NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GENERAL

CERD/C/YEM/CO/16

25 octobre 2006

FRANÇAIS

Original: ENGLISH

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante-neuvième session31 juillet ‑18 aout 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

YÉMEN

Le Comité a examiné les 15 e et 16 e rapports périodiques du Yémen, soumis en un seul document (CERD/YEM/16), à ses 1764 e  et 1765 e  séances (CERD/C/SR.1764 et CERD/C/SR.1765), tenues les 3 et 4 août 2006. À sa 1784 e  séance (CERD/C/SR.1784), tenue le 17  août 2006, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’État partie et se félicite des réponses détaillées aux questions posées lors de l’examen du rapport et de l’échange franc et constructif engagé avec la délégation. Il regrette toutefois que le rapport ne comprenne pas suffisamment de renseignements sur l’application pratique de la Convention.

B. Aspects positifs

Le Comité se félicite de la création du Ministère des droits de l’homme en 2003.

Le Comité se félicite de l’adoption d’une politique de formation permanente et de programmes de sensibilisation à l’intention des membres du pouvoir judiciaire, du ministère public et des responsables de l’application de la loi.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour créer une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

GE.06-44777 Le Comité loue les efforts consentis par l’État partie pour réduire la pauvreté, en particulier l’adoption d’une stratégie nationale de réduction de la pauvreté pour 2003-2005, qui vise à améliorer les conditions de vie des groupes marginalisés et vulnérables au Yémen.

Le Comité note également avec satisfaction la régularité avec laquelle le Yémen soumet ses rapports périodiques conformément aux dispositions de la Convention.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité prend note de l’écart entre les affirmations de l’État partie, selon lesquelles la société yéménite est homogène sur le plan ethnique, et les informations crédibles que le Comité a reçues concernant l’existence de groupes distincts sur le plan culturel et/ou de l’origine, notamment le groupe Al-Akhdam.

Compte tenu de sa recommandation générale IV (1973) et du paragraphe 8 de ses principes directeurs relatifs à l’établissement des rapports, le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la composition ethnique de la population. Il rappelle également sa recommandation générale VIII selon laquelle l’identification d’un individu comme appartenant à un groupe racial ou ethnique doit, sauf justification du contraire, être fondée sur la manière dont s’identifie lui ‑même l’individu concerné, et appelle l’attention de l’État partie sur la recommandation générale XXIX (2002) concernant la discrimination fondée sur l’ascendance (art. 1 1) de la Convention).

Le Comité demeure préoccupé par l’absence de définition de la discrimination raciale dans la législation nationale (art. 1 er ).

Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer dans sa législation nationale une définition de la discrimination raciale qui comprenne tous les éléments énumérés à l’article premier de la Convention et qui définissent la discrimination raciale comme une discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine ethnique ou nationale.

Le Comité note avec préoccupation que le statut de la Convention en droit interne n’est pas clair et que la Convention n’a apparemment jamais été directement invoquée devant les tribunaux nationaux.

Le Comité invite l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’application effective de la Convention dans son ordre juridique interne.

Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par l’absence de législation d’ensemble pour prévenir et interdire la discrimination raciale fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine ethnique ou nationale (art. 2).

Le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour assurer à tous les individus, quelles que soient leur race, leur couleur, ascendance ou origine ethnique ou nationale, une pleine protection contre la discrimination raciale. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa législation interne et de mettre en place un cadre juridique complet pour lutter contre la discrimination conformément aux dispositions de l’article 2 de la Convention.

Tout en prenant note des dispositions du Code pénal qui prévoit des peines pour les infractions liées à des actes de discrimination et de violence, le Comité se déclare de nouveau préoccupé par l’absence dans la législation yéménite d’une disposition pénale explicite qui criminalise et réprime l’ensemble des activités et actes interdits par l’article 4 de la Convention.

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de réviser son Code pénal afin de donner plein effet aux dispositions de l’article 4 et d’y introduire une disposition spécifique dans ce sens. Le Comité appelle également l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XV et lui recommande de prendre des mesures efficaces pour garantir l’application effective de cette disposition.

Le Comité note que le Yémen n’a toujours pas levé sa réserve à l’article 5 c) et d) iv), vi) et vii) de la Convention.

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie d’envisager de lever sa réserve à l’article 5 c) et d) iv), vi) et vii) de la Convention.

Tout en se félicitant de la politique de portes ouvertes de l’État partie aux réfugiés provenant de la corne de l’Afrique, le Comité est préoccupé par l’absence d’une législation nationale définissant expressément les droits des réfugiés. Il se déclare en outre préoccupé par les piètres conditions de vie des réfugiés et le fait qu’ils n’auraient pas accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et à la protection contre les sévices et les mauvais traitements (art. 5).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXX concernant la discrimination contre les non ‑ressortissants (2004) et prie l’État partie d’adopter un cadre de protection légal pour les réfugiés et de lever les obstacles empêchant ces derniers d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la santé. Il recommande également à l’État partie de procéder à des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces sur toutes les allégations de sévices et de mauvais traitements concernant des réfugiés, de traduire en justice les responsables et d’accorder une réparation appropriée aux victimes.

Le Comité est profondément préoccupé par les rapports persistants faisant état de discrimination de facto à l’encontre des communautés distinctes sur le plan culturel et de l’origine, notamment la communauté Al-Akhdam. Il craint en particulier que cette discrimination ne compromette ou n’entrave l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2 2) et 5).

Compte tenu de sa recommandation générale XXIX, le Comité recommande à l’État partie de formuler et d’appliquer une stratégie nationale avec la participation des membres des communautés touchées, y compris les mesures spéciales énoncées à l’article 2 2) de la Convention, afin d’éliminer toute discrimination fondée sur l’ascendance contre les membres des groupes marginalisés et vulnérables. Il recommande en particulier à l’État partie d’élaborer une législation et des pratiques interdisant toute discrimination fondée sur l’ascendance dans les domaines de l’emploi et du logement et permettant d’assurer l’accès, dans des conditions d’égalité, des membres des communautés touchées, en particulier la communauté Al-Akhdam, aux soins de santé et aux services de sécurité sociale.

Le Comité s’inquiète des informations qu’il a reçues selon lesquelles les membres de la communauté Al-Akhdam se heurteraient à des difficultés, sinon à de véritables obstacles, pour exercer effectivement leur droit à la propriété (art. 5 d) v)).

Le Comité prie l’État partie de lui fournir d’autres renseignements sur le droit de tous les individus qui se trouvent sur son territoire, y compris les membres des groupes marginalisés ou vulnérables, d’obtenir et de posséder des biens.

Tout en notant que le Ministère des droits de l’homme a reçu plus de 1 200 plaintes concernant des violations de droits entre 2002 et 2004, le Comité note l’absence de plainte pour discrimination raciale (art. 6).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques sur les poursuites engagées et les peines infligées dans les cas d’infractions en rapport avec la discrimination raciale ou les dispositions pertinentes de la législation interne ont été appliquées. Il lui rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice de la part des victimes de discrimination raciale peut, dans une large mesure, être le signe d’absence de législation appropriée, de l’ignorance de l’existence de voies de recours ou d’un manque de volonté des autorités d’engager des poursuites. Le Comité demande à l’État partie de prévoir les dispositions nécessaires dans la législation nationale et d’informer le public de l’existence de voies de recours dans le domaine de la discrimination raciale.

Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et lui recommande vivement d’étudier la possibilité de le faire.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à tenir compte, lorsqu’il met en œuvre dans l’ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et de communiquer dans son prochain périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures adoptés pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité engage l’État partie à continuer d’organiser des programmes de formation et d’information sur les dispositions de la Convention à l’intention des membres du pouvoir judiciaire, des agents des forces de l’ordre, des enseignants, des travailleurs sociaux et des autres fonctionnaires.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de consulter les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale, et d’envisager d’élargir le dialogue avec ces organisations, dans la perspective de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques publics dès le moment où ils sont soumis et de diffuser de la même manière les observations et recommandations y relatives du Comité.

L’État partie devrait, dans un délai d’un an, fournir des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations que le Comité a formulées aux paragraphes 13, 14 et 15 ci ‑dessus en application du paragraphe 1 de l’article 65 du Règlement intérieur du Comité.

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre, d’ici au 17 novembre 2009, ses dix ‑septième et dix-huitième rapports périodiques en un seul document et de traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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