Nations Unies

CRC/C/HTI/CO/2-3

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

24 février 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales sur les deuxième et troisième rapportspériodiques d’Haïti, soumis en un seul document *

I.Introduction

Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques d’Haïti soumis en un seul document (CRC/C/HTI/2-3) à ses 2068e et 2070e séances (voir CRC/C/SR.2068 et 2070), tenues le 15 janvier 2016, et a adopté à sa 2104e séance (voir CRC/C/SR.2104), tenue le 29 janvier 2016, les observations finales ci-après.

Le Comité accueille avec satisfaction les deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie soumis en un seul document, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/HTI/Q/2-3/Add.1), qui lui ont permis de mieux comprendre la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification des instruments ci-après ou l’adhésion à ces instruments :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2014 ;

b)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2013 ;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009 ;

d)La Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, en 2012 ;

e)La Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées, en 2009 ;

f)La Convention de l’Organisation internationale du Travail (no 138) concernant l'âge minimum d'admission à l’emploi, de 1973, en 2007 ;

g)La Convention de l’Organisation internationale du Travail (no 182) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, de 1999, en 2007.

Le Comité salue l’adoption des mesures législatives suivantes :

a)La loi sur la vente et la traite des personnes, en 2014 ;

b)La loi sur la prévention et la répression de la corruption, en 2014 ;

c)La nouvelle loi sur l’adoption, du 29 août 2013 ;

d)La loi sur la paternité, la maternité et la filiation, du 12 avril 2012 ;

e)La loi du 9 mai 2012 sur l’organisation et le fonctionnement de l’Office de protection civile ;

f)La loi du 13 mars 2012 sur l’intégration des personnes handicapées ;

g)Le décret du 6 juillet 2005 modifiant les dispositions relatives aux agressions sexuelles et à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en la matière ;

h)La loi du 7 mai 2003 sur l’interdiction et l’élimination de toutes les formes d’abus, de violence, de maltraitance ou de traitements inhumains contre les enfants.

Le Comité salue également la mise en place des organes et des politiques suivants :

a)Le Plan national de prévention et de répression de la violence envers les enfants, en 2014 ;

b)Le Plan national de lutte contre la traite, en 2014 ;

c)Le Comité national de lutte contre la traite, en 2015 ;

d)Le Comité national tripartite contre le travail des enfants, en 2013 ;

e)Le Comité interministériel des droits de l’homme, en 2013 ;

f)Le Comité de travail sur l’intégration scolaire des enfants des rues, en 2012 ;

g)L’adoption par l’Institut de la protection et de la recherche sociales (IBESR) d’un plan de déconcentration de ses services dans neuf départements, en 2012 ;

h)La mesure administrative réglementant le voyage des mineurs et le protocole d’accord entre l’IBESR, la Brigade pour la protection des mineurs et la Direction de l’immigration et de l’émigration, en 2012 ;

i)La Stratégie de développement à long terme d’Haïti ;

j)Le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire, en 2012 ;

k)Le Plan national de protection de l’enfant haïtien en situation de difficulté ou de vulnérabilité, en 2007.

III.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvrede la Convention

Le Comité prend note de la persistance des effets du tremblement de terre de 2010 et de l’instabilité politique que connaît l’État partie, qui entravent la mise en œuvre des droits inscrits dans la Convention.

IV.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite à se s recommandations de 2003 (voir  CRC/C/15/Add.202) qui n’ont pas été appliquées ou qui l’ont été de façon insuffisante, en particulier celles relatives à la collecte de données (par.  16), à la di ffusion et à la formation (par.  20), à l’inté rêt supérieur de l’enfant (par.  29) et au respect de l’opinion de l’enfant (par.  31).

Législation

Le Comité constate avec inquiétude que le Code sur la protection des enfants et la loi-cadre sur la réforme de l’IBESR n’ont toujours pas été adoptés.

Le Comité recommande à l’ É tat partie de hâter l’adoption du Code sur la protection des enfants et de la loi-cadre sur la réforme de l’IBESR.

Coordination

Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe aucun organe gouvernemental chargé de coordonner l’ensemble des politiques, des lois et des programmes relatifs aux droits de l’enfant.

Le Comité recommande à l’État partie de désigner un organe interministériel de haut niveau chargé de coordonner l’ensemble des activités de mise en œuvre de la Convention à l’échelon intersectoriel, national, régional et local , de confier à cette entité un mandat clair et une autorité suffisante et de mettre à sa disposition des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de remplir efficacement sa fonction.

Allocation de ressources

Le Comité constate avec satisfaction que les ressources allouées à la mise en œuvre des droits de l’enfant ont été augmentées. Il demeure toutefois préoccupé par le fait qu’elles restent très insuffisantes et que la dette nationale a poursuivi son augmentation, ce qui limite probablement la quantité de ressources qu’il est possible de consacrer aux enfants. De plus, s’il accueille avec satisfaction l’adoption, en 2014, de la loi sur la prévention et la répression de la corruption, le Comité est alarmé par la forte prévalence de ce phénomène.

À la lumière de sa journée de débat général organisée en 2007 sur le thème «  Ressources pour les droits de l’enfant − Responsabilité des États », le Comité recommande à l’ É tat partie  :

a) De procéder à une évaluation complète des besoins budgétaires des enfants et d’allouer des ressources budgétaires suffisantes pour mettre en œuvre les droits de l’enfant, et de veiller à ce que ces lignes budgétaires soient protégées même en cas de crise économique, de catastrophe naturelle ou d’autre situation d’urgence  ;

b) De prendre des mesures immédiates pour lutter contre la corruption et renforcer les moyens institutionnels visant à détecter la corruption, enquêter sur les cas de corruption et les malversations financières et en poursuivre les auteurs.

Collecte de données

Réitérant ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.202, par.  16), l e Comité recommande à l’État partie de mettre au point, en se conformant à la Convention, un ensemble d’indicateurs et un système de collecte de données permettant une ventilation par sexe, âge et région urbaine ou rurale. Ce système devrait couvrir tous les moins de 18 ans, un accent particulier étant mis sur les plus vulnérables. Le Comité invite en outre l’État partie à se servir de ces indicateurs et données pour élaborer des politiques et des programmes aux fins de la mise en œuvre effective de la Convention. Il recommande en outre à l’État partie de prendre en compte le cadre conceptuel et méthodologique défini par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) dans sa publication intitulée «  Indicateurs des droits de l’homme  : Guide pour mesurer et mettre en œuvre » dans la définition, la collecte et la diffusion de statistiques, et de solliciter une assistance technique auprès du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et du Programme des Nations Unies pour le développement, entre autres.

Mécanisme de suivi indépendant

Le Comité accueille avec satisfaction la création de l’Office de la protection du citoyen en 2012 et la création, au sein de l’Office, d’un service de protection de l’enfance. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’Office ne dispose pas de moyens financiers suffisants et que le service de protection de l’enfance dispose d’un personnel trop peu nombreux et est mal connu des enfants eux-mêmes.

À la lumière de son observation générale n o 2 (2002) concernant le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant, le Comité recommande à l’ É tat partie de doter l’Office de la protection du citoyen de moyens financiers suffisants et de renforcer le service de protection de l’enfance, notamment par le recrutement de personnel supplémentaire, et de faire en sorte que les enfants soient suffisamment informés de sa compétence en matière de traitement des plaintes. Il lui recommande par ailleurs de poursuivre ses efforts visant à faire en sorte que l’Office soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Diffusion, sensibilisation et formation

Réitérant ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.202, par.  20), le Comité recommande à l’ É tat partie  :

a) D’intensifier ses efforts pour faire connaître les principes et dispositions de la Convention et sensibiliser ainsi la société aux droits des enfants par la mobilisation sociale  ;

b) De mettre en place des programmes systématiques d’éducation et de formation sur les dispositions de la Convention à l’intention de tous les groupes professionnels travaillant pour et avec des enfants, à savoir les parlementair es, les juges, les avocats, les responsables de l’application des lois, les fonctionnaires, les élus locaux, le personnel des établissements accueillant des enfants et des centres de détention pour mineurs, les enseignants, le personnel de santé, y compris les psychologues, et les travailleurs sociaux  ;

c) De solliciter une assistance technique auprès du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et de l’UNICEF, entre autres.

Coopération avec la société civile

Tout en prenant note de certaines initiatives prises par l’État partie, y compris dans le cadre des efforts du Groupe pour la protection des enfants, le Comité constate avec inquiétude que l’État partie n’a toujours pas mis en place de coopération structurée et systématique avec la société civile. Il s’inquiète en outre vivement des agressions violentes, y compris des viols, et des menaces de mort contre les défenseurs des droits de l’homme et, plus particulièrement, contre les défenseurs des droits des filles et des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, et de ce que ces agressions ne donnent lieu à aucune enquête de la part des autorités.

Le Comité engage vivement l’ É tat partie à faire en sorte que les agressions violentes et les menaces de mort à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme fassent rapidement l’objet d’enquêtes indépendantes et que les responsables de tels actes en répondent et soient punis en conséquence. Il lui recommande par ailleurs de redoubler d’efforts et de mettre en place une coopération structurée et systématique avec la société civile de façon à définir des règles minimales claires concernant les services assurés par ces organisations, et de veiller à ce que ces règles minimales fassent l’objet du suivi voulu.

B.Définition de l’enfant (art. 1er)

Le Comité constate avec préoccupation qu’aux termes de l’article 133 du Code civil, les filles peuvent se marier dès l’âge de 15 ans et les garçons dès 18 ans. Il constate par ailleurs avec inquiétude que :

a)Il peut être dérogé au statut juridique d’un enfant de 15 ans sur décision de ses parents, de sorte que l’enfant est traité comme un adulte au regard de la loi ;

b)Un enfant qui se marie acquiert automatiquement la majorité, statut qui est irrévocable, y compris en cas de dissolution du mariage, ce qui peut rendre l’enfant vulnérable, particulièrement dans le cas d’une fille, qui peut être mariée dès l’âge de 15 ans.

Le Comité recommande à l’ É tat partie d’abroger l’article 133 du Code civil et de fixer expressément à 18  ans l’âge minimum légal du mariage, pour les filles comme pour les garçons. Il lui recommande en outre d’abroger le pouvoir discrétionnaire qui permet actuellement à la famille de décider qu’un enfant a attein t la majorité avant l’âge de 18  ans et de faire en sorte que tous les enfants puissent, en toutes circonstances, jouir de la pleine protection qui leur est conférée par la Convention.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption de la loi de 2014 sur la paternité, la maternité et la filiation, laquelle garantit aux enfants nés hors mariage le même traitement qu’aux autres enfants, le Comité constate avec préoccupation que cette loi n’est pas rétroactive, que les enfants nés hors mariage avant 2014 en sont par conséquent exclus et que les mesures d’application de la loi sont insuffisantes, notamment en ce qui concerne les tests ADN. Le Comité est en outre préoccupé par :

a)La discrimination persistante envers les filles, confrontées dès le plus jeune âge aux stéréotypes sexistes et à la violence ;

b)La persistance d’une discrimination de fait envers les enfants handicapés, les enfants des rues, les enfants qui travaillent et les enfants nés hors mariage ou abandonnés par leur père, et la discrimination, les menaces et les agressions dont font l’objet les enfants lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour :

a) Appliquer de manière effective la loi sur la paternité, la maternité et la filiation, notamment en autorisant, dans un délai raisonnable, l’accès à des tests ADN gratuits et en faisant connaître la loi, particulièrement parmi les populations des zones reculées  ;

b) Rendre la loi sur la paternité, la maternité et la filiation rétroactive, afin d’en garantir l’application aux enfants nés avant 2014  ;

c) Éliminer la discrimination sociale dont les filles font l’objet moyennant des programmes d’éducation du public, y compris des campagnes menées en coopération avec les organisations de la société civile, ceux qui font l’opinion, les familles et les médias, pour lutter contre les stéréotypes associés aux rôles de l’homme et de la femme, et doter les enseignants et le personnel du système éducatif, à tous les niveaux, des capacités nécessaires dans le domaine de l’égalité des sexes  ;

d) Engager des programmes et des campagnes de sensibilisation afin de lutter contre la discrimination et l’exclusion sociale dont font l’objet les enfants handicapés, les enfants des rues, les enfants qui travaillent, les enfants nés hors mariage ou abandonnés par leur père et les enfants lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, protéger ces enfants contre toutes les formes d’agression, et favoriser la création d’un environnement propice à l’ouverture et à la tolérance en milieu scolaire comme dans d’autres espaces pour enfants.

Intérêt supérieur de l’enfant

À la lumière de son o bservation générale n o 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, et se référant à ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.202, par.  29), le Comité recommande à l’ É tat partie de veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit intégré dans l ’ ensemble des lois, politiques, programmes et autres instruments pertinents en rapport avec la mise en œuvre de la Convention. Il recommande en particulier à l’État partie d’abolir le droit de «  correction paternelle », qui permet aux parents de faire emprisonner leurs enfants.

Respect de l’opinion de l’enfant

À la lumière de son o bservation générale n o 12 (2009) concernant le droit de l’enfant d’être entendu, et réitérant ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.202, par.  31), le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que l’opinion de l’enfant soit dûment prise en considération, conformément à l’article 12 de la Convention, au sein de la famille, à l’école, devant les tribunaux et dans toute procédure administrative ou autre l’intéressant, notamment à travers l’adoption des lois appropriées, la formation des professionnels et la mise en place d’activités spécifiques à l’école.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances et nationalité

Tout en prenant note des efforts entrepris par l’État partie pour garantir l’accès à l’enregistrement des naissances, le Comité constate avec inquiétude que le nombre d’enfants qui ne sont pas enregistrés et/ou qui ne possèdent pas de certificat de naissance reste élevé. Il est en outre préoccupé de constater que :

a)Les institutions chargées de l’enregistrement de l’état civil ne fonctionnent pas de manière efficace, leur personnel est mal formé et leurs ressources sont insuffisantes, si bien qu’il arrive fréquemment que les fonctionnaires de l’état civil prélèvent des redevances pour délivrer un certificat de naissance ;

b)Il arrive que certains enfants disposent d’un certificat de naissance sans être enregistrés ou inversement ;

c)L’accès aux services de l’état civil est limité dans les zones rurales et reculées ;

d)Les enfants ne reçoivent pas de carte d’identité, ce qui leur fait courir le risque d’être arrêtés lorsqu’ils franchissent les frontières ;

e)L’État partie n’a toujours pas adopté le projet de loi sur la nationalité qui reconnaît le statut des apatrides et renferme des mesures visant à prévenir les cas d’apatridie, et le Code sur la protection des enfants ne contient aucune disposition visant à prévenir l’apatridie ;

f)Les enfants et les familles d’ascendance haïtienne expulsés de République dominicaine qui ont été déchus de leur nationalité et rendus apatrides par cette dernière reçoivent un appui insuffisant.

Le Comité engage instamment l’ É tat partie à intensifier ses efforts pour assurer que tous les enfants soient enregistrés à la naissance, notamment en créant des services d’enregistrement de l’état civil dans les hôpitaux et les camps de personnes déplacées, en promouvant l’utilisation de services mobiles d’enregistrement, en particulier dans les zones rurales et reculées, et en organisant des programmes et des campagnes de sensibilisation. Le Comité recommande en outre à l’ É tat partie  :

a) De faire en sorte que tous les bureaux de l’état civil délivrent les certificats de naissance gratuitement  ;

b) De veiller à ce que l’enregistrement d’une naissance et la délivrance du certificat de naissance s’effectuent en même temps  ;

c) De doter les bureaux de l’état civil des moyens humains, techniques et financiers voulus et de former les employés  ;

d) D’augmenter le nombre de bureaux de l’état civil dans toutes les régions du pays, notamment dans les zones rurales et reculées, et de faciliter l’accès à ces services  ;

e) De réviser ses politiques de façon à permettre aux enfants d’obtenir des cartes d’identité  ;

f) D’adopter le projet de loi sur la nationalité et la législation correspondante en matière d’état civil, et de veiller à ce que le projet de code sur la protection des enfants soit conforme à la loi sur la nationalité et aux conventions concernant l’apatridie  ;

g) De délivrer immédiatement des pièces d’identité aux enfants d’ascendance haïtienne expulsés de République dominicaine et aux membres de leur famille  ;

h) D’adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2),34, 37 a) et 39)

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le Comité note avec une vive inquiétude :

a)Les cas d’enfants torturés en détention qui ont été signalés ;

b)La violence grave et continue, notamment la violence familiale, dont font l’objet les enfants, particulièrement ceux qui vivent dans la pauvreté et ceux qui sont employés à des travaux domestiques, et la faiblesse de l’action des pouvoirs publics en de tels cas ;

c)Le fait que l’État partie n’accorde aucun appui aux enfants d’ascendance haïtienne torturés par les autorités de la République dominicaine.

Le Comité appelle l’attention de l’ É tat partie sur l’Objectif de développement durable 16, cible 16.1, qui vise à réduire nettement, partout dans le monde, toutes les formes de violence et les taux de mortalité qui y sont associés, et engage instamment l’ É tat partie à prendre rapidement des mesures pour interdire et incriminer toutes les formes de violence à l’égard des enfants. Le Comité recommande par ailleurs à l’ É tat partie  :

a) D’engager sans délai des enquêtes approfondies sur toutes les allégations de violence et de torture, de traduire les responsables en justice et de faire en sorte qu’ils soient condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des faits  ;

b) De mettre en place un mécanisme approprié permettant aux enfants détenus de correspondre de manière confidentielle avec les organismes judiciaires et de recueil de plaintes extérieurs, et d’installer des boîtes fermées destinées à recevoir les plaintes dans les prisons  ;

c) De sensibiliser et former les agents de la force publique, le personnel des services sociaux, les procureurs et les juges sur le signalement des cas de violence familiale et autres formes de violence à l’égard des enfants, les enquêtes, les poursuites judiciaires et les peines encourues, et de garantir des procédures de signalement de ces cas qui soient adaptées aux spécificités de l’enfant  ;

d) De poursuivre ses efforts aux fins de l’adoption de protocoles de coordination entre les autorités chargées de la protection des enfants à la frontière entre la République dominicaine et Haïti, ainsi que de protocoles relatifs au retour volontaire d’enfants migrants, assortis de garanties d’une procédure équitable.

Violence sexiste

Le Comité note avec une profonde préoccupation que le degré de violence sexiste, sexuelle et intrafamiliale à l'égard des femmes et des filles, particulièrement de celles qui vivent dans les camps de personnes déplacées, est élevé et que les auteurs de cette violence jouissent d’une impunité générale. Il note en outre avec une profonde préoccupation que les cas de violence sexiste et d'agression sexuelle envers les femmes sont nourris par des attitudes sexistes qui attribuent la faute à la victime. Il est également vivement préoccupé par :

a)Le refus fréquent des policiers, des procureurs et des juges d’enquêter sur les cas de violence sexiste, en particulier du fait de la corruption ;

b)Le fait que les victimes de violence sexiste doivent présenter un certificat médical en cas de viol et payer une redevance avant de pouvoir introduire une action pénale ;

c)La violence généralisée contre les femmes et les filles enceintes ;

d)L’absence de statistiques complètes sur la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles.

Appelant l’attention sur l’Objectif de développement durable 5, cible 5.2, lequel vise à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitation, le Comité engage instamment l’ É tat partie à faire en sorte que les allégations concernant des cas de violence sexiste donnent lieu à des enquêtes indépendantes et approfondies et que les auteurs soient traduits en justice. L’ É tat partie doit mettre en place des formations régulières et approfondies pour les juges, les avocats, les procureurs, les policiers et les autres groupes de professionnels concernés sur les procédures normalisées adaptées aux spécificités des femmes et des enfants permettant de prendre en charge les victimes et sur la façon dont les stéréotypes sexistes empêchent la justice d’appliquer strictement la loi. Le Comité engage également avec instance l’ É tat partie à  :

a) Adopter des lois spécifiques sur la violence sexiste de façon à renforcer le cadre juridique de la protection des femmes et des filles contre toutes les formes de violence, élaborer et appliquer des lignes directrices et des sanctions disciplinaires claires pour lutter contre l’impunité et obliger les agents de la force publique à rendre des comptes en cas de corruption, et encourager les enfants victimes de violence sexiste et leurs parents à porter plainte devant la police  ;

b) Réviser la législation de façon à prévoir que le témoignage d’une victime est suffisant pour déclencher une enquête pénale contre le crime de viol ou tout autre acte de violence, et veiller à ce que la victime ne doive s’acquitter d’aucune redevance avant de pouvoir introduire une action en justice pour violence sexiste  ;

c) Fournir aux victimes une protection, une assistance et une réadaptation améliorées, en veillant tout particulièrement à protéger les femmes et les filles enceintes, et pour cela mettre en place un système complet de soins pour les victimes de la violence sexiste  ;

d) Collecter des données ventilées sur la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles et sur le nombre de plaintes, d’actions judiciaires et de condamnations, et faire figurer ces données dans son prochain rapport  ;

e) Mener, en collaboration avec les organisations de la société civile, des programmes de sensibilisation et d’éducation à grande échelle en direction des garçons, des filles, des hommes et des femmes, afin de prévenir la violence sexiste et de lutter contre la stigmatisation des victimes.

Châtiments corporels

Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption, en 2014, du Plan national d’action visant à prévenir et combattre la violence à l’égard des enfants, le Comité constate avec inquiétude que les châtiments corporels, y compris avec différents types de fouets, sont encore largement pratiqués sur les enfants dans tous les environnements et largement acceptés comme forme de discipline. Il note également avec inquiétude que la loi interdisant les châtiments corporels ne précise pas de façon suffisamment claire que toutes les formes de châtiments corporels sont effectivement interdites, et que les interdictions existantes sont mal appliquées, de sorte que les auteurs jouissent fréquemment de l’impunité.

À la lumière de son o bservation générale n o 8 (2006) concernant le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, de son o bservation générale n o 13 (2011) concernant le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, et des recommandations de l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants menée en 2006 (A/61/299), le Comité recommande à l’État partie de faire de l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des enfants une priorité. Le Comité engage en outre instamment l’ É tat partie à  :

a) Interdire expressément les châtiments corporels dans tous les environnements, appliquer scrupuleusement cette interdiction et s’assurer régulièrement qu’elle est effectivement appliquée  ;

b) Sensibiliser les enseignants sur l’interdiction de la violence, notamment en élaborant un code de conduite pour les enseignants et en les formant aux méthodes positives et non violentes de discipline  ;

c) Élaborer une stratégie nationale globale pour prévenir et combattre toutes les formes de violence à l’égard des enfants  ;

d) Promouvoir des pratiques pédagogiques et disciplinaires positives, non violentes et participatives, et renforcer les programmes et campagnes de sensibilisation et d’éducation sur l’interdiction des châtiments corporels, notamment avec la participation des enfants eux-mêmes.

Exploitation et violences sexuelles

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi de 2005 sur les agressions sexuelles. Il s’inquiète toutefois vivement du nombre élevé de cas d’exploitation et de sévices sexuels contre des enfants, dont la recrudescence s’est encore amplifiée à la suite du tremblement de terre de 2010, un nombre significatif de cas ayant été signalés dans les camps de personnes déplacées. Il constate en outre avec inquiétude que les auteurs bénéficient fréquemment de l’impunité ou ne sont condamnés qu’à des peines légères. Le Comité est par ailleurs préoccupé par :

a)Une tendance générale à refuser de signaler les cas d’exploitation et de sévices sexuels contre des enfants, l’absence de protection des victimes contre la stigmatisation, l’exclusion et les actes de vengeance, et l’insuffisance de l’appui des pouvoirs publics, voire la discrimination et/ou les abus pratiqués par leurs représentants contre les victimes ;

b)Le fait que les parents refusent fréquemment de saisir la justice et acceptent les dédommagements proposés par les auteurs ou font pression sur la victime pour qu’elle vive avec l’auteur des faits ;

c)Le grand nombre de filles qui se prostituent en échange de nourriture, de médicaments ou d’articles pour bébés, c’est-à-dire de « transactions sexuelles », et la multiplication des cas d’exploitation et de sévices sexuels pratiqués sur des femmes et des enfants par certains membres du personnel de maintien de la paix des Nations Unies ;

d)La faible criminalisation du viol conjugal ;

e)La vulnérabilité des enfants de mères célibataires face aux sévices sexuels et au viol, ces enfants étant confiés à des étrangers pendant les heures de travail, particulièrement dans les camps de personnes déplacées.

Le Comité prie instamment l’ É tat partie d’appliquer rigoureusement la législation nationale qui protège les enfants contre l’exploitation et les sévices sexuels, de traduire les auteurs en justice et de les condamner à des peines appropriées, et de dispenser une formation intensive aux membres de la police, aux agents du système judiciaire et aux professionnels travaillant avec et pour les enfants au sujet de ces lois. Le Comité prie en outre avec instance l’État partie  :

a) De mettre au point des mécanismes, des procédures et des lignes directrices rendant obligatoire le signalement des cas d’exploitation sexuelle d’enfants et de violences sexuelles sur enfants, de mener des programmes et des campagnes de sensibilisation afin de lutter contre la stigmatisation des victimes, de mettre en place des procédures accessibles, confidentielles, adaptées aux enfants et efficaces pour le signalement de telles violations, et de protéger les victimes et les membres de leur famille contre toutes les formes de vengeance  ;

b) D’interdire tout arrangement extrajudiciaire dans les cas d’exploitation et de violences sexuelles visant des enfants, en particulier le fait de contraindre la victime à se marier ou à vivre en concubinage avec l’auteur des faits ou à entretenir une quelconque relation avec lui  ;

c) De mettre à disposition des services de qualité, notamment de proposer à temps et gratuitement des contraceptifs d’urgence et des moyens de prévention de l’infection par le VIH, et des ressources suffisantes pour assurer la protection, l’indemnisation et la réadaptation des enfants victimes de violences sexuelles et d’exploitation sexuelle, et de fournir un appui spécifique aux filles et aux mères célibataires qui vivent dans la pauvreté afin d’éviter qu’elles aient recours aux transactions sexuelles  ;

d) De criminaliser explicitement le viol conjugal et le rendre passible de peines équivalentes aux peines encourues pour le viol extraconjugal  ;

e) De permettre aux mères qui travaillent de confier leurs enfants à des structures d’accueil de jour appropriées, et de collaborer, entre autres, avec les organisations de la société civile pour mettre en place de telles structures, notamment dans les camps de personnes déplacées  ;

f) De s’attacher à élaborer des programmes et des politiques visant à la prévention ainsi qu’à la réadaptation et à la réinsertion des enfants victimes, conformément aux documents finals adoptés aux congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Violence des gangs

Le Comité est préoccupé par le climat de peur, d’insécurité, de menaces et de violence créé par les gangs, notamment par les risques d’enlèvement, qui empêche les enfants de vivre pleinement leur enfance et leur adolescence.

Le Comité demande instamment à l’État partie de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies globales pour traiter efficacement ce problème. Loin de se limiter à des mesures pénales, ces stratégies doivent aussi traiter les facteurs sociaux et les causes profondes de la violence des jeunes, de leur regroupement en gangs et de leur participation à la criminalité liée aux stupéfiants, et comporter des politiques d’insertion sociale des adolescents marginalisés. Le Comité recommande en outre à l’ État partie de mettre en place des programmes destinés à aider les membres des gangs à sortir de ces gangs et à se réinsérer dans la société.

Pratiques préjudiciables

Le Comité constate avec inquiétude que la pratique des mariages forcés ou arrangés existe toujours dans l’État partie, en particulier après un viol ou en cas de grossesse.

À la lumière de l’ o bservation générale n o 18 (2014) sur les pratiques préjudiciables, qu’il a adoptée conjointement avec le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Comité des droits de l’enfant recommande à l’ É tat partie de s’attacher à mener des programmes et des campagnes de sensibilisation destinés à faire prendre conscience des conséquences négatives du mariage des enfants et à lutter contre les attitudes sociales négatives envers les adolescentes enceintes non mariées, et de fournir aux mères adolescentes et à leurs enfants l’appui et la protection nécessaires contre la stigmatisation et l’exclusion.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18(par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

Le Comité constate avec préoccupation que l’article 189 du Code civil, qui traite de la responsabilité parentale, fait uniquement référence aux enfants de couples mariés. Il observe en outre avec inquiétude que les pères se soustraient fréquemment à leurs responsabilités parentales et que les mères en font rarement état. Il est en outre préoccupé par le décret du 8 octobre 1982 qui, s’il prévoit l’arrestation des personnes se soustrayant à l’obligation alimentaire, ne s’applique pas aux couples non mariés.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les deux parents soient juridiquement responsables de leurs enfants, de manière équitable. Le Comité recommande également à l’État partie  :

a) De réviser l’article 189 du Code civil et le décret du 8  octobre 1982 de façon à les rendre applicables aux enfants de couples mariés et non mariés  ;

b) De sensibiliser les mères et les pères, particulièrement ceux qui vivent dans les régions rurales et reculées, sur leur droit de signaler tout manquement au versement de la pension alimentaire, et de créer un fonds national qui se substituerait aux parents manquant à leurs obligations et recouvrerait les arriérés de pension alimentaire  ;

c) De promouvoir des programmes et des campagnes de sensibilisation du public destinés à inciter les hommes et les garçons à devenir des parents responsables  ;

d) De ratifier la C onvention de La Haye sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille , du 23  novembre 2007, le P rotocole de L a H aye sur la loi applicable aux obligations alimentaires , du 23  novembre 2007, et la Convention de La Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, du 19 octobre 1996.

Enfants privés de milieu familial

Tout en accueillant avec satisfaction le lancement par l’IBESR d’un programme pilote de placement d’enfants en famille d’accueil, le Comité s’inquiète de l’absence de mécanisme de suivi de ces placements. Il est en outre préoccupé par le grand nombre d’enfants privés d’environnement familial, une situation aggravée par le tremblement de terre de 2010, et constate aussi avec inquiétude que :

a)De très nombreux enfants sont placés en institution en dépit du fait qu’un de leurs parents au moins est encore en vie ;

b)Dans leur immense majorité, les institutions sont privées, fonctionnent sans agrément et sont mal surveillées, et que beaucoup d’entre elles sont motivées par des fins lucratives et sont financées par des donateurs, ce qui les incite à rechercher activement des enfants à accueillir au lieu de promouvoir le regroupement familial ;

c)Rien n’a été fait pour appuyer les enfants de parents incarcérés, y compris de parents en détention provisoire.

Le Comité recommande à l’ É tat partie d’appuyer et de faciliter autant que possible les placements de type familial, y compris en élargissant le programme de l’IBESR, de façon à mettre en place un système national de placement en famille d’accueil, d’assurer un suivi régulier des enfants placés en famille d’accueil et de veiller à la qualité de cette prise en charge, notamment en créant des mécanismes accessibles permettant de signaler et surveiller les cas de maltraitance à enfant et d’y remédier. Le Comité souligne par ailleurs que la pauvreté, financière ou matérielle, ou les conditions qui mènent directement et exclusivement à cette situation, ne devraient jamais être l’unique raison de retirer un enfant à ses parents, de le placer dans une structure de protection de remplacement ou d’empêcher sa réinsertion sociale. Le Comité recommande en outre à l’ É tat partie  :

a) De prévoir des garanties suffisantes et de définir des critères précis, fondés sur l’intérêt supérieur de l’enfant, lorsqu’il s’agit de décider si l’enfant doit être placé dans une structure de protection de remplacement, et de mettre en place un cadre législatif et administratif approprié pour permettre aux enfants privés de leur environnement familial de réintégrer leur famille, en tenant compte de leur intérêt supérieur et en fournissant, si nécessaire, un appui psychosocial et économique aux familles  ;

b) D’accroître la proportion d’institutions de protection de remplacement financées par fonds publics, d’investir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes dans ces institutions, de veiller à ce que toutes les institutions privées ne poursuivent aucun but lucratif, soient officiellement enregistrées et fassent l’objet d’une surveillance et de contrôles réguliers, et d’assurer la pleine protection des enfants qui y sont placés  ;

c) De fournir l’appui et la protection voulus aux enfants dont les parents sont incarcérés après avoir été condamnés, ou sont en détention provisoire, d’assurer un suivi régulier de leur placement en institution de remplacement, de veiller à ce que des relations personnelles et des contacts directs soient maintenus entre les enfants et leurs parents incarcérés, et de porter l’attention voulue aux circonstances dans lesquelles des peines non privatives de liberté pourraient être envisagées.

Adoption

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et note avec satisfaction les efforts faits pour mieux réglementer l’adoption, notamment la promulgation en 2013 de la loi réformant l’adoption. Toutefois, il s’inquiète de ce que cette loi n’ait pas encore été pleinement mise en œuvre.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les procédures administratives nécessaires à l’application effective de la loi et d’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à cet effet. Il lui recommande également de prendre des mesures pour superviser la mise en œuvre de la loi et faire en sorte que les professionnels intervenant dans les affaires d’adoption soient dotés de toutes les compétences techniques nécessaires à l’examen et au traitement des cas à la lumière de la Convention de La Haye. Il lui recommande en outre de redoubler d’efforts pour encourager l’adoption nationale.

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27(par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

Le Comité accueille favorablement l’adoption, en 2010, de la loi relative à l’intégration des personnes handicapées, mais note avec préoccupation que les enfants handicapés, dont le nombre a augmenté à la suite du séisme de 2010, sont marginalisés et socialement exclus. En outre, il s’inquiète vivement :

a)De ce que l’immense majorité des enfants handicapés n’ont pas accès aux services de base ;

b)De ce que les enfants handicapés n’ont qu’un accès très limité à l’éducation et ne peuvent être scolarisés que dans un petit nombre d’établissements spécialisés mal équipés qui ne leur sont pas pleinement accessibles, ainsi que de l’insuffisance des mesures prises pour favoriser l’éducation inclusive ;

c)De l’absence de données ventilées sur les enfants handicapés.

À la lumière de son o bservation générale n o 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité demande instamment à l’État partie d’adopter une approche fondée sur les droits de l’homme en ce qui concerne le handicap, de se doter d’une stratégie globale pour l’inclusion des enfants handicapés et de mettre en place des programmes de sensibilisation des fonctionnaires, du grand public et des familles afin de lutter contre les attitudes sociales négatives et la stigmatisation dont sont victimes les enfants handicapés. En outre, le Comité prie instamment l’État partie  :

a) De prendre immédiatement des mesures pour que les enfants handicapés aient accès aux services de base, en particulier aux soins de santé, y compris aux programmes de dépistage et d’intervention précoces, et pour que des prothèses soient fournies à tous les enfants qui ont subi une amputation à la suite du séisme de 2010  ;

b) De veiller à ce que tous les enfants handicapés aient accès à l’éducation, d’adopter toutes les mesures voulues pour développer l’éducation inclusive et de faire en sorte qu’elle ait la priorité sur le placement d’enfants dans des institutions et des classes spécialisées  ;

c) De collecter des données ventilées et détaillées concernant les enfants handicapés.

Santé et services de santé

Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour améliorer l’accès aux services de santé, mais s’inquiète de ce que plus de la moitié de la population n’a pas accès à une couverture médicale de base et de ce que le système de santé, inefficace et sous-financé, souffre d’un manque de personnel médical et d’hôpitaux publics et n’est pas à même de garantir la qualité des soins médicaux. En outre, il constate avec préoccupation que :

a)Le taux de mortalité des moins de 5 ans et le taux de mortalité néonatale demeurent élevés, sachant que la mortalité néonatale contribue pour une large part à la mortalité infantile ;

b)Une forte proportion des décès d’enfants est liée à des maladies d’origine hydrique telles que la typhoïde, le choléra ou la diarrhée chronique ;

c)Le taux de mortalité maternelle reste élevé en raison, notamment, du manque d’accoucheurs qualifiés.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son o bservation générale n o 15 (2013) relative au droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et lui recommande de prendre sans délai les mesures nécessaires pour améliorer l’accès aux services de santé et la qualité desdits services dans l’ensemble du pays, en particulier dans les régions rurales et reculées. À cet effet, le Comité demande instamment à l’État partie  :

a) De porter le budget de la santé à au moins 15 % du budget annuel de l’État et de définir des stratégies de financement claires, en accordant une attention particulière au sort des enfants de moins de 5  ans  ;

b) De lutter contre la pénurie de personnel de santé en formant et en recrutant des professionnels de santé qualifiés et en développant leurs compétences, et de mettre en place dans tout le pays des établissements de santé accessibles et de qualité  ;

c) De prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire le taux de mortalité des moins de 5  ans et le taux de mortalité néonatale, notamment en développant la prévention des maladies infectieuses, en améliorant la prise en charge néonatale et en prévoyant des ressources suffisantes pour permettre d’assurer des services d’urgence et de réanimation dans les zones rurales  ;

d) De traiter les causes de la mortalité maternelle et d’en faire baisser le taux, notamment en adoptant une stratégie globale de maternité sans risques qui accorde la priorité à l’accès à des services prénatals, postnatals et obstétricaux de qualité, y compris à des services de soins obstétriques d’urgence, et en instaurant des mécanismes de contrôle et de responsabilité  ;

e) De prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir les épidémies, notamment de typhoïde et de choléra, en mettant tout spécialement l’accent sur l’accès à des installations sanitaires adéquates et à l’eau potable, en particulier dans les campagnes  ;

f) De mettre en œuvre le Guide technique du HCDH concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire et à éliminer la mortalité et la morbidité évitables des enfants de moins de 5  ans (A/HRC/27/31) et le Guide technique du HCDH concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables (A/HRC/21/22 et Corr. 1 et 2)  ;

g) De solliciter à cet égard une assistance financière et technique auprès de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la S anté (OMS), notamment.

Santé des adolescents

Le Comité est préoccupé par les difficultés d’accès des adolescents aux services de santé procréative, à la contraception et aux programmes de prévention des infections sexuellement transmissibles et du VIH/sida, ainsi que par le nombre élevé de grossesses précoces. Il s’inquiète aussi du taux assez élevé de nouvelles infections par le VIH chez les adolescents. Il est également préoccupé par :

a)Le fait que l’avortement constitue une infraction pénale, sauf lorsque la vie de la mère est en danger, ce qui conduit de nombreuses adolescentes à recourir à un avortement non médicalisé, au péril de leur vie et de leur santé ;

b)Le grand nombre d’enfants toxicomanes, et le fait que les enfants puissent facilement se procurer du tabac, de l’alcool et diverses drogues sans aucun contrôle de la part des autorités, d’autant qu'il est courant que les parents envoient leurs enfants leur acheter du tabac ou de l’alcool ;

c)Le fait que de l’alcool soit en vente à proximité des établissements scolaires et que les publicités pour l’alcool ciblent souvent les enfants.

À la lumière de son o bservation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que l’éducation sexuelle et l’enseignement de la santé procréative soient inscrits au programme scolaire obligatoire et à ce qu’ils s’adressent spécialement aux adolescents, filles et garçons, avant tout dans le but de prévenir les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles  ;

b) De mettre en place des services de conseil et de santé sexuelle adaptés aux adolescents et qui leur soient pleinem ent accessibles  ;

c) De dépénaliser l’avortement dans tous les cas, de revoir sa législation afin de garantir aux adolescentes l’accès à des services d’avortement médicalisé et de soins après avortement, et de veiller à ce que leur avis soit systématiquement pris en compte et respecté dans les décisions concernant l’avortement  ;

d) De favoriser les comportements sexuels responsables grâce à des actions de sensibilisation visant en particulier les garçons et les hommes  ;

e) D’interdire strictement la vente de tous types de drogues, de tabac et d’alcool aux enfants, d’envisager de taxer davantage ces produits et d’interdire toutes les publicités ciblant les enfants  ;

f) De faire baisser la consommation de drogues chez les enfants et les adolescents, notamment en leur communiquant, ainsi qu’à leurs parents, des informations précises et objectives sur les conséquences néfastes de la toxicomanie, et en leur permettant d’acquérir des compétences pratiques de façon à prévenir la consommation de substances toxiques (y compris le tabac et l’alcool)  ;

g) De mettre en place des services de santé mentale  ;

h) De mettre en place des services de traitement de la toxicomanie et de réduction des risques spécialement adaptés aux jeunes.

Hygiène du milieu

Le Comité s’inquiète des effets néfastes de la pollution de l’air (principalement due aux embouteillages, aux groupes électrogènes fonctionnant au diesel, à la combustion des déchets et à l’utilisation du charbon de bois pour la cuisson des repas) dans les agglomérations de Port-au-Prince et de Cap-Haïtien. À cet égard, le Comité constate également avec préoccupation que les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables aux maladies liées aux fumées étant donné que les femmes sont traditionnellement chargées de préparer les repas. En outre, le Comité note avec inquiétude qu’il semble que le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), susceptible de provoquer des cancers, des lésions nerveuses et des malformations, soit encore utilisé de temps à autre comme pesticide dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire la pollution atmosphérique, notamment en instaurant un système de gestion et de recyclage des déchets et en garantissant l’accès à un réseau électrique fiable  ;

b) De sensibiliser la population aux moyens lui permettant de réduire la pollution au quotidien et de se protéger contre les conséquences de la pollution de l’air  ;

c) De prendre toutes les mesures possibles pour réduire l’exposition des femmes et des enfants aux fumées domestiques, notamment en fournissant aux ménages des fourneaux à combustion efficace  ;

d) De bannir l’usage des pesticides dangereux et de prendre les mesures voulues pour que les enfants exposés à des pesticides aient accès à des soins et à des services de santé.

Incidence des changements climatiques sur les droits de l’enfant

Le Comité est préoccupé par l’augmentation sensible de la fréquence et de l'intensité des ouragans et des tempêtes tropicales, cause d’inondations et d'érosion, du fait des changements climatiques.

Le Comité attire l’attention de l’État partie sur l’objectif de développement durable 13, cible 13.b, consistant à promouvoir des mécanismes de renforcement des capacités afin que les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement se dotent de moyens efficaces de planification et de gestion pour faire face aux changements climatiques. En particulier, il recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que la vulnérabilité et les besoins particuliers des enfants, ainsi que leur opinion, soient pris en considération dans l’élaboration des politiques et des programmes visant à faire face au problème des changements climatiques et à gérer les risques de catastrophe  ;

b) De mettre fin à la déforestation afin de réduire l’impact des conséquences des changements climatiques  ;

c) De mieux sensibiliser et préparer les enfants aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles en intégrant ces questions dans les programmes scolaires et dans les programmes de formation des enseignants  ;

d) De recueillir des données ventilées sur les types de risques auxquels les enfants sont exposés du fait des différentes catastrophes, en vue de mettre au point les politiques, cadres et accords internationaux, régionaux et nationaux correspondants.

Niveau de vie

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts consentis pour renforcer la sécurité alimentaire et réduire le taux de malnutrition infantile, mais relève avec préoccupation la prévalence persistante de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition chez les enfants. En outre, il est profondément préoccupé par :

a)L’extrême pauvreté des familles, généralisée et en progression ;

b)La grande médiocrité des conditions de logement, encore dégradées par le séisme de 2010 ;

c)La précarité des conditions d’hygiène et le manque d’accès à l’eau potable.

Le Comité attire l’attention de l’État partie sur l’objectif de développement durable 1, cible 1.3, consistant à mettre en place des systèmes et mesures de protection sociale pour tous, adaptés au contexte national, et lui recommande de faire encore davantage d’efforts pour garantir la sécurité alimentaire et pour combattre et prévenir la malnutrition, d’adopter rapidement la loi sur l’enrichissement des aliments et de veiller à sa mise en œuvre effective. Il recommande en outre à l’État partie  :

a) D’élaborer, en concertation avec les familles, les enfants et les organisations de défense des droits des enfants, une stratégie nationale de réduction de la pauvreté qui établisse un cadre cohérent comprenant des mesures prioritaires de lutte contre la marginalisation des enfants, avec des objectifs précis et mesurables, assortis d’indicateurs clairs et de dates limites, et bénéficiant d’un appui économique et financier suffisant  ;

b) De redoubler d’efforts pour que toutes les familles aient accès à des logements convenables et abordables  ;

c) D’assigner un rang de priorité élevé, dans les activités de reconstruction, à l’approvisionnement en eau potable et à la mise en place de services d’assainissement, de prendre toutes mesures propres à garantir à la population l’accès à de l’eau de boisson traitée, ainsi que de sensibiliser la population à l’importance d’une eau de boisson salubre et de lui enseigner comment traiter l’eau afin de la rendre propre à la consommation.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures adoptées dans le cadre de la politique d’éducation de masse. Cependant, il est préoccupé par l’insuffisance des efforts fournis et regrette que seuls quelques-uns des objectifs du plan opérationnel aient été réalisés. Tout en saluant les efforts consentis, le Comité est aussi profondément préoccupé par le fait qu’un grand nombre d’enfants n’ont toujours pas accès à l’éducation, en particulier les enfants des rues, les enfants handicapés, les enfants en conflit avec la loi, les enfants des régions reculées, les enfants qui travaillent, les enfants déplacés à l’intérieur de leur pays et les enfants expulsés de République dominicaine. Il s’inquiète également de ce que :

a)Plus les enfants sont scolarisés tard, moins ils profitent du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire, qui vise à fournir une éducation aux enfants de 6 à 12 ans ;

b)Des disparités persistent en matière d’accès à l’éducation entre filles et garçons et surtout entre zones rurales et zones urbaines ;

c)Les adolescentes enceintes, les jeunes mères et les victimes de viol sont souvent contraintes d’abandonner l’école, ou subissent des pressions en ce sens ;

d)Les infrastructures éducatives sont dans un état médiocre, les écoles sont mal équipées, en particulier dans les campagnes et dans les régions reculées, peu d’enseignants sont suffisamment qualifiés et les salaires ne sont pas régulièrement versés, ce qui conduit à de fréquentes annulations de cours ;

e)Le secteur de l’éducation est dominé par les écoles privées, dont beaucoup n’ont pas d’autorisation officielle ou ne sont pas surveillées par les autorités. Ces écoles exigent des frais de scolarité élevés, ce qui exacerbe la discrimination structurelle dans l’accès à l’éducation, qui touche particulièrement les enfants pauvres ;

f)Les « écoles fantômes » ont mal géré les fonds reçus au titre du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire ;

g)L’Office national de partenariat en éducation, censé améliorer les partenariats public-privé, n’est pas opérationnel.

Le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe au premier chef de garantir et de réglementer l’éducation et lui demande instamment d’assurer un accès gratuit à l’éducation primaire et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’accès des enfants vulnérables à l’éducation. Il recommande aussi à l’État partie  :

a) De prévenir et d’éliminer les disparités qui existent à l’école entre les sexes et entre les villes et les campagnes  ;

b) D’interdire expressément de renvoyer de l’école les adolescentes enceintes, les jeunes mères et les victimes de viol, d’éliminer toute forme de discrimination dont elles pourraient être victimes dans l’accès à l’éducation et de garantir qu’elles bénéficient d’un appui et d’une aide suffisants pour poursuivre leur scolarité  ;

c) D’augmenter le budget alloué à l’éducation et de rénover l’infrastructure du système éducatif, notamment en construisant de nouvelles écoles et en équipant convenablement les établissements scolaires  ;

d) De veiller à ce que les enseignants soient suffisamment qualifiés, de développer et d’améliorer la formation préparatoire et la formation continue des enseignants, et de leur assurer une rémunération adéquate et versée en temps et en heure  ;

e) D’établir un cadre général régissant les établissements privés et d’inspecter régulièrement ces établissements afin de s’assurer qu’ils respectent des normes de qualité, qu’ils rendent dûment compte de leurs opérations financières aux autorités compétentes, y compris en ce qui concerne les frais de scolarité et les salaires, et qu’ils ne font pas de l’éducation une activité à but lucratif  ;

f) De veiller à ce que les partenariats public-privé n’entravent pas l’accès de tous les enfants à une éducation de qualité, et de s’assurer qu’ils ne servent pas des intérêts privés et qu’ils n’entraînent aucune forme de marchandisation de l’éducation.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d)et 38 à 40)

Enfants migrants

Le Comité est très préoccupé par les conditions de vie extrêmement précaires des familles apatrides d’ascendance haïtienne et des enfants nés en République dominicaine de migrants haïtiens sans papiers, ainsi que des enfants non accompagnés expulsés de République dominicaine, qui vivent dans des camps de fortune, sans eau potable ni assainissement, dans des logements sordides, et souffrent de graves problèmes de santé, notamment de diarrhées, de fièvres, de la sous-alimentation et de la propagation inquiétante du choléra.

Le Comité prie instamment l’État partie de prendre sans délai des mesures pour que les familles et les enfants expulsés de République dominicaine aient accès à l’alimentation, à l’eau, à l’assainissement, au logement et aux soins de santé dans des conditions satisfaisantes. L’État partie devrait aussi offrir une assistance et une protection aux enfants non accompagnés, conformément aux principes énoncés dans l’ o bservation générale n o 6 (2005) concernant le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine. Le Comité recommande en outre à l’État partie de renforcer sa coopération avec les autorités dominicaines afin que les réinstallations en Haïti se fassent d’une manière respectueuse des droits fondamentaux des enfants et de leur famille.

Exploitation économique, y compris le travail des enfants et l’exploitation des enfantsemployés comme domestiques

Le Comité salue la création, en 2013, du Comité national tripartite contre le travail des enfants. Néanmoins, il est préoccupé par le grand nombre d’enfants qui travaillent, notamment dans l’agriculture, la vente ambulante et la construction, et relève avec inquiétude que l’article 340 du Code du travail qui interdit le travail des enfants de moins de 15 ans est rarement appliqué. En outre, tout en notant les efforts faits par l’État partie pour ériger en infraction pénale l’exploitation des enfants employés comme domestiques (les restavèks), le Comité est inquiet de constater que ces enfants sont encore très nombreux. De plus, il note avec préoccupation que :

a)Beaucoup d’enfants employés comme domestiques sont contraints de travailler dans des conditions proches de l’esclavage, subissent des violences physiques, psychologiques ou sexuelles dans leur famille d’accueil, sont touchés par la malnutrition et souffrent d’un retard de croissance ;

b)Les enfants issus de familles pauvres sont particulièrement susceptibles de devenir des restavèks, car les parents qui ne peuvent pas nourrir leurs enfants n’ont souvent pas d’autre choix que de les envoyer travailler comme domestiques ;

c)La mort d’un parent semble être un facteur supplémentaire conduisant les enfants à travailler comme domestiques, sachant que le nombre d’orphelins a encore augmenté après le séisme de 2010 ;

d)Beaucoup d’enfants placés comme domestiques, lorsqu’ils échappent à cette condition, se retrouvent à la rue ou sont contraints de se prostituer, de se livrer à la mendicité ou de verser dans la criminalité de rue.

Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer scrupuleusement la loi qui interdit le travail des enfants de moins de 15  ans et d’incriminer le placement des enfants comme domestiques, de procéder à des modifications législatives pour sanctionner suffisamment ces infractions et de dispenser aux membres des forces de l’ordre des formations à ce sujet. Il recommande en outre à l’État partie  :

a) De poursuivre et de renforcer les efforts entrepris pour abolir le travail des enfants, en particulier les pires formes de travail, en s’attaquant aux causes profondes de l’exploitation économique que sont la pauvreté et le manque d’instruction  ;

b) De redoubler d’efforts pour adopter la liste des travaux dangereux qui est actuellement en cours d’établissement  ;

c) De repérer les enfants employés comme domestiques ou travaillant dans d’autres milieux, de veiller à ce qu’ils soient immédiatement libérés et se voient proposer des services de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale, notamment l’accès à l’éducation, et d’encourager et de faciliter le regroupement familial lorsqu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant  ;

d) De mener des programmes et notamment des campagnes de sensibilisation visant à faire évoluer les mentalités à l’égard de l’utilisation des enfants comme domestiques, pour que chacun comprenne que cette pratique est illégale et qu’elle relève d’une forme d’esclavage des enfants  ;

e) De mettre en place des programmes d’aide sociale destinés aux familles pauvres et aux familles monoparentales, afin qu’elles ne se voient pas contraintes de confier leurs enfants pour des raisons économiques  ;

f) De solliciter à cet égard l’assistance technique proposée dans le cadre du Programme international pour l’abolition du travail des enfants de l’Organisation internationale du Travail (OIT)  ;

g) D’envisager de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 198) de l’OIT.

Enfants déplacés à l’intérieur de leur pays

Le Comité se félicite des efforts considérables accomplis par l’État partie en vue de trouver des solutions durables pour les enfants déplacés par le séisme de 2010, ainsi que de la réduction notable du nombre de déplacés. Il est toutefois profondément préoccupé par :

a)Le nombre toujours élevé d’enfants déplacés qui vivent dans des camps ou dans des campements informels sans accès satisfaisant à la nourriture, à l’eau potable, à l’assainissement, aux soins de santé et à l’éducation ;

b)Les expulsions, notamment par la menace, l’intimidation ou la violence, de familles et d’enfants déplacés qui sont chassés des camps ou campements informels où ils vivent, ainsi que le manque de possibilités de réparation ou de solutions de relogement offertes à ces enfants ;

c)L’ampleur des violences, y compris sexuelles, qui sont faites aux enfants et surtout aux filles dans les camps de déplacés, et le manque de refuges pour les victimes.

Le Comité rappelle à l’État partie les recommandations faites par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays ( A/HRC/29/34/Add.2 ) et lui demande instamment de revoir ses politiques en ce qui concerne les critères permettant d’être considéré comme déplacé, afin d’apporter des solutions durables aux problèmes de tous les enfants déplacés avec leur famille par le séisme de 2010. En particulier, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De redoubler d’efforts pour fournir des logements convenables aux enfants déplacés et à leurs familles qui vivent dans des camps ou dans des campements informels et pour leur donner accès à de la nourriture en quantité suffisante, à l’eau potable, à l’assainissement, à la santé et à l’éducation  ;

b) D’adopter une gestion du logement et de la terre qui respecte les droits de l’homme et tienne compte des normes internationales applicables, dont les Principes de base et directives sur les expulsions forcées et les déplacements liés au développement (voir A/HRC/4/18, annexe 1) et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en 2012 par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)  ;

c) De prendre immédiatement des mesures pour prévenir toute forme de violence envers les enfants déplacés, notamment en veillant à ce que les femmes et les filles aient accès à des latrines séparées et verrouillables et à des refuges, en renforçant les contrôles de police et en installant un éclairage public dans les camps et campements informels  ;

d) D’établir des profils des déplacés et d’évaluer leurs besoins à l’échelle nationale, en mettant un accent particulier sur la situation des enfants et sur l’endroit où ils se trouvent.

Enfants des rues

Le Comité s’inquiète du problème, exacerbé par le séisme de 2010, du nombre croissant d’enfants des rues, qui risquent d’être contraints à la mendicité, exploités sexuellement (notamment contraints à la prostitution), victimes de vente ou de traite, ou utilisés par des gangs.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer une stratégie globale pour protéger les enfants des rues et pour promouvoir et faciliter leur retour auprès de leurs parents ou d’autres proches, ou dans une structure de remplacement, lorsque ce retour est dans leur intérêt supérieur. Il recommande aussi à l’État partie  :

a) De veiller à ce que les enfants des rues aient accès à une alimentation et à un hébergement adéquats, ainsi qu’à l’éducation et à des soins de santé, et de faire en sorte qu’ils bénéficient d’une protection et d’une aide adaptées  ;

b) De déterminer les causes sous-jacentes du phénomène des enfants des rues, telles que la pauvreté, la violence intrafamiliale, le déplacement, la séparation de la famille et le manque d’accès à l’éducation, afin de prévenir ce phénomène et d’en réduire l’ampleur. À cet égard, il invite l’État partie à accorder une attention spéciale aux filles vivant dans la rue, qui sont particulièrement susceptibles d’être victimes de sévices sexuels ou d’exploitation sexuelle et courent un risque accru de grossesse précoce  ;

c) De prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que les enfants des rues ne soient recrutés et utilisés par des gangs .

Vente, traite et enlèvement

Le Comité salue l’adoption, en 2014, de la loi sur la vente et la traite des êtres humains, ainsi que l’élaboration d’un plan national de lutte contre la traite. Toutefois, il constate avec préoccupation que la loi n’est pas suffisamment appliquée et que l’État partie est un pays d’origine, de destination et de transit pour la traite d’enfants à des fins d’exploitation par le travail et d’exploitation sexuelle, et s’inquiète de ce que :

a)Le Code pénal ne prévoit pas de sanction pour l’enlèvement d’enfant ;

b)Des enfants victimes de la traite auraient été détenus par des responsables de l’application des lois ;

c)Beaucoup de familles ont été séparées à la suite du séisme sans qu’aucun document n’en fasse état, si bien qu’un certain nombre d’enfants ont été victimes de la traite, et de ce que les enfants vivant dans les camps de déplacés ou dans des institutions non reconnues, les enfants pauvres, les enfants des rues et les enfants qui travaillent sont toujours particulièrement exposés au risque de traite ;

d)Le repérage des victimes de la traite est défaillant et les procédures de prise en charge en matière d’assistance aux enfants victimes de la traite sont très insuffisantes.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires à une application scrupuleuse de la loi, afin que les personnes qui se rendent coupables de vente, de traite ou d’enlèvement d’enfants aient à répondre de leurs actes, et d’adopter une politique de grande envergure qui prévoie des mesures ciblées pour éliminer les causes profondes de la traite des enfants et protéger tout particulièrement les enfants les plus vulnérables et les plus marginalisés. En outre, il recommande à l’État partie  :

a) De modifier le Code pénal pour que l’enlèvement d’enfant soit dûment sanctionné par une peine proportionnelle à la gravité de cette infraction  ;

b) De mettre en œuvre avec énergie les mesures de protection des victimes introduites par la loi de 2014 et de veiller à ce que les enfants victimes de la traite soient toujours traités comme des victimes et non comme des délinquants  ;

c) De prendre toutes les mesures voulues pour favoriser la réunification des enfants avec leur famille si tel est l’intérêt supérieur des enfants  ;

d) De repérer de manière volontariste les victimes de la traite parmi les enfants vulnérables  ;

e) D’établir des procédures de prise en charge en ce qui concerne les victimes de la traite et de renforcer ses efforts pour assurer le rétablissement physique et psychologique et la réinsertion sociale des enfants victimes d’exploitation et de traite .

Administration de la justice pour mineurs

Le Comité, tout en accueillant avec satisfaction l’augmentation du nombre de juges pour enfants, note avec préoccupation que seules les villes de Port-au-Prince et Cap-Haïtien disposent d’un tribunal pour enfants, que celui de Cap-Haïtien n’a pas été inauguré officiellement et que le nombre de juges pour enfants reste insuffisant. De plus, il s’inquiète de ce que :

a)L’âge de référence pour décider si la personne visée relève de la justice des mineurs est l’âge qu’elle a au moment où elle est jugée, et non celui qu’elle avait lorsque l’infraction a été commise ;

b)Bien que l’État partie indique que l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 13 ans dans la pratique, cela n’est pas explicitement mentionné dans la loi, et que les enfants de 16 à 18 ans sont jugés comme des adultes ;

c)Les enfants détenus seraient victimes de tortures, que leurs conditions de vie en détention sont très pénibles, qu’ils n’ont pas accès à des soins de santé et que leur accès à l’éducation est particulièrement restreint ;

d)Les enfants sont détenus pendant de longues périodes avant leur jugement, et que les mesures de substitution à la privation de liberté sont très limitées ;

e)Il n’existe qu’un seul centre de détention où les enfants sont séparés des adultes ;

f)Les mesures d’assistance psychologique aux enfants détenus et les mesures visant à assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants en conflit avec la loi sont insuffisantes.

Compte tenu de son o bservation générale n o 10 (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs, le Comité exhorte l’État partie à rendre son système d’administration de la justice pour mineurs pleinement conforme aux dispositions de la Convention et aux autres normes pertinentes, et à  :

a) Apporter toutes les modifications législatives nécessaires pour qu’en toutes circonstances, l’âge de référence pour décider si un auteur relève de la justice des mineurs soit l’âge qu’il avait lorsque l’infraction a été commise  ;

b) Fixer explicitement dans la loi l’âge de la responsabilité pénale à 13 ans ou plus et veiller à ce qu’en aucune circonstanc e, des personnes de moins de 18  ans ne soient jugées en tant qu’adultes  ;

c) Créer rapidement un nombre suffisant de tribunaux pour enfants, dotés des ressources humaines, techniques et financières appropriées, et augmenter le nombre de juges pour enfants  ;

d) Éliminer toutes les formes de torture et de maltraitance à l’égard des enfants et poursuivre les auteurs de tels actes, améliorer les conditions de vie en prison et veiller à ce que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales, notamment pour ce qui est de l’accès à l’éducation et aux services de santé  ;

e) Promouvoir les mesures de substitution à la détention, comme la déjudiciarisation, le sursis probatoire, le suivi psychologique ou les travaux d’intérêt général, dans toute la mesure possible, et faire en sorte que la détention soit une mesure de dernier recours imposée pour la période la plus courte possible et réexaminée à intervalles réguliers en vue d’être levée  ;

f) Veiller, dans les cas où la détention est inévitable, à ce que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes  ;

g) Garantir l’accès des enfants à des services d’assistance psychologique pendant leur détention, et à des programmes de réadaptation et réinsertion après leur détention.

À cet effet, le Comité recommande à l’État partie d’utiliser les outils d’assistance technique mis au point par le Groupe interinstitutions sur la justice pour mineurs et ses membres, dont l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut ‑ Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et des organisations non gouvernementales, et de solliciter l’assistance technique des membres du Groupe dans le domaine de la justice pour mineurs.

J.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédurede présentation de communications

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications afin de mieux promouvoir l’exercice des droits de l’enfant.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droitsde l’homme

Le Comité recommande à l’État partie, pour mieux promouvoir l’exercice des droits de l’enfant, de ratifier les instruments fondamentaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

L.Coopération avec les organismes régionaux

Le Comité recommande à l’État partie de coopérer avec l’Organisation des États américains à la mise en œuvre de la Convention et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, à la fois sur son territoire et dans d’autres États membres de l’Organisation.

V.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour que les recommandations contenues dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il lui recommande également de veiller à ce que les deuxième et troisième rapports périodiques présentés en un seul document, les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter et les présentes observations finales soient largement diffusées dans les langues du pays.

B.Prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre, en un seul document, ses quatrième à sixième rapports périodiques d’ici au 7 janvier 2021 et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Le rapport devra être conforme aux directives harmonisées spécifiques à l’instrument, que le Comité a adoptées le 31 janvier 2014 (CRC/C/58/Rev.3), et ne devra pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/26 8 de l’Assemblée générale, par.  16). Si l’État partie soumet un rapport excédant le nombre de mots maximal, il sera invité à en réduire la longueur, conformément à la résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins de son examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

Le Comité invite en outre l’État partie à soumettre un document de bas e actualisé ne dépassant pas 42 400  mots, conformément aux prescriptions relatives à l’établissement du document de base, énoncées dans les directives harmonisées concernant les rapports à présenter au titre des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris celles concernant le document de base commun et les documents se rapportant aux différents instruments (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I), et à la résolution 68/26 8 de l’Assemblée générale (par.  16).