Nations Unies

CED/C/CZE/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

20 octobre 2022

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la Tchéquie en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par la Tchéquie en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention à ses 405e et 406e séances, les 13 et 14 septembre 2022. À sa 419e séance, le 22 septembre 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par la Tchéquie en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, qui a été présenté conformément à ses directives. En outre, il remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste de points à traiter. Il se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention, dans le cadre duquel ses préoccupations ont été abordées, et salue en particulier la franchise avec laquelle la délégation a répondu aux questions qu’il a posées. Le Comité remercie également l’État partie pour les informations complémentaires apportées par écrit à l’issue du dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié presque tous les instruments fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et les protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ou y a adhéré.

4.Le Comité se félicite de ce que l’État partie a reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États, en application des articles 31 et 32 de la Convention.

5.Le Comité accueille en outre avec satisfaction l’invitation permanente à se rendre dans le pays adressée par l’État partie à l’ensemble des titulaires de mandat au titre de ses procédures spéciales.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Renseignements d’ordre général

6.Le Comité considère qu’au moment de l’élaboration des présentes observations finales, la législation en vigueur, son application et l’action de certaines autorités n’étaient pas pleinement conformes aux obligations découlant de la Convention. Il engage l’État partie à appliquer ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif de coopération, l’objectif étant de garantir la pleine application de la Convention.

7.Le Comité constate qu’aucune consultation directe n’a eu lieu avec des organisations de la société civile ou d’autres parties prenantes, notamment le Défenseur public des droits, dans le cadre de l’élaboration du rapport de l’État partie.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les organisations de la société civile et toutes les parties prenantes concernées participent à l ’ ensemble du cycle d ’ examen des rapports périodiques, de l ’ élaboration des rapports à la mise en application des observations finales.

Applicabilité de la Convention

9.Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie indiquant que la Convention est directement applicable, et prend note de l’explication selon laquelle l’applicabilité directe d’une disposition est déterminée en dernier ressort par les tribunaux nationaux en fonction de sa nature. Cette explication soulève toutefois la question de savoir si dans la pratique certaines dispositions de la Convention sont directement appliquées de manière uniforme, car dans le cas contraire, l’exécution des obligations découlant de la Convention et la jouissance des droits énoncés par celle-ci s’en trouveraient compromises.

10. Le Comité invite l ’ État partie à garantir l ’ applicabilité directe et uniforme de toutes les dispositions de la Convention, y compris celles qui nécessitent une transposition dans son droit interne.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme

11.Le Comité prend note avec intérêt de la récente analyse effectuée par l’État partie en vue d’une éventuelle modification du mandat du Défenseur public des droits. Toutefois, il est préoccupé par le fait que le mandat actuel ne comprend pas la promotion de tous les éléments des droits de l’homme, y compris la protection de toutes les personnes contre la disparition forcée.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer les travaux visant à modifier la loi relative aux Défenseur public des droits en vue de renforcer le mandat du Défenseur et de le mettre en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) et de faire accréditer l ’ institution du Défenseur public des droits par l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1erà 7)

Indérogeabilité de l’interdiction de la disparition forcée

13.Le Comité constate que la législation interne ne comporte aucune disposition énonçant expressément qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée (art. 1er).

14. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une disposition énonçant expressément qu ’ aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu ’ elle soit, ne peut être invoquée pour justifier une disparition forcée, conformément à l ’ article premier de la Convention.

Informations statistiques

15.Le Comité prend note des informations statistiques fournies par l’État partie concernant le nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées, ainsi que les types de peines imposées, en rapport avec les diverses infractions que les autorités considèrent comme étant constitutives de disparition forcée. Il regrette toutefois l’absence d’informations statistiques détaillées sur les personnes disparues dans l’État partie (art. 1er à 3, 12 et 24).

16.L ’ État partie devrait générer rapidement des informations statistiques précises et à jour sur les personnes disparues, ventilées par sexe, âge, nationalité, orientation sexuelle, identité de genre, lieu d ’ origine et origine raciale ou ethnique. Ces informations statistiques devraient comprendre la date et le lieu de la disparition ; le nombre de personnes qui ont été retrouvées, qu ’ elles soient vivantes ou mortes ; le nombre de cas dans lesquels il y aurait eu, d ’ une manière ou d ’ une autre, participation de l ’ État au sens de l ’ article 2 de la Convention. À cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un registre national unique des personnes disparues, en veillant à ce qu ’ il contienne au minimum toutes les informations visées dans la présente recommandation.

Infraction de disparition forcée

17.Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale ne réprime pas la disparition forcée en tant qu’infraction autonome définie conformément à l’article 2 de la Convention. Il regrette que l’État partie estime que les normes en vigueur suffisent pour permettre de poursuivre les auteurs de disparition forcée. Le Comité considère que la référence à tout un éventail d’infractions existantes et d’actes analogues ne suffit pas à englober l’ensemble des modalités et des éléments constitutifs de l’infraction de disparition forcée telle qu’elle est prévue par la Convention, pas plus qu’elle ne tient compte de la gravité et de la spécificité de l’infraction de disparition forcée. Le Comité note en outre avec préoccupation que, s’il est dit à l’article 401 (par. 1 g)) du Code pénal que la privation de liberté personnelle, l’enlèvement avec transport en lieu inconnu ou toute autre restriction de la liberté personnelle suivis de la disparition involontaire d’une personne font partie des actes pouvant être constitutifs de crimes contre l’humanité, cet article ne définit pas la disparition forcée de manière pleinement conforme à l’article 2 de la Convention (art. 2, 4 et 5).

18.Le Comité recommande à l ’ État partie d e prendre toutes les mesures législatives voulues pour inscrire la disparition forcée dans sa législation interne en tant qu ’ infraction autonome, définie conformément à l ’ article 2 de la Convention, ainsi qu ’ en tant que crime contre l ’ humanité conformément aux dispositions de l ’ article 5 de cet instrument.  

Responsabilité pénale des supérieurs et devoir d’obéissance

19.Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale ne prévoit pas expressément la mise en cause de la responsabilité des supérieurs, comme le prescrit l’article 6 (par. 1 b)) de la Convention. Il regrette de ne pas disposer d’informations sur les dispositions de la législation qui garantissent qu’aucun ordre ni aucune instruction donnés par une autorité publique, quelle qu’elle soit, ne pourront être invoqués pour justifier des faits de disparition forcée et que les personnes qui refusent d’obéir aux ordres ou instructions qui prescrivent, autorisent ou encouragent la disparition forcée ne seront pas sanctionnées (art. 6).

20.Le Comité re commande à l ’ État partie d ’ inscrire dans sa législation nationale le principe de la responsabilité pénale des supérieurs, conformément à l ’ article 6 (par. 1 b)) de la Convention. Il lui recommande également de veiller à ce qu ’ aucun ordre ni aucune instruction donnés par une autorité publique, civile, militaire ou autre ne puisse nt être invoqué s pour justifier des faits de disparition forcée, et à ce que les subordonnés qui refusent d ’ obéir à l ’ ordre de commettre une disparition forcée ne s oient pas sanctionnés   .

Peines appropriées

21.Le Comité constate que les peines prononcées pour les infractions au titre desquelles les faits de disparition forcée peuvent être poursuivis par les autorités de l’État partie varient considérablement, ce qui lui fait craindre que ces peines manquent de cohérence et ne tiennent pas compte de l’extrême gravité de l’infraction de disparition forcée (art. 7 (par. 1)).

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de fixer pour la disparition forcée, lorsqu ’ il érigera celle-ci en infraction, des peines qui tiennent compte comme il se doit de son extrême gravité.

Circonstances atténuantes et aggravantes

23.Le Comité constate avec préoccupation que les circonstances atténuantes d’ordre général énumérées à l’article 41 du Code pénal ne comprennent pas expressément le fait d’avoir contribué efficacement à la récupération en vie de la personne disparue ou permis d’élucider des cas de disparition forcée, comme l’exige l’article 7 (par. 2 a)) de la Convention. Le Comité constate également avec préoccupation que ni les circonstances aggravantes applicables aux infractions expressément énumérées aux articles 171, 172 et 174 du Code pénal, au titre desquelles l’État partie réprime la disparition forcée, ni celles d’ordre général prévues par l’article 42 du Code pénal n’englobent le fait de se rendre coupable de la disparition forcée d’autres personnes particulièrement vulnérables, ainsi que le prévoit l’article 7 (par. 2 b)) de la Convention (art. 7 (par. 2)).

24. Le Comité invite l ’ État partie à envisager, lorsqu ’ il érigera la disparition forcée en infraction, de prévoir dans sa législation les circonstances atténuantes et aggravantes expressément énumérées dans la Convention.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée(art. 8 à 15)

Prescription

25.Le Comité note avec préoccupation que le délai de prescription de trois à quinze ans applicable aux infractions au titre desquelles les autorités répriment les faits de disparition forcée est de courte durée et ne saurait être considéré comme proportionné à l’extrême gravité de l’infraction de disparition forcée. Il est également préoccupé par le fait que l’article 34 (par. 2) du Code pénal ne précise pas si le délai de prescription commence à courir au moment où la disparition forcée prend fin. Enfin, il constate avec préoccupation que le délai de prescription applicable aux actions civiles en dommages et intérêts est de quinze ans à compter du jour où les dommages ou le préjudice ont été subis et que les demandes d’aide financière doivent être soumises au plus tard cinq ans après la commission de l’infraction (art. 8).

26.Le Comité invite l ’ État partie à prendre des mesures pour qu ’ une fois incriminée, la disparition forcée soit imprescriptible ; dans le cas contraire, il lui recommande de veiller :

a) À ce que le délai de prescription de l ’ action pénale en ce qui concerne la disparition forcée soit de longue durée et proportionné à l ’ extrême gravité de ce tte infraction  ;

b) À ce que le délai de prescription commence à courir au moment où l ’ infraction prend fin ;

c) À ce que les victimes de disparition forcée se voient garantir le droit à un recours utile pendant le délai de prescription.

Compétence

27.Le Comité ne sait pas bien si, conformément à l’article 9 (par. 2) de la Convention, l’État partie, en vertu de sa législation nationale, peut exercer sa compétence pour connaître de faits de disparition forcée lorsque l’auteur présumé, s’il s’agit d’un étranger ou d’un apatride n’ayant pas le statut de résident permanent dans l’État partie, se trouve sur son territoire et n’est pas extradé ou remis à un autre État, et si la disparition forcée n’est pas expressément incriminée dans le pays où les faits de disparition forcée auraient été commis (art. 9).

28.Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce qu ’ aucune condition ne figurant pas parmi celles prévues par la Convention, telle que la double incrimination, ne vienne compromettre l ’ exercice de la compétence de ses juridictions visée à l ’ article 9 (par. 2) de la Convention.  

Allégations de disparition forcée

29.Le Comité regrette que l’État partie ne lui ait pas communiqué d’informations claires sur la question de savoir s’il existe un mécanisme permettant d’exclure un membre des forces de l’ordre ou des forces de sécurité ou tout autre agent public de l’enquête menée sur une disparition forcée lorsque celui-ci est soupçonné d’être impliqué dans les faits en cause. Il regrette également de ne pas disposer d’informations précises sur le point de savoir si les services de sécurité interne ou des enquêtes internes des forces de l’ordre ou des forces de sécurité dont des agents sont accusés de s’être rendus coupables d’une infraction, notamment d’une disparition forcée, peuvent tout de même participer aux premières phrases de l’enquête (art. 12).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les agents des forces de l ’ ordre ou des forces de sécurité appartenant au même service que la personne accusée de disparition forcée ne participent pas à l ’ enquête, et à ce que tout agent public, civil ou militaire soupçonné d ’ être impliqué dans les faits en cause soit suspendu de ses fonctions dès le début de l ’ enquête et p our toute la durée celle-ci , sans préjudice de la présomption d ’ innocence , et ne prenne pas part à l ’ enquête.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

31.Le Comité note que la législation nationale ne fait pas expressément référence à l’interdiction de refouler une personne lorsque celle-ci risque d’être victime de disparition forcée. Il regrette de ne pas disposer d’informations claires sur les critères appliqués aux fins de l’appréciation et de la vérification de toute affirmation concernant le risque d’être victime de disparition forcée en cas d’expulsion, de renvoi, de remise à un autre État ou d’extradition, y compris sur l’appréciation individuelle dans le cas des personnes venant des États inscrits sur la liste des pays d’origine sûrs. Le Comité relève avec préoccupation que le principe du non-refoulement ne s’applique pas s’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est considérée comme présentant un risque pour la sécurité de l’État partie ou une menace pour celui-ci, ou qu’elle a commis des infractions particulièrement graves. Il relève également avec préoccupation qu’il n’existe pas de garantie effective contre le refoulement dans le contexte de l’exécution d’une décision d’expulsion étant donné que les demandes de protection internationale n’ont pas d’effet suspensif automatique. Il regrette, d’autre part, que dans la pratique les assurances diplomatiques ne soient pas correctement appréciées dans les cas où il existe de sérieuses raisons de croire que la personne concernée risque d’être victime de disparition forcée (art. 16).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller au respect strict et systématique du principe de non-refoulement. À cet égard, il lui recommande  :

a) D ’ envisager d ’ inscrire expressément dans sa législation interne l ’ interdiction d ’ expulser, de refouler, de remettre ou d ’ extrader une personne lorsqu ’ il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être soumise à une disparition forcée ;

b) De fixer des critères clairs et précis applicables à l ’ expulsion, au refoulement, à la remise ou à l ’ extradition et de veiller à ce qu ’ il soit procédé à une appréciation individuelle cohérente et approfondie pour déterminer et vérifier le risque que courrait la personne concernée d ’ être soumise à une disparition forcée dans le pays de destination, y compris s ’ il s ’ agit d ’ un pays considéré comme sûr ;

c) De veiller à ce que les assurances diplomatiques soient examinées efficacement et avec le plus grand soin et à ce qu ’ elles ne soient en aucun cas acceptées lorsqu ’ il y a des motifs sérieux de croire que la personne concernée risque d ’ être soumise à une disparition forcée ;

d) De dispenser une formation sur la notion de disparition forcée et sur l ’ appréciation des risques y afférents aux personnes intervenant dans les procédures d ’ asile, de refoulement, de remise ou d ’ extradition et, plus particulièrement, aux agents de la police des frontières ;

e) De veiller à ce qu ’ un recours puisse être formé contre toute décision prise dans le contexte d ’ un renvoi aux fins de l ’ exécution d ’ une décision d ’ expulsion, et à ce que ce recours ait un effet suspensif .

Garanties juridiques fondamentales

33.Le Comité rappelle les constatations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et du Comité contre la torture, dont il ressort que, dans la pratique, le droit des personnes détenues d’informer un proche de leur détention, lorsqu’il est respecté, l’est tardivement, et s’inquiète de constater que, dans certaines circonstances, prévues à l’article 24 (par. 3) de la loi relative à la police, les personnes privées de liberté ne bénéficient pas dès leur placement en détention de toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment du droit de s’entretenir avec un avocat et du droit d’informer leur famille ou toute personne de leur choix de leur placement en détention (art. 17).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que, dès le placement en détention et quels que soient le lieu et la durée de la détention , toutes les personnes détenues aient immédiatement la possibilité de s ’ entretenir avec un avocat et puissent communiquer avec leur famille ou toute personne de leur choix et recevoir la visite de celles-ci.

Recours permettant de contester la légalité de la détention

35.Le Comité constate avec préoccupation que seules les personnes privées de liberté sont en droit de former un recours devant une instance judiciaire aux fins de l’examen de la légalité de leur privation de liberté. Il s’inquiète en outre des informations fournies au cours du dialogue selon lesquelles les décisions de placement en garde à vue ne sont pas susceptibles de recours. D’autre part, il note avec préoccupation qu’il se peut que les demandeurs d’asile privés de liberté en application de l’article 46 de la loi relative à l’asile n’aient pas la possibilité d’introduire un recours pour contester leur privation de liberté initiale, qui peut durer deux ou trois semaines (art. 17 et 22).

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir que toute personne ayant un intérêt légitime est en droit d ’ engager une procédure en vue de faire examiner la légalité d ’ une privation de liberté et que les décisions de privation de liberté peuvent être contestées devant un tribunal dans tous les cas, quels que soient le lieu et la durée de la privation de liberté.

Accès aux informations des personnes ayant un intérêt légitime

37.Le Comité note que, dans les établissements pénitentiaires, seules les personnes ayant un intérêt juridique attesté par des documents officiels ont accès aux informations pertinentes, règle qui peut être restrictive pour les personnes ayant un intérêt légitime. S’agissant de l’accès aux informations pertinentes dans les locaux de garde à vue et les centres de détention pour étrangers, le Comité prend note de l’indication donnée par l’État partie selon laquelle l’article 24 (par. 3) de la loi relative à la police dispose qu’« il n’est pas adressé de notification dans le seul cas où cela risquerait de porter préjudice à l’objectif visé par une mesure concrète ou si une telle notification entraînerait des difficultés démesurées » [traduction non officielle] (art. 18 à 20).

38.Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir que t oute personne ayant un intérêt légitime, par exemple les proches de la personne privée de liberté, leurs représentants ou leurs avocats, ait facilement et rapidement accès à toutes les informations visées à l ’ article 18 (par. 1) de la Convention. Il engage en outre l ’ État partie à assurer l ’ application de l ’ article 24 (par. 3) de la loi relative à la police de telle sorte à garantir que le droit à l ’ information ne p eut être restreint que dans des circonstances exceptionnelles, conformément à l ’ article 20 de la Convention    .

Formation

39.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles il n’est pas dispensé régulièrement de formation portant spécifiquement sur la Convention et l’infraction de disparition forcée aux agents de la fonction publique et à d’autres personnes, contrairement à ce que prévoit l’article 23 (par. 1) de la Convention (art. 23).

40.Le Comité prie l ’ État partie de veiller à ce que tous les membres du personnel militaire ou civil chargé de l ’ application des lois, et l ’ ensemble du personnel médical, des agents de la fonction publique et des autres personnes pouvant intervenir dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, notamment les juges, les procureurs et les autres fonctionnaires responsables de l ’ administration de la justice, reçoivent régulièrement une formation portant spécifiquement sur les dispositions de la Convention, conformément à l ’ article 23 (par. 1) de cet instrument .  

5.Mesures visant à protéger et à garantir les droits des victimes de disparition forcée (art. 24)

Définition de la victime et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

41.Le Comité constate avec préoccupation que la définition de la victime qui figure dans la loi relative aux victimes d’infraction n’est pas pleinement conforme à la Convention puisqu’elle n’englobe pas nécessairement toutes les personnes physiques qui ont subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée (art. 24).

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser la dé finition de la victime de façon à la rendre pleinement conforme à celle qui est énoncée à l ’ article 24 (par. 1) de la Convention, en reconnaissant la qualité de victime à tout individu ayant subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée .

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

43.Le Comité note avec préoccupation que la législation interne ne garantit pas pleinement le droit des victimes de disparition forcée d’obtenir une indemnisation adéquate et toutes les formes de réparation prévues au titre de la responsabilité de l’État. Il s’inquiète en outre des restrictions apportées au droit d’être indemnisé, en particulier : a) des délais de prescription de trois et quinze ans applicables à l’accès aux indemnités par l’exercice d’une action devant les juridictions civiles ; b) du fait que, dans le cadre de poursuites pénales, il ne peut être fait droit aux demandes d’indemnisation, présentées dans le cadre de la procédure dite d’« adhésion », que si les poursuites aboutissent à une condamnation et à la condition que la demande d’indemnisation ait été présentée avant que les éléments de preuve aient commencé à être produits devant le tribunal ; c) du fait que l’octroi d’une aide financière est subordonné à la condamnation pénale de l’auteur pour l’acte ayant causé le préjudice et que le droit de percevoir cette aide s’éteint cinq ans après la commission de l’acte criminel. Le Comité prend note avec préoccupation des informations qui lui ont été communiquées au cours du dialogue selon lesquelles les juridictions pénales sont réticentes à statuer sur les demandes d’indemnisation dans le cadre de procédures pénales et préfèrent renvoyer les victimes devant les juridictions civiles. Il regrette de n’avoir pas reçu d’informations claires sur les mesures de réparation non pécuniaires et sur le fonctionnement, la qualité et la durée des services de soutien destinés aux victimes (art. 24).

44. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que sa législation prévoie un système complet d ’ indemnisation et de réparation (permettant de proposer notamment des mesures de réadaptation médicale et psychologique, ainsi que des mesures de restitution et de satisfaction, y compris le rétablissement de la dignité et de la réputation) et l ’ indemnisation rapide, équitable et suffisante de toutes les personnes qui ont subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée, quelle que soit la période à laquelle celle ‑ ci a eu lieu et même si les auteurs potentiels des faits n ’ ont pas été poursuivis pénalement ou n ’ ont pas été identifiés ;

b) De faire en sorte , par la voie législative, que tout délai de prescription soit de longue durée et commence à courir lorsque cesse la disparition forcée.

6.Mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 25)

Soustraction d’enfants et adoption

45.Le Comité relève avec inquiétude que la législation nationale n’incrimine pas expressément les comportements décrits à l’article 25 (par. 1 a) et b)) de la Convention. Il regrette que l’État partie n’ait pas communiqué d’informations concernant les mesures prises pour prévenir les actes visés à l’article 25 (par. 1 a)). Il regrette également de n’avoir pas été informé des mesures prises par l’État partie pour protéger les enfants, en particulier les mineurs non accompagnés, contre la disparition forcée, notamment dans le contexte des migrations et de la traite. Prenant note des informations selon lesquelles bon nombre de mineurs non accompagnés ont quitté le centre pour les enfants de ressortissants étrangers de Prague sans que l’on ait consigné l’endroit où ils devaient résider par la suite, le Comité note avec préoccupation que des mineurs non accompagnés risquent peut-être d’être victimes de disparition forcée. Il s’inquiète en outre des informations selon lesquelles les recherches de mineur non accompagné menées par la police ne durent que soixante jours, après quoi il y est mis fin même si le mineur non accompagné n’est pas retrouvé (art. 25).

46. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ ériger en infractions distinctes les comportements décrits à l ’ article 25 (par. 1 a) et b)) de la Convention, en prévoyant des peines à la mesure de l ’ extrême gravité de ces faits ;

b) De prendre les mesures voulues pour empêcher la falsification, la dissimulation ou la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants visés à l ’ article 25 (par. 1 a)) ;

c) De prendre des mesures concrètes pour prévenir la disparition d ’ enfants dans les centres d ’ accueil, en particulier au c entre pour les enfants de ressortissants étrangers, et pour rechercher et identifier les enfants qui ont pu être victimes de soustraction d ’ enfant au sens de l ’ article 25 (par. 1 a)), et de veiller à ce que les informations concernant les mineurs non accompagnés soient dûment consignées  ;   

d) De veiller à ce que les recherches de mineur non accompagné disparu menées par la police se poursuivent jusqu ’ à ce que le sort du mineur concerné soit raisonnablement élucidé , au cas par cas , et à ce qu ’ elles donnent des résultats concrets plutôt que d ’ être abandonnées à l ’ issue d ’ une période extrêmement courte.

D.Réalisation des droits et respect des obligations énoncés par la Convention, diffusion et suivi

47. Le Comité tient à rappeler les obligations que les États ont contractées en devenant parties à la Convention et, à cet égard, engage l ’ État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu ’ il adopte, quelles que soient leur nature et l ’ autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes à la Convention et à d ’ autres instruments internationaux pertinents.

48.Le Comité tient également à souligner l ’ effet particulièrement cruel qu ’ ont les disparitions forcées sur les femmes et les enfants qu ’ elles touchent. Les femmes soumises à une disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d ’ une personne disparue sont particulièrement susceptibles d ’ être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu ’ elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d ’ une disparition forcée, qu ’ ils y soient soumis eux-mêmes ou qu ’ ils subissent les conséquences de la disparition d ’ un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l ’ homme. C ’ est pourquoi le Comité insiste particulièrement sur la nécessité, pour l ’ État partie, de tenir systématiquement compte des questions de genre et des besoins particuliers des femmes et des enfants lors de la mise en application des recommandations formulées dans les présentes observations finales, ainsi que les droits et obligations énoncés dans la Convention.

49. L ’ État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu ’ il a soumis en application de l ’ article 29 (par. 1) de la Convention, ses réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales actives dans le pays et le grand public. Le Comité encourage aussi l ’ État partie à promouvoir la participation de la société civile à la mise en application des recommandations formulées dans les présentes observations finales.

50. Eu égard à l ’ article 29 (par. 4) de la Convention, et en vue de renforcer sa coopération avec l ’ État partie, le Comité demande à celui-ci de lui soumettre, au plus tard le 23 septembre 2029, des informations précises et à jour sur la suite donnée à toutes ses recommandations, ainsi que tout renseignement nouveau touchant l ’ exécution des obligations énoncées par la Convention depuis l ’ adoption des présentes observations finales, dans un document établi conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l ’ article 29 de la Convention . Le Comité encourage l ’ État partie à associer la société civile à la compilation de ces informations, qu ’ il prévoit d ’ examiner en 2030.