Observations finales concernant les dix-neuvième à vingt-deuxième rapports périodiques de la Mongolie, soumis en un seul document *

Le Comité a examiné les dix-neuvième à vingt-deuxième rapports périodiques de la Mongolie (CERD/C/MNG/19-22), soumis en un seul document, à ses 2406e et 2407e séances (voir CERD/C/SR.2406 et 2407), les 2 et 3 décembre 2015. À sa 2415e séance, le 9 décembre 2015, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction les dix-neuvième à vingt-deuxième rapports périodiques soumis par l’État partie en un seul document et élaborés conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports.

Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de la Mongolie, ainsi que des efforts faits par celle-ci pour fournir des réponses et des renseignements complémentaires aux questions posées par les membres du Comité pendant le dialogue.

B.Mesures positives

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2010;

c)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en 2012;

d)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2015.

Le Comité salue en outre les efforts que l’État partie a déployés pour réviser sa législation dans les domaines intéressant la Convention, notamment :

a)La modification de la loi sur l’éducation (2002), en 2006;

b)La modification de la loi sur la fonction publique (2002), en 2011;

c)La modification du Code du travail (1999), en 2011.

C.Préoccupations et recommandations

Absence de données ventilées

Le Comité regrette l’absence de données ventilées qui permettraient à l’État partie et au Comité de déterminer s’il existe une discrimination raciale structurelle ou indirecte et d’évaluer l’efficacité des mesures prises au fil du temps (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une méthodologie claire et cohérente, conformément aux normes internationales, pour recueillir des données ventilées détaillées qui permettraient à l’État partie et au Comité d’évaluer le degré de jouissance des droits de l’homme par les personnes appartenant à des groupes minoritaires ethniques. Le Comité note avec satisfaction que la délégation de l’État partie s’est déclarée déterminée à fournir des renseignements statistiques et détaillés dans son prochain rapport et demande que ces informations portent notamment sur : a)  l a situation socioéconomique des groupes minoritaires ethniques tels que les populations kazakhe et tssatan ( Dukha), et la représentation des femmes issues de ces groupes à des postes de responsabilité; et b)  l a situation socioéconomique des non-ressortissants, notamment des demandeurs d’asile, des réfugiés, des migrants et des apatrides.

Legislation antidiscrimination

Le Comité prend note de la position de l’État partie selon laquelle les dispositions antidiscriminatoires figurant dans la Constitution et d’autres lois sectorielles offrent une protection contre la discrimination raciale mais réaffirme ses préoccupations antérieures concernant l’absence de législation spécifique complète comprenant une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention et interdisant toutes les formes de discrimination raciale (art. 1 et 2).

Le Co mité rappelle sa recommandation tenant à ce que l’État partie adopte une législation spécifique et complète qui comprenne une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention et interdise toutes les formes de discrimination raciale.

Accès à des voies de recours

Tout en saluant les mesures prises par l’État partie pour réformer l’appareil judiciaire, le Comité reste préoccupé par la prévalence de la corruption et par le manque de transparence dans l’appareil judiciaire. Il constate que les juridictions internes n’ont été saisies d’aucun cas de discrimination raciale (art. 6).

Le Comité recommande que les mesure prises par l’État partie pour réformer l’appareil judiciaire soient suffisamment globales et vastes pour permettre de s’attaquer aux causes profondes de la corruption et du manque de transparence et garantissent l’accès à des voies de recours utiles. Il recommande aussi à l’État partie d’assurer la formation obligatoire des juges, des procureurs, des auxiliaires de justice, des avocats et d’autres professionnels, notamment en ce qui concerne la Convention. Le Comité rappelle sa position selon laquelle l’absence de plaintes et d’actions en justice de la part de victimes de discrimination raciale peut s’expliquer par l’absence de textes législatifs pertinents, l’ignorance des recours disponibles ou le manque de confiance dans ces recours, et le manque de volonté de la part des autorités censées engager des poursuite s . À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire connaître les voies de recours qui s’offrent aux victimes de discrimination raciale.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note avec satisfaction que la Commission nationale des droits de l’homme a de nouveau été accréditée du statut « A » en octobre 2014 mais il s’inquiète de la réduction sensible des moyens financiers alloués à la Commission, qui risque de l’empêcher de s’acquitter de son mandat de façon efficace et indépendante (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de s’assurer que la Commission nationale des droits de l’homme reçoive suffisamment de fonds pour garantir sa pleine efficacité et sa totale indépendance conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Discours de haine raciale

Le Comité est préoccupé par l’absence de législation qui interdit les discours de haine raciale dans l’État partie conformément à l’article 4 de la Convention (art. 4).

Tout en constatant que le Code pénal révisé a été adopté par le Parlement le 4 décembre 2015, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les dispositions interdisant les discours de haine raciale soient conformes à l’article 4 de la Convention et érigent expressément en infractions : a) toute diffusion d’idées fondées sur la haine ou la supériorité raciale; b) l’incitation à la discrimination raciale; et c) l’incitation à commettre des actes de violence contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique. Le Comité appelle aussi l’attention de l’État partie sur sa r ecommandation générale n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, dans laquelle il souligne notamment que seules les formes graves de discours racistes devraient être considérées comme des infractions pénales et que les formes moins graves devraient être traitées par d’autres moyens que le droit pénal. Dans la même r ecommandation générale, le Comité indique aussi que des mesures peuvent être prises dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information pour s’attaquer aux causes profondes des discours de haine raciale.

Organisations racistes et crimes de haine

Tout en prenant note des informations fournies par la délégation de l’État partie indiquant que la loi sur le statut juridique des ressortissants étrangers a été révisée en 2010 afin de prévenir et de réprimer les crimes de haine raciale, le Comité reste préoccupé par les cas signalés d’actes de violence raciale visant des étrangers et par l’existence d’organisations néonazies ultranationalistes telles que Dayar Mongol et Tsagaan Khass (art. 4 et 7).

Notant que plusieurs cas de violence raciale font actuellement l’objet d’enquêtes et que l’organisation Dayar Mongol est sur le point d’être dissoute, le Comité demande à l’État partie de lui fournir davantage d’informations sur l’issue de ces affaires. Il recommande à l’État partie de déclarer illégales et d’interdire les organisations qui promeuvent la discrimination raciale et incitent à cette forme de discrimination, ainsi que d’ériger en infraction punissable par la loi, conformément à l’article 4 de la Convention, la participation de personnes à ces organisations ou activités. Le Comité recommande aussi à l’État partie de veiller à ce que tous les cas de violence raciale fassent rapidement l’objet d’enquêtes efficaces et que leurs auteurs soient poursuivis. Il recommande en outre à l’État partie d’adopter des mesures appropriées dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de la formation pour combattre les préjugés et les autres causes profondes qui expliquent l’existence d’organisations ultranationalistes et néonazies.

Demandeurs d’asile, réfugiés et apatrides

Malgré les informations fournies par l’État partie indiquant qu’aucun demandeur d’asile ou réfugié ne s’est rendu en Mongolie, le Comité prend note d’informations contradictoires selon lesquelles, si le nombre de demandeurs d’asile est faible, un certain nombre de personnes entrent néanmoins sur le territoire mongol pour y demander l’asile. Le Comité note avec inquiétude qu’un certain nombre de demandeurs d’asile ne sont peut-être toujours pas enregistrés et rencontrent des difficultés à exercer leurs droits, compte tenu en particulier de l’absence d’une législation nationale relative aux réfugiés. Le Comité regrette aussi l’absence d’informations concernant la situation des apatrides (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir pleinement les droits des demandeurs d’asile, des réfugiés et des apatrides, et de fournir des renseignements sur leur situation dans le prochain rapport périodique. Le Comité encourage également l’État partie à ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967, ainsi que la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Politique d’immigration

Tout en notant que la loi sur le statut juridique des ressortissants étrangers (1993) a été modifiée en 2010, le Comité se dit à nouveau préoccupé par l’existence de quotas d’entrée et de résidence applicables aux non-ressortissants en fonction de leur nationalité. Le Comité constate en outre avec inquiétude que si l’obligation d’obtenir un visa de sortie en vertu de l’article 34 de la loi susmentionnée est une simple procédure administrative selon la délégation de l’État partie, elle peut néanmoins servir à exercer des pressions sur les non-ressortissants dans le but de régler des différends d’ordre juridique (art. 2 et 5).

Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par la délégation de l’État partie indiquant que celui-ci envisage d’adopter des modifications concrètes pour éliminer les obstacles administratifs que rencontrent les étrangers afin de sortir du pays. Il recommande aussi à l’État partie d’abolir les quotas d’entrée et de résidence applicables aux non-ressortissants.

Travailleurs migrants

Le Comité se déclare préoccupé par les informations concernant la situation des travailleurs migrants, notamment ceux qui sont victimes de travail forcé ou obligatoire, vivent et travaillent dans des conditions déplorables et ne sont pas payés à temps. Il est aussi préoccupé par l’absence de mécanismes d’inspection et de contrôle appropriés et efficaces pour s’assurer que les conditions de travail correspondent aux normes internationales (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour combattre le travail obligatoire ou forcé des travailleurs migrants et veiller à ce que leurs conditions de travail soient conformes aux normes internationales. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés à ce sujet, y compris sur les affaires dans lesquelles des employeurs ont été amenés à rendre des comptes.

Minorités ethniques

Tout en notant les renseignements fournis par l’État partie selon lesquels les taux de pauvreté, de chômage et d’abandon scolaire dans les régions peuplées de minorités ethniques sont conformes à la moyenne nationale, le Comité reste néanmoins préoccupé par le fait que des membres de groupes minoritaires ethniques continuent de se heurter à des obstacles pour exercer pleinement leurs droits fondamentaux (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de réaliser régulièrement des études approfondies sur la situation des minorités ethniques du point de vue des droits de l’homme afin d’élaborer des politiques appropriées et de s’assurer que ces politiques contribuent effectivement à supprimer tous les obstacles que rencontrent les minorités pour exercer leurs droits, en particulier en ce qui concerne la pauvreté, le chômage et l’accès à l’éducation dans des langues minoritaires.

Peuples autochtones

Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie sur l’amélioration de la situation des éleveurs de rennes tsaatan (Dukha), notamment pour ce qui est : a) du versement d’allocations mensuelles et de subventions à l’assurance sociale; b) de l’emploi d’éleveurs en tant que gardes dans le parc national de Tenghis-Shishghed; et c) de l’adoption d’une nouvelle loi sur les ressources minérales qui rendrait obligatoire le fait d’obtenir le consentement et l’approbation des communautés locales avant de délivrer des licences d’exploitation minière. Toutefois, le Comité reste préoccupé par les informations concernant :

a)Les effets préjudiciables des projets miniers sur les moyens de subsistance, les modes de vie et la culture des Tsaatan (Dukha);

b)Le fait que le consentement préalable, libre et éclairé des éleveurs tsaatan (Dukha) n’est pas recueilli avant la délivrance des permis d’exploitation minière sur leurs territoires traditionnels;

c)La pauvreté des éleveurs vivant dans des régions reculées.

À la lumière de sa r ecommandation générale n o 23 (1997) sur les droits des peuples autochtones et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les Tsaatan (Dukha) soient pleinement et effectivement consultés au sujet de toutes décisions les concernant, notamment au sujet de la délivrance de licences d’exploitation minière, d es restrictions applicables à la chasse et des politiques et programmes gouvernementaux visant à améliorer leurs conditions de vie. Le Comité recommande aussi à l’État partie de ratifier la Convention n o 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

Amendement à l’article 8 de la Convention

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième r éuni on des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

À la lumière de sa r ecommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa r ecommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale envers les personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion d’information

Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les municipalités, ainsi que de les publier sur le site Web du Ministère des affaires étrangères dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Suite donnée aux présentes observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son r èglement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 15, 17 et 29.

Paragraphes d’importance particulière

Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 7, 16 et 27, et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses vingt-troisième et vingt-quatrième rapports périodiques, en un seul document, d’ici au 6 septembre 2018, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.