Nations Unies

CAT/C/NLD/CO/7

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 décembre 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le septième rapport périodique des Pays-Bas *

1.Le Comité contre la torture a examiné le septième rapport périodique des Pays-Bas (CAT/C/NLD/7) à ses 1693e et 1696e séances (voir CAT/C/SR.1693 et 1696), les 20 et 21 novembre 2018, et a adopté les présentes observations finales à ses 1712e et 1715e séances, les 3 et 5 décembre 2018.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie ainsi que des réponses orales et des informations écrites qui lui ont été fournies pour répondre à ses préoccupations.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2016 ;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en 2015.

4.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment l’adoption des textes suivants :

a)La loi pénale relative aux adolescents, le 1eravril 2014 ;

b)La loi relative à l’établissement d’un code relatif à l’obligation de signalement (des violences familiales et de la maltraitance d’enfants), en 2013 ;

c)Le nouveau Code pénal, qui étend la définition de « victime de violences familiales » aux victimes d’actes commis par le partenaire ou le concubin, en 2015, à Sint Maarten.

5.Le Comité accueille en outre avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives en vue de donner effet à la Convention, notamment :

a)L’adoption du plan d’action national intitulé « Ensemble contre la traite des êtres humains », en 2018 ;

b)La mise en place d’une équipe spéciale inter-pays dans la région caribéenne du Royaume des Pays-Bas, dans le prolongement de l’arrêt rendu en 2016 par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Murray c. Pays-Bas (requête no10511/10) ;

c)Le lancement d’un programme triennal intitulé « Le pouvoir de la différence » et d’une campagne sur le thème « Éliminer la discrimination », qui ont pour but de prévenir le profilage ethnique par la police, en 2015 ;

d)La nomination, dans les rangs de la police, d’un responsable de programme, chargé de superviser les projets portant sur la violence familiale et la maltraitance d’enfants, en 2015 ;

e)L’adoption d’un plan d’action national sur les droits de l’homme, en 2013 ;

f)La conclusion d’un mémorandum d’accord sur la traite et le trafic illicite d’êtres humains et l’immigration illégale entre les Pays-Bas, Aruba, Curaçao, Sint Maarten et Bonaire, Saba et Saint-Eustache, qui prévoit la réalisation, tous les deux ans, d’une analyse de l’évolution des types d’infraction ;

g)La création, par le Ministère de la justice, d’une commission chargée de contrôler la manière dont les détenus sont traités dans les établissements pénitentiaires de Curaçao, qui exerce une surveillance et mène des enquêtes à ce titre;

h)La mise en place d’une équipe spéciale de lutte contre la traite et le trafic illicite de migrants, et la désignation d’un coordonnateur national de la lutte contre la traite à Aruba.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Au paragraphe 35 de ses précédentes observations finales (CAT/C/NLD/CO/5-6), le Comité a demandé aux Pays-Bas de lui faire parvenir des renseignements sur certains points suscitant des préoccupations particulières et sur la suite donnée aux recommandations qu’il avait formulées à ce sujet aux paragraphes 10, 23 et 30, à savoir : garantir ou renforcer le droit des personnes placées en garde à vue de consulter un avocat, mener, sans délai, des enquêtes impartiales et efficaces et fournir des statistiques sur les poursuites engagées contre des personnes soupçonnées d’actes de torture et de mauvais traitements qui ont été traduites en justice et sur les sanctions prononcées. Le Comité remercie l’État partie de la suite qu’il a donnée à cette demande et des informations de fond qu’il a fournies le 31 juillet 2014 (CAT/C/NLD/CO/5-6/Add.1). Au vu de ces informations, le Comité considère que les recommandations formulées aux paragraphes 10, 23 et 30 de ses précédentes observations finales ont été partiellement appliquées (voir par. 9, 32 et 56, ci-après).

Incrimination de la torture

7.Le Comité prend note du fait que l’État partie est disposé à inscrire la torture au nombre des crimes dont le paragraphe 3 de l’article 11 de la loi sur les crimes internationaux établit que l’ordre de les commettre est « manifestement illégal ». Il relève toutefois avec préoccupation qu’il n’existe pas de texte spécifique définissant la torture conformément aux articles premier et 2 de la Convention qui soit applicable dans tous les pays constitutifs de l’État partie. Le Comité regrette également de ne pas avoir reçu d’informations claires sur le point de savoir si les crimes de torture sont imprescriptibles dans tous les pays constitutifs de l’État partie. Il note en outre avec préoccupation que les dispositions législatives relatives à la torture ne sont pas les mêmes dans tout le pays (art. 1er, 2 et 4).

8. L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour promouvoir l’adoption d’une loi nationale spécifique qui définisse la torture conformément aux articles premier et 2 de la Convention et qui soit applicable dans tous ses pays constitutifs. Il devrait également veiller a) à ce que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne puisse être invoqué pour justifier la torture, b) à ce que le crime de torture soit imprescriptible et c) à ce que les dispositions législatives relatives à la torture soient les mêmes dans tout le pays.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité prend note des efforts consentis par l’État partie pour renforcer le droit à l’assistance d’un conseil, notamment l’adoption de mesures législatives dans le prolongement de la directive européenne relative au droit d’accès à un avocat (directive 2013/48/UE) et la modification du Code de procédure pénale visant à garantir l’accès des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions de catégorie C (infractions mineures) à l’assistance d’un avocat, mais il est préoccupé par la pénurie persistante d’avocats à Saba et à Saint‑Eustache.En outre,il est préoccupé par les informations selon lesquelles, malgré les garanties procédurales prévues par la législation, dans les faits, les personnes placées en garde à vue sont souvent privées du droit d’informer la personne de leur choix de leur détention(art. 2, 11, 12, 13 et 16).

10. L’État partie devrait veiller, en droit et en fait, à ce que l’ensemble des détenus bénéficient de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la privation de liberté, y compris celles mentionnées aux paragraphes 13 et 14 de l’observation générale n o 2 (2007) du Comité sur l’application de l’article 2. Il devrait prendre les mesures nécessaires, notamment dispenser des formations appropriées aux membres de la police, pour garantir l’accès aux services d’un avocat dans des conditions satisfaisantes, en particulier dans la partie caribéenne du pays, et le droit des détenus d’informer la personne de leur choix de leur détention.

Principe de non-refoulement

11.Le Comité prend note des efforts consentis par l’État partie pour faire face à l’afflux sur son territoire de demandeurs d’asile et de migrants sans papiers, parmi lesquels de nombreux mineurs non accompagnés, mais il s’inquiète des nombreuses informations selon lesquelles l’État partie aurait enfreint le principe de non-refoulement au cours de la période considérée. À ce sujet, le Comité a lui-même conclu, dans l’affaire F. B. c. Pays ‑Bas,que l’expulsion par l’État partie de la requérante constituerait une violation du principe de non‑refoulement énoncé à l’article 3 de la Convention (CAT/C/56/D/613/2014). Le Comité est en particulier préoccupé par les faits suivants :

a)La procédure d’asile accélérée applicable aux personnes provenant de pays qualifiés de « sûrs » ne permettrait pas toujours de procéder à un examen approfondi de la situation particulière des intéressés ;

b)Les clauses d’exclusion de la Convention relative au statut des réfugiés seraient systématiquement appliquées aux Afghans ayant travaillé pour le KhAD/WAD (service de sécurité), et la charge de la preuve incombant au demandeur, le statut de réfugié serait refusé à tous les individus qui se trouvent dans ce cas ;

c)En 2017, les autorités de Curaçao auraient renvoyé dans leur pays plus d’un millier de Vénézuéliens, malgré la crainte que certains avaient exprimée d’être soumis à la torture ou à de mauvais traitements à leur retour ;

d)L’État partie n’a pas fourni de renseignements suffisants concernant le respect du principe de non-refoulement par les forces armées néerlandaises en mission à l’étranger, en particulier s’agissant du transfert de détenus vers des pays où ils risquaient d’être soumis à la torture ou à de mauvais traitements ;

e)Lorsqu’il a adhéré à la Convention relative au statut des réfugiés, l’a signée et l’a ratifiée, l’État partie n’a pas déclaré que celle-ci s’appliquait à l’ensemble de ses pays constitutifs. Le Comité relève aussi avec préoccupation que ni Aruba, ni Curaçao, ni Sint Maarten ne se sont dotés d’une législation propre concernant l’asile et les réfugiés, ce qui constitue une grave lacune dans le cadre législatif relatif à la protection contre le renvoi (art. 3).

12. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres nécessaires pour garantir l’application du principe de non -refoulement énoncé à l’article 3 de la Convention. L’État partie devrait plus particulièrement :

a) Accorder suffisamment de temps aux demandeurs d’asile, en particulier dans le cadre de la procédure accélérée, pour motiver pleinement leur demande et pour obtenir et présenter des éléments de preuve déterminants, afin de garantir l’équité et l’efficacité des procédures d’asile, et leur assurer un droit de recours, avec effet suspensif, de façon que la légitimité des demandes de protection déposées par des réfugiés ou d’autres personnes ayant besoin d’une protection internationale soit dûment reconnue et qu’il n’y ait pas de renvois, individuels ou collectifs ;

b) Établir sans délai une procédure d’asile à Aruba, Curaçao et Sint Maarten qui permette de déterminer, par un examen approfondi, s’il existe un risque réel que le demandeur soit soumis à la torture dans le pays de renvoi, et faire en sorte que la partie européenne des Pays-Bas apporte le concours nécessaire à l’établissement de cette procédure, conformément à l’article 43 de la Charte du Royaume des Pays-Bas, qui dispose que la promotion et la protection des droits de l’homme relèvent de la responsabilité du Royaume ;

c) Appliquer les clauses d’exclusion de la Convention relative au statut des réfugiés uniquement lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire qu’un réfugié pourrait avoir été impliqué dans un acte visé par lesdites clauses et seulement après un examen complet des circonstances particulières de l’affaire, confor mément au principe directeur n o 5 du Haut-Commissariat pour les réfugiés sur la protection internationale ;

d) Envisager d’étendre l’application territoriale de la Convention relative au statut des réfugiés et du Protocole de 1967 y relatif à tous ses pays constitutifs.

Examens médicaux dans le cadre de la procédure d’asile

13.Le Comité s’est inquiété dans le passé du fait que l’État partie n’utilisait pas le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le Protocole d’Istanbul) en vue d’établir un lien entre les mauvais traitements allégués dans une demande d’asile et les conclusions de l’examen médical. Il demeure préoccupé à cet égard, par les informations indiquant que l’examen médical continue d’avoir essentiellement pour objet de déterminer si l’état de santé des demandeurs d’asile permet de les interroger, et pas nécessairement de repérer les personnes vulnérables telles que les victimes d’actes de torture ni de recueillir la moindre explication concernant leurs allégations, ce qui exclut toute possibilité d’offrir une assistance (art. 3 et 10).

14. Eu égard aux précédentes recommandations du C omité (CAT/C/NDL/CO/5-6, par.  12), l’État partie devrait prendre des mesures pour :

a) Repérer le plus tôt possible les demandeurs d’asile qui ont des besoins particuliers, notamment les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, en faisant en sorte que, dans tous ses pays constitutifs, l’examen médical pratiqué dans le cadre de la procédure d’asile serve à déterminer non seulement si l’état de santé des demandeurs permet de les interroger, mais également s’ils ont des problèmes de santé et s’ils ont besoin d’un traitement ou d’un soutien en raison des actes de torture, des mauvais traitements ou des traumati smes qu’ils auraient pu subir ;

b) Garantir l’application du Protocole d’Istanbul dans les procédures d’asile et dispenser à tous les professionnels concernés une formation concernant l’identification des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, la recherche et la collecte de preuves de tels actes et le signalement de ces actes, en vue de permettre aux victimes d’obtenir réparation.

Détention de demandeurs d’asile et de migrants sans papiers

15.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie continue de placer les demandeurs d’asile et les migrants sans papiers dans des établissements fermés. Il s’inquiète notamment des informations selon lesquelles les demandeurs d’asile qui arrivent à l’aéroport de Schiphol à Amsterdam, en particulier ceux qui font l’objet d’une expulsion en application du Règlement de Dublin, sont systématiquement placés en détention sans examen individuel de la nécessité d’une telle mesure, et le nombre de demandeurs d’asile placés en détention aurait considérablement augmenté au cours des deux dernières années. En outre, si le Comité prend note de la déclaration de la délégation, qui a affirmé que, en vertu de l’article 59 de la loi sur les étrangers et de l’article 15 de la directive de l’Union européenne relative au retour (directive 2008/115/CE), la détention administrative de ressortissants étrangers ne peut être prolongée au-delà de dix-huit mois, il se dit néanmoins préoccupé par les nombreuses informations selon lesquelles, nombre de demandeurs d’asile et de migrants sans papiers sont placés en détention de manière répétée et la durée totale de ces placements répétés en détention est souvent supérieure à dix-huit mois.

16.En outre,le Comitéest vivement préoccupé par les informations concordantes selon lesquelles les conditions de détention des demandeurs d’asile et des migrants ne seraient pas conformes aux normes internationales.Il prend note du projet de loi sur le rapatriement et la détention des étrangers, qui vise à dissocier le régime de détention appliqué aux migrants du régime de détention pénale, mais il s’inquiète des informations selon lesquelles des migrants sont détenus dans des établissements placés sous haute surveillance − avec caméras et murs d’enceinte élevés − et partagent souvent la cellule de prisonniers de droit commun. Le Comité juge particulièrement préoccupante la pratique consistant à placer des demandeurs d’asile et des migrants à l’isolement, si bien que ceux-ci n’auraient pas pleinement accès à l’assistance d’un avocat et à des services de soins de santé. Il s’inquiète en outre du fait que le projet de loi susmentionné prévoit pour tous les migrants nouvellement arrivés l’application d’un régime encore plus restrictif pendant une période pouvant aller jusqu’à deux semaines et maintient la possibilité de recourir à l’isolement cellulaire à titre de mesure disciplinaire. Enfin, le Comité constate avec préoccupation qu’à Curaçao, les personnes en attente d’expulsion qui ont besoin d’une protection internationale, principalement des Vénézuéliens, sont détenues dans des établissements fermés où les conditions sont déplorables et sont soumises à de mauvais traitements et à des agressions sexuelles de la part des policiers et des agents de l’immigration, sans que ces actes donnent lieu à des poursuites (art. 11 et 16).

17. Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations (CAT/C/NDL/CO/5-6, par. 14 à 16) et prie l’État partie, notamment en révisant le projet de loi sur le rapatriement et la détention des étrangers, de faire en sorte  :

a) Que les demandeurs d’asile ne soient pas placés en détention de manière systématique, mais uniquement en dernier ressort, pour la période la plus courte possible et dans des structures adaptées à leur statut  ;

b) Que la détention administrative des étrangers, y compris en cas de placements répétés en détention, ne devienne pas une détention de longue durée et qu’elle soit pleinement conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment la délibération n o 5 révisée du Groupe de travail sur la détention arbitraire qui a trait à la privation de liberté des migrants ( A/HRC/39/45, annexe)  ;

c) Que toute allégation relative à de mauvais traitements infligés à des demandeurs d’asile et d’autres étrangers en détention par des membres de la police ou des gardiens de prison donne lieu sans délai à une enquête efficace et impartiale, et que les auteurs soient poursuivis et punis  ;

d) Que le régime juridique de la détention des étrangers soit adapté à sa finalité et strictement dissocié du régime de la détention pénale et, notamment, que l’isolement cellulaire ne soit pas utilisé à titre de mesure disciplinaire à l’égard des demandeurs d’asile et des migrants sans papiers placés en détention ;

e) Que les demandeurs d’asile et les migrants sans papiers qui sont privés de liberté aient un accès approprié à un mécanisme indépendant et efficace pour traiter les plaintes pour torture et mauvais traitements ;

f) Que tous les actes de torture et mauvais traitements infligés à des demandeurs d’asile ou des migrants en détention, et toutes les allégations portant sur de tels faits donnent lieu sans délai à une enquête efficace et impartiale et à des poursuites, et que les auteurs soient punis  ;

g) Que des organes de surveillance indépendants, nationaux et internationaux et des organisations non gouvernementales surveillent régulièrement tous les lieux dans lesquels des demandeurs d’asile et des m igrants sont privés de liberté.

Enfants demandeurs d’asile non accompagnés et familles en détention

18.Le Comité prend note du nouveau régime de détention applicable aux enfants non accompagnés et aux familles avec enfants en attente d’expulsion, mais il demeure préoccupé par les informations selon lesquelles le nombre de familles détenues en attendant leur expulsion et le nombre d’enfants demandeurs d’asile non accompagnés placés en détention ont augmenté pendant la période considérée. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants non accompagnés demandeurs d’asile ne reçoivent pas une assistance suffisante, notamment une aide juridique, tout au long de la procédure d’asile (art. 11 et 16).

19. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures de substitution à la détention, pour éviter que des enfants soient placés dans des centres de détention pour migrants, et ce, dans tous ses pays constitutifs. Il devrait également veiller à ce que les enfants non accompagnés demandeurs d’asile aient effectivement accès à une assistance appropriée, notamment à une aide juridique, tout a u long de la procédure d’asile.

Formation

20.Le Comité constate que des formations approfondies sont dispensées aux agents de l’État, notamment en ce qui concerne le traitement des détenus, le recours à la force, l’identification des personnes vulnérables parmi les demandeurs d’asile et leur orientation. Il regrette toutefois l’absence de renseignements sur les formations dispensées aux membres des forces de l’ordre à tous les niveaux, sur le nombre total de personnes visées, le pourcentage de personnes formées et la périodicité de ces formations.Le Comité relève également qu’aucune information n’a été donnée au sujet des formations concernant les dispositions de la Convention qui sont dispensées aux agents de l’État à Sint Maarten (art. 10).

21. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que l’enseignement, l’information et les instructions concernant l’interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation du personnel médical et des autres personnes susceptibles d’intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit ;

b) Faire en sorte que la formation porte également sur la Convention et sur les instruments internationaux connexes, tels que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) ;

c) Élaborer et mettre en œuvre des programmes de formation sur les techniques d’enquête non coercitives ;

d) Élaborer et mettre en œuvre des méthodes spécifiques pour évaluer l’efficacité des programmes d’enseignement et de formation relatifs aux dispositions de la Convention qui sont déployés à l’intention des agents de l’État concernés et déterminer dans quelle mesure ces programmes contribuent à réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements.

Agence nationale de prévention de la torture

22.Le Comité constate que le Conseil de l’application des lois et d’autres organes d’inspection sont habilités à se rendre dans les lieux de détention situés dans la partie caribéenne des Pays-Bas, mais il demeure préoccupé de ce que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention n’est encore applicable que dans la partie européenne de l’État partie et de ce que le mécanisme national de prévention n’est pas habilité à mener des activités régulières de prévention en dehors de ce territoire. À ce sujet, le Comité prend note de l’intention exprimée par la délégation de rendre le Protocole facultatif applicable à Curaçao dès que possible. Il s’inquiète des informations concordantes selon lesquelles non seulement que le mécanisme national de prévention ne disposerait pas de ressources suffisantes, mais il ne jouirait pas, en outre, de l’indépendance voulue. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles le mécanisme n’assure pas une surveillance efficace dans les lieux de détention loués à des pays étrangers, ni dans les lieux de détention de l’armée, notamment ceux se trouvant à l’étranger (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

23. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour retirer sa déclaration limitant l’application territoriale du Protocole facultatif à la seule partie européenne des Pays-Bas et garantir l’applicabilité du Protocole facultatif dans l’ensemble du pays, y compris la partie caribéenne. Eu égard aux précédentes recommandations du Comité (CAT/C/NLD/CO/5-6, par. 28), l’État partie devrait garantir la pleine indépendance financière et fonctionnelle, tant réelle que perçue, du mécanisme national de prévention, notamment en lui allouant un budget propre et spécifique, et envisager de revoir sa structure actuelle de façon qu’elle soit pleinement conforme aux directives concernant les mécanismes nationaux de prévention du Sous ‑ Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme (Principes de Paris). L’État partie devrait également veiller à ce que tout ce qui touche aux lieux de détention loués à des pays étrangers et des lieux de détention de l’armée, y compris ceux se trouvant à l’étranger, soit soumis à une surveillance efficace.

Institution nationale des droits de l’homme

24.Le Comité prend note de l’indication donnée par la délégation d’Aruba selon laquelle un projet de loi sur l’institution d’un médiateur et d’un médiateur des enfants fera l’objet d’un débat public, mais regrette que, malgré l’engagement pris en 2012 par les Gouvernements d’Aruba et de Curaçao dans le cadre de l’Examen périodique universel, aucun des territoires autonomes n’ait mis en place une institution nationale des droits de l’homme. Le Comité prend note des mécanismes existants en matière de droits de l’homme, notamment le Programme des droits de l’homme et le Bureau national de signalement des cas de traite d’êtres humains, mais regrette aussi que Sint Maarten ne prévoie pas, dans l’immédiat, de se doter d’une institution nationale des droits de l’homme (art. 2 et 12).

25. Le Comité renouvelle ses recommandations (CAT/C/NLD/CO/5-6, par. 29) tendant à ce que les Gouvernements d’Aruba et de Curaçao tiennent leur engagement de mettre en place des institutions nationales des droits de l’homme distinctes, à titre prioritaire. Le Gouvernement de Sint Maarten devrait également envisager de créer une institution nationale des droits de l’homme.

Détention provisoire

26.Le Comité prend note des mesures de substitution à la détention provisoire qui peuvent être appliquées, ainsi que des efforts que déploient le Ministère public et les autorités judiciaires pour qu’elles soient davantage utilisées, mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles une forte proportion de détenus seraient en détention provisoire et les mesures de substitution seraient peu utilisées. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles une forte proportion de mineurs détenus seraient en détention provisoire (80 %). Le Comité constate également avec préoccupation qu’en vertu des modifications apportées à la législation par les Pays-Bas en 2015, et qui doivent être adoptées par Curaçao, les motifs de placement en détention provisoire sont encore plus nombreux qu’auparavant, et craint qu’il n’y ait pas de garde-fous suffisants pour garantir que la détention provisoire ne soit utilisée qu’en dernier ressort. Le Comité prend note du projet de loi portant modification du Code de procédure pénale qui est en cours d’élaboration à Aruba, mais regrette la durée prolongée de la détention provisoire à Aruba et à Curaçao et l’absence d’information sur le nombre de personnes qui y sont en détention provisoire (art. 2, 11 et 16).

27. Le Comité rappelle ses recommandations précédentes (CAT/C/NLD/5-6, par. 20) et invite l’État partie à prendre des mesures :

a) Pour qu’il soit moins souvent recouru à la détention provisoire et que les décisions prescrivant une tell e mesure soient dûment motivées  ;

b) Pour que la détention provisoire ne soit utilisée qu’en dernier ressort, que des mesures de substitution soient envisagées et la présomption d’innocence respectée ;

c) Pour modifier la législation afin de réduire la durée maximale de la détention provisoire et limiter les motifs de placement en détention provisoire.

Détenus soupçonnés ou reconnus coupables d’acte de terrorisme

28.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’application du paragraphe a) de l’article 20 du règlement relatif à la classification, au placement et au transfert des détenus entraîne automatiquement le placement de toute personne soupçonnée ou reconnue coupable de terrorisme dans une unité de haute sécurité destinée à accueillir les terroristes, connue sous le nom de « TA », sans que cette personne fasse l’objet d’une évaluation individuelle. Il prend note des informations indiquant que les personnes détenues dans les TA sont fréquemment soumises à des régimes très restrictifs, prévoyant notamment des contacts limités avec l’extérieur et une surveillance constante. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes détenues dans des TA sont soumises à l’isolement cellulaire prolongé. Il est également préoccupé par les informations indiquant qu’il est fréquemment et régulièrement procédé à des fouilles à nu à l’issue des visites que les détenus reçoivent de l’extérieur, y compris de membres de leur famille proche et d’enfants, voire également avant celles-ci, ainsi que lorsqu’un détenu quitte la prison pour se rendre à une audience ou pour être entendu par la police. Il s’inquiète en outre de l’absence signalée de mécanisme efficace de plainte dans les TA et de l’absence de données statistiques sur le nombre de plaintes déposées par des personnes détenues dans de telles unités, sur la nature de ces plaintes et la suite qui y est donnée (art. 2, 12, 13 et 16).

29. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que le placement d’une personne soupçonnée ou reconnue coupable de terrorisme dans une unité de haute sécurité soit fondé sur une évaluation individualisée des risques et soit so umis à un réexamen périodique ;

b) Veiller à ce que les évaluations individuelles reposent sur des critères précis et objectifs, notamment le comportement constaté de l’intéressé, et soient étayées par des informations crédibles, concrètes, complètes et à jour, et à ce qu’elles aient pour objet de déterminer si le placement dans un établissement de haute sécurité est nécessaire et proportionné, comme l’exigent les obligations de l’État partie découlant du droit international et des normes internationales ;

c) Veiller à ce que les conditions dans les TA soient conformes aux Règles Nelson Mandela, en particulier en ce qui concerne l’isolement cellulaire et les contacts avec le monde extérieur ;

d) Limiter les fouilles à nu jusque-là pratiquées de manière systématique aux cas où cela est nécessaire pour garantir la sécurité et veiller à ce que les fouilles corporelles, si elles sont nécessaires, soient réalisées dans le respect de la dignité du détenu et par des agents du même sexe que le détenu concerné ;

e) Veiller à ce que les détenus des TA aient un accès adéquat à des mécanismes de plainte efficaces, et recueillir et publier des données statistiques sur le nombre et la nature des plaintes déposées par ces détenus, et sur la suite qui y est donnée ;

f) Veiller à ce que les personnes placées en détention provisoire parce qu’elles sont soupçonnées d’infractions terroristes, et qui sont en attente de jugement en première instance, ne soient pas placées dans les TA avec les personnes reconnues coupables d’infractions terroristes.

Conditions de détention

30.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que, dans la partie européenne du Royaume, les services de soins de santé dans les prisons sont inadéquats, et relève en particulier que l’examen médical des détenus nouvellement arrivés est souvent retardé, que les lésions traumatiques qui peuvent avoir été causées par des violences entre détenus ne sont pas dûment enregistrées et que les professionnels de santé ne se voient pas attribuer un rôle suffisamment actif. Le Comité regrette que les recommandations formulées à ce sujet par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (Comité européen pour la prévention de la torture) à la suite de la visite qu’il a effectuée en 2016 n’aient pas été mises en œuvre et prend également note avec préoccupation de la réponse de la délégation qui a indiqué qu’il n’était pas prévu de les mettre en œuvre. Il est en outre préoccupé par les informations concernant la piètre qualité des conditions de détention à Aruba, Curaçao et Sint Maarten, notamment l’insuffisance des conditions matérielles, des soins médicaux, en particulier les soins de santé mentale, et de la nourriture, et l’insuffisance de l’attention accordée aux détenus vulnérables (art. 11 et 16).

31. L’État partie devrait procéder à un examen de fond de ses services de soins de santé pénitentiaires en vue de mettre le système en conformité avec les recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT/Inf (2017) 1, par. 55). En particulier, il devrait veiller à ce qu’un examen médical soit pratiqué rapidement et de manière efficace et à ce que les blessures soient dûment consignées. Il devrait également faire en sorte que les conditions de vie dans les lieux de détention de tous ses pays constitutifs soient conformes aux normes internationales, telles que les Règles Nelson Mandela et les Règles de Bangkok.

Violence entre détenus

32.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que, dans la partie caribéenne des Pays-Bas, la fréquence des violences entre détenus fait peser une grave menace sur la sécurité des détenus et que l’administration pénitentiaire n’a pas pris de mesures efficaces pour remédier à ce problème. En outre, compte tenu de ses observations finales précédentes (CAT/C/NLD/CO/5-6, par. 23), le Comité regrette l’absence de renseignements sur les enquêtes menées sur les violences entre détenus à Aruba et à Curaçao (art. 12, 13 et 16).

33. L’État partie devrait renforcer les mesures visant à prévenir et à faire reculer la violence entre détenus, notamment en améliorant la gestion des prisons et en renforçant le suivi et la protection des détenus vulnérables. Il devrait également mener sans délai des enquêtes efficaces et impartiales sur les cas de violence entre détenus, en particulier dans la partie caribéenne des Pays-Bas et à Aruba et à Curaçao.

Personnes purgeant une peine de réclusion à perpétuité

34.Le Comité prend note des arrêts sur le droit à l’espoir rendus récemment par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (voir Murray c. Pays-Bas ) et par la Cour suprême néerlandaise (affaire no 15/00402, ECLI:HR:2016:1325), dans lesquels celles-ci ont conclu qu’une condamnation à perpétuité sans perspective de libération pouvait constituer un traitement dégradant et inhumain contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, et de la création subséquente par l’État partie du Comité consultatif relatif aux personnes purgeant une peine de réclusion à perpétuité, qui est chargé de réexaminer les condamnations à la réclusion à perpétuité. Toutefois, il est préoccupé de constater que ce réexamen, qui intervient après vingt-cinq années de détention, a pour objet de déterminer s’il convient d’autoriser le détenu condamné à une peine d’emprisonnement à vie à entreprendre des activités de réinsertion et que la décision concernant l’opportunité de lui accorder la grâce n’est prise que deux ans plus tard. En outre, s’il constate que le Comité consultatif est composé d’experts indépendants, notamment d’anciens juges, le Comité constate néanmoins avec préoccupation que la décision finale appartient au Secrétaire d’État (art. 11).

35. Compte tenu du droit à l’espoir, l’État partie devrait faire en sorte que les détenus purgeant une peine de réclusion à perpétuité aient des perspectives de remise en liberté ou de réduction de leur peine au bout d’une période raisonnable, et mettre en place dans tous ses pays constitutifs un mécanisme judiciaire indépendant aux fins du réexamen périodique de la situation de ces détenus. En outre, ces détenus devraient être informés dans les meilleurs délais de la possibilité que leur peine soit réexaminée ou réduite.

Justice pour mineurs

36.Le Comité prend note des explications données par la délégation, mais est préoccupé par le fait qu’en vertu de la loi pénale relative aux adolescents et du paragraphe b) de l’article 77 du Code pénal néerlandais, les mineurs âgés de 16 et 17 ans peuvent être jugés comme des adultes, selon le droit pénal ordinaire, en cas d’infraction grave (homicide, par exemple), et peuvent être placés dans des établissements pénitentiaires pour adultes pour accomplir leur peine. Il regrette également la réserve formulée par l’État partie au sujet de l’article 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui permet de s’entretenir avec un enfant ou de l’interroger en l’absence d’un avocat ou de ses parents, dans les affaires portant sur des infractions mineures (art. 11, 12 et 16).

37. L’État partie devrait garantir la pleine application des normes relatives à la justice pour mineurs, en particulier l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Il devrait, en particulier :

a) Modifier sa législation de façon que les mineurs ne soient pas jugés selon le droit pénal pour adultes et ne purgent pas leur peine dans un établissement pénitentiaire pour adultes, conformément au droit international ;

b) Veiller à ce que les mineurs ne soient placés en détention qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, à ce qu’ils soient séparés des adultes et bénéficient de toutes les garanties juridiques, notamment le droit à l’assistance d’un avocat, et appliquer des mesures non privatives de liberté aux mineurs en conflit avec la loi ;

c) Assurer et améliorer la formation aux questions de justice pour mineurs de tous les professionnels intervenant dans le système de justice pour mineurs et veiller à ce que cette formation ne couvre pas seulement les normes internationales pertinentes, notamment les Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels, mais comprenne aussi des modules sur des thèmes précis tels que la conduite des interrogatoires dans le cas de mineurs délinquants, ainsi que de victimes ou de témoins mineurs.

Enfants placés dans des établissements fermés de protection de la jeunesse

38.Le Comité note que de nouvelles lois sont en cours d’élaboration pour garantir les droits des enfants concernés et faire en sorte que ces enfants soient moins nombreux, mais est préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie place un grand nombre d’enfants, notamment des enfants victimes de violences sexuelles, dans des établissements fermés de protection de la jeunesse (2 710 en 2017), et qu’il est recouru à la force et à la contrainte, voire à des placements en chambre d’isolement contre ces enfants. Il regrette également l’absence d’informations sur les mesures restrictives utilisées contre ces enfants (art. 11 et 16).

39. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour améliorer la situation des enfants placés dans des établissements fermés de protection de la jeunesse, notamment appliquer effectivement le Programme d’action relatif à l’aide aux jeunes 2018 qui a été annoncé par le Ministère de la santé, de la protection sociale et des sports et accélérer l’élaboration de nouvelles lois visant à garantir les droits de ces enfants. Il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants contre l’emploi de la force, de la coercition et de la contention et enquêter sur toutes les allégations de recours à ce type de moyens. En outre, il devrait mettre en place des mesures de protection appropriées pour les enfants victimes de violences sexuelles qui sont placés dans des centres fermés de protection de la jeunesse, mener des programmes adaptés d’accompagnement psychosocial et de réinsertion à l’intention de ces enfants et recueillir des données détaillées sur le placement d’enfants dans ces établissements, comme l’a recommandé le Rapporteur national néerlandais sur la traite des êtres humains et la violence sexuelle contre les enfants.

Internement dans des établissements de soins de santé mentale

40.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie à l’égard des personnes présentant un handicap mental, notamment l’adoption du projet de loi relatif aux soins de santé mentale obligatoires et du projet de loi partiellement modifié relatif aux soins et à la contrainte, ainsi que du fait qu’il est prévu de fermer toutes les chambres d’isolement dans 12 grands établissements de santé mentale d’ici à 2020, mais est préoccupé par le grand nombre de placements d’office dans des établissements de soins de santé mentale. Le Comité regrette l’absence d’informations précises sur la durée du maintien à l’isolement, l’utilisation de moyens de contention et l’encadrement médical de ces mesures (art. 11 et 16).

41. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (voir CAT/C/NLD/CO/5-6, par. 21) tendant à ce que l’État partie :

a) Élabore des mesures de substitution visant à réduire le nombre de personnes présentant un handicap mental qui sont internées de force, et veille à ce que l’internement d’office dans des lieux de privation de liberté, notamment les établissements psychiatriques et sociaux, se fasse sur la base d’une décision de justice et soit assorti de toutes les garanties juridiques applicables ;

b) N’ait recours aux moyens de contention et au placement à l’isolement qu’en dernier ressort, quand tous les autres moyens pouvant être utilisés pour maîtriser la personne concernée ont échoué, pour la période la plus courte possible et sous un contrôle médical strict, et mette effectivement en œuvre le projet de fermer toutes les chambres d’isolement dans 12 grands établissements de santé mentale d’ici à 2020 ;

c) Abaisse le seuil d’exigences pour la prise en charge ambulatoire et améliore la qualité des soins dispensés dans ce cadre, précise les critères d’admission des établissements de soins de santé mentale et veille à ce que les droits fondamentaux des patients ne soient pas violés.

Armes à impulsion électrique (« Tasers ») et gaz poivré

42.Le Comité constate avec préoccupation que malgré ses recommandations précédentes dans lesquelles il mettait en garde l’État partie contre la distribution généralisée d’armes à impulsion électrique (« Tasers ») aux membres de la police et contre l’utilisation régulière de ces armes, l’État partie a mené un essai pilote, de février 2017 à février 2018, sans fournir d’instructions claires quant aux restrictions applicables à leur utilisation. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles durant cette période, des membres de la police ont utilisé des « Tasers » dans des situations où il n’y avait pas de risque réel et immédiat d’atteinte à la vie ou de blessure grave, y compris dans des cas où les personnes prises pour cible étaient déjà en garde à vue. Il est également préoccupé par les informations indiquant que ces armes sont souvent utilisées en mode dit « paralysant », lequel a pour seul but d’infliger des douleurs, et faisant état de cas dans lesquels des « Tasers » ont été utilisés contre des mineurs ou des personnes présentant un handicap mental, dans des établissements de soins de santé. En outre, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la réglementation concernant l’utilisation du gaz poivré n’est pas pleinement conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité et que le nouveau projet d’instructions concernant le recours à la force abaissera encore le seuil à partir duquel il pourra être recouru à la force et permettra l’utilisation de ce gaz contre des personnes vulnérables, notamment les femmes enceintes et les enfants (art. 2, 11 et 16).

43. Eu égard aux précédentes recommandations du Comité (CAT/C/NLD/CO/5-6, par. 27), l’État partie devrait :

a) S’abstenir de procéder à une distribution généralisée d’armes à impulsion électrique aux membres de la police et d’autoriser l’utilisation de ces armes dans les activités ordinaires de la police, en soumettre l’emploi à des conditions très restrictives et s’employer à prévenir le recours excessif à la force ;

b) Veiller à ce que les armes à impulsion électrique soient utilisées exclusivement dans des situations bien définies dans lesquelles il y a un risque réel et immédiat d’atteinte à la vie ou de blessure grave, à la place d’armes létales, et par des membres formés des forces de l’ordre uniquement ;

c) Interdire expressément l’utilisation des armes à impul sion électrique et du gaz poivré contre les personnes vulnérables, notamment contre les mineurs et les femmes enceintes, et dans les établissements de soins de santé, notamment les établissements de santé mentale, et interdire en part iculier l’utilisation d’armes à  impulsion électriqu e dans les lieux de détention ;

d) Veiller à ce que les instructions concernant l’utilisation des armes à impul sion électrique et le gaz poivré mettent l’accent sur l’interdiction absolue de la torture et le fait qu’il convient de respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, en pleine conformité avec la Convention et les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois ;

e) Instaurer des garanties contre l’utilisation abusive des armes à impul sion électrique et du gaz poivré , et prévoir des programmes de formation et de sensibilisation appropriés à l’intention les membres des forces de l’ordre ;

f) Surveiller et revoir régulièrement l’utilisation des armes à impul sion électrique et du gaz poivré et fournir au Comité des renseignements à ce sujet.

Mauvais traitements infligés par la police sur la base du profilage racial

44.Le Comité prend note des programmes de formation qui sont en place pour combattre le profilage racial par les membres des forces de l’ordre, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles la police continue à cibler les minorités raciales lors des interpellations suivies de fouille, ce qui constitue un traitement dégradant. Il regrette également que les interpellations et les fouilles pratiquées par la police en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés ne donnent pas systématiquement lieu à un suivi et à l’établissement de rapports (art. 2, 12 à 14 et 16).

45. L’État partie devrait prendre des mesures pour surveiller les interpellations, les fouilles et les arrestations et prévenir à cet égard les pratiques arbitraires basées sur le profilage racial et veiller à ce que les mesures coercitives soient utilisées à bon escient et de manière efficace. À ce sujet, il devrait réaliser une étude sur la pratique du profilage racial, afin d’en identifier les causes et d’y apporter des solutions. L’État partie devrait également redoubler d’efforts pour faire suivre à la police des programmes adéquats de formation et de sensibilisation destinés à combattre les préjugés et les stéréotypes, et en évaluer régulièrement les effets et l’efficacité.

Traite des êtres humains

46.Le Comité prend note des mesures positives qui ont été prises par l’État partie, notamment l’étude réalisée par le Rapporteur national sur la traite des êtres humains et la violence sexuelle contre les enfants et les formations qui ont été mises en place à l’intention des fonctionnaires du Ministère des affaires sociales et de l’emploi sur les moyens de déceler les signes de la traite, mais il est préoccupé par le grand nombre d’enfants victimes de la traite qui sont répertoriés (2 014 entre 2014 et 2015) et le nombre apparemment encore plus grand de victimes qui ne sont pas recensées. S’il constate que plusieurs campagnes de sensibilisation à l’exploitation par le travail et à l’exploitation sexuelle ont été mises en place, le Comité demeure néanmoins préoccupé par les informations indiquant que les agents de l’État et d’autres professionnels, y compris le personnel médical, qui sont susceptibles d’être en contact avec des victimes de la traite seraient peu informés à ce sujet (art. 2, 12, 14 et 16).

47. L’État partie d evrait redoubler d’efforts pour  :

a) Prévenir et combattre la traite des êtres humains, en pa rticulier la traite des enfants  ;

b) Renforcer les programmes de formation destinés à la police, aux procureurs et aux juges sur les moyens de prévenir efficacement les actes relevant de la traite, les mesures d’enquête à ce sujet, les poursuites à engager et les sanctions applicables, et sensibiliser les fonctionnaires compétents dans les municipalités, ainsi que le grand public, au caractère criminel de ces actes ;

c) Faire en sorte que des enquêtes soient menées sur les cas de traite d’êtres humains, que les responsables soient poursuivis et, le cas échéant, punis au moyen de sanctions appropriées, et à ce que les victimes bénéficient d’une réparation appropriée, notammen t d’une indemnisation adéquate.

Violence faite aux femmes

48.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour combattre la violence faite aux femmes, mais il est préoccupé par les faits liés aux actes ou omissions d’agents de l’État ou commis avec leur consentement exprès ou tacite au vu de l’ampleur de la violence faite aux femmes, en particulier les violences familiales et les crimes dits d’honneur. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités municipales n’offrent pas de mesures de protection adéquates aux victimes de ces infractions, qui doivent souvent attendre pour bénéficier de services d’appui. Le Comité regrette aussi l’absence de statistiques récentes sur le nombre de plaintes portant sur des cas de violence familiale et de données ventilées concernant la violence faite aux femmes à Aruba, Curaçao et Sint Maarten (art. 2, 13, 14 et 16).

49. L’État partie devrait  :

a) Intensifier son action de lutte contre la violence faite aux femmes, en particulier la violence familiale et les crimes dits d’honneur, dans tous ses pays constitutifs, notamment au moyen de mesures de protection adéquates et de financements, de ressources et d’effectifs suffisants ;

b) Veiller à ce que toutes les femmes victimes de violences, notamment les migrantes et les femmes dans le besoin, aient accès à des services médicaux et juridiques, à un accompagnement, à un hébergement d’urgence sécurisé et à des foyers ;

c) Établir des statistiques complètes sur toutes les formes de violences faites aux femmes qui sont liées à des actes ou omissions d’agents de l’État et d’autres personnes engageant la responsabilité de l’État conformément à la Convention, et les transmettre au Comité en précisant combien de ces personnes sont inculpées, poursuivies et punies pour torture, mauvais traitements ou pour d’autres infractions en application du Code pénal.

Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres

50.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles nombre de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont l’objet de crimes de haine en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, et les auteurs présumés ne seraient pas toujours traduits en justice (art. 2, 12, 14 et 16).

51. L’État partie devrait prendre toutes les mesures qui s’imposent pour protéger les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres des menaces et de toute forme de violence, y compris des crimes de haine. Il devrait également faire en sorte que les actes de violence commis contre des lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres donnent lieu sans délai à une enquête impartiale et approfondie et que les auteurs soient poursuivis et punis.

Personnes intersexes

52.L’État partie est préoccupé par les informations indiquant que des interventions chirurgicales et d’autres traitements médicaux non nécessaires et irréversibles sont pratiqués sur des enfants intersexes, sans leur consentement éclairé et sans un conseil impartial. Il constate avec préoccupation que ces procédures, qui engendrent des souffrances physiques et psychologiques de longue durée, n’ont donné lieu à aucune enquête, sanction ou réparation et qu’aucune disposition législative précise ne prévoit de mesures de réparation et de réadaptation pour les victimes.

53. L’État partie devrait  :

a) Prendre les mesures législatives, administratives et autres qui s’imposent pour garantir le respect de l’intégrité physique et de l’autonomie des personnes intersexes et faire en sorte qu’aucun nourrisson ni aucun enfant ne soit soumis à des procédures médicales ou chirurgicales visant à lui assigner un sexe sans son consentement éclairé, qui ne présentent aucun caractère d’urgence ;

b) Garantir à tous les enfants intersexes et à leurs parents des services de conseil et d’accompagnement psychologique et social impartiaux, afin de les informer des conséquences que peuvent avoir les interventions chirurgicales et autres traitements médicaux visant à assigner un sexe à l’enfant, qui ne présentent aucune nécessité ni aucun caractère d’urgence, et de la possibilité de différer toute décision portant sur une telle procédure ou intervention chirurgicale jusqu’à ce que l’intéressé puisse la prendre lui-même ;

c) Garantir que l’on s’assure du consentement plein, libre et éclairé de l’intéressé s’agissant des traitements médicaux et chirurgicaux destinés aux personnes intersexes et veiller à ce que toute intervention médicale irréversible qui ne présente pas de caractère d’urgence soit différée jusqu’à ce que l’enfant soit assez mûr pour participer à la décision et d onner son consentement effectif  ;

d) Enquêter sur les cas de personnes intersexes qui ont été opérées ou ont fait l’objet d’autres procédures médicales sans leur consentement et poursuivre les responsables et les sanctionner. Il devrait également veiller à ce que les victimes obtiennent réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation adéquate.

Réparation

54.Le Comité constate que la loi portant application de la Directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits et la protection des victimes de la criminalité est entrée en vigueur en 2017, mais il est préoccupé par l’absence d’information sur les mesures de réparation, notamment les mesures d’indemnisation prescrites par les tribunaux et d’autres organes de l’État partie et effectivement accordées aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements ou à leurs proches, à Aruba, Curaçao et Sint Maarten (art. 14).

55. L’État partie devrait faire le nécessaire, sur le plan législatif, pour que les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements obtiennent une réparation complète et effective, comprenant notamment une indemnisation et les moyens nécessaires à leur réadaptation aussi complète que possible. En particulier, Aruba, Curaçao et Sint Maarten devraient intensifier leur action pour remédier aux difficultés d’ordre législatif et d’ordre pratique afin d’assurer une indemnisation adéquate aux victimes. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 3 (2012) sur l’application de l’article 14 par les États parties, dans laquelle il apporte des précisions sur la nature et la portée des obligations qui incombent aux État parties pour assurer une réparation complète aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. L’État partie devrait également fournir au Comité des renseignements sur les mesures de réparation et d’indemnisation, notamment sur les moyens de réadaptation, prescrites par les tribunaux et autres organes de l’État partie et effectivement accordées aux victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements.

Collecte de données

56.S’il prend note des données fournies dans l’annexe du rapport de l’État partie, le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence de données détaillées sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites, de déclarations de culpabilité et de sanctions dans des affaires concernant des actes de torture et des mauvais traitements dans l’ensemble de l’État partie.

57. Rappelant ses précédentes observations finales (CAT/C/NLD/CO/5-6, par.  30), le Comité recommande à l’État partie de lui fournir des données statistiques utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, qui soient ventilées par infraction, origine ethnique, âge et sexe, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les sanctions pénales ou disciplinaires auxquelles ont donné lieu des actes de torture et des mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre, des agents des forces de sécurité, des militaires et des agents pénitentiaires, ainsi que sur les mesures de réparation, notamment les mesures d’indemnisation et de réadaptation, prises en faveur des victimes.

Procédure de suivi

58. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir au plus tard le 7 décembre 2019 des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant le principe de non-refoulement, les examens médicaux dans le cadre de la procédure d’asile et l’Agence nationale de prévention de la torture (voir paragraphes 12 a) et b), 14 a) et b) et 23). Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

59. Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie.

60. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales et à informer le Comité des activités qu’il aura menées dans ce domaine.

61. Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodi que, qui sera le huitième, le 7  décembre 2022 au plus tard. À cette fin, et compte tenu du fait que l’État partie a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui adressera en temps voulu une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le huitième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention.