Nations Unies

CCPR/C/KEN/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 mai 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Kenya *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique du Kenya (CCPR/C/KEN/4) à ses 3763e, 3764e et 3765e séances (CCPR/C/SR.3763, 3764 et 3765), les 9, 10 et 11 mars 2021. Les réunions se sont tenues sous forme virtuelle en raison de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). À sa 3778e séance, le 26 mars 2021, le Comité a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Kenya et les renseignements qu’il contient. Il se félicite de l’occasion qui lui a été donnée de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie, qu’il remercie d’avoir assidûment collaboré avec les organes conventionnels durant la pandémie de COVID-19 et de lui avoir fourni des informations sur les mesures prises pendant la période considérée afin de mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites (CCPR/C/KEN/RQ/4) à la liste de points à traiter (CCPR/C/KEN/Q/4), que la délégation a complétées oralement, ainsi que des renseignements supplémentaires qu’il lui a communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives, institutionnelles et gouvernementales ci-après :

a)L’adoption d’une législation anticorruption, notamment des règlements de 2013 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et de la loi no 47 de 2016 contre la corruption ;

b)L’adoption du projet de loi de 2019 portant modification de la loi relative à l’enregistrement des personnes, qui permet aux personnes intersexes d’être juridiquement reconnues ;

c)Les progrès accomplis en ce qui concerne le nombre de femmes nommées dans la fonction publique, le système judiciaire et les commissions constitutionnelles ;

d)L’adoption de la loi no 2 de 2015 relative à la protection contre la violence familiale ;

e)La nomination de procureurs spéciaux et la création de plateformes d’aide aux victimes pour lutter contre la violence faite aux femmes ;

f)L’élaboration du Plan national de lutte contre les changements climatiques 2018-2022 qui vise à orienter les mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre les changements climatiques, notamment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ;

g)L’adoption de la loi no 56 de 2012 relative aux mesures de prévention, de protection et d’assistance destinées aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et aux communautés touchées ;

h)L’adoption de la loi no 28 de 2016 portant modification de la législation foncière.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application et diffusion du Pacte sur le plan interne

4.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour mettre son droit interne en conformité avec le Pacte et d’autres normes internationales. Toutefois, il note avec préoccupation qu’aucun renseignement n’a été fourni au sujet des mesures prises pour garantir la participation effective des acteurs concernés à ce processus. Le Comité relève qu’une fois ratifiés, le Pacte et les autres instruments juridiques internationaux sont directement applicables en droit interne, mais il s’inquiète de ce que la Constitution et l’interprétation qui en est faite ne sont pas pleinement conformes au Pacte. Il note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore ratifié le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Le Comité salue les travaux accomplis par la Commission nationale des droits de l’homme, mais prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles des postes de commissaire sont vacants depuis un an, alors que l’article 9 de la loi no 9 de 2002 portant création de la Commission nationale des droits de l’homme prévoit que le Président doit réunir un jury de sélection dans un délai de quatorze jours avant que ces postes deviennent vacants (art. 2).

5. L’État partie devrait :

a) Continuer d’examiner et de modifier, si nécessaire, les dispositions juridiques internes, y compris dans la Constitution, afin d’en garantir la conformité avec les droits garantis par le Pacte et faire en sorte que les lois nationales soient interprétées et appliquées conformément aux dispositions du Pacte ;

b) Veiller à ce qu’une grande variété d’acteurs participent pleinement et de manière constructive au processus de mise en conformité ;

c) Redoubler d’efforts pour sensibiliser le grand public, les représentants de la société civile, les agents de l’État, les membres de la police, les avocats, les juges et les procureurs, aux dispositions du Pacte ;

d) Accélérer le processus de ratification du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui établit un mécanisme d’examen des plaintes émanant de particuliers ;

e) Accélérer le processus de nomination de nouveaux commissaires au sein de la Commission nationale des droits de l’homme.

Corruption

6.Le Comité prend note de l’élaboration de projets de lois, tels que le projet de loi de 2021 portant modification de la législation anticorruption et le projet de loi de 2021 sur la protection des lanceurs d’alertes. Toutefois, il est préoccupé par l’absence d’information concernant la date à laquelle ces projets devraient être adoptés et le faible nombre de condamnations prononcées pour des faits de corruption. Le Comité note en outre avec inquiétude qu’aucun renseignement n’a été donné quant aux mesures prises pour limiter l’accès des agents de l’État impliqués dans des affaires de corruption à la fonction publique, conformément à l’arrêt rendu par la Haute Cour en l’affaire Moses Kasaine Lenolkulal v. Director of Public Prosecutions (art. 2 et 25).

7.L’État partie devrait poursuivre et renforcer les efforts qu’il déploie pour combattre la corruption et promouvoir la bonne gouvernance, la transparence et la responsabilité, notamment par la coopération internationale et l’application effective de la législation et des mesures de prévention. Il devrait également accélérer l’adoption des projets de lois relatifs à la lutte contre la corruption et à la protection des lanceurs d’alertes et redoubler d’efforts pour garantir l’application effective de toutes les normes juridiques applicables. L’État partie devrait aussi redoubler d’efforts pour enquêter sur les faits de corruption, poursuivre et condamner les auteurs, veiller à ce que les peines prononcées soient à la mesure de la gravité de l’infraction et, lorsqu’il y a lieu, garantir le recouvrement des avoirs. L’État partie devrait également prendre des mesures concrètes pour imposer des limites raisonnables à l’accès des agents de l’État impliqués dans des affaires de corruption à la fonction publique, conformément aux normes internationales.

Lutte contre l’impunité et les violations des droits de l’homme commises par le passé

8.Le Comité est préoccupé par les progrès limités accomplis dans l’instauration de mesures de réparation intégrale en faveur des victimes des violations flagrantes des droits de l’homme commises entre 1963 et 2008. Il note également avec préoccupation que le règlement du Fonds de réparation des injustices historiques (gestion des finances publiques, 2017), qui vise à rendre le fonds de justice réparatrice opérationnel, en est encore à la phase de consultation, de sorte que les victimes ne peuvent pas encore obtenir réparation. En outre, il s’inquiète du manque d’informations sur la manière dont le Gouvernement prévoit de donner suite à l’ensemble des recommandations de la Commission vérité, justice et réconciliation. Le Comité prend également note avec préoccupation des progrès limités réalisés pour ce qui est de garantir l’accès des victimes des faits de violence commis dans le contexte des élections de 2017 à la justice et à des mesures de réparation, notamment à des garanties de non-répétition, en particulier compte tenu des élections prévues pour 2022 ; il note avec inquiétude que le règlement régissant le fonctionnement du Fonds de protection des victimes n’a pas encore été voté par le Parlement, condition indispensable pour que les victimes puissent obtenir réparation. Le Comité s’inquiète en outre de ne pas disposer d’informations concernant le nombre de cas dans lesquels des poursuites ont été intentées et des peines prononcées contre les auteurs des violences postélectorales ni concernant les efforts faits en vue d’entreprendre une réforme systémique des forces de l’ordre (art. 2, 6, 7 et 14).

9. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour donner pleinement et efficacement suite à toutes les recommandations de la Commission vérité, justice et réconciliation, et notamment faire en sorte que le fonds de justice réparatrice soit pleinement opérationnel dans les meilleurs délais, et pour faire adopter le rapport de la Commission par le Parlement ;

b) Redoubler d’efforts pour garantir que les victimes des violences postélectorales commises en 2017 aient accès à des recours, et notamment accélérer la mise en service du Fonds de protection des victimes ;

c) Prendre des mesures concrètes, en prévision des élections de 2022, pour remédier à l’impunité des faits de violence commis en 2017, notamment en poursuivant et en condamnant tous les auteurs de ces faits, en particulier les policiers et les membres des services de sécurité, et en engageant une réforme systémique de tous les organismes concernés chargés de l’application des lois.

Non-discrimination

10.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie ne s’est pas doté d’une législation complète relative à la lutte contre la discrimination, ainsi que l’exigent l’article 27 de la Constitution et les dispositions du Pacte, et craint que cela n’empêche les victimes de discrimination d’accéder à des recours. Il s’inquiète aussi de ce que l’État partie ne lui a pas communiqué d’informations sur les mesures qu’il a prises pour lutter contre la stigmatisation et les comportements discriminatoires à l’égard de nombreux groupes de population et pour promouvoir auprès du grand public l’ouverture à la diversité et le respect de celle-ci (art. 2 et 26).

11. L’État partie devrait :

a) Adopter un cadre juridique complet interdisant la discrimination, qu’elle soit directe, indirecte ou multiple, dans tous les domaines, dans les sphères tant publique que privée, et pour tous les motifs interdits par le Pacte, notamment le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la religion, le handicap, l’albinisme, la situation socioéconomique, le fait d’être touché par le VIH/sida, l’appartenance ethnique, l’obédience politique ou toute autre situation ;

b) Garantir des recours utiles aux victimes de discrimination par les voies judiciaires et administratives ;

c) Prendre des mesures concrètes, notamment organiser de vastes campagnes de sensibilisation et autres activités d’information, pour lutter contre la stigmatisation et les comportements discriminatoires et promouvoir auprès du grand public l’ouverture à la diversité et le respect de celle-ci.

Orientation sexuelle, identité de genre et intersexualité

12.Le Comité est préoccupé par :

a)Les articles 162 et 165 du Code pénal, qui répriment les relations sexuelles entre personnes du même sexe, et l’arrêt rendu en 2019 par la Haute Cour dans lequel celle‑ci a déclaré que ces dispositions étaient conformes à la Constitution ;

b)L’explication donnée par l’État partie au sujet de cette interdiction, à savoir que les relations sexuelles entre personnes du même sexe ne sont pas tolérées dans la culture et selon les valeurs kenyanes, et l’absence d’informations sur les mesures prises pour lutter contre les comportements discriminatoires et la stigmatisation au sein de la population ;

c)Les informations selon lesquelles les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes sont victimes de harcèlement, de discrimination et de violence, notamment de la part de membres des forces de l’ordre et de groupes d’autodéfense, et ont difficilement accès à la justice et à des mesures de réparation ;

d)Les cas dans lesquels des élèves sont expulsés de leur établissement scolaire en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre réelle ou supposée ;

e)Les cas dans lesquels des interventions chirurgicales irréversibles, ne présentant aucun caractère d’urgence, sont pratiquées sur des enfants intersexes, et les cas d’enfants intersexes victimes d’infanticide ou d’abandon (art. 2, 6, 7, 17 et 26).

13. L’État partie devrait :

a) Faire le nécessaire pour modifier toutes les lois voulues, notamment les articles 162 et 165 du Code pénal, afin de dépénaliser les relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe ;

b) Prendre les mesures voulues pour s’attaquer aux comportements discriminatoires envers les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, ainsi qu’à la stigmatisation de ces personnes au sein de la population, notamment grâce à un éventail complet d’activités d’information et de sensibilisation ;

c) Redoubler d’efforts pour mettre fin à toutes les formes de discrimination, de harcèlement et de violence fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre et assurer l’accès des victimes à la justice et à des mesures de réparation ;

d) Prendre immédiatement des mesures pour lutter contre la pratique consistant à expulser des élèves en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre réelle ou supposée ;

e) Renforcer les mesures visant à mettre fin aux actes médicaux irréversibles, en particulier aux opérations chirurgicales, pratiqués sur des enfants intersexes qui ne sont pas encore en mesure de donner leur consentement sans réserve, librement et en toute connaissance de cause, sauf lorsque de telles interventions sont absolument nécessaires du point de vue médical. Il devrait aussi garantir l’accès des victimes de telles interventions à des recours utiles.

Égalité des sexes

14.Le Comité note une nouvelle fois avec préoccupation que les dispositions de la Constitution qui exigent que deux tiers, au maximum, des postes de la fonction publique attribués par voie d’élection ou de nomination soient occupés par des personnes du même sexe n’ont pas été appliquées. Il s’inquiète de ce que les femmes occupent, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, moins d’un tiers des sièges et relève avec préoccupation que les nombreuses initiatives prises pour appliquer les dispositions de la Constitution n’ont pas abouti. Le Comité s’inquiète également des informations concernant des cas de violence et de harcèlement visant des femmes qui briguaient un mandat électoral et de l’effet dissuasif que de telles pratiques peuvent avoir. Il prend également note avec préoccupation des informations selon lesquelles la pandémie de COVID-19 a eu, de façon générale, des répercussions néfastes sur la participation des femmes au marché du travail et regrette qu’aucune information ne lui ait été communiquée sur ce point (art. 3 et 26).

15.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour appliquer les dispositions de la Constitution qui exigent que deux tiers, au maximum, des postes de la fonction publique attribués par voie d’élection ou de nomination soient occupés par des personnes du même sexe. Il devrait renforcer les mesures prises pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement visant les femmes qui briguent des mandats électoraux, et notamment la répression judiciaire de ces infractions. L’État partie devrait également veiller à ce que les besoins particuliers des femmes soient pris en considération dans le cadre des efforts faits pour atténuer les effets de la pandémie de COVID-19 sur l’économie et des mesures de relèvement.

Mesures de lutte contre le terrorisme

16.Le Comité est conscient de la menace terroriste qui pèse sur l’État partie, mais il reste préoccupé par le fait que le cadre juridique régissant les efforts de lutte antiterroriste ne dispose pas expressément que les droits de l’homme doivent être respectés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il note avec préoccupation que la définition du terrorisme qui figure dans la loi no 30 de 2012 sur la prévention du terrorisme est vague, trop générale et a été utilisée pour opprimer les personnes qui se montraient critiques à l’égard du Gouvernement. Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour modifier les articles de la loi no 19 de 2014 portant modification des lois relatives à la sécurité que la Haute Cour avait jugés inconstitutionnels, mais il s’inquiète de ce que l’État partie ne précise pas à quel moment ces modifications devraient prendre effet. Il est en outre préoccupé d’apprendre que des agents de l’État se rendent coupables d’arrestations arbitraires, de harcèlement, d’extorsion, de réinstallation forcée, d’exécutions extrajudiciaires, de refoulement et de disparitions forcées dans le contexte d’opérations de lutte contre le terrorisme (art. 2, 4, 7, 9 et 14).

17. L’État partie devrait entreprendre une révision et une réforme de sa législation pour garantir le respect des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; il devrait notamment réviser la définition du terrorisme qui figure dans la loi n o 30 de 2012 sur la prévention du terrorisme et accélérer la modification de la loi n o 19 de 2014 portant modification des lois relatives à la sécurité en application de l’arrêt rendu par la Haute Cour. Il devrait également prendre des mesures pour garantir que la législation relative à la lutte contre le terrorisme ne soit pas utilisée pour restreindre les droits consacrés par le Pacte, notamment le droit à la vie, à la liberté, au non-refoulement et à la sécurité de la personne.

Violence à l’égard des femmes

18.Le Comité est préoccupé :

a)Par le fait que les mutilations génitales féminines continuent d’être pratiquées et par les informations selon lesquelles les cas de mutilations génitales féminines auraient augmenté au cours de la pandémie de COVID-19 ;

b)Par les informations concernant d’autres pratiques traditionnelles préjudiciables observées dans l’État partie, notamment le lévirat, la purification rituelle et le mariage d’enfants ;

c)Par les infractions sexuelles, notamment les viols collectifs, perpétrées à l’égard des femmes avant, pendant et après les élections de 2017, et par le fait que les victimes ne bénéficient pas de mesures de protection ni de réparation ;

d)Par le taux élevé de violence intrafamiliale, qui a considérablement augmenté au cours de la pandémie de COVID-19, et par les insuffisances de la législation et des mesures prises par les institutions publiques en la matière, notamment par le fait que la loi no 2 de 2015 sur la protection contre la violence intrafamiliale n’est pas pleinement appliquée et que le viol conjugal n’est pas réprimé par la loi ;

e)Par le fait qu’il n’existe pas partout dans l’État partie de lieux sûrs permettant d’accueillir les femmes victimes de violence ;

f)Par le fait qu’il ne dispose pas d’information sur les femmes appartenant à des minorités, notamment les femmes atteintes d’albinisme, ni sur les faits de violence qu’elles subissent (art. 2, 3, 6, 7, 24 et 26).

19. L’État partie devrait :

a) Continuer de multiplier les initiatives menées pour prévenir et combattre les mutilations génitales féminines, notamment en poursuivant et en punissant les responsables, en sensibilisant et en informant la population, en coopérant avec les pays voisins et en recueillant des données ;

b) Prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux autres pratiques traditionnelles préjudiciables, notamment au lévirat, à la purification rituelle et au mariage d’enfants ;

c) Faire le nécessaire pour que les femmes qui ont été victimes de violence, notamment sexuelle, avant, pendant et après les élections de 2017, aient accès à des recours utiles et que les auteurs de ces actes soient dûment condamnés ;

d) Renforcer ses cadres institutionnel et juridique pour lutter contre la violence intrafamiliale, et notamment ériger en infraction le viol conjugal, prendre des mesures ciblées pour protéger les femmes contre la violence au cours de la pandémie de COVID-19 et assurer l’application pleine et effective de la loi n° 2 de 2015 sur la protection contre la violence intrafamiliale ;

e) Veiller à ce qu’il existe des lieux sûrs pour accueillir les femmes victimes de violence partout dans l’État partie, y compris dans les zones rurales ;

f) Recueillir des données sur les femmes victimes de violence qui appartiennent à des minorités afin de pouvoir cibler efficacement les actions destinées à assurer leur protection.

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de sexualité et de procréation

20.Le Comité note avec préoccupation que, si l’article 26 de la Constitution autorise l’interruption volontaire de grossesse dans certains cas précis, les articles 158 à 160, 228 et 240 du Code pénal répriment les actes d’avortement. Il relève également avec inquiétude qu’en 2013, le Gouvernement a supprimé les Normes et directives visant à réduire la morbidité et la mortalité causées par les avortements non médicalisés et que ces normes et directives n’ont pas été rétablies après que la Haute Cour eut déclaré leur suppression inconstitutionnelle dans un arrêt rendu en 2019. Il s’inquiète également de la suppression, en 2017, des Directives nationales concernant la prise en charge des cas de violence sexuelle et de ce qu’il n’existe pas de politique ni de directives claires sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse dans les cas de violence sexuelle. En outre, le Comité note avec préoccupation que les efforts faits au sein du Parlement pour voter le projet de loi de 2019 sur la santé procréative n’ont pas abouti (art. 6 et 17).

21.Eu égard au paragraphe 8 de l’observation générale n o 36 (2018) du Comité sur le droit à la vie, l’État partie devrait prendre des mesures pour se doter de lois, de politiques et de directives claires et cohérentes régissant l’accès légal et sans risque à l’interruption de grossesse, prévu par l’article 26 de la Constitution, notamment dans les cas où la grossesse résulte d’un acte de violence sexuelle. Ces mesures devraient notamment consister à adopter sans plus tarder le projet de loi de 2019 sur la santé reproductive, abroger les articles du Code pénal qui répriment l’avortement et à rétablir rapidement les Normes et directives visant à réduire la morbidité et la mortalité causées par les avortements non médicalisés au Kenya et les Directives nationales concernant la prise en charge des cas de violence sexuelle. Il devrait également envisager d’élargir l’accès légal et sans risque à l’interruption de grossesse.

Peine de mort

22.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour appliquer l’arrêt rendu en 2017 par la Cour suprême en l’affaire Francis Karioko Muruatetu and another v. Republic of Kenya and five others, dans lequel la Cour suprême a constaté l’inconstitutionnalité de l’obligation d’appliquer la peine de mort dans les affaires de meurtre, énoncée à l’article 204 du Code pénal. Il s’inquiète toutefois de ne pas savoir à quel moment l’État partie prévoit de mener à bonne fin la réforme législative nécessaire pour donner effet à l’arrêt précité, ni quand le processus de révision des condamnations à mort prononcées contre les détenus concernés devrait être mené à terme. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore pris de mesures concrètes pour donner suite à la recommandation du groupe de travail sur l’application de la décision sur la peine de mort rendue par la Cour suprême tendant à ce qu’il abolisse la peine de mort, et pour adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort (art. 6).

23.L’État partie devrait accélérer la réforme du cadre juridique national pour appliquer l’arrêt rendu par la Cour suprême en 2017 en l’affaire Francis Karioko Muruatetu and another v. Republic of Kenya and five others. Il devrait aussi prendre des mesures concrètes en vue d’abolir la peine de mort en droit et envisager d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires et autres pratiques relevant du recours illicite à la force par des acteurs étatiques et non étatiques

24.Le Comité reste préoccupé par les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et d’autres cas de recours illicite à la force, et en particulier par :

a)Les cas de disparition forcée, d’exécution extrajudiciaire et de recours à la force meurtrière survenus avant, pendant et après les élections de 2017 et l’absence d’éléments attestant que les auteurs de ces faits, dont la plupart seraient des membres des forces de l’ordre, ont été reconnus coupables et dûment condamnés ;

b)Le cadre juridique, qui n’érige pas en infractions pénales toutes les formes de disparition forcée ;

c)Le recours excessif à la force par des membres des forces de l’ordre, notamment dans les établissements urbains informels et dans le cadre de la mise en œuvre des mesures visant à maîtriser la pandémie de COVID-19.

25. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour veiller à ce que tous les cas signalés de disparition forcée, d’exécution extrajudiciaire et autres formes de recours illicite à la force, notamment les faits de violence commis dans le contexte des élections de 2017, donnent lieu dans les plus brefs délais à une enquête, à des poursuites et à la condamnation des auteurs ;

b) Réviser son cadre juridique de sorte que toutes les formes de disparition forcée soient clairement définies dans le droit pénal et passibles de sanctions à la mesure de leur gravité ;

c) Veiller à ce que la formation des policiers s’adresse à tous les fonctionnaires concernés, à savoir aux membres du Service de la Police kenyane et du Service de protection de la faune et de la flore, et tirer parti des normes nationales et internationales, notamment de la sixième annexe à la loi n o 11 de 2011 sur le Service de la Police nationale, du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, des Lignes directrices de l’Organisation des Nations Unies relatives aux droits de l’homme et à l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre du maintien de l’ordre et des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Changements climatiques et dégradation de l’environnement

26.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises à ce jour pour atténuer les effets des changements climatiques et s’y adapter, et notamment de l’élaboration du Plan d’action national sur les changements climatiques pour la période 2018-2022, et prend note avec satisfaction des dispositions de la Constitution qui énoncent l’obligation d’associer les citoyens à la gestion de l’environnement. Il est toutefois préoccupé d’apprendre que ces dispositions ne sont pas systématiquement appliquées pour garantir que la population, y compris les peuples autochtones, participe de manière concrète et effective et en toute connaissance de cause aux projets qui ont des conséquences pour le développement durable et la résilience face aux changements climatiques (art. 6 et 25).

27.L’État partie devrait poursuivre et intensifier les efforts qu’il fait pour accroître sa résilience face aux changements climatiques par des mesures d’adaptation et d’atténuation. Tous les projets qui ont une incidence sur le développement durable et sur la résilience face aux changements climatiques devraient être conçus avec la participation concrète et éclairée de la population concernée, y compris des peuples autochtones. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur le paragraphe 62 de son observation générale n o 36 (2018) sur le droit à la vie.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et traitement des personnes privées de liberté

28.Le Comité s’inquiète des cas signalés de torture et de mauvais traitements commis notamment dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre et dans les lieux de détention, ainsi que du faible nombre de condamnations et de peines prononcées contre les auteurs de ces actes. Il prend note de la promulgation de la loi no 17 de 2014 sur la prévention de la torture, mais constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas effectivement mis en application cette loi et que cela empêche les victimes de bénéficier de services de réadaptation. En outre, il regrette que l’État partie n’ait pas encore pris de mesures pour ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 7 et 10).

29. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour assurer l’application effective de la loi n o 17 de 2014 sur la prévention de la torture, et notamment veiller à ce que les victimes puissent bénéficier de services de réadaptation et redoubler d’efforts pour que les cas de torture et de mauvais traitements donnent lieu à des enquêtes et à des poursuites et que les auteurs soient reconnus coupables et condamnés, y compris dans les cas où des agents de l’État sont mis en cause. Il devrait également renforcer la formation des juges, des procureurs, des avocats et des membres des forces de l’ordre et envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Conditions de détention

30.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises pour s’attaquer au problème de la surpopulation carcérale, notamment le recours aux peines de travaux d’intérêt général et à la mise en liberté sous caution, le réexamen et la révision des condamnations et la remise en liberté de détenus en raison de la pandémie de COVID-19. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les centres de détention de l’État partie restent surpeuplés.

31. L’État partie devrait poursuivre et renforcer les initiatives prises pour améliorer les conditions de vie et réduire la surpopulation dans les lieux de privation de liberté, en particulier en recourant davantage à des mesures de substitution à la détention, et veiller à ce que les conditions de vie dans les lieux de détention soient pleinement conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

Liberté et sécurité de la personne

32.Le Comité prend note avec préoccupation des informations concernant le recours aux arrestations et à la détention arbitraires à l’égard notamment des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des représentants de la société civile et des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes. Il craint que les dispositions de la loi no 30 de 2012 sur la prévention du terrorisme qui autorisent à maintenir les suspects en détention provisoire pour une durée maximale de quatre-vingt-dix jours ne soient pas compatibles avec l’article 50 de la Constitution et les dispositions du Pacte. Il se félicite de l’action menée par l’État partie pour dispenser une formation complète à ses agents, mais il regrette qu’il ne lui ait pas été communiqué d’informations sur le nombre d’enquêtes, de poursuites, de déclarations de culpabilité et de condamnations auxquelles ont donné lieu des plaintes pour arrestation et détention arbitraires, ni sur les mesures visant à assurer le développement d’un espace civique qui permette véritablement à chacun d’exercer et de promouvoir les droits de l’homme dans un environnement sûr (art. 9).

33.L’État partie devrait poursuivre et renforcer les efforts faits pour réformer la police et faire en sorte que tous les membres des forces de l’ordre reçoivent une formation consacrée aux dispositions de la législation nationale et aux normes internationales relatives aux droits de l’homme ayant trait à la liberté et à la sécurité de la personne. Il devrait modifier la loi n o 30 de 2012 sur la prévention du terrorisme de façon à mettre les dispositions relatives à la détention provisoire en conformité avec l’article 50 de la Constitution et les dispositions du Pacte. L’État partie devrait aussi redoubler d’efforts pour enquêter de façon impartiale sur les cas d’arrestation et de détention arbitraires et punir les responsables, et prendre des mesures supplémentaires pour développer l’espace civique, notamment mettre en application la loi n o 18 de 2013 sur les associations d’intérêt général et adopter la politique et le plan d’action type concernant les défenseurs des droits de l’homme élaborés par la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya.

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes

34.Le Comité est préoccupé par :

a)L’application insuffisante de la loi no 8 de 2010 sur la lutte contre la traite des personnes, notamment le fait que le Mécanisme national d’orientation et le Fonds d’assistance aux victimes ne soient pas encore pleinement opérationnels ;

b)Le faible taux de condamnation pour des faits de traite des personnes et de traite des enfants et le manque d’informations sur les réparations et le soutien psychosocial accordés aux victimes ;

c)Les informations selon lesquelles des personnes atteintes d’albinisme feraient l’objet d’une forme de traite visant à utiliser certaines parties de leur corps ;

d)Le fait que des agences de placement contraignent des ressortissants kényans, principalement des femmes, à travailler à l’étranger dans des conditions d’exploitation (art. 2, 6, 7, 8, 24 et 26).

35. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour appliquer pleinement la loi n o 8 de 2010 sur la lutte contre la traite des personnes, y compris en veillant à rendre pleinement opérationnels le Mécanisme national d’orientation et le Fonds d’assistance aux victimes ;

b) Multiplier les enquêtes sur les infractions liées à la traite en vue d’engager des poursuites et de dûment condamner les responsables ;

c) Poursuivre les efforts de formation des agents de l’État à la lutte contre la traite des personnes et étendre cette formation à tous les agents de l’État concernés, y compris les juges, les procureurs, les agents des forces de l’ordre et les agents des services de l’immigration, ainsi qu’aux avocats ;

d) Adopter des mesures ciblées afin de protéger les personnes atteintes d’albinisme contre la traite ;

e) Intensifier les efforts déployés pour contrôler les activités des agences de placement et protéger les ressortissants kényans qui travaillent à l’étranger.

Traitement des étrangers, notamment des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants

36.Le Comité constate avec préoccupation que :

a)Le projet de loi de 2019 sur les réfugiés tarde à être adopté, alors que le processus de modification de la loi a été entamé en 2011 et malgré la nécessité de remplacer d’urgence les dispositions de la loi no 13 de 2006 sur les réfugiés, en particulier les dispositions relatives aux camps de regroupement, qui obligent tous les réfugiés et demandeurs d’asile se trouvant au Kenya à résider dans des camps de réfugiés, qu’ils ne peuvent quitter qu’après en avoir demandé et obtenu l’autorisation ;

b)L’article 19 (par. 2) du projet de loi de 2019 sur les réfugiés prévoit des exceptions générales au principe de non-refoulement, au nom des bonnes mœurs ;

c)Les prisons, les postes de police et les maisons d’arrêt sont inclus dans la définition des centres de transit pour réfugiés figurant dans le projet de loi sur les réfugiés ;

d)L’article 23 (par. 5) du projet de loi sur les réfugiés oblige toutes les personnes ayant déposé une demande d’asile à se conformer à toutes les lois kényanes et permet d’annuler les demandes d’asile des personnes qui enfreignent la loi et d’expulser ces personnes du territoire de l’État partie. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes qui sont réfugiés ou demandent l’asile pourraient de facto être refoulés sur la base de leur orientation sexuelle, puisque les relations entre personnes de même sexe demeurent illicites ;

e)Des non-ressortissants sont détenus au seul motif qu’ils sont entrés illégalement dans le pays ;

f)Les niveaux d’apatridie demeurent élevés, y compris chez les enfants (art. 2, 6, 7, 9, 13 et 26).

37. L’État partie devrait :

a) Respecter strictement le principe de non-refoulement, tant en droit que dans la pratique ;

b) Modifier le projet de loi de 2019 sur les réfugiés, notamment les dispositions qui incluent les prisons, les postes de police et les maisons d’arrêt dans la définition des centres de transit ainsi que ses articles 19 (par. 2) et 23 (par. 5), afin de garantir sa pleine compatibilité avec le Pacte ;

c) Adopter une version modifiée du projet de loi sur les réfugiés et appliquer ses dispositions efficacement et sans délai ;

d) Mettre fin à la pratique consistant à placer en détention des non ‑ ressortissants au seul motif qu’ils sont entrés illégalement dans le pays ;

e) Prendre des mesures concrètes pour réduire l’apatridie et en particulier pour prévenir l’apatridie des enfants.

Personnes déplacées

38.Le Comité est préoccupé par la lenteur des progrès faits dans la recherche de solutions durables pour les personnes déplacées, y compris les personnes déplacées par des catastrophes écologiques et des conflits internes. Il est également préoccupé par l’insuffisance des fonds alloués à la mise en service effective du Comité consultatif national de coordination pour les personnes déplacées (art. 12).

39. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour accélérer la mise en place de solutions durables pour les personnes déplacées, dans le respect des normes internationales applicables, dont le Pacte et les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays. Il devrait également, à titre prioritaire, rendre opérationnel le Comité consultatif national de coordination pour les personnes déplacées.

Expulsions forcées

40.Le Comité est préoccupé par les informations persistantes faisant état d’expulsions forcées, et parfois violentes, notamment parmi les populations autochtones des zones forestières, telles que les forêts d’Embobut et de Mau. Il relève avec préoccupation que ces expulsions ont été effectuées sans que soient pleinement respectées les garanties d’une procédure régulière, notamment sans préavis suffisant et sans véritable consultation préalable des personnes concernées, et au mépris des garanties énoncées à l’article 152G de la loi no 28 de 2016 portant modification de la législation foncière, du moratoire déclaré pendant la pandémie de COVID-19 et de certaines décisions judiciaires. Il s’inquiète également de ce que la non-adoption du projet de loi de 2012 sur les expulsions et la réinstallation entrave l’accès des personnes concernées à la justice et à des moyens de réparation, notamment à une indemnisation et à une solution de réinstallation. Il constate en outre avec préoccupation le manque d’informations sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les condamnations et les peines prononcées au sujet des violations des normes juridiques commises dans le contexte d’expulsions, y compris dans les cas où ces violences ont fait des morts parmi les personnes concernées (art. 6, 7, 12, 17, 26 et 27).

41. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les expulsions soient menées à bien dans le respect des normes nationales et internationales, et notamment :

a) Mettre en place un régime foncier durable et équitable afin de prévenir les expulsions forcées ;

b) Lorsqu’il n’y a pas d’autre possibilité que l’expulsion, prendre toutes les mesures nécessaires pour appliquer les garanties prévues, y compris l’obligation de donner un préavis suffisant aux personnes concernées, de dûment les consulter au préalable et de leur assurer une indemnisation suffisante et une solution de réinstallation adéquate. À cette fin, l’État partie devrait appliquer concrètement la loi n o 26 de 2016 portant modification de la législation foncière ;

c) Respecter strictement le moratoire déclaré pendant la pandémie de COVID-19 et toutes les décisions judiciaires relatives aux expulsions ;

d) Améliorer l’indemnisation et la réinstallation des personnes touchées par les expulsions, notamment en adoptant sans délai le projet de loi de 2012 sur les expulsions et la réinstallation ;

e) Faire en sorte que les infractions commises dans le contexte d’expulsions donnent lieu à des enquêtes et à des poursuites et que les responsables soient reconnus coupables et condamnés.

Liberté d’expression

42.Le Comité est préoccupé par la non-conformité de certaines normes juridiques de l’État partie, notamment les articles 132, 181 et 194 du Code pénal, la loi no 5 de 2018 sur l’utilisation abusive de l’informatique et la cybercriminalité, la loi no 30 de 2012 sur la prévention du terrorisme, la loi no 41A de 2013 portant modification de la loi sur l’information et les communications et la loi no 19 de 2014 portant modification des lois relatives à la sécurité, avec les articles 33 et 34 de la Constitution et les articles 19 et 20 du Pacte. Il est également préoccupé par le fait que des dispositions juridiques nationales ont été utilisées pour limiter l’expression en ligne, museler les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes et étouffer les critiques à l’égard du Gouvernement, notamment parmi les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les membres des organisations de la société civile. Il s’inquiète en outre des informations selon lesquelles des atteintes à la liberté de la presse et des attaques contre des journalistes et des professionnels des médias auraient été commises dans le contexte des élections de 2017 (art. 19 et 20).

43.L’État partie devrait engager un processus de mise en conformité de toutes les normes juridiques relatives à la liberté d’expression, y compris l’expression en ligne, avec les dispositions du Pacte et les articles 33 et 34 de la Constitution. Il devrait veiller à ce que toute restriction de l’exercice de la liberté d’expression, y compris l’expression en ligne, soit conforme aux règles strictes énoncées à l’article 19 (par. 3) du Pacte. Il devrait également prendre des mesures concrètes pour prévenir toute atteinte à la liberté de la presse pendant les élections de 2022 et protéger les journalistes et les professionnels des médias contre toutes formes de harcèlement et de violence.

Liberté de réunion pacifique

44.Le Comité constate avec satisfaction que le projet de loi de 2019 portant modification de la loi sur l’ordre public, qui prévoyait que la responsabilité civile et pénale des auteurs de dégâts et dommages causés au cours de rassemblements publics, a été jugé inconstitutionnel et rejeté par le Parlement. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les dispositions de la loi no 36 de 1950 sur l’ordre public imposant de notifier à la police tous les rassemblements publics sont utilisées dans la pratique pour rejeter des demandes d’autorisation de rassemblements pacifiques. Le Comité est également préoccupé d’apprendre qu’il serait fait un usage excessif de la force pour disperser des manifestations et que des défenseurs des droits de l’homme seraient arrêtés et détenus arbitrairement pour avoir exercé leur droit de réunion pacifique (art. 19 et 21).

45. Compte tenu de l’observation générale n o 37 (2020) du Comité sur le droit de réunion pacifique, l’État partie devrait mettre toutes les lois et pratiques relatives à la liberté de réunion pacifique en pleine conformité avec le Pacte. Il devrait être veillé à ce que, dans le contexte de réunions pacifiques, l’usage de la force par les agents chargés de faire appliquer la loi soit conforme aux Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois et aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Droits de l’enfant

46.Le Comité accueille avec satisfaction l’élaboration du projet de loi de 2018 portant modification de la loi sur l’enfance, qui prévoit de relever l’âge minimum de la responsabilité pénale de 8 à 12 ans et permet d’appliquer des mesures non privatives de liberté aux enfants en conflit avec la loi. Il est toutefois préoccupé par le fait que ce projet de loi n’a pas encore été adopté et que des dispositions du Code pénal permettent toujours d’engager des poursuites pénales contre des mineurs de moins de 12 ans (art. 23, 24 et 26).

47. L’État partie devrait accélérer l’adoption du projet de loi de 2018 portant modification de la loi sur l’enfance, afin d’harmoniser toutes les dispositions nationales de sorte que l’âge minimum de la responsabilité pénale soit fixé à 12 ans et veiller à l’application cohérente du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les cas d’enfants en conflit avec la loi.

Participation à la conduite des affaires publiques

48.Le Comité craint que le fait que les graves violations des droits de l’homme commises dans le contexte des élections de 2017 restent impunies, y compris les cas d’emploi meurtrier de la force, d’agression, de torture et de violence sexuelle de la part de policiers, et qu’aucune mesure de réparation n’ait été accordée aux victimes, y compris en ce qui concerne les garanties de non-répétition, nuise au processus électoral de 2022. Il s’inquiète de ce que les causes profondes des violences commises en 2017, notamment les multiples violations des règlements électoraux, les irrégularités électorales, l’échec de la décentralisation du processus électoral et les difficultés que la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral a à s’acquitter de son mandat de manière efficace et indépendante, n’ont pas été traitées de manière adéquate. Il accueille avec satisfaction l’initiative « Building Bridges » (Construire des ponts) mais relève, avec préoccupation, un manque d’informations sur la suite donnée à ses recommandations concernant la nécessité de mener une réforme juridique pour renforcer la confiance dans le processus électoral (art. 7, 14, 25 et 26).

49.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour permettre à toutes les victimes des violences commises dans le contexte des élections de 2017 d’obtenir réparation, y compris des garanties de non-répétition. Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires, avant les élections de 2022, pour prévenir la violence et garantir le fonctionnement efficace et indépendant de la Commission indépendante chargée des élections et du découpage électoral. Il devrait en outre adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir la transparence du vote et du décompte des voix.

Peuples autochtones

50.Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence dans l’État partie d’une législation spécifique garantissant expressément la protection des peuples autochtones ;

b)Les répercussions disproportionnées, pour les peuples autochtones, de l’incapacité de l’État partie à appliquer de manière systématique les garanties énoncées à l’article 152G de la loi no 28 de 2016 portant modification de la législation foncière ;

c)La lenteur et l’inadéquation de la mise en œuvre des dispositions de la loi no 27 de 2016 relative aux terres communautaires visant à faire en sorte que les peuples autochtones puissent obtenir la reconnaissance et l’enregistrement officiels de leurs terres ;

d)La non-publication par le Gouvernement des recommandations de l’équipe spéciale chargée de le conseiller quant à la mise en œuvre de la décision rendue par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples au sujet des droits de la communauté ogiek de Mau, qui tend à renforcer la participation des communautés autochtones à la gestion durable des forêts ;

e)L’absence de renseignements concernant les mesures prises par l’État partie pour remédier à la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les femmes autochtones sur son territoire (art. 2, 25, 26 et 27).

51. L’État partie devrait :

a) Élaborer et adopter une législation ayant expressément pour objet d’assurer une protection aux peuples autochtones ;

b) Renforcer les garanties contre l’expulsion forcée des peuples autochtones et garantir l’application cohérente et effective du principe selon lequel le consentement préalable des communautés autochtones, donné librement et en connaissance de cause, doit être obtenu pour que des activités de développement ou d’autres activités puissent être entreprises sur des terres traditionnellement utilisées, occupées ou possédées par ces communautés ;

c) Intensifier la mise en œuvre de la loi n o 27 de 2016 relative aux terres communautaire, notamment en allouant des fonds suffisants à cette fin, de sorte que les peuples autochtones puissent obtenir la reconnaissance et l’enregistrement officiels de leurs terres ;

d) Publier sans attendre les recommandations de l’équipe spéciale chargée de conseiller le Gouvernement au sujet de la mise en œuvre de la décision rendue par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples au sujet des droits de la communauté ogiek de Mau tendant à renforcer la participation des communautés autochtones à la gestion durable des forêts, et donner la suite voulue à la décision de la C our ;

e) Veiller à ce que des mesures spécifiques soient prises pour promouvoir et protéger les droits des femmes autochtones.

D.Diffusion et suivi

52. L’État partie devrait diffuser largement le Pacte, les deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, son quatrième rapport périodique et les présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public afin de faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

53. Conformément au paragraphe 1 de l’article 75 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 26 mars 2023 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 19 (violence à l’égard des femmes), 41 (expulsions forcées) et 49 (participation à la conduite des affaires publiques).

54.Dans le cadre du cycle d’examen prévisible du Comité, l’État partie recevra en 2027 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et disposera d’un délai d’un an pour soumettre ses réponses, qui constitueront son cinquième rapport périodique. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l’État partie se tiendra en 2029, à Genève.