Nations Unies

CRC/C/86/D/83/2019

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

19 mars 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 83/2019 * , ** , ***

Communication présentée par :

R. H. M. (représentée par un conseil, N. E. Hansen)

Victime(s) présumée(s) :

Y. A. M.

État partie :

Danemark

Date de la communication :

26 avril 2019 (date de la lettre initiale)

Date des constatations :

4 février 2021

Objet :

Expulsion d’une fille vers la Somalie, où elle courrait le risque de subir de force des mutilations génitales féminines

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Interdiction de la discrimination ; intérêt supérieur de l’enfant ; protection de l’enfant contre toute forme de violence ou de mauvais traitements

Article(s) de la Convention :

3 et 19

Article(s) du Protocole facultatif :

7 (al. e) et f))

1.1L’auteure de la communication est R. H. M., de nationalité somalienne, membre du clan Hawiye, originaire de Ceel Buur dans la région de Galguduud, née en 1988. Elle présente la communication au nom de sa fille, Y. A. M., née au Danemark le 2 mars 2016. L’auteure et sa fille font l’objet d’un arrêté d’expulsion vers la Somalie. L’auteure affirme que l’expulsion de sa fille constituerait une violation des droits garantis par les articles 3 et 19 de la Convention. Elle est représentée par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Danemark le 7 janvier 2016.

1.2Le 30 avril 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de ne pas renvoyer l’auteure et sa fille en Somalie tant que la communication serait à l’examen. Le 10 mai 2019, l’État partie a décidé de surseoir à l’exécution de la décision d’expulsion visant l’auteure et sa fille.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure est entrée au Danemark le 19 septembre 2013 sans documents de voyage valides et a demandé l’asile le jour même. Le 12 février 2014, elle a obtenu un permis de séjour en vertu de l’article 7 (par. 2) de la loi danoise relative aux étrangers. Pendant son séjour au Danemark, elle a donné naissance à un fils en 2014 et à Y. A. M. en 2016. Ses deux enfants ont également obtenu un permis de séjour compte tenu du statut de leur mère. Le 27 mars 2018, le Service danois de l’immigration a révoqué le permis de séjour de l’auteure et de ses enfants. L’auteure a fait appel de la décision de révocation de son permis devant la Commission de recours des réfugiés, qui a confirmé la décision initiale le 8 mars 2019. La décision du Service de l’immigration de retirer leur permis aux enfants comme suite à la révocation du permis de leur mère a fait l’objet d’un recours devant la Commission des recours en matière d’immigration, qui l’a confirmée le 11 mars 2019.

2.2Le 5 décembre 2017, l’auteure a déposé une demande d’asile distincte au nom de Y. A. M., affirmant que, si elle retournait en Somalie, celle-ci risquait d’être excisée de force, enlevée à sa mère et mariée, en raison du mariage secrètement contracté par l’auteure contre la volonté de sa famille. Dans sa demande, l’auteure a déclaré qu’elle et ses frères et sœurs avaient vécu avec leur oncle après le décès de leurs parents et qu’elle s’était mariée en secret avec un homme qui n’avait pas les moyens de payer la dot. Lorsque son oncle avait appris qu’elle s’était mariée, il l’avait emprisonnée pendant quatre ans. Le 23 mars 2018, le Service danois de l’immigration a rejeté la demande de l’auteure au motif que ses déclarations n’étaient pas cohérentes ni crédibles. L’auteure a formé, devant la Commission de recours des réfugiés, un recours qui a été rejeté le 8 mars 2019. La Commission n’a pas considéré comme des faits avérés les déclarations de l’auteure concernant son conflit avec son oncle ou ses quatre ans d’emprisonnement. Elle a estimé que, puisque l’auteure et son mari étaient tous deux opposés aux mutilations génitales féminines, ils seraient en mesure de résister à la pression sociale et d’empêcher que leur fille soit mutilée. L’auteure indique que la Commission s’est appuyée sur le rapport du Service de l’immigration relatif aux mutilations génitales féminines en Somalie dans lequel il est indiqué que les mères qui sont opposées à cette pratique peuvent empêcher que leurs filles y soient soumises.

2.3Étant donné que la décision de la Commission de recours des réfugiés ne peut pas être contestée devant le système judiciaire danois, l’auteure affirme que les recours internes ont été épuisés.

2.4L’auteure indique que, le 10 avril 2019, elle a soumis à la Cour européenne des droits de l’homme une demande de mesures provisoires pour empêcher l’expulsion de sa fille vers la Somalie. Le 18 avril 2019, la Cour européenne a rejeté la demande et a considéré que le reste de la requête de l’auteure ne remplissait pas les conditions de recevabilité énoncées aux articles 34 et 35 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme).

Teneur de la plainte

3.1L’auteure soutient que, si sa fille est expulsée vers la Somalie, les droits qui lui sont garantis par les articles 3 et 19 de la Convention seront violés car elle risquera de subir des mutilations génitales féminines.

3.2L’auteure affirme qu’en tant que mère élevant seule son enfant, elle ne sera pas capable de résister à la pression sociale et de protéger sa fille contre les mutilations génitales féminines dans un pays où 98 % des femmes subissent cette pratique. Elle fait observer que la Commission de recours des réfugiés a fondé sa décision sur le rapport de 2016 du Service danois de l’immigration relatif aux mutilations génitales féminines en Somalie, selon lequel les filles peuvent éviter la mutilation (voir par. 2.2 ci-dessus). Elle souligne toutefois que, dans le même rapport, il est dit que, si elle n’est pas suffisamment forte pour s’opposer à la volonté des autres femmes, la mère risque de céder à la pression. L’auteure ajoute que, bien que les mutilations génitales féminines soient interdites par la loi en Somalie, cette pratique est encore observée par la quasi-totalité des habitants dans tout le pays. Elle ajoute qu’elle-même a subi des mutilations génitales lorsqu’elle était enfant. Elle indique également que son mari vit actuellement aux États-Unis d’Amérique et qu’elle ignore comment il réagirait à la pression sociale s’il retournait en Somalie. Elle fait observer que, dans sa lettre du 7 novembre 2016, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a exhorté les États à s’abstenir de renvoyer de force des personnes dans le sud et le centre de la Somalie. En outre, elle soutient que la révocation du permis de séjour de sa fille est contraire à l’article 3 de la Convention, puisque la petite fille est née et a été élevée au Danemark et n’a aucun lien avec la Somalie. Elle fait valoir que, lorsqu’elles évaluent le risque qu’un enfant soit soumis à un préjudice irréversible, tel que des mutilations génitales féminines, les autorités de l’État devraient respecter le principe de précaution.

3.3L’auteure affirme qu’en application de l’article 19 de la Convention, les États parties ont l’obligation de protéger les enfants contre toute forme d’atteinte ou de violence. Ce faisant, ils doivent toujours prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

3.4L’auteure signale que la Commission de recours des réfugiés n’a fait aucune référence à la Convention relative aux droits de l’enfant dans sa décision.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations du 1er novembre 2019, l’État partie indique que l’expulsion de l’auteure et de ses enfants vers la Somalie a été suspendue le 10 mai 2019 (voir par. 1.2 ci‑dessus).

4.2L’État partie fait valoir que, dans sa communication au Comité, l’auteure ne présente aucun élément nouveau à l’appui de ses allégations et répète les faits qui ont déjà été examinés par les autorités nationales. Il fait observer que le Comité a établi dans son observation générale no 13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence que l’article 19 de la Convention fait obligation aux États parties d’interdire et de prévenir toute forme de violence physique ou mentale visant un enfant, y compris les pratiques préjudiciables comme les mutilations génitales féminines, et d’intervenir en cas de violence (par. 11 et 29). En outre, dans son observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, le Comité indique que les États sont tenus de ne pas renvoyer un enfant dans un pays s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable (par. 27). L’État partie fait valoir que l’auteure n’a pas établi prima facie, aux fins de la recevabilité, le bien-fondé de ses allégations et n’a pas suffisamment démontré que sa fille serait exposée à un risque réel de dommage irréparable si elle était renvoyée en Somalie. L’État partie affirme que cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable pour défaut manifeste de fondement.

4.3L’État partie fait valoir que la décision de la Commission de recours en matière d’immigration du 11 mars 2019, qui confirme la décision du Service de l’immigration de révoquer les permis de séjour des enfants de l’auteure, peut faire l’objet d’un recours devant les tribunaux nationaux conformément à l’article 63 de la Constitution du Danemark. Il affirme dès lors que les recours internes n’ont pas été épuisés s’agissant de cette partie de la communication, qui devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif.

4.4L’État partie considère que, même si le Comité devait déclarer la communication recevable, l’auteure n’a pas démontré de manière suffisamment probante que sa fille sera exposée à un risque réel de dommage irréparable si elle est renvoyée en Somalie. Il fait valoir que, d’une manière générale, c’est aux organes des États parties qu’il incombe d’examiner et d’apprécier les faits et les éléments de preuve pour déterminer s’il existe un risque de violation grave de la Convention en cas de renvoi, à moins qu’il ne soit établi que cette évaluation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice. Il considère qu’en l’espèce, l’auteure n’a mis au jour aucune irrégularité dans le processus décisionnel, ni aucun facteur de risque dont la Commission de recours des réfugiés n’aurait pas dûment tenu compte. Il soutient que l’auteure est simplement en désaccord avec la Commission en ce qui concerne l’évaluation de la situation de sa fille et des informations de référence disponibles.

4.5L’État partie affirme que la Commission de recours des réfugiés a pris en considération les demandes d’asile de l’auteure lorsqu’elle a évalué les risques encourus par sa fille mineure. Lorsqu’elle apprécie la crédibilité d’un demandeur d’asile, la Commission procède à une évaluation globale, entre autres, de ses déclarations et de son comportement à l’audience, ainsi que de toute information supplémentaire et de tout document de référence sur son pays d’origine.

4.6Dans sa décision du 8 mars 2019, la Commission de recours des réfugiés a confirmé la décision du Service danois de l’immigration de rejeter la demande d’asile présentée au nom de la fille de l’auteure. Elle a noté que l’auteure n’avait pas de papiers et qu’elle avait sciemment fourni au Service de l’immigration des informations inexactes au sujet de son mari. Elle a donc estimé que la crédibilité générale de l’auteure était considérablement entamée. En particulier, elle a jugé que son conflit avec son oncle et ses quatre années d’emprisonnement étaient très peu plausibles et que ses déclarations à ce sujet n’étaient pas crédibles. En conséquence, elle n’a pas admis comme un fait établi que l’auteure craignait que sa fille subisse des mutilations génitales féminines en raison du conflit qu’elle-même aurait avec son oncle. Elle a en outre estimé que la situation à Ceel Buur, ville d’origine de l’auteure, avait évolué de telle manière que le renvoi de l’auteure dans cette ville ne serait pas contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de la torture et des mauvais traitements). Elle a également pris en compte la déclaration de l’auteure selon laquelle son mari avait un permis de séjour aux États-Unis d’Amérique. L’État partie fait valoir que, dans sa communication, l’auteure de donne pas d’informations détaillées sur sa situation ni n’explique pas les raisons de ses craintes concernant les mutilations génitales féminines.

4.7L’État partie note que la Commission de recours des réfugiés a mis l’accent sur les informations disponibles concernant la situation générale en Somalie en ce qui concerne les mutilations génitales féminines, et en particulier sur le fait que les mères peuvent empêcher que leurs filles soient soumises à des mutilations. Il indique que, de manière générale, les mutilations génitales féminines sont interdites en Somalie, y compris dans les zones contrôlées par les Chabab et que, selon les informations disponibles, les Chabab sont opposés à cette pratique et conseillent aux communautés locales de ne pas s’y livrer car elle n’est pas conforme à la charia. L’État partie fait également valoir que l’attitude à l’égard des mutilations génitales féminines est en train de changer et que de nombreuses femmes choisissent de ne pas faire subir cette pratique à leur fille. Il affirme que le rapport cité par l’auteure indique que les mères peuvent, en fonction de leur personnalité et de leur degré de détermination, éviter que leurs filles subissent des mutilations. Le rapport indique également que les femmes qui dépendent fortement de leur communauté et peuvent donc ne pas être en position de refuser cette pratique vivent principalement en milieu rural. L’État partie fait observer que l’auteure est originaire de Ceel Buur, ville de l’État de Galmudug, au centre de la Somalie, qui compte près de 80 000 habitants, et que rien n’indique qu’elle serait fortement dépendante de sa communauté et, par conséquent, qu’elle ne serait pas suffisamment forte pour s’opposer à la pratique des mutilations génitales féminines. En conséquence, l’État partie considère que, l’auteure et son mari étant opposés à cette pratique, il fallait supposer qu’ils seraient en mesure de résister à la pression sociale et d’éviter que leur fille subisse des mutilations génitales.

4.8L’État partie conteste l’affirmation de l’auteure selon laquelle les autorités danoises ne lui ont pas posé de questions sur le risque de mutilations génitales féminines lors l’entretien qu’elle a eu avec le Service de l’immigration avant que celui-ci ne décide, en date du 27 mars 2018, de révoquer son permis de séjour et celui de ses enfants. À cet égard, il affirme que, le 29 novembre 2017, il a été demandé directement à l’auteure, plus d’une fois, si elle avait des craintes au sujet de ses enfants. Malgré ces questions répétées, l’auteure n’a pas parlé des mutilations génitales féminines avant de soulever la question devant la Commission de recours des réfugiés le 8 mars 2019.

4.9En ce qui concerne l’affirmation de l’auteure selon laquelle la Commission n’aurait pas parlé à son mari pour s’assurer de son opinion sur les mutilations génitales féminines, l’État partie souligne que l’auteure a clairement indiqué, y compris dans sa communication au Comité, que son mari est opposé à cette pratique. L’État partie ajoute que, selon les informations générales disponibles, c’est la mère de l’enfant qui prend la décision finale concernant les mutilations génitales féminines et il est peu probable qu’une petite fille soit pas soumise à cette pratique si au moins un de ses parents s’y oppose.

4.10En ce qui concerne l’affirmation de l’auteure selon laquelle la Commission de recours des réfugiés n’a pas fait référence à la Convention dans sa décision, l’État partie soutient que, même si elle n’y a pas fait expressément référence, la Commission considère la Convention et d’autres instruments internationaux comme des éléments cruciaux et les prend en considération dans son examen des demandes d’asile concernant des enfants.

4.11En ce qui concerne la lettre du HCR du 7 novembre 2016 invitant les États à s’abstenir de renvoyer des personnes dans le sud et le centre de la Somalie, l’État partie fait valoir qu’en l’espèce, comme dans d’autres affaires similaires, la Commission a évalué la situation en matière de sécurité à Ceel Buur et a conclu qu’elle ne justifiait pas à elle seule la délivrance d’un permis de séjour au titre de l’article 7 de la loi danoise relative aux étrangers. Il indique que, pour cette évaluation, la Commission s’est appuyée sur les nombreux documents dont elle dispose sur la Somalie, y compris sur la lettre du HCR.

4.12En ce qui concerne la procédure engagée devant la Commission des recours en matière d’immigration concernant la révocation des permis de séjour des enfants de l’auteure, l’État partie fait valoir qu’il est tenu de veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents contre leur gré, conformément à l’article 9 de la Convention, et de tenir compte de la nécessité de préserver l’unité familiale lorsqu’il évalue l’intérêt supérieur de l’enfant aux fins de la prise de décisions concernant l’immigration et le regroupement familial. Il est conscient que, dans certains cas où un enfant ou ses parents n’ont pas droit à l’asile au Danemark, l’enfant peut avoir développé de tels liens avec le pays pour que son intérêt supérieur justifie que son permis de séjour ne soit pas révoqué. Selon la jurisprudence de la Commission de recours en matière d’immigration, d’une manière générale, un enfant ne peut pas être considéré comme ayant développé des liens suffisamment forts sans avoir séjourné au moins six ou sept ans de manière continue et ininterrompue au Danemark et avoir fréquenté l’école ou des établissements de garde d’enfants. Or, la Commission a constaté qu’en l’espèce, la fille de l’auteure n’était titulaire d’un permis de séjour que depuis un an et huit mois. Par conséquent, dans sa décision du 11 mars 2019, elle n’a trouvé aucun élément indiquant que la révocation des permis de séjour des enfants de l’auteure aurait des conséquences particulièrement graves, étant donné que leurs permis leur avaient uniquement été délivrés au titre du regroupement familial avec leur mère, qui n’était plus titulaire d’un permis valide.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans ses commentaires du 24 janvier 2020, l’auteure affirme que, en dépit des constatations adoptées par le Comité dans l’affaire K. Y. M. c. Danemark, les autorités de l’État partie ont continué de traiter de la même manière les affaires dans lesquelles il existe un risque de mutilations génitales féminines et n’ont pas appliqué le principe de précaution énoncé par le Comité dans ces constatations. Comme dans l’affaire K. Y. M. c. Danemark, l’auteure insiste sur son statut de mère célibataire ne disposant pas de réseau masculin en Somalie. Elle conteste également l’argument de l’État partie selon lequel elle serait une personne pleine de ressources capable de résister à la pression sociale si elle retournait en Somalie. Elle affirme qu’elle n’a reçu qu’une instruction limitée dans une école coranique en Somalie et n’a jamais travaillé.

5.2Concernant l’affirmation de l’État partie selon laquelle Ceel Buur est une grande ville, l’auteure souligne qu’il s’agit d’une ville contrôlée par les Chabab. Elle affirme que, dans les zones contrôlées par les Chabab, il est illégal pour les femmes d’avoir un emploi et qu’elle serait donc entièrement dépendante de la communauté. Elle soutient que, pour pouvoir bénéficier du soutien nécessaire de sa communauté, elle devrait se plier aux normes sociales, en particulier en ce qui concerne les mutilations génitales féminines.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans ses observations complémentaires du 1er juillet 2020, l’État partie fait valoir que les observations formulées par l’auteure le 24 janvier 2020 n’apportent aucun élément nouveau.

6.2En ce qui concerne la procédure de suivi des constatations adoptées dans l’affaire K. Y. M.  c. Danemark, l’État partie fait observer que la Commission de recours des réfugiés n’a trouvé aucune raison de rouvrir l’affaire, car l’auteure et sa fille avaient quitté le Danemark et on ne savait pas où elles se trouvaient. Il signale en outre que, le 15 février 2018, son Comité de coordination a estimé que les vues exprimées par le Comité dans l’affaire K. Y. M. c. Danemark n’étaient pas conformes à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle la question essentielle à prendre en considération dans l’évaluation des affaires concernant les mutilations génitales féminines est celle de savoir si la famille pourra faire en sorte que son enfant ne soit pas soumis à cette pratique. Par conséquent, le Comité de coordination a décidé d’appliquer la norme juridique établie par la Cour européenne des droits de l’homme aux affaires concernant les mutilations génitales féminines. La Commission de recours des réfugiés a depuis lors évalué ces affaires, y compris la présente affaire, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

6.3L’État partie fait valoir que les informations que fournit l’auteure dans ses observations du 24 janvier 2020 au sujet de son degré d’instruction, de sa situation en matière d’emploi et des circonstances dans lesquelles elle se trouverait si elle retournait en Somalie ont déjà été évaluées par la Commission de recours des réfugiés. Il réaffirme que la Commission n’a pas pu considérer comme un fait établi que l’auteure devait être considérée comme une mère célibataire ne disposant pas de réseau masculin en Somalie, et que ce sont les mères qui prennent la décision finale concernant les mutilations génitales féminines. Il affirme que, selon les informations disponibles, les personnes qui ont été exposées aux idées et aux concepts occidentaux sont perçues comme étant plus aptes à résister à la pression sociale. En ce qui concerne le fait que Ceel Buur ne soit pas une « grande ville », il précise que, dans ses observations du 1er novembre 2019, il s’est contenté de déclarer que Ceel Buur ne se situe pas en zone rurale et qu’il s’agit d’une ville dont la population est estimée à près de 80 000 habitants. Il indique également qu’ayant résidé à Ceel Buur entre 1988 et 2013, l’auteure a démontré sa capacité à y gagner sa vie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité prend note de l’argument de l’auteure, qui n’a pas été contesté, selon lequel les décisions de la Commission de recours des réfugiés ne sont pas susceptibles d’appel et tous les recours internes ont donc été épuisés. Il prend également note de l’argument de l’État partie, non contesté par l’auteure, selon lequel la décision de la Commission de recours en matière d’immigration en date du 11 mars 2019 confirmant la décision du Service danois de l’immigration de révoquer les permis de séjour des enfants de l’auteure peut faire l’objet d’un recours et cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable. Il note toutefois que, lorsqu’elle a examiné la décision prise par le Service de l’immigration de révoquer les permis accordés au titre du regroupement familial, la Commission des recours en matière d’immigration a uniquement vérifié si les enfants de l’auteur avaient développé des liens particuliers avec le Danemark et s’il existait d’autres circonstances personnelles, notamment des questions de santé, qui rendraient cette révocation particulièrement problématique. Il note également que, lors du processus qui a abouti à cette décision, la question des risques de mutilations génitales féminines n’a pas été examinée, et que la Commission de recours en matière d’immigration a expressément déclaré que la situation générale de la Somalie devait être prise en considération au titre de la procédure d’asile et ne faisait pas partie de son évaluation. Le Comité considère par conséquent qu’un recours contre la décision de la Commission de recours en matière d’immigration n’aurait pas constitué un recours utile au sens de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif, car il n’aurait pas permis l’examen des griefs présentés par l’auteure au Comité, à savoir le risque que Y. A. M. subisse des mutilations génitales si elle était renvoyée en Somalie. Le fait que la décision de la Commission de recours en matière d’immigration soit susceptible d’appel n’empêche donc pas le Comité d’examiner les griefs soulevés par l’auteure au titre des articles 3 et 19 de la Convention au motif que sa fille risque de subir des mutilations génitales, pour lesquels les recours internes ont été épuisés. En conséquence, le Comité considère qu’il n’y a aucun obstacle à ce qu’il déclare la communication recevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif.

7.3Le Comité note que l’État partie affirme que l’auteure n’a pas suffisamment étayé son allégation selon laquelle sa fille risquerait de subir des mutilations génitales si elle était expulsée vers la Somalie. Il considère cependant, compte tenu des allégations de l’auteure quant à la situation générale de la Somalie en ce qui concerne l’ampleur de la pratique des mutilations génitales féminines et à la situation dans laquelle elle se trouverait personnellement en tant que mère célibataire si elle était renvoyée, que les griefs soulevés au titre des articles 3 et 19 de la Convention ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité.

7.4Le Comité déclare donc recevables les griefs de l’auteure concernant l’obligation de l’État partie : a) d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant ; b) de prendre des mesures pour protéger l’enfant contre toutes formes de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, et passe à leur examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note des allégations de l’auteure qui affirme que l’expulsion de sa fille vers la Somalie exposerait l’enfant au risque de subir des mutilations génitales et que l’État partie n’a pas pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’il s’est prononcé sur la demande d’asile de l’auteure, en violation des articles 3 et 19 de la Convention.

8.3À ce sujet, le Comité rappelle son observation générale no 6 (2005) dans laquelle il est dit que les États sont tenus de ne pas renvoyer un enfant dans un pays s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable, comme ceux, non limitativement, envisagés dans les articles 6 et 37 de la Convention, et que les obligations en matière de non-refoulement s’appliquent également si les risques de violation grave des droits énoncés dans la Convention sont imputables à des acteurs non étatiques et que ces violations soient délibérées ou la conséquence indirecte d’une action ou d’une inaction. Le risque de violation grave devrait être apprécié eu égard à l’âge et au sexe de l’intéressé (par. 27). À cet égard, le Comité indique que, pour déterminer si un enfant non accompagné ou séparé qui affirme être un réfugié l’est effectivement, les États devraient tenir compte de l’évolution du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés et de la relation formative existant entre les deux, notamment des prises de position du HCR dans l’exercice des fonctions de supervision dont il est investi en vertu de la Convention relative au statut des réfugiés. En particulier, la définition du terme réfugié figurant dans cette convention doit être interprétée en étant attentif à l’âge et au sexe de l’intéressé, en tenant compte des raisons, formes et manifestations spécifiques de persécution visant les enfants, telles que persécution de membres de la famille, enrôlement de mineurs, trafic d’enfants à des fins de prostitution, exploitation sexuelle ou autre, imposition de mutilations génitales féminines − qui sont susceptibles de justifier l’attribution de statut de réfugié si elles se rattachent à l’un des motifs énumérés par la Convention relative au statut des réfugiés. Les États devraient donc prêter la plus grande attention à ces formes et manifestations de persécution visant spécifiquement les enfants, ainsi qu’à la violence sexiste, dans la procédure nationale de détermination du statut de réfugié (par. 74).

8.4Dans la recommandation générale no 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et l’observation générale no 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement (2019), les comités ont souligné que les mutilations génitales féminines pouvaient avoir des conséquences immédiates et à long terme sur la santé (par. 19). Ils ont recommandé que les États veillent à ce que, dans la législation et les politiques relatives à l’immigration et à l’asile, le fait qu’une personne risque d’être soumise à des pratiques préjudiciables ou d’être persécutée en raison de telles pratiques soit considéré comme une raison de lui accorder l’asile, et envisagent, au cas par cas, d’offrir une protection au parent qui pourrait accompagner la fille ou la femme concernée (par. 55 (al. m)). Le Comité des droits de l’enfant observe que d’autres organes conventionnels ont estimé que soumettre une femme ou une fille à des mutilations génitales féminines revenait à la soumettre à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Néanmoins, en l’espèce, l’auteure n’a pas soulevé ce grief, que ce soit expressément ou en substance.

8.5En l’espèce, le Comité note que l’auteure affirme qu’en tant que mère célibataire, elle serait dans l’incapacité de protéger sa fille et d’empêcher qu’elle soit soumise à des mutilations génitales dans un pays où 98 % des femmes subissent cette pratique pourtant interdite par la loi, qui n’est pas appliquée. L’auteure a également fait valoir qu’elle-même a subi des mutilations génitales féminines, qu’elle a été opprimée pour s’être mariée en secret et qu’elle ne recevrait aucun soutien de sa famille proche à son retour en Somalie. Le Comité note que l’État partie affirme que, d’après plusieurs rapports, une mère peut protéger sa fille contre les mutilations génitales féminines en Somalie si elle est capable de résister à la pression de sa famille ou de sa communauté, que l’auteure n’a pas expliqué à quel risque particulier sa fille serait exposée, que, les deux parents étant opposés aux mutilations génitales féminines et l’auteure ne retournant pas dans une zone rurale où elle pourrait être fortement dépendante de sa communauté, il faut supposer que l’auteure sera en mesure de résister aux pressions sociales et de protéger sa fille contre les mutilations génitales féminines, et que la crédibilité générale de l’auteure a été entamée par le fait que les raisons qu’elle a avancées à l’appui de sa demande d’asile, à savoir le conflit qui l’aurait opposée à un oncle appartenant aux Chabab et ses quatre ans d’emprisonnement, n’ont pas été jugées crédibles et qu’elle a sciemment fourni de fausses informations aux autorités nationales au sujet de son mari. Le Comité note également que l’État partie affirme que le nombre de cas de mutilation génitale féminine a diminué en Somalie.

8.6Le Comité note que la prévalence des mutilations génitales féminines semble avoir diminué en Somalie, en raison, entre autres, de l’interdiction de la pratique dans la Constitution de 2012 et de l’adoption en 2014 d’une politique visant à la combattre. Il note toutefois que, selon les rapports soumis par les parties, la pratique reste profondément ancrée dans la société somalienne.

8.7Le Comité rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale dans les décisions relatives à l’expulsion d’un enfant et que, dans le cadre de ces décisions, il faudrait s’assurer − au moyen d’une procédure offrant les garanties voulues − que l’enfant sera en sécurité, sera correctement pris en charge et jouira de ses droits. En l’espèce, il prend note des arguments et des renseignements qui lui ont été soumis, notamment l’évaluation de l’aptitude supposée de la mère à résister à la pression sociale en raison de son opposition exprimée à cette pratique et les informations concernant la situation en Somalie en matière de mutilations génitales féminines. Il relève cependant que :

a)Dans son évaluation, la Commission de recours des réfugiés s’est bornée à se référer de façon générale à un rapport relatif au centre et au sud de la Somalie, sans apprécier le contexte précis et personnel dans lequel interviendrait l’expulsion de l’auteure et de sa fille et sans prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et le fait que l’auteure ne serait pas soutenue par un réseau masculin en Somalie, étant donné qu’actuellement, son mari ne vit pas avec elle et ses enfants ;

b)L’État partie a fait valoir que, comme l’auteure et son mari sont clairement opposés aux mutilations génitales féminines et que l’auteure ne retourne pas dans une zone rurale où elle pourrait être dépendante de sa communauté, elle sera en mesure de résister à la pression sociale et donc de protéger sa fille contre les mutilations génitales féminines. Toutefois, le Comité note que les allégations de l’État partie concernant la position du père au sujet des mutilations génitales féminines ne semblent pas pertinentes en l’espèce, compte tenu des informations fournies par l’auteure et non contestées par l’État partie selon lesquelles son mari réside actuellement aux États-Unis d’Amérique et ne retourne pas en Somalie avec elle et ses enfants. En ce qui concerne le fait que l’État partie compte sur la capacité de l’auteure à résister à la pression sociale, le Comité estime que l’exercice des droits de l’enfant consacrés par l’article 19 de la Convention ne saurait dépendre de la capacité de la mère à résister à la pression familiale et sociale, en particulier à la lumière de la description qui est faite de la situation générale, et que les États parties devraient prendre des mesures pour protéger les enfants contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales en toutes circonstances. Il note que l’État partie affirme s’appuyer sur son interprétation de la jurisprudence régionale dans des affaires similaires. Il fait observer toutefois que cette interprétation ne peut pas le dispenser de respecter ses obligations au titre de la Convention telle qu’elles sont interprétées par le Comité et qu’elle ne peut pas non plus justifier le non-respect des constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif ;

c)Le risque que peut courir un enfant d’être soumis à la pratique préjudiciable irréversible que sont les mutilations génitales féminines dans le pays vers lequel il doit être expulsé devrait être évalué conformément au principe de précaution et, lorsqu’il existe des doutes raisonnables quant à la capacité de l’État de destination de protéger l’enfant contre de cette pratique, les États parties devraient s’abstenir d’expulser l’enfant.

8.8En conséquence, le Comité conclut que, lorsqu’il a évalué le risque allégué que la fille de l’auteure soit soumise à des mutilations génitales féminines en cas d’expulsion vers la Somalie, l’État partie n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et n’a pas pris de précautions suffisantes pour garantir le bien-être de l’enfant à son retour. Il conclut par conséquent que le renvoi de la fille de l’auteure en Somalie constituerait une violation des articles 3 et 19 de la Convention.

8.9Le Comité, agissant en vertu l’article 10 (par. 5) du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 3 et 19 de la Convention.

9.L’État partie est tenu de s’abstenir d’expulser la fille de l’auteure vers la Somalie et de veiller à ce qu’elle ne soit pas séparée de sa mère et de son frère. Il a aussi l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour que de telles violations ne se reproduisent pas. À cet égard, il est prié, en particulier, de veiller à ce que les procédures d’asile concernant les enfants comprennent une analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant et que, lorsqu’un risque de violation grave est invoqué comme motif de non‑refoulement, la situation particulière dans laquelle les enfants se trouveraient s’ils étaient renvoyés soit dûment prise en compte.

10.Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dès que possible et dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité à faire figurer des renseignements sur ces mesures dans les rapports qu’il soumettra au Comité au titre de l’article 44 de la Convention. Il est aussi invité à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement.

Annexe

[Original : espagnol]

Opinion individuelle (partiellement dissidente) de Luis Pedernera Reyna

1.Je me sens dans l’obligation d’exprimer mon opinion dissidente face à la décision du Comité de ne pas constater de violation de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Je fonde mon opinion sur les considérations suivantes :

a)Dans ses constatations, le Comité indique que la victime pourrait être soumise à des mutilations génitales féminines si elle était expulsée vers la Somalie et que cette pratique peut constituer une torture, adoptant ainsi la même position que celle adoptée par le Comité des droits de l’homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, comme indiqué au paragraphe 8.4. Toutefois, il n’invoque pas l’article 37 dans ses constatations, faisant valoir que « en l’espèce, l’auteure n’a pas soulevé ce grief, que ce soit expressément ou en substance ». Je ne saurais souscrire à la décision du Comité de ne pas invoquer cet article dans ses constatations ;

b)Dans le cadre de la compétence que lui confère le Protocole facultatif, le Comité est guidé par le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, comme le souligne l’article premier du règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, et, parce que les communications qu’il reçoit concernent des enfants, il a un devoir accru de diligence, d’orientation et de protection lorsqu’il examine les allégations de violation ;

c)Le Protocole facultatif n’impose pas aux auteurs d’être assistés d’un conseil pour saisir le Comité ; cela signifie qu’une connaissance approfondie du droit n’est pas nécessaire pour présenter une communication. Le Comité, qui, face à des mineurs (qui sont en développement), a une fonction particulière de protection, doit faire preuve de pédagogie et guider l’enfant, qui n’est pas un expert ou un professionnel du droit ;

d)Pour cette raison, le Comité peut, dans le contexte des faits allégués, invoquer des droits non soulevés dans la communication en vertu du principe ju ra novit curia, puisqu’il est celui qui connaît le droit et qu’il doit tenir compte de l’autonomisation progressive de l’enfant et faire de l’intérêt supérieur de celui-ci une considération primordiale ;

e)Un autre aspect crucial appelle l’attention : les faits dont est saisi le Comité font clairement apparaître que le risque de mutilations génitales est réel et certain. Bien qu’interdite, cette pratique culturelle reste très répandue en Somalie, au point que 98 % des filles y sont soumises. Ce point est central pour l’application du principe j ura novit curia. L’application de ce principe protecteur doit reposer sur des éléments et des faits qui font partie des preuves dont est saisi l’organe de décision et non résulter d’une décision arbitraire, fantaisiste ou non fondée ;

f)Enfin, je tiens à souligner le statut particulier de l’interdiction de la torture, reconnue par la communauté internationale comme une norme de jus cogens, ce qui, à mon avis, impose d’autant plus au Comité d’agir d’office pour prévenir et condamner la torture.

2.J’exprime par conséquent une opinion partiellement dissidente, car je considère que, pour les raisons exposées ci-dessus, le Comité est en mesure d’établir l’existence d’une violation de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant, même si cet article n’a pas été expressément invoqué par l’auteure dans sa plainte.