Nations Unies

CAT/C/71/D/802/2017

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

2 septembre 2021

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité contre la torture au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 802/2017 *’ **

Communication p résentée par :

Z. (représentée par un conseil, John Sweeney)

Victime(s) présumée(s) :

La requérante

État partie :

Australie

Date de la requête :

1er février 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 115 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 6 février 2017 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

21 juillet 2021

Objet :

Expulsion vers la Chine

Question(s) de procédure :

Recevabilité, défaut manifeste de fondement ; recevabilité ratione materiae

Question(s) de fond :

Non-refoulement ; torture

Article(s) de la Convention :

3

1.1La requérante est Z., de nationalité chinoise, née dans les années 1970. Elle affirme que l’État partie, en l’expulsant vers la Chine, violerait les droits qu’elle tient de l’article 3 de la Convention. L’Australie a fait la déclaration prévue à l’article 22 (par. 1) de la Convention le 28 janvier 1993. La requérante est représentée par un conseil, John Sweeney.

1.2Le 6 février 2017, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a décidé de ne pas demander de mesures provisoires en application de l’article 114 de son règlement intérieur.

Rappel des faits présentés par la requérante

2.1En 2006, la requérante a commencé à pratiquer le Falun Gong. En 2008, trois individus qui se présentaient comme des fonctionnaires du bureau de la sécurité publique de Fengman sont venus chez elle. Ils ont effectué une perquisition et confisqué des documents concernant le Falun Gong. Ils ont ensuite conduit la requérante dans un centre de détention à Jilin, où elle a été interrogée par des policiers. Comme elle n’a pas pu répondre à leurs questions d’une manière qui les satisfaisait, les policiers l’ont battue. Ils l’ont également privée de nourriture et d’eau et ont menacé de la transférer dans une prison. La requérante a été libérée une semaine plus tard, après que son père a versé une caution de 10 000 yuan.

2.2La requérante a continué à pratiquer le Falun Gong, notamment en distribuant des brochures sur ce mouvement. En février 2011, craignant pour la sécurité de son fils, elle l’a envoyé en Australie pour ses études. Par la suite, à une date non précisée, le mari de la requérante a également quitté la Chine pour l’Australie.

2.3Le 10 novembre 2012, la requérante est arrivée en Australie avec un visa touristique. En février 2013, elle a demandé un visa de protection à l’Australie et a obtenu un visa temporaire dans l’attente d’une décision sur sa demande. Elle a continué à pratiquer le Falun Gong et a participé à des manifestations de protestation s’y rapportant.

2.4Le 13 novembre 2013, le Ministre australien de l’immigration a rejeté la demande de visa de protection déposée par la requérante. Le 15 avril 2014, le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a rejeté le recours formé par la requérante contre la décision ministérielle. Dans son jugement, le tribunal a souligné les contradictions entre les déclarations de la requérante et de son mari concernant la pratique du Falun Gong par l’intéressée. Il a considéré que les déclarations de la requérante sur cette question n’avaient pas été sincères.

2.5Le 15 mai 2014, la requérante a demandé un contrôle juridictionnel de la décision du tribunal. Le 23 février 2016, le tribunal de circuit fédéral a rejeté son recours. Le 22 décembre 2016, le tribunal fédéral a rejeté l’appel que la requérante avait formé contre la décision du tribunal de circuit fédéral. Quand le tribunal fédéral a publié sa décision sur Internet, il n’en a supprimé ni le nom de la requérante ni celui des trois pratiquants du Falun Gong qui avaient témoigné en sa faveur. La publication de la décision était donc contraire à la loi sur la protection de la vie privée et à la loi sur les migrations. Le 6 avril 2017, la Haute Cour a rejeté la demande d’autorisation spéciale de la requérante de former recours contre la décision du tribunal fédéral.

2.6À une date non précisée, la requérante a déposé une plainte auprès du bureau du commissaire à l’information, compétent pour les questions relatives à la loi sur la protection de la vie privée. La requérante est également en train de rédiger une plainte destinée au président du tribunal fédéral. Toutefois, aucune de ces mesures ne peut éliminer le risque accru de préjudice auquel elle serait exposée en cas de renvoi en Chine et qui résulte de l’erreur commise par le tribunal fédéral.

2.7Le 23 janvier 2017, le Ministre de l’immigration a rejeté la demande d’intervention ministérielle présentée par la requérante au titre de l’article 417 de la loi sur les migrations. La requérante a été priée de quitter l’Australie dans un délai d’une semaine. Elle affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles.

Teneur de la plainte

3.1La requérante soutient que l’État partie, en l’expulsant vers la Chine, violerait les droits qu’elle tient de l’article 3 de la Convention, car elle y serait surveillée, harcelée et soumise à la torture par des agents de l’État en raison de son adhésion au Falun Gong. Certaines informations indiquent que des pratiquants du Falun Gong en Chine ont été torturés, emprisonnés pendant de longues périodes, soumis au travail forcé et exécutés. La requérante a fourni des preuves en ce sens aux autorités de l’État partie.

3.2Les autorités nationales ont commis une erreur en jugeant que la requérante n’était pas crédible. Par exemple, le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a accordé un poids important au fait que le mari de la requérante n’était pas certain que celle-ci avait pratiqué le Falun Gong après que lui-même avait quitté la Chine. Or le mari a pu dire qu’il n’était pas certain simplement parce qu’il n’était pas en Chine pour assister personnellement à la pratique du Falun Gong par son épouse. Toutefois, il a clairement déclaré qu’en 2006, la requérante avait rendu visite à sa tante et distribué des brochures sur le Falun Gong en Chine.

3.3Le tribunal a également considéré qu’il n’était pas plausible que la requérante ait été libérée sans avoir été contrainte à signer une déclaration attestant que la rééducation l’avait transformée. Il n’a pas non plus cru l’affirmation de la requérante selon laquelle elle avait été libérée au bout d’une semaine, sur paiement d’une caution par son père. Ces éléments de doute sont fondés sur des suppositions discutables du tribunal et devraient être écartés.

3.4Le tribunal, s’appuyant sur un article disponible sur Internet, s’est dit surpris que la requérante n’ait pas perdu son emploi en raison de sa pratique du Falun Gong. L’article cité ne conduit cependant pas à la conclusion à laquelle le tribunal est parvenu ; il y est dit que dans certains cas, des proches d’adeptes du Falun Gong qui avaient demandé au Gouvernement chinois de cesser de les persécuter ont été licenciés. La requérante n’a jamais prétendu avoir participé ouvertement à une action politique pour adresser une pétition au Gouvernement chinois. Elle a simplement dit qu’elle avait distribué des brochures. En outre, selon l’article cité par le tribunal, les policiers fouillent et pillent les maisons des adeptes du Falun Gong, et extorquent de l’argent aux proches pour une libération anticipée ou pour couvrir les frais de détention. Cette affirmation étaye manifestement les griefs de la requérante, mais le tribunal n’en a pas tenu compte.

3.5En outre, le tribunal a refusé d’entendre à l’audience les trois témoins qui avaient soumis des déclarations écrites en faveur de la requérante. Il a également jugé peu plausibles les explications de la requérante sur le temps qu’elle avait mis à quitter la Chine, bien qu’elle ait déclaré qu’elle était le principal soutien financier de la famille. De plus, en omettant de supprimer son nom dans la décision qu’il a publiée sur Internet, le tribunal fédéral a exposé la requérante à un risque accru de torture et de mauvais traitements en Chine. La requérante serait identifiée comme une adepte du Falun Gong si elle y était renvoyée. Elle craint des représailles pour avoir dénoncé le traitement que le Gouvernement chinois inflige aux adeptes du Falun Gong. Elle avance que le manque d’attention manifesté par le tribunal fédéral à son égard est choquant.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations datées du 27 juillet 2017, l’État partie considère que les allégations de la requérante concernant le risque qu’elle soit surveillée, harcelée et placée en détention sont irrecevables ratione materiae, parce que les obligations de non-refoulement que l’article 3 de la Convention lui impose sont limitées aux circonstances dans lesquelles il y a des motifs sérieux de croire que la personne faisant l’objet d’un renvoi sera soumise à la torture. L’allégation de la requérante selon laquelle il a été porté atteinte à sa vie privée est également irrecevable ratione materiae car elle ne relève pas de la Convention.

4.2Les griefs de la requérante sont également irrecevables parce qu’ils sont manifestement dénués de fondement. Les informations que la requérante a fournies sur la situation des adeptes du Falun Gong en Chine ne concernent pas sa situation personnelle. L’intéressée ne dit pas - et ne fournit aucune information qui laisse penser − qu’elle est une adepte notoire du Falun Gong, au point qu’elle présenterait un intérêt pour les autorités chinoises. Les autorités australiennes n’ont pas jugé crédible l’affirmation de la requérante selon laquelle elle est une adepte du Falun Gong et pratiquerait le Falun Gong à son retour en Chine. En novembre 2012, la requérante a pu quitter la Chine car elle détenait légitimement un passeport chinois qui lui avait été délivré à Jilin le 28 juillet 2011. Comme l’ont observé les autorités de l’État partie, le fait que la requérante a pu quitter légalement la Chine avec un visa touristique indique qu’elle ne présentait pas d’intérêt pour le Gouvernement chinois. Les informations sur le pays montrent que les dissidents présumés, y compris les adeptes du Falun Gong, ont des difficultés à obtenir des passeports et à quitter la Chine.

4.3Les autorités nationales ont également considéré comme non crédible l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait été détenue en 2008. La requérante n’a pas été en mesure d’expliquer de manière plausible comment les autorités chinoises avaient appris qu’elle pratiquait le Falun Gong, ni comment elles savaient qu’elle possédait des documents relatifs au Falun Gong à son domicile. Elle n’a pas expliqué pourquoi les autorités l’avaient prise pour cible en 2008, alors qu’elle pratiquait le Falun Gong depuis 2006. Lorsque ces questions ont été soulevées, la requérante a répondu qu’elle n’en savait rien.

4.4Les autorités nationales ont également examiné des informations relatives à un registre de personnes qui avaient été libérées de prison et de centres de détention ou de rééducation en Chine. Au vu de ces informations, elles ont estimé qu’il était peu plausible que le Gouvernement chinois n’ait pas remarqué que la requérante avait rendu visite à sa tante après sa libération. Elles ont également considéré qu’il était peu plausible que la requérante ait pu conserver son emploi après son arrestation.

4.5Les allégations de la requérante ont été examinées de manière approfondie par les autorités nationales dans le cadre de six procédures rigoureuses. La requérante était assistée par un interprète lors de l’entretien concernant sa demande de visa de protection, et lors de l’audience devant le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Les allégations de la requérante ont été examinées au regard des dispositions relatives à la protection complémentaire établies au paragraphe 36 2) aa) de la loi sur les migrations, qui intègrent les obligations de non-refoulement qu’imposent à l’État partie tant la Convention que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les documents examinés par les autorités nationales comprenaient des informations sur le pays publiées par Amnesty International, Human Rights Watch, le Ministère de l’intérieur du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, le Département d’État des États-Unis d’Amérique et le Ministère des affaires étrangères et du commerce de l’État partie. L’État partie prend au sérieux ses obligations de non-refoulement et s’en acquitte de bonne foi. Il sait que l’on peut rarement attendre des victimes d’actes de torture une parfaite exactitude et assure le Comité que les autorités nationales tiennent compte de cela lors de l’examen des dossiers. Toutefois, en l’espèce, ni les allégations de la requérante concernant sa pratique du Falun Gong ni ses allégations de torture n’ont été jugées crédibles.

4.6Le responsable qui a examiné la demande de la requérante aux fins d’un visa de protection a estimé que celle-ci avait soit arrangé, soit entièrement fabriqué ses allégations, et qu’elle n’avait pas dit la vérité. Il a relevé plusieurs contradictions dans les déclarations de l’intéressée et a conclu qu’elle n’avait subi aucune pression dans le cadre de son emploi ou de l’exercice de son droit à la liberté de circulation. Il a par exemple observé que la requérante était restée en Chine après sa libération en 2008. La requérante aurait pu quitter la Chine en 2011 avec un visa de représentant légal d’étudiant, mais elle a choisi de rester en Chine à ce moment-là. Elle a en revanche dit à son mari d’aller en Australie, alors qu’il ne présentait pour sa part aucun intérêt pour le Gouvernement chinois. Ce n’est qu’en 2012 qu’elle a quitté la Chine, alors qu’elle aurait eu les moyens de le faire plus tôt. Bien que le visa touristique de la requérante pour l’Australie ait été délivré le 23 octobre 2012, elle a quitté la Chine 18 jours plus tard, le 10 novembre 2012. Le responsable a estimé que ces faits n’étaient pas représentatifs du comportement d’une personne craignant d’être arrêtée et torturée de manière imminente par des agents du Gouvernement chinois.

4.7Le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a reconnu que la requérante avait participé à un certain nombre d’activités du Falun Gong en Australie et avait suivi des cours de Falun Gong. Il a cependant considéré qu’elle ne l’avait fait que pour étayer sa demande d’asile. Il a jugé que la requérante n’était pas crédible, et que ses déclarations contenaient des contradictions et étaient peu convaincantes. Quand le tribunal lui a demandé pourquoi elle avait mis autant de temps à quitter la Chine, la requérante a répondu qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait pratiquer le Falun Gong à l’étranger. À ce moment-là, la requérante n’a pas fait valoir l’argument invoqué dans la communication, à savoir qu’elle avait retardé son départ de Chine parce qu’elle était le principal soutien financier de la famille et que sa demande initiale de visa avait été rejetée.

4.8La requérante n’a pas étayé son allégation générale selon laquelle les conclusions des autorités nationales étaient choquantes. Elle conteste expressément la conclusion du tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés selon laquelle le document officiel qu’elle a présenté pour attester de sa détention en Chine était faux. Pourtant, les préoccupations du tribunal concernant l’authenticité du document étaient valables. Le document, intitulé « certificat du bureau de la sécurité publique du centre de détention de sécurité publique de la ville de Jilin : remise en liberté » indiquait que la requérante avait été détenue par le bureau de la sécurité publique de Fengman du 8 au 15 juillet 2008 en raison de son affiliation au Falun Gong. Il n’était ni daté ni signé. Certaines informations concernant la Chine montrent que, dans ce pays, les documents frauduleux sont largement disponibles, faciles à obtenir et couramment utilisés pour les demandes de visa. Le tribunal a donc interrogé la requérante au sujet du document en question. Celle-ci a déclaré que le document était authentique, mais le tribunal n’a pas trouvé sa réponse convaincante. L’État partie considère qu’il n’appartient pas aux autorités nationales d’authentifier de tels documents. Il incombe plutôt à la requérante d’établir un commencement de preuve à l’appui de ses affirmations, avec des éléments corroborant vérifiables.

4.9La requérante soutient également que le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés n’a pas interrogé les témoins qui auraient pu attester de sa participation aux activités du Falun Gong. Toutefois, le tribunal de circuit fédéral a examiné cette question et indiqué dans sa décision que, selon le compte rendu de l’audience, le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés avait interrogé l’avocat de la requérante sur les témoignages oraux qu’il proposait. En réponse, celui-ci avait confirmé que, oralement, les témoins ne s’écarteraient pas de leurs déclarations écrites. Le tribunal de circuit a également constaté que la requérante avait eu une possibilité réelle de faire valoir ses griefs et que le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés avait observé plusieurs contradictions dans les déclarations de l’intéressée.

4.10Le tribunal fédéral australien a considéré que le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés avait véritablement pris en compte la demande de la requérante de faire déposer les témoins à l’audience, et que la décision qu’il avait rendue n’était pas déraisonnable en droit. La requérante a déposé quatre demandes d’intervention ministérielle, les 19 janvier, 12 février, 10 mars et 8 mai 2017. Ces demandes ont été rejetées au motif que l’intéressée n’avait pas rempli les conditions requises pour une telle intervention. Dans sa demande datée du 12 février 2017, la requérante a formulé plusieurs allégations qu’elle n’a pas reprises dans la communication adressée au Comité. Par exemple, elle a affirmé que le 3 janvier 2017, deux policiers, accompagnés de membres du « comité résidentiel local », s’étaient rendus chez sa mère. La requérante a dit que ces individus avaient déclaré qu’ils savaient qu’elle avait demandé l’asile et qu’elle pratiquait le Falun Gong en Australie. Les individus avaient qualifié cela de trahison et de subversion du pouvoir de l’État. Ils avaient demandé à la mère de la requérante de prier sa fille de revenir en Chine aux fins d’une enquête sur cette affaire et avaient déclaré que si la requérante ne revenait pas, ils prendraient d’autres mesures. Ils avaient également dit aux voisins de la mère de la requérante de l’éviter. Le Ministère des affaires étrangères et du commerce australien a examiné ces allégations et conclu qu’elles n’étaient pas étayées. Le Ministère a également considéré qu’il était peu plausible que les autorités chinoises recherchent la requérante et qu’elles sachent que son nom avait été publié dans la décision du tribunal fédéral. Le Ministère a en outre considéré que le Gouvernement chinois n’avait pas montré d’intérêt pour la requérante avant son départ, étant donné qu’il lui avait permis de quitter le pays avec son propre passeport.

4.11Pour que l’obligation de non-refoulement qui incombe à un État partie au titre de l’article 3 de la Convention s’applique, les intéressés doivent démontrer qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’ils risquent personnellement d’être soumis à la torture. En l’espèce, la requérante n’a pas établi qu’il y avait des motifs sérieux de croire qu’elle courrait un tel risque en Chine.

4.12En ce qui concerne la publication du nom de la requérante dans la décision du tribunal fédéral, l’État partie reconnaît que la divulgation, qui s’est produite comme l’a décrit la requérante, constituait une violation de l’article 91X de la loi sur la protection de la vie privée. Toutefois, le 4 janvier 2017 − soit moins de deux semaines après la publication de la décision le 22 décembre 2016 − des avocats de l’État partie ont signalé l’erreur au Ministère des affaires étrangères et du commerce, et le tribunal a immédiatement retiré la décision de son site Web et des sites Web tiers, et l’a remplacée, le 6 janvier 2017, par une version dûment expurgée. L’erreur était temporaire et involontaire. En outre, le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a estimé que même si la requérante avait été identifiée et reconnue par les autorités chinoises, elle ne courrait pas un risque réel et significatif de préjudice à son retour. Ce tribunal a pris note des informations selon lesquelles les autorités chinoises considèrent qu’il est courant que les personnes qui dépassent la durée de leur visa en Australie déposent une demande de visa de protection. Il a donc considéré qu’il était très probable que les autorités chinoises aient connaissance du fait que les demandeurs d’asile se livrent à diverses activités dans le but d’obtenir l’asile. Il a également considéré qu’étant donné la pratique limitée du Falun Gong par la requérante en Australie et le comportement qui serait probablement le sien à son retour en Chine, il était peu probable que les autorités chinoises s’intéressent à elle à son retour. Bien que l’État partie reconnaisse qu’il peut y avoir un risque de préjudice, y compris de torture, pour les pratiquants du Falun Gong en Chine, il a conclu que la requérante n’était pas une véritable adepte du Falun Gong. La requérante n’a pas démontré qu’en raison de la divulgation temporaire et involontaire de son nom et de ses demandes de protection dans la décision non expurgée du tribunal fédéral, elle courait personnellement un risque réel et prévisible d’être torturée par les autorités chinoises. En outre, la requérante n’a relevé aucune erreur de fait ou de droit dans les décisions des autorités nationales. Pour ces raisons, l’État partie considère que la communication est dénuée de fondement.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Dans ses commentaires datés du 24 octobre 2018, la requérante rappelle ses arguments antérieurs et soutient que la divulgation de son nom et de sa demande de protection relève absolument du champ d’application de la Convention, car le risque qu’elle soit torturée à son retour en Chine s’en est trouvé accru. Cet acte négligent, dangereux et illégal démontre que les procédures devant les autorités nationales n’étaient guère aussi rigoureuses que l’affirme l’État partie. Contrairement à ce qu’avance l’État partie, la requérante a fourni au Comité des motifs sérieux de croire qu’elle serait torturée si elle était renvoyée en Chine. En commençant par la surveillance, le processus de persécution s’intensifierait et aboutirait à la torture ou à la mort de l’intéressée. Des rapports indiquent que les adeptes du Falun Gong sont torturés en Chine. La requérante a été sincère dans les déclarations qu’elle a faites aux autorités de l’État partie concernant sa pratique du Falun Gong.

5.2Les autorités australiennes se sont trompées dans leur compréhension des pratiques du Gouvernement chinois en matière de contrôle des sorties. La requérante a été prise pour cible par des agents locaux de la sécurité publique et rien ne dit dans quelle mesure les différentes branches de l’administration chinoise communiquent entre elles. On ne peut donc pas savoir si les problèmes de la requérante à Jilin auraient amené les autorités nationales chinoises à l’empêcher de quitter le pays. En outre, par le passé, le Gouvernement chinois a délibérément cherché à exiler des dissidents. La requérante cite le passage suivant d’un rapport publié par Human Rights Watch en 1995 :

« Parmi les personnes sur la liste figurent manifestement un certain nombre d’anciens prisonniers politiques qui, suite aux pressions diplomatiques soutenues du Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur la question du statut de nation la plus favorisée de la Chine, ont finalement obtenu des passeports ou des permis de sortie et ont été autorisés à quitter temporairement la Chine et à se rendre aux États-Unis pour des études ou des raisons médicales. Avant août 1991, période où la majorité des interdictions de séjour ont été émises, la Chine avait, dans la plupart des cas, empêché ces personnes ou leurs proches de quitter le pays. Les interdictions de séjour, qui sont apparues alors que le débat public aux États-Unis sur l’octroi du statut de nation la plus favorisée à la Chine s’intensifiait, ont annoncé un changement de politique qui a permis au Gouvernement chinois d’atteindre simultanément deux objectifs. Les autorités ont permis à des dissidents de partir, semblant ainsi apaiser les critiques des États-Unis sur le respect des droits de l’homme, alors qu’elles poursuivaient secrètement une politique d’envoi d’anciens prisonniers politiques et d’autres dissidents en exil involontaire à l’étranger. »

À la lumière de ce passage, le fait que la requérante a pu quitter légalement la Chine ne remet pas en cause son affirmation selon laquelle elle a été arrêtée pour avoir pratiqué le Falun Gong.

5.3L’État partie attire l’attention sur le fait que la requérante, quand les autorités nationales lui ont demandé pourquoi elle avait été prise pour cible en 2008, a répondu qu’elle ne le savait pas. Or on ne peut pas s’attendre à ce que la requérante comprenne les motivations du bureau de la sécurité publique en Chine. L’État partie argue également que la requérante n’a pas une grande notoriété publique. Pourtant l’intéressée n’a jamais prétendu avoir eu une telle notoriété en Chine. Les adeptes du Falun Gong qui n’ont pas une grande notoriété sont aussi exposés à un risque de torture. En tout état de cause, du fait de la divulgation de son nom par le tribunal fédéral, la requérante a désormais une certaine notoriété.

5.4Les autorités nationales ont également commis une erreur en jugeant que le maintien de la requérante dans son emploi après son arrestation n’était pas plausible. L’intéressée était employée par une imprimerie privée, et les employeurs privés en Chine ont la liberté de choisir leurs salariés. Elle cite certaines informations montrant que les dissidents qui travaillent dans le secteur privé ont moins de difficultés à trouver un emploi que ceux qui travaillent dans le secteur public.

5.5Quant à la raison pour laquelle elle est restée en Chine après le départ de son fils et de son mari, la requérante a informé le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés qu’à cette époque elle ne savait pas que la pratique du Falun Gong était permise hors de Chine. À son arrivée en Australie, son mari l’a informée que le Falun Gong pouvait y être pratiqué légalement. Cette information l’a incitée à demander un passeport pour se rendre en Australie. En mars 2012, sa demande de visa touristique pour l’Australie a été rejetée. L’agent des migrations qui s’occupait du dossier de la requérante en Chine lui a conseillé d’attendre six mois avant de faire une nouvelle demande. La requérante a présenté une nouvelle demande en septembre 2012, obtenu un visa pour l’Australie en octobre 2012 et a quitté la Chine le mois suivant.

5.6La requérante est restée en Chine après son arrestation parce qu’elle était le principal soutien financier de la famille. Elle n’a jamais dit aux autorités de l’État partie qu’elle était confrontée à une menace imminente en Chine ; elle a dit craindre que des fonctionnaires du bureau de la sécurité publique ne l’arrêtent à nouveau. Elle a affirmé devant les autorités de l’État partie qu’elle avait quitté la Chine parce que son gouvernement persécutait les adeptes du Falun Gong. Il était sous-entendu que la requérante serait affectée par cette persécution générale. L’idée d’une « menace imminente » qu’elle aurait mise en avant a été introduite par les autorités de l’État partie, et non par la requérante elle-même. Une personne qui a été arrêtée et torturée a tendance à croire que ces actes se reproduiront à un moment donné, même si ce n’est pas dans les deux ou trois jours après. Ainsi, l’absence de crainte imminente ne signifie pas nécessairement que la crainte de la requérante n’était pas fondée. Le fait qu’elle a été torturée par le passé est un signe raisonnable qu’elle risque de l’être à nouveau.

5.7En affirmant qu’il incombe à la requérante de prouver l’authenticité du document attestant de sa détention en Chine, l’État partie donne à penser qu’il rejetterait comme non authentique tout document officiel délivré en Chine. Une telle position est extraordinaire.

5.8Le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés ne s’est pas montré cohérent lorsqu’il a conclu que le temps mis par la requérante pour quitter la Chine n’était pas logique. Plus précisément, le tribunal a déclaré, d’un côté, que le mari de la requérante aurait pu rester en Chine parce qu’il n’avait eu aucun problème avec la police ou d’autres autorités et, de l’autre, que si la requérante avait été en danger en Chine, son mari et son fils l’auraient été également : il se contredit donc.

5.9En ce qui concerne le refus du tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés d’entendre oralement les trois témoins, la requérante fait valoir que les références de ceux-ci en matière de Falun Gong étaient inattaquables. Le tribunal aurait pu leur demander si l’adhésion de la requérante aux croyances du Falun Gong était sincère, ou ce que la requérante leur avait dit sur ses expériences en Chine. Or le tribunal a refusé d’entendre les témoins et a écarté leurs déclarations écrites sans se justifier.

5.10Dans une affaire distincte concernant une violation de la vie privée commise par le Ministère de l’immigration, lequel avait publié sur Internet les données personnelles de près de 10 000 personnes détenues dans le cadre de l’immigration, la Haute Cour a rendu le 31 janvier 2014 une décision dans laquelle elle a déclaré que l’hypothèse émise dans le cadre de l’appréciation des obligations découlant des traités internationaux selon laquelle les autorités bangladaises et chinoises avaient pu avoir accès à ces informations personnelles avait écarté du champ de l’enquête factuelle toute question visant à déterminer précisément qui avait eu accès auxdites informations à la suite de la violation des données. Cette hypothèse était raisonnable car l’étendue réelle de l’accès aux informations personnelles de chaque demandeur concerné était, en pratique, nécessairement inconnue. Une fois téléchargé du site Web du Ministère, le document contenant les informations personnelles des 9 258 demandeurs de visa aurait pu être transmis à n’importe qui et examiné par n’importe qui, n’importe où et à n’importe quel moment. Tenter de déterminer avec précision qui avait eu accès aux informations personnelles de l’un d’entre eux, et à quel moment, était probablement une entreprise tout à fait vaine. La requérante soutient que le même raisonnement s’applique en l’espèce. Il est logique de supposer que le Gouvernement chinois a entre les mains la version non modifiée de la publication du tribunal fédéral. Il n’est pas possible de prétendre qu’aucun dommage n’a été causé. Peu importe que le tribunal fédéral n’ait pas eu l’intention de causer un préjudice.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.Dans ses observations complémentaires datées du 2 avril 2019, l’État partie maintient sa position concernant la recevabilité et le fond de la communication. Selon lui, les articles de presse mentionnés par la requérante n’établissent pas qu’elle est une adepte du Falun Gong. Ils n’établissent pas non plus qu’elle pratiquerait le Falun Gong à son retour en Chine, ni que le Gouvernement chinois s’intéresserait à elle. L’affirmation de la requérante, selon laquelle les autorités nationales n’ont pas tenu compte des efforts délibérés du Gouvernement chinois pour exiler des dissidents, ne compromet pas les conclusions des autorités sur la crédibilité de l’intéressée. En outre, la requérante dit que les autorités nationales n’ont pas tenu compte du fait qu’elle travaillait pour une entreprise privée en Chine et que les entreprises privées ont une plus grande liberté d’employer des dissidents, mais le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a expressément déclaré que la requérante travaillait pour une entreprise privée, et non une entreprise d’État.

Commentaires de la requérante sur les observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

7.1Dans ses commentaires datés du 5 avril 2019, la requérante renvoie à l’observation de l’État partie selon laquelle le fait qu’elle était employée dans une entreprise privée et non dans une entreprise publique a été pris en considération par le tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés. Selon la requérante, ce qui est pertinent, c’est que le tribunal n’a pas tenu compte de la différence de pratiques en matière d’emploi entre les entreprises privées et les entreprises d’État en Chine.

7.2La requérante n’a pas affirmé devant les autorités nationales que son mari risquait de subir un préjudice en Chine parce qu’à l’époque, il ne pratiquait pas le Falun Gong. Le fait qu’elle n’a pas déposé de demande de visa de protection pour lui montre simplement qu’elle ne comprend pas tout ce qu’implique une demande de protection.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme l’article 22 (par. 5 a)) de la Convention lui en fait l’obligation, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité rappelle que, conformément à l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention, il n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note qu’en l’espèce, l’État partie n’a pas contesté que la requérante avait épuisé tous les recours internes disponibles. En conséquence, le Comité considère qu’il n’est pas empêché par l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention d’examiner la communication.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les allégations de la requérante concernant le risque qu’elle soit harcelée, placée en détention et surveillée en Chine sont irrecevables ratione materiae. Il relève par ailleurs la réponse de la requérante selon laquelle sa persécution en Chine commencerait par un harcèlement et une surveillance, et s’intensifierait jusqu’à la torture et la mort. Il considère que la requérante n’a pas fourni d’éléments suffisants pour lui permettre de conclure que le niveau de harcèlement et de surveillance, ou les conditions de détention auxquelles elle risque d’être soumise, constitueraient des actes de torture au sens de l’article premier de la Convention, rendant applicables les obligations de non-refoulement de l’État partie au titre de l’article 3 de la Convention. Le Comité considère donc que cette partie de la communication est manifestement dénuée de fondement, et donc irrecevable.

8.4Le Comité prend note de la position de l’État partie selon laquelle le reste de la communication est également irrecevable pour défaut manifeste de fondement. Au vu des arguments détaillés que la requérante avance pour contester les conclusions précises des autorités nationales quant à la crédibilité de ses allégations, il considère que, aux fins de la recevabilité, l’intéressée a suffisamment étayé son allégation selon laquelle elle serait soumise à la torture si elle était renvoyée en Chine. Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare cette partie de la requête présentée au titre de l’article 3 de la Convention recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément à l’article 22 (par. 4) de la Convention, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si l’expulsion de la requérante vers la Chine constituerait une violation de l’obligation incombant à l’État partie en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture.

9.3Le Comité doit apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risquerait personnellement d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en Chine. Pour ce faire, conformément à l’article 3 (par. 2) de la Convention, il doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence éventuelle d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressée courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être soumise à la torture dans le pays où elle serait renvoyée. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour établir qu’une personne donnée risquerait d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays ; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressée courrait personnellement un risque. Inversement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

9.4Le Comité rappelle son observation générale no 4 (2017) sur l’application de l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’article 22, selon laquelle l’obligation de non-refoulement existe chaque fois qu’il y a des « motifs sérieux » de croire que l’intéressé risque d’être soumis à la torture dans l’État vers lequel il doit être expulsé, que ce soit à titre individuel ou en tant que membre d’un groupe susceptible d’être torturé dans l’État de destination. Il précise que des « motifs sérieux » existent chaque fois que le risque de torture est « prévisible, personnel, actuel et réel ». Les facteurs de risque personnel peuvent inclure, notamment : a) l’origine ethnique et l’appartenance religieuse du requérant ; b) les actes de torture subis antérieurement ; c) la détention au secret ou une autre forme de détention arbitraire et illégale dans le pays d’origine ; d) l’affiliation politique ou les activités politiques du requérant.

9.5Le Comité rappelle également que la charge de la preuve incombe aux requérants, qui doivent présenter des arguments défendables, c’est-à-dire des arguments circonstanciés montrant qu’ils courent personnellement et actuellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture. Toutefois, lorsque le requérant se trouve dans une situation dans laquelle il n’est pas en mesure de donner des précisions, par exemple, lorsqu’il a démontré qu’il n’avait pas de possibilité d’obtenir les documents concernant ses allégations de torture ou lorsqu’il est privé de sa liberté, la charge de la preuve est inversée et il incombe à l’État concerné d’enquêter sur les allégations et de vérifier les renseignements sur lesquels est fondée la communication. Le Comité rappelle en outre qu’il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie concerné, mais qu’il n’est pas tenu par ces constatations. Il s’ensuit qu’il apprécie librement les informations dont il dispose, conformément à l’article 22 (par. 4) de la Convention, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes pour chaque cas.

9.6Le Comité note que la requérante affirme qu’elle craint d’être torturée en Chine parce qu’elle a participé à des activités du Falun Gong à la fois en Chine et en Australie, et parce que son nom a été publié sur Internet par le tribunal fédéral d’Australie dans le cadre de sa demande de visa de protection. Il observe que l’État partie ne conteste pas que le nom complet de la requérante et les griefs de celle-ci à l’égard du Gouvernement chinois figuraient dans la décision du tribunal fédéral qui a été publiée sur Internet. Il prend note de l’argument de la requérante, qui dit qu’en raison de cette divulgation, le Gouvernement chinois a connaissance des accusations qu’elle porte contre lui et la punira. Le Comité constate également que la requérante conteste les décisions des autorités australiennes sur sa demande de visa de protection ; elle conteste en particulier leurs conclusions concernant sa crédibilité. Le Comité prend également note de l’article cité par la requérante, faisant état de l’enlèvement présumé de plusieurs adeptes du Falun Gong par des policiers en Chine en octobre 2016.

9.7Le Comité note par ailleurs que, selon l’État partie, la requérante ne serait pas exposée à un risque de torture à son retour en Chine parce qu’elle n’est pas une véritable adepte du Falun Gong, son témoignage concernant sa persécution, qui n’était pas crédible, ayant été considéré comme fabriqué de toutes pièces. Le Comité observe que, selon l’État partie, la requérante ne pratiquerait probablement pas le Falun Gong si elle retournait en Chine. Il relève de plus l’argument de l’État partie selon lequel le fait que la requérante n’a quitté la Chine que quatre ans après sa libération en 2008 n’est pas compatible avec son affirmation selon laquelle elle craignait que les autorités chinoises ne lui fassent du mal. Il prend aussi note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle la publication du nom de la requérante dans la décision du tribunal fédéral était involontaire et temporaire, car la décision non expurgée a été retirée du site dans les deux semaines qui ont suivi sa publication, dès que les autorités de l’État partie s’en sont aperçu.

9.8Le Comité rappelle qu’il doit déterminer si la requérante court actuellement le risque d’être soumise à la torture en Chine. Il constate que le récit de la requérante comporte des lacunes sur des aspects essentiels de ses allégations et que la requérante n’a pas décrit sa pratique initiale du Falun Gong ni fourni d’éléments qui pourraient expliquer pourquoi elle aurait pu attirer l’attention des trois agents de la sécurité publique qui seraient venus fouiller son domicile en 2008. Le Comité observe que la requérante fournit peu d’informations sur ses allégations selon lesquelles elle aurait été battue pendant sa détention, et ne précise pas si elle a subi des blessures à la suite de ces mauvais traitements. Il constate qu’elle ne décrit pas les questions que lui ont posées les policiers qui l’ont interrogée, et il considère dès lors que les raisons pour lesquelles elle aurait été détenue pendant une semaine et battue ne sont pas claires. Il prend note de la déclaration de la requérante selon laquelle, après sa libération, elle a recommencé à pratiquer le Falun Gong et a distribué sans incident des brochures y afférentes jusqu’à son départ de Chine en 2012. Le Comité relève que la requérante n’a pas dit craindre d’être à nouveau détenue et torturée par les autorités en raison de cette activité. Il observe que l’intéressée a pu obtenir un passeport valide en 2011 et quitter la Chine légalement et en toute sécurité. Il prend note de la conclusion des autorités nationales selon laquelle le document non daté et non signé que la requérante a fourni pour attester de sa détention à Jilin n’était pas authentique, et que la déclaration de la requérante concernant son authenticité n’était pas convaincante. Le Comité note par ailleurs que l’intéressée n’a pas fourni d’informations précises concernant les activités de protestation liées au Falun Gong auxquelles elle aurait participé en Australie.

9.9S’il prend note de l’argument de la requérante selon lequel la publication en ligne de son nom et de sa demande de protection dans la décision du tribunal fédéral l’ont exposée à un risque de préjudice parce que le Gouvernement chinois a eu la possibilité de l’identifier comme une adapte du Falun Gong, le Comité relève que, selon la décision, la requérante n’était pas une véritable adepte du Falun Gong. Il considère que les informations présentées par la requérante ne font pas apparaître d’erreur dans la conclusion des autorités nationales selon laquelle le Gouvernement chinois ne la considérerait pas comme une véritable adepte du Falun Gong.

9.10Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que la requérante n’a pas apporté d’éléments suffisants pour lui permettre de conclure que son expulsion vers la Chine lui ferait courir personnellement et actuellement un risque prévisible et réel d’être soumise à la torture au sens de l’article 3 de la Convention. En outre, la requérante n’a pas établi que l’examen de sa demande d’asile par les autorités de l’État partie ne satisfaisait pas aux critères requis par la Convention.

10.Le Comité, agissant en vertu de l’article 22 (par. 7) de la Convention, décide que le renvoi de la requérante en Chine ne constituerait pas une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.