Nations Unies

CERD/C/SDN/CO/12-16

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

12 juin 2016

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant les douzième à seizième rapports périodiques du Soudan soumis en un seul document *

Le Comité a examiné les douzième à seizième rapports périodiques du Soudan soumis en seul document (CERD/C/SDN/12-16), à ses 2335e et 2336e séances (CERD/C/SR.2335 et 2336), tenues les 4 et 5 mai 2015. À ses 2347e et 2348e séances, les 12 et 13 mai 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission des douzième à seizième rapports périodiques de l’État partie présentés en un seul document, malgré le très grand retard. Il prend note de l’exposé oral de la délégation et des réponses détaillées données par celle-ci lors de l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)Loi de 2009 portant création de la Commission nationale des droits de l’homme ;

b)Loi de 2009 relative aux personnes handicapées ;

c)Loi de 2010 relative à l’enfance ;

d)Loi de 2014 relative à la lutte contre la traite des personnes ;

e)Plan d’action national pour la promotion et la protection des droits de l’homme (2013-2023).

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi de 2009 relative au référendum concernant le Sud-Soudan ainsi que la tenue de ce référendum, le 9 janvier 2011, sur la base de la Constitution nationale de transition de 2005.

Le Comité constate aussi avec satisfaction que, depuis son examen du dernier rapport périodique soumis par l’État partie, le Soudan a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré :

a)Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009 ;

b)Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2004 et 2005 respectivement.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Les relations interethniques au Soudan

Le Comité prend note avec préoccupation de la persistance de conflits anciens et de l’émergence de nouveaux conflits avec une forte dimension ethnique dans différentes régions de l’État partie, notamment dans les États du Darfour, du Kordofan méridional et du Nil Bleu. Il est également préoccupé par la perspective d’une possible recrudescence des tensions dans d’autres régions du Soudan, notamment dans la région septentrionale de la Nubie et dans les régions est (États de la mer Rouge et de Kassala), qui sont essentiellement habitées par des groupes ethniques minoritaires (art. 1, 2 et 5).

Le Comité demande instamment à l’État partie de s’engager, à titre prioritaire, dans un processus de réconciliation nationale entre tous les groupes ethniques et les parties aux conflits et d’intégrer les principes d’égalité et de non-discrimination à toutes ses initiatives et plans visant à la résolution des conflits et à la consolidation de la paix. À cette fin, il devrait, entre autres, prendre les initiatives et adopter la législation et les politiques nécessaires à la promotion d’une culture de tolérance et de respect mutuel, et veiller à ce que ces politiques et initiatives soient appuyées par des mécanismes de mise en œuvre efficaces.

Poursuite du conflit au Darfour

Le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle les tensions portant sur la terre et d’autres ressources qui opposent de longue date les agriculteurs sédentaires et les pasteurs nomades au Darfour ne comportent pas de composante ethnique, mais il est préoccupé par le fait que le conflit au Darfour pourrait avoir évolué et comporte désormais une telle composante. Il est également préoccupé par la prolongation de la violence entre les forces gouvernementales et les groupes rebelles, pour la plupart d’origine non arabe. Il est en particulier préoccupé par le fait que :

a)Le conflit au Darfour est caractérisé par de graves violations des droits de l’homme : massacres, torture, violences sexuelles, détentions arbitraires et mauvais traitements infligés à la population civile, notamment aux membres des groupes ethniques Fur, Zaghawa et Massaleit ;

b)La réponse judiciaire aux violations graves des droits de l’homme est restée faible et la création du Tribunal pénal spécial sur les événements du Darfour n’a pas été suffisante ni efficace pour ce qui est de traduire en justice les auteurs des violations ;

c)Les précédentes tentatives de réconciliation entre le Gouvernement soudanais et les groupes rebelles au Darfour, y compris l’accord de 2011 entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement pour la libération et la justice en vue de l’adoption du Document de Doha pour la paix au Darfour, ne sont pas parvenues à rétablir la paix et l’état de droit.

Le Comité demande instamment à l’État partie de redoubler d’efforts pour mettre un terme au conflit actuel au Darfour. À cette fin, il recommande à l’État partie  :

a) D’examiner attentivement les causes sous-jacentes du conflit et les manifestations de discrimination en résultant qui contiennent une forte composante ethnique et, sur la base de cet examen, d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action pour mettre fin au conflit, en consultation avec les parties concernées  ;

b) D’instaurer, à titre prioritaire, un traitement équitable de la région du Darfour et des autres régions du Soudan en matière de répartition des ressources nationales, afin que les Darfouriens reprennent confiance dans le Gouvernement  ;

c) De prendre des mesures efficaces pour enquêter sur les graves violations des droits de l’homme commises actuellement et par le passé dans le cadre du conflit au Darfour, de doter le Tribunal spécial sur les événements du Darfour des ressources nécessaires, y compris en ayant recours à l’aide internationale, afin qu’il puisse s’acquitter efficacement de son mandat en vue de mettre fin à l’impunité, et de présenter dans son prochain rapport périodique des informations sur les progrès réalisés à cet égard.

L’escalade des problèmes de sécurité dans les États du Kordofan méridional et du Nil Bleu

Le Comité est très préoccupé par l’escalade de la violence dans les États du Kordofan méridional et du Nil Bleu et, en particulier, par l’usage excessif et sans discernement de la force, s’agissant notamment des bombardements aériens par les forces armées gouvernementales, qui ont un effet disproportionné sur les Noubas et d’autres groupes ethniques et causent des dommages aux biens de caractère civil. Ces attaques ont provoqué la mort de nombreux civils et le déplacement de milliers d’autres appartenant au groupe des Noubas (art. 2 et, 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de ne pas se livrer à des actes violents ciblant un groupe ethnique déterminé ou ayant des effets disproportionnés sur ce groupe. Il demande en outre à l’État partie de veiller à ce que ses forces armées n’attaquent pas les civils non plus que les biens de caractère civil. L’ État devrait en outre prendre les mesures nécessaires à la résolution pacifique du conflit dans les États du Kordofan méridional et du Nil Bleu, tout en assurant la «  consultation populaire  » des groupes touchés, comme le prévoit la Constitution de transition.

Le statut politique de l’Abyei

Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré le temps qui s’est écoulé depuis la conclusion de l’Accord de paix global en 2005, la question du statut définitif de l’Abyei n’ait pas encore été tranchée et continue d’avoir des incidences négatives sur l’exercice des droits consacrés dans la Convention par les différents groupes ethniques qui vivent dans la région.

Le Comité encourage l’État partie à reprendre ses efforts visant à déterminer l’avenir politique de l’Abyei, en tenant compte de la volonté des habitants de la région, afin que ceux-ci puissent exercer pleinement les droits protégés par la Convention.

Déplacements internes

Le Comité est profondément préoccupé par le fait que le déplacement massif de personnes dans l’État partie touche de manière disproportionnée les groupes ethniques ou tribaux, et que ces effets soient encore aggravés par les conflits actuels. Il est en particulier préoccupé par :

a)L’apparition au Darfour et dans les monts Nouba de nouvelles vagues de personnes déplacées dont beaucoup appartiennent à des groupes protégés par la Convention ;

b)L’accès limité des personnes déplacées aux services de base, ainsi que les obstacles à l’accès des organismes d’aide humanitaire aux zones peuplées par des personnes déplacées ;

c)Les efforts limités qui sont faits pour assurer le retour en toute sécurité des personnes déplacées souhaitant rentrer dans leur foyer (art. 2 et 5)

Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller, à titre d’urgence, à ce que les conflits en cours ne provoquent pas de nouvelles vagues de déplacement. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour répondre aux besoins des personnes déplacées et faciliter l’accès humanitaire à ceux qui en ont besoin, sans discrimination fondée sur quelque motif que ce soit, y compris en renforçant les accords de coopération conclus avec les organismes humanitaires et en en concluant de nouveaux. L’État partie devrait également faire tout son possible pour faciliter le retour en toute sécurité des personnes déplacées qui souhaitent regagner leur foyer et il devrait prendre des mesures pour assurer leur réinsertion dans la société.

La violence sexuelle dans les zones de conflit

Malgré les réponses fournies par la délégation au sujet des informations selon lesquelles des soldats soudanais auraient commis des viols collectifs de femmes appartenant au groupe ethnique des Furs dans le village de Thabit, dans le Darfour septentrional, fin octobre 2014, le Comité reste préoccupé par le fait que ces allégations n’aient pas fait l’objet d’enquêtes approfondies et efficaces. Le Comité est également préoccupé par le fait que des cas similaires de violence sexuelle ont été signalés dans les zones de conflit et que les auteurs de ces actes sont toujours en liberté et restent impunis (art. 5 et 6).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa r ecommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et le prie instamment de s’assurer que les forces de l’État et les groupes placés sous le contrôle de l’État ne commettent pas de violences sexuelles. Il demande à l’État partie d’exercer la diligence voulue pour prévenir les actes de violence dans les zones de conflits, d’enquêter sur ces actes, notamment s’agissant des viols collectifs qui auraient été commis dans le village de Thabit, d’incriminer les coupables, conformément aux normes internationales des droits de l’homme, et de s’acquitter de l’obligation de fournir des réparations aux victimes. L’État devrait également collaborer au travail d’enquête d’autres entités, y compris aux enquêtes menées ou projetées par l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour.

Définition de la discrimination raciale et législation en matière de lutte contre la discrimination

Le Comité est préoccupé par l’absence de définition de la discrimination raciale dans la législation de l’État partie. Il regrette que la proposition de modification de l’article 64 du Code pénal de 1991 proposée en 1998, qui prévoyait une définition de la discrimination raciale conforme au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention, n’ait jamais été adoptée. En outre, tout en notant l’existence de certaines dispositions constitutionnelles relatives à l’égalité et à la non-discrimination et de certaines mesures prises à cet égard, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’ait toujours pas adopté une loi globale de lutte contre la discrimination (art. 1, 2 et 4).

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’accélérer ses efforts en vue d’introduire une définition complète de la discrimination raciale dans sa législation, qui inclue tous les actes de discrimination directe et indirecte, conformément au paragraphe 1 de l’ article premier de la  Convention  ;

b) De veiller à ce que la motivation raciste constitue une circonstance aggravante dans la législation pénale  ;

c) D’adopter et d’appliquer effectivement les dispositions législatives interdisant la diffusion d’idées fondées sur des notions de supériorité raciale ou ethnique, les manifestations de haine raciale, l’incitation à la haine raciale et les violences à l’encontre de tout groupe de personnes issues d’un autre groupe ethnique, conformément à l’ article  4 de la Convention.

Liberté d’expression et recours excessif à la force par les forces de l’ordre

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un recours excessif à la force par des agents des forces de police et de sécurité dans le contexte de manifestations, ayant à plusieurs reprises entraîné la mort. Le Comité est également préoccupé par des informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires, continuent d’être persécutés, d’être victimes de harcèlement, de détention arbitraire et de mauvais traitements de la part de la police (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour prévenir et mettre un terme à toutes les formes d’utilisation excessive de la force par des agents de l’État. L’ État partie devrait élargir l’espace juridique destiné à l’exercice des droits civils et politiques, y compris en faveur des opposants politiques, dont beaucoup appartiennent à des groupes minoritaires. En outre, le Comité engage l’État partie à enquêter de manière approfondie sur tous les actes de cette nature, à traduire les responsables en justice et à indemniser les victimes.

Données statistiques pertinentes

Tout en prenant note des difficultés rencontrées par l’État partie pour recueillir des statistiques, principalement en raison de sa vaste superficie et des conflits en cours, le Comité regrette l’absence d’information sur la composition ethnique de la population, et notamment d’indicateurs socioéconomiques permettant de mesurer l’égale jouissance, par tous, des droits consacrés par la Convention. (art. 1 et 5)

Ayant à l’esprit la diversité ethnique de la population de l’État partie, en application des directives révisées concernant l’établissement de rapports au titre de la Convention (CERD/C/2007/1, par. 10 à 12) et rappelant sa r ecommandation générale n o 24 (1999) concernant l’article premier de la Convention, le Comité demande à l’État partie de recueillir et de publier des données statistiques fiables sur la composition ethnique de sa population, ainsi que sur la situation sociale et économique des différents groupes ethniques, ventilées par zone où résident de nombreuses personnes appartenant à ces minorités, pour l’ensemble du territoire de l’État partie, afin de constituer une base solide en vue de la conception de politiques visant à garantir l’égale jouissance des droits consacrés par la Convention dans l’État partie. Il encourage également celui-ci à procéder au plus tôt au recensement de sa population.

Statut de la Convention dans l’ordre juridique interne

Le Comité accueille avec satisfaction les informations d’après lesquelles l’État partie est en train d’élaborer une nouvelle constitution. Cependant, tout en notant que le paragraphe 3 de l’article 27 de la Constitution de transition (2005) dispose que les traités ratifiés font partie intégrante du droit soudanais, le Comité regrette l’absence d’affaires dans lesquelles les dispositions de la Convention ont pu être invoquées ou appliquées dans les juridictions nationales (art. 2)

Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption de la Constitution permanente, et de veiller à ce que le par agraphe  3 de l’ article  27 de la Constitution de transition figure pleinement dans celle-ci, comme la délégation l’a annoncé au cours du dialogue. Il recommande également à l’État partie de sensibiliser les juges, les avocats, les procureurs et les agents chargés de l’application des lois aux dispositions de la Convention afin que les juridictions puissent l’invoquer et en appliquer les dispositions. Il exhorte en outre l’État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur l’application de la Convention par les tribunaux internes.

Indépendance de la justice

Compte tenu du fait que quiconque doit pouvoir jouir d’une protection et de voies de recours efficaces par l’intermédiaire des tribunaux nationaux compétents et autres organismes publics contre tout acte de discrimination raciale et que l’indépendance de l’appareil judiciaire est essentielle, notamment dans les affaires de discrimination raciale, le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles ces conditions ne sont pas toujours remplies dans l’État partie (art. 5 et 6).

Rappelant sa r ecommandation générale n o 35 (2013) relative à la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l’État partie de s’employer davantage à renforcer et garantir l’indépendance de l’appareil judiciaire de tout contrôle ou ingérence politique, afin d’assurer une bonne administration de la justice, en particulier dans les affaires liées à la discrimination raciale.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi portant création de la Commission nationale des droits de l’homme en 2009 et note la nomination de 15 commissaires en 2012. Toutefois, il est préoccupé par le fait que la Commission ne dispose pas des ressources nécessaires à l’exercice efficace et indépendant de son mandat (art. 2).

Rappelant sa r ecommandation générale n o 17 (1993) sur la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de garantir la pleine indépendance et l’autonomie financière de la Commission et de s’assurer qu’elle respecte pleinement les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Le Comité recommande également à l’ État partie d’encourager la Commission à demander son accréditation auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

Représentation des groupes minoritaires dans la vie politique

Le Comité regrette l’absence de données sur la représentation politique des groupes minoritaires dans l’administration publique, la police et l’armée. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état de leur faible participation et représentation politiques (art. 2 et 5 c) et d)).

Rappelant que la Convention interdit la discrimination indirecte ainsi que la discrimination directe, le Comité estime que les garanties juridiques concernant le droit d’être élu dans des conditions d’égalité ne suffisent pas en ce qui concerne la participation des groupes ethniques à la vie politique dans l’État partie. Il recommande à l’État partie de prendre des mesures pour promouvoir une représentation juste et équitable des groupes minoritaires dans les administrations nationales et locales, dans les services publics, l’armée et la police, en particulier à des postes de haut niveau, notamment par la mise en place de mesures spéciales telles que les quotas, le cas échéant, qui soient conformes à la Convention et à la r ecommandation générale n o 32 (2009) du Comité sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de d iscrimination raciale.

Citoyenneté et risque d’apatridie

Le Comité note avec préoccupation que la modification apportée en 2011 à la loi sur la nationalité (art. 10 2)), prévoit la révocation de la nationalité soudanaise des personnes ayant acquis de droit ou de fait la nationalité du Soudan du Sud, exposant ainsi à un risque élevé d’apatridie de nombreux Sud-Soudanais résidant au Soudan qui n’ont pas nécessairement acquis la nationalité sud-soudanaise (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de retirer la modification apportée en 2011 à la loi sur la nationalité, de veiller à ce que les règles régissant l’acquisition et le retrait de la nationalité s’appliquent de manière égale à tous sans discrimination fondée, entre autres, sur leur origine ethnique, et de protéger ses citoyens contre l’apatridie.

Sécurité des réfugiés et des demandeurs d’asile

Tout en se félicitant de l’adoption de la loi contre la traite des êtres humains en 2014, le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état d’enlèvements de réfugiés et de demandeurs d’asile sur le territoire de l’État partie en vue d’obtenir une rançon ou aux fins de la traite (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour prévenir et protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile contre les enlèvements ou les séquestrations, d’enquêter de manière approfondie sur toutes les affaires de ce type et de traduire les responsables en justice, d’appliquer efficacement et fermement sa législation de lutte contre la traite et de renforcer les mesures prises pour assurer la sécurité des réfugiés et des demandeurs d’asile dans des camps, notamment en sollicitant une assistance internationale.

Droit à la terre du peuple nubien

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles le Gouvernement a l’intention de reprendre la construction du barrage de Kajbar sur les terres traditionnellement occupées ou habitées par les Nubiens. Le Comité est préoccupé par le fait que le barrage, s’il est construit, peut entraîner le déplacement de milliers de Nubiens qui, selon la délégation de l’État partie, vivent sur ces terres depuis plus de huit milles ans, ainsi que la destruction de nombreux sites archéologiques ayant une grande valeur historique et culturelle pour cette population. Le Comité est également préoccupé par le fait que la modification apportée à l’article 43 de la Constitution de transition, qui autorise le Président à saisir et à allouer sans restriction des terres à des fins d’investissement, risque d’aggraver les effets susmentionnés sur les Nubiens (art. 5).

Rappelant sa r ecommandation générale n o 23 (1997) sur les droits des peuples autochtones, le Comité recommande à l’ État partie de mettre en place les mécanismes appropriés pour mener une véritable consultation avec les Nubiens et tout autre groupe ethnique dont les droits à la terre qu’ils occupent traditionnellement peuvent être bafoués par suite d ’ activités de développement. Le Comité demande également à l’État partie de veiller à ce que toute éventuelle réinstallation en raison de ces activités fasse l’objet d’une indemnisation suffisante. Il lui recommande en outre d’envisager d’abroger la modification à l’article 43 de la Constitution de transition.

Mécanisme de dépôt de plainte

Le Comité prend note des informations fournies concernant la possibilité de soumettre des plaintes pour discrimination raciale à certains organes, notamment le Conseil consultatif des droits de l’homme, la Commission nationale des droits de l’homme et le Conseil des doléances publiques. Il reste cependant préoccupé par l’absence d’un mécanisme général de plaintes pour discrimination raciale et par l’absence de données statistiques sur les plaintes pour discrimination raciale et leurs suites, alors qu’il est régulièrement fait état de discrimination à l’égard de membres de certains groupes ethniques minoritaires (art. 2 et 4, 5 et 6).

Se référant à sa r ecommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité demande instamment à l’État partie  :

a) De mettre en place un mécanisme complet, efficace et indépendant de plaintes pour discrimination  ;

b) D’analyser les raisons de l’absence de plaintes liées à la discrimination raciale, d’aider activement les victimes de discrimination raciale cherchant réparation et d’informer le public, notamment les groupes minoritaires, des voies de recours prévues contre la discrimination raciale  ;

c) D’assurer la formation des juges, des procureurs, des avocats et autres responsables de l’application des lois concernant les principes et les dispositions de la Convention  ;

d) De fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations actualisées concernant les plaintes pour discrimination raciale et les décisions rendues par les tribunaux ou d’autres instances, ainsi que des données statistiques sur les plaintes déposées, poursuites engagées et peines prononcées à raison des actes interdits par l’article 4 de la Convention.

Plan national de lutte contre la discrimination raciale

Le Comité note avec intérêt les informations concernant l’existence d’un plan d’action national pour la promotion et la protection des droits de l’homme (2013-2023). Il est cependant préoccupé par le manque d’informations sur la mise en œuvre dudit plan et sur l’existence éventuelle de mesures visant à lutter contre la discrimination raciale (art. 2 et 7).

Le Comité est d’avis qu’un plan d’action national de lutte contre la discrimination raciale reste un instrument utile pour lutter contre cette forme de discrimination. Il encourage l’État partie à élaborer un tel instrument, à le doter des ressources nécessaires et à l’appliquer effectivement. Le Comité demande en outre à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations précises sur le Plan d’action national et les autres mesures prises pour lutter contre la discrimination raciale, ainsi que sur leur impact.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions se rapportent directement à la discrimination raciale, comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

À la lumière des résolutions 68/237, dans laquelle l’Assemblée générale a proclamé la période 2015-2024 Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine et 69/16 relative au programme d’activités pour la mise en œuvre de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme comprenant des mesures et des politiques adaptées. Le Comité demande également à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures spécifiques qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale no 34 (2011) sur la discrimination raciale envers les personnes d’ascendance africaine.

Dialogue avec la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de mener des consultations et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui œuvrent pour la défense des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

Modification de l’article 8 de la Convention

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier la modification du paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptée par les États parties à la Convention à leur quatorzième réunion le 15 janvier 1992 et approuvée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

Déclaration prévue à l’article 14

Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption de ces observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 10, 19 et 20 ci‑dessus.

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 7, 8, 9, 12 et 13 et demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient facilement accessibles au public au moment de leur soumission et que les observations finales du Comité s’y rapportant soient également diffusées dans les langues officielles et dans les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques en un seul document d’ici au 10 avril 2019, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et de répondre à tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Compte tenu de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques et de 42 400 mots fixée pour le document de base commun.