CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/UZB/CO/54 avril 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑huitième session20 février‑10 mars 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

OUZBÉKISTAN

1.Le Comité a examiné les troisième à cinquième rapports périodiques de l’Ouzbékistan, qui étaient respectivement attendus entre 1996 et 2004, soumis en un seul document (CERD/C/463/Add.2), à ses 1743e et 1744e séances (CERD/C/SR.1743 et 1744), tenues les 28 février et 1er mars 2006. À sa 1754e séance (CERD/C/SR.1754), le 8 mars 2006, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport d’ensemble soumis en temps voulu par l’État partie, qui a été élaboré suivant les principes directeurs concernant la présentation des rapports et auquel ont contribué certaines ONG. Il accueille également avec satisfaction la poursuite d’un dialogue ouvert et constructif avec l’État partie. Toutefois, ce dernier devrait fournir des informations plus détaillées sur l’application concrète de la Convention.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite du large éventail d’informations fournies par la délégation sur de nombreux aspects, et note en particulier qu’à la suite d’une réforme de l’institution le Médiateur parlementaire (qui a pour mission de recevoir les plaintes individuelles) rend désormais compte aux deux chambres du Parlement et a gagné en indépendance.

4.Le Comité apprécie que la loi garantisse aux citoyens la liberté de choisir leur langue d’enseignement et qu’il existe un certain nombre d’écoles primaires et secondaires publiques où les cours sont dispensés dans les langues minoritaires.

5.Le Comité prend note avec satisfaction de la déclaration faite par la délégation, selon laquelle la question de l’adhésion à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ainsi qu’à son Protocole facultatif (1967) est en cours d’examen, et encourage l’État partie à adhérer à ces instruments sans délai.

6.Le Comité note avec intérêt la pratique de l’État partie consistant à établir des plans d’action nationaux en réponse aux recommandations des organes conventionnels, de même que l’information fournie par la délégation, selon laquelle un plan similaire sera adopté en rapport avec les présentes observations finales.

7.Le Comité se félicite de l’adoption d’une nouvelle législation sur les ONG qui a entraîné l’enregistrement en nombre de nouvelles organisations, y compris celles qui représentent divers groupes ethniques.

8.Le Comité accueille avec satisfaction l’information selon laquelle les droits de l’homme sont inclus dans les programmes scolaires en tant que sujet d’enseignement.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

9.Le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation quant à l’absence d’une définition de la discrimination raciale dans le droit interne, même si les dispositions de la Convention peuvent être évoquées indirectement devant les tribunaux nationaux.

Le Comité est d’avis que l’élaboration d’une législation spécifique sur la discrimination raciale, comprenant tous les éléments cités dans l’article premier de la Convention, est indispensable pour lutter efficacement contre la discrimination raciale.

10.Le Comité s’inquiète que le dernier recensement de la population de l’État partie remonte à 1989, ce qui amoindrit peut‑être la précision des données utilisées dans le rapport.

Il est recommandé à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, des données ventilées, détaillées et mises à jour sur la composition ethnique de sa population.

11.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations globales sur l’obtention, dans la pratique, des permis de séjour permanents ou de la citoyenneté dans l’État partie.

L’État partie est invité à présenter, dans son prochain rapport, des informations ventilées par origine ethnique sur le nombre de personnes auxquelles la nationalité ouzbèke ou des permis de séjour ont été accordés.

12.Le Comité demande à l’État partie de clarifier la situation concernant l’indépendance des juges, s’agissant en particulier de litiges impliquant des groupes ethniques non ouzbeks, à la lumière des informations fournies par la délégation, selon lesquelles les juges des juridictions supérieures sont nommés par la chambre haute du Parlement et les juges ordinaires sont désignés par le Président, sur la recommandation de la Haute Commission de qualification.

Le Comité recommande à l’État partie de s’assurer que la pratique actuelle en matière de nominations judiciaires garantit pleinement l’indépendance et l’impartialité de la justice.

13.Le Comité a pris note des renseignements fournis par l’État partie indiquant qu’en vertu de la loi les membres des minorités entendus par un tribunal se voient systématiquement offrir des services d’interprétation (gratuitement dans les affaires civiles et pénales). Il regrette toutefois de n’avoir reçu aucune information au sujet de l’application concrète de cette disposition (art. 5, par. a)).

Le Comité invite l’État partie à présenter des informations ventilées par langue, y compris des données statistiques, sur le nombre de procès dans lesquels des services d’interprétation ont été fournis gratuitement.

14.Le Comité est préoccupé par l’absence de législation spécifique sur les réfugiés, et en particulier par le manque de protections légales contre l’extradition forcée d’individus vers un pays où leur vie/santé peut être menacée (art. 5, par. b)).

Le Comité invite l’État partie à élaborer un cadre législatif pour la protection des réfugiés conformément aux normes internationales, à poursuivre sa collaboration avec le HCR et à protéger les personnes qui se sont réfugiées en Ouzbékistan. Le Comité recommande également à l’État partie, conformément à l’article 5, paragraphe b, de veiller à ce que personne ne soit renvoyé de force dans un pays où l’on peut raisonnablement penser que sa vie ou son intégrité physique peut être mise en danger. À cet égard, l’État partie est invité à mettre en place un mécanisme permettant de faire appel des décisions concernant l’expulsion d’étrangers, et ayant un effet suspensif tant qu’une procédure d’appel est en cours.

15.Le Comité regrette l’insuffisance des renseignements qui lui ont été communiqués sur l’importance de la représentation effective des membres des minorités nationales et ethniques dans les institutions de l’État, et notamment sur le nombre de femmes d’origine ethnique non ouzbèke occupant des postes de responsabilité dans les secteurs administratif, politique ou privé de l’État partie (art. 5, par. c); recommandation générale no XXV).

L’État partie devrait fournir de plus amples informations sur ces questions, en particulier des données statistiques ventilées par sexe, origine ethnique, secteur d’activité et fonctions.

16.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie continue d’imposer un «visa de sortie» pour les individus se rendant à l’étranger, ce qui peut constituer une limitation de leur liberté de déplacement. Il est également inquiet de constater qu’il existe toujours dans l’État partie un système d’enregistrement obligatoire du lieu de résidence (propiska). Même s’il est maintenu à des fins d’enregistrement des adresses, ce système peut nuire de facto à l’exercice d’un certain nombre de droits et de libertés. Des allégations de corruption à ce sujet sont également des motifs d’inquiétude (art. 5, par. d) i) et ii)).

L’État partie est invité à abolir l’obligation d’obtenir un «visa de sortie» et à veiller à ce que le système d’enregistrement obligatoire du lieu de résidence en vigueur ne limite pas les droits et libertés de ses citoyens. Il est en outre invité à présenter, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques sur le nombre de demandes déposées dans le cadre du propiska (ventilées selon la région/l’origine ethnique des demandeurs) et sur leur issue.

17.En dépit de la déclaration de la délégation affirmant que la population rom ne se heurte pas à des problèmes spécifiques, le Comité regrette l’absence d’informations à ce propos dans le rapport de l’État partie (art. 5; recommandation générale no XXVII).

Le Comité recommande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des informations détaillées sur la situation des Roms. Il rappelle sa recommandation générale n o XXVII et recommande à l’État partie d’adopter une stratégie visant à protéger cette population contre toute discrimination qui pourrait être commise à son égard par des organes administratifs ou par toute personne ou organisation.

18.Le Comité constate avec préoccupation que, selon les informations reçues, certaines langues minoritaires ont un accès limité aux médias publics, en particulier aux émissions de télévision (art. 5, par. d) viii)).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les médias publics consacrent suffisamment de temps à des programmes en langues minoritaires. L’État partie devrait prendre des mesures en vue de faciliter la publication de journaux dans les langues minoritaires. Des efforts particuliers devraient être consentis à cet égard en ce qui concerne le tadjik, qui est la langue parlée par la minorité la plus nombreuse.

19.Tout en appréciant les efforts de l’État partie visant à offrir aux enfants appartenant aux minorités ethniques un enseignement en langue maternelle, le Comité prend note des rapports selon lesquels le matériel et les manuels scolaires existant dans certaines langues seraient insuffisants (art. 5, par. e) v)).

Le Comité encourage l’État partie à entreprendre des consultations avec les groupes minoritaires concernés et à faire tout ce qui est en son pouvoir pour répondre à leurs inquiétudes à ce sujet. L’État partie devrait fournir des informations sur les mesures prises et fournir des données ventilées sur le nombre d’écoles dispensant l’enseignement dans les langues minoritaires, leur répartition géographique, la qualité de l’enseignement et, le cas échéant, les difficultés. Il devrait veiller à ce que toutes les écoles publiques aient également accès aux fonds publics alloués à l’éducation, et notamment à l’infrastructure et au matériel d’enseignement.

20.Le Comité note qu’aucune affaire de discrimination raciale n’a été portée devant un tribunal (art. 6; recommandation générale no XXXI).

Le Comité recommande à l’État partie de s’assurer que l’absence de plaintes relatives à la discrimination raciale n’est pas due à ce que les victimes ignorent leurs droits, à leur méfiance à l’égard de la police et des autorités judiciaires, ou au manque d’attention ou de sensibilité manifesté par les autorités aux cas de discrimination raciale. Le prochain rapport périodique devrait contenir une analyse de la situation à cet égard.

21.Le Comité a noté avec intérêt les indications fournies par l’État partie sur le travail du Centre national des droits de l’homme. En revanche, aucune information n’a été fournie en vue de confirmer que ce centre se conforme bien aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme − ou «Principes de Paris» (art. 6).

Le Comité encourage l’État partie à créer une institution nationale, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les «Principes de Paris») (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).

22.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et lui recommande une nouvelle fois d’envisager de le faire.

23.Le Comité recommande instamment à l’État partie de ratifier la modification du paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptée le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, il attire l’attention de l’État partie sur la résolution 57/194 de l’Assemblée générale, dans laquelle celle‑ci a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de la modification et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cette modification. L’Assemblée générale a renouvelé cette demande dans sa résolution 58/160.

24.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements spécifiques sur les mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action au niveau national.

25.Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses consultations avec tous les représentants concernés de la société civile en vue de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

26.Le Comité recommande que les rapports des États parties soient rendus accessibles au public dès leur publication et que les conclusions adoptées par le Comité à l’issue de l’examen de ces rapports soient diffusées de la même manière en ouzbek et dans les principales langues minoritaires.

27.En application du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et de l’article 65 du règlement intérieur du Comité, tel que modifié, le Comité invite l’État partie à l’informer de l’application des recommandations figurant aux paragraphes 6, 12, 13 et 15 ci‑dessus dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes conclusions.

28.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses sixième et septième rapports périodiques en un seul document, le 28 novembre 2008.

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