NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/BDI/CO/115 février 2007

Original: FRANCAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente-septième session6-24 novembre 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

BURUNDI

Le Comité a examiné le rapport initial du Burundi (CAT/C/BDI/1) à ses 730ème et 733ème séances, les 9 et 10 novembre 2006 (CAT/C/SR.730 et 733), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 745ème séance, le 20 novembre 2006 (CAT/C/SR.745).

A. Introduction

Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial du Burundi, qui est conforme aux directives générales du Comité pour l’établissement de rapports initiaux, tout en regrettant qu’il ait été soumis avec treize ans de retard. Le Comité prend note avec satisfaction de la franchise avec laquelle l’État partie reconnaît les lacunes de sa législation en matière d’éradication et de prévention de la torture. Il apprécie en outre l’effort réalisé par l’État partie pour identifier les mesures nécessaires afin d’y remédier. Le Comité se félicite également du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie, ainsi que des réponses apportées aux questions posées au cours de ce dialogue.

B. Aspects positifs

Le Comité se réjouit de la signature du cessez-le-feu entre le Gouvernement et les Forces nationales de libération (FNL), le 7 septembre 2006, mettant ainsi un terme au conflit armé qui a sévi au Burundi pendant près de treize ans.

GE.07-40492Le Comité prend note de la déclaration faite par la délégation de l’État partie concernant le projet de révision du Code pénal et de son intention d’y incorporer des dispositions relatives à la criminalisation des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les violences à l’égard des femmes et des enfants. Par ailleurs, le Comité se félicite de la déclaration de la délégation selon laquelle le Code de procédure pénale sera également révisé au cours de l’année 2007.

Le Comité se félicite de la création du Ministère de la solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre, de la Commission gouvernementale des droits de la personne humaine et du Centre de promotion des droits de l’homme et de la prévention du génocide.

Le Comité prend note de l’annonce par la délégation selon laquelle l’État partie envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Comité accueille avec satisfaction l’annonce par la délégation de l’État partie de la récente ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, ainsi que du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Tout en accueillant avec satisfaction le projet de révision du Code pénal dans lequel devrait figurer une définition de la torture, ainsi que l’a indiqué la délégation de l’État partie, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions portant définition explicite de la torture dans le Code pénal en vigueur et la rendant passible de sanctions au regard du droit pénal, conformément aux articles 1 et 4 de la Convention. Le Comité est également préoccupé par le manque de clarté quant au statut de la Convention dans le droit interne burundais et le fait qu’elle ne soit pas invoquée devant les autorités judiciaires et administratives compétentes. (art. 1 et 4).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes afin d’intégrer dans son Code pénal une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention, ainsi que des dispositions érigeant en infraction les actes de torture et les rendant passibles de sanctions pénales proportionnelles à la gravité des actes commis. L’État partie devrait également clarifier le statut de la Convention dans son droit interne de manière à permettre à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture d’invoquer celle-ci devant les autorités judiciaires et administratives compétentes.

Tout en saluant le projet de réforme de l’appareil judiciaire burundais annoncé par la délégation de l’État partie, le Comité constate avec préoccupation que les dispositions relatives à la garde à vue du Code de procédure pénale en vigueur ne prévoient pas explicitement la notification des droits, y compris la présence d’un avocat et l’examen médical de la personne gardée à vue dès les premières heures de la garde à vue. Le Comité est également préoccupé par l’absence de dispositions prévoyant l’aide juridictionnelle aux personnes démunies. Par ailleurs, le Comité s’inquiète de la durée de la garde à vue qui peut aller jusqu’à quatorze jours, délai non conforme aux normes internationales généralement acceptées en la matière. Enfin, le Comité est vivement préoccupé par des informations faisant état de plusieurs centaines de cas de détentions illégales dues au dépassement du délai légal de la garde à vue (art.  2 et 11).

L’État partie devrait réformer les dispositions du Code de procédure pénale en matière de garde à vue, de façon à assurer une prévention efficace des atteintes à l’intégrité physique et mentale des personnes gardées à vue, y compris en garantissant leur droit à l’habeas corpus, le droit d’informer un proche et celui de consulter un avocat et un médecin de leur choix ou un médecin indépendant dès les premières heures de la garde à vue, ainsi que l’accès à l’aide juridictionnelle pour les personnes les plus démunies.

L’État partie devrait par ailleurs rendre la pratique de la détention provisoire conforme aux normes internationales relatives à un procès équitable et faire en sorte que justice soit rendue dans un délai raisonnable.

Le Comité est alarmé par les informations reçues faisant état d’une pratique généralisée de la torture dans l’État partie. En effet, d’après ces informations, plusieurs centaines de cas de torture auraient été recensés entre juillet 2005 et juillet 2006, fait qui n’a pas été contesté par la délégation de l’État partie. En outre, le Comité est vivement préoccupé par les informations reçues concernant un nombre élevé de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et de détentions au secret, dont les principaux auteurs seraient les agents du Service national de renseignement (SNR). À cet effet, le Comité s’inquiète du double mandat du SNR, organe chargé de la sécurité de l’État, faisant également office de police judicaire, ce qui comporte un risque d’instrumentalisation de cette entité comme moyen de répression politique (art. 2 ).

L’État partie devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires effectives pour prévenir tout acte de torture et tout mauvais traitement dans tout territoire sous sa juridiction, y compris en s’assurant que le personnel militaire n’est en aucun cas associé à l’arrestation et à la détention de civils. L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit sous autorité judiciaire et pour empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture. Il devrait en outre intégrer dans sa législation interne une disposition établissant clairement que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture.

Par ailleurs, l’État partie devrait clarifier de toute urgence le mandat du Service national de renseignement (SNR) dans le cadre de la réforme de l’appareil judiciaire en cours de manière à éviter toute instrumentalisation de cet organe comme moyen de répression politique et retirer à ces agents la qualité d’officiers de police judiciaire.

Le Comité est alarmé par les informations reçues faisant état de violences sexuelles à grande échelle à l’égard des femmes et des enfants par des agents de l’État et des membres de groupes armés et le recours au viol systématique comme arme de guerre, ce qui constitue un crime contre l’humanité. À cet égard, selon des informations reçues, un nombre important de victimes de viols auraient été identifiées entre octobre 2005 et août 2006. Par ailleurs, le Comité est vivement préoccupé par l’impunité apparente dont bénéficient les auteurs de ces actes. Le Comité est également préoccupé par le règlement extrajudiciaire ou amiable des affaires de viol, y compris par les autorités administratives, privilégiant des pratiques telles que le mariage entre le violeur et sa victime (art. 2, 4, 12 et 14) .

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques en vue d’éliminer l’impunité dont bénéficient les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements, fussent-ils des agents de l’État ou des acteurs non étatiques, de mener des enquêtes promptes, impartiales et exhaustives, de juger les auteurs de ces actes et les condamner à des peines proportionnelles à la gravité des actes commis, s’ils sont reconnus coupables, et indemniser convenablement les victimes. Par ailleurs, l’État partie devrait garantir à ces dernières l’accès aux moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour intégrer dans son Code pénal une disposition criminalisant les actes de violence, y compris la violence dans la famille et les violences sexuelles, en particulier le viol, conformément à l’article 4 de la Convention.

Le Comité est préoccupé par la situation de dépendance de fait du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif qui constitue un obstacle majeur à l’ouverture immédiate d’une enquête impartiale lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction. À cet effet, le Comité est préoccupé par la décision du Procureur général infirmant la décision de la Cour suprême selon laquelle les sept personnes détenues dans le cadre de la tentative de coup d’État présumé, y compris l’ancien Président de la période de transition, M. Domitien Ndayizeye, auraient dû être libérées sous caution. Le Comité s’inquiète également des informations alléguant que plusieurs des détenus auraient été torturés. Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que le Procureur général puisse, en certaines occasions, influer sur des décisions de justice (art. 2 et 12).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces visant à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, en conformité avec les normes internationales y relatives. L’État partie devrait par ailleurs procéder à une enquête immédiate et impartiale, suite aux informations selon lesquelles plusieurs personnes détenues dans le cadre de la tentative de coup d’État présumé auraient été soumises à la torture. L’État partie devrait également respecter son obligation de se plier aux décisions de la Cour suprême.

Le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle l’État partie envisage de relever l’âge de la responsabilité pénale de 13 à 15 ans. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’un système de justice pour mineurs, les enfants étant souvent soumis aux mêmes procédures que les adultes. À cet effet, le Comité constate avec préoccupation que l'enfant accusé d'avoir commis une infraction pénale est obligé d'attendre très longtemps avant de passer en jugement et que la durée de la détention provisoire de l'enfant excède fréquemment la durée de la peine maximale de prison qui peut lui être infligée s'il est reconnu coupable (art. 2).

L’État partie devrait p rendre les mesures nécessaires pour relever l’âge minimum de la responsabilité pénale de façon à le rendre conforme aux normes internationales généralement acceptées en la matière. L’État partie devrait également garantir le bon fonctionnement d’un système judiciaire pour mineurs leur accordant un traitement en rapport avec leur âge, en conformité avec l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de Tokyo) .

Le Comité note le projet de loi nationale d’asile, élaboré avec l’assistance technique du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, qui établit une Commission nationale pour les réfugiés, habilitée à exercer la protection juridique et administrative des réfugiés et demandeurs d’asile. Le Comité prend également note de la déclaration de la délégation selon laquelle seuls les réfugiés et les requérants d’asile souhaitant rentrer volontairement dans leur pays d’origine sont invités à le faire. Le Comité est néanmoins préoccupé par le renvoi massif de quelque 8 000 requérants d’asile rwandais, en juin 2005, dans leur pays d’origine. Par ailleurs, le Comité s’inquiète du fait que des requérants d’asile ou des réfugiés du Rwanda et de la République Démocratique du Congo pourraient être renvoyés dans leur pays d’origine en dépit du risque qu’ils courent d’être soumis à la torture, en raison de l’absence d’une procédure d’extradition (art. 3) .

L’État partie devrait prendre les mesures législatives, et toute autre mesure nécessaire, interdisant l’expulsion, le refoulement ou l’extradition de personnes vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être soumises à la torture, conformément à l’article 3 de la Convention . L’État partie devrait en outre garantir le respect absolu de leur intégrité physique et psychique. Par ailleurs, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour adopter une législation sur la protection des apatrides de manière à les protéger de l’expulsion, du refoulement ou de l’extradition.

Le Comité note que le Burundi subordonne l’extradition à l’existence d’un traité d’extradition. Il demeure néanmoins préoccupé par le fait que l’État partie, lorsqu’il est saisi d’une demande d’extradition par un autre État partie avec lequel il n’est pas lié par un traité d’extradition, n’invoque pas la présente Convention comme constituant une base juridique de l’extradition en ce qui concerne les infractions visées à l’article 4 de la Convention (art. 8).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives et administratives idoines pour que la présente Convention puisse être invoquée comme constituant une base juridique de l’extradition, en ce qui concerne les infractions visées à l’article 4 de la Convention, lorsqu’il est saisi d’une demande d’extradition émanant d’un autre État partie avec lequel il n’est pas lié par un traité d’extradition, tout en respectant les dispositions de l’article 3 de la Convention.

Le Comité est préoccupé par le fait que la formation du personnel chargé de l’application des lois est insuffisante, étant donné que son contenu n’est pas axé sur l’éradication et la prévention de la torture. Par ailleurs, les nombreuses allégations d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants reçues par le Comité démontrent la portée limitée de cette formation (art. 10) .

L’État partie devrait :

a) Organiser régulièrement des cours de formation du personnel chargé de l’application des lois, notamment les membres de la police et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, afin de s’assurer que tous ont une connaissance approfondie des dispositions de la Convention et qu’ils savent que les violations ne sont pas tolérées, qu’elles donnent lieu à une enquête et que leurs auteurs sont passibles de poursuites. L’ensemble du personnel devrait recevoir une formation spécifique aux méthodes de détection des indices de torture. Cette formation devrait également être accessible aux médecins, aux avocats et aux juges ;

b) Élaborer un manuel où sont recensées les techniques d’interrogation prohibées et contraires à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, et les principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, y compris l’obligation de tenir à jour un registre relié et coté, indiquant pour chaque détenu son identité, les motifs de sa détention et l'autorité compétente qui l'a décidée, le jour et l'heure de l'admission et de la sortie  ;

c) Sensibiliser le personnel chargé de l’application des lois et les membres des forces armées, comme la population en général, à la prohibition des violences sexuelles, en particulier à l’égard des femmes et des enfants;

d) Favoriser la participation des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme à la formation du personnel chargé de l’application des lois.

Le Comité a pris note de l’annonce faite par la délégation de l’État partie selon laquelle le Gouvernement du Burundi a obtenu de l’Union européenne une aide visant à améliorer les conditions de détention afin de les rendre conformes aux normes internationales en la matière. Le Comité reste néanmoins vivement préoccupé par les conditions de détention déplorables qui règnent actuellement au Burundi, et sont assimilables à un traitement inhumain et dégradant. Elles se traduisent par la surpopulation carcérale, le manque de nourriture et de soins médicaux pouvant entraîner la mort, les mauvaises conditions d’hygiène et le manque de ressources matérielles, humaines et financières. Le traitement des prisonniers reste un sujet de préoccupation pour le Comité, en particulier le fait que les enfants et les femmes ne soient pas séparés respectivement des adultes et des hommes, et que les prévenus ne soient pas séparés des personnes condamnées, à l’exception de la prison de Ngozi où il existe une séparation entre les quartiers des hommes et ceux réservés aux femmes et aux enfants (art. 11 et 16)

L’État partie devrait adopter des pratiques conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il devrait également prendre des mesures immédiates visant à réduire la surpopulation carcérale, y compris en envisageant la libération des délinquants ou suspects emprisonnés pour la première fois pour des infractions mineures, en particulier s'ils sont âgés de moins de 18 ans, et enfin la construction de nouveaux centres pénitentiaires.

L’État partie devrait par ailleurs garantir que les enfants et les femmes sont séparés respectivement des adultes et des hommes, et que les prévenus sont séparés des personnes condamnées. L’État partie devrait également s’assurer que les femmes détenues sont gardées par des fonctionnaires pénitentiaires exclusivement féminins.

Le Comité est vivement préoccupé par la violence sexuelle généralisée contre les femmes et les enfants, notamment dans les lieux de détention (art. 11).

L’État partie devrait mettre en place et promouvoir un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes pour violence sexuelle, y compris au sein du système pénitentiaire, d’enquêter sur ces plaintes, et de fournir aux victimes une protection et une aide psychologique et médicale. L’État partie devrait envisager l’adoption d’un Plan d’action national visant à éradiquer la violence à l’égard des femmes et des enfants.

Le Comité est préoccupé par l’absence d’un système de surveillance systématique efficace de tous les lieux de détention, notamment au moyen de fréquentes visites inopinées de ces lieux par des inspecteurs nationaux et par la mise en place d’un mécanisme de supervision législatif et judiciaire. Par ailleurs, le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les organisations non gouvernementales auraient un accès restreint aux lieux de détention (art.11) .

L’État partie devrait envisager d’instaurer un système national visant à surveiller tous les lieux de détention et à donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. Par ailleurs, l’État partie devrait assurer la présence de médecins légistes formés à l’identification des séquelles de la torture au cours de ces visites. L’État partie devrait également renforcer le rôle des organisations non gouvernementales dans ce processus en facilitant leur accès aux lieux de détention.

Le Comité est vivement préoccupé par des informations faisant état du meurtre de plusieurs personnes soupçonnées d’être des sympathisants du FNL, entre novembre 2005 et mars 2006, dont Ramazani Nahimana, Jean-Baptiste Ntahimpereye et Raymond Nshimirimana. D’après les informations reçues, les auteurs de ces meurtres seraient des agents du SNR (art. 12) .

L’État partie devrait informer le Comité par écrit des mesures qui ont été prises pour enquêter sur ces meurtres de manière rapide et impartiale et pour sanctionner leurs auteurs, conformément à l’article 12 de la Convention.

Le Comité prend note des négociations en cours entre l’État partie et les Nations Unies concernant la mise en œuvre de la recommandation de la mission d'évaluation envoyée par le Secrétaire géneral au Burundi en mai 2004 (voir S/2005/158), adoptée par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 1606 (2005), visant à la création d'une commission mixte de la vérité et d'une chambre spéciale au sein de l'appareil judiciaire burundais. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’enquêtes impartiales visant à établir la responsabilité individuelle des auteurs d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, contribuant ainsi à un climat général d’impunité. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures visant à assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation suivant le dépôt d’une plainte ou une déposition, pratiques qui font qu’un nombre insignifiant de plaintes sont déposées pour actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 12 et 13) .

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour lutter contre l’impunité, en particulier par la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, notamment une commission vérité et réconciliation et un tribunal spécial, comme l’a recommandé le Conseil de Sécurité dans sa résolution 1606 (2005).

L’État partie devrait faire savoir clairement et sans ambiguïté à toutes les personnes sous sa juridiction qu’il condamne la torture et les mauvais traitements. Il devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires efficaces pour veiller à ce que toutes les allégations de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants donnent rapidement lieu à des enquêtes, suivies, le cas échéant, de poursuites et de sanctions. En ce qui concerne les présomptions de cas de torture, les suspects devraient, pendant la durée de l’enquête, être suspendus de leurs fonctions lorsque leur maintien dans celles-ci risque d’entraver l’enquête. Par ailleurs, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires afin de faire la lumière sur le massacre de Gatumba et à en sanctionner les auteurs.

Le Comité est préoccupé par le système de l’opportunité des poursuites qui laisse aux procureurs de la République la possibilité de ne pas poursuivre les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements impliquant des agents de la force publique, ni même d’ordonner une enquête, ce qui est en contradiction évidente avec les dispositions de l’article 12 de la Convention (art. 12) .

L’État partie devrait envisager une dérogation au système de l’opportunité des poursuites pour respecter la lettre et l’esprit de l’article 12 de la Convention, et faire en sorte qu’aucun doute ne soit permis quant à l’obligation des autorités compétentes de déclencher  propio motu  des enquêtes impartiales, de manière systématique, dans tous les cas où il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis.

Le Comité prend note de l’annonce faite par la délégation de l’État partie selon laquelle un département chargé de l’assistance aux victimes de la torture a été créé au sein du Ministère de la solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre. Il note également l’intention de l’État partie de créer un fonds d’indemnisation des victimes de la torture avec l’aide de la communauté internationale. Le Comité reste néanmoins préoccupé par l’absence, à ce jour, dans la jurisprudence burundaise de mesures judiciaires prévoyant l’indemnisation des victimes de la torture. Par ailleurs, le Comité est également préoccupé par l’absence de moyens mis à la disposition des victimes, y compris les enfants soldats, afin de garantir leur droit à une réadaptation la plus complète possible, à la fois sur le plan physique, psychologique, social et financier (art. 14) .

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour faciliter la création d’un fonds d’indemnisation des victimes de la torture. L’État partie devrait également mettre à la disposition des victimes, y compris des enfants soldats, les moyens nécessaires afin de garantir leur droit à une réadaptation la plus complète possible, à la fois sur le plan vue physique, psychologique, social et financier.

Tout en notant avec satisfaction qu’en vertu de l’article 27 du Code de procédure pénale « lorsqu'il est constaté ou prouvé que des aveux de culpabilité ont été obtenus par contrainte, ils sont frappés de nullité », le Comité s’inquiète de l’arrêt de la Cour suprême du 29 septembre 2002, selon lequel « l’aveu […] n’est qu’un simple élément de conviction à renforcer par d’autres éléments de preuve », ce qui pourrait conduire à accepter des aveux obtenus sous la torture pour autant qu’ils soient corroborés par d’autres éléments de preuve (art. 15) .

L’État partie devrait prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée directement ou indirectement comme élément de preuve dans une procédure, conformément à l’article 15 de la Convention.

Le Comité a pris note avec préoccupation des représailles, des actes graves d’intimidation et des menaces dont feraient l’objet les défenseurs des droits de l’homme, en particulier les personnes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements (art. 2 et 16 ).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour garantir que toutes les personnes dénonçant des tortures ou des mauvais traitements sont protégées contre tout acte d’intimidation et toute conséquence dommageable que pourrait avoir pour elles cette dénonciation. Le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération avec la société civile dans la lutte pour la prévention et l’éradication de la torture.

Le Comité est préoccupé par des informations reçues selon lesquelles des patients hospitalisés, y compris des enfants, dans l’incapacité de s’acquitter de leurs frais médicaux seraient détenus en milieu hospitalier jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de le faire, et cela pendant plusieurs mois. Par ailleurs, le Comité est alarmé par les conditions de détention qui seraient imposées à ces patients, en particulier la privation de nourriture et de soins médicaux (art. 16).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour remettre en liberté les personnes détenues en milieu hospitalier, conformément à l’article 16 de la Convention et à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Burundi est partie, et en vertu duquel « nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle ».

Le Comité encourage l’État partie à continuer de solliciter la coopération technique du Bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Burundi et du Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB) devant remplacer l’Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB), le 1er janvier 2007.

L’État partie devra faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes concernant des actes de torture et des mauvais traitements qui auraient été commis par des responsables de l’application des lois, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales et disciplinaires correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes.

L’État partie est encouragé à ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants .

L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Burundi au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, dans les langues appropriées, par le moyen des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites qu’il aura données aux recommandations du Comité, telles qu’exprimées dans les paragraphes 9,10, 19, 20, 21, 23 et 25 ci-dessus.

L’État partie est invité à soumettre son deuxième rapport périodique le 31 décembre 2008.

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