Présentée par :

Craig Minogue (non représenté par un conseil)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Australie

Date de la communication :

23 septembre 1999 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 91 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 14 novembre 2000 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption de la décision :

2 novembre 2004

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre‑vingt‑deuxième session

concernant la

Communication n o  954/2000 **

Présentée par:

Craig Minogue (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Australie

Date de la communication:

23 septembre 1999 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 2 novembre 2004

Adopte ce qui suit:

DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ

1.L’auteur est Craig Minogue, citoyen australien, qui purge actuellement une peine de réclusion à vie dans la prison de Barwon (État de Victoria), en Australie. Il se dit victime de violations par l’Australie des paragraphes 1, 2, 3 a) et b) de l’article 2, du paragraphe 4 de l’article 9, des paragraphes 1 et 2 a) de l’article 10, des paragraphes 1, 3 b) et 5 de l’article 14, et des articles 26 et 50 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que de l’article premier du Protocole facultatif. Il n’est pas représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Australie le 25 décembre 1991.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En mars 1986, l’auteur a été arrêté avec quatre autres hommes à la suite du meurtre d’un policier survenu en Australie. En 1988, bien qu’il ait clamé son innocence, l’auteur a été reconnu coupable de meurtre et condamné à la prison à perpétuité, avec une peine minimale de 30 ans. Il a alors utilisé toutes les voies de recours disponibles, en vain.

2.2Lorsque, au milieu des années 90, l’auteur a eu connaissance de sérieuses critiques dirigées contre deux témoins ayant déposé à son procès, il a envisagé de demander le réexamen de son cas. Entre juillet 1996 et août 1998, alors qu’il était emprisonné à la prison de Barwon, il s’est mis à préparer une demande en grâce ainsi qu’un nouveau recours en appel fondé sur de nouveaux éléments de preuve. Il affirme qu’au cours de cette procédure les autorités pénitentiaires l’ont empêché de consulter des documents juridiques, d’utiliser des ordinateurs et de voir ses avocats. Ses préparatifs ont en outre été perturbés par l’obligation qui lui a été imposée de changer de cellule chaque mois, prétendument pour des raisons de sécurité. Il affirme que ce régime de changement de cellule lui a été imposé pour le punir d’avoir adressé une plainte à la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances (HREOC), et que cette explication est corroborée par le fait qu’il était le seul prisonnier soumis à ce régime de déménagement. En outre, il affirme que les gardiens de prison ont pu se procurer des documents concernant ses requêtes.

2.3Dans une lettre du 14 novembre 1996, l’auteur s’est plaint à la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances (HREOC) que les autorités pénitentiaires de l’État de Victoria l’empêchaient de préparer une demande en grâce. Le 6 mai 1997, sa plainte a été rejetée au motif que la Commission n’était pas compétente en la matière. L’auteur a cherché à obtenir un réexamen de la décision de la Commission par le Tribunal des recours administratifs, mais a été informé que cette question ne relevait pas de sa compétence. L’auteur a demandé au Médiateur du Commonwealth de réexaminer la décision de la Commission, demande qui a été rejetée pour le même motif.

2.4Le 24 décembre 1997, l’auteur a déposé une plainte contre la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances auprès de la Cour fédérale d’Australie. Un membre de la Commission internationale de juristes ayant la qualité d’amicus curiae a été désigné comme défenseur. Le 12 octobre 1998, la Cour a rejeté la plainte et l’auteur a fait appel de cette décision devant la Cour fédérale plénière d’Australie. L’auteur a ajouté à sa plainte le grief de ne pas avoir été défendu comme il le fallait en première instance. Le 19 février 1999, la Cour fédérale a rejeté l’appel. L’auteur n’a pas fait recours devant la Haute Cour d’Australie, car ce recours prendrait deux ans de plus, ce qui à son avis dépasserait les «délais raisonnables».

Teneur de la plainte

3.L’auteur se dit victime de violations des paragraphes 1, 2, 3 a) et b) de l’article 2, du paragraphe 4 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10, des paragraphes 1, 3 b) et 5 de l’article 14, et des articles 26 et 50 du Pacte, ainsi que de l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Ces violations alléguées seraient dues aux changements réguliers de cellule et aux restrictions au paragraphe 2.2, qui auraient contrarié ses tentatives pour faire réexaminer son affaire.

Observations préalables de l’État partie sur la recevabilité et commentaires de l’auteur

4.1En juin 2001, l’État partie a présenté une «demande d’information sur le point de savoir si la procédure d’examen de la plainte était en cours». Il a informé le Comité que l’auteur avait été transféré à la prison de Port Phillip en septembre 1999. Ce transfert avait été négocié entre le Service de l’exécution des peines du bureau du Directeur général des services pénitentiaires de l’État de Victoria (qui est chargé d’organiser le transfert des prisonniers entre les prisons), le Gouverneur de la prison de Barwon et le Directeur général de la prison de Port Phillip. L’auteur a été transféré «pour résoudre diverses questions de gestion», et, sous réserve des besoins de sécurité, de sûreté et d’ordre général du système pénitentiaire, restera là où il est pendant plusieurs mois durant les formalités relatives à ses recours. Compte tenu du transfert de l’auteur, l’État partie déclare qu’il n’a pas connaissance de faits qui pourraient constituer un sujet de préoccupation pour le Comité au regard du Pacte. Il explique au Comité les services auxquels l’auteur a actuellement accès.

4.2Le 11 juillet 2001, l’auteur a répondu et reconnu que les questions soulevées dans la lettre initiale ne se posaient plus en l’état actuel des choses, qu’elles s’étaient posées entre juillet 1996 et août 1998 et que l’objet de ses plaintes n’existait plus. Toutefois, il déclare vouloir maintenir la communication parce que ses droits ont été violés pendant sa détention à la prison de Barwon et que l’État partie ne répond pas à la question de l’absence de recours internes pour les violations de droits énoncés dans le Pacte. Il formule également une nouvelle plainte pour violation du paragraphe 2 a) de l’article 10 du fait que les condamnés et les prévenus ne sont pas détenus séparément dans la prison de Port Phillip. Selon l’auteur, la seule raison pour laquelle il a été transféré à Port Phillip est qu’il avait déposé une requête contre la prison de Barwon devant la Haute Cour pour violation des droits que lui reconnaît le Pacte.

4.3Le 28 novembre 2001, après avoir reçu la réponse de l’auteur, l’État partie a demandé si la plainte était toujours activement à l’examen. Il conteste l’argument présenté par l’auteur selon lequel les conditions actuelles de son incarcération ne sont pas l’objet de sa plainte, qui est fondée sur l’expérience qu’il a vécue à une période particulière, dans ses rapports avec des personnes particulières, non sur une disposition expresse de la législation qui serait d’application générale. Il s’agit d’une plainte essentiellement personnelle dans laquelle l’auteur allègue la privation d’accès à un équipement informatique et à des documents juridiques, d’où résulterait un refus d’accès aux tribunaux.

4.4Tout en contestant la teneur de la plainte de l’auteur, l’État partie déclare que les conditions dans lesquelles il vit ont changé: l’auteur a reçu satisfaction et il n’y a plus de plainte à laquelle donner suite. Comme l’auteur le reconnaît lui‑même, son transfert à la prison de Port Phillip a réglé la question de l’accès à du matériel informatique et à des textes juridiques, et l’auteur peut rester à la prison de Port Phillip pour la durée des procédures judiciaires qu’il a engagées, sous réserve des considérations générales de sécurité et de sûreté. L’État partie demande par conséquent au Comité de cesser d’examiner la communication.

4.5L’État partie affirme que la communication est irrecevable parce que l’auteur n’est plus victime comme l’exige l’article premier du Protocole facultatif. Dans des cas précédents où l’auteur d’une communication a obtenu ce qu’il demandait, le Comité a conclu que l’auteur ne pouvait maintenir sa plainte car il n’y avait pas de victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif. Ainsi, la réparation ou le recours que fournit l’État ôte tout fondement à la plainte devant une procédure internationale. Tout comme la condition selon laquelle les plaignants s’adressant à des instances internationales doivent au préalable avoir épuisé les recours internes, la condition selon laquelle il doit y avoir une victime reconnaît le rôle primordial du système juridique interne, et le rôle subsidiaire des mécanismes internationaux, pour ce qui est d’offrir un recours ou une réparation. L’opinion du Comité concorde à cet égard avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. L’État partie estime que le Comité n’est pas censé consacrer le temps limité dont il dispose à examiner des questions dans l’abstrait, sans lien avec des faits concrets.

4.6En ce qui concerne le commentaire de l’auteur selon lequel les personnes en détention provisoire et les condamnés sont détenus ensemble à la prison de Port Phillip, ce qui pourrait être contraire au paragraphe 2 de l’article 10 du Pacte, l’État partie répond qu’il appartient aux prévenus de réclamer le bénéfice de la disposition du Pacte, et non à des condamnés comme c’est le cas de l’auteur. En outre, l’État partie renvoie à la réserve qu’il a formulée au paragraphe 2 de l’article 10 dans laquelle il déclare que le principe de la séparation est accepté en tant qu’objectif à réaliser progressivement.

4.7Au cas où le Comité maintiendrait la plainte à l’examen, l’État partie se réserve le droit de lui adresser un commentaire complet sur la recevabilité et le fond de la communication. Le 21 décembre 2001, au nom du Comité, le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications a demandé à l’État partie d’envoyer une réponse complète sur la recevabilité et le fond de la communication.

Réponse de l’État partie sur la recevabilité et le fond et commentaires de l’auteur sur cette réponse

5.1Concernant la recevabilité, l’État partie réitère les arguments qu’il a formulés dans la lettre où il demandait si la plainte était toujours à l’examen. Il fait également valoir que cette plainte est irrecevable en ce qui concerne les allégations relatives à l’accès aux documents, aux avocats et aux ordinateurs, car l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes. Cet argument ne s’applique pas aux allégations de violation des articles 26 et 50 du Pacte et de l’article premier du Protocole facultatif, puisque l’auteur a épuisé les recours internes en ce qui concerne la décision de la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances de ne pas examiner sa plainte.

5.2Selon l’État partie, l’auteur a eu trois possibilités d’épuiser les recours internes. Premièrement, lorsqu’il était détenu à la prison de Barwon, il pouvait déposer plainte auprès du Médiateur de l’État de Victoria. En vertu de la loi sur le Médiateur de 1983 (Vic), celui‑ci doit faire des enquêtes indépendantes sur les mesures administratives prises par les organismes publics pertinents. Lors de leur incarcération, les prisonniers sont informés de leur droit de déposer plainte et de présenter des requêtes auprès de diverses personnes et de divers organismes. Lorsque le Médiateur enquête sur une plainte et acquiert la conviction qu’une mesure doit être prise, il adresse un rapport et des recommandations au responsable de l’organisme approprié et en adresse copie au ministre de tutelle. Lorsque la mesure qu’il a recommandée n’est pas prise dans un certain délai, le Médiateur peut en informer directement le gouverneur en conseil et lui faire des recommandations. Lorsqu’il a adressé un rapport ou des recommandations au gouverneur en conseil, le Médiateur peut faire rapport aux deux chambres du Parlement de l’État. Cela permet souvent d’obtenir la mise en œuvre des recommandations du Médiateur grâce à la pression résultant de l’examen par les autorités publiques.

5.3Deuxièmement, l’auteur aurait pu se plaindre auprès du Ministre et du Secrétaire au Département de la justice, en vertu de l’article 47 1) j) de la loi pénale de 1986 (État de Victoria). Troisièmement, il aurait pu intenter une action en justice. L’auteur a effectivement engagé deux procédures devant la Cour fédérale, concernant la décision de la HREOC de ne pas examiner son cas, concernant des questions constitutionnelles relatives à la loi de 1986 (Commonwealth) sur la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances, et concernant l’incorporation directe et littérale du droit consacré par le Pacte dans le droit interne australien. Toutefois, aucune juridiction interne n’a à ce jour tranché la question de savoir si la loi australienne reconnaît à l’auteur le droit de consulter les documents le concernant, de rencontrer ses avocats et d’utiliser les ordinateurs. L’auteur a le droit de se plaindre devant les tribunaux du fait qu’on lui a refusé cet accès et que cela a été confirmé par la Cour fédérale, qui a informé l’auteur qu’il pouvait intenter un procès concernant l’accès aux documents, aux avocats et aux ordinateurs.

5.4L’État partie rejette les allégations concernant les contacts avec les avocats comme étant irrecevables parce qu’insuffisamment étayées. L’auteur n’a fourni aucune preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle les autorités de l’État de Victoria lui auraient refusé de contacter ses avocats. Tous les documents qu’il a fournis concernent l’accès aux documents juridiques et aux ordinateurs. Quant à l’allégation d’une violation du paragraphe 3 a) et b) de l’article 2, l’État partie estime que l’auteur n’a pas démontré de quelle manière lui avait été refusé l’accès à un recours utile.

5.5L’État partie considère que certaines des allégations de l’auteur sont irrecevables ratione  materiae: les droits protégés par l’article 2 du Pacte sont par nature accessoires et n’existent pas isolément; l’article 10 ne concerne pas les restrictions d’accès aux avocats et aux documents juridiques; et comme l’auteur n’est pas accusé d’une infraction pénale, le recours en grâce ou le recours fondé sur de nouveaux éléments de preuve ne constitue pas un «moyen de défense» au sens du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, qui ne s’applique pas au cas de l’auteur. L’allégation de l’auteur concernant le réexamen de la déclaration de culpabilité et de sa condamnation et concernant la préparation d’un recours fondé sur de nouveaux éléments de preuve et son recours en grâce relève en réalité du paragraphe 5 de l’article 14 et non du paragraphe 4 de l’article 9. Toutefois, dans la mesure où l’auteur allègue que l’entrave aux préparatifs d’un recours en grâce est une violation du paragraphe 5 de l’article 14, l’État partie considère que ce recours ne constitue pas un appel auprès d’un tribunal supérieur, et que, par conséquent, une entrave alléguée à ces préparatifs ne constituerait pas une violation de cette disposition.

5.6Sur le fond de la communication, l’État partie estime que le simple fait que l’auteur n’ait pu obtenir réparation en s’adressant à la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances (HREOC), organe ayant une compétence limitée, ne signifie pas qu’il n’avait pas la possibilité de demander réparation auprès d’un autre organe (voir par. 5.2 et 5.3 ci‑dessus). Aucune des restrictions limitant l’accès de l’auteur aux documents juridiques et aux avocats n’est considérée comme atteignant le seuil nécessaire pour invoquer une violation du paragraphe 1 de l’article 10.

5.7Quant aux allégations formulées au titre de l’article 26 et du paragraphe 3 b) de l’article 14, l’État partie estime que les restrictions concernant l’accès de l’auteur aux documents, aux avocats et aux ordinateurs étaient raisonnables et objectives dans les circonstances particulières. La nature même de l’emprisonnement implique nécessairement des restrictions à l’accès d’un prisonnier aux documents juridiques. Il convient notamment de prendre en compte les considérations de sûreté et de sécurité face au souhait exprimé par le prisonnier de conserver tous les documents juridiques le concernant dans sa cellule. Le gouverneur de la prison de Barwon a régulièrement contrôlé le nombre des cartons de documents se trouvant dans la cellule de l’auteur pour en évaluer la sûreté et la sécurité, car cette cellule avait été signalée par le responsable de l’évaluation du risque d’incendie de la prison comme constituant un risque d’incendie. Après chaque évaluation, le gouverneur a augmenté le nombre de cartons que l’auteur pouvait conserver dans sa cellule. Il pouvait d’ailleurs avoir accès aux différents cartons en remplaçant certains qui se trouvaient dans sa cellule par d’autres qui étaient stockés. À la date du 6 février 1997, l’auteur avait été autorisé à conserver 24 cartons de documents juridiques dans sa cellule. Quant à l’affirmation selon laquelle l’auteur avait dû régulièrement changer de cellule parce qu’il avait déposé des plaintes touchant l’accès aux documents juridiques et selon laquelle le fait de devoir changer de cellule chaque semaine perturbait la préparation d’un nouvel appel et d’un recours en grâce, l’État partie fait valoir que l’auteur devait changer de cellule parce qu’il était considéré comme constituant un risque élevé pour la sécurité.

5.8L’auteur a eu l’autorisation de rencontrer des avocats conformément au règlement applicable à la prison de Barwon entre juillet 1996 et août 1998. Il a reçu quatre visites d’avocats pendant cette période. En outre, comme en témoignent les copies de courriers jointes à sa lettre initiale, il a pu prendre contact avec de nombreux avocats et d’autres hommes de loi. Pour ce qui est de son ordinateur personnel, l’État partie reconnaît que l’auteur n’a pas pu l’utiliser de juin 1996 jusqu’au 24 novembre 1997, car, pendant cette période, il n’était pas permis d’introduire de nouveaux ordinateurs dans la prison en raison d’un audit. Malheureusement, l’ordinateur de l’auteur a été en dérangement pendant cette période et n’a pas pu être remplacé. Une fois l’audit terminé, l’auteur a été autorisé à acheter un nouvel ordinateur personnel. Concernant le paragraphe 5 de l’article 14, l’État partie considère que les préparatifs que fait actuellement l’auteur pour présenter un nouvel appel fondé sur de nouveaux éléments de preuve et pour présenter un recours en grâce ne sont pas entravés par les autorités.

5.9L’État partie comprend que l’allégation formulée par l’auteur au titre de l’article 26 concerne le fait que la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances n’a pas compétence pour entendre sa plainte, et fait observer qu’il existe d’autres organismes de l’État de Victoria ayant compétence pour connaître de sa plainte (voir par. 5.2 et 5.3 ci‑dessus). Si l’argument de l’auteur est qu’il ne reçoit pas une protection égale de la loi parce que, contrairement aux personnes dont les plaintes visent des organismes du Commonwealth d’Australie, il ne peut déposer une plainte en vertu de la loi de 1986 (Commonwealth) sur la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances, l’État partie est d’avis que la question n’est pas de savoir si l’auteur peut déposer une plainte en invoquant une loi particulière ou en s’adressant à un organe particulier, mais plutôt de savoir s’il peut déposer une plainte devant une instance de décision ayant compétence pour trancher la question de fond soulevée par sa plainte.

5.10Le 20 décembre 2002, l’auteur a réitéré les plaintes qu’il avait déjà formulées et reconnaît qu’après avoir contesté son inscription sur la liste de sécurité il n’a plus été contraint de changer de cellule après septembre 1997. Quant à l’affirmation de l’État partie selon laquelle il constituait un risque d’incendie, l’auteur considère que ce risque ainsi que celui qu’il aurait constitué pour la sécurité étaient «inventés» par les autorités pénitentiaires afin d’empêcher les prisonniers d’obtenir les documents juridiques. En réponse aux arguments de l’État partie sur la nécessité d’avoir la qualité de «victime», l’auteur affirme que refuser d’examiner son cas quant au fond pour ce seul motif constituerait une violation de ses droits, et encouragerait les autorités à modifier temporairement les conditions de vie d’une personne.

5.11 Pour ce qui est de l’argument du non‑épuisement des recours internes, l’auteur affirme que déposer plainte auprès du Médiateur et par la voie judiciaire serait inefficace. Concernant le Médiateur, l’auteur affirme que, s’il a pour fonction de mener des enquêtes sur des actes administratifs, le Médiateur s’en acquitte rarement. On préfère les enquêtes informelles, méthode peut‑être plus rapide, mais qui, selon l’auteur, n’amène pas les policiers et les autorités pénitentiaires à reconnaître leur faute lorsqu’on leur demande de répondre à une telle enquête. L’auteur mentionne plusieurs rapports annuels du Médiateur, notamment le rapport 2001/02, qui rend compte de 699 plaintes déposées, dont 1 seulement a fait l’objet d’une enquête et a abouti. En ce qui concerne les tribunaux, il affirme qu’ils sont inefficaces, car ils refusent régulièrement de statuer en faveur des prisonniers et sont réticents lorsqu’il s’agit d’intervenir dans le fonctionnement des prisons. Quant à la possibilité de déposer plainte auprès du directeur de la prison ou du ministre, l’auteur considère qu’il est irréaliste de penser qu’un prisonnier aille se plaindre à ceux qui le détiennent.

5.12Le 7 juillet 2004, une nouvelle lettre émanant d’une organisation qui se présentait comme conseil de l’auteur a indiqué que celui‑ci avait été transféré de nouveau à la prison de Barwon, où il ne pouvait consulter sans restrictions les documents juridiques concernant son affaire, notamment le dossier de la communication adressée au Comité. L’organisation joint la copie d’une lettre datée du 1er juin 2004 dans laquelle l’auteur demandait à consulter ses ouvrages et documents juridiques. Sa demande a été refusée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2L’État partie fait valoir que les plaintes de l’auteur concernant son emprisonnement à la prison de Barwon sont irrecevables car l’auteur n’est pas une «victime» au sens de l’article premier du Protocole facultatif. Selon l’État partie, l’auteur a obtenu ce qu’il réclamait lorsqu’il a été transféré à la prison de Port Phillip, où il avait accès à tous les renseignements nécessaires afin de préparer ses recours. Le Comité note que l’auteur ne conteste pas cela mais insiste pour que le Comité examine ses plaintes. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle, lorsqu’il est remédié à une violation du Pacte sur le plan interne avant la soumission d’une communication, il peut juger une communication irrecevable au motif que l’auteur n’a pas le statut de «victime» ou qu’il n’est pas «fondé à se plaindre». Dans le cas à l’examen, le Comité note que l’auteur a présenté sa communication le 23 septembre 1999, concernant des événements qui se sont produits entre juillet 1996 et août 1998. Bien que l’État partie ait apparemment remédié aux griefs de l’auteur avant la présentation de la plainte, l’auteur a, dans sa dernière lettre, informé le Comité qu’il a été reconduit à la prison de Barwon où au moins l’un de ses griefs initiaux reste valable. Dans ces conditions, le Comité conclut que l’auteur peut être considéré comme une «victime» au sens de l’article premier du Protocole facultatif, et que ses plaintes ne sont pas irrecevables simplement parce que l’État partie a remédié à ses griefs à un moment donné.

6.3Quant à l’obligation d’épuiser les recours internes, le Comité considère qu’en utilisant plusieurs procédures judiciaires et quasi judiciaires afin de saisir diverses autorités australiennes de ses griefs l’auteur a rempli l’obligation énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.4Touchant la plainte formulée au titre du paragraphe 4 de l’article 9, le Comité estime que, l’auteur étant actuellement en train de purger la durée minimale d’une peine de prison prononcée par un tribunal de justice, sa plainte n’entre pas dans le champ d’application de cette disposition. Pour les allégations formulées au titre des paragraphes 3 et 5 de l’article 14, le Comité estime que, comme l’auteur n’est pas accusé d’une infraction pénale et que la déclaration de culpabilité ainsi que sa condamnation ont été réexaminées par une juridiction supérieure, les dispositions en question ne sont pas applicables. Quant au paragraphe 1 de l’article 14, le Comité estime que les plaintes formulées à ce titre ne concernent ni le comportement des autorités judiciaires ni l’accès à un tribunal dans une affaire qui pourrait faire l’objet d’une action en justice au sens de cette disposition. Pour ces motifs, le Comité conclut que ces plaintes sont incompatibles avec les dispositions du Pacte et sont, de ce fait, irrecevables ratione  materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Quant à la plainte formulée par l’auteur concernant le fait que les condamnés et les prévenus ne sont pas détenus séparément à la prison de Port Phillip, le Comité note que l’État partie a invoqué la réserve qu’il a formulée au paragraphe 2 a) de l’article 10 du Pacte, aux termes de laquelle «En ce qui concerne le paragraphe 2 a), le principe de la séparation est accepté en tant qu’objectif à réaliser progressivement.». Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle, si l’on peut déplorer que l’État partie n’ait pas encore réalisé son objectif de séparer les prévenus des condamnés, comme le demande le paragraphe 2 a) de l’article 10, le Comité ne saurait considérer que la réserve en question est incompatible avec l’objet et le but du Pacte. Cette partie de la plainte de l’auteur est, par conséquent, incompatible avec les dispositions du Pacte et, de ce fait, est irrecevable ratione  materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.6Touchant la plainte relative à une violation de l’article premier du Protocole facultatif, le Comité est d’avis, même s’il a de sa propre initiative établi qu’il y avait violation du droit à présenter une plainte individuelle consacré dans le Protocole facultatif dans le cas où un État partie a exécuté ou expulsé une personne alors qu’une communication individuelle était soumise à l’examen du Comité, que l’auteur n’a pas démontré qu’il y avait violation du droit en question. En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable ratione  materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.7En ce qui concerne la plainte formulée au titre de l’article 26 du Pacte, le Comité estime qu’elle n’a été étayée par aucun argument, et que cette partie de la communication est par conséquent irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.8Pour ce qui est des autres plaintes formulées au titre du paragraphe 1 de l’article 10, lu conjointement avec l’article 2 du Pacte, le Comité les a examinées à la lumière des dispositions de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Compte tenu des explications de l’État partie sur les conditions de détention de l’auteur, qui a pu notamment obtenir les documents juridiques et contacter les avocats, ainsi que sur l’existence de divers mécanismes de recours sur le plan interne, le Comité considère que l’auteur n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, la plainte faisant état d’une violation de ces dispositions. En conséquence, le Comité estime que cette plainte est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.9Pour la plainte formulée au titre de l’article 50 du Pacte, le Comité renvoie à sa jurisprudence constante selon laquelle une communication individuelle ne peut lui être présentée qu’à la lumière des articles de la troisième partie du Pacte, interprétés le cas échéant à la lumière des articles des première et deuxième parties du Pacte. En conséquence, l’article 50 ne peut servir de base à une plainte isolée présentée sans référence à une violation des articles de fond du Pacte. Le Comité considère donc cette plainte irrecevable ratione  materiae,conformément à l’article 3 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable, en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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