Nations Unies

CAT/C/71/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

22 septembre 2021

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Rapport sur le suivi des décisions adoptées au sujet des communications soumises en vertu de l’article 22 de la Convention *

A.Introduction

1.Le présent rapport est une compilation des renseignements reçus des États parties et des requérants depuis la soixante-huitième session du Comité contre la torture. Il est présenté dans le cadre de la procédure de suivi du Comité concernant les décisions relatives aux communications soumises en vertu de l’article 22 de la Convention. Il est fondé exclusivement sur les informations disponibles, et rend compte d’au moins une série d’échanges entre l’État partie et le(la) requérant(e) ou les requérant(e)s et/ou un conseil.

B.Communications

Communication no 637/2014

Gabdulkhakov c. Fédération de Russie (CAT/C/63/D/637/2014)

Décision adoptée le :

17 mai 2018

Violation :

Article 2 (par. 1), lu conjointement avec l’article premier, et articles 12, 13 et 15

Réparation :

Le Comité a prié instamment l’État partie d’assurer au requérant un recours utile, et notamment : a) d’ouvrir une enquête impartiale sur les allégations du requérant en vue de poursuivre, juger et punir toute personne reconnue responsable d’actes de torture, ladite enquête devant comprendre un examen médical du requérant mené conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) ; b) de rejuger le requérant en tenant compte du principe énoncé à l’article 15 de la Convention ; c) d’accorder au requérant une réparation et des moyens de réadaptation pour les actes de torture commis ; d) de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. Le Comité a prié instamment l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de sa décision, des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux conclusions.

2.Le 11 septembre 2020, le requérant a informé le Comité que, selon une lettre qu’il avait reçue le 4 octobre 2018, le Bureau du Procureur général avait refusé d’engager une procédure de contrôle qui aurait permis d’appliquer la décision du Comité. En outre, dans une lettre du 9 octobre 2018, le comité d’enquête a informé le requérant qu’il ne jugeait pas nécessaire de donner suite à la décision du Comité contre la torture. Le requérant affirme qu’en 2017, le comité d’enquête avait ouvert une procédure sur ses allégations de torture mais refusé d’ouvrir une instruction pénale après avoir interrogé uniquement les policiers et les enquêteurs contre lesquels il avait déposé plainte.

3.Le requérant signale que, le 11 août 2020, des agents du Service fédéral de sécurité l’ont interrogé au sujet d’une agression qui aurait été commise en 2000 contre des agents des forces spéciales de sécurité et lui ont dit que l’interrogatoire était lié à la requête qu’il avait adressée à l’ONU. Il soutient que, bien qu’il soit étranger à cette agression, les agents qui l’ont interrogé ont tenté de le contraindre à faire des aveux et l’ont soumis à un détecteur de mensonge.

4.Le 10 novembre 2020, l’État partie a informé le Comité que sa décision avait été diffusée auprès des tribunaux nationaux pour information et publiée sur le site Web de la Cour suprême. En ce qui concerne les violations auxquelles le Comité a conclu, l’État partie affirme qu’après avoir analysé le cas du requérant, le Bureau du Procureur général et la Cour suprême ont estimé que les droits de celui-ci n’avaient pas été violés. Il signale que les allégations répétées du requérant concernant les blessures que les agents des forces de l’ordre lui auraient infligées illégalement ont été examinées par les tribunaux et rejetées. Il a été établi que le requérant avait été blessé par les policiers en raison de la résistance qu’il avait opposée lors de son arrestation mais que les agents n’avaient pas outrepassé les pouvoirs qui leur étaient conférés par la loi.

5.Le 26 février 2021, les commentaires du requérant et les observations de l’État partie ont été transmis aux parties intéressées pour qu’elles fassent part de leurs commentaires, au plus tard le 28 juin 2021.

6.Les observations et commentaires formulés au titre du suivi ont fait apparaître que la décision du Comité n’avait pas été appliquée. Le Comité a donc décidé de poursuivre le dialogue au titre du suivi et d’envisager de nouvelles mesures compte tenu des observations de l’État partie.

Communication no 681/2015

M. K. M. c. Australie (CAT/C/60/D/681/2015)

Décision adoptée le :

10 mai 2017

Violation :

Article 3

Réparation :

Le Comité a considéré que l’État partie avait l’obligation, conformément à l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser le requérant vers l’Afghanistan ou vers tout autre pays dans lequel il existait un risque réel d’expulsion ou de renvoi en Afghanistan.

7.Le 26 octobre 2020, le conseil du requérant a informé le Comité qu’en dépit de la décision rendue, l’État partie considérait qu’il pouvait procéder à l’expulsion du requérant. Le conseil ajoute que la seule raison pour laquelle le requérant n’a pas encore été expulsé du territoire de l’État partie est que les procédures de renvoi vers l’Afghanistan sont suspendues depuis octobre 2017. Le requérant, qui est donc toujours sous le coup d’une mesure d’expulsion, se retrouve en situation irrégulière et peut être placé en détention à tout moment, si les autorités en décident ainsi.

8.Le 4 novembre 2020, le Comité a adressé à l’État partie une note verbale, signée par le Président et le Rapporteur chargé du suivi des décisions adoptées au titre de l’article 22, appelant l’attention de l’État partie sur le fait que le requérant risquerait d’être expulsé et soulignant qu’un tel renvoi serait contraire aux obligations qui incombent à l’État partie au titre de la Convention.

9.Le 30 mars 2021, l’État partie a répété les observations qu’il avait formulées au titre du suivi le 18 août 2017 selon lesquelles le retour du requérant en Afghanistan ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention. Il a aussi fait savoir au Comité que le requérant séjournait illégalement en Australie depuis que son visa relais avait expiré le 21 décembre 2018. Les 1er mars 2019, 4 mars 2020 et 15 juin 2020, le requérant a déposé des demandes de nouveau visa relais, mais celles-ci ont été considérées comme non valables au regard de l’article 46 A de la loi sur les migrations qui interdit de déposer de nouvelles demandes de visa. Le 19 août 2019, le représentant du requérant a sollicité l’intervention du Ministre de l’intérieur pour que celui-ci lève l’interdiction légale afin de permettre au requérant de présenter de nouvelles demandes de visa. Cette demande a été jugée non conforme aux directives ministérielles et n’a pas été transmise au Ministre pour examen. En conséquence, le requérant est resté sous le coup de la décision d’expulsion.

10.Les observations et commentaires formulés au titre du suivi ont fait apparaître que la décision du Comité n’avait pas été appliquée. Le Comité a donc décidé de poursuivre le dialogue au titre du suivi et d’envisager de nouvelles mesures compte tenu des observations de l’État partie.

Communication no 729/2016

I. A. et consorts c. Suède (CAT/C/66/D/729/2016)

Décision adoptée le :

23 avril 2019

Violation :

Article 3

Réparation :

Le Comité a conclu que l’expulsion du requérant et de ses deux enfants vers la Fédération de Russie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Il était d’avis que l’État partie était tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant et ses deux enfants mineurs en Fédération de Russie ou dans tout autre pays où ils courraient un risque réel d’être expulsés vers la Fédération de Russie ou renvoyés dans ce pays. Il a invité l’État partieà l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux observations contenues dans celle-ci.

11.Le 26 novembre 2020, le conseil du requérant a déclaré que, compte tenu des observations antérieures de l’État partie et du fait que l’arrêté d’expulsion visant le requérant avait été frappé de prescription le 11 mai 2019, il considérait que l’affaire était réglée de manière satisfaisante.

12.Les observations et commentaires formulés au titre du suivi ont montré que l’État partie avait pleinement appliqué la décision. Le Comité a décidé de mettre fin au dialogue au titre du suivi en concluant à un règlement satisfaisant.

Communication no 817/2017

Aarrass c. Maroc (CAT/C/68/D/817/2017)

Décision adoptée le :

17 mars 2017

Violation :

Articles 16 et 2 (par. 1), lus conjointement avec les articles premier et 11, et article 14

Réparation :

Le Comité a invité l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux observations. Ces mesures devaient inclure le replacement du requérant en régime de groupe dans une prison plus proche de sa famille, l’ouverture d’une enquête impartiale et approfondie sur les allégations du requérant, et son indemnisation de façon complète, adéquate et équitable pour l’ensemble des violations de la Convention constatées et des conséquences qu’elles avaient entraînées pour lui.

13.Dans une communication datée du 8 mai 2020, l’État partie a informé le Comité que le requérant avait été remis en liberté le 2 avril 2020 après avoir purgé une peine de douze ans d’emprisonnement. Il a indiqué qu’une enquête avait été ouverte le 18 juin 2018 par la police judiciaire de Tiflet sur les allégations formulées par le requérant concernant ses conditions de détention. Le 8 novembre 2018, la cour d’appel de Rabat a ordonné à la Brigade nationale de la police judiciaire de reprendre l’enquête. La brigade a établi que les conditions d’incarcération du requérant avaient été normales et comparables à celles des autres détenus. Selon un rapport établi le 6 mars 2019 par le médecin de la prison, le requérant n’avait pas été victime de négligence médicale, et il avait au contraire bénéficié d’un suivi adapté tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la prison. Il était signalé dans le rapport qu’à plusieurs reprises, le requérant n’avait pas voulu se rendre à des rendez-vous médicaux à l’extérieur de la prison, refusant de respecter les mesures de sécurité prescrites par la loi, comme le fait de porter la tenue imposée aux détenus et d’être menotté. Compte tenu de ce qui précède, le Procureur de la cour d’appel de Rabat a décidé de clore l’enquête, faute de preuves. Le requérant en a été informé le 15 juin 2019.

14.L’État partie signale que, le 28 janvier 2019, le requérant a saisi le Procureur du tribunal de première instance de Tiflet d’une deuxième plainte contenant de nouvelles allégations de mauvais traitement et d’actes de représailles de la part de responsables de la prison de Tiflet 2. Le 15 février 2019, le substitut du Procureur s’est rendu à la prison pour y tenir une audition concernant cette plainte. Le requérant a toutefois refusé, sans raison valable, de quitter sa cellule, ce qui a empêché la tenue de l’audition. Toujours en février, le Directeur de la prison de Tiflet 2 a adressé au Procureur du tribunal de première instance de Tiflet une lettre dans laquelle il indiquait que le requérant avait à nouveau refusé de se rendre à des rendez-vous médicaux à l’extérieur de l’établissement, arguant qu’il était en bonne santé et n’avait pas besoin de consultations externes.

15.L’État partie réaffirme que les conditions de détention du requérant à la prison de Tiflet 2 étaient conformes à la loi no 23/98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, et que l’intéressé était détenu dans une cellule individuelle répondant aux normes internationales pour ce qui était de la superficie, de l’éclairage, de la ventilation et des conditions sanitaires, et équipée d’un téléviseur permettant de regarder 12 chaînes, notamment sportives. Le requérant était autorisé à faire des promenades quotidiennes d’une heure et à se doucher deux fois par semaine, et avait accès à une alimentation équilibrée.

16.En ce qui concerne le droit du requérant de recevoir des visites, l’État partie explique qu’étant donné que sa famille vivait à l’étranger, l’intéressé était autorisé à recevoir des visites en dehors des jours prévus pour les visites familiales. La dernière personne à lui rendre visite a été sa femme, qui est restée avec lui pendant une heure, le 20 janvier 2020. En 2018, le requérant avait également reçu la visite de Lahcen Dadssi, avocat inscrit au barreau de Rabat, et de Nicolas Cohen, avocat à Paris. En outre, le Conseil national des droits de l’homme, organisme national indépendant doté du statut « A », a rendu visite au requérant à plusieurs reprises, la dernière fois le 28 mai 2019.

17.En ce qui concerne le courrier et les appels téléphoniques, l’État partie indique que le requérant pouvait envoyer et recevoir du courrier conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables et qu’il pouvait aussi communiquer avec sa famille par téléphone à raison de quinze minutes une fois par semaine. Le 17 février 2020, le requérant a été autorisé à passer un deuxième appel téléphonique hebdomadaire de cinq minutes pour s’enquérir de l’état de santé de son père. Pendant la pandémie, l’administration pénitentiaire a autorisé le requérant à recevoir trois appels téléphoniques hebdomadaires.

18.Enfin, en ce qui concerne l’état de santé du requérant, l’État partie signale que celui‑ci a fait l’objet d’un suivi médical régulier. Le 21 février 2018, le requérant a été soumis à un examen médical complet qui a révélé qu’il était en bonne santé. En 2019, il a subi 11 examens médicaux pour des affections courantes. En 2020, il a été examiné par les médecins de la prison à deux reprises Lors de la dernière visite, le 28 janvier 2020, il s’est vu prescrire et administrer un traitement lié à des symptômes pour lesquels il avait demandé une consultation en ophtalmologie. Lorsqu’il a été remis en liberté le 2 avril 2020, le requérant a été soumis à un contrôle de température et a reçu des masques, des gants, du gel désinfectant et un certificat médical attestant qu’il était en bonne santé générale.

19.Le 13 mai 2020, les observations de l’État partie ont été transmises au conseil du requérant pour qu’il fasse part de ses commentaires, au plus tard le 14 septembre 2020.

20.Le 14 septembre 2020, le requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il y rappelle que l’Organisation marocaine des droits humains a demandé qu’il soit transféré en Belgique pour y purger sa peine. Le 25 septembre 2018, les autorités belges ont informé les parties que le Ministre belge de la justice avait autorisé ce transfèrement, et qu’il appartenait aux autorités marocaines de faire en sorte que celui-ci ait lieu. Craignant des représailles, le conseil du requérant a demandé aux autorités belges d’envoyer directement à l’État partie un rappel concernant la demande de transfèrement, ce qui a été fait en avril 2019. L’État partie n’a toutefois jamais répondu à cette demande.

21.En ce qui concerne sa santé dentaire, le requérant affirme que, le 7 février 2020, le Conseil national des droits de l’homme a fait savoir à son conseil qu’il avait demandé un traitement dentaire. Le 12 février 2020, le Conseil a précisé que la demande visait à obtenir la pose d’une nouvelle prothèse dentaire, prestation dont le coût n’était pas pris en charge par l’administration pénitentiaire. Étant donné que le requérant n’avait pas les moyens de payer une nouvelle prothèse dentaire, les soins demandés ne lui ont jamais été prodigués. Le requérant fait observer que sa prothèse dentaire avait été remplacée précédemment en Espagne pour la somme de 55 euros, et qu’il était donc déraisonnable que l’administration pénitentiaire tire argument d’un manque de moyens financiers pour refuser de lui prodiguer les soins dentaires dont il avait besoin pour pouvoir s’alimenter normalement. Le dentiste de la prison a toutefois validé un document attestant que la prothèse dentaire que portait le requérant était en bon état. Le requérant soutient que cela démontre que le Conseil national des droits de l’homme n’était pas en mesure d’agir pour obtenir une amélioration de ses conditions de détention et de sa santé.

22.Le requérant affirme qu’il n’a jamais refusé d’être examiné par des médecins à l’extérieur de la prison. Au contraire, il a toujours insisté pour consulter des spécialistes. En plus d’avoir demandé à voir un dentiste, il s’est adressé au Conseil national des droits de l’homme afin d’être examiné par un ophtalmologue et par un dermatologue. Il signale en outre que, comme il n’y avait qu’un seul médecin pour les prisons de Tiflet 1 et Tiflet 2, celui-ci était rarement disponible lorsque des soins médicaux étaient requis. Il arrivait souvent qu’un gardien ou qu’un membre du personnel infirmier délivre des antalgiques lorsqu’un détenu se plaignait de douleurs.

23.Le requérant conteste les observations de l’État partie selon lesquelles il refusait de se rendre à des rendez-vous médicaux à l’extérieur de la prison. Il explique que la seule fois où il a refusé de recevoir des soins médicaux a été lorsqu’on l’a emmené dans une pièce sale et exiguë, où le médecin était assis sur un sac de fruits. Voyant que le médecin ne portait pas de gants et qu’il n’y avait aucun lavabo dans lequel il aurait pu se laver les mains, le requérant a refusé de se soumettre à un examen sanguin et exigé d’être emmené à l’infirmerie. Sa demande a été rejetée en raison du régime de détention particulier auquel il était astreint.

24.Le requérant fait observer qu’à la suite de sa remise en liberté le 2 avril 2020, l’Espagne a refusé de l’autoriser à rejoindre sa famille à Melilla. En raison de la pandémie, aucun rapatriement en Belgique n’était alors possible. Après que l’État partie a accepté de laisser les doubles nationaux belgo-marocains se rendre en Belgique pour des raisons médicales ou humanitaires, le requérant a été placé, le 24 avril 2020, sur la liste des ressortissant belges pour lesquels un rapatriement prioritaire était nécessaire pour des motifs humanitaires. Cette liste a été transmise aux autorités de l’État partie, qui n’ont toutefois pas autorisé le requérant à quitter le pays. Bien que le conseil du requérant ait écrit au Conseil national des droits de l’homme, au Consul de l’État partie en Belgique, au Roi Mohammed VI et au Ministère marocain des affaires étrangères, seul le Conseil lui a répondu pour l’informer qu’il avait adressé une lettre au Ministère des affaires étrangères. Le requérant soutient qu’il n’a été autorisé à quitter l’État partie que le 15 juillet 2020, après trois mois et demi de souffrances intenses et injustifiables.

25.Le requérant fait savoir qu’étant rentré en Belgique, il envisage de se faire examiner par le Conseil international pour la réadaptation des victimes de la torture et collecte actuellement des fonds à cette fin. Dans l’intervalle, il consulte plusieurs médecins pour diverses affections, notamment un généraliste, un dentiste, un dermatologue, un ophtalmologue et un psychologue.

26.Le requérant appelle l’attention sur le fait qu’en dépit des conclusions du Comité selon lesquelles de nombreuses violations de la Convention ont été commises en l’espèce, l’État partie a refusé de le remettre en liberté, l’a placé à l’isolement et n’a pas accepté qu’il soit transféré vers la Belgique pour y purger le reste de sa peine. Il souligne qu’aucune enquête impartiale et approfondie n’a été menée sur ses allégations et qu’aucune forme d’indemnisation ne lui a été accordée.

27.Le requérant soutient que l’État partie n’a avancé aucun motif justifiant son classement parmi les détenus de la catégorie A, en raison duquel il a été placé à l’isolement pendant une longue période. Il fait remarquer qu’il s’agit de la première fois que l’État partie a pris acte des deux plaintes qu’il avait déposées pour dénoncer des mauvais traitements. Ces plaintes n’ont toutefois pas fait l’objet d’une enquête appropriée étant donné que les griefs formulés par le requérant contre le directeur et le médecin de la prison ont été rejetés sur la base des déclarations des personnes visées, et qu’aucun autre témoin ou expert médical n’a été interrogé. Le requérant signale qu’il n’a pas été informé du déroulement des enquêtes, qu’il n’a pas bénéficié des services d’un conseil et qu’il n’a pas eu la possibilité de participer à la procédure. Il explique qu’étant donné qu’il avait demandé l’assistance d’un conseil, et non d’un procureur, il a refusé de s’entretenir avec le procureur parce qu’il ignorait si celui‑ci était venu pour le défendre ou pour enquêter sur lui.

28.Le requérant indique qu’il s’est entretenu avec une procureure à la prison de Tiflet 2 en 2017, et qu’il a pu lui montrer quelles étaient ses conditions de détention et qu’il était le seul détenu dans un long couloir de 38 cellules. Au cours de sa visite, la Procureure a refusé d’inspecter les douches, dans lesquelles il y avait uniquement de l’eau froide et dont les murs étaient couverts de moisissures, ce qui avait valu au requérant de contracter une mycose aux pieds.

29.Le requérant soutient que les restrictions qui lui ont été imposées pour ce qui était des contacts avec sa famille et avec le monde extérieur en général n’étaient pas justifiées et ont été utilisées comme moyen de pression et de représailles pour le punir d’avoir déposé plainte antérieurement et dénoncé les mauvais traitements auxquels il avait été soumis. Il signale que, même après l’avoir remis en liberté, l’État partie ne l’a pas autorisé à quitter le Maroc malgré la demande présentée par la Belgique et l’absence de risque épidémiologique qui aurait justifié une interdiction de quitter le pays. Le requérant estime que l’État partie entendait ainsi continuer de l’humilier et lui infliger des souffrances physiques et psychologiques supplémentaires. Il indique que, dans les mois à venir, il fera le nécessaire pour obtenir un rapport médical complet sur les conséquences des actes de torture subis en détention.

30.Le 19 février 2021, les commentaires du requérant ont été transmis à l’État partie pour qu’il fasse part de ses observations, au plus tard le 21 juin 2021.

31.Le 1er mars 2021, le requérant a soumis au Comité une copie d’un rapport établi à la suite d’un examen médical pratiqué en Belgique le 10 février 2021. Il fait remarquer que ce rapport corrobore ses allégations concernant les actes de torture qu’il a subis dans l’État partie. Il y est question notamment de problèmes liés à l’absence de soins dentaires (le requérant a dû se faire arracher huit dents et faire remplacer sa prothèse dentaire), de problèmes de vision, de douleurs articulaires causées par l’humidité et les coups, de problèmes de peau liés aux mycoses et de séquelles psychologiques. Le requérant indique qu’il vit actuellement dans des conditions très précaires et dépend de l’aide de l’État. Il est inapte au travail. Il fait valoir qu’il serait hautement bénéfique pour lui, sur les plans symbolique et psychologique, et pour améliorer ses conditions de vie, que l’État partie applique la décision rendue par le Comité et accepte de lui accorder une indemnisation adéquate.

32.Le 20 mai 2021, les commentaires du requérant ont été transmis à l’État partie pour qu’il fasse part de ses observations, au plus tard le 20 juillet 2021.

33.Les observations et commentaires formulés au titre du suivi ont fait apparaître que la décision du Comité n’avait pas été appliquée. Le Comité a donc décidé de poursuivre le dialogue au titre du suivi et d’envisager de nouvelles mesures compte tenu des observations de l’État partie.

Communication no 818/2017

E. L. G. c. Espagne (CAT/C/68/D/818/2017)

Décision adoptée le :

26 novembre 2019

Violation :

Article 2 (par. 1), lu conjointement avec l’article 16 ; article 11, lu seul et conjointement avec l’article 2 ; article 16

Réparation :

Le Comité a prié instamment l’État partie : a) d’offrir à l’auteure une réparation complète et adéquate pour les souffrances endurées, notamment de prendre en sa faveur des mesures d’indemnisation des préjudices matériels et moraux causés et des mesures de réadaptation ; b) de prendre les mesures nécessaires, notamment des mesures administratives contre les responsables, et de donner des instructions précises aux policiers dans les postes de police pour empêcher que des infractions similaires ne soient commises à l’avenir. Il a invité l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux observations contenues dans celle-ci.

34.Par une communication datée du 20 juillet 2020, l’État partie a informé le Comité que la police nationale disposait d’un code de déontologie qui mettait en avant le respect des valeurs démocratiques et la protection des droits de l’homme et des principes d’égalité et de non-discrimination. La loi fixant le régime applicable au personnel de la police nationale dispose notamment que les agents doivent respecter la Constitution et faire preuve de loyauté et d’impartialité dans l’exercice de leurs fonctions, conformément à la Déclaration sur la police, élaborée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et au Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies. C’est dans cette optique qu’en 2018, la Police nationale a mis en place deux bureaux nationaux, l’un spécialisé dans les droits de l’homme, l’autre dans l’égalité des sexes. Le bureau national pour les droits de l’homme s’emploie à définir les stratégies et les mesures appliquées par la police dans le cadre de son travail afin de renforcer la confiance que la société accorde à son action, tandis que le bureau national pour l’égalité des sexes s’emploie à analyser la situation des femmes au sein des forces de police. En matière de formation, tous les programmes destinés aux membres de la Police nationale comprennent des modules portant expressément sur la promotion des valeurs et des principes éthiques et démocratiques, une attention particulière étant accordée à la protection des droits de l’homme. La Police nationale a également mis en place un réseau de 32 points de contact chargés des droits de l’homme, qui veillent à ce que les membres des forces de police soient sensibilisés aux normes relatives aux droits de l’homme et les respectent.

35.L’État partie signale que pour assurer une large diffusion de la décision du Comité, le Ministère de la justice en a publié le texte sur son site Web. Il rappelle cependant qu’il ne relève pas des fonctions du Comité de réexaminer les décisions des juridictions internes, et que les principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir judiciaire devraient être respectés. Il rappelle que la procédure judiciaire engagée en l’espèce est arrivée à son terme, ce qui a été confirmé le 16 mars 2015, lorsque le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours en amparo formé par la requérante. Il fait valoir qu’il n’a d’autre choix que de respecter les décisions des organes judiciaires internes.

36.Le 4 novembre 2020, les observations de l’État partie ont été transmises au conseil de la requérante pour qu’il fasse part de ses commentaires, au plus tard le 4 mars 2021.

37.Le 26 février 2021, le conseil de la requérante a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il estime que, dans ses observations, l’État partie fait preuve de mauvaise foi et va à l’encontre des recommandations du Comité. Il affirme qu’il est possible d’accorder une réparation à la requérante et de donner à la police les instructions nécessaires sans annuler aucune décision judiciaire. Un moyen de procéder pourrait consister à poursuivre l’enquête administrative menée contre les responsables. Il fait observer en outre que, par le passé, des mesures de réparation ont été accordées à des victimes de violations des droits de l’homme dans des affaires examinées par des instances nationales, notamment dans le cadre de travaux de commissions, et que, dans ses arrêts, le Tribunal constitutionnel a considéré que ces mesures étaient conformes à la Constitution.

38.Le conseil de la requérante renvoie aux observations finales du Comité concernant le sixième rapport périodique de l’État partie, dans lesquelles le Comité a recommandé à l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour prévenir l’usage disproportionné de la force par les agents des forces de l’ordre, en veillant à édicter des normes claires et contraignantes sur le recours à la force. Il fait observer qu’étant donné que l’État partie n’a mentionné cette recommandation dans aucune des réponses qu’il a soumises depuis lors, il est essentiel qu’en l’espèce des instructions précises soient données aux policiers dans les postes de police pour empêcher que des infractions similaires ne soient commises à l’avenir. Le conseil de la requérante prie le Comité de poursuivre l’examen de la suite donnée à sa décision, de demander des renseignements sur les mesures prises par l’État partie pour appliquer cette décision, de s’entretenir avec des représentants de l’État partie pour promouvoir l’application de la décision et, au besoin, de se rendre dans l’État partie.

39.Le 8 mars 2021, les commentaires de la requérante ont été transmis à l’État partie pour qu’il fasse part de ses observations, au plus tard le 8 juillet 2021.

40.Les observations et commentaires formulés au titre du suivi ont fait apparaître que la décision du Comité n’avait pas été appliquée. Le Comité a donc décidé de poursuivre le dialogue au titre du suivi et d’envisager de nouvelles mesures compte tenu des observations de l’État partie.

Communication no 852/2017

Zentveld c. Nouvelle-Zélande (CAT/C/68/D/852/2017)

Décision adoptée le :

4 décembre 2019

Violation :

Articles 12, 13 et 14

Réparation :

Le Comité a demandé à l’État partie : a) de procéder immédiatement à une enquête impartiale et indépendante sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements formulées par le requérant, en engageant, s’il y avait lieu, des poursuites pour actes de torture et/ou mauvais traitements contre les responsables et en appliquant les peines prévues par le droit interne ; b) d’accorder au requérant une réparation appropriée, y compris une indemnisation juste et l’accès à la vérité, conformément aux conclusions de l’enquête ; c) de rendre publique la décision et d’en diffuser largement le contenu afin d’éviter que des violations analogues ne se reproduisent. Il a invité l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux observations contenues dans celle-ci.

41.Le 3 avril 2020, l’État partie a informé le Comité que, pour donner suite à sa décision, la police néo-zélandaise, qui était l’autorité nationale compétente, s’était engagée à mener immédiatement une enquête indépendante et impartiale sur les allégations formulées par le requérant. La police a procédé à un examen approfondi du dossier établi dans le cadre des enquêtes menées précédemment au sujet de l’Unité pour enfants et adolescents de l’hôpital de Lake Alice. Un plan d’enquête en trois phases a été mis sur pied. En outre, dans un souci d’indépendance et d’impartialité, les membres du personnel qui avaient pris part aux enquêtes menées précédemment sur les faits survenus à l’hôpital de Lake Alice n’ont pas été appelés à participer aux nouvelles enquêtes sur les plaintes actuelles ou futures.

42.Au cours de la première phase dudit plan , la police analysera la portée des allégations susceptibles de donner lieu à une enquête et continuera de rechercher les documents pertinents en possession d’autres organes, comme le Ministère de la santé et le Crown Law Office (Bureau des affaires juridiques). Cette phase consistera notamment à examiner les déclarations des employés de l’hôpital de Lake Alice versées au dossier, dans le but de déterminer quelles sont les personnes auxquelles il conviendrait de s’adresser pour faire avancer l’enquête. La police s’appuie donc sur la loi de 1961 sur la criminalité pour donner suite aux allégations de mauvais traitements formulées par le requérant. Elle considère que l’application d’électrochocs sur les parties génitales des patients au moyen d’un appareil d’électroconvulsivothérapie pourrait constituer un attentat à la pudeur au sens de la loi sur la criminalité. Elle s’emploie à enquêter sur ces aspects de la plainte, ainsi que sur des plaintes similaires.

43.Au cours de la deuxième phase, la police mènera des entretiens et analysera les éléments de preuve recueillis. Pour cela, elle s’est attaché les services d’un expert en analyse qui travaillera aux côtés des enquêteurs. Elle recueillera le témoignage de toute personne qui se présentera comme une victime potentielle (en considérant que le témoignage d’une victime pris isolément n’est pas représentatif). D’après les données dont dispose la police, 11 anciens patients de l’hôpital de Lake Alice ont affirmé que des électrochocs auraient été appliqués sur leurs parties génitales au moyen d’un appareil d’électroconvulsivothérapie. Trois d’entre eux étant décédés, il reste à déterminer où se trouvent les huit autres. Lorsque ces patients auront été retrouvés, il leur sera demandé s’ils souhaitent s’entretenir avec des enquêteurs spécialement formés pour mener des entretiens ayant valeur probante dans les cas d’infractions à caractère sensible commises sur des personnes, de sorte que leurs déclarations puissent être consignées de façon plus formelle et plus exhaustive. La police a également identifié d’autres anciens patients qui estiment que le traitement par électroconvulsivothérapie auquel ils ont été soumis à l’hôpital de Lake Alice leur a été administré à des fins non pas thérapeutiques mais plutôt punitives. La police étudiera la possibilité d’entrer en contact avec ces anciens patients pour déterminer s’ils souhaitent participer à des entretiens ayant valeur probante afin d’établir leur statut de victime. Ces entretiens pourraient alors servir de fondement à de nouvelles mesures de la part de la police.

44.Au cours de la troisième phase du plan d’enquête, la police s’intéressera au docteur Selwyn Leeks en tant que suspect, fera la synthèse des éléments de preuve recueillis au cours des première et deuxième phases de l’enquête et entrera en contact avec le docteur Leeks afin de déterminer s’il est disposé à collaborer avec les enquêteurs. Elle estime qu’elle sera alors en mesure de transmettre les éléments de preuve recueillis au Crown Law Office pour qu’il les évalue et formule un avis. Il sera demandé au Crown Law Office s’il existe des motifs suffisants pour une mise en accusation pénale, et s’il est envisageable d’extrader le docteur Leeks d’Australie.

45.L’État partie soutient que, conformément à son attachement profond à fournir des services axés sur les victimes, la police s’est engagée à tenir le requérant (ainsi que les autres personnes qui affirment avoir subi des mauvais traitements relevant du droit pénal pendant leur séjour à l’hôpital de Lake Alice) informé de l’état d’avancement de l’enquête. Bien que la décision du Comité ait déjà fait l’objet d’une couverture médiatique, différentes possibilités de la diffuser plus largement encore sont à l’étude.

46.Le 15 avril 2020, les observations de l’État partie ont été transmises au conseil du requérant pour qu’il fasse part de ses commentaires, au plus tard le 17 août 2020.

47.Le 13 juillet 2020, le conseil du requérant a répondu que l’État partie avait fait le bon choix en ordonnant une nouvelle enquête de police sur les faits survenus à l’Unité pour enfants et adolescents de l’hôpital de Lake Alice, et que le requérant avait fourni des informations et des documents afin d’aider la police dans son enquête. Il a également salué la décision de l’État partie de ne pas faire appel aux membres du personnel qui avaient pris part aux enquêtes menées précédemment sur les faits survenus à l’hôpital de Lake Alice pour participer aux enquêtes sur les plaintes actuelles ou futures. Il soutient cependant qu’aucun membre du Crown Law Office ayant travaillé à partir de 1994 sur les faits survenus à l’hôpital de Lake Alice ne devrait participer à l’examen des résultats de la nouvelle enquête de police. Une solution contraire donnerait lieu à un conflit d’intérêt, étant donné que les conseils du Ministère de la santé et du Crown Law Office ont défendu la position du Gouvernement lorsque les victimes d’actes de violence commis à l’hôpital de Lake Alice avaient déposé plainte, et ont notamment présenté un volumineux dossier de défense en réponse à la requête soumise au Comité au nom du requérant.

48.En ce qui concerne la diffusion de la décision, le conseil du requérant fait remarquer que la proposition de publier un avis sur le site Web de la police aurait des effets limités et ne permettrait pas de faire connaître plus largement la décision. Étant donné que les enfants placés à l’hôpital de Lake Alice étaient des pupilles de l’État et qu’ils ont été soumis à un traitement psychiatrique contre leur gré, les deux principaux services de l’administration qui devraient être chargés de diffuser largement cette décision sont le Ministère de la santé et le Ministère de l’enfance (Oranga Tamariki). La police ayant participé à deux enquêtes précédentes, elle devrait également être chargée de faire connaître la décision, tout comme la Commission des droits de l’homme et le Ministère de la justice.

49.Le conseil du requérant ajoute que l’État partie devrait demander instamment au Conseil de l’ordre des médecins de Nouvelle-Zélande de diffuser la décision du Comité via ses propres canaux, étant donné que c’est sous l’autorité du Conseil de l’ordre que le docteur Leeks a exercé la médecine jusqu’en 1999. Celui-ci a quitté la Nouvelle-Zélande en 1978 dans un climat de controverse mais a toutefois continué à exercer dans l’État de Victoria, en Australie. Il a ensuite démissionné du Conseil de l’ordre en 1999, à l’époque où une action collective était intentée au nom de plus de 50 anciens patients de l’hôpital de Lake Alice. Il a par conséquent échappé à toute enquête des autorités médicales en Nouvelle-Zélande, ce qui lui a permis de continuer à exercer dans l’État de Victoria. En 2006, il a renoncé à l’autorisation d’exercer la médecine en Australie, à la veille de la date fixée pour l’audition devant le Conseil de l’ordre des médecins de l’État de Victoria. À la suite de la démission du docteur Leeks, le Conseil de l’ordre a décidé de renoncer à tenir des auditions. D’après le conseil du requérant, cette affaire met en évidence la nécessité de modifier la législation de sorte que l’ordre des médecins ait la compétence de poursuivre un praticien, même si celui‑ci n’exerce plus la médecine, et ne puisse pas tirer prétexte de la démission de l’intéressé pour ne pas enquêter sur des accusations de faute professionnelle. Le Gouvernement devrait engager le Conseil de l’ordre des médecins de Nouvelle-Zélande non seulement à diffuser cette décision du Comité, qui fera date, mais aussi à entreprendre une réforme législative visant à ne plus permettre à un médecin de démissionner pour échapper à une enquête des autorités médicales ou pour ne plus relever de la compétence de l’ordre des médecins. Cela contribuerait à garantir que de tels faits ne se reproduisent pas et à préserver l’intégrité professionnelle des médecins. Enfin, le conseil du requérant signale qu’aucun membre du Gouvernement néo-zélandais n’est entré en contact avec le requérant ou ses représentants depuis que le Comité a rendu sa décision à la fin de 2019, et ce, même après des demandes écrites de prise de contact par l’intermédiaire du Cabinet du Premier Ministre et du Ministre de la santé.

50.Le 25 septembre 2020, les commentaires du conseil du requérant ont été transmis à l’État partie pour qu’il fasse part de ses observations, au plus tard le 25 janvier 2021.

51.Le 29 janvier 2021, l’État partie a informé le Comité que sa décision avait fait l’objet d’une plus large diffusion par plusieurs médias locaux. Depuis février 2020, la police mène une enquête approfondie sur les infractions qui auraient été commises à l’Unité pour enfants et adolescents de l’hôpital de Lake Alice. Elle s’intéresse en particulier à un certain nombre d’anciens employés, l’objectif étant de déterminer quelles sont les personnes auxquelles il conviendrait de s’adresser pour faire avancer l’enquête. Lorsque les allégations visent des personnes autres que le docteur Leeks, celles-ci font l’objet d’une enquête. L’État partie indique que les organismes compétents continuent de prêter assistance à la Commission royale à mesure que celle-ci progresse dans l’enquête sur cette affaire, et que l’enquête de la police est sur le point de s’achever.

52.L’État partie fait observer également que, tout au long de 2020, la police a continué de communiquer avec le requérant, principalement par l’intermédiaire d’un inspecteur et d’un inspecteur en chef spécialement désignés à cet effet, qui participent étroitement à l’enquête menée actuellement par la police. En outre, le requérant et son représentant ont été personnellement informés de l’état d’avancement de l’enquête au cours d’une réunion organisée au quartier général de la Police nationale à la fin de 2020.

53.Le 2 mars 2021, les observations de l’État partie ont été transmises au conseil du requérant pour qu’il fasse part de ses commentaires, au plus tard le 2 juillet 2021.

54.Les observations formulées au titre du suivi ont montré que l’État partie avait partiellement appliqué la décision. Le Comité a décidé de poursuivre le dialogue au titre du suivi et d’envisager de nouvelles mesures compte tenu des commentaires du conseil.

Communication no 854/2017

A. c. Bosnie-Herzégovine (CAT/C/67/D/854/2017)

Décision adoptée le :

2 août 2019

Violation :

Article 14 (par. 1), lu conjointement avec l’article premier (par. 1)

Réparation :

Le Comité était d’avis que l’État partie était tenu : a) de faire en sorte que la requérante obtienne une indemnisation rapide, équitable et adéquate ; b) de faire en sorte que la requérante reçoive des soins médicaux et psychologiques immédiatement et gratuitement ; c) de présenter publiquement à la requérante des excuses officielles ; d) de se conformer à ses observations finales, notamment en se dotant au niveau national d’un mécanisme efficace habilité à accorder toute forme de réparation aux victimes de crimes de guerre, y compris d’actes de violence sexuelle, et en concevant et adoptant une loi-cadre qui définisse clairement les critères pour la reconnaissance du statut de victime de crimes de guerre, y compris d’actes de violence sexuelle, et qui définisse un ensemble de droits et d’aides garantis aux victimes sur tout le territoire de l’État partie. Il a invité l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux observations formulées dans la décision.

55.Le 20 janvier 2020, le conseil de la requérante a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il indique qu’aucune des mesures de réparation demandées par le Comité dans sa décision n’a été mise en œuvre. Il salue l’initiative du Ministère des droits de l’homme et des réfugiés consistant à recueillir les propositions des autorités compétentes dans l’ensemble du pays et à réunir des informations complètes à l’intention du Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine. Il souligne qu’il importe de faire en sorte que la compilation des propositions adressées au Ministère soit rapidement transmise aux représentants de la requérante afin que ceux-ci puissent faire part de leurs commentaires et observations.

56.Le 20 avril 2020, les commentaires du conseil ont été transmis à l’État partie pour qu’il fasse part de ses observations, au plus tard le 20 août 2020.

57.Le 21 janvier 2021, le conseil de la requérante a soumis des commentaires supplémentaires au Comité. Il fait observer qu’entre l’adoption de la décision en août 2019 et mars 2020, les autorités de l’État partie n’ont pris aucune mesure visant à donner suite à la décision. Le 25 juin 2020, les représentants de la requérante (agissant à titre de conseil principal), en concertation avec les représentants du Ministère des droits de l’homme et des réfugiés, ont organisé une table ronde sur l’application de la décision du Comité. Ont participé aux discussions les représentants des institutions publiques ci-après : Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, Cour de Bosnie-Herzégovine, Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine, Commission judiciaire du district de Brčko et Ministère des finances et du Trésor de Bosnie-Herzégovine. Les représentants des ministères de la justice de Bosnie-Herzégovine, de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska ont été invités à participer aux discussions mais n’y ont pas assisté. Il convient de noter que les Ministères de la justice de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska refusent de collaborer l’application de la décision, ces deux institutions étant les seules à n’avoir pas désigné de représentant chargé de cette question comme l’avait demandé le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés le 8 novembre 2019. Au cours de la table ronde, les discussions ont porté principalement sur les problèmes d’ordre général que rencontraient les victimes se trouvant dans une situation comparable à celle de la requérante, les représentants des institutions publiques présentes ayant insisté pour adopter une approche systémique, qui permettrait également à la requérante d’obtenir réparation. À l’issue des discussions, les participants se sont mis d’accord sur plusieurs conclusions qui doivent être interprétées comme des directives non officielles sur les méthodes qu’il convient d’employer pour appliquer les recommandations en question et les moyens de prévenir des violations des droits de l’homme similaires à celles dont la requérante a été victime.

58.En ce qui concerne les conclusions adoptées d’un commun accord à l’issue de la table ronde et portant sur une indemnisation adéquate et effective, le conseil de la requérante affirme que les représentants des institutions concernées ont déclaré qu’il ne serait possible de permettre à la requérante d’être indemnisée qu’en mettant en place un système d’indemnisation applicable à toutes les victimes. Il indique que la nouvelle pratique suivie par les tribunaux pénaux depuis 2015, qui consiste non seulement à sanctionner les auteurs des faits mais aussi à les obliger à indemniser les victimes qui ont témoigné contre eux, a donné lieu à ce jour à 18 jugements dans des affaires de violences sexuelles liée aux conflits, et que d’autres jugements seront rendus prochainement. Dans la grande majorité des cas, les résultats seront similaires, à savoir que les jugements ne seront pas exécutoires étant donné que les auteurs présumés n’ont pas les moyens nécessaires ou dissimulent leurs avoirs. Les participants à la table ronde ont conclu, d’une part, que le Bureau du Procureur de Bosnie‑Herzégovine devait s’employer à sensibiliser les procureurs à l’importance d’enquêter sur les biens d’un suspect ou d’un accusé en vue de faciliter, à un stade ultérieur de la procédure, le gel éventuel de ses avoirs et le versement aux victimes ou aux parties lésées de l’indemnité accordée dans le cadre d’une procédure pénale. Il a été convenu, d’autre part, qu’il était nécessaire de prévoir une solution systémique pour garantir une indemnisation effective lorsque les procédures d’exécution des peines n’aboutissaient à aucun résultat et qu’aucune mesure concrète n’était proposée par les autorités. Les participants ont également mis en avant la nécessité d’élaborer des directives visant à mettre en place un dispositif normalisé d’aide aux victimes d’actes de torture dans toute la Bosnie-Herzégovine et à fournir des services intégrés dans le cadre de ce dispositif. Enfin, ils ont souligné qu’il fallait veiller à ce que le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés appuie le processus pouvant conduire à la présentation publique d’excuses officielles à la requérante, et éventuellement à d’autres victimes se trouvant dans une situation similaire.

59.Le conseil de la requérante reste préoccupé par le fait qu’au moment où le présent rapport a été rédigé, aucune des mesures énoncées dans la décision du 2 août 2019 n’avait été pleinement mise en œuvre, et demande donc au Comité de poursuivre le dialogue au titre du suivi et d’envisager de nouvelles mesures compte tenu des actions menées par l’État, notamment la possibilité de s’entretenir avec le Représentant permanent de l’État partie à Genève afin d’examiner la question.

60.Le 26 février 2021, les commentaires du conseil ont été transmis à l’État partie pour qu’il fasse part de ses observations, au plus tard le 28 juin 2021.

61.Les observations et commentaires formulés au titre du suivi ont fait apparaître que la décision du Comité n’avait pas été appliquée. Le Comité a donc décidé de poursuivre le dialogue au titre du suivi et d’envisager de nouvelles mesures compte tenu des commentaires de l’État partie.

Communication no 882/2018

Calfunao Paillalef c. Suisse (CAT/C/68/D/882/2018)

Décision adoptée le :

5 décembre 2019

Violation :

Article 3

Réparation :

Le Comité a estimé que l’État partie était tenu par l’article 3 de la Convention de réexaminer la demande d’asile de la requérante au regard de ses obligations en vertu de la Convention et des constatations figurant dans la décision. L’État partie a également été prié de ne pas expulser la requérante tant que sa demande d’asile serait à l’examen. Le Comité a invité l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision des mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux observations contenues dans celle-ci.

62.Le 18 février 2020, l’État partie a informé le Comité que, le 11 février 2020, le Secrétariat d’État aux migrations avait prononcé une mesure d’admission provisoire en faveur de la requérante, et que celle-ci ne risquait plus d’être renvoyée au Chili. L’État partie fait observer qu’en dépit de son nom, une mesure d’admission provisoire ne peut être révoquée que si un changement politique radical intervient dans le pays d’origine, à savoir un changement durable de régime, susceptible d’écarter de manière certaine le risque auquel était exposée la personne concernée. L’admission provisoire peut également prendre fin si cette personne quitte l’État partie ou obtient un permis de séjour. En ce qui concerne ce dernier point, l’État partie signale qu’une demande de permis de séjour peut être présentée au terme d’un séjour de cinq années en Suisse, et qu’un tel permis est délivré en fonction du degré d’intégration et en particulier de la situation familiale. Enfin, à certaines conditions, le(la) conjoint(e) et les enfants mineurs peuvent également bénéficier d’une procédure de regroupement familial.

63.Le 21 avril 2020, la requérante a informé le Comité qu’elle n’avait toujours pas reçu de documents de voyage, ce qui l’empêchait d’accéder aux locaux de l’Organisation des Nations Unies, de remplir son rôle de défenseuse des droits de son peuple, de coordonner la participation aux réunions organisées par le Conseil des droits de l’homme et d’y assister, et de poursuivre ses recherches sur l’histoire du droit mapuche et du droit international, qui étaient essentielles à son travail.

64.Les deux communications ont été transmises aux parties respectives le 22 avril 2020 pour qu’elles fassent part de leurs commentaires au plus tard le 24 août 2020.

65.Le 24 août 2020, le conseil de la requérante a informé le Comité que celle-ci s’était vu délivrer un permis F. Le conseil relève toutefois que ce permis ne permet pas à la requérante d’obtenir un badge qui lui permettrait d’accéder aux locaux de l’Organisation des Nations Unies et de remplir sa fonction de représentante de son peuple auprès de l’ONU. La requérante n’a pas de document d’identité chilien et, par crainte d’être arrêtée, elle ne peut se rendre à l’ambassade du Chili pour en obtenir un. Le 23 juin 2020, elle a donc demandé à l’État partie de lui délivrer un passeport pour étranger. L’absence de réponse de l’État partie restreint gravement l’exercice par la requérante de sa liberté d’expression et sa liberté de circulation. Le conseil de la requérante demande au Comité de poursuivre le dialogue au titre du suivi avec l’État partie jusqu’à ce que celui-ci délivre des documents de voyage à la requérante et lui permette ainsi s’exercer ses fonctions devant les organes de l’ONU.

66.Le 11 novembre 2020, la communication du conseil de la requérante a été transmise à l’État partie pour qu’il fasse part de ses observations, au plus tard le 10 mars 2021.

67.Le 12 novembre 2020, l’État partie a fait remarquer que les dernières communication et demande de la requérante sortaient du champ de la décision du Comité et a invité le Comité à mettre fin au dialogue au titre du suivi, la décision du Comité ayant été pleinement appliquée.

68.Le 25 novembre 2020, le conseil de la requérante a informé le Comité que l’État partie avait fait droit à la demande de la requérante visant à obtenir un passeport pour étranger. Cependant, ce document avait une durée de validité de dix mois seulement, soit du 11 février au 11 décembre 2020, ce qui a obligé la requérante à entamer la lourde procédure de prolongation dès qu’elle l’a reçu, en octobre 2020. En outre, la requérante n’a pas été autorisée à se faire assister par ses avocats. Son conseil prie instamment le Comité de recommander aux autorités de l’État partie de délivrer à la requérante un passeport d’une durée de validité étendue et d’autoriser celle-ci à bénéficier d’une assistance juridique pendant la procédure.

69.Les observations ci-dessus ont été transmises à l’État partie à titre d’information.

70.Les observations et commentaires formulés au titre du suivi ont fait apparaître que la décision du Comité avait été pleinement appliquée. Celui-ci a décidé de mettre fin au dialogue au titre du suivi en concluant à un règlement satisfaisant.