CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/LAO/CO/1518 avril 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑sixième session21 février‑11 mars 2005

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

RéPUBLIQUE DéMOCRATIQUE POPULAIRE LAO

Le Comité a examiné les sixième à quinzième rapports périodiques de la République démocratique populaire lao, devant être soumis de 1985 à 2003 en un seul document (CERD/C/451/Add.1), à ses 1673e et  1674e séances (CERD/C/SR.1673 et 1674), tenues les 21 et 22 février 2005. À sa 1696e séance, le 9 mars 2005, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de la République démocratique populaire lao. Il salue les efforts de l’État partie pour se conformer aux directives du Comité en matière d’établissement des rapports, tout en notant que le rapport ne contient pas suffisamment d’informations relatives à l’application effective de la Convention.

Le Comité salue le fait que l’État partie se soit fait représenter par une délégation de haut rang, ainsi que les efforts déployés pour répondre aux questions posées. Il se félicite du dialogue constructif renoué avec l’État partie, de même que de la volonté exprimée par l’État partie de poursuivre ce dialogue sur une base régulière.

B. Aspects positifs

Le Comité salue les efforts de l’État partie pour réduire la pauvreté, en particulier dans les zones rurales et celles des groupes ethniques.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adopté, en 2004, des dispositions pénales destinées à lutter contre le trafic d’êtres humains.

Le Comité apprend avec satisfaction que la Convention a été traduite en langue lao.

Le Comité salue le programme de coopération conclu entre l’État partie et le Programme des Nations Unies pour le développement, relatif à la ratification et la mise en œuvre des instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Il invite l’État partie à utiliser ce cadre pour assurer le suivi des présentes conclusions et recommandations, et à demander l’assistance technique complémentaire du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme.

Le Comité salue la signature par l’État partie des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme en 2000, et l’encourage à ratifier ces deux instruments dans les meilleurs délais.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité, notant que le rapport lui a été remis avec 19 ans de retard, invite l’État partie à respecter la périodicité indiquée pour la soumission de ses prochains rapports.

Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de définition claire de la discrimination raciale en droit interne.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une définition de la discrimination raciale reprenant les éléments énoncés à l’article premier de la Convention.

Le Comité note avec préoccupation que la Convention n’est pas incorporée en droit interne, et que la question de sa place hiérarchique dans l’ordre juridique interne n’est pas résolue (art. 2).

Le Comité invite l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour assurer une application effective de la Convention en droit interne.

Le Comité regrette l’inexistence d’une institution nationale des droits de l’homme en République démocratique populaire lao (art. 2).

Le Comité invite l’État partie à envisager la création d’une telle institution, conformément aux Principes de Paris relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).

Le Comité est préoccupé par la situation des organisations non gouvernementales indépendantes œuvrant dans le domaine des droits de l’homme et de la lutte contre les discriminations (art. 2).

Le Comité invite l’État partie à créer des conditions permettant l’émergence d’organisations non gouvernementales nationales indépendantes.

Le Comité note l’absence de dispositions législatives incriminant les actes de violence et d’incitation à la violence motivés par des considérations raciales.

Le Comité invite l’État partie à adopter une législation mettant pleinement en œuvre les dispositions de l’article 4 de la Convention.

Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle il n’existe pas de discrimination raciale sur son territoire, et croit comprendre que l’État partie entend par là qu’il ne commet pas de discrimination raciale systématique.

Le Comité rappelle ses réserves habituelles sur une telle déclaration générale, aucun État partie n’étant à l’abri, à son avis, de discrimination raciale sur son territoire.

Le Comité note, ainsi que le reconnaît l’État partie, que la pauvreté frappe plus durement les groupes ethniques des zones reculées (art. 2 et 5).

Le Comité rappelle que la Convention prohibe non seulement les actes intentionnels et systématiques de discrimination raciale, mais aussi les discriminations qui ne procèdent pas d’une volonté gouvernementale directe d’empêcher une partie de la population de jouir de ses droits. De l’avis du Comité, le faible développement économique, social et culturel de certains groupes ethniques, comparé au reste de la population, pourrait être le signe d’une discrimination existant dans les faits. Il recommande donc à l’État partie d’établir des études en vue d’apprécier et d’évaluer concrètement l’existence de la discrimination raciale dans le pays et d’en déterminer les principaux facteurs. Des informations statistiques ventilées par groupes ethniques sur la participation politique et le niveau de vie de la population pourraient figurer dans le prochain rapport périodique.

Le Comité prend note des explications de la délégation en ce qui concerne la réticence des autorités de qualifier les groupes ethniques sur le territoire lao de minorités ou de peuples autochtones (art.1, 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître les droits des personnes appartenant à des minorités et des peuples autochtones tels qu’énoncés en droit international et ce, quelle que soit l’appellation donnée aux groupes concernés en droit interne. Il l’invite à prendre en considération la façon dont les groupes eux-mêmes se perçoivent et se définissent. Le Comité rappelle que le principe de non‑discrimination demande que les spécificités ethniques, culturelles et religieuses des groupes soient prises en considération.

Le Comité note que l’État partie a adopté une politique de réinstallation dans les plaines de membres des groupes ethniques habitant les montagnes et les hauts plateaux (art. 5).

Le Comité recommande que l’État partie décrive dans son prochain rapport périodique l’ampleur des politiques de réinstallation mises en œuvre, les groupes ethniques concernés, et l’impact de ces politiques sur leur mode de vie et la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il recommande à l’État partie d’étudier toutes les alternatives possibles afin d’éviter les déplacements; de faire en sorte que les personnes concernées soient pleinement informées des raisons et modalités de leur déplacement et des mesures d’indemnisation et de réinstallation; de s’efforcer d’obtenir le consentement libre et informé des personnes et groupes concernés; et de mettre à leur disposition des voies de recours. L’État partie devrait prêter une attention particulière aux liens culturels étroits que certains peuples autochtones ou tribaux entretiennent avec leurs terres, et prendre en considération la Recommandation générale 23 (1997) du Comité à ce propos. L’élaboration d’un cadre législatif décrivant les droits des personnes et groupes concernés, de même que les procédures d’information et de consultation, serait particulièrement utile.

Le Comité note avec préoccupation que, selon certaines informations, un obstacle majeur à l’éducation et à la formation professionnelle des personnes appartenant à des groupes ethniques réside dans le fait que l’enseignement est dispensé uniquement en langue lao. Des obstacles linguistiques seraient également à l’origine de difficultés en matière d’accès aux services sociaux (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire tout son possible pour que les personnes appartenant à des groupes ethniques reçoivent un enseignement et une formation professionnelle dans leur langue maternelle, tout en augmentant ses efforts pour qu’elles apprennent la langue lao.

Le Comité s’inquiète d’informations faisant état d’atteintes à l’exercice de la liberté de religion de membres des minorités religieuses, en particulier les chrétiens, lesquelles seraient également souvent des minorités ethniques.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que toutes les personnes jouissent de leur droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, sans discrimination, conformément à l’article 5 d) de la Convention.

Le Comité demeure préoccupé par des allégations persistantes faisant état d’un conflit entre le Gouvernement et une partie de la minorité hmong qui a trouvé refuge dans la forêt et les régions montagneuses du territoire lao depuis 1975. Selon des informations nombreuses et concordantes, cette population vit dans des conditions humanitaires difficiles (art. 5).

Le Comité exhorte l’État partie à mettre tout en œuvre, si nécessaire avec l’appui du Haut‑Commissaire aux droits de l’homme, des Nations Unies et de la communauté internationale, pour trouver au plus vite une solution politique et humanitaire à cette crise, et créer les conditions nécessaires à l’ouverture d’un dialogue avec ce groupe. Le Comité encourage vivement l’État partie à autoriser les institutions des Nations Unies à fournir une assistance humanitaire d’urgence à ce groupe.

Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles des exactions seraient commises contre des membres de la minorité hmong, en particulier par des allégations selon lesquelles des soldats auraient brutalisé et tué un groupe de cinq enfants hmong le 19 mai 2004 (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de fournir des indications plus précises sur les instances chargées d’enquêter sur les allégations précitées. Il recommande en outre vivement à l’État partie de permettre aux organes des Nations Unies de protection et de promotion des droits de l’homme d’accéder aux régions dans lesquelles des membres de la minorité hmong ont trouvé refuge.

Le Comité note la déclaration de l’État partie selon laquelle il n’existe ni plaintes ni décisions judiciaires en matière de discrimination raciale (art. 6).

Le Comité engage l’État partie à rechercher si cette situation n’est pas le résultat de l’absence d’un arsenal législatif complet de lutte contre la discrimination raciale, d’une méconnaissance de leurs droits par les victimes, de la peur de représailles, d’un manque de confiance à l’égard des autorités de police et de justice, ou d’un manque d’attention ou de sensibilisation de ces autorités aux affaires de discrimination raciale.

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie déclare ne pas être en mesure d’introduire des programmes d’éducation aux droits de l’homme dans les établissements scolaires. Il s’inquiète également d’informations selon lesquelles les connaissances en matière de droits de l’homme tels qu’ils sont énoncés dans la loi, la Constitution et les instruments internationaux restent minimales parmi les responsables de l’application des lois (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie, le cas échéant avec l’assistance de la communauté internationale, d’introduire dans les établissements scolaires des programmes d’éducation aux droits de l’homme et à la lutte contre les discriminations raciales, et d’accroître ses efforts en matière de formation des agents responsables de l’application des lois.

Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans l’ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et de communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures adoptées pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Plan d’action de Durban.

Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité renvoie à la résolution 57/194 de l’Assemblée générale, du 18 décembre 2002, dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement. Un appel similaire a été formulé par l’Assemblée générale dans sa résolution 58/160 du 22 décembre 2003.

Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultativeprévue à l’article 14 de la Convention, et recommande que cette possibilité soit envisagée.

Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques publics et de diffuser de la même manière les conclusions du Comité.

29.Conformément à l’article 65 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser dans un délai d’un an des renseignements sur la suite donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 10, 21 et 22. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre en un seul document ses seizième et dix‑septième rapports périodiques, dus le 24 mars 2007.

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