Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Zimbabwe *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Zimbabwe (CEDAW/C/ZWE/6) à ses 1753e et 1754e séances, le 13 février 2020 (voir CEDAW/C/SR.1753 et CEDAW/C/SR.1754). La liste des points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session figure dans le document CEDAW/C/ZWE/Q/6 et les réponses du Zimbabwe dans le document CEDAW/C/ZWE/RQ/6.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier pour son rapport de suivi sur les précédentes observations finales (CEDAW/C/ZWE/CO/2-5/Add.1) et pour ses réponses écrites à la liste de points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session. Il se félicite de la présentation orale du rapport faite par la délégation, laquelle a également apporté des éclaircissements en réponse aux questions posées par le Comité durant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Ministre des femmes, des communautés et du développement des petites et moyennes entreprises, Sithembiso G. G. Nyoni. La délégation comprenait aussi l’Ambassadeur et Représentant permanent du Zimbabwe auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres institutions internationales y sises, Taonga Mushayavanhu, ainsi que la Présidente de la Commission parlementaire des affaires féminines, le Secrétaire permanent aux affaires féminines, la Commissaire de la Commission de la fonction publique et des représentantes et représentants de huit ministères techniques.

B.Aspects positifs

* Adopté par le Comité à sa soixante-quinzième session ( 10 février- 28 février 2020 ).

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans la mise en œuvre de réformes législatives depuis l’examen, en 2012, de son rapport périodique valant deuxième à cinquième rapports périodiques, en particulier l’adoption des textes suivants :

a)La nouvelle Constitution, en 2013, qui comporte des dispositions relatives à la représentation équilibrée des genres, fixe l’âge minimum légal du mariage à 18ans pour les femmes comme pour les hommes et prévoit l’égalité des droits entre époux ;

b)La loi relative à la traite des personnes, en 2014 ;

c)La loi relative à la Commission des droits de l’homme du Zimbabwe, en 2012, permettant d’assurer le fonctionnement de ladite Commission.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, grâce à l’adoption et à la mise en place des éléments suivants :

a)Le plan d’action national contre la traite des personnes couvrant la période 2019-2021, qui vise à rendre opérationnelle la loi relative à la traite des personnes et à guider la mise en œuvre des activités connexes ;

b)Le Programme national de mesures de prévention et d’intervention contre la violence fondée sur le genre 2016-2020 ;

c)Le plan stratégique national étendu de lutte contre le VIH/sida, couvrant la période 2015-2020, visant à assurer des services efficaces et rapides de traitement du VIH/sida ;

d)La stratégie nationale de santé sexuelle et procréative des adolescents et des jeunes couvrant la période 2016-2020 ;

e)La politique nationale révisée en matière d’égalité des genres, couvrant la période 2013-2017 ;

f)La Commission zimbabwéenne de l’égalité des genres, créée par la loi sur la Commission de l’égalité des genres, en 2016 ;

g)Le comité interministériel chargé de piloter la lutte contre la traite des personnes, en 2016.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants, ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2013 ;

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2013.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite que l ’ objectif de développement durable n o 5 , qui concerne la réalisation de l ’ égalité des genres et l ’ autonomisation des femmes, soit reconnu comme un domaine prioritaire dans le cadre du Programme de transformation socioéconomique durable du Zimbabwe. Il se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et appelle au respect de l ’ égalité des genres en droit (de jure) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 . Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel, législatif et politique

Le Comité prend note des progrès réalisés grâce à la réforme constitutionnelle de 2013, notamment l’adoption d’une charte des droits. Il prend également note des informations communiquées par la délégation au cours du dialogue, selon lesquelles de nombreux projets de loi essentiels à la promotion des droits des femmes sont inscrits à l’ordre du jour de la neuvième session du Parlement, notamment un projet de loi sur l’harmonisation des mariages, un projet de loi portant modification de la loi relative à la tutelle des mineurs et un projet de loi portant modification de la loi relative à l’éducation. Toutefois, le Comité est préoccupé par les retards considérables pris dans la modification de la législation subsidiaire à la Constitution et regrette que des dispositions discriminatoires restent en vigueur dans l’État partie, notamment celles concernant les droits dans le mariage et le droit à la propriété, ainsi que l’âge minimum du mariage.

Compte tenu de sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie de modifier ou d ’ abroger sans délai toutes les dispositions législatives favorisant encore la discrimination fondée sur le genre, notamment celles qui concernent les droits dans le mariage et le droit à la propriété ainsi que l ’ âge minimum légal du mariage, afin de les mettre en conformité avec la Constitution et la Convention.

Le Comité note que la Constitution contient des références au principe de non-discrimination et d’égalité des genres, ainsi qu’une charte des droits complète incluant les droits des femmes. Il déplore toutefois l’absence d’une loi spécifique sur l’égalité des genres qui consacrerait le principe de l’égalité des femmes et des hommes et comprendrait une définition et l’interdiction de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, y compris la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes de discrimination croisées, conformément à l’article premier de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter sans délai, conformément à l ’ article premier et à l ’ article 2 de la Convention, une loi relative à l ’ égalité des genres qui énonce tous les motifs de discrimination interdits et qui vise la discrimination tant directe qu ’ indirecte dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes croisées de discrimination à l ’ égard des femmes.

Statut juridique de la Convention

Bien que la Convention ait été incorporée dans la Constitution et que certaines de ses dispositions aient été intégrées dans la législation, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pleinement intégré la Convention dans son droit interne. Il constate en outre que l’État partie n’a pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

Le Comité rappelle ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/ZWE/CO/2-5 , par. 12 ) et prie instamment l ’ État partie d ’ accorder un degré élevé de priorité au processus de pleine incorporation de la Convention dans les lois pertinentes, afin de conférer à celle-ci un rôle central en tant que cadre de référence pour l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes.

Accès à la justice

Le Comité se félicite des efforts entrepris par l’État partie aux fins de la décentralisation de la Direction de l’aide juridictionnelle dans toutes les provinces, dans le but de fournir une assistance juridictionnelle gratuite aux particuliers. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’offre de cette aide gratuite est parfois déléguée à des organisations non gouvernementales et note que les centres d’aide créés jusqu’à présent par la Direction doivent répondre à des normes minimales de prestation de services.

Conformément à sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Accélérer la création de centres d ’ aide juridictionnelle au niveau des districts, renforcer les normes de prestation de services à tous les niveaux et veiller à la disponibilité et à l ’ accessibilité de l ’ aide juridictionnelle pour toutes les femmes, en particulier les femmes pauvres, les femmes rurales et les femmes handicapées, y compris par le biais d ’ aménagements procéduraux et d ’ aménagements en fonction de l ’ âge  ;

b) Allouer un financement adéquat aux organisations non gouvernementales qui fournissent une aide juridictionnelle gratuite aux femmes dépourvues de ressources suffisantes, de manière à combler les lacunes du système d ’ aide juridictionnelle public  ;

c) Sensibiliser les magistrats et les responsables de l ’ application des lois aux dispositions de la Convention et sensibiliser le public, en particulier les femmes, à la manière de l ’ invoquer.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité note avec préoccupation que la Commission nationale pour la paix et la réconciliation n’est pas pleinement opérationnelle et que son mandat ne sera pas prolongé. Il est également préoccupé par les obstacles à la participation active et réelle des femmes et des filles à toutes les étapes des processus de paix et de réconciliation engagés dans l’État partie, et par le fait que leurs priorités et leurs expériences ne reçoivent pas l’attention qu’elles méritent.

Conformément à sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Proroger le mandat de la Commission nationale pour la paix et la réconciliation et allouer à celle-ci les ressources humaines, techniques et financières dont elle a besoin pour s ’ acquitter de son mandat  ;

b) Associer pleinement les femmes à toutes les étapes des processus de paix et de réconciliation, y compris la prise de décisions, conformément à la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité, et tenir compte de l ’ ensemble des objectifs du Conseil en la matière, tels qu ’ ils sont définis dans les résolutions 1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2009) , 1960 (2010) , 2106 (2013) , 2122 (2013) , 2242 (2015) , 2467 (2019) et 2493 (2019) .

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité salue l’attachement de l’État partie à la réalisation des objectifs de développement durable. Il apprécie la création de diverses institutions destinées à renforcer le mécanisme national de promotion des femmes, en particulier la Commission zimbabwéenne de l’égalité des genres, qui a pour mandat de recevoir et d’examiner les plaintes relatives à la discrimination fondée sur le genre et de formuler des recommandations sur les mesures de réparation à accorder, d’enquêter sur les obstacles systémiques à l’égalité des genres et de faire rapport au Parlement sur leur nature, leur ampleur et leurs conséquences, et d’identifier toute mesure concrète, législative, administrative ou autre, prise pour lever ces obstacles. Le Comité prend également note de la révision de la politique nationale d’égalité des genres adoptée en 2017 pour donner effet aux dispositions de la Constitution et introduire un cadre de suivi et d’évaluation portant spécifiquement sur l’égalité des genres et l’avancement des femmes. Il se félicite en outre de l’élaboration d’un plan d’action national visant à faciliter la mise en œuvre de la Convention. Toutefois, le Comité note avec préoccupation le niveau insuffisant des ressources humaines, techniques et financières allouées à la mise en œuvre des politiques et des plans relatifs à l’égalité des genres, l’absence d’objectifs et de repères sectoriels et de dispositifs de coordination efficaces visant à guider la mise en œuvre des mesures, et le manque d’informations sur les résultats et les incidences de la politique nationale d’égalité des genres.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Développer une stratégie sur l ’ égalité qui conjugue tous les efforts nationaux au moyen de politiques et de programmes de développement publics  ;

b) Allouer les ressources humaines, techniques et financières appropriées à la Commission zimbabwéenne de l ’ égalité des genres et au Ministère des femmes, des communautés et du développement des petites et moyennes entreprises, afin qu ’ ils puissent s ’ acquitter efficacement de leurs mandats, intégrer ces mandats dans le cadre macroéconomique national et les plans sectoriels et faire en sorte que tous les mécanismes nationaux de promotion des femmes travaillent de façon coordonnée et renforcent leur coopération, notamment avec l ’ institution nationale des droits de l ’ homme  ;

c) Fournir des informations sur les incidences de la politique nationale d ’ égalité des genres, y compris les informations générées par son cadre de suivi et d ’ évaluation.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note avec satisfaction que l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme a attribué en 2016 le statut d’accréditation « A » à la Commission des droits de l’homme du Zimbabwe. Toutefois, il note avec inquiétude que l’indépendance de la Commission est limitée.

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ indépendance de la Commission des droits de l ’ homme du Zimbabwe, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), en prenant à cette fin les mesures suivantes  :

a) Inclure un processus clair, transparent et participatif pour la sélection et la nomination des commissaires aux droits de l ’ homme dans la loi d ’ habilitation de la loi sur la Commission des droits de l ’ homme du Zimbabwe  ;

b) Modifier la loi d ’ habilitation pour donner à la Commission des droits de l ’ homme du Zimbabwe le pouvoir exprès de soumettre ses rapports et recommandations directement à l ’ Assemblée nationale plutôt que par l ’ intermédiaire du pouvoir exécutif  ;

c) Modifier la section 17 1 ) c) de la loi sur la Commission des droits de l ’ homme du Zimbabwe de manière à permettre à la Commission de recevoir des fonds de donateurs, y compris des fonds étrangers, sans l ’ approbation préalable du gouvernement, et veiller à ce qu ’ elle dispose des ressources humaines, techniques et financières dont elle a besoin pour s ’ acquitter efficacement de son mandat.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour appliquer des mesures temporaires spéciales sous la forme de quotas visant à accroître la représentation des femmes au Parlement. Toutefois, il note avec préoccupation que les mesures temporaires spéciales prises conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention ne sont pas appliquées systématiquement en tant que stratégie nécessaire pour parvenir plus rapidement à l’égalité réelle des femmes et des hommes dans d’autres domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, comme l’emploi.

Rappelant ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/ZWE/CO/2-5 , par. 20 ), le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales  :

a) Adopter et appliquer des mesures temporaires spéciales, dont des objectifs assortis d ’ échéances et des quotas, en vue de réaliser l ’ égalité effective ou réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées  ;

b) Sensibiliser davantage les parlementaires, les représentants de l ’ État, les employeurs et la population en général au fait que la nécessité de recourir à des mesures temporaires spéciales pour parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes n ’ est pas discriminatoire, et donner dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur l ’ application de telles mesures ainsi que sur leurs résultats.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité prend note du plan d’action national et de la stratégie de communication sur l’élimination des mariages d’enfants, ainsi que de l’incrimination des pratiques préjudiciables par la loi sur la violence domestique. Il constate toutefois avec préoccupation que cette loi définit de façon trop étroite les auteurs d’actes de violence domestique. Le Comité, rappelant ses précédentes observations finales (CEDAW/C/ZWE/CO/2-5, par. 21), se déclare à nouveau préoccupé par la persistance de stéréotypes de genre discriminatoires et de pratiques préjudiciables, notamment les mariages d’enfants, la polygamie et les tests de virginité. Il s’inquiète particulièrement de l’impunité générale concernant ces pratiques préjudiciables et de l’absence de condamnation dans les cas de mariage d’enfants.

Rappelant la Recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables ( 2019 ), et conformément à la cible 5 . 3 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Élargir la définition d ’ auteur de violence domestique dans la loi correspondante afin qu ’ elle puisse s ’ appliquer aux personnes qui n ’ ont pas de lien de parenté avec la plaignante ou qui ne vivent pas sous le même toit qu ’ elle  ;

b) Dialoguer avec les communautés, y compris les responsables religieux et locaux, ainsi que les parents et proches de filles, sur le caractère criminel du mariage d ’ enfants et sur ses retombées néfastes pour les droits des filles.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, telles que la création du Conseil de lutte contre la violence domestique et de trois centres de services intégrés pour les victimes de violence, ainsi que l’adoption du programme national de mesures de prévention et d’intervention contre la violence fondée sur le genre 2016-2020 et d’un système de prise en charge à l’écoute des victimes (Victim Friendly System), qui permet de coordonner les mesures prises face à la violence et aux atteintes sexuelles. Il est toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)La persistance de niveaux élevés d’actes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, commis dans toutes les régions de l’État partie, dans la sphère publique comme dans la sphère privée ;

b)La sous-déclaration des cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, en particulier de violence domestique, en raison d’une culture du silence et de l’impunité, malgré une augmentation récente du nombre de cas signalés à la police ;

c)L’impuissance de l’État partie à lutter contre les actes de violence fondée sur le genre commis dans les espaces publics, y compris par l’armée, et les cas de violence de genre à motivation politique visant les défenseuses et militantes des droits humains ;

d)L’absence de données ventilées par âge et par relation entre la victime et l’auteur sur le nombre d’enquêtes et de poursuites concernant les cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, et sur les peines infligées aux auteurs.

Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19 , recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Allouer les moyens humains, techniques et financiers voulus et mettre en place des mécanismes de surveillance et d ’ évaluation de l ’ exécution du programme national de mesures de prévention et d ’ intervention contre la violence fondée sur le genre, en respectant les principes d ’ inclusion et d ’ accessibilité pour toutes les femmes  ;

b) Lutter contre la stigmatisation qui dissuade les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre de porter plainte, grâce à des campagnes de sensibilisation au caractère criminel de toutes les formes de cette violence et aux incidences graves qu ’ elle a sur l ’ exercice de leurs droits par les femmes  ;

c) Prévenir les actes de violence à motivation politique visant les défenseuses et les militantes des droits humains, y compris lorsque ces violences sont commises par des membres des forces de police et de sécurité et à l ’ instigation de représentants de l ’ État, enquêter sur ces actes et en sanctionner les auteurs comme il convient  ;

d) Recueillir systématiquement des données, ventilées par âge, type de violence et relation entre la victime et l ’ auteur, sur le nombre de plaintes déposées, d ’ enquêtes et de poursuites engagées, de condamnations et de peines prononcées contre les auteurs d ’ actes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes, y compris les indemnisations financières.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité applaudit les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, y compris en formant les agents des services de détection et de répression aux questions liées à la traite et aux migrations. Il note toutefois avec préoccupation qu’un grand nombre de femmes et de filles sont victimes de la traite à partir de l’État partie et à l’intérieur de celui-ci, à des fins de servitude domestique, de travail forcé et d’exploitation sexuelle. Il est particulièrement préoccupé par :

a)L’insuffisance des moyens et le manque de procédures propres à identifier rapidement les victimes de la traite et à les orienter vers les services compétents ;

b)Le fait que la définition de la traite qui figure dans la loi relative à la traite des personnes n’est pas conforme aux normes internationales ;

c)Le manque de foyers d’accueil publics pour les femmes et les filles victimes de la traite, qui ne sont qu’au nombre de trois, à Harare, à Bulawayo et dans le Manicaland.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Intensifier les mesures prises pour identifier et protéger les victimes de la traite à partir de l ’ État partie et à l ’ intérieur de celui-ci et les orienter vers les services appropriés le plus tôt possible, en collaboration avec les organisations de la société civile, et redoubler d ’ efforts pour enquêter sur les auteurs d ’ infractions liées à la traite, les poursuivre et les punir comme il convient  ;

b) Modifier la loi relative à la traite des personnes pour y inclure une définition de la traite qui soit conforme au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants  ;

c) Assurer la disponibilité de foyers d ’ accueil publics pour les victimes de la traite dans les 10 provinces du pays et augmenter le soutien financier aux organisations non gouvernementales qui gèrent ces foyers et fournissent des services de soutien, notamment une aide juridictionnelle et des services de réhabilitation, aux femmes et aux filles victimes de la traite.

Le Comité se félicite de la décision prise par la Cour constitutionnelle en 2015 d’interdire l’arrestation des femmes pour racolage. Il relève toutefois avec préoccupation le nombre élevé de femmes exploitées dans le cadre de la prostitution dans l’État partie en raison de la pauvreté, le manque de données sur les femmes et les filles qui se prostituent, l’insuffisance des mesures visant à remédier aux causes profondes de la prostitution et l’absence de programmes destinés aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ examiner et de traiter les causes profondes de la prostitution, de proposer aux femmes et aux filles qui le souhaitent des programmes de sortie de la prostitution et d ’ autres possibilités génératrices de revenus, et de recueillir des données ventilées sur l ’ ampleur de la prostitution dans l ’ État partie.

Participation égale à la vie politique et publique

Le Comité se félicite des quotas minimums pour la représentation des femmes à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans les conseils provinciaux, ainsi que de l’engagement volontaire des partis politiques à faire en sorte que les femmes représentent au moins un tiers des candidatures sur leurs listes électorales ; ainsi, en 2018, 32 % des membres de l’Assemblée nationale et 44 % des membres du Sénat étaient des femmes. Il note toutefois avec inquiétude que le système de quotas fixé par la Constitution pour la participation des femmes à l’Assemblée nationale expirera en 2023 et qu’aucune sanction n’est prévue pour les partis qui ne respectent pas les objectifs de parité femmes-hommes dans leurs listes de candidatures au Sénat. Il s’inquiète en outre du fait que le pouvoir exécutif n’applique pas les dispositions constitutionnelles relatives à l’égalité (art. 17), comme le montre le faible nombre de femmes ministres et de femmes siégeant aux conseils d’administration des entreprises publiques et privées. Il est également préoccupé par le fait que les femmes en politique ne bénéficient pas du financement des campagnes électorales prévu par la loi sur le financement des partis politiques et sont souvent la cible d’attaques sexistes, de harcèlement et de stéréotypes liés au genre dans les médias.

Conformément à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur la vie politique et publique et à la cible 5 . 5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Garantir l ’ applicabilité du quota constitutionnel de femmes au-delà des élections de 2023 et jusqu ’ à ce que l ’ égalité réelle des femmes et des hommes soit réalisée, rendre obligatoire l ’ inscription de quotas de femmes sur les listes électorales des partis politiques et exiger de la Commission électorale du Zimbabwe qu ’ elle impose des sanctions, y compris des amendes, en cas de manquement  ;

b) Appliquer le principe de l ’ égalité des genres reconnu à l ’ article 17 de la Constitution dans le cadre de la nomination des ministres et des membres des conseils d ’ administration des entreprises publiques et privées  ;

c) Mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des responsables politiques, des journalistes, du corps enseignant et du grand public afin que tous comprennent mieux que la participation pleine, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur un pied d ’ égalité avec les hommes, est une condition nécessaire à la pleine application de leurs droits humains et à la réalisation de la stabilité politique et du développement économique dans l ’ État partie  ;

d) Modifier la loi sur le financement des partis politiques afin de prévoir l ’ allocation de fonds pour le financement des campagnes et la formation des femmes candidates aux élections  ;

e) Adopter une loi visant à incriminer le harcèlement politique et les attaques sexistes visant les candidates et les militantes politiques.

Éducation

Le Comité prend note de l’annonce faite par la délégation de l’État partie au cours du dialogue concernant la prévision de crédits budgétaires destinés à pourvoir 3 000 postes d’enseignantes et d’enseignants en 2019 et 5 000 postes en 2020 et à financer la construction de 2 000 nouvelles écoles et la remise en état de bâtiments scolaires délabrés ainsi que la construction de logements pour les étudiantes inscrites dans les établissements d’enseignement supérieur, y compris les instituts et les universités polytechniques. Il se félicite également de l’adoption et de la mise en œuvre de l’initiative pour les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Il demeure néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)Le taux élevé d’abandon scolaire chez les filles en raison d’un mariage d’enfant ou d’une grossesse précoce, ou de difficultés financières ;

b)Le fait que les infrastructures scolaires ne sont pas suffisamment adaptées aux besoins des filles et qu’il n’existe pas suffisamment d’installations sanitaires adéquates et non mixtes ;

c)Les informations faisant état d’abus et de harcèlement sexuels dont les filles sont victimes à l’école et sur le chemin de l’école, et l’impunité de leurs auteurs ;

d)La sous-représentation des étudiantes dans les domaines de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.

Conformément à la Convention et à sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, ainsi qu ’ à la cible 4 . 1 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Redoubler d ’ efforts pour faire baisser le taux d ’ abandon scolaire chez les filles et continuer à faciliter la réinsertion des jeunes mères dans le système scolaire  ;

b) Veiller à ce que chaque école soit équipée d ’ installations sanitaires non mixtes, adéquates et accessibles pour les filles afin d ’ éviter qu ’ elles n ’ abandonnent l ’ école ou en soient absentes en raison de difficultés liées à la gestion de l ’ hygiène menstruelle  ;

c) Enquêter sur les cas d ’ abus et de harcèlement sexuels dont sont victimes les filles en milieu scolaire et sur le chemin de l ’ école, poursuivre et punir comme il convient les auteurs de tels faits, en particulier lorsqu ’ il s ’ agit d ’ enseignants et de membres de l ’ administration scolaire, et fournir aux victimes des soins médicaux, un soutien psychosocial et des services de réadaptation  ;

d) Inciter les femmes et les filles à opter pour des filières d ’ études et des carrières non traditionnelles, notamment dans les domaines des sciences, de la technologie, de l ’ ingénierie et des mathématiques.

Emploi

Le Comité prend note de l’annonce faite par la délégation de l’État partie au cours du dialogue selon laquelle un projet de loi portant modification de la loi sur le travail sera présenté à l’Assemblée nationale en 2020 et une modification est apportée à la loi sur la fonction publique afin d’y inclure un code de conduite visant à lutter contre le harcèlement sexuel. Il est néanmoins préoccupé par :

a)La ségrégation horizontale et verticale persistante des emplois, ainsi que la persistance de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et la concentration des femmes dans des emplois peu rémunérés, principalement dans les domaines de l’agriculture et du travail domestique ;

b)La faible présence des femmes dans le secteur privé, en particulier aux postes de direction et aux conseils d’administration des entreprises privées ;

c)Le fait que, dans la section 5 2a) de la loi sur le travail, qui prévoit la rémunération égale des hommes et des femmes pour un travail de valeur égale, on entend par travail de valeur égale « un travail qui suppose des compétences, des tâches, des responsabilités et des conditions identiques ou fondamentalement analogues », ce qui pourrait restreindre indûment le champ de comparaison des emplois exercés par les hommes et les femmes ;

d)La surreprésentation des femmes dans le secteur informel, où elles continuent d’être privées de protection sociale, y compris de congé de maternité et de prestations de retraite ;

e)Les informations faisant état d’un nombre élevé d’actes de harcèlement sexuel visant les femmes qui travaillent dans le secteur informel, commis par la police municipale, les clients, les prestataires de services et les collègues masculins, ainsi que l’absence de dispositions législatives incriminant spécifiquement le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes, conformément à la cible 8 . 5 des objectifs de développement durable  :

a) Élaborer des plans pour lutter contre la ségrégation professionnelle horizontale et verticale dans les secteurs public et privé, renforcer les mesures visant à encourager les femmes et les filles à choisir des carrières non traditionnelles, y compris en favorisant et en améliorant l ’ accès à l ’ apprentissage et à la formation professionnelle dans les domaines non traditionnels, et redoubler d ’ efforts pour faciliter l ’ égalité d ’ accès des femmes aux nouvelles technologies et aux compétences numériques, y compris dans le secteur informel  ;

b) Renforcer la participation des femmes à la prise de décision dans la vie économique, en particulier dans les conseils d ’ administration et de direction des entreprises privées, notamment au moyen de quotas  ;

c) Modifier la loi sur le travail afin d ’ intégrer pleinement le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, sans le limiter à la comparaison de tâches impliquant des qualifications et des compétences, un niveau de pénibilité, des responsabilités et des conditions de travail similaires , mais en l ’ appliquant aussi aux tâches de nature entièrement différente mais néanmoins de valeur égale  ;

d) Assurer l ’ égalité des prestations de protection sociale pour les femmes et les hommes, étendre les soins de santé, les prestations de retraite et la protection de la maternité au secteur informel, et procéder régulièrement à des inspections du travail dans l ’ économie informelle, y compris dans les ménages ordinaires où les femmes sont employées comme domestiques  ;

e) Veiller à ce que l ’ examen en cours de la loi sur le travail vise à définir clairement et à interdire toutes les formes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, à établir des mécanismes efficaces pour enquêter sur les plaintes et à prévoir des sanctions suffisamment dissuasives pour les auteurs de harcèlement sexuel et des réparations adéquates pour les victimes.

Santé

Le Comité se félicite de la réduction du taux de mortalité maternelle dans l’État partie, de 651 pour 100 000 naissances vivantes en 2015 à 462 pour 100 000 naissances vivantes en 2019, comme annoncé au cours du dialogue. Néanmoins, il prend note avec préoccupation des éléments suivants :

a)L’augmentation des coûts des soins de santé au-delà des moyens des citoyens et le fait que 90 % de la population n’a pas accès aux soins médicaux, la pénurie de médicaments dans les hôpitaux publics et de fournitures dans les maternités et le fait que c’est aux patientes et patients qu’il revient d’acheter les médicaments et fournitures dont ils ont besoin, la pénurie de professionnels de la santé qualifiés dans les hôpitaux publics et de sages-femmes, et la persistance du taux élevé de mortalité maternelle ;

b)La forte prévalence du VIH dans l’État partie, le troisième pays le plus touché d’Afrique australe, et le fait que les femmes et les filles sont concernées de manière disproportionnée ;

c)L’accès limité des femmes et des filles aux informations concernant la santé sexuelle et procréative et les droits y relatifs ;

d)La criminalisation de l’avortement dans la loi sur l’interruption de grossesse, sauf en cas de viol, d’inceste, de menace pour la vie de la femme enceinte ou de risque d’atteinte permanente à sa santé physique, ou de risque de graves malformations du fœtus, et l’accès limité des femmes à des services d’avortement sécurisé.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes, conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé et aux cibles 3 . 1 et 3 . 7 des objectifs de développement durable, qui consistent à réduire le taux de mortalité maternelle et à assurer l ’ accès universel à des services de soins de santé sexuelle et procréative  :

a) Améliorer l ’ accès à des soins de santé abordables et la couverture de ces soins sur l ’ ensemble de son territoire en allouant des ressources budgétaires suffisantes à la mise en place, en particulier dans les zones rurales et les zones reculées, d ’ hôpitaux qui devront être équipés d ’ installations adéquates et accessibles et dont le personnel sera composé de professionnels de santé qualifiés, notamment en matière de soins obstétriques  ;

b) Intensifier la mise en œuvre du plan stratégique de lutte contre le VIH/sida pour la période 2015 - 2020 et de la stratégie nationale de santé sexuelle et procréative des adolescents et des jeunes pour la période 2016 - 2020 afin de lutter contre le VIH/sida et de garantir l ’ accès des femmes et des filles qui courent un risque d ’ infection par le VIH aux programmes de prévention et de dépistage précoce  ;

c) Veiller à ce que les femmes et les filles aient accès à des formes de contraception modernes et bon marché, y compris dans les zones rurales, multiplier les efforts pour sensibiliser davantage le public à l ’ utilisation de moyens contraceptifs, et introduire dans les programmes scolaires de tous les niveaux des cours d ’ éducation sexuelle obligatoires adaptés aux différents âges, y compris sur les pratiques sexuelles responsables  ;

d) Décriminaliser l ’ avortement dans tous les cas et garantir l ’ accès à des services d ’ avortement sécurisé et de soins après avortement dans toutes les régions de l ’ État partie, ainsi que la confidentialité dans la prestation de ces services.

Prestations économiques et sociales

Le Comité se félicite de la politique nationale révisée d’égalité des genres et du plan d’autonomisation économique, dans lesquels figurent des stratégies visant à renforcer l’accès des femmes aux débouchés économiques. Il est toutefois préoccupé par le fait que la majorité des femmes travaillant dans le secteur de l’extraction minière artisanale et à petite échelle n’ont pas les ressources nécessaires pour acquérir des titres miniers (seulement 20 % des titres miniers disponibles étant détenus par des femmes) et qu’elles ne peuvent pas satisfaire aux normes requises en matière d’environnement et de sécurité et de santé au travail. Il note également que les hommes possèdent quatre à cinq fois plus d’entreprises et de coopératives que les femmes, et que les commerçants ambulants, qui sont majoritairement des femmes, sont doublement taxés : d’abord en tant que commerçants transfrontaliers, puis en tant que petits commerçants louant des biens pour leur entreprise. Le Comité note en outre avec préoccupation les niveaux disproportionnés de pauvreté parmi les femmes et l’absence de régimes complets de sécurité et de protection sociales dans l’État partie. Il s’inquiète également du fait que les femmes n’ont qu’un accès limité aux prêts et autres formes de crédit financier, qui ne sont pas adaptés à leurs besoins spécifiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à renforcer et à assurer la mise en œuvre effective des politiques et programmes existants en faveur de l ’ avancement économique des femmes, et de prendre à cette fin les mesures suivantes  :

a) Permettre aux femmes actives, en particulier dans le secteur minier, d ’ acquérir plus facilement des titres et de devenir propriétaires d ’ entreprises et de coopératives  ;

b) Réviser le système fiscal applicable au secteur informel et veiller à ce qu ’ il soit équitable  ;

c) Accroître les possibilités offertes aux femmes dans le cadre des marchés publics, notamment en imposant aux autorités publiques l ’ obligation de promouvoir l ’ égalité des genres dans l ’ attribution des marchés  ;

d) Allouer suffisamment de ressources humaines, techniques et financières aux régimes de protection sociale non contributifs destinés aux femmes travaillant dans le secteur informel et aux femmes au chômage  ;

e) Encourager comme il convient la création d ’ entreprises par les femmes en leur permettant d ’ accéder plus facilement au crédit financier, notamment à des prêts à taux d ’ intérêt réduit, et à d ’ autres possibilités génératrices de revenus.

Femmes rurales

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour faciliter l’accès des femmes à la terre au moyen du règlement no 53 de 2014 régissant l’installation sur les terres agricoles, qui prévoit le rappel des anciens permis et l’enregistrement de la propriété foncière conjointe des deux époux, et se félicite également de la création de la Commission foncière. Il s’inquiète toutefois des pratiques néfastes qui entravent l’accès des femmes rurales à la terre et les empêchent surtout d’en hériter. Il est également préoccupé par le fait qu’il n’existe ni mécanisme de contrôle et d’évaluation du respect de la loi, ni mécanisme d’application, et que la Commission ne dispose pas de ressources suffisantes pour fonctionner efficacement. Il est en outre inquiet d’apprendre que les femmes peuvent difficilement accéder au crédit et aux prêts officiels et que les prêts accordés par la Banque de microfinancement des femmes sont insuffisants. Il s’inquiète par ailleurs du taux de pauvreté anormalement élevé chez les femmes rurales, qui constituent la majorité de la population féminine de l’État partie, et de leur accès limité à l’éducation, à la santé, à la justice, au logement, à l’eau, à l’assainissement, à l’électricité et à d’autres infrastructures.

Conformément à la Convention et à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, ainsi qu ’ à la cible 5 .a des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Achever rapidement un audit foncier complet et indépendant afin de déterminer les structures de propriété foncière, de mettre en évidence les inégalités dans la redistribution des terres et d ’ en libérer pour les redistribuer aux femmes, et améliorer l ’ allocation des ressources à la Commission foncière afin de lui permettre de s ’ acquitter pleinement et rapidement de son mandat  ;

b) Faciliter l ’ accès des femmes aux terrains dont elles ont hérité et sanctionner toute action les empêchant d ’ exercer leur droit à la terre, faciliter leur accès à des prêts et à des crédits financiers adéquats, notamment par une assistance technique, des conseils et une initiation à la finance, et promouvoir la création et le développement de petites entreprises  ;

c) Renforcer les efforts visant à promouvoir l ’ avancement économique des femmes rurales, en veillant à ce qu ’ elles aient accès à la justice, à l ’ éducation, à l ’ emploi, à la santé, au logement, à l ’ eau potable et à l ’ assainissement, à l ’ électricité et à d ’ autres infrastructures.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité note avec préoccupation la stigmatisation et le risque croissant de violence, d’exploitation et de maltraitance dont peuvent être victimes les femmes et les filles handicapées. Il note également avec inquiétude les informations faisant état de discours haineux, de stigmatisation et de discrimination contre les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et les personnes intersexes dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’emploi et de la justice. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état de cas d’emprisonnement de femmes accompagnées de jeunes enfants, et de cas d’abus et de harcèlement sexuels infligés aux détenues.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Éliminer les formes de discrimination croisées à l ’ égard des femmes et des filles handicapées, ainsi que des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et des personnes intersexes, sensibiliser le public à leurs droits humains et poursuivre et punir comme il convient les auteurs de violences visant ces personnes  ;

b) Promouvoir le recours à des mesures de substitution à la détention, en particulier dans le cas des femmes enceintes, des mères de jeunes enfants et des femmes chefs de famille, améliorer les conditions dans les centres de détention pour femmes conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et renforcer les mesures visant à protéger les femmes en détention contre la violence fondée sur le genre, notamment en procédant à un suivi régulier et en établissant des mécanismes de plainte indépendants et confidentiels.

Égalité des genres et changements climatiques

Le Comité note qu’une politique nationale sur le climat adoptée en 2016 comprend un volet sur l’égalité des genres, mais reste préoccupé par les effets néfastes disproportionnés que les cyclones et les inondations peuvent avoir sur les femmes et les filles en les exposant à un risque accru de violence fondée sur le genre et d’insécurité alimentaire, comme ce fut le cas après le cyclone Idai en mars 2019. Il déplore également l’absence d’informations sur la stratégie nationale d’adaptation aux changements climatiques adoptée en 2014, notamment sur l’intégration d’une perspective de genre et la participation des femmes à tous les stades de son élaboration et de sa mise en œuvre.

Conformément à sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ évaluer les conséquences du cyclone Idai sur les femmes et les filles au Zimbabwe et d ’ y remédier, et de veiller à ce que les questions de genre soient prises en compte dans l ’ élaboration et la mise en œuvre des politiques et programmes de réduction des risques de catastrophe et de lutte contre les changements climatiques.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note avec préoccupation que, malgré les efforts de sensibilisation de l’État partie, la plupart des mariages sont encore célébrés selon le droit coutumier et ne sont pas enregistrés, et que le mariage d’enfants est une pratique néfaste courante dans l’État partie, où un tiers des filles sont mariées avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans. Il s’inquiète également de constater que les lois et pratiques coutumières discriminatoires régissent toujours les mariages et les rapports familiaux dans l’État partie et autorisent des pratiques néfastes telles que le mariage d’enfants et la polygamie.

Se référant à la recommandation générale n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux, le Comité exhorte l ’ État partie à donner la priorité à l ’ adoption d ’ une loi sur l ’ harmonisation des mariages assurant les mêmes droits aux femmes et aux hommes dans les rapports familiaux, au cours du mariage et lors de sa dissolution, conformément à l ’ article 16 de la Convention et à la recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution. Le Comité recommande en particulier à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes  :

a) Adopter le projet de loi criminalisant les mariages d ’ enfants et poursuivre et punir comme il se doit les auteurs de ces actes  ;

b) Adopter une loi prévoyant l ’ enregistrement obligatoire de tous les mariages et garantir l ’ interdiction de la polygamie  ;

c) Veiller à ce que les lois et pratiques coutumières soient conformes à la Constitution et à la Convention de façon à interdire les pratiques préjudiciables, et abroger toute disposition discriminatoire à l ’ égard des femmes dans les rapports familiaux.

Collecte et analyse de données

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes, ventilées en fonction du sexe, de l ’ âge, du handicap, de l ’ appartenance ethnique, de l ’ emplacement et du statut socioéconomique. Il l ’ engage également à surveiller, grâce à des indicateurs mesurables, les effets des lois, politiques et plans d ’ action adoptés, et à évaluer l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis pour instaurer une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Protocole facultatif à la Convention et amendement de l’alinéa 1 de l’article 20

Le Comité invite l ’ État partie à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe  1 de l ’ article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité, et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l ’ examen après 25 ans de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action afin de parvenir à l ’ égalité réelle des femmes et des hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits humains contribuerait à favoriser l ’ exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage par conséquent l ’ État partie à ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquels il n ’ est pas encore partie.

Suite à donner aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura pris pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 18 b), 28 b), 28 d) et 30 b).

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son septième rapport périodique en février 2024 . Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).