Nations Unies

CAT/C/71/D/759/2016

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

21 septembre 2021

Français

Original : espagnol

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 759/2016*, * *

Communication présentée par :

Ronald James Wooden (représenté par l’organisation Litigio Estratégico en Derechos Humanos)

Victime(s) présumée(s) :

Le requérant

État partie :

Mexique

Date de la requête :

7 juillet 2016 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

23 juillet 2021

Objet :

Détention arbitraire et torture

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; obligation de l’État partie de veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale ; droit à une indemnisation juste et adéquate

Article(s) de la Convention :

1, 2 (par. 1), 11, 12, 13, 14 et 16

1.Le requérant est Ronald James Wooden, citoyen des États-Unis d’Amérique, né en 1969. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 2 (par. 1), lu conjointement avec les articles 1 et 16, et des articles 11, 12, 13 et 14 de la Convention. Le requérant est représenté par l’organisation non gouvernementale Litigio Estratégico en Derechos Humanos.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant et son épouse sont arrivés à Taxco de Alarcón (Mexique) en 2008 pour y exercer leurs talents artistiques et travailler les métaux précieux. En 2012 les époux ont loué un bâtiment à Barrio El Arroyo et l’ont aménagé en atelier d’artisanat. Dans la maison voisine habitaient M. P. H. et son gendre, R. F. A.

2.2Le 28 avril 2013, à 17 h 30, le requérant et son épouse ont garé leur véhicule utilitaire, chargé de matériel pour leur atelier, devant la maison de M. P. H. Depuis leur atelier, ils ont entendu M. P. H. leur demander en criant avec grossièreté de déplacer leur véhicule. Le requérant a commencé à enregistrer avec son téléphone mobile ce que disait M. P. H. Alerté par les cris de cette dernière, son gendre, R. F. A., est arrivé et a menacé M. Wooden en brandissant une machette et en lui disant que s’il ne déplaçait pas son véhicule il allait le tuer et « le réexpédier aux États-Unis en morceaux dans un sac », qu’ils étaient membres du groupe Guerreros Unidos et que cette rue était sous leur contrôle. L’épouse du requérant a elle aussi filmé les événements avec son téléphone mobile. R. F. A. a continué de menacer le requérant et a endommagé le coffre du véhicule à coups de machette. L’épouse du requérant a téléphoné à la police, tandis que R. F. A. passait plusieurs appels.

2.3Deux motocyclistes sont arrivés dans une rue proche de l’atelier et ont parlé à R. F. A. Ensuite, deux voitures de patrouille de la police préventive municipale de Taxco sont arrivées sur les lieux et R. F. A. a dit d’un ton impérieux aux policiers en désignant le requérant : « C’est lui, emmenez-le ». Six policiers sont alors sortis d’une des voitures et se sont précipités d’un air menaçant vers le requérant, qui a couru se réfugier dans son atelier. Les policiers ont enfoncé la porte et braqué leurs armes sur le requérant en le menaçant. Lors de l’arrestation du requérant, les policiers l’ont frappé avec leurs armes sur différentes parties du corps, en particulier à la tête, et l’ont plaqué au sol pour le maîtriser et lui menotter les mains dans le dos. Ils ont piétiné les mains menottées du requérant, l’ont frappé à la tête à coups de crosse, lui ont donné des coups de pied dans le visage et à la mâchoire et lui ont piétiné les parties génitales et les côtes avant de le jeter à l’arrière d’une des voitures de patrouille pour le conduire à la Direction de la police. Dans la voiture de patrouille, les policiers ont continué de frapper le requérant au visage et aux parties génitales, l’ont insulté et ont menacé de le tuer et de le faire disparaître pour « s’être moqué d’eux ».

2.4Une fois arrivés à la Direction de la police, les policiers ont sorti le requérant de la voiture de patrouille et, sans passer par la zone d’accueil des personnes arrêtées et sans inscrire son nom dans le registre de garde à vue, ils l’ont conduit vers la zone des cellules en continuant de le frapper à coups de pied et de crosse sur différentes parties du corps. Parvenus aux cellules, les policiers ont continué de rouer le requérant de coups de pied dans la poitrine, les côtes et les parties génitales, l’ont cinglé à coups de trousseau de clefs et l’ont menacé en lui disant « tu ne sortiras jamais d’ici, nous allons te faire disparaître ». Sur le chemin de la cellule, les policiers ont donné des coups de pied aux jambes du requérant, qui a trébuché et est tombé sur les genoux, ce qui lui a causé d’autres blessures.

2.5Après l’avoir placé dans une cellule, les policiers ont menotté la main gauche du requérant, qui se tenait debout, et lui ont laissé la main droite libre. Un policier a saisi la main gauche menottée du requérant et un autre sa main droite et a commencé à la tirer, tandis que les autres policiers continuaient de donner de violents coups de pied au requérant dans l’abdomen et les côtes. Après avoir cessé de lui donner des coups de pied, les policiers ont plaqué le requérant contre un mur et un des policiers, identifié comme étant J. J. V., a braqué son arme sur la tempe du requérant et menacé de le tuer. Pendant tout ce temps, un autre policier, que le requérant n’a pas pu identifier, a continué de le cingler avec un trousseau de clefs. Les policiers ont abandonné le requérant blessé dans sa cellule et sont partis. Le requérant affirme avoir été battu durant trois heures environ.

2.6Durant sa détention, le requérant a été mis au secret et les soins médicaux dont il avait besoin et qu’il avait demandés lui ont été refusés, de même que du papier hygiénique et de l’eau. Au bout de quatre heures, à 22 h 30, l’épouse du requérant, qui attendait sur le parking de la Direction de la police, s’est adressée au commandant R. H. S pour lui signaler que ses policiers avaient arrêté son mari sans raison. Elle a dû payer 200 pesos d’amende en espèces pour une « infraction administrative » prétendument commise par son mari, qui a alors été libéré.

Contexte

2.7Le requérant souligne que ces faits s’inscrivent dans le contexte d’un recours systématique à la torture par la police, avec l’aval des fonctionnaires de justice chargés des enquêtes pénales. Dans l’État de Guerrero, qui a été, à un certain moment, considéré comme le plus violent du pays, la torture est une infraction pénale et la loi précise que pour être constituée cette infraction doit avoir une finalité précise, telle qu’obtenir des renseignements ou des aveux relatifs à une infraction ou punir une personne pour un acte qui lui est imputé. Il est cependant rare que des peines soient prononcées du chef de l’infraction de torture, notamment parce que les autorités judiciaires tendent à punir les auteurs d’actes de torture du chef d’autres infractions, telles qu’abus d’autorité et/ou coups et blessures.

2.8En 2012, Taxco arrivait au 33e rang des municipalités présentant l’indice d’insécurité le plus élevé et, en 2014, selon des informations à la disposition du Gouvernement, à Taxco l’organisation criminelle Guerreros Unidos avait infiltré la police municipale et d’autres organisations criminelles avaient noyauté l’administration publique et la police, ce qui avait abouti à la prise en charge de la sécurité de la municipalité par la police fédérale à la fin de 2014 et à l’arrestation du Directeur de la sécurité publique pour appartenance à une organisation criminelle.

Rapports médicaux

2.9Le 28 avril 2013, à 20 h 55, le médecin attaché au Service municipal de la sécurité publique a établi un rapport sur l’intégrité physique du requérant, alors toujours détenu, dans lequel il constatait que le requérant était agressif et euphorique et que son corps ne présentait pas de traces de blessures récentes. Le requérant affirme que ce rapport contredit les résultats de tous les autres examens auxquels il s’est soumis par la suite.

2.10Tout de suite après sa libération, le requérant s’est rendu en compagnie de son épouse à l’hôpital général Adolfo Prieto, où on lui a diagnostiqué une fracture d’une côte.

2.11Le 29 avril 2013, le requérant s’est présenté au Bureau du ministère public du district judiciaire d’Alarcón pour porter plainte ; dans le rapport établi après l’avoir examiné, l’expert légiste attaché au ministère public a constaté que le requérant présentait plusieurs blessures sans gravité. Le requérant estime que ce rapport illustre la partialité du parquet chargé d’instruire son affaire vu que tous les autres examens médicaux auxquels il s’était soumis avaient mis en évidence qu’il avait subi plusieurs blessures graves.

2.12Le 1er mai 2013, le requérant a déposé une plainte contre des membres de la police municipale préventive de Taxco auprès de la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero. La Commission a désigné un expert légiste, qui a conclu le 1er mai que le requérant présentait des hématomes avec inflammation sur le crâne et derrière l’oreille droite ainsi que des écorchures dans la région abdominale et dorsale et sur le cou, le poignet, le bras gauche, l’avant-bras droit et la jambe, la cheville et le genou gauche.

2.13Le 8 juillet 2015, le requérant est allé à l’hôpital général de Mexico pour y subir une série d’examens médicaux car il souffrait toujours de douleurs et de blessures connexes.

2.14Le 24 septembre 2015, la cheffe du service de médecine de réadaptation de l’hôpital a constaté que le requérant présentait plusieurs cicatrices anciennes de couleur sombre et un déficit de la force musculaire aux deux mains, ce qui lui rendait difficile de réaliser des prises fines et certaines manœuvres. En outre, comme le requérant éprouvait des douleurs et souffrait d’un dysfonctionnement érectile, il lui a été prescrit de subir une opération du pénis.

2.15Le 7 avril 2016, après avoir analysé le cas du requérant, deux psychologues membres de l’organisation Colectivo Contra la Tortura y la Impunidad A. C. ont publié un rapport dans lequel ils concluaient qu’il y avait un degré élevé de cohérence et d’homogénéité entre toutes les sources d’information mentionnées dans le dossier, le récit des faits, la pratique notoire de la torture dans le pays et les recherches sur les effets physiques et psychologiques des actes de torture et des mauvais traitements, ce dont il ressortait que la commission d’actes de torture et de mauvais traitements était plausible en l’espèce. Dans le rapport, il était en outre constaté que le requérant présentait des symptômes de dépression, d’anxiété, et de stress post‑traumatique, ainsi que diverses séquelles physiques.

Procédure pénale

2.16Le 29 avril 2013, le requérant s’est rendu au Bureau du ministère public du district judiciaire d’Alarcón pour porter plainte contre R. F. A. (le voisin) ainsi que contre J. M. B., J. J. V. et R. V. R. (des policiers) et tout autre responsable des infractions de menaces, de dommages à un véhicule et de coups et blessures et de toutes les infractions intentionnelles commises à son encontre. L’enquête préliminaire ALA/SC/05/0328/2013 a été ouverte en réponse à la plainte du requérant, dans laquelle il exposait en détail la manière dont l’avaient traité des policiers municipaux et les blessures qu’ils lui avaient infligées, ainsi que les événements ayant abouti à son arrestation. Le requérant indique n’avoir reçu de conseils juridiques à aucun moment lors du dépôt de sa plainte et que, à l’opposé, les agents du ministère public, qui avaient refusé de décliner leur identité, n’avaient cessé de le menacer pour lui faire dire de qui il avait obtenu les noms des policiers municipaux en question.

2.17À la date de rédaction de la communication, le requérant n’avait reçu aucune information sur le déroulement de l’enquête ou ses résultats. Le requérant indique que pendant toute la durée de leur séjour à Taxco, lui-même et son épouse ont été harcelés et ont reçu à plusieurs reprises des menaces émanant de la police municipale. Le requérant est allé au ministère public pour dénoncer cette situation, mais il lui a été répondu de ne pas revenir car « autrement on allait s’occuper de lui sur place ». Le requérant et son épouse ont été forcés de quitter Taxco en juin 2013, en y laissant les matériaux de travail entreposés dans leur atelier et tous leurs effets personnels. Ils n’ont donc pas pu revenir à Taxco pour engager une procédure car cela aurait mis leur vie en danger.

Procédure devant la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero

2.18Le 1er mai 2013, le requérant a déposé auprès de la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero une plainte dans laquelle il exposait la manière dont l’avait traité des policiers municipaux de Taxco et les événements ayant conduit à son arrestation. Dans cette plainte, il demandait : a) que des mesures de sûreté soient prises pour assurer sa protection et celle de sa famille ; b) que l’enquête préliminaire ALA/SC/05/0328/2013 soit dûment menée à son terme.

2.19En réponse à cette plainte a été ouvert le dossier CDHEG-CRZN058/2014-I, affaire no 420/2013, au titre de laquelle la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero a ordonné, en particulier : a) que l’on convoque les parties pour qu’elles fassent leurs dépositions et présentent des éléments de preuve ; b) que l’on procède à un examen médical du requérant ; c) que l’on demande au Président de la municipalité de Taxco de Alarcón (État de Guerrero) de prendre des mesures de sûreté pour empêcher que des membres de la police municipale préventive ne s’en prennent à la personne, aux biens ou à la famille de la victime.

2.20Le 7 mai 2013, J. J. V. et R. V. R. ont déclaré qu’ils ne savaient pas si le plaignant était en conflit avec ses voisins, qu’ils étaient venus dans la rue où il habitait parce qu’on leur avait signalé qu’une personne en état d’ébriété agressait des voisins, qu’ils n’avaient à aucun moment frappé le plaignant et que ce dernier s’était blessé tout seul et avait été arrêté pour des infractions administratives. Le commandant R. H. S. a quant à lui nié avoir été impliqué dans les événements et a renvoyé aux dépositions des policiers J. J. V. et R. V. R.

2.21Le 21 mai 2013, la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero a recueilli les dépositions de deux témoins qui ont affirmé que le plaignant avait insulté M. P. H. en la filmant avec son téléphone mobile. Le requérant affirme que, dans leurs dépositions et leurs témoignages, les policiers, les témoins et le médecin légiste se sont contredits sur plusieurs points.

2.22Le 30 octobre 2013, le Président de la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero a rendu publique la recommandation no 172/2013 et l’a notifiée au Président de la municipalité de Taxco, dont il n’a reçu aucune réponse. Le 22 janvier 2014, le Président a de nouveau été invité à répondre, mais il ne l’a pas fait. Le 7 février 2014, le requérant a formé un recours en carence face au défaut de réponse du Président de la municipalité.

2.23Le 10 avril 2014, la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero a adopté la recommandation no 016/2014, dans laquelle elle concluait que J. J. V. et R. V. R. avaient violé le droit à l’intégrité personnelle du requérant en outrepassant leur autorité et en lui infligeant diverses blessures qui avaient porté atteinte à sa santé. Elle a recommandé que soit ouverte une procédure en application de la loi sur les responsabilités des agents de l’État et des municipalités, qu’une réparation soit accordée au requérant et qu’une formation aux droits de l’homme soit dispensée aux membres du corps de police en cause.

2.24Le 7 juillet 2014, le conseiller juridique et représentant légal de la municipalité de Taxco a accepté la recommandation adressée par la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero, mais a indiqué qu’une procédure administrative contre R. V. R. était sans objet car celui-ci n’était pas en activité dans le corps de police en question.

2.25Toutefois, au moment de la soumission de la communication, le requérant affirmait que cette recommandation n’avait pas été dûment appliquée. Tout d’abord, J. J. V. n’avait fait l’objet que d’un avertissement en privé. Deuxièmement, la municipalité de Taxco avait évalué à 14 608 pesos le préjudice causé au requérant, mais celui-ci considérait que ce montant n’était conforme ni à la nature des violations de ses droits ni à la gravité du préjudice subi. Le 16 mai 2016, le requérant a formé un recours en carence contre la proposition, mais n’avait toujours pas reçu de réponse à la date de l’établissement de la communication. En ce qui concerne la recommandation relative à l’ouverture d’une enquête pénale, le 18 avril 2016 le requérant s’est présenté au Bureau du Procureur général de l’État de Guerrero pour confirmer le déroulé des faits signalés le 29 avril 2013. Sa déposition a été recueillie par l’agent du ministère public de l’État de Guerrero, qui a consigné les griefs d’abus d’autorité (torture), de privation de liberté personnelle, de menaces et de toutes les conséquences pouvant en résulter, mais à la date de l’établissement de la communication le requérant n’avait reçu aucune information sur l’état d’avancement de la procédure.

Procédure auprès du Bureau du Sous-Procureur spécialisé dans les enquêtes sur la criminalité organisée

2.26Le 14 mai 2014, le requérant s’est rendu à la Commission exécutive d’aide aux victimes pour y déposer un ensemble de documents en lien avec l’enquête préliminaire ALA/SC/05/0328/2013, la recommandation de la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero no 016/2014 et l’acceptation de cette recommandation par l’autorité visée. La Commission exécutive d’aide aux victimes a renvoyé l’affaire au Bureau du Sous‑Procureur spécialisé dans les enquêtes sur la criminalité organisée du Bureau du Procureur général de la République, où le requérant s’est rendu le 23 octobre 2014 pour signaler les faits. Comme le requérant avait mentionné le groupe criminel Guerreros Unidos et des policiers municipaux de Taxco, le fonctionnaire du Bureau a commis l’erreur d’ajouter le requérant et son épouse à la liste des plaignants dans l’enquête préliminaire sur la disparition des 43 élèves de l’école normale d’Ayotzinapa, alors que cette disparition était sans aucun lien avec les faits que le requérant était venu dénoncer. Aucune enquête préliminaire sur les infractions signalées par le requérant et son épouse n’a été ouverte et la possibilité de déposer une demande de mesures de sûreté lui a été déniée.

2.27Le 20 avril 2015, le requérant et sa femme se sont rendus de nouveau au Bureau du Sous‑Procureur spécialisé dans les enquêtes sur la criminalité organisée, parce qu’aucune mesure de sûreté n’avait été prise ni aucune procédure pénale engagée. Le 14 mars 2016, le Bureau du Sous‑Procureur s’est déclaré incompétent pour enquêter sur les infractions signalées au motif qu’il s’agissait d’infractions relevant de la juridiction locale et qu’il incombait donc aux autorités de l’État de Guerrero de mener à bien la procédure requise. Le 13 avril 2016, le requérant a formé un recours en amparo auprès du Bureau. Le 1er juillet 2016, le onzième juge de district d’amparo en matière pénale a ordonné au Bureau d’enquêter sur les violations des droits de l’homme signalées dans la plainte, en particulier d’enquêter sur les actes de torture et la privation illégale de liberté à l’encontre du requérant, d’examiner les éléments de preuve en sa faveur à la lumière du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et d’enquêter sur les liens entre les forces de police et des organisations criminelles opérant dans la municipalité de Taxco.

2.28Le requérant fait valoir que les conditions prévues par l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention pour demander que ne soit pas appliquée la règle de l’épuisement des recours internes sont réunies, étant donné que les recours internes ont été prolongés indûment, trois ans et deux mois s’étant écoulés depuis le dépôt de sa première plainte auprès du Bureau du Sous‑Procureur spécialisé dans les enquêtes sur la criminalité organisée et plus d’un an depuis son renouvellement sans que les autorités en charge de l’administration de la justice aient fait avancer l’enquête et, encore moins, aient identifié et inculpé les policiers qui ont torturé le requérant et lui ont infligé des blessures, dont plusieurs graves.

2.29Le requérant indique en outre qu’en droit pénal mexicain, dans un cas tel que le sien les seuls recours internes disponibles pour obtenir l’ouverture d’une enquête sur des actes de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants sont : a) l’ouverture d’une enquête pénale par l’autorité de poursuite de l’État de Guerrero ; b) l’ouverture d’une enquête pénale par le Bureau du Sous-Procureur spécialisé dans les enquêtes sur la criminalité organisée. Le requérant a porté plainte devant l’un et l’autre de ces organes et les autorités compétentes ont été informées des allégations de torture. Le requérant affirme qu’aucune enquête pénale sur les actes de torture commis à son encontre n’a été ouverte et que les autorités judiciaires n’ont ni identifié ni engagé de procédure contre les policiers impliqués dans les faits. Le requérant ajoute qu’il est raisonnable de supposer que les recours possibles ne sont pas susceptibles de lui assurer une protection efficace car l’inaction des autorités compétentes rend peu probable que la formation d’un recours aboutisse à une réparation effective et améliore sa situation.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant dénonce une violation de l’article premier, lu conjointement avec l’article 2 (par. 1), de la Convention. Il affirme que la manière dont il a été traité lors de son arrestation et de son transfert et pendant les heures où il a été détenu et privé de liberté est constitutive d’actes de torture au sens de l’article premier, des agents de l’État lui ayant intentionnellement infligé des souffrances graves, tant physiques que mentales, qui lui ont laissé de graves lésions physiques et psychologiques. Ces lésions ont eu des conséquences graves et irréversibles pour la santé du requérant au point qu’il est désormais dans l’incapacité d’exercer avec la même dextérité qu’auparavant son métier d’artisan à cause de ses blessures aux poignets et aux articulations et, suite aux coups portés à ses parties génitales, ne peut plus avoir de relations sexuelles avec son épouse. Le requérant affirme que le but des policiers municipaux était clair, à savoir le punir et l’intimider sous prétexte qu’il s’était moqué d’eux.

3.2Le requérant affirme que l’État a manqué à son obligation de prévention de la torture en permettant : qu’il soit arrêté en l’absence de flagrant délit et d’autorisation judiciaire préalable ; qu’il soit détenu sans avoir été inscrit dans le registre de garde à vue ; que sa détention ne soit pas soumise à un contrôle par l’autorité judiciaire ; qu’il ne soit pas autorisé à bénéficier d’un examen et de soins médicaux. L’État partie a en outre permis que le requérant soit détenu au secret, sans avoir accès à un avocat, sans être examiné par un médecin indépendant et en se voyant refuser des soins médicaux. Le requérant indique que le premier examen médical sur sa personne a été pratiqué durant sa privation de liberté non pas par un médecin indépendant mais par un médecin du Service municipal de sécurité publique, qui a omis de mentionner qu’il présentait des blessures graves.

3.3Le requérant dénonce une violation de l’article 16, lu conjointement avec l’article 2 (par. 1) de la Convention que constituent les actes commis par des policiers de Taxco au moment de son arrestation, au cours de son transfert et durant son séjour à la Direction de la police. Selon le requérant, au cas où le Comité considérerait que ces actes ne sont pas des actes de torture au sens de l’article premier de la Convention, ils devraient être qualifiés de traitements cruels, inhumains et dégradants. À ces traitements s’ajoute l’atteinte à sa dignité que constitue le refus de lui fournir des soins médicaux, de l’eau et du papier hygiénique.

3.4Le requérant affirme que l’État partie a violé l’article 11 de la Convention étant donné que, durant sa détention à la Direction de la police, les organes compétents n’ont pas appliqué le Protocole d’Istanbul ni aucun autre manuel conforme aux normes internationales relatives aux méthodes de prévention, de repérage et d’attestation des faits de torture, et qu’à la date de l’établissement de la communication les autorités de poursuite qui ont recueilli ses différentes plaintes ne leur avaient pas ordonné de le faire. Cette omission a permis que des actes de torture et des mauvais traitements lui soient infligés et que les policiers ayant perpétrés ces actes soient couverts.

3.5Le requérant soutient que l’État partie a violé les articles 12 et 13 de la Convention en ce qu’il n’a pas veillé pas à ce que les autorités compétentes diligentent immédiatement des enquêtes rapides, impartiales et approfondies sur les faits dénoncés, et il n’a pas autorisé que sa plainte soit instruite rapidement et impartialement par les organes compétents. En outre, trois ans et deux mois après les faits, il n’existe pas de procès-verbal officiel de la nature et des circonstances des actes commis par les policiers, aucun des policiers impliqués dans les actes de torture n’a fait l’objet d’une enquête pénale et aucun d’entre eux n’a donc été jugé ou puni par des peines appropriées tenant compte de la gravité des actes.

3.6Le requérant indique qu’il a porté plainte auprès du ministère public, puis auprès du Bureau du Sous-Procureur spécialisé dans les enquêtes sur la criminalité organisée pour dénoncer les actes de torture qu’il avait subis, en décrivant en détail ces actes et les circonstances dans lesquelles ils avaient été commis, mais qu’aucune enquête rapide et impartiale n’avait été ouverte ni aucun examen médical indépendant ordonné, le tout en violation de l’article 12 de la Convention. De plus, le Bureau du Sous-Procureur, outre la confusion des faits allégués par le requérant avec des faits relevant d’une autre enquête, s’est contenté dans un premier temps d’établir un procès-verbal circonstancié avant de se déclarer incompétent par la suite. Le requérant a bien pu former un recours judiciaire en amparo pour obtenir l’ouverture d’une enquête sur les actes de torture subis, auquel le juge saisi a fait droit, mais à la date d’établissement de la communication il n’avait reçu aucune information sur les dispositions prises par le ministère public pour se conformer à l’ordonnance rendue par le juge.

3.7Le requérant affirme qu’il y a eu une violation de l’article 14 en ce qu’il a été privé d’un recours judiciaire rapide, utile et impartial qui permette d’établir les faits et de poursuivre et sanctionner les responsables des actes de torture et lui permette d’obtenir les mesures d’indemnisation et de réadaptation dues. Suite à l’adoption d’une recommandation préconisant que soit évalué le préjudice subi par le requérant et que lui soit versée une indemnisation, au bout de deux ans la municipalité de Taxco a proposé de lui verser une indemnisation à hauteur de 14 608 pesos seulement, montant qui ne tenait pas compte des nombreuses dimensions du préjudice subi par le requérant.

3.8À titre de réparation, le requérant demande à l’État partie de veiller à ce que soit diligentée sans délai une enquête impartiale et approfondie sur les faits, à ce que les responsables soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, et à ce que lui soit assurée une réparation juste et appropriée garantissant une indemnisation adéquate et les mesures de réadaptation nécessaires, notamment des soins médicaux et psychologiques.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la requête

4.1Dans une note en date du 24janvier 2017, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité de la requête et a demandé que le Comité examine la procédure de recevabilité séparément de l’examen au fond de la communication, conformément à l’article115 (par. 3) du Règlement intérieur du Comité.

4.2L’État partie affirme que la présente requête est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes disponibles, conformément à l’article22 (par.5b)) de la Convention et à l’article113e) du Règlement intérieur du Comité. L’État partie se réfère à la jurisprudence du Comité, en faisant valoir que de simples doutes sur l’efficacité d’un recours ne dispensent pas le requérant de tenter de l’épuiser.

4.3L’État partie fait de plus observer que le requérant n’a jamais participé à la procédure prévue pour faire examiner les griefs exposés dans sa communication. Suite au dépôt de sa première plainte, le 29avril 2013, le ministère public a ouvert la procédure d’enquête préliminaire ALA/SC/05/0328/2013 contre plusieurs policiers des chefs de coups et blessures et de dommages.

4.4L’État partie indique que, le 27octobre 2016, après avoir recueilli divers éléments de preuve sans la coopération du requérant, des poursuites pénales ont été engagées contre les policiers identifiés par le requérant. Ces procédures pénales sont en cours et sont menées avec efficacité en vue d’éclaircir les faits et de punir les responsables des violations signalées par le requérant.

4.5L’État partie rappelle que le requérant dispose de plusieurs voies de recours internes pour contester les éléments qui ne font à son avis pas droit à ses prétentions, et fait valoir que le Comité a décidé que la communication E. Y. c. Canadaétaitirrecevable au motif que le requérant n’avait pas épuisé les recours internes existants.

4.6L’État partie indique que le requérant n’a pas participé à la procédure pénale et n’a engagé aucun des recours à sa disposition. Il n’a pas contesté en appel le refus de délivrance de mandats d’arrêt contre les auteurs présumés des infractions et c’est le ministère public en charge de l’enquête préliminaire qui a formé un recours ce sens, qui est en cours d’examen.Se fondant sur la jurisprudence du Comité, l’État partie fait valoir que le requérant ne s’est pas prévalu des possibilitésd’épuiser les voies de recours internes qui s’offraient à lui, voies de recours qui sont maintenant closes du fait de la prescription des recours en droit interne.

4.7L’État partie souligne que la non-participation du requérant à la procédure pénale ne le dispense pas de l’obligation d’épuiser les recours internes qui lui sont ouverts et que, conformément à la jurisprudence du Comité, la requête devrait être déclarée irrecevable au motif que le requérant n’a pas formé de recours auprès de l’autorité compétente ni expliqué pourquoi il s’était abstenu de le faire.

4.8L’État partie considère que la durée de la procédure n’a pas été indûment prolongée, vu que suite à la plainte du requérantles autorités de poursuite ont effectué une série d’actes de procéduresen tenant compte en outre des avis rendus par la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero.

4.9L’État partie constate que même si la non-participation du requérant à la procédure est imputable, à ses dires, aux menaces qu’il aurait reçues de policiers municipaux, il n’a jamais signalé aux autorités qu’il avait été menacé. Le requérant n’a signalé ces faits à aucun autre organe de poursuite, que ce soit au niveau de l’État de Guerrero ou au niveau fédéral, ce qui a empêché les autorités compétentes de prendre des mesures pour le protéger et lui permettre ainsi de participer aux investigations et de se prévaloir des recours à sa disposition. Le requérant aurait en outre pu signaler les faits à la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero, qui aurait alors mis en œuvre les mécanismes de protection relevant de sa compétence. Le requérant n’a pas davantage présenté d’éléments probants expliquant pourquoi il n’avait pas informé les autorités des menaces qui lui avaient été adressées, ce qui avait empêché les autorités mexicaines de prendre les dispositions voulues pour protéger le protéger et lui donner la possibilité de poursuivre sa procédure et de former les recours qu’il jugeait nécessaires.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans une note en date du 28mars 2017, le requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Au sujet de l’épuisement des recours internes, le requérant renvoie à nouveauà l’article22(par. 5 b)) de la Convention et à la jurisprudence du Comité selon laquelle la règle de l’épuisement des recours internes n’est pas applicable si les recours ont été indûment prolongés ou s’il est peu probable qu’ils permettent d’obtenir une réparation effective. Le requérant maintient que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, il a tenté d’épuiser les recours internes, mais que ces recours ont été prolongés indûment et se sont révélés inefficaces s’agissant d’enquêter sur les actes de torture dont il avait été victime.

5.2À la date de soumission de la communication, près de quatre ans s’étaient écoulés depuis le dépôt par le requérant d’une plainte auprès du Bureau du ministère public des juridictions ordinaires du district judiciaire d’Alarcón et les actes de torture signalés n’avaient fait l’objet d’aucune enquête, que ce soit au niveau de la municipalité ou de l’État de Guerrero. Le requérant souligne que les procédures engagées par le ministère public et par le Bureau du Procureur général de la République visaient l’infraction de coups et blessures et non pas de torture. L’agent du ministère public a refusé pendant près de deux ans d’ouvrir une enquête pour torture.

5.3En réponse aux observations de l’État partie sur la procédure d’enquête préliminaire ALA/SC/05/0328/2013, le requérant réaffirme qu’il a porté plainte pour torture, mais que l’enquête préliminaire ouverte visait les infractions de coups et blessures, de dommages à un véhicule et de menaces. Dans sa plainte le requérant avait pourtant décrit des actes constitutifs d’actes de tortureau sens de l’article premier (par. 1) de la Convention.

5.4Le requérant a engagé une procédured’amparo indirect contre le Bureau du Procureur général de la République pour refus d’enquêter sur des actes de torture et leonzième juge de district d’amparo en matière pénalea constaté que l’infraction de torture n’avait pas fait l’objet d’une enquête (voir supra, par. 2.27)étant donné que les actes imputés aux policiers municipaux avaient été qualifiés de coups et blessures et que cette dernière infraction n’était en rien assimilable à la torture, qui constituait une infraction distincte. Le Protocole d’Istanbuln’avait dès lors pas pu être invoqué puisque que le procureur du ministère public d’Alarcon n’avait pas enquêté sur les actes de torture infligés au requérant.

5.5Le requérant fait observer que l’État partie affirme qu’il aurait dû faire appel de la décision du juge de première instance de la section pénale du district judiciaire d’Alarcón de refuser de délivrer des mandats d’arrêt mais passe sous silence que le ministère public d’Alarcón n’a pas enquêté sur des actes de torture, qu’aucune procédure pénale n’a donc été ouverte de ce chef et que les mandats d’arrêt délivrés contre les trois policiers ne l’ont pas été pour torture. L’État partie passe aussi sous silence le fait qu’en vertu du Code de procédure pénale de l’État de Guerrero les victimes ne sont pas parties à la procédure pénale et ne peuvent donc pas agir de manière autonome mais uniquement en tant qu’auxiliaire du ministère public, et que l’article131 dudit Code dispose que seul le parquet peut former un appel contre un refus de délivrance d’un mandat d’arrêt.

5.6Le requérant ajoute que le recours en amparo indirect mentionné par l’État partie n’aurait pas non plus été utile en l’espèce car un tel recours présuppose qu’une enquête pénale a été ouverte, et dans son cas il n’y a pas eu d’enquête du chef de torture.

5.7Le requérant rappelle que, conformément à la Constitution mexicaine et au Code de procédure pénale de l’État de Guerrero, l’ouverture d’une enquête sur une infraction et l’exercice de l’action publique devant les tribunaux relèvent de la compétence exclusive du parquet et non de la victime de l’infraction. Le Comité a noté à ce sujet que l’article13 de la Convention n’exige pas qu’une plainte pour torture soit présentée en bonne et due forme, mais qu’il suffit que la victime se manifeste, simplement, et porte les faits à la connaissance d’une autorité de l’État pour que naisse pour celui-ci l’obligation de les examiner.

5.8Le requérant précise en outre que l’infraction de dommages à laquelle l’État partie fait référence concerne des dommages au véhicule de son épouse et non à celle-ci ou à lui‑même. Il fait donc valoir que l’affirmation de l’État partie selon laquelle les autorités auraient accompli des progrès sensibles est trompeuse, car aucune des mesures prises ne visait l’infraction de torture et la seule personne arrêtée l’a été du chef de dommages à un véhicule. Le requérant a donc bien tenté d’épuiser les recours disponibles mais la décision du ministère public de Taxco de ne pas enquêter sur l’infraction de torture sur sa personne a rendu son recours ineffectif.

5.9C’est pourquoi le requérant a déposé une plainte auprès du Bureau du Procureur général de la République ; toutefois, l’agent du ministère public fédéral a décidé de ne pas ouvrir d’enquête préliminaire (voir supra, par.2.26), ce qui signifiait qu’il considérait qu’aucune infraction n’avait été commise contre le requérant. En réponse aux plusieurs mémoires soumispar le requérant pour réclamer l’ouverture d’une enquête préliminaire, l’agent du ministère public fédéral lui a signifié qu’une telle enquête était inutile au motif que l’enquête préliminaire ALA/SC/05/0328/2013 était en cours à Taxco. L’agent du ministère public fédéral a donc estimé que l’enquête devait porter sur des coups et blessures et non sur l’infraction de torture.

5.10Le requérant a contesté cette décision en formant un recours en amparo indirect, auquel le onzième juge de district d’amparo en matière pénale a fait droit. Toutefois, a ce jour, aucune procédure n’aété ouverte pour enquêter sur les actes de torture dont le requérant accuse des policiers municipaux de Taxco et le Protocole d’Istanbul n’a ainsi pu s’appliquer. Le requérant a été convoqué deux fois par l’agent du ministère public fédéral : la première fois sept mois après la décision concernant l’application du Protocole d’Istanbul, mais aucune procédure n’a pu être ouverte car l’agent du ministère public fédéral avait omis de prévenir les experts de la convocation du requérant ; la seconde fois deux mois plus tard, mais le psychologue expert ne s’était pas présenté et une troisième convocation avait été nécessaire. Le requérant affirme qu’aucun autre acte de procédure n’a été diligenté depuis en vue d’établir si des actes de torture avaient été commis et s’ils étaient imputables à des policiers.

5.11Le requérant considère pour ces raisons que sont réunisles deux critères justifiant la non-application de la règle de l’épuisement des recours internes énoncés dans la Convention et mis en relief par le Comité, à savoir : la procédure de recours excède des délais raisonnables ; il est peu probable qu’elle offre une protection effective.

5.12Le requérant fait part de son profond étonnement quant aux renseignements fallacieux fournis par l’État partie, selon lesquels il n’aurait jamais signalé à une quelconque autorité qu’il avait été menacé par des policiers municipaux. Le requérant a déposé des signalements ou des plaintes officielles faisant état de menaces de mort à son encontre auprès des autorités suivantes: a)la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero le 1ermai 2013, le 6février 2014 et le 14mai 2015 ;b)le Président de la municipalité de Taxco, le 6mai 2013 ;c)le Conseiller juridique de la municipalité de Taxco, le 6mai 2013 ;d) l’agent du ministère public au sein Bureau du Procureur général de la République, le 23octobre 2014 et le 20avril 2015 ;e)le Président de la Commission exécutive d’aide aux victimes, le 15mars 2015. Lerequérant réaffirme donc que l’État a eu dès le 1ermai 2013 pleine connaissance des menaces de mort qu’il recevait.

5.13Au sujet de la procédure engagée devant la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero, le requérant tient àrappeler que cette instance n’est pas un organe judiciaire et que ses recommandations ne sont pas contraignantes, comme le Comité l’a souligné dans sa jurisprudence, où il a souligné que les enquêtes de la Commission nationale des droits de l’homme ne constituent pas, du fait de la nature de ses recommandations, un recours effectif qui doit être exercé aux fins de l’épuisement des recours internes.

5.14Le requérant demande,pour toutes ces raisons, que sa communication soit déclarée recevable et soit examinée au fond, en ce qu’elle répond raisonnablement et suffisamment aux conditions énoncées à l’article22 (par. 5 a) et b)).

Décision du Comité sur la demande de l’État partie d’examiner séparément la recevabilité de la requête

6.En mai 2017, le Comité a fait savoir aux parties qu’il avait décidé, par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires de protection, d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de la requête.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

7.1Dans une note en date du 24mai 2017, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et le fond, faisant de nouveau valoir que la communication est irrecevable du fait que le requérant n’a pas épuisé les recours internes à sa disposition et ajoutant qu’à son avis le Comité, en tant qu’organe subsidiaire, doit déclarer la communicationirrecevable puisque l’affaire est en cours de règlement au niveau national.

7.2L’État partie constate que la jurisprudence du Comité est claire s’agissant de déterminer, avant de se prononcer sur la recevabilité, si l’État partie aagi conformément aux normes énoncées par la Convention. Le Comité doit donc considérer irrecevable la communication car il a été démontré qu’une procédure interne est pendante et quetous les recours internes effectifs n’ont donc pas été épuisés.

7.3Sur le fond, l’État partie affirme que les enquêtes ont été menées dans le respect des normes et obligations consacrées par la Convention. En l’espèce, compte tenu des faits signalés par le requérant, l’État partie a, conformément à son obligation de diligence et aux normes énoncées par la Convention, pris toutes les mesures requises pour immédiatement procéder à l’ouverture d’une enquête. L’État partie souligne en outre que ces mesures ont abouti à l’ouverture d’une enquête visant les quatre auteurs présumés et rappelle à ce propos que l’obligation d’enquêter est une obligation de moyens et non de résultats.

7.4L’État partie réaffirme que les normes ont été respectées en l’espèce en ce que divers actes de procédure ont été accomplis au titre de différentes investigations, dont aucune ne nécessitait la présence du requérant, et que le temps pris pour mener la procédure pénale était celui prévu par la loi pour les procédures pénales de ce type. Ces investigations ont ainsi produit des résultats, tout d’abord en ce qu’ont été identifiés les responsables présumés, à savoir des policiers présents sur les lieux le jour où les faits se sont produits. Ensuite,dès que l’État a eu connaissance de ces faits une enquête a été ouverte sans tarder et elle a abouti à l’arrestation de l’un des responsables présumés et à la délivrance d’un mandat d’arrêt contre les trois autres, ce qui montre que l’État a agi conformément à ses obligations conventionnelles et que des procédures sont en cours.

7.5Compte tenu de ce qui précède, le Comité ne peut que conclure que l’État partie a respecté son obligation d’enquêter sur les faits dès qu’il en a eu connaissance et que l’affaire est en cours de traitement au niveau national.

Commentaires supplémentaires du requérant sur les observations de l’État partie

8.1Dans une note en date du 8 octobre 2018, le requérant a soumis ses commentaires concernant les observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la communication. Le requérant y souligne que l’État partie reprend les mêmes arguments que ceux exposés dans ses observations en date du 24 janvier 2017, et réitère ses commentaires en date du 28 mars 2017 sur la recevabilité de la communication.

8.2À propos de la demande de l’État partie tendant à ce que la communication soit déclarée irrecevable au motif qu’une procédure interne est en cours, le requérant rappelle que ladite procédure vise les infractions de coups et blessures sur sa personne et de dommages au véhicule de son épouse. Nulle procédure interne d’enquête sur les actes de torture allégués par le requérant n’est pendante et les recours internes se sont donc révélés ineffectifs.

8.3Le requérant rappelle qu’à l’issue de l’enquête préliminaire FED/SEIDO/UEIDMS-GRO/00005467206, ouverte le 12 septembre 2016 par l’Unité du ministère public spécialisée dans les enquêtes sur les infractions d’enlèvement du Bureau du Procureur général de la République, en application de la décision du onzième juge de district d’amparo en matière pénale (voir supra, par. 2.27), l’agent du ministère public fédéral a déclaré qu’il était incompétent pour enquêter sur les actes de torture et que l’instance compétente était le Bureau du Procureur général de l’État de Guerrero − lequel n’a pas enquêté sur les actes de torture signalés. Le requérant réaffirme donc que l’État partie n’a pas, dans ses observations, apporté de réponse quant aux violations de l’article premier de la Convention, lu conjointement avec l’article 2 (par. 1) et l’article 11.

8.4S’agissant de l’article 16, lu conjointement avec l’article 2 (par. 1) de la Convention, le requérant ajoute que l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour garantir des conditions de détention conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, des mesures allant dans ce sens lui ayant même été refusées, comme exposé en détail dans sa communication initiale.

8.5En ce qui concerne les articles 12 et 13 de la Convention, le requérant réaffirme que l’enquête en cours ne porte pas sur l’infraction de torture, que les policiers visés par l’enquête le sont pour coups et blessures et que la seule personne mise en détention l’a été pour dommages au véhicule de son épouse. En dépit des affirmations figurant dans les observations de l’État partie, l’agent du ministère public de Taxco a reçu le procès-verbal de signalement de blessures le jour même où le requérant a déposé sa plainte exposant en détail les actes de torture subis, sans pour autant ouvrir d’enquête sur ces actes.

8.6Au regard de la jurisprudence du Comité, l’État partie aurait violé l’article 12 et, partant, l’article 13 de la Convention.

8.7Au sujet de l’article 14 de la Convention, le requérant ajoute que l’indemnisation proposée par la municipalité de Taxco ne répond pas aux prescriptions dudit article en ce qu’elle ne constitue pas une réparation adéquate, effective et intégrale du préjudice subi du fait des actes allégués.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief soumis dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard de l’article 22 de la Convention.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 22 (par. 5 a)) de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité note que selon l’État partie les recours internes n’ont pas été épuisés et une enquête pénale, à laquelle le requérant n’a pas participé et contre laquelle il aurait pu faire appel a été ouverte à l’encontre des policiers mis en cause. Le Comité note aussi que l’État partie affirme que des procédures ont été engagées par le Bureau du Procureur général de la République, par la municipalité de Taxco et par la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero, et que certaines sont toujours en cours. Le Comité note de plus que le requérant souligne que ces procédures sont inefficaces car indûment prolongées, que les recommandations de la Commission des droits de l’homme n’ont pas de caractère contraignant et que, en tout état de cause, seules les infractions de coups et blessures sur la personne du requérant et de dommages à un véhicule ont fait l’objet d’une enquête, aucune procédure visant des actes de torture n’ayant à aucun moment été ouverte.

9.4Le Comité rappelle que la règle de l’épuisement des recours internes ne s’applique pas si les procédures de recours ont excédé ou pourraient excéder des délais raisonnables et s’il est peu probable qu’elles donnent satisfaction. En l’espèce, le Comité constate que plus de trois ans se sont écoulés depuis que le requérant a déposé sa première plainte en vue de l’ouverture par le Bureau du Procureur général de la République d’une enquête sur des actes de torture. Le Comité constate que les actes de torture allégués n’ont fait l’objet d’une enquête ni par la municipalité de Taxco, ni par le Bureau du Procureur général de la République, en dépit de la décision rendue le 1er juillet 2016 par le onzième juge de district d’amparo en matière pénale ordonnant au Bureau du Sous-Procureur spécialisé dans les enquêtes sur la criminalité organisée du Bureau du Procureur général de la République d’enquêter sur ces actes. Une enquête pénale a bien été ouverte par le Bureau du Procureur général de la République le 27 octobre 2016, laquelle a abouti à la délivrance de mandats d’arrêt contre trois membres de la police municipale, mais le Comité constate que les infractions visées par l’enquête sont celles de coups et blessures sur la personne du requérant et de dommages à un véhicule. Le Comité constate aussi que l’État partie a ouvert des enquêtes et des procédures pénales mais n’a pas diligenté d’enquête sur les actes de torture dénoncés par le requérant, et ce sans fournir de justification ni d’arguments raisonnables quant aux raisons pour lesquelles il n’a enquêté que sur les infractions de coups et blessures et de dommages et non sur les actes de torture, compte tenu en particulier de la rareté et de la nature contestable des procédures engagées et du très petit nombre de condamnations prononcées pour torture dans le pays. Le Comité rappelle aussi que les investigations de la Commission des droits de l’homme de l’État de Guerrero, qui est un organe d’État, ne constitueraient pas, du fait de la nature de ses recommandations, un recours effectif qui doive être exercé aux fins de l’épuisement des recours internes.

9.5Dans ces circonstances, le Comité estime que les procédures internes ont été indûment prolongées et qu’elles seraient inefficaces. Les dispositions de l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention ne l’empêchent par conséquent pas de procéder à l’examen de la requête quant au fond.

9.6En conséquence, le Comité considère que les allégations formulées par le requérant au titre de l’article 2 (par. 1), lu conjointement avec les articles 1 et 16, et des articles 11 à 14 de la Convention sont recevables.

Examen au fond

10.1Conformément à l’article 22 (par. 4) de la Convention, le Comité a examiné la requête en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

10.2Avant d’examiner les allégations formulées par le requérant au titre des articles de la Convention qu’il invoque, le Comité doit déterminer si les actes qu’a subis le requérant constituent des actes de torture au sens de l’article premier de la Convention.

10.3Le Comité note les allégations du requérant selon lesquelles lors de son arrestation, de son transfert et de sa détention par des policiers ceux-ci l’ont frappé à plusieurs reprises avec leurs armes, l’ont roué de coups de poing et de coups de pied, lui ont piétiné les parties génitales, ont braqué leurs armes sur lui et l’ont menacé de le tuer et de le faire disparaître. Le Comité note également que l’auteur a fourni de multiples rapports médicaux attestant de blessures corporelles, telles qu’une fracture des côtes, un dysfonctionnement érectile, des symptômes de stress post-traumatique et un déficit de la force musculaire dans les deux mains. Le Comité prend note en outre du fait que l’État partie a donné une version différente du contexte de la détention, en qualifiant les faits en cause de coups et blessures et de dommages, et qu’il n’a pas fourni de renseignements plus détaillés. Le Comité considère que les allégations du requérant concernant les coups qu’il a reçus lors de son arrestation et de son transfert, ainsi que l’ensemble des circonstances dans lesquelles il a été détenu, privé de soins médicaux et d’eau, sont autant d’éléments qui amènent à conclure à une violation de l’article premier de la Convention, et il ne juge donc pas nécessaire d’examiner séparément l’existence d’une violation de l’article 16.

10.4Le requérant dénonce une violation de l’article2 de la Convention, lu conjointement avec l’article premier, en ce que l’État partie a manqué à son obligation d’empêcher la commission d’actes de tortureen permettant qu’il soit arrêté en l’absence de décision judiciaire préalable, qu’il ne soit pas inscrit dans le registre de garde à vue et que sa détention ne soit pas soumise au contrôle d’une autorité judiciaire. Le Comité constate que le requérant a été arrêté sans mandat et sans qu’on lui donne la possibilité de communiquer avec son épouse ou avec un avocat indépendant. Le Comité rappelle ses constatations et ses recommandations, dans lesquelles il a engagé vivement l’État partie à prendre des mesures efficaces pour garantir que les personnes détenues bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales dès le début de leur privation de liberté, conformément aux normes internationales, en particulierle droit d’être assisté par un avocat sans délai, le droit d’être informé des motifs de leur arrestation et le droit de voir leur détention enregistrée. Dans les circonstances décrites ci-dessus et en l’absence de toute information de l’État partie sur ces faits, le Comité considère que l’État partie a manqué à son obligation de prendre des mesures efficaces pour prévenir les actes de torture, telle qu’elle est énoncée à l’article2 (par.1) de la Convention.

10.5Le Comité prend aussi note de l’argument du requérant selon lequel l’article 11 de la Convention a été violé du fait que durant sa privation de liberté, l’État partie n’a pas appliqué le Protocole d’Istanbul ni aucun autre manuel conforme aux normes internationales relatives aux méthodes de prévention, de repérage et d’attestation des faits de torture. Le Comité rappelle à ce propos que dans ses observations finales sur le septième rapport périodique du Mexique, il a exhorté l’État partie à garantir l’exercice d’une surveillance systématique des procédures de placement en détention et d’interrogatoire, conformément à l’article 11. En l’absence de toute information de l’État partie indiquant qu’il a surveillé les conditions de détention du requérant, le Comité conclut que l’État partie a violé l’article 11 de la Convention.

10.6Pour ce qui est des articles 12 et 13 de la Convention, le Comité prend note des allégations du requérant selon lesquelles les autorités compétentes n’ont pas procédé immédiatement à une enquête rapide et approfondie sur les actes de torture.

10.7Le Comité rappelle l’obligation, énoncée à l’article 12 de la Convention, de procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis. Il fait observer à cet égard que, malgré les blessures apparentes que le requérant présentait le 29 avril 2013, comme l’attestent les certificats médicaux, il n’y a pas eu ouverture immédiate d’une enquête sur les faits allégués. L’État partie a fait valoir qu’après le dépôt de plainte du 29 avril a été ouverte une enquête contre plusieurs policiers pour coups et blessures sur la personne du requérant et dommages à un véhicule, et que, le 27 octobre 2016, une procédure pénale, à laquelle le requérant n’a pas participé, a été ouverte contre les policiers qu’il avait signalés. L’État partie a fait valoir de plus que l’obligation d’enquêter était une obligation de moyens et non de résultats.

10.8Le Comité rappelle également qu’une enquête ne suffit pas en soi pour démontrer que l’État partie s’est acquitté des obligations qui découlent de l’article 12 de la Convention et qu’il faut aussi que l’enquête soit rapide et impartiale. Il rappelle que la rapidité est essentielle autant pour éviter que la victime continue de subir des actes de torture que parce que les marques physiques de la torture disparaissent généralement à brève échéance. À cet égard, le Comité note que, suite à sa plainte du 29 avril 2013, le requérant a été convoqué pour la première fois au Bureau du Procureur général de l’État de Guerrero le 18 avril 2016. En outre, malgré la décision rendue le 1er juillet 2016 par le onzième juge de district d’amparo en matière pénale, l’agent du ministère public fédéral n’a pas ouvert d’enquête sur les actes de torture signalés dans la plainte. Les investigations du Bureau du Procureur général de la République n’ont repris que trois ans après les faits, sans qu’aient été avancées de raisons justifiant la lenteur excessive de ces investigations et qu’aient été fournies en temps utile au requérant des informations sur leur avancement.

10.9Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 et 13 de la Convention.

10.10Le Comité prend note de ce que le requérant dénonce une violation de l’article 14 de la Convention et qu’il affirme également que l’indemnisation accordée par la municipalité de Taxco ne répond pas aux exigences de l’article 14. Le Comité rappelle son observation générale no 3 (2012), dans laquelle il est souligné que l’obligation des États parties d’assurer les moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible pour quiconque a subi un préjudice résultant d’une violation de la Convention, englobe une prise en charge médicale et psychologique ainsi que l’accès à des services juridiques et sociaux. Compte tenu du défaut d’enquête rapide et impartiale sur les allégations du requérant, ainsi que de tous les éléments exposés dans les paragraphes précédents, le Comité conclut que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14 de la Convention.

11.Le Comité, agissant en vertu de l’article 22 (par. 7) de la Convention, conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des articles 1, 2 (par. 1), 11, 12, 13 et 14 de la Convention.

12.Conformément à l’article 118 (par. 5) de son règlement intérieur, le Comité invite instamment l’État partie à : a) ouvrir une enquête impartiale, approfondie, efficace et indépendante sur les faits de torture ; b) poursuivre, juger et condamner à des peines appropriées les personnes responsables des violations commises ; c) accorder une pleine réparation, y compris une indemnisation juste et adéquate, au requérant et à sa famille, ainsi qu’une réadaptation la plus complète possible ; d) prendre les mesures nécessaires pour garantir la non‑répétition des faits visés dans la présente requête. Le Comité invite instamment l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner suite aux observations ci-dessus.