Nations Unies

CRC/C/LKA/CO/5-6

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

2 mars 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport de Sri Lanka valant cinquième et sixième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de Sri Lanka valant cinquième et sixième rapports périodiques (CRC/C/LKA/5/6) à ses 2254e et 2255e séances (voir CRC/C/SR.2254 et 2255), les 15 et 16 janvier 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa 2282e séance, le 2 février 2018.

2.Le Comité accueille avec intérêt le rapport de Sri Lanka valant cinquième et sixième rapports périodiques, ainsi que les réponses écrites à la liste des points (CRC/C/LKA/Q/5-6/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits des enfants dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation intersectorielle de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans divers domaines, notamment la ratification, en 2016, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il prend également note avec satisfaction des mesures législatives, institutionnelles et stratégiques liées à la mise en œuvre de la Convention, notamment de l’adoption du plan national d’action pour l’enfance (2016-2020), du plan national d’action pour la protection sociale des enfants (2016-2019) et du cadre d’orientation et plan national d’action contre la violence sexuelle et sexiste. Le Comité prend note également avec satisfaction des efforts de réconciliation déployés à ce jour, ainsi que des progrès réalisés en matière de réduction de la mortalité maternelle et infantile,

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits consacrés par la Convention et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : la violence, y compris les châtiments corporels (par. 21), l’exploitation et les atteintes sexuelles (par. 23), l’exploitation économique, notamment le travail des enfants (par. 41), l’administration de la justice pour mineurs (par. 45) et le processus réconciliation, vérité et justice (par. 47).

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Législation

5. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ incorporer la Convention dans ses lois nationales et de veiller à ce que l ’ ensemble des principes et dispositions de cet instrument puissent être appliqués par les autorités judiciaires et administratives ;

b) D ’ accélérer le processus d ’ adoption de la loi relative à la protection judiciaire des enfants ;

c) De veiller à mettre en conformité avec la Convention l ’ ensemble des lois internes en vigueur, y compris les lois locales et coutumières.

Politique et stratégie globales

6. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ intensifier ses efforts liés à la mise en œuvre du Plan national d ’ action pour l ’ enfance (2016-2020) et d ’ affecter à cet effet toutes les ressources humaines, techniques et financières nécessaires  ;

b) D ’ adopter la politique nationale pour la protection de l ’ enfance, de veiller à ce qu ’ elle soit conforme à la Convention et d ’ allouer les ressources n écessaires à sa mise en œuvre.

Coordination

7. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que l ’ Office national de protection de l ’ enfance soit indépendant, rende compte à un niveau hiérarchique plus élevé que celui des ministères, soit en mesure de continuer de s ’ acquitter pleinement de ses responsabilités en toute circonstance et bénéficie de financements suffisants.

Allocation de ressources

8. Compte tenu de son observation générale n o  19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De procéder à une évaluation exhaustive des besoins des enfants du point de vue budgétaire, en mettant particulièrement l ’ accent sur les enfants défavorisés et vulnérables, et de prévoir des ressources budgétaires suffisantes pour la réalisation des droits des enfants, conformément à l ’ article 4 de la Convention ;

b) D ’ accroître le budget alloué aux secteurs sociaux, notamment à la santé et à l ’ éducation, de remédier aux disparités mises en évidence par les indicateurs relatifs aux droits de l ’ enfant et de préaffecter pour l ’ enfance défavorisée ou vulnérable des fonds qui seront protégés même en cas de crise économique, catastrophe naturelle ou situation d ’ urgence ;

c) De mettre en place un mécanisme propre à apprécier le caractère adéquat, efficace et équitable de l ’ allocation des ressources liées à la mise en œuvre des droits de l ’ enfant, et de redoubler d ’ efforts pour prévenir et réprimer les actes de corruption.

Collecte de données

9. Le Comité, renvoyant à ses recommandations antérieures (voir CRC/C/LKA/ CO /3-4, par. 21), encourage l ’ État partie à mettre en place, avec l ’ appui de ses partenaires, un système complet de collecte de données, à analyser les données recueillies et à s ’ en servir pour évaluer les progrès enregistrés dans la réalisation des droits de l ’ enfant et pour concevoir des politiques et programmes visant à mettre en œuvre la Convention. Les données recueillies devraient être ventilées, notamment, par âge, sexe, appartenance ethnique, zone géographique et situation socio économique , pour faciliter l ’ analyse de la situation de tous les enfants. L ’ État partie devrait veiller à ce que l ’ information recueillie comprenne des données à jour sur un large éventail de catégories d ’ enfants marginalisés et vulnérables, notamment les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté et les enfants des rues. Le Comité engage vivement l ’ État partie à formuler et mettre en œuvre une politique visant à protéger la vie privée de tous les enfants enregistrés dans les bases de données nationales.

Suivi indépendant

10. Tout en saluant le renforcement de la Commission des droits de l ’ homme sri-lankaise découlant de l ’ adoption du dix-neuvième amendement à la Constitution et d ’ un nouveau document stratégique pour 2016-2019, le Comité, renvoyant à son o bservation générale n o 2 (2002) sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l ’ homme dans la promotion et la protection des droits de l ’ enfant, recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour :

a) Garantir l ’ indépendance de la Commission nationale des droits de l ’ homme, conformément aux principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) ;

b) Doter la Commission nationale des droits de l ’ homme des ressources humaines, financières et techniques nécessaires pour lui permettre de s ’ acquitter efficacement de ses responsabilités ;

c) Discuter avec l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme du statut d ’ accréditation de la Commission ;

d) Mettre en place un mécanisme spécifique de suivi des droits de l ’ enfant.

Diffusion, sensibilisation et formation

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à :

a) Renforcer les activités de sensibilisation dans toutes les langues du pays afin de faire largement connaître et comprendre aux adultes et aux enfants l ’ importance des droits de l ’ enfant et de leur application ainsi que l ’ ensemble des principes et dispositions de la Convention ;

b) Organiser des séances de formation sur la Convention et ses Protocoles facultatifs à l ’ intention des groupes professionnels concernés, notamment du corps judiciaire, des forces de sécurité, des militaires, des enseignants, des personnels de santé, des travailleurs sociaux et des professionnels des médias  ;

c) S ’ employer activement à promouvoir dans la société la reconnaissance des droits de l ’ enfant et des acteurs qui défendent ces droits.

Coopération avec la société civile

12. Tout en notant avec satisfaction que l ’ État partie coopère avec les organisations non gouvernementales dans certains domaines, le Comité, rappelant les observations finales de 2017 du Comité contre la torture (voir CAT/C/LKA/CO/5, par. 39 et 40), engage vivement l ’ État partie à veiller à ce que les défenseurs des droits de l ’ enfant puissent s ’ acquitter de leurs tâches en toute sécurité, conformément aux principes d ’ une société démocratique, à ce que tous les cas d ’ arrestation arbitraire, d ’ intimidation et de harcèlement subis par ces défenseurs fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes indépendantes et à ce que les responsables d ’ abus répondent de leurs actes.

Droits de l’enfant et entreprises

13. S ’ inquiétant des effets néfastes persistants des activités des entreprises privées, locales et étrangères, sur les enfants, notamment dans les plantations de thé et dans les secteurs du bâtiment, du textile et du tourisme, le Comité, renvoyant à son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l ’ enfant et aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l ’ homme approuvés par le Conseil des droits de l ’ homme en 2011, invite instamment l ’ État partie à :

a) Définir un cadre réglementaire précis à l ’ intention des entreprises locales et étrangères les rendant juridiquement responsables et garantissant que leurs activités n ’ aient aucun effet néfaste sur les droits de l ’ homme et n ’ aillent pas à l ’ encontre des normes environnementales et autre s normes, en particulier des normes relatives aux droits de l ’ enfant ;

b) Mener, en direction des professionnels du tourisme et du grand public, des campagnes de sensibilisation à la prévention de l ’ exploitation sexuelle des enfants dans le secteur du tourisme et des voyages, et diffuser largement la Charte éthique du voyageur et le Code mondial d ’ éthique du tourisme de l ’ Organisation mondiale du tourisme (OMT) auprès des agences de voyage et de tourisme ;

c) Renforcer la formation des forces de police concernant les méthodes d ’ enquête et les techniques informatiques de collecte de preuves permettant d ’ identifier les touristes pédophiles ou les pédophiles recourant à des forums de discussion sur Internet, et veiller à ce que ces touristes sexuels pédophiles soient traduits en justice. Le Comité exhorte en outre l ’ État partie à renforcer sa coopération internationale dans le cadre d ’ accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux visant à prévenir et éradiquer le tourisme pédophile ;

d) Exiger des entreprises qu ’ elles évaluent l ’ impact de leurs activités sur l ’ environnement, la santé et les droits de l ’ homme et qu ’ elles rendent publics les résultats de ces évaluations.

B.Définition de l’enfant (art. 1)

14. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ apporter les modifications juridiques requises pour établir une définition globale de l ’ enfant et de supprimer les incohérences relatives à l ’ âge de la majorité en faisant en sorte qu ’ il soit porté à 18 ans dans tous les textes législatifs, sans aucune dérogation possible.

15.Notant les dispositions de la loi musulmane sur le mariage et le divorce qui autorisent le mariage des filles de moins de 12 ans avec la permission d ’ un quazi(juge musulman chargé des affaires familiales), le Comité prie instamment l ’ État partie de porter sans délai l ’ âge minimum du mariage à 18 ans pour tous sans exception, notamment en modifiant à cet effet l ’ article 16 de la Constitution.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

16. Le Comité invite instamment l ’ État partie à mener des actions de sensibilisation en direction des adultes et des enfants pour déconstruire les stéréotypes selon lesquels les enfants sont inférieurs aux adultes et pour faire en sorte que les enfants soient reconnus comme des détenteurs de droits. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie :

a) De veiller à la conformité de sa législation avec l ’ article 2 de la Convention en incorporant le principe de non-discrimination dans son droit interne et de procéder à un examen approfondi de sa législation afin que la non-discrimination soit pleinement garantie dans les textes et dans les faits ;

b) D ’ adopter une stratégie globale et volontariste comprenant des action spécifiques et bien ciblées, y compris des mesures d ’ action positive, pour éliminer la discrimination à l ’ égard des enfants marginalisés ou vulnérables, notamment des filles, des enfants appartenant à des groupes ethniques, ethnoreligieux et autochtones minoritaires, des enfants victimes de discrimination fondée sur la caste, des enfants des zones rurales, des enfants réfugiés ou déplacés dans le pays, des enfants des rues, des enfants de travailleurs émigrés, des enfants placés en institution, des enfants handicapés et des enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués ;

c) De lutter contre la discrimination à l ’ égard des enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués, notamment en dépénalisant les rapports sexuels entre personnes consentantes de même sexe, d ’ interdire le harcèlement des enfants transgenres par les agents de la force publique et de traduire en justice les auteurs d ’ actes de violence, notamment de violences sexuelles sur enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués ;

d) De veiller à ce que les filles couvertes par la loi musulmane jouissent des mêmes droits que les garçons, notamment en matière de succession ;

e) De mobiliser les communautés et le grand public en s ’ efforçant systématiquement, en collaboration avec les médias , les réseaux sociaux, les communautés et les chefs religieux, de combattre et de changer les attitudes et pratiques discriminatoires à l ’ égard des enfants en général et des enfants défavorisés et marginalisés en particulier ;

f) D ’ introduire dans les programmes scolaires de tous les cycles d ’ enseignement des matières obligatoires sur la non-discrimination et l ’ égalité, d ’ adapter les ressources pédagogiques en conséquence et de former régulièrement l es enseignants dans ce domaine.

Droit à la vie, à la survie et au développement

17. Le Comité encourage l ’ État partie à continuer de renforcer ses programmes de sensibilisation au danger des mines terrestres et à poursuivre les activités de déminage ainsi que l ’ assistance et les services de rééducation offerts aux enfants victimes de mines terrestres.

Respect de l’opinion de l’enfant

18. Rappelant son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l ’ enfant à être entendu et constatant avec préoccupation l ’ insuffisance des mesures prises pour faire appliquer ce droit, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inclure dûment le droit de l ’ enfant à être entendu dans toutes les lois intéressant les enfants. La formation des professionnels concernés devrait être assurée et des actions de sensibilisation devraient être menées afin que ce droit soit systématiquement mis en œuvre dans l ’ ensemble des procédures judiciaires et administratives relatives aux enfants, ainsi que dans le milieu familial, à l ’ école et dans la communauté.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances, nom et nationalité

19. En dépit du taux élevé d ’ enregistrement des naissances dans l ’ État partie, un nombre important de naissances, au sein de certains groupes marginalisés, ne sont pas déclarées. Prenant note de la cible 16.9 des objectifs de développement durable visant à garantir une identité légale pour tous, notamment l ’ enregistrement des naissances, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts de sensibilisation sur l ’ importance de l ’ enregistrement des naissances et de simplifier la procédure en créant notamment des dispositifs mobiles d ’ enregistrement des naissances, en particulier pour les enfants qui n ’ ont pas été déclarés dans les délais.

Liberté d’association

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser la loi sur la prévention du terrorisme afin de la mettre en conformité avec les normes relatives aux droits de l ’ enfant et de s ’ abstenir de se servir de ce texte législatif pour limiter la liberté d ’ association des enfants, en particulier des enfants soupçonnés d ’ activités terroristes présumées.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Violence, y compris les châtiments corporels

21.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a donné suite à une recommandation formulée lors de l’examen périodique universel de novembre 2017 tendant à interdire les châtiments corporels dans tous les contextes, mais exprime de vives inquiétudes du fait que de nombreux enfants subissent des actes de maltraitance et de violence, notamment des châtiments corporels, et que ce type de châtiment demeure admis dans le milieu familial, les structures de protection de remplacement, les établissement pénitentiaires et les écoles.

22. Rappelant ses recommandations antérieures (voir CRC/C/LKA/CO/3-4, par. 41, et CRC/C/15/Add.207, par. 29) et renvoyant à son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et contre toute forme de châtiment cruelle ou dégradante ainsi qu ’ à son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant à la protection contre toute forme de violence, et prenant note de la cible 16.2 des objectifs de développement durable visant à mettre un terme aux abus, exploitations, traites et toutes formes de violence et torture sur les enfants, le Comité prie instamment l ’ État partie de s ’ employer à titre prioritaire à éliminer toutes les formes de vio lence à l ’ égard des enfants, et à  :

a) Interdire sans équivoque, par voie législative et sans plus tarder, les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, dans tous les contextes, abroger toutes les mesures d ’ exception liées à cette pratique et veiller à ce que la législation pertinente soit effectivement mise en œuvre et à ce que des poursuites judiciaires soient systématiquement engagées en cas de violation de la législation ;

b) Renforcer la capacité des groupes professionnels concernés, en particulier des agents de la force publique, des personnels de santé, des travailleurs sociaux et des autorités judiciaires, y compris les quazis , à traiter les cas de violence sur enfants, notamment la capacité à porter les cas d ’ enfants victimes de violence au sein de la famille devant une juridiction en vertu de la loi sur la prévention de la violence domestique ;

c) Mettre en place des programmes d ’ éducation, de sensibilisation de la population et de mobilisation sociale s ’ inscrivant dans la durée et associant les enfants, les familles, la communauté et les chefs religieux en ce qui concerne les effets néfastes des châtiments corporels en vue de faire évoluer les mentalités concernant cette pratique, associer les enfants à la conception des stratégies de prévention et promouvoir le recours à des méthodes positives, non violentes et participatives d ’ éducation et de discipline plutôt qu ’ aux châtiments corporels ;

d) Procéder à un suivi régulier de la situation des enfants dans l ’ ensemble des centres de détention, installer des « boîtes à plaintes » scellées dans les prisons, les commissariats de police et les maisons de correction pour recueillir les plaintes des enfants et permettre à ces derniers de s ’ exprimer de manière confidentielle quant à la torture ou la maltraitance subies en détention, et garantir aux membres de la Commission nationale des droits de l ’ homme un accès sans restriction aux commissariats de police et aux structures de détention ;

e) Allouer les ressources nécessaires aux actions visant à mettre en œuvre le plan d ’ action national pour la prévention des maltraitances à enfants (lancé en 2016) et veiller à ce que des mesures efficaces de suivi soient prises lorsque des cas de maltraitance sont signalés via les services d ’ assistance téléphonique spécialisés.

Exploitation sexuelle et violences sexuelles

23.Même si les efforts entrepris par l’État partie dans la lutte contre l’exploitation sexuelle et les violences sexuelles subies par les enfants méritent d’être soulignés, le Comité demeure gravement préoccupé par les faits suivants :

a)Le nombre important de cas d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles recensés, notamment dans les institutions de protection de remplacement, les établissements religieux, les communautés et les foyers, et de cas de prostitution d’enfants et d’exploitation et violences sexuelles via Internet, dont la pornographie mettant en scène des enfants, pour lesquels l’impunité est souvent la règle ;

b)L’absence de reconnaissance juridique des actes de viol commis sur des hommes et la sous-déclaration des violences sexuelles dont les jeunes garçons sont victimes, en raison de la stigmatisation associée à ces actes, de la criminalisation de l’homosexualité et du sentiment de honte éprouvé après un acte qualifié « d’émasculation » ;

c)La lenteur des procédures judiciaires, qui mène à une nouvelle victimisation des enfants concernés, et le manque d’accès aux garanties fondamentales prévues par la loi et à une procédure régulière pour les enfants victimes de violences sexuelles ;

d)Le faible taux de condamnation à la suite des violences sexuelles commises sur des enfants par des militaires du contingent sri-lankais de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).

24. Le Comité engage instamment l ’ État partie à définir une politique globale et efficace visant à prévenir l ’ exploitation sexuelle et les violences sexuelles à l ’ égard des enfants, y compris la pédopornographie, et à promouvoir la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants victimes, en prenant en considération les causes profondes qui exposent les enfants à une telle exploitation. En outre, il exhorte l ’ État partie à :

a) Renforcer la législation érigeant la pédopornographie en infraction pénale et garantir la criminalisation de cet acte en vertu de la loi sur la cybercriminalité de 2007 ;

b) Diligenter l ’ adoption de mesures visant à réviser l ’ article 363 du Code pénal pour que les violences sexuelles sur garçon mineur soient pénalement poursuivies, et engager de vastes campagnes de sensibilisation pour encourager la dénonciation des actes de viol commis sur de jeunes garçons, éliminer la stigmatisation caractérisant ces actes et garantir des mécanismes accessibles, confidentiels, efficaces et adaptés aux enfants pour dénoncer de telles violations ;

c) Organiser des programmes et campagnes d ’ éducation et de sensibilisation visant à prévenir et à combattre l ’ exploitation sexuelle et les violences sexuelles dont les enfants sont victimes, y compris la prostitution des enfants, en ciblant les parents, les enfants et les membres des communautés ;

d) Veiller à ce que les plaintes fassent l ’ objet d ’ enquêtes de manière systématique et sans délai, protéger les victimes des représailles et garantir le respect total de la confidentialité de l ’ identité des enfants victimes, notamment par le déroulement à huis clos des procès relatifs aux affaires d ’ exploitation et de violences sexuelles sur enfants, et traduire les auteurs de tels actes en justice ;

e) Traduire en justice sans tarder les membres des forces armées impliqués dans des actes d ’ exploitation sexuelle et de violence sexuelle sur enfants alors qu ’ ils étaient en service au sein de la MINUSTAH et veiller à ce que les enfants victimes obtiennent réparation.

Violence sexiste

25. Le Comité constate avec satisfaction les initiatives prises pour lutter contre la violence sexiste à laquelle les filles sont soumises, en l ’ occurrence le Plan d ’ action national contre la violence sexuelle et sexiste (2016-2020) et l ’ ouverture de guichets pour les femmes et les enfants dans certains commissariats et de guichets sur la violence sexiste dans plusieurs hôpitaux. Il demeure toutefois inquiet de la prévalence toujours élevée de la violence sexiste subie par les jeunes filles et recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer les lois réprimant la violence sexiste, d ’ ériger en infraction pénale qualifiée de viol conjugal toute relation sexuelle se déroulant sans le consentement de l ’ épouse et de rejeter toute obligation de médiation avant que l ’ affaire ait été portée devant un tribunal ;

b) Annuler les exceptions prévues à l ’ alinéa e) de l ’ article 363 sur le viol conjugal concernant la situation matrimoniale des jeunes filles de moins de 16 ans ;

c) Mener de vastes campagnes de sensibilisation, notamment en introduisant des matières obligatoires dans les programmes scolaires et en collaborant avec les communautés, les chefs religieux, les médias et les réseaux sociaux, afin de combattre la forte stigmatisation et la peur des représailles qui empêchent les jeunes filles, victimes et témoins, de dénoncer les actes de violence. Il s ’ agit également de changer les attitudes patriarcales persistantes et de combattre les stéréotypes discriminatoires qui constituent l ’ une des principales causes profondes de la violence sexuelle et sexiste et contribuent à perpétuer une culture de l ’ impunité dans ce domaine ;

d) Accroître le nombre de maisons-refuges pour les femmes et les enfants victimes de violences, en mettant un accent particulier sur les structures d ’ accueil destinées aux femmes et aux filles déplacées à l ’ intérieur du pays ;

e) Dispenser aux autorités judiciaires, aux policiers et aux autres groupes professionnels concernés des formations régulières et approfondies sur la loi relative à la prévention de la violence domestique et sur les procédures normalisées de prise en charge des victimes compte tenu des spécificités des femmes et des enfants, et veiller à ce que les auteurs de violence domestique soient traduits en justice ;

f) Faire en sorte que les victimes de violence sexiste puissent porter plainte et bénéficient de tout l ’ appui nécessaire dans toutes les langues du pays.

Pratiques préjudiciables

26. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ interdire, comme il en est question, l ’ excision, forme de mutilation génitale féminine pratiquée dans la communauté des Dawoodi Bohras, et mener des activités et campagnes de sensibilisation pour souligner la nature patriarcale de cette pratique et ses effets néfastes sur la santé ;

b) De prendre toutes les mesures voulues pour éliminer la pratique du mariage des mineurs de moins de 18 ans, vu la fréquence élevée des mariages d ’ enfants, notamment au sein de la communauté des Veddas .

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

27. Le Comité, à la lumière de son observation générale n o 22 (2017) sur les principes généraux relatifs aux droits de l ’ homme des enfants dans le contexte des migrations internationales , publiée conjointement avec le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille , et compte tenu du nombre relativement élevé de parents qui partent travailler à l ’ étranger et laissent leurs enfants derrière eux , recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour apporter une aide adéquate et offrir des possibilités de travail dans l ’ État partie aux familles démunies et marginalisées ;

b) De mettre en place des possibilités d ’ accueil appropriées pour les enfants dont les parents décident de migrer pour chercher du travail afin d ’ éviter leur placement en institution, et de prendre des mesures pour aider ces enfants, qui se trouvent souvent dans des situations extrêmement précaires  ;

c) De prendre des mesures pour inciter les parents au retour et de conclure des accords diplomatiques avec les pays de destination pour garantir leur droit de quitter librement leur emploi et de retrouver leurs enfants .

Enfants privés de milieu familial

28. Appelant l ’ attention de l ’ État partie sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, le Comité souligne que la pauvreté matérielle et financière ne devrait jamais être la seule justification pour retirer un enfant à la garde de ses parents, pour admettre un enfant au bénéfice d ’ une protection de remplacement ou pour empêcher la réinsertion sociale d ’ un enfant , e t il recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que les familles qui vivent dans le dénuement le plus complet bénéficient d ’ une aide leur permettan t de s ’ occuper de leurs enfants  ;

b) De soutenir et faciliter la prise en charge des enfants dans leur famille d ’ origine, y compris dans les familles monoparentales , d ’ instaurer un système de placement en famille d ’ accueil pour les enfants qui ne peuvent pas être maintenus dans leur famille, afin de réduire le taux élevé de placement des enfants en institution, et d ’ instituer des mécanismes visant à encourager et faciliter la réintégratio n des enfants dans leur famille  ;

c) De prévoir des garanties suffisantes et de définir des critères précis, fondés sur les besoins et l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, pour décider si l ’ enfant doit être placé dans une structure de protection de remplacement, et de renforcer le suivi périodique des placements dans les structures de protection de remplacement ;

d) De faire appliquer l ’ obligation d ’ enregistrement des établissements pour enfants , en particulier dans le nord et l ’ est du pays ; d ’ ériger en infraction le fait d ’ administrer un établissement pour enfan ts sans avoir obtenu d ’ agrément  ; d ’ établir un ensemble uniforme de normes applicables aux institutions publiques et privées et aux foyers associatifs ; d ’ améliorer les conditions de vie dans ces établissements  ; de contrôler la qualité des services qui y sont fournis au moyen de visites inopinées pendant lesquelles les enfants sont entendus en l ’ absence des membres du personnel ; de mettre en place des mécanismes accessibles permettant de signaler les mauvais traitements, les violences sexuelles et l ’ exploitation des enfants ; et de veiller à ce que les auteurs de tels a ctes soient traduits en justice  ;

e) De veiller à ce que les enfants ayant besoin d ’ être pris en charge ne soient en aucun cas placés avec des enfants en conflit avec la loi ;

f) De veiller à ce que les enfants placés en institution aient accès à une éducation et à des services de santé de qualité.

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

29. Se référant à son observation générale n o 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Co mité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme et de se doter d ’ une stratégie globale pour la prise en compte des enfants handicapés dans l ’ ensemble des politiques et programmes publics ;

b) De mener des campagnes de sensibilisation ciblant les agents de l ’ État, la population et les familles en vue de combattre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés, de promouvoir une image positive de ces enfants et de faire en sorte qu ’ ils soient présentés non pas comme des bénéficiaires de la charité mais comme des titulaires de droits  ;

c) De recueillir des données ventilées sur les enfants handicapés de tous âges et d ’ améliorer les services d ’ interventi on précoce  ;

d) De garantir le droit à l ’ éducation de tous les enfants handicapés et de promouvoir et renforcer l ’ éducation inclusive .

Santé et services de santé

30. Le Comité prend note avec satisfaction de la disposition relative à la fourniture de soins de santé gratuits à tous les citoyens mais, à la lumière de son observation générale n o 15 (2013) relative au droit de l ’ enfant de jouir du meilleur état de santé possible , il recommande à l ’ État partie  :

a) De remédier aux disparités régionales en matière de soins de santé, d ’ accroître les effectifs du personnel sanitaire , en particulier dans les zones rurales et reculées, et de former des spécialistes dans les domaines où ils sont trop peu nombreux, surtout dans les services de santé mentale, sexuelle et procréative ;

b) De faire baisser le niveau élevé des frais de santé supplémentaires et le coût élevé des médicaments et des soins de santé privés , de sorte que chaque enfant ait accès dans des conditions d ’ égalité à des soins de santé de qualité dans des établissements publics.

Santé mentale

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir le suicide chez les adolescents, notamment en augmentant l ’ offre de services de soutien psychologique et le nombre de travailleurs sociaux , et en veillant à ce que les professionnels travaillant avec des enfants soient formés au dépistage et à la prise en charge des problèmes de santé mentale et des tendances suicidaires, et de mener des campagnes de sensibilisation à cette question .

Santé des adolescents

32. Compte tenu de son observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l ’ adolescent dans le contexte de la Convention, le Co mité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que des cours d ’ éducation à la santé sexuelle et procréative, adaptés à l ’ âge des enfants concernés , soient obligatoirement intégrés dans les programmes scolaires , en mettant l ’ accent sur la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles ;

b) De garantir la possibilité pour les adolescentes de procéder à une interruption de grossesse de manière confidentielle et sûre, sans subir de stigmatisation, et de faire en sorte qu ’ elles aient accès aux soins après avortement en veillant à ce que leur opinion soit toujours entendue e t dûment prise en considération  ;

c) D ’ encourager la parentalité et les pratiques sexuelles responsables en mettant l ’ accent en particulier sur les garçons.

Consommation de drogues et d’autres substances

33. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître ses efforts pour faire baisser les taux relativement élevés de consommation de tabac et d ’ alcool chez les adolescents , notamment en interdisant strictement la publicité et la vente de toutes les formes de ces substances aux enfants et en sensi bilisant les écoles à cet égard  ;

b) De communiquer aux enfants des informations précises et objectives et de leur inculquer des compétences pratiques en ce qui concerne la prévention de la toxicomanie , en collaboration avec les médias et les ré seaux sociaux  ;

c) De former les enseignants à la lutte contre la revente de drogues dans les écoles et à la détection de cette activité  ;

d) De mettre en place des services de traitement de la toxicomanie et de réduction des risques qui soient accessibles et adaptés aux jeunes , en particulier dans le nord et l ’ est du pays, et de procéder aux modifications législatives nécessaires pour faire en sorte que les enfants ne soient pas placés en détention pour usage de drogues.

Nutrition

34. Compte tenu de la cible 2.2 des objectifs de développement durable, qui est de mettre fin à toutes les formes de malnutrition, le Comité recommande à l ’ État partie de lutter efficacement contre la malnutrition, en particulier pour ce qui concerne le retard de croissance, l ’ émaciation, l ’ insuffisance pondérale et l ’ anémie, et de mettre en œuvre des programmes de sensibilisation aux bonnes pratiques en matière d ’ alimentation des nourrissons et des jeunes enfants.

Hygiène de l’environnement

35. Le Comité prie instamment l ’ État partie de réduire sensiblement l ’ utilisation, très répandue dans le pays, de produits agrochimiques car ces produits sont nocifs pour la santé des enfants, et de mettre en place un mécanisme efficace de contrôle à cet égard.

Incidence des changements climatiques sur les droits de l’enfant

36. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur la cible 13.b des objectifs de développement durable qui consiste à promouvoir des mécanismes de renforcement des capacités pour trouver des moyens efficaces de planification et de gestion permettant de faire face aux changements climatiques, et lui recommande de sensibiliser et préparer davantage les enfants aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles en introduisant cette question dans les programmes scolaires et dans la formation des enseignants .

Niveau de vie

37. Tout en se félicitant de la réduction générale des taux de pauvreté, le Comité, prenant note de la cible 1.3 des objectifs du développement durable concernant la mise en place de systèmes et de mesures de protection sociale pour tous, adaptés au contexte national , recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour lutter contre les taux élevés de pauvreté et les inégalités. À cet égard, l ’ État partie devrait :

a) Renforcer les mesures axées sur les enfants, en accordant une attention particulière aux groupes les plus défavorisés, notamment les enfants et familles qui vivent en milieu rural, les enfants qui travaillent et les enfants de ménage monoparental  ;

b) Mettre particulièrement l ’ accent sur l ’ appui aux femmes chefs de fam ille et sur leur autonomisation  ;

c) Adopter un cadre juridique approprié assurant une protection contre les expulsions forcées.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Droit à l’éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

38. Tout en prenant note avec satisfaction de la scolarisation quasi universelle des filles et des garçons dans l ’ enseignement primaire et du relèvement de 14 à 16 ans de l ’ âge jusqu ’ auquel les enfants doivent rester scolarisés , le Comité, se référant à son observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l ’ éducation , recommande à l ’ État partie :

a) De remédier, en allouant à cette action des crédits budgétaires suffisants, aux disparités régionales en matière d ’ infrastructures scolaires et de qualité de l ’ enseignement, notamment en faisant en sorte qu ’ un personnel scolaire qualifié puisse être mis en service, en dispensant un enseignement de qualité dans toutes les langues, en harmonisant les contenus des programmes scolaires et en améliorant les installations techniques et les infrastructures ;

b) De protéger les enfants, en particulier les filles, contre le harcèlement, les mauvais traitements et la violence à l ’ école et sur le chemin de l ’ école, et de combattre les stéréotypes sexistes discriminatoires dans les programmes d ’ enseignement  ;

c) De veiller à ce que les filles enceintes et les mères adolescentes ne soient en aucun cas contraintes d ’ abandonner l ’ école et bénéficient de l ’ accompagnement nécessaire pour poursuivre leurs études dans des écoles d ’ enseignement général  ;

d) De remédier au taux élevé d ’ abandon scolaire dans les zones rurales et aux absences de longue durée, notamment en mettant en service des systèmes de transport adéquats, et de mettre en place et promouvoir des programmes de formation professionnelle de qualité pour renforcer les compétences des enfants , en particulier de ceux qui abandonnent l ’ école et d es enfants des rues ;

e) De redoubler d ’ efforts pour éliminer tous les coûts cachés de la scolarité, en particulier la pratique consistant à verser des dons pour l ’ inscription d ’ un élève, qui constituent de facto des pots-de-vin  ;

f) De mettre en place des programmes de réinsertion scolaire pour les enfants ayant été soumis à un mariage précoce.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants déplacés à l’intérieur du pays

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts en vue de trouver des solutions durables pour les enfants déplacés à l ’ intérieur du pays et leur famille. En particulier, il lui recommande :

a) De s ’ attaquer à tous les facteurs qui font obstacle au retour ou à la réinstallation des enfants déplacés et de leur famille ;

b) D ’ indemniser et d ’ aider les familles déplacées à l ’ intérieur du pays et de veiller à ce que leurs besoins en matière d ’ infrastructures de base soient satisfaits lors de leur réinstallation, notamment l ’ accès aux écoles et aux hôpitaux ;

c) De faire en sorte que les personnes déplacées et leur famille vivant dans des camps aient accès à des systèmes adéquats d ’ approvisionnement en eau salubre et d ’ assainissement, à l ’ électricité, à des écoles et à des services de santé ;

d) De veiller à ce que les enfants musulmans déplacés à l ’ intérieur du pays et leur famille originaires de la province du Nord soient pleinement pris en compte dans les initiatives de retour ou de réinstallation.

Enfants appartenant à une minorité ou à un groupe autochtone

40. Le Comité engage instamment l ’ État partie à renforcer considérablement les mesures de lutte contre la discrimination à l ’ égard des enfants appartenant à des groupes ethniques, ethnoreligieux et autochtones minoritaires, ainsi qu ’ à :

a) Veiller à ce que les droits, les traditions et les terres des enfants faisant partie des groupes autochtones Veddas et de leur famille soient préservés, et remé dier à la marginalisation socio économique et à la discrimination dont ils sont victimes ;

b) Adopter une législation, des stratégies et des mesures de sensibilisation pour lutter contre la discrimination fondée sur la caste , allouer des ressources suffisantes pour leur mise en œuvre, et former le corps judiciaire et les membres des forces de l ’ ordre en conséquence  ;

c) Intensifier les efforts visant à prévenir les discours de haine, les incitations à la violence et les attaques violentes , notamment les émeutes, visant des groupes ethniques, ethnoreligieux ou autochtones minoritaires .

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

41.Tout en prenant note des efforts entrepris par l’État partie pour éliminer le travail des enfants, tels que la mise en œuvre de la politique nationale sur l’élimination du travail des enfants, le Comité constate avec une profonde préoccupation qu’un nombre considérable d’enfants sont économiquement actifs, notamment comme vendeurs de rue, domestiques et travailleurs dans l’agriculture, les mines, le bâtiment, les industries manufacturières, les transports et la pêche, et que des enfants seraient victimes de la traite à des fins de travail domestique forcé.

42. Le Comité engage instamment l ’ État partie à :

a) Renforcer encore et faire appliquer la législation en vigueur, en vue de garantir que toutes les formes de travail dangereuses ou abusives soient interdites aux enfants de moins de 18 ans, et adopter des mesures spécifiques pour remédier à la situation des enfants qui travaillent comme domestiques ;

b) Doter l ’ inspection du travail d ’ une section puissante chargée de suivre les affaires de travail d ’ enfants ;

c) Redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que les auteurs de l ’ exploitation du travail des enfants et de la traite des enfants à des fins d ’ exploitation par le travail soient traduits en justice.

Enfants des rues

43. Conformément à son observation générale n o 21 (2017) sur les enfants des rues , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ évaluer le nombre d ’ enfants des rues et d ’ étudier les c auses profondes de ce phénomène  ;

b) D ’ accroître ses efforts dans ce domaine et d ’ élaborer, de financer de manière adéquate et de mettre en œuvre une stratégie consacrée spécifiquement aux enfants des rues qui complète les stratégies déjà prévues dans le Plan national d ’ action pour l ’ enfance (2016-2020) et respecte les opinions, l ’ autonomie et la diversité de c es enfants  ;

c) De veiller à ce que les enfants des rues ne soient en aucun cas placés en détention pour le simple fait de se trouver dans la rue, à ce qu ’ il ne soit recouru au placement en institution qu ’ en dernier ressort, lorsque la réinsertion dans la famille ou dans une famille d ’ accueil n ’ est pas possible, et à ce que, lors de la mise en œuvre des mesures de réinsertion, l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit pleinement respecté et que son opinion soit dûment prise en considération, en fonction de son âge et de sa maturité.

Vente, traite et enlèvement

44. Tout en prenant note avec satisfaction du Plan stratégique 2015-2019 visant à surveiller et à combattre la traite des personnes , le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer la législation réprimant la traite et d ’ imposer des sanctions appropriées pour la traite des enfants ;

b) D ’ accroître les ressources allouées aux enquêtes sur les affaires de traite d ’ enfants et de veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice ;

c) De coopérer avec les pays voisins et les ONG pour mettre en place des mécanismes de prévention et de sensibilisation ;

d) De consacrer davantage de ressources au soutien à la réadaptation physique et psychologique de tous les enfants victimes de vente ou de traite.

Administration de la justice pour mineurs

45.Le Comité prend note avec une vive préoccupation des éléments ci-après :

a)L’âge actuel de la responsabilité pénale, fixé à 8 ans, est extrêmement bas ;

b)Les enfants de plus de 16 ans restent exclus de la protection prévue par l’Ordonnance relative aux enfants et aux jeunes ;

c)La durée de la détention provisoire des enfants est très longue et les enfants détenus sous ce régime sont souvent maltraités par la police et n’ont pas accès à l’éducation ;

d)Le nombre de tribunaux pour mineurs est particulièrement peu élevé et, malgré la formation dispensée au personnel concerné, les approches adaptées aux besoins des enfants ne sont pas appliquées dans les tribunaux et l’on constate un manque général de compréhension des conséquences et des exigences d’un système spécialisé de justice pour mineurs ;

e)La législation nationale ne garantit pas aux enfants le droit d’être représentés par un avocat ;

f)Il n’existe pas de mesures de substitution à la détention ;

g)Les enfants ne sont pas séparés des adultes à tous les stades de la procédure judiciaire ;

h)Les données sur les enfants en conflit avec la loi sont peu nombreuses.

46. Compte tenu de son observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs, le Comité prie instamment l ’ État partie de mettre son système de justice pour mineurs en parfaite conformité avec la Convention et les autres normes applicables. Il l ’ engage en particulier à  :

a) Relever dans les plus brefs délais l ’ âge de la responsabilité pénale à un niveau acceptable au regard des normes internationales et accorder à l ’ enfant le bénéfice du doute lorsque des sanctions sont prévues et que la preuve de son âge n ’ est pas établie de manière certaine ;

b) Prendre sans attendre des mesures en vue d ’ adopter et de faire appliquer le projet de loi sur la protection judiciaire des enfants , qui s ’ appliquera à tous les enfants âgés de moins de 18 ans ;

c) Adopter une politique globale de justice pour mineurs fondée sur les pratiques réparatrices et dictée par le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soi t une considération primordiale  ;

d) Créer rapidement des infrastructures et des procédures judiciaires spécialisées pour les mineurs dotées de ressources humaines, financières et techniques suffisantes, et nommer des juges spécialisés pour les enfants en veillant à leur donner une formation appropriée  ;

e) Faire en sorte qu ’ une aide juridictionnelle soit fournie par des juristes qualifiés et indépendants , gratuitement selon que de besoin, aux enfants en conflit avec la loi dès le début de la procédure et tout au long de celle-ci ;

f) Favoriser, dans les cas d ’ enfants accusés d ’ infractions pénales, l ’ adoption de mesures non judiciaires telles que la déjudiciarisation, la médiation et l ’ accompagnement psychologique, et dans la mesure du possible, en cas de condamnation, recourir à des mesures de substitution telles que la probation ou les travaux d ’ intérêt général ;

g) Veiller à ce que la détention, y compris la détention avant jugement, soit une mesure de dernier recours prise pour la période la plus brève possible, et soit régulièrement examinée en vue d ’ une éventuelle levée, et veiller à ce qu ’ il ne soit pas recouru à la détention pour des infractions mineures ;

h) Dans les cas où la détention est inévitable , et lors du transfèrement à destination ou au retour du tribunal, veiller à ce que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes et à ce que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales , notamment en ce qui concerne les services d ’ éducation et de santé ;

i) Fournir dans son prochain rapport périodique des données relatives aux enfants en conflit avec la loi .

Réconciliation, vérité et justice

47.Tout en se félicitant de l’engagement pris par l’État partie lors du récent Examen périodique universel de s’acquitter de ses obligations au titre de la résolution 30/1 du Conseil des droits de l’homme, intitulée « Favoriser la réconciliation et l’établissement des responsabilités et promouvoir les droits de l’homme à Sri Lanka », le Comité est préoccupé par la lenteur des progrès accomplis dans la mise en application de ces obligations. En particulier, il relève avec préoccupation les éléments ci-après :

a)Le nombre d’enfants disparus ou de personnes qui étaient des enfants pendant le conflit et qui ont disparu demeure élevé, notamment des enfants qui se sont rendus et qui ont été envoyés dans des centres de réadaptation, et le Bureau des personnes disparues, créé en 2016, n’est toujours pas opérationnel ;

b)De nombreuses personnes qui ont recruté et utilisé des enfants pendant le conflit armé continuent de jouir de l’impunité, et des chefs paramilitaires qui seraient responsables de meurtres, d’enlèvements et de recrutements généralisés d’enfants soldats continuent d’exercer des fonctions publiques.

48. Le Comité engage instamment l ’ État partie à s ’ acquitter effectivement et sans délai de ses obligations découlant de la résolution 30/1 du Conseil des droits de l ’ homme, tout en veillant à ce que les enfants et les personnes qui étaient des enfants au moment du conflit armé aient voix au chapitre dans les processus de réconciliation nationale et de justice transitionnelle et bénéficient d ’ une assistance en tant que victimes, témoins ou plaignants. En particulier, il exhorte l ’ État partie à :

a) Accroître ses efforts visant à rendre opérationnel le Bureau des personnes disparues et à faire en sorte qu ’ il soit pleinement indépendant et s ’ attache en particulier à traiter les cas de personnes disparues alors qu ’ elles étaient enfants pendant le conflit armé et qui sont toujours portées disparues ;

b) Veiller à ce que toutes les personnes responsables du recrutement et de l ’ utilisation d ’ enfants pendant le conflit armé soient traduites en justice.

Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité portant sur l’application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

49. Le Comité rappelle sa précédente recommandation (voir CRC/C/OPAC/LKA/ CO/1, par. 39) et prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ envisager d ’ officialiser sa volonté de ne pas poursuivre en justice les enfants impliqués dans le conflit armé ou les personnes qui, alors qu ’ elles étaient enfants, ont été impliquées dans ce conflit  ;

b) D ’ apporter un soutien psychologique aux anciens enfants soldats pour les aider à faire face aux traumatismes et autres problèmes de santé mentale, ainsi qu ’ aux enfants qui ont été déplacés à l ’ intérieur du pays et/ou privés de milieu familial en raison de violences et/ou de disparitions forcées ;

c) De veiller à ce que toutes les écoles actuellement gérées par l ’ armée soient à nouveau placées sous le contrôle du Ministère de l ’ éducation ;

d) De veiller à ce que la formation des cadets de l ’ armée nationale ne comprenne pas de service actif ;

e) D ’ envisager d ’ adhérer aux protocoles additionnels aux Conventions de Genève, et au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

J.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

50. Le Comité recommande à l ’ État partie, afin de mieux assurer la réalisation des droits de l ’ enfant, de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

51. Le Comité recommande à l ’ État partie, afin de mieux assurer la réalisation des droits de l ’ enfant, d ’ envisager de ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l ’ homme ci-après auxquels il n ’ est pas encore partie :

a) Le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort ;

b) Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits éc onomiques, sociaux et culturels  ;

c) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées .

IV.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il recommande également que le rapport valant cinquième et sixième rapports périodiques, les réponses écrites de l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

53. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un mécanisme national d ’ établissement des rapports et de suivi, en tant qu ’ organisme permanent de l ’ État, qui soit chargé de coordonner et d ’ élaborer les rapports devant être présentés aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l ’ homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l ’ exécution des obligations conventionnelles et la mise en œuvre des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes. Le Comité souligne que cette structure devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement les institutions nationales des droits de l ’ homme et la société civile.

C.Prochain rapport

54. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son septième rapport périodique le 10 août 2023 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l ’ instrument adoptées le 31  janvier 2014 (CRC/C/ 58/Rev.3) et ne pas dépasser 21  200 mots (voir la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, par.  16). Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d ’ examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

55. Le Comité invite en outre l ’ État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports à présenter en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque ins trument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap.  I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale .