Nations Unies

CCPR/C/CPV/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 avril 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

104 e session

New York, 12-30 mars 2012

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Cap-Vert

1.En l’absence du rapport de l’État partie, le Comité des droits de l’homme a examiné la situation des droits civils et politiques au Cap-Vert au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à sa 2877e séance (CCPR/C/SR.2877), qui était publique, le 21 mars 2012. Conformément au paragraphe 1 de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, si un État partie ne soumet pas de rapport comme l’y oblige l’article 40 du Pacte, le Comité peut examiner en séance publique les mesures prises par l’État partie pour donner effet aux droits reconnus par le Pacte, et adopter des observations finales.

2.À sa 2887e séance (CCPR/C/SR.2887), le 28 mars 2012, le Comité a adopté les observations finales ci-après, en attendant la soumission du rapport initial dont le Représentant permanent du Cap-Vert auprès de l’Organisation des Nations Unies a affirmé qu’il parviendrait au Comité en temps opportun.

A.Introduction

3.Le Pacte est entré en vigueur pour le Cap-Vert le 6 novembre 1993. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial au titre du paragraphe 1 a) de l’article 40 du Pacte avant le 5 novembre 1994. Le Comité regrette que l’État partie ait manqué à ses obligations découlant de l’article 40 du Pacte et que, malgré de nombreux rappels, il n’ait pas soumis le rapport initial. Un tel manquement constitue une violation grave des obligations découlant de l’article 40 du Pacte. Toutefois, le Comité remercie l’État partie d’avoir dépêché un Représentant permanent auprès de l’Organisation des Nations Unies qui a assisté à la séance et a donné des précisions sur un certain nombre de points.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’adhésion de l’État partie aux instruments suivants:

a)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le deuxième Protocole facultatif, visant à abolir la peine de mort, le 19 mai 2000;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 10 octobre 2011;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 10 mai 2002;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 10 mai 2002;

e)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 16 septembre 1997.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Commission nationale pour les droits de l’homme et la citoyenneté mais il se déclare préoccupé de n’avoir aucune information sur son fonctionnement et son indépendance. Il partage les préoccupations exprimées par le Conseil des droits de l’homme pendant l’examen du Cap-Vert dans le cadre de l’Examen périodique universel concernant la nécessité de renforcer la Commission nationale de façon qu’elle soit conforme aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe) (art. 2).

L’État partie devrait faire figurer dans son rapp ort initial des renseignements montrant le mandat, l’indépendance, le financement et les activités de la Commission nationale pour les droits de l’homme et la citoyenneté. De plus, il devrait exposer les mesures prises depuis l’examen auquel il a été soumis dans le cadre de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme, pour renforcer la Commission de façon qu’elle agisse conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

6.Le Comité note que l’article 12 de la nouvelle Constitution proclame que tous les instruments ratifiés par l’État partie, dont le Pacte, font partie du droit interne, mais il relève qu’il n’a pas d’exemples de cas dans lesquels les dispositions du Pacte ont pu être invoquées ou mentionnées dans les juridictions nationales (art. 2).

L’État partie devrait donner des renseignements sur les cas dans lesquels les juridictions nationales ont invoqué les dispositions du Pacte et de quelle façon ils l’ont fait. De plus il devrait prendre les mesures appropriées pour mieux faire connaître le Pacte parmi les juges, les avocats et les procureurs de façon à garantir que s es dispositions soient prises en considération, si nécessaire, par les juridictions nationales.

7.Le Comité note qu’il n’a pas d’information sur l’incidence que les mesures prises par l’État partie pour lutter contre le terrorisme peuvent avoir sur les droits garantis par le Pacte (art. 2).

L’État partie devrait donner dans son rapport initial des renseignements montrant comment les mesures de lutte contre le terrorisme peuvent influer sur l’exercice des droits consacrés par le Pacte.

8.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts engagés par l’État partie en faveur de l’égalité des sexes, en particulier aux niveaux élevés de l’administration, mais il note qu’il n’a pas de renseignement sur les plans et programmes qui peuvent exister pour promouvoir l’égalité des sexes une fois que le plan national pour l’égalité et l’équité des sexes pour la période 2005-2009 a pris fin. Le Comité est préoccupé par la lenteur des progrès accomplis en ce qui concerne la représentation des femmes aux postes de décision, en particulier dans le secteur privé et au Parlement. Il est également préoccupé par la persistance de stéréotypes patriarcaux négatifs, profondément ancrés, concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société en général (art. 3 et 26).

Le Comité invite instamment l’État partie à suivre un mode d’approche complet et intégré dans ses politiques de façon à garantir que la problématique hommes-femmes soit prise en considération à tous les niveaux. Il recommande aussi à l’État partie de prendre des mesures spéciales visant à augmenter le nombre de femmes aux postes de décision dans tous les secteurs, en particulier dans le secteur privé. De plus l’État partie devrait intensifier ses efforts pour éliminer les stéréotypes patriarcaux et sexistes concernant le rôle et les responsabilités des hommes et des femmes dans la famille et dans la société en mettant en place des programmes qui visent à sensibiliser la société à la question de l’égalité des sexes.

9.Le Comité est préoccupé par l’absence de données sur l’incidence de la violence à l’égard des femmes, y compris de la violence au foyer, et par l’absence de renseignements concernant les mesures prises jusqu’ici pour lutter contre cette pratique, comme les enquêtes de police, les poursuites engagées et les recours offerts aux victimes (art. 3 et 7).

L’État partie devrait fournir des données, ventilées par âge et par origine ethnique, sur l’ampleur du problème de la violence à l’égard des femmes, y compris de la violence au foyer. À ce sujet, il devrait exposer les mesures prises pour faire en sorte que les affaires de violence contre les femmes, y compris de violence au foyer, fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les responsables soient poursuivis et s’ils sont reconnus coupables, punis de sanctions suffisantes et que les victimes soient indemnisées comme il convient.

10.Le Comité est préoccupé par les informations signalant que les enfants subissent des mauvais traitements et une exploitation sexuelle dans les établissements scolaires de l’État partie. Il note aussi avec préoccupation qu’il n’existe pas de données montrant le nombre de cas dans lesquels une enquête et des poursuites ont été ouvertes et quelle indemnisation a été accordée aux victimes. Le Comité note en outre avec préoccupation l’absence de renseignements sur le nombre de refuges disponibles dans l’État partie pour les victimes de violence et d’exploitation sexuelles (art. 7 et 24).

L’État partie devrait à titre de mesure d’urgence intensifier ses efforts pour lutter contre les mauvais traitements subis par les enfants et l’exploitation sexuelle en améliorant les dispositifs de détection rapide, en encourageant la dénonciation des violences , soupçonnées et réelles , et en veillant à ce que les cas de violence fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, punis de peines suffisantes , et à ce que des moyens de réadaptation appropriés soient offerts aux victimes. L’État partie devrait aussi donner des renseignements montrant le nombre de refuges qui sont disponibles à cette fin.

11.Le Comité note que la délinquance des mineurs et les bandes de jeunes constituent un problème croissant dans l’État partie mais il est préoccupé d’apprendre que les brutalités policières contre les jeunes, comme forme de peine extrajudiciaire, seraient courantes et seraient approuvées par la société dans l’État partie. Il note l’absence de renseignements sur le nombre de cas qui ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites et sur l’indemnisation accordée aux victimes de telles violences imputées à des membres des services de police (art. 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour lutter contre la délinquance des mineurs et contre l’augmentation du nombre de bandes de jeunes , notamment en cherchant à s’attaquer aux causes profondes de l’augmentation de la délinquance des mineurs et de la prolifération des bandes de jeunes. L’État partie devrait également veiller à ce que les plaintes pour brutalités et autres formes de violence imputées à des membres des services de police fassent effectivement l’objet d’une enquête et que les responsables aient à répondre de leurs actes.

12.Le Comité note que la loi interdit les châtiments corporels dans les établissements scolaires, les établissements pénitentiaires et les foyers d’accueil, mais il est préoccupé par le fait que, au foyer, les enfants sont toujours punis physiquement de façon excessive. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que les enseignants appliquent fréquemment les châtiments corporels (art. 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire cesser la pratique des châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait prendre des mesures énergiques pour lutter contre l’utilisation des châtiments corporels à l’école, promouvoir des formes de discipline non violentes à la place des châtiments corporels et mener des campagnes d’information pour sensibiliser la population aux effets préjudiciables de ces traitements .

13.Le Comité est préoccupé par la prévalence de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, car le territoire de l’État partie est souvent utilisé à des fins de transit. Le Comité note en particulier l’absence de renseignements sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans des affaires de traite, ainsi que sur les dispositifs de prévention et de protection mis en place pour les victimes, notamment les programmes de réadaptation (art. 8).

L’État partie devrait fournir des données montrant l’ampleur du problème de la traite des êtres humains, qui devraient être ventil ées par âge, sexe et origine ethnique et montrer également les flux de traite à partir et à destination de son territoire et passant par son territoire. L’État partie devrait donner aux fonctionnaires de police, au x personnel s des frontières, aux juges, avocats et autres personnels concernés une formation visant à les sensibiliser à ce phénomène et à leur faire connaître les droits des victimes. Il devrait de plus veiller à ce que tous les auteurs de traite des personnes fassent l’objet d’une enquête, soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, punis comme il convient, et devrait garantir que les victimes bénéficient d’une protection suffisante et des moyens de réparation et d’indemnisation adéquats. L’État partie devrait également donner des renseignements sur les mesures prises pour mettre en place des programmes de prévention et de réadaptation à l’intention des victimes de la traite.

14.Le Comité est préoccupé par les informations signalant que dans les centres de détention de l’État partie les mineurs ne sont pas séparés des adultes et les prévenus ne sont pas séparés des condamnés. Il note aussi avec préoccupation que, d’après les informations reçues, la détention avant jugement est d’une durée excessive, ce qui entraîne la surpopulation dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention et cette pratique serait aggravée par des retards dans l’administration de la justice. Le Comité note de plus l’absence d’informations montrant comment les deux nouveaux établissements pénitentiaires que l’État partie a construits ont permis d’améliorer la situation en ce qui concerne la surpopulation et les autres conditions de détention (art. 10 et 14).

L’État partie devrait mettre en place d’urgence un système permettant de séparer les mineurs des adultes et les prévenus des condamnés. Il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions pénitentiaires et veiller à ce que le traitement réservé aux détenus dans tous les centres de détention et établissements pénitentiaires soi t conforme au Pacte et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. De plus, l’État partie devrait revoir son système d’administration de la justice de façon à accélérer les procédures judiciaires.

15.Le Comité est préoccupé de ne pas avoir de renseignements concernant la nomination et la promotion des juges, ainsi que les procédures disciplinaires applicables aux juges. Il note également avec préoccupation que d’après certaines informations les juges sont sous-payés, ce qui peut les exposer à des risques graves de corruption et de subornation, en particulier compte tenu de l’apparition de groupes de trafiquants de drogues qui peuvent entraver l’administration de la justice (art. 14).

Le Comité devrait faire figurer dans son rapport initial une description des procédures de nomination, de promotion et de discipline des juges. Il devrait prendre des mesures pour consacrer l’indépendance de la justice en faisant en sorte que la rémunération des juges soit suffisante pour assurer l’indépendance et l’intégrité des magistrats. À ce propos, il devrait expliquer les mesures qu’il a prises dans tous les cas où il y a une forme d’interférence éventuelle avec l’indépendance de la justice , en veillant notamment à ce que des investigations approfondies, indépendantes et impartiales soient menées sans délai chaque fois qu’une in gé rence dans la justice est dénoncée, y compris par la corruption, en poursuivant et punissant les responsables , y compris les personnels judiciaires qui peuvent être complices.

16.Le Comité note l’absence d’informations sur le cadre législatif qui régit le droit à la liberté d’opinion et d’expression et sur la façon dont ces droits sont exercés dans la pratique (art. 19).

Le Comité invite instamment l’État partie à décrire le cadre législatif qui régit le droit à la liberté d’opinion et d’expression et la façon dont ces droits sont exercés dans la pratique.

17.Le Comité note l’absence d’informations sur les mesures prises pour donner suite à la recommandation de la Commission électorale nationale tendant à modifier les dispositions du Code électoral de façon à garantir une plus grande sécurité et transparence dans le déroulement des élections. Le Comité note également l’absence d’informations sur les mesures prises pour revoir la procédure d’identification et d’enregistrement des votants (art. 25).

L’État partie devrait exposer les mesures concrètes qu’il a prises pour donner suite à la recommandation de la Commission électorale nationale tendant à modifier le Code électoral de façon à assurer une plus grande sécurité et transparence dans le déroulement des élections et à réviser les procédures d’identification et d’enregistrement des votants.

18.Le Comité note l’absence de données sur la présence de minorités ethniques, religieuses et linguistiques et sur l’importance numérique de chacune, ainsi que sur la façon dont les droits énoncés à l’article 27 du Pacte leur sont garantis. Il note également le manque d’informations sur les mesures prises face aux affrontements sporadiques qui opposeraient des migrants de l’Afrique de l’Ouest et la police et l’armée à la suite du meurtre d’un migrant de Guinée-Bissau, dixième personne provenant d’Afrique de l’Ouest à perdre la vie pendant la période allant de 2002 à 2005 (art. 6, 26 et 27).

L’État partie devrait fournir des données, ventilées par origine ethnique, sur la présence de minorités et sur l’importance numérique de chacune , ainsi que sur la façon dont les droits énoncés à l’article 27 du Pacte leur sont garantis. Il  devrait en outre procéder à une étude approfondie d es causes à l’origine des meurtres d’immigrants d’Afrique de l’Ouest, et veiller à ce que les responsables présumés de cette violence soient poursuivis et dûment sanctionnés, et à ce que les membres de la famille des victimes soient indemnisés de façon adéquate.

19.Le Comité rappelle à l’État partie qu’il peut demander une assistance technique aux organes et institutions des Nations Unies compétents, ainsi qu’au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, afin de l’aider à s’acquitter de son obligation de soumettre un rapport en vertu du Pacte.

20.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte, de son rapport initial et des présentes observations finales. Le Comité suggère aussi que les présentes observations finales soient traduites dans la langue officielle de l’État partie.

21.Le Comité demande à l’État partie de soumettre son rapport initial avant le 30 mars 2013.