Nations Unies

CCPR/C/IRL/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

26 janvier 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Irlande *

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l’Irlande à ses 3886e et 3887e séances, les 4 et 5 juillet 2022. À sa 3911e séance, le 22 juillet 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du cinquième rapport périodique de l’Irlande ainsi que les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives ci-après :

a)La loi de 2021 sur l’information relative aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ;

b)La loi de 2020 sur le harcèlement, les communications préjudiciables et les infractions connexes ;

c)La loi de 2018 sur la santé (réglementation de l’interruption de grossesse);

d)La loi de 2018 sur la justice pénale (infractions de corruption) ;

e)La loi de 2018 sur le trente-septième amendement de la Constitution (abrogation du délit de publication ou expression de propos blasphématoires) ;

f)La loi de 2017 portant modification de la loi sur l’adoption ;

g)La loi de 2015 sur le mariage;

h)La loi de 2015 sur les enfants et les relations familiales.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 20mars 2018;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 24 septembre 2014.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

5.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant la mise en œuvre au niveau national des obligations internationales de l’État partie, notamment par l’application directe de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), mais regrette que, malgré ses précédentes recommandations, l’État partie n’ait pas pris de mesures pour transposer le Pacte dans l’ordre juridique interne et n’ait pas l’intention de le faire. À cet égard, il rappelle qu’un certain nombre de droits consacrés par le Pacte vont au-delà de ce que prévoient les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme (art.2).

6. Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour que tous les droits protégés par le Pacte soient pleinement opposables dans son ordre juridique interne, en faisant en sorte que le Pacte soit directement invoqué devant les tribunaux nationaux et directement appliqué par ceux-ci.

Réserves

7.Le Comité salue l’information fournie par l’État partie selon laquelle il envisage de retirer partiellement sa réserve à l’article 10 (par. 2), mais se dit à nouveau préoccupé par le fait que l’État partie maintienne ses réserves aux articles 10 (par. 2) et 20 (par. 1) du Pacte (art.2).

8. Rappelant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l’État partie d’examiner de plus près la possibilité de prendre des mesures concrètes pour retirer ses réserves aux articles 10 (par. 2) et 20 (par. 1) du Pacte.

Mesures de lutte contre la corruption

9.Le Comité salue les différentes mesures de lutte contre la corruption prises par l’État partie, notamment l’adoption de la loi de 2021 sur la procédure pénale et de la loi de 2018 sur la justice pénale (infractions de corruption). Il prend note du fait que l’État partie déclare entreprendre un examen de la déontologie dans la fonction publique, sachant que le projet de loi sur les normes applicables au secteur public est devenu caduc. Néanmoins, il est préoccupé par le faible nombre de recommandations figurant dans l’examen des structures et stratégies de prévention, d’enquêtes et de répression en matière de criminalité économique et de corruption (Review of Structures and Strategies to Prevent, Investigate and Penalise Economic Crime and Corruption, dit « examen de Hamilton ») qui ont été pleinement appliquées, ainsi que par le manque possible d’indépendance de l’unité anticorruption d’An Garda Síochána (ou la « Garda »), créée pour prévenir et repérer la corruption et la criminalité parmi le personnel de la Garda et enquêter sur de tels faits. En outre, le Comité s’inquiète de l’insuffisance des mesures de protection des lanceurs d’alerte et regrette qu’aucune donnée n’ait été fournie concernant le nombre de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées dans des affaires de corruption (art.2 et 25).

10. L’État partie devrait poursuivre ses efforts, notamment dans le cadre de la coopération internationale et par l’adoption et l’application effectives de textes législatifs, par exemple en envisageant de soumettre à nouveau le projet de loi sur les normes applicables au secteur public, et de mesures préventives pour lutter contre la corruption et promouvoir la bonne gouvernance, la transparence et la responsabilité. Il devrait aussi s’efforcer de faire pleinement, effectivement et rapidement appliquer les recommandations figurant dans l’examen de Hamilton, et agir pour renforcer l’indépendance fonctionnelle et structurelle et la spécialisation des services de police et des procureurs chargés des affaires de corruption, afin que des enquêtes puissent être menées dans les affaires complexes de corruption à un niveau élevé de l’administration et dans d’autres affaires pénales. En outre, il devrait faire en sorte de protéger efficacement les lanceurs d’alerte, y compris en promulguant rapidement le projet de loi de 2022 portant modification de la loi sur les divulgations protégées, et de rendre les enquêtes, poursuites et déclarations de culpabilité pour corruption plus efficaces.

Établissement des responsabilités pour les violations des droits de l’homme commises par le passé

11.Le Comité se félicite que l’État partie s’efforce de remédier aux violations des droits humains et aux sévices dont ont été victimes par le passé des femmes et des enfants dans les blanchisseries de la Madeleine (Magdalene Laundries), des institutions pour enfants et des foyers pour mères et nourrissons, et de rendre hommage aux victimes ; il se félicite aussi que l’État partie ait admis ses défaillances antérieures, mais il rappelle ses précédentes préoccupations concernant le climat d’impunité et est préoccupé par les éléments suivants : a) les questions relatives aux droits de l’homme et à l’égalité sont exclues du mandat de la Commission d’enquête sur les foyers pour mères et nourrissons, et la Commission n’aurait pas mené d’enquête approfondie et efficace sur toutes les allégations de sévices, de mauvais traitements ou de négligence, en tenant compte du vécu de toutes les personnes survivantes ; b) An Garda Síochána a mené peu d’enquêtes et aucune poursuite n’a été engagée pour les violations commises dans ces institutions ; c) les victimes n’ont pas eu accès à tous les moyens de recours utiles et ont même été contraintes, pour obtenir une indemnisation, de renoncer par écrit à tout autre recours en justice contre des institutions de l’État et des acteurs non-étatiques (art. 2, 6, 7 et 14).

12. L’État partie devrait :

a) Reconnaître pleinement les violations des droits de l’homme subies par toutes les victimes dans ces institutions, et établir un mécanisme de justice transitionnelle pour lutter contre l’impunité et garantir à toutes les victimes le droit à la vérité ;

b) Redoubler d’efforts pour favoriser l’accès des victimes à des mécanismes de plainte et leur fournir les informations nécessaires afin d’enquêter de manière approfondie sur toutes les allégations de sévices en adoptant une approche fondée sur les droits de l’homme, centrée sur les survivant(e)s et tenant compte des traumatismes, de poursuivre les auteurs présumés s’il y a lieu et, s’ils sont reconnus coupables, de leur infliger des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes ;

c) Garantir l’accès de toutes les victimes à tous les recours utiles, en supprimant tous les obstacles à cet accès, notamment, le niveau trop élevé de preuve requis, les délais trop courts pour demander à bénéficier du régime de réparation, le caractère discrétionnaire de ce régime et l’obligation faite aux victimes, pour obtenir une indemnisation, de signer une lettre dans laquelle elles renoncent à tout autre recours en justice contre des institutions de l’État et des acteurs non-étatiques.

13.Le Comité note avec satisfaction que trois rapports indépendants ont été publiés sur la pratique de la symphyséotomie qui a eu cours dans l’État partie et que celui-ci a pris des mesures en faveur des survivantes, notamment l’adoption du plan d’indemnisation destiné aux femmes ayant subi une symphyséotomie et la prestation gratuite et continue de services médicaux. Toutefois, le Comité se dit à nouveau préoccupé par le fait que l’État partie : a) n’a pas déterminé clairement les raisons pour lesquelles cette opération avait été délibérément et systématiquement pratiquée sur des femmes sans qu’elles en soient informées au préalable ou aient donné leur consentement en toute connaissance de cause ; b) n’a pas reconnu les sévices dont avaient été victimes des femmes et des enfants placés en institution et qui sont à l’origine de douleurs et de handicaps à vie chez les survivant(e)s ; c) n’a pas identifié, poursuivi et sanctionné, chaque fois que cela était encore possible, ceux qui avaient pratiqué une symphyséotomie sans le consentement de la patiente ; d) n’a pas offert à toutes les personnes ayant survécu à l’opération la possibilité d’obtenir réparation et de bénéficier d’un soutien (art. 2, 6, 7 et 14).

14. L’État partie devrait : a) mener une enquête pénale rapide, indépendante et approfondie sur les conséquences de la symphyséotomie, et poursuivre et punir ceux qui ont pratiqué cette opération ; b) veiller à ce que toutes les femmes et les familles touchées par la symphyséotomie reçoivent une réparation adéquate, y compris en supprimant les obstacles à l’accès au plan d’indemnisation destiné aux femmes ayant subi une symphyséotomie.

Non-discrimination, discours de haine et infractions motivées par la haine

15.Le Comité se félicite des diverses mesures législatives et générales que l’État partie a prises pour combattre la discrimination et de la création du Comité indépendant de lutte contre le racisme en 2020, mais il reste préoccupé par : a) la discrimination dont continuent d’être victimes les femmes, les personnes d’ascendance africaine, les gens du voyage et la communauté rom, les personnes handicapées et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, en particulier dans les domaines de l’éducation, des soins de santé et de l’emploi ; b) la discrimination systémique et le profilage racial dont font particulièrement l’objet les gens du voyage et les Roms ainsi que les personnes d’ascendance africaine ; c) les lacunes dans la collecte de données complètes, dont l’absence de facteurs d’identification ethnique, en lien avec les activités menées et les mesures prises par les forces de l’ordre, les enquêtes ouvertes, les procédures engagées et les sanctions prononcées dans les affaires de discrimination et d’infractions motivées par la haine (art. 2, 7, 18, 20 et 26).

16. L’État partie devrait :

a) Continuer à suivre et à évaluer les mesures législatives et générales relatives au racisme et à la non-discrimination, en garantissant la mise en œuvre rapide et complète des stratégies nationales actualisées et du plan d’action national contre le racisme ;

b) Élaborer et mettre en place un système de suivi des questions d’égalité ethnique, pleinement conforme aux normes internationales, dans tous les services de l’État et organismes publics concernés ;

c) Assurer la formation des agents des forces de l’ordre afin de les sensibiliser à la nécessité d’éviter le profilage racial, et contrôler l’efficacité des activités de formation en mettant en place un mécanisme de collecte de données sur l’usage que les agents des forces de l’ordre font de leurs pouvoirs d’interpellation et de fouille ;

d) Redoubler d’efforts pour que toutes les victimes aient accès à des informations sur les procédures de plainte et les recours disponibles en cas de discrimination dans le cadre des activités de maintien de l’ordre.

17.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les infractions motivées par la haine et les actes discriminatoires seraient en augmentation, notamment dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). Il prend note des efforts que l’État partie a déployés pour examiner et publier le dispositif général du projet de loi de 2021 sur la justice pénale (infractions motivées par la haine), mais il reste préoccupé par les informations selon lesquelles le projet de loi pourrait ne pas être conforme aux normes internationales, notamment en ce qui concerne, entre autres, les définitions proposées de la « haine » et de l’« incitation », ainsi que le champ des exceptions. En outre, le Comité regrette les informations selon lesquelles certaines communautés, parmi lesquelles les personnes handicapées et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, n’ont pas été consultées (art. 2, 19, 20 et 26).

18.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour combattre les discours de haine et l’incitation à la discrimination ou à la violence fondés, entre autres, sur la race, l’appartenance ethnique, la religion ou l’orientation sexuelle et l’identité de genre, conformément aux articles 19 et 20 du Pacte et à l’observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Il devrait notamment :

a) Procéder à l’adoption en temps utile du projet de loi de 2022 sur la justice pénale (incitation à la violence ou à la haine et infractions motivées par la haine) en veillant à ce que ses dispositions et exceptions soient compatibles avec le Pacte  ;

b) Améliorer la collecte de données pertinentes et prendre des mesures efficaces pour prévenir et sanctionner les discours de haine en ligne et hors ligne ;

c) Renforcer ses activités de sensibilisation visant à promouvoir le respect des droits de l’homme et la tolérance envers la diversité, en éliminant les préjugés stéréotypés fondés sur la race, l’appartenance ethnique, la religion ou l’orientation sexuelle et l’identité de genre ;

d) Encourager le signalement des infractions motivées par la haine, et veiller à ce que ces infractions donnent lieu à des enquêtes approfondies, à ce que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés, et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles ;

e) Dispenser des formations appropriées au personnel des autorités centrales et locales, aux membres des forces de l’ordre, aux juges et aux procureurs, sur la répression des discours de haine et des infractions motivées par la haine, et aux professionnels des médias, sur la promotion de l’acceptation de la diversité.

Orientation sexuelle, identité de genre et personnes intersexes

19.Le Comité est préoccupé par la stigmatisation sociale et la discrimination dont des personnes sont victimes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Il prend note des informations fournies concernant l’examen en cours des pratiques de conversion, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles des thérapies de conversion seraient toujours pratiquées. Il constate également avec préoccupation que des interventions médicales irréversibles et invasives continuent d’être pratiquées sur des enfants intersexes. Il note avec inquiétude que ces interventions sont souvent fondées sur une vision stéréotypée des rôles dévolus à chaque sexe et pratiquées avant que les enfants soient en âge de donner librement leur plein consentement, en toute connaissance de cause (art. 3, 7, 9, 17, 24 et 26).

20. L’État partie devrait :

a)Envisager de prendre les mesures nécessaires pour interdire la pratique des thérapies dites « de conversion » infligées aux personnes lesbiennes, bisexuelles et transgenres ;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires pour que toutes les interventions visant à attribuer un sexe à des enfants intersexes sans leur consentement libre et éclairé soient expressément interdites, sauf dans les cas où ces interventions sont absolument nécessaires pour des raisons médicales et où l’intérêt supérieur de l’enfant a été dûment pris en compte.

Égalité des sexes

21.Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés en matière d’égalité des sexes, notamment la mise en place de la Stratégie nationale pour les femmes et les filles 2017-2020, et prend note des différentes mesures prises pour promouvoir l’égalité des sexes et combattre les stéréotypes liés au genre parmi les représentants politiques aux niveaux national et local, dans le secteur privé et dans la société, comme la création de l’Assemblée citoyenne pour l’égalité des sexes en 2019, mais il reste préoccupé par le fait que les femmes, en particulier celles de groupes vulnérables, continuent d’être faiblement représentées dans les secteurs public et privé, notamment aux élections générales et locales et à la direction des entreprises du secteur privé. Le Comité est également préoccupé par la lenteur des progrès et l’absence de calendrier précis concernant la modification du texte de la Constitution (art. 40 et 41) sur le rôle des femmes au foyer et dans la vie familiale (art. 2, 3 et 26).

22. L’État partie devrait :

a)Continuer de s’employer à accroître la participation des femmes aux élections générales et locales, ainsi que dans les secteurs public et privé, notamment aux postes les plus élevés, y compris la participation de femmes qui représentent des groupes vulnérables ;

b) Prendre des mesures efficaces pour mettre pleinement en œuvre la loi de 2021 sur l’information relative aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ;

c) Renforcer les stratégies de sensibilisation du grand public en vue de combattre les stéréotypes liés au genre dans la société et appliquer les recommandations de l’Assemblée citoyenne pour l’égalité des sexes, notamment en ce qui concerne la modification du libellé des articles 40 et 41 de la Constitution.

Violence à l’égard des femmes

23.Le Comité salue les différentes mesures que l’État partie a prises pour remédier à la violence à l’égard des femmes, notamment la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en 2019, ainsi que les mesures instaurées par la loi de 2018 sur la violence domestique, comme la nouvelle infraction pénale de contrôle coercitif. Il constate toutefois avec inquiétude que la violence à l’égard des femmes ne cesse d’augmenter, en particulier les cas de violence domestique dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Il est également préoccupé par l’absence de données ventilées sur la violence à l’égard des femmes, y compris la violence fondée sur le genre et la violence familiale, et par les difficultés que rencontrent les femmes appartenant à des groupes minoritaires comme les gens du voyage et les Roms, les migrants et les demandeurs d’asile, pour accéder à des services et bénéficier de mesures de protection (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

24. L’État partie devrait continuer de s’employer à réduire la violence fondée sur le genre, notamment en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de la nouvelle Agence de lutte contre la violence domestique dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la violence domestique, la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre, et en menant des campagnes de sensibilisation sur le caractère inacceptable et les effets préjudiciables de la violence à l’égard des femmes. L’État partie devrait également agir pour informer systématiquement les femmes de leurs droits et des moyens dont elles disposent pour porter plainte et obtenir une protection, une aide et des réparations, et devrait continuer à former le personnel judiciaire et les membres des forces de l’ordre, en particulier en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes minoritaires comme la communauté des gens du voyage et la communauté rom.

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de sexualité et de procréation

25.Le Comité se félicite de la promulgation de la loi de 2018 sur le trente-sixième amendement de la Constitution, qui a abrogé le huitième amendement et conduit à l’adoption par l’État partie de la loi de 2018 sur la santé (réglementation de l’interruption de grossesse) autorisant l’interruption volontaire de grossesse dans des conditions précises. Il regrette toutefois que l’article 23 de la loi incrimine le fait d’aider ou d’encourager l’avortement en dehors des termes de la loi. Il est préoccupé par les dispositions qui imposent aux femmes un délai de réflexion obligatoire de trois jours avant de pouvoir avorter, ainsi que par les difficultés que rencontrent les femmes et les filles pour accéder à un avortement sécurisé et légal en raison du faible pourcentage de médecins généralistes qui pratiqueraient l’avortement, une situation qui touche tout particulièrement les femmes et les filles vulnérables et celles qui vivent en milieu rural. Il est également préoccupé par les dispositions restrictives de l’article 11 de la loi, qui exige que deux professionnels de santé déclarent estimer que le fœtus ne survivra probablement pas au-delà de vingt-huit jours après la naissance, ce qui fait que de nombreuses femmes doivent poursuivre des grossesses avec des anomalies fœtales. En outre, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des femmes et des filles continuent de se rendre à l’étranger pour se faire avorter après s’être vu refuser l’accès à des services d’avortement en Irlande ou avoir été dans l’impossibilité d’y accéder (art. 2, 3, 6 et 17).

26. L’État partie devrait :

a) Envisager de prendre les mesures nécessaires pour supprimer les sanctions pénales imposées aux prestataires de services médicaux qui aident les femmes et les jeunes filles à se faire avorter ;

b) Revoir les dispositions qui pourraient empêcher les femmes de se faire avorter en toute sécurité, telles que celles prévoyant des délais obligatoires d’attente et celles résultant de l’exercice de l’objection de conscience par des prestataires médicaux ;

c) Prendre les mesures nécessaires pour lever les obstacles existants et faire en sorte que les femmes qui sollicitent un avortement en raison d’anomalies du fœtus aient accès à ce service ;

d) Mettre en œuvre les mesures nécessaires pour garantir l’accès, dans des conditions d’égalité, de toutes les femmes et filles aux services d’avortement, en particulier les femmes des zones rurales, les femmes vivant dans la pauvreté, les femmes handicapées, les demandeuses d’asile, les victimes de violence domestique et les femmes issues de minorités ethniques ou religieuses ;

e) Redoubler d’efforts pour empêcher que les femmes et les filles qui cherchent à se faire avorter soient stigmatisées ou traumatisées, notamment en prévoyant des «  zones d’accès sécurisé  » dans tous les services de santé concernés, et ce en temps utile.

État d’urgence

27.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles la loi de 2020 sur la santé (préservation et protection et autres mesures d’urgence dans l’intérêt public) ont restreint certaines libertés et certains droits individuels en raison des mesures prises pour protéger la santé publique comme suite à l’apparition de la pandémie de COVID-19. Il salue les efforts que l’État partie a déployés pour s’assurer que la prise des décisions liées à la pandémie de COVID-19 se fasse dans le respect des obligations découlant du Pacte. Toutefois, le Comité reste préoccupé par les informations selon lesquelles des droits tels que la liberté de circulation et la liberté de réunion pacifique ont été réduits de manière sensible et disproportionnée pendant la pandémie de COVID-19 (art. 4).

28. L’État partie devrait envisager de procéder à un examen complet de ses mesures de riposte à la pandémie de COVID-19, y compris une évaluation des effets qu’ont eus les restrictions sur les droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne les groupes minoritaires. Il devrait également envisager d’établir un mécanisme indépendant, fondé sur les droits de l’homme et l’égalité, afin de vérifier que les mesures restrictives prises en cas d’urgence publique restent conformes à l’article 4 du Pacte. L’État partie devrait assurer un contrôle adéquat et veiller à ce que les restrictions respectent le principe de proportionnalité, de manière transparente et non discriminatoire.

Établissements d’accueil

29.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les mesures de riposte à la pandémie de COVID-19 adoptées dans les établissements de soins, y compris les maisons de retraite, et se félicite de l’examen en cours de cette riposte et de son cadre réglementaire. Il est toutefois préoccupé par les taux de décès liés à la COVID-19 dans les maisons de retraite pendant la pandémie, situation aggravée par les conditions de vie collectives propres aux établissements de soins de longue durée. Il s’inquiète également des informations selon lesquelles de jeunes personnes handicapées sont hébergées dans des maisons de retraite (art. 6 et 7).

30. L’État partie devrait poursuivre son réexamen complet du cadre réglementaire et de protection des services d’aide sociale afin de s’assurer que les groupes âgés et structurellement vulnérables bénéficient d’une protection et d’un soutien suffisants. Il devrait adopter des mesures pour garantir que les mécanismes d’inspection sont appropriés, indépendants, fondés sur les droits de l’homme, et qu’ils englobent tous les prestataires de soins de santé et d’aide sociale publics, bénévoles et privés. L’État partie devrait en outre continuer à prendre des mesures ciblées pour protéger les personnes âgées de la COVID-19 ou d’autres urgences majeures de santé publique.

Traite des personnes

31.Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés pour lutter contre la traite des personnes, notamment l’élaboration de plans d’action nationaux pour prévenir et combattre la traite en Irlande et le fait que la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité a été investie des fonctions de rapporteur national pour la lutte contre la traite des personnes. Il se félicite que l’État partie ait progressé dans la mise en place d’un nouveau mécanisme national d’orientation. Il reste toutefois préoccupé par : a) les obstacles que rencontre la justice pénale, le faible taux d’identification des victimes, en particulier des enfants, et la faible proportion d’affaires de traite qui donne lieu à des enquêtes, des poursuites et des déclarations de culpabilité ; b) l’absence d’hébergement adapté au sexe des victimes, en particulier pour les femmes et les filles victimes d’exploitation sexuelle et de la traite (art. 7, 8 et 24).

32. L’État partie devrait :

a) Mettre rapidement en place, à l’échelle nationale, le nouveau mécanisme national d’orientation, avec un calendrier précis et des dispositions permettant d’identifier rapidement les victimes et de fournir une assistance adaptée selon le genre, l’âge (enfant/adulte) et le type d’exploitation ;

b) Examiner les obstacles que rencontre le système de justice pénale et redoubler d’efforts pour identifier les victimes de la traite et adopter les mesures nécessaires pour que la fourniture d’une assistance aux victimes ne soit pas subordonnée à leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre des enquêtes et des procédures pénales ;

c) Prendre les mesures nécessaires pour mieux identifier les enfants victimes de la traite, notamment par l’adoption d’une procédure d’identification qui leur est propre ;

d) Continuer à dispenser une formation appropriée, y compris sur les normes et procédures relatives à l’identification et à la prise en charge des victimes de la traite, à tous les agents publics concernés, notamment les juges, les procureurs, les agents de la force publique, les agents de l’immigration et le personnel de toutes les structures d’accueil, ainsi qu’aux avocats ;

e) Veiller à ce que toutes les affaires de traite fassent l’objet d’enquêtes approfondies, à ce que les trafiquants soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

f) Veiller à ce que les femmes et les enfants victimes d’exploitation sexuelle et de la traite soient protégés et correctement traités, en mettant en place des structures d’hébergement adaptées au sexe des victimes et offrant une assistance globale, notamment médicale, matérielle et juridique, ainsi qu’une aide à l’intégration.

Mesures coercitives dans les établissements psychiatriques

33.Le Comité prend note des informations fournies concernant la révision en cours de la loi de 2001 sur la santé mentale, dont l’objectif est de prévoir des garanties contre les traitements coercitifs dans les établissements psychiatriques en appliquant les principes énoncés dans la loi de 2015 sur la prise de décisions assistée (capacité), et salue l’engagement de l’État partie en faveur d’un traitement adapté à l’âge et de la réduction du nombre d’enfants admis dans des établissements psychiatriques pour adultes. Il est toutefois préoccupé par les retards importants dans la réforme et la mise en application de la législation relative à la capacité juridique et aux personnes ayant des handicaps psychosociaux qui a été adoptée. Il est également particulièrement préoccupé d’apprendre de l’État partie que des enfants continueront probablement d’être admis dans des établissements psychiatriques pour adultes lorsqu’il y a un problème de capacité institutionnelle. En outre, rappelant ses préoccupations antérieures, le Comité regrette les informations selon lesquelles l’isolement, la contrainte physique, les électrochocs et l’administration de médicaments contre le gré du patient, entre autres choses, sont des pratiques qui ont toujours cours (art. 2, 7 et 14).

34. L’État partie devrait veiller à ce que la législation relative à la capacité juridique et aux personnes ayant des handicaps psychosociaux soit rapidement et pleinement réformée et mise en application afin de garantir l’adoption d’une approche fondée sur les droits de l’homme et la non-discrimination, conformément aux normes internationales. Le Comité engage l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour garantir un traitement adapté à l’âge des patients, en éliminant la pratique consistant à admettre des enfants dans des établissements psychiatriques pour adultes. L’État partie devrait également :

a) Prendre des mesures efficaces pour assurer la pleine application des dispositions juridiques relatives à l’utilisation, conformément au Pacte et à d’autres instruments internationaux, de la contrainte physique et de la force coercitive, en veillant à ce que toute décision concernant l’emploi de moyens de contention et de la force coercitive soit prise à l’issue d’un examen médical approfondi, effectué par des professionnels, afin de déterminer le degré de contention ou de force à appliquer, et à ce que toute restriction soit conforme à la loi, nécessaire et proportionnée à la situation personnelle du patient et que les garanties d’un recours utile soient assurées ;

b) Faire en sorte que l’utilisation, contre le gré du patient, de médicaments psychiatriques, d’électrochocs et d’autres pratiques restrictives et coercitives dans les services de santé mentale soit interdit e . Les traitements psychiatriques non consentis ne doivent être utilisés, si tant est qu’on y ait recours, que dans des cas exceptionnels, en dernier recours et si cela est absolument nécessaire pour le bien des personnes concernées, sous réserve que celles-ci ne soient pas en mesure de donner leur consentement, pour une durée aussi courte que possible sans effet à long terme et sous le contrôle d’une autorité indépendante ;

c) Mettre en place des services d’aide sociale communautaires ou autres à l’intention des personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, afin d’offrir des solutions de substitution à l’internement forcé ;

d) Mettre en place un système de surveillance et de signalement efficace et indépendant pour les institutions de santé mentale et d’aide sociale, l’objectif étant d’enquêter de manière efficace sur les violences commises, de punir les auteurs et d’offrir réparation aux victimes et aux membres de leur famille.

Traitement des personnes privées de liberté

35.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, notamment le programme de construction dans la prison de Limerick à l’intention des femmes détenues, ainsi que celles prises pour améliorer les conditions de vie des détenus pendant la pandémie de COVID-19. Il rappelle ses préoccupations antérieures et demeure préoccupé par :

a)La persistance de la surpopulation carcérale, bien qu’en recul, qui empêche la séparation entre les prévenus et les condamnés ;

b)Les informations selon lesquelles la pratique de l’isolement persiste et s’accroît, notamment du fait de l’Unité nationale de réduction de la violence ;

c)Le taux disproportionnément élevé de personnes incarcérées qui présentent de graves problèmes de santé mentale par rapport à celui observé au sein de la population générale, et l’insuffisance des services de santé mentale dans les lieux de détention pour apporter un soutien aux intéressés;

d)Le mauvais état des installations sanitaires, qui a pour conséquence l’utilisation des toilettes par les détenus en présence d’autres personnes ou la pratique du « vidage de la tinette » ;

e)Le manque d’informations précises sur la cause des décès en détention et sur les enquêtes menées dans ce cas ;

f)Le manque de transparence et le refus répété de publier les rapports Dóchas sur le traitement des détenues et leurs conditions de détention (art. 6, 7, 9 et 11).

36. L’État partie devrait :

a) Éliminer la surpopulation dans les lieux de détention, notamment en poursuivant ses efforts pour recourir à des mesures de substitution à la détention non privatives de liberté, en particulier en ce qui concerne les personnes qui ne paient pas les amendes imposées par les tribunaux, comme le prévoit la loi de 2014 relative aux amendes (paiement et recouvrement) ;

b) Prendre les mesures nécessaires pour séparer les prévenus et les condamnés adultes ;

c) S’abstenir d’imposer l’isolement, hormis dans des circonstances tout à fait exceptionnelles et pour une durée strictement limitée, et faire en sorte que toute personne privée de liberté ait accès à un mécanisme de plainte indépendant et efficace chargé d’enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements, qui garantisse un accès rapide, effectif et direct aux organes chargés de donner suite aux plaintes ;

d) Redoubler d’efforts pour offrir des soins de santé mentale adéquats aux détenus, envisager des solutions de substitution à la détention pour les personnes ayant un handicap psychosocial, et mettre en place des mesures préventives dans le but de réduire la présence en détention de personnes ayant un handicap psychosocial ;

e) Redoubler d’efforts pour améliorer les conditions sanitaires dans les prisons et éliminer totalement la pratique du «  vidage de la tinette  » dans tous les établissements pénitentiaires, conformément à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

f) Garantir des enquêtes rapides et approfondies sur tous les cas de décès en détention et veiller à une transparence adéquate, notamment par la publication en temps voulu des rapports d’enquête ;

g) Améliorer la transparence en ce qui concerne les conditions de détention des femmes, y compris en publiant les rapports Dóchas ;

h)Poursuivre ses efforts en vue de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Réfugiés et demandeurs d’asile

37.Le Comité salue les mesures prises pour protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile, notamment la création d’une procédure unique de décision en matière de protection, en application de la loi de 2015 sur la protection internationale, ainsi que l’introduction d’une législation nationale sur les conditions d’accueil à travers la transposition de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (directive sur les conditions d’accueil) et l’élargissement du mandat du médiateur et du médiateur des enfants aux personnes qui vivent dans des logements pour demandeurs d’asile. Le Comité reste toutefois préoccupé par les retards importants et croissants observés dans le traitement des demandes de protection internationale en première instance, ainsi que dans les recours devant la cour d’appel en matière de protection internationale. Il est également préoccupé par: a)les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et le recours accru à l’hébergement d’urgence ; b)les problèmes rencontrés par les demandeurs d’asile pris en charge directement, problèmes qui ont été exacerbés par la pandémie de COVID-19, notamment le surpeuplement, les difficultés d’accès aux services médicaux et aux allocations de protection sociale, le sentiment d’insécurité dû au partage des espaces communs et, parfois, des chambres à coucher avec des personnes qui ne font pas partie de la famille, ainsi que le harcèlement et les menaces dont sont victimes les demandeurs d’asile lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes ; c)les informations selon lesquelles des mineurs non accompagnés disparaissent, ce qui les rend vulnérables à de nombreuses formes d’exploitation, ainsi qu’à la traite des personnes (art.2 et 13).

38. Compte tenu des précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait :

a) Poursuivre ses efforts et prendre des mesures énergiques pour réduire significativement le délai de traitement des demandes de protection internationale en vue d’atteindre l’objectif de six mois qu’il propose ;

b) Prendre des mesures concrètes pour améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, notamment en mettant en place un système solide d’évaluation de la vulnérabilité des demandeurs de protection internationale, en supprimant progressivement le recours aux hébergements d’urgence pour les demandeurs d’asile et en élaborant un cadre de planification des interventions d’urgence pour leur hébergement ;

c) Faire en sorte que les conditions de vie et le traitement des demandeurs d’asile dans les centres d’hébergement soient conformes aux normes internationales, notamment en prenant les mesures nécessaires pour mettre rapidement en œuvre le nouveau modèle d’hébergement et de soutien à l’intention des demandeurs de protection internationale, et en veillant à ce que les procédures et les protections offertes par ce modèle soient conformes aux normes internationales ;

d) Envisager la réalisation d’un examen indépendant des mesures de protection des mineurs non accompagnés afin de cerner les actions nécessaires pour faire respecter leurs droits et prévenir la disparition d’enfants.

Gens du voyage et communautés roms

39.Le Comité salue le fait que l’État partie reconnaisse officiellement les gens du voyage comme un groupe ethnique distinct de la société irlandaise, et soit conscient du racisme systémique qui touche cette communauté depuis des décennies. Il est toutefois préoccupé par le fait qu’aucun acte juridique n’étaye encore cette reconnaissance officielle, ce qui signifie en somme que les droits des gens du voyage ne sont pas encore clairement définis. Il est également préoccupé par les formes multiples de discrimination auxquelles les gens du voyage et les communautés roms sont confrontés, entre autres dans les domaines de l’éducation, du logement et de l’emploi et dans leurs rapports avec les services de police, s’agissant par exemple du profilage racial, des fouilles injustifiées de domiciles ou de la surreprésentation des gens du voyage dans tous les volets du système pénal (art. 2, 24, 26 et27).

40. L’État partie devrait :

a) Évaluer de manière approfondie et efficace ce qu’implique la reconnaissance officielle des gens du voyage afin de déterminer quelles mesures juridiques sont nécessaires pour qu’ils ne soient pas soumis à des formes multiples de discrimination ;

b) Réexaminer comme il convient la stratégie nationale d’inclusion des gens du voyage et des Roms (2017-2021), en veillant à ce que les intéressés participent activement au processus de consultation, et assurer la mise en application rapide et complète d’une nouvelle stratégie qui énoncera des objectifs clairs fondés sur les droits de l’homme et garantira la protection de tous les droits conformément aux normes internationales ;

c) Donner rapidement suite à son programme gouvernemental et élaborer des mesures suffisantes et précises pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les gens du voyage et les communautés rom s , comme la stratégie nationale d’éducation en faveur des gens du voyage, le plan d’action national pour la santé mentale en faveur des gens du voyage et la stratégie en faveur des gens du voyage et des Roms axée sur la formation, l’emploi et l’entrepreneuriat ;

d) Redoubler d’efforts en matière de mesures préventives, notamment en dispensant une formation adéquate, fondée sur les droits de l’homme, à tous les agents publics, y compris le personnel judiciaire.

Liberté de religion

41.Le Comité salue l’adoption de la loi de 2018 sur l’éducation (admission dans les écoles) visant à interdire que la religion soit un critère de sélection au moment de l’admission à l’école primaire, ainsi que les mesures prises en vue de la création d’écoles multiconfessionnelles. Cependant, rappelant ses préoccupations antérieures, il regrette le manque d’informations concernant l’accès à l’éducation laïque dans le cadre de la création d’écoles non confessionnelles. Il est préoccupé par le fait que les dispositions de la loi ne s’appliquent qu’à l’enseignement primaire et par les informations selon lesquelles plus de la moitié des écoles secondaires fonctionnent sous patronage religieux et selon des principes religieux. Il s’inquiète également de la lenteur de la révision des dispositions constitutionnelles qui obligent les personnes souhaitant occuper de hautes fonctions officielles à prêter un serment religieux. De plus, il se dit à nouveau préoccupé par le fait que, selon l’article 37 (par.1) de la loi relative à l’égalité dans l’emploi, les établissements dirigés par un organisme créé à des fins religieuses ou placés sous le contrôle d’un tel organisme, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé, ont la possibilité d’exercer une discrimination à l’égard de leurs employés ou de candidats à un emploi afin de préserver les principes religieux de l’établissement (art. 2, 18 et 26).

42. Le Comité recommande à nouveau à l’État partie :

a) De prendre des mesures concrètes pour modifier les articles 12, 31 et 34 de la Constitution, qui obligent les personnes souhaitant occuper de hautes fonctions officielles à prêter un serment religieux, compte tenu de l’observation générale n o 22 (1993) du Comité sur la liberté de pensée, de conscience et de religion, laquelle indique que nul ne peut être contraint de révéler ses pensées ou son adhésion à une religion ou une conviction ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour assurer une offre d’éducation laïque dans le cadre de la création d’écoles non confessionnelles et de veiller à poursuivre la révision de l’article 37 (par. 1) de la loi relative à l’égalité dans l’emploi de manière à interdire toutes les formes de discrimination en matière d’emploi dans les secteurs de l’éducation et de la santé .

Liberté de réunion pacifique

43.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la police aurait fait un usage excessif de la force contre des manifestants dans le contexte de la pandémie de COVID-19, ce qui aurait disproportionnément touché certaines communautés, notamment les jeunes, les minorités ethniques et raciales, les gens du voyage et les Roms. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des prestataires de sécurité privés sont intervenus dans le maintien de l’ordre lors de rassemblements, en particulier ceux qui ont eu lieu dans le contexte d’expulsions ou de certaines activités commerciales, et par l’absence de contrôle adéquat de ces prestataires (art. 2, 6, 7 et 9).

44.L’État partie devrait veiller à ce que les agents de la force publique emploient la force dans le respect de l’observation générale n o 37 (2020) du Comité, des Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois et des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, notamment pendant les manifestations pacifiques. Il devrait aussi faire le nécessaire pour que les allégations de recours excessif à la force fassent l’objet d’enquêtes efficaces et que les responsables soient poursuivis et punis. Il devrait en outre veiller à ce que les forces de sécurité privées soient subordonnées à des agents de la force publique, à ce que les victimes d’actes commis par ces agents ou par des membres de forces de sécurité privées aient accès à la justice et à des mécanismes de réparation efficaces, et à ce que les membres de forces de sécurité privées reçoivent également une formation aux droits de l’homme.

Droit au respect de la vie privée

45.Le Comité prend note des mesures prises en faveur du respect de la vie privée lors de l’accès aux services publics, notammentde l’introduction d’un nouveau programme de travail résultant de l’accord conclu en 2021 entre la Commission de protection des données et le Département de la protection sociale, mais reste préoccupé par l’absence de garanties suffisantes contre les atteintes arbitraires à ce droit que constituent la consultation et la collecte de données personnelles et leur divulgation au sein des différents organes de l’État, y compris la collecte et la conservation de données pour la carte qui donne accès aux services publics. Le Comité est également préoccupé par le manque d’informations fournies par l’État partie au sujet de l’élargissement proposé des pouvoirs de surveillance de la police, en particulier l’introduction du dispositif général prévu dans le projet de loi de 2022 sur le matériel d’enregistrement de la Garda Síochána, et décrit en termes vagues et imprécis (art.17).

46. L’État partie devrait veiller à ce que tous les types d’activités de surveillance qui constituent une immixtion dans la vie privée soient pleinement conformes à l’article 17 du Pacte. De telles activités devraient respecter les principes de transparence, de proportionnalité et de nécessité. L’État partie devrait également veiller à ce que le traitement et la collecte des données personnelles soient soumis à des mécanismes de contrôle indépendants et efficaces, et garantir l’accès à des recours utiles en cas d’abus.

Participation à la conduite des affaires publiques

47.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour renforcer son système démocratique et améliorer la transparence de son système électoral et la participation aux élections, notamment par l’adoption du projet de loi de 2022 portant réforme du système électoral et l’établissement de la Commission électorale. Il est toutefois préoccupé par: a)la lenteur du processus d’adoption du projet de loi portant réforme du système électoral ; b)le fait que la Commission ne joue aucun rôle face aux questions et défis que posent les discours de haine dans les processus électoraux (art. 7, 14, 25 et 26).

48. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour mener à bien l’adoption du projet de loi portant réforme du système électoral et faire en sorte que la nouvelle Commission électorale fonctionne de manière efficace et indépendante. Il devrait envisager d’attribuer à la Commission un rôle dans la réglementation et la surveillance de la rhétorique discriminatoire et des discours de haine dans les processus électoraux. Il est invité à redoubler d’efforts pour garantir la participation à la vie politique, en particulier celle des groupes marginalisés et généralement sous ‑ représentés.

D.Diffusion et suivi

49. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son cinquième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans son autre langue officielle.

50. Conformément à l’article 75 (par. 1) du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 28 juillet 2025 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12 ( établissement des responsabilités pour les violations des droits de l’homme commises par le passé ), 18 ( non-discrimination, discours de haine et infractions motivées par la haine ) et 42 (liberté de religion).

51. Conformément au cycle d’examen prévisible, l’État partie recevra en 2028 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et aura un an pour présenter ses réponses, qui constitueront son sixième rapport périodique. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l’État partie se tiendra en 2030, à Genève.