuent d’organiser des cours de courte durée, des ateliers et des séminaires à l’intention des services de répression, portant sur la place essentielle des droits de l’homme dans l’exercice de leurs fonctions. Cette nouvelle orientation prenant en compte les droits de l’homme est d’autant mieux accueillie que le nombre de jeunes bien éduqués ayant terminé leurs études secondaires ou universitaires qui rejoignent les rangs de la police augmente.

I. L’État partie devrait appliquer rigoureusement la loi exigeant que la Commission nationale des droits de l’homme ait librement accès aux lieux de détention.

34.Le Kenya applique aujourd’hui l’une des politiques les plus libérales qui soit en ce qui concerne le traitement des personnes se trouvant dans des lieux de détention. L’accès aux lieux de détention est accordé facilement, non seulement à la KNCHR, mais aussi aux médias ainsi qu’à d’autres organisations juridiques et parajuridiques, dont certaines ont conclu avec le Gouvernement des arrangements de collaboration pour fournir des services parajuridiques aux détenus. Toutefois, il semble qu’il y ait parfois une rupture malheureuse de communication entre la Commission et la police en ce qui concerne l’accès aux lieux de détention de la police.

35.La loi relative à la Commission nationale des droits de l’homme est très explicite en ce qui concerne les pouvoirs de la Commission et les sanctions applicables en cas de condamnation pour entrave à son action (par. 6 d) de l’article 19). Le Gouvernement estime que les dispositions du paragraphe 1 b) de l’article 16 de la loi qui garantit l’accès à ces locaux ainsi que les articles 18 et le paragraphe 1 de l’article 19 sont des dispositions suffisantes et appropriées pour lui permettre de s’acquitter de ses fonctions au regard de la loi.

36.À aucun moment, le Gouvernement ou l’un de ses agents n’a contesté à la Commission, qui en faisait la demande par la voie juridique et en application de la procédure en vigueur, le droit d’accéder à des lieux de détention. En vertu du paragraphe 1 de l’article 19 de la loi, la Commission a les pouvoirs d’un tribunal dans l’exercice de ses fonctions.

37.À la suite d’allégations d’accès refusé, le Gouvernement a prononcé une déclaration ministérielle ferme et sans équivoque devant le Parlement le 16 août 2005 réaffirmant qu’il s’engageait à faciliter la mission du KNCHR et de ses agents en application du mandat qui leur avait été reconnu en droit. Il a de nouveau souligné que la Commission avait le droit d’accéder librement aux lieux de détention conformément aux dispositions juridiques en vigueur; il a aussi déclaré avec force que les fonctionnaires qui empêcheraient la Commission d’exercer son mandat conformément à la loi le feraient de leur propre initiative et s’exposeraient aux sanctions prévues au paragraphe 6 d) de l’article 19 de la loi. Tout refus d’accès à des lieux de détention ne reflète donc ni la politique ni la position du Gouvernement.

38.Après la déclaration ministérielle, pour apporter encore la preuve de sa détermination, le Ministre a donné pour instruction qu’une circulaire soit publiée et adressée à tous les services responsables du maintien de l’ordre afin de les informer du contenu du mandat de la KNCHR. Il a en outre rappelé que leurs membres seraient individuellement tenus pour responsables de leurs actes s’ils refusaient l’accès des lieux de détention à la Commission, en violation de la loi. Par la suite, la Commission a intenté une action en justice après que lui avait été refusé l’accès à un commissariat de police et la Haute Cour a réaffirmé son droit à un accès illimité à tous les lieux de détention.

PARAGRAPHE 20 DES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

J. L’État partie devrait s’efforcer en priorité de lutter contre la corruption dans le système judiciaire et veiller à ce que les ressources complémentaires indispensables à l’administration de la justice soient fournies.

39.Depuis l’adoption des observations finales du Comité, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures dans le cadre du programme de réforme de la gouvernance, de la justice et du secteur juridique. Le projet de loi sur les services judiciaires de 2005 vise à donner au pouvoir judiciaire davantage de moyens de contrôle et de pouvoir sur ses propres ressources et à le protéger de toute ingérence. La réforme judiciaire fait partie intégrante de la réforme plus large de la Constitution, du droit, des politiques et de la gouvernance en cours dans le pays.

40.Après le Comité pour l’intégrité et la lutte contre la corruption (Comité Ringera), qui a recommandé la révocation de 82 magistrats, de 43 fonctionnaires parajuridiques et d’un cadi ainsi que la suspension de 17 juges de la Haute Cour et de 7 juges de la cour d’appel, le Chief Justice a créé le Sous‑Comité d’éthique et de gouvernance en mars 2005. Il est chargé:

De rassembler des informations sur l’intégrité de l’ensemble du personnel judiciaire et des actions judiciaires;

D’enquêter sur tous les cas signalés de corruption, improbité et autre défaut d’intégrité;

D’examiner et d’analyser les rapports des comités antérieurs sur les réformes du pouvoir judiciaire et de recommander un programme de réforme exhaustif et codifié pour renforcer l’intégrité, de faire rapport sur ses conclusions et de recommander au Chief Justice des mesures correctives et les réformes nécessaires pour améliorer la gouvernance du pouvoir judiciaire et renforcer son intégrité.

41.Le Sous‑Comité a été créé après que des critiques avaient été formulées quant à la manière dont les recommandations du Comité Ringera avaient été appliquées. L’accent aurait été mis dans une trop large mesure sur les individus au lieu de viser la refonte du système judiciaire dans son ensemble et le public aurait perdu le peu de respect qu’il avait encore pour le pouvoir judiciaire. La mission du Sous‑Comité était d’aider le pouvoir judiciaire à repérer ses faiblesses et à y remédier de manière systématique sans susciter trop d’émotion au sein du public.

42.Le Sous‑Comité a achevé ses travaux en novembre 2005 et présenté un programme de réforme complet visant à renforcer l’intégrité du pouvoir judiciaire et résoudre les problèmes suivants:

Absence de calendrier concernant l’achèvement des différentes étapes des affaires civiles. Les parties fixent elles‑mêmes les dates d’audience, ce qui est la porte ouverte à de nombreuses manipulations;

Enregistrement manuel des délibérations donnant la possibilité aux officiers de justice de falsifier les comptes rendus;

Manque de transparence dans le déroulement de la justice. Par exemple, le barème des coûts n’est pas affiché, les décisions de justice ne sont parfois pas lues en séance publique, des irrégularités sont constatées quant à la publication et à la prescription des conditions de mise en liberté sous caution ou du versement des cautions.

K. Efforts visant à accroître les ressources indispensables à l’administration de la justice.

43.Le système juridique officiel du Kenya est un système contradictoire essentiellement, qui a ses origines dans la common law, et a pour fondement le système qui était en vigueur en Angleterre et au pays de Galles à la date officielle de sa mise en place, le 12 août 1897. Ce système distingue trois types de justice:

La justice pénale;

La justice civile; et

La justice administrative.

Sur les trois, le système de justice pénale est de loin le plus important en termes de nombre d’affaires et le plus complexe en raison du nombre d’institutions et d’acteurs impliqués.

44.Le Gouvernement a reconnu que le manque de ressources, entre autres, constituait toujours un problème important pour l’administration de la justice.

Un certain nombre d’initiatives ont été prises pour augmenter les ressources nécessaires à l’administration de la justice, parmi lesquelles:

Institutionnalisation du programme de réforme de la gouvernance, de la justice et du secteur du maintien de l’ordre. Il s’agit d’une stratégie d’ensemble qui s’applique à toutes les actions de réforme concernant la gouvernance, la justice et le secteur du maintien de l’ordre, que ces actions soient le fait du Gouvernement, de la société civile, du secteur privé ou des partenaires du développement. Cette stratégie sert d’outil pour obtenir des fonds dans le cadre de la structure de financement du programme défini et invite les partenaires à fournir du temps, des compétences et des ressources au programme de réforme sectorielle;

Mise en place d’une approche sectorielle à des fins de planification et de budgétisation par l’intermédiaire du programme de réforme du secteur public et des groupes de travail sectoriels du cadre des dépenses à moyen terme. Cette approche permet de disposer d’un mécanisme d’affectation des ressources d’un secteur à l’autre et au sein des différents secteurs;

Mesures sans incidences budgétaires ou à faible coût, par exemple création d’une police de proximité, modes alternatifs de règlement des conflits et programmes d’aide juridictionnelle mis sur pied par des ONG;

Décongestion des prisons et des maisons d’arrêt et développement des peines de travail d’intérêt général pour libérer des ressources;

Amélioration des infrastructures des établissements pénitentiaires;

Autorisation donnée à des tribunaux d’utiliser les sommes recueillies à titre de frais de justice, d’amendes, de dépôts et de montants confisqués. Cette initiative vise à garantir l’autonomie financière du pouvoir judiciaire;

Recrutement de juges et de magistrats supplémentaires en cours;

Formation accélérée de juges et de magistrats et participation de juges de la cour d’appel et de la Haute Cour au Nairobi Judicial Colloquium on Domestic Application of International Human Rights Norms (Colloque sur l’application au niveau national des normes internationales relatives aux droits de l’homme), qui s’est déroulé sous les auspices du HCDH du 27 février au 1er mars 2006. Le document final sera distribué aux membres du pouvoir judiciaire;

Automatisation des enregistrements des délibérations de justice et informatisation des registres, ce qui contribuera à réduire les problèmes de corruption au sein du système judiciaire;

Le Chief Justice a demandé une accélération des procédures. Les délais inacceptables dans l’attente qu’une affaire soit jugée ou qu’un jugement soit rendu ont été considérablement réduits. Des efforts sont faits pour qu’ils le soient encore davantage.

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