Nations Unies

CCPR/C/ETH/RQ/2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

3 novembre 2021

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des droits de l ’ homme

134 e session

28 février-25 mars 2022

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l ’ article 40 du Pacte

Réponses de l’Éthiopie à la liste de points concernant son deuxième rapport périodique * , **

[Date de réception : 26 juillet 2021]

Renseignements d’ordre général

Le Gouvernement éthiopien estime qu’il convient d’apporter des réponses adéquates aux préoccupations que le Comité a exprimées dans la liste de points. De ce fait, ainsi qu’en raison du nombre même de points soulevés, il n’est pas parvenu, malgré ses efforts, à respecter le nombre limite de mots fixé pour les réponses des États parties.

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

1.Le Gouvernement éthiopien a mis en place en 2016 un mécanisme national permanent de surveillance, d’établissement de rapports et de suivi. Le Bureau du Procureur général de la République fédérale démocratique d’Éthiopie est chargé de coordonner l’établissement des rapports nationaux sur l’application des traités et l’exécution des obligations qui en découlent, y compris la suite donnée aux recommandations formulées dans le cadre des mécanismes de l’ONU et des organismes régionaux relatifs aux droits de l’homme.

2.L’intégration des obligations découlant des traités et des recommandations qui s’y rapportent dans les différents plans d’action nationaux en faveur des droits de l’homme adoptés par l’Éthiopie constitue un volet essentiel de ces efforts. La mise en œuvre du plan d’action en faveur des droits de l’homme, et notamment des recommandations qui y figurent, fait l’objet d’un contrôle deux fois par an. Certaines des recommandations formulées par différents organes conventionnels ont également été intégrées dans le plan stratégique national décennal.

3.Un Conseil national de coordination composé de huit hauts fonctionnaires du Gouvernement fédéral et dirigé par le Procureur général est chargé de suivre la mise en œuvre du plan d’action. Parmi les pouvoirs et les fonctions du Conseil figurent l’examen et l’analyse de questions devant donner lieu à l’adoption de politiques générales, la prise de décisions sur des points importants et la supervision de l’exécution des obligations découlant des traités et des recommandations s’y rapportant soumises à l’Éthiopie par les mécanismes de l’ONU et de la région relatifs aux droits de l’homme, ainsi que l’établissement de rapports à ce sujet.

4.En ce qui concerne la ratification du Protocole facultatif relatif aux communications émanant de particuliers, il importe de noter que l’Éthiopie a déjà ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui autorise les plaintes émanant de particuliers en cas de violations présumées des droits de l’homme. De fait, plusieurs plaintes pour violation des droits de l’homme, soumises par des particuliers et des groupes à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, sont actuellement en instance.

5.La Commission éthiopienne des droits de l’homme a aussi pour fonction de recueillir les plaintes de victimes de violations des droits de l’homme. Elle est habilitée à enquêter sur ces plaintes et à proposer des recommandations et des mesures de réparation. La non‑application des recommandations de la Commission en l’absence de motif valable peut être punie d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende.

6.Compte tenu de l’existence de ces différents mécanismes, la ratification du Protocole facultatif relatif aux communications émanant de particuliers n’est pas une question urgente et peut être envisagée si les voies de recours disponibles sont inefficaces, afin d’éviter de permettre des choix stratégiques entre plusieurs systèmes. L’Éthiopie a néanmoins adhéré à ce jour à de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et continuera d’étudier, avec toutes les parties prenantes, la possibilité d’adopter le Protocole facultatif.

7.Les dispositions législatives portant création de la Commission éthiopienne des droits de l’homme ont été modifiées par la loi no 1224/2020, dont l’objectif principal était de mettre la Commission en conformité avec les Principes de Paris. La Commission a en conséquence été dotée d’un mandat renforcé, qui réaffirme son indépendance et son autonomie. À la suite des modifications apportées à la loi, la Commission a entrepris plusieurs réformes, qui consistent notamment à remanier sa structure organisationnelle.

8.En outre, la sélection et la nomination du Commissaire principal, du Commissaire adjoint et des commissaires chargés des principaux domaines thématiques se sont faites indépendamment de toute considération politique et sur la base du mérite, selon une procédure transparente à laquelle ont également directement participé des organisations de la société civile.

9.Depuis cette réforme, la Commission éthiopienne des droits de l’homme a contribué de façon décisive à promouvoir le respect de l’état de droit et la protection des droits de l’homme sur le territoire national. Elle a par exemple mené plusieurs enquêtes dans tout le pays et publié des rapports indépendants. Elle a, dans certains cas, mis en question dans ses rapports la proportionnalité de la force employée par les autorités et le manque de protection effective des groupes vulnérables par les pouvoirs publics fédéraux ou régionaux dans certaines régions.

État d’urgence

10.Les trois déclarations de l’état d’urgence mentionnées dans la liste de points ont été conformes aux garanties énoncées dans le Pacte et la Constitution. Comme cela a été décrit dans le rapport de l’État au Comité (CCPR/C/ETH/2, par. 40 à 45), deux de ces déclarations visaient à prévenir la détérioration généralisée de l’ordre public dans différentes parties du pays, qui menaçait la vie de la nation. La troisième avait pour objectif d’empêcher la propagation de la pandémie mondiale mortelle de COVID-19 et d’en limiter les effets négatifs en Éthiopie.

11.Parmi les principales restrictions imposées à l’exercice de droits protégés par le Pacte dans le cadre des première et deuxième déclarations de l’état d’urgence figuraient : l’interdiction de mesures d’incitation dissimulées ou publiques et de l’établissement, la production, la publication ou la distribution d’écrits qui provoquent une émeute, des perturbations et la suspicion ou des récriminations parmi la population ou du fait d’exposer ou de mettre en évidence par des affiches ou de publier par quelque moyen que ce soit des messages qui ont de tels effets ; l’interdiction de se réunir, de manifester ou de se déplacer en groupe ou de se rassembler, l’objectif étant de maintenir la paix et la sécurité du peuple et des citoyens ; la possibilité d’arrêter sans mandat judiciaire toute personne soupçonnée d’avoir pris part à des activités qui troublent la paix et la sécurité de la population ; la libération assortie de mesures de contrôle ou de rééducation ; ou la détention pendant le maintien de l’état d’urgence ou la mise en examen en vertu du droit ordinaire ; la fouille de toute maison, tout lieu et tout moyen de transport visant à saisir tout matériel utilisé ou pouvant être utilisé pour perpétrer une infraction ; l’arrestation de tout individu pour le fouiller et vérifier son identité ; la restitution des objets saisis à l’individu qui y a droit ou leur présentation, après examen, à un tribunal à titre de preuves ; l’imposition d’un couvre‑feu ou la fermeture de certaines rues ou de certains établissements prestataires de services pendant une période limitée ; la possibilité d’ordonner à des personnes de rester dans un certain endroit et de leur interdire d’entrer ou de sortir d’un lieu donné ; la limitation de la circulation des personnes portant une arme, un couteau et des substances inflammables dans certaines zones ; l’obligation de fermer des entreprises agréées ou des organisations gouvernementales que le public utilise et le recours proportionné à la force face à des perturbations armées ou violentes en vue de prévenir et de supprimer toute menace pour la vie ou la propriété d’autrui susceptibles d’en résulter.

12.Comme cela a été précédemment mentionné, la troisième période d’état d’urgence, déclarée le 8 avril 2020, visait à prévenir la propagation de la pandémie mortelle de COVID‑19 et à atténuer les effets négatifs qu’elle risquait d’avoir sur la nation. Pour assurer une application effective de cette déclaration, le Conseil des ministres avait promulgué un règlement détaillé qui est entré en vigueur le 20 avril 2020. La déclaration de l’état d’urgence et l’entrée en vigueur du règlement, associées à des directives détaillées émises par les ministères d’exécution compétents, ont entraîné des restrictions à certains droits individuels qui étaient proportionnées et nécessaires à une maîtrise efficace de la propagation de la COVID-19 et à l’atténuation de ses effets négatifs. Parmi ces restrictions figurent l’interdiction de tenir des réunions à des fins religieuses, gouvernementales, sociales ou politiques dans des lieux de culte, des institutions publiques, des hôtels, des salles de réunion ou tout autre lieu ; l’interdiction des contacts physiques tels que les poignées de main ; l’interdiction pour tout prestataire de services de transport public interrégional et interurbain de mettre à la disposition des usagers plus de 50 % des sièges de ses véhicules ; des restrictions portant sur les visites habituelles des prisons et des locaux de garde à vue ; l’interdiction pour tout bailleur de biens résidentiels ou commerciaux d’expulser un locataire ou d’augmenter le loyer sans le consentement de ce dernier ; l’interdiction de démissionner d’institutions qui fournissent des services de base telles que les compagnies d’électricité, d’eau et de télécommunications, les établissements de santé, les banques et les entreprises liées à l’approvisionnement alimentaire et à la fourniture de services sanitaires, les services de lutte contre les incendies et d’urgence, et les services de sécurité et de renseignement, de retarder les travaux de telles institutions ou d’entraver de quelque manière que ce soit leur fonctionnement, et l’interdiction de diffuser toute information sur la COVID-19 et les questions connexes qui sèmerait la terreur et une anxiété injustifiée parmi le public.

13.Toutes les déclarations susmentionnées de l’état d’urgence et les restrictions imposées à l’exercice de droits ont été entièrement conformes aux principes énoncés dans le Pacte. L’état d’urgence a chaque fois été déclaré du fait de circonstances extraordinaires qui mettaient en danger la vie de la nation, qui plus est pour une durée limitée. Il n’était plus en vigueur au moment de la rédaction de la présente réponse. Les trois déclarations de l’état d’urgence ont de plus été publiées au Journal officiel.

14.Les allégations de restriction illégitime de droits consacrés par le Pacte pendant les périodes d’état d’urgence ne sont pas fondées. Il n’y a jamais eu pendant ces périodes de restriction de l’interdiction constitutionnelle des actes de torture ni d’application rétroactive de lois pénales.

15.Conformément à la Constitution de la République fédérale démocratique d’Éthiopie, une commission d’enquête sur l’état d’urgence a été constituée afin de veiller à la bonne application de l’état d’urgence. La commission d’enquête établie dans le cadre de l’état d’urgence de 2016 a constaté et rapporté que 11 607 personnes étaient détenues car elles étaient soupçonnées de ne pas avoir respecté l’état d’urgence. Celle établie en 2020 a également supervisé la mise en œuvre de l’état d’urgence déclaré pour prévenir la propagation de la pandémie mortelle de COVID-19 et a formulé diverses recommandations, dont une qui visait à remettre en liberté les prisonniers pouvant bénéficier d’une grâce ou d’une libération conditionnelle.

Lutte contre la corruption

16.Le Gouvernement a entrepris différentes réformes juridiques et institutionnelles visant à lutter contre la corruption. En cas de corruption, les enquêtes et les poursuites ne peuvent être engagées que par la police et les bureaux des procureurs généraux des niveaux fédéral et régional. Les actes de corruption commis contre le Gouvernement fédéral ou ses services font l’objet d’enquêtes et de poursuites menées respectivement par la police fédérale et le Bureau du Procureur général. De même, la police et les parquets régionaux sont chargés de donner suite aux actes de corruption perpétrés contre les États régionaux et leurs services. En outre, le Centre de renseignement financier a pour mandat de détecter et de réprimer les transactions illégales liées à la corruption dans le secteur financier.

17.La Commission fédérale d’éthique et de lutte contre la corruption et ses homologues régionaux sont d’autre part investis d’un rôle de prévention. La Commission est entre autres chargée d’établir la politique et la stratégie nationales de lutte contre la corruption et d’en suivre la mise en œuvre ; de fournir des formations sur la déontologie et la prévention de la corruption ; de réaliser et de communiquer des évaluations et d’en suivre la mise en œuvre, ainsi que d’établir des rapports en vue de l’ouverture d’enquêtes pénales sur les pratiques et les procédures de travail des services, entreprises et organismes publics susceptibles d’être corrompus ; de prendre des mesures préventives immédiates dès qu’elle est informée d’éventuels actes de corruption ou lorsqu’il existe des raisons suffisantes de croire que de tels actes se préparent ; et de procéder à l’enregistrement des biens des fonctionnaires et agents publics.

18.La Direction des enquêtes sur les infractions de corruption établie au sein de la Commission de la police fédérale a pour mandat d’enquêter sur les allégations de faits de corruption commis contre le Gouvernement fédéral ou ses services et les organismes publics. Elle emploie 67 personnes, dont 59 détectives. Au cours des années 2019-2020 et 2020-2021, la Direction a procédé à des enquêtes sur différentes infractions de corruption et a mené à terme 522 et 459 dossiers, respectivement.

19.L’affirmation selon laquelle les accusations de corruption portées contre des fonctionnaires de haut niveau répondraient à des motivations politiques est sans fondement. Il est vrai que des personnes qui occupaient auparavant de hautes fonctions publiques ont fait l’objet d’enquêtes et ont été accusées de corruption de haut niveau. Ces agents publics avaient, en leur qualité de cadres supérieurs d’organismes et d’entreprises publics, détourné des fonds publics, attribué d’importants marchés publics en violation des lois applicables et sollicité des pots-de-vin en profitant de leur statut de haut fonctionnaire. La police fédérale et le Bureau du Procureur général ont réuni de nombreux éléments de preuves et engagé des poursuites et un procès est en cours.

20.La police et le système judiciaire s’emploient sans relâche à prévenir les actes de corruption, y compris la sollicitation de pots-de-vin au sein des institutions. Bien qu’il puisse arriver que des membres du personnel de ces institutions sollicitent des pots-de-vin, les actes et la conduite de ces quelques individus ne sont pas représentatifs de la rectitude et de l’intégrité de la grande majorité des fonctionnaires.

21.Le Gouvernement a procédé à une série de réformes juridiques et institutionnelles en vue d’accroître la transparence en matière d’utilisation et d’allocation des terres. Il a établi que ce domaine était une source majeure de corruption et de mauvaise administration. Pour remédier au problème, il a promulgué la loi no 721/2011 sur la détention de baux de terres urbaines, ainsi qu’une série de directives détaillées. Selon ces textes, la violation des principes de transparence applicables à l’allocation et à l’utilisation des terres expose les individus concernés à des poursuites pénales et administratives. Des dispositions ont ainsi été prises pour demander des comptes à ceux qui attribuent et utilisent des terres, en particulier à Addis-Abeba et dans d’autres grandes villes.

22.Un système de protection des témoins et des dénonciateurs d’infractions pénales a été mis en place conformément à la loi no 699/2010, qui vise à protéger ces personnes. Une direction créée au sein du Bureau du Procureur général a été chargée d’assurer la protection des témoins et des dénonciateurs d’infractions pénales, en collaboration avec les parties prenantes locales et internationales concernées. Dans les affaires de corruption de haut niveau, les témoins et les dénonciateurs bénéficient de l’immunité contre les poursuites pénales dont ils pourraient faire l’objet en raison de leur participation à un moindre degré aux infractions commises. En outre, des dispositions ont été prises pour ne pas révéler l’identité des témoins et des dénonciateurs dans le cadre de graves affaires pénales, afin que leur témoignage ne les mette pas en danger, ainsi que pour les reloger en lieu sûr.

Non-discrimination

23.Outre les mesures constitutionnelles et législatives mentionnées dans le rapport de l’Éthiopie (CCPR/C/ETH/2, par. 10 à 14), le droit à l’égalité est un principe fondamental inscrit par exemple dans la loi no 1064/2017 relative aux fonctionnaires, la loi no 1156/2019 relative au travail et le règlement no 443/2018 du Conseil des ministres relatif à l’administration des procureurs fédéraux, qui interdisent tous, dans des termes similaires, toute discrimination fondée sur l’origine nationale, la race, la couleur de peau, le sexe, la religion, les opinions politiques, l’origine sociale, l’infection au VIH/sida, le handicap et divers autres facteurs.

24.L’article 37 de la Constitution, relatif au droit à la justice, prévoit que toute personne a le droit de soumettre tout grief relevant de la compétence du système judiciaire à une cour de justice ou à un autre tribunal et d’obtenir ainsi un arrêt ou un jugement. Il n’y a pas d’exception à cette règle et toute personne victime de discrimination peut demander et obtenir réparation auprès des tribunaux et des instances administratives.

25.Le Gouvernement a également mis en place des mécanismes visant à aider les membres vulnérables de la société à demander que justice soit faite. Le Bureau du Procureur général doit ainsi fournir des services d’aide juridictionnelle gratuits aux catégories vulnérables de la population, notamment aux femmes, aux personnes âgées, aux jeunes, aux personnes handicapées et aux personnes vivant avec le VIH/sida qui n’ont pas les moyens de se faire représenter par un avocat.

26.La loi no 1183/2020 récemment adoptée sur la procédure administrative fédérale constitue un autre progrès important en ce qui concerne le traitement des plaintes pour discrimination. Conformément au principe constitutionnel selon lequel les méthodes de travail du Gouvernement doivent être transparentes et à son corollaire selon lequel les fonctionnaires qui manqueraient à cette règle doivent être tenus responsables de leurs actes, la promulgation de cette loi était nécessaire pour éviter toute intervention injustifiée des organismes administratifs de nature à porter atteinte aux droits et aux intérêts des citoyens.

27.Le Code pénal éthiopien (loi no 414/2004) interdit et criminalise les actes homosexuels qui sont considérés comme contraires aux principes de décence morale émanant des normes sociales et religieuses de la majorité de la population. Étant donné que de telles orientations comportementales et sexuelles demeurent contraires aux valeurs et aux normes morales, sociales, culturelles et religieuses profondément ancrées dans la société éthiopienne, toute modification de la loi serait extrêmement prématurée. La question doit être envisagée dans le cadre d’une série d’évolutions progressives.

28.Néanmoins, l’interdiction pénale existante vise l’acte lui-même plutôt que l’individu pris en flagrant délit. De ce point de vue, il n’y a aucune raison pour que le cadre juridique général de lutte contre la discrimination ne s’étende pas aux personnes appartenant à cette catégorie.

Violence à l’égard des femmes et violence familiale

29.Dans le prolongement des mesures présentées dans le rapport de l’Éthiopie (CCPR/C/ETH/2, par. 36 et 37), une stratégie et un plan d’action nationaux sur la prévention de la violence à l’égard des femmes et des enfants et les mesures à prendre pour y faire face, une stratégie de prévention de la criminalité mettant l’accent sur ce type de violence et un manuel portant sur les enquêtes et les poursuites dans de telles affaires ont été récemment adoptés.

30.Des campagnes de sensibilisation du public et des responsables locaux ont été menées à grande échelle dans les médias et par l’intermédiaire de différentes structures, dont des associations de femmes et des agents de vulgarisation sanitaire. Une formation spéciale sur les enquêtes et les poursuites en cas de violence fondée sur le genre et sur les moyens de venir en aide aux victimes est continuellement dispensée aux professionnels et aux agents du secteur de la justice. Un service d’assistance téléphonique permet de signaler les cas de violence à l’égard des femmes et des enfants, et des foyers ou des lieux sûrs ont été mis en place pour accueillir les victimes de ces violences. En outre, des centres de services intégrés apportent un soutien psychosocial, médical et juridique aux victimes. Il existe actuellement 34 centres de ce type et le Gouvernement s’efforce de les rendre plus accessibles dans l’ensemble du pays.

31.Les violences sexuelles et familiales sont des actes criminels passibles de peines pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité. Qu’ils soient membres de la police ou des forces de sécurité, les auteurs de violences sexuelles ne bénéficieront d’aucune impunité.

32.En vertu des lois éthiopiennes, tous les actes constitutifs du crime de viol, y compris les actes d’intimidation et de violence, sont des infractions punissables. Cependant, le viol conjugal n’est pas considéré comme une infraction en raison de l’obligation de consommation du mariage qui incombe aux époux. Une étude nationale est néanmoins en cours de réalisation sur les lacunes de la législation, notamment en ce qui concerne la violence fondée sur le genre et le viol conjugal.

33.Le mariage polygame est déconseillé par la loi éthiopienne. L’Éthiopie a émis une réserve au protocole de Maputo qui porte sur le mariage bigame ou polygame. La bigamie et la polygamie sont formellement interdites et relèvent du droit pénal en Éthiopie, en vertu, respectivement, des articles 11 et 650 du Code de la famille révisé et du Code pénal.

34.Le Gouvernement a pris des mesures visant à abolir les mutilations génitales féminines ou excision. Conformément à l’engagement pris lors du premier Sommet mondial des filles qui s’est tenu à Londres, une feuille de route nationale visant à mettre fin d’ici à 2025 au mariage des enfants et aux mutilations génitales féminines ou excision a été adoptée. À ce jour, 1 387 Kebeles (les circonscriptions administratives locales de plus petite taille) ne connaissent aucun cas de mariage précoce et de mutilations génitales féminines ou excision.

Droit à la vie et interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

35.Dans le cadre des réformes politiques qui ont débuté en avril 2018, plusieurs centres de détention dans lesquels des personnes soupçonnées d’infractions graves avaient été torturées et détenues dans des conditions inhumaines ont été fermés. Parmi celles-ci, la prison centrale de Jigjiga, connue sous le nom de « Jail Ogaden » et située dans la capitale de l’État régional de Sumale, a été fermée.

36.Cinq enquêtes criminelles distinctes concernant toutes les formes de violations des droits de l’homme commises dans l’ensemble de l’État régional de Sumale ont été ouvertes ; 89 membres des forces de l’ordre ou de sécurité soupçonnés d’implication directe dans de telles violations ont été identifiés. À ce jour, plus de 250 victimes ont été identifiées et ont témoigné dans le cadre de ces enquêtes. Dans le cas précis de la prison « Jail Ogaden », l’enquête a fait apparaître que 27 personnes étaient directement impliquées dans des actes de torture et 60 victimes de ces actes ont témoigné.

37.À la suite de l’arrestation et de la poursuite de hauts responsables des forces de sécurité et des forces de l’ordre, puis de l’abandon des poursuites contre un certain nombre d’accusés, les autorités fédérales et régionales ont pris une série de mesures visant à indemniser les victimes de torture et à favoriser leur réadaptation. Parmi ces mesures figuraient la mise à disposition gratuite d’un logement ou d’un terrain public, la création d’emplois et, dans certains cas, le versement d’une aide financière. Le Gouvernement reconnaît toutefois que ces mesures de réparation et de réadaptation doivent être prises de façon plus systématique.

38.Au cours de la période considérée, l’Éthiopie a connu un certain nombre de troubles qui ont eu des conséquences mortelles. L’établissement des responsabilités concernant les exécutions extrajudiciaires commises pendant ces troubles en particulier et au cours des trente dernières années en général est l’une des grandes priorités des enquêtes pénales visant des membres des forces de l’ordre et de sécurité. Par exemple, six membres de la Force de défense nationale soupçonnés d’avoir tué neuf civils et d’en avoir blessé six autres dans la ville de Moyale le 10 mars 2018 sont actuellement jugés. Après avoir identifié les victimes et les membres de leur famille, le Gouvernement a, au terme de consultations avec les notables locaux, versé 75 000 et 150 000 birr éthiopiens, respectivement, à chacun des blessés et des membres de la famille des défunts.

39.L’adoption par la Cour suprême fédérale de directives concernant les peines est la mesure la plus notable prise pour faire en sorte que la peine de mort ne soit imposée que dans le cas des crimes les plus graves, ce qui rend son application conforme à l’article 14 du Pacte. Outre l’utilité qu’elles présentent en guidant les tribunaux et en assurant la cohérence de l’application de la peine de mort, ces directives ont encore restreint la probabilité qu’une sentence de mort soit prononcée pour les crimes les plus graves, ainsi qu’en témoigne une récente décision de justice contre la personne reconnue coupable d’un crime très grave, à savoir le meurtre du chef d’état-major des forces de défense éthiopiennes de l’époque, le général Seare Mekonnen, et du général de division à la retraite Gezai Abera. Bien que ce crime ait été passible de la peine de mort et malgré la réquisition du procureur général allant dans ce sens, le tribunal a, après avoir examiné les circonstances atténuantes, condamné le criminel à la réclusion à perpétuité en tenant compte des directives concernant les peines.

40.La position de l’Éthiopie concernant l’abolition de la peine de mort et l’adhésion au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte n’a pas changé. Cependant, bien que 152 détenus (149 hommes et 3 femmes) se trouvent dans le quartier des condamnés à mort au 9 décembre 2020, il n’y a eu aucune exécution. En outre, un certain nombre de condamnations à mort ont été commuées en peines d’emprisonnement à vie ou d’une durée inférieure.

41.L’Éthiopie reconnaît que son cadre législatif concernant le recours à la force des membres des forces de l’ordre est incomplet. Pour y remédier, le Gouvernement a déjà entrepris la rédaction de la nouvelle loi sur l’usage de la force, qui devait s’achever en 2019. Toutefois, compte tenu du caractère sensible de ce texte, il a fallu organiser plusieurs consultations avec les parties prenantes et la population, ce qui a duré plus longtemps que prévu. Parallèlement, les opérations de maintien de l’ordre en cours et le déroulement de la sixième élection nationale, qui s’est tenue le 21 juin 2021, témoignent de la priorité que le Gouvernement accorde au maintien de la paix et de l’ordre.

42.Depuis la réforme engagée en 2018 et plus qu’à tout autre stade de son histoire, la Commission éthiopienne des droits de l’homme s’acquitte de sa mission de façon indépendante. Elle est désormais l’instance qui bénéficie de la plus grande indépendance pour ce qui est de recevoir les allégations d’usage excessif de la force par les forces de l’ordre et de sécurité et d’enquêter à ce sujet. Pour presque toutes les accusations de ce type portant sur des faits survenus en Éthiopie depuis 2018, la Commission a enquêté, publié des rapports et présenté ses conclusions aux services concernés afin de garantir une meilleure application du principe de responsabilité.

43.En vue d’établir un mécanisme de responsabilité indépendant, le projet de loi sur l’usage de la force prévoit la mise en place d’un solide système de dépôt de plainte, sous la forme d’une division interne de l’institution policière, qui serait indépendante des services ordinaires de prévention de la criminalité et d’enquête, afin de renforcer l’application du principe de responsabilité pour ce qui est des violations des droits de l’homme.

44.Le mandat conféré aux procureurs de la République d’inspecter régulièrement les centres de détention et de rendre visite aux personnes placées en garde à vue pour détecter toute éventuelle violation des droits de l’homme constitue un autre dispositif allant dans le même sens. Il est arrivé que des policiers aient à rendre compte de leurs actes à la suite de plaintes que des procureurs avaient reçues lors de visites de personnes en garde à vue.

45.Un conseil qui réunit la Cour suprême fédérale, le Bureau du Procureur général, la Commission de la police fédérale et la Commission fédérale des prisons a été établi dans le but de surveiller la façon dont sont traitées les personnes placées en garde à vue et d’inspecter les installations pénitentiaires. Ce conseil a réalisé des progrès notables s’agissant de la suite à donner aux plaintes et de l’application du principe de responsabilité aux personnes visées par ces plaintes.

46.Conformément aux dispositions réglementaires et aux directives pertinentes, la Commission de la police fédérale et la force de défense nationale ont établi des comités de discipline chargés de donner suite aux plaintes provenant de détenus ou déposées en leur nom. Un mécanisme permet de tenir responsable de ses actes tout membre de la police fédérale ou de la force de défense nationale qui porte atteinte aux droits et à la dignité d’autrui.

47.Une équipe spéciale d’enquête composée de membres du Bureau du Procureur général, de la Commission de la police fédérale et du Procureur général et de la Commission de la police de la Région des nations, nationalités et peuples du Sud a été constituée immédiatement après les événements survenus les 9 et 10 août 2020 dans la zone Wolayta de ladite région. L’équipe a reçu des plaintes portant sur l’usage excessif de la force qu’aurait fait des membres des forces de l’ordre et une enquête criminelle a été ouverte à ce sujet.

48.À la suite de l’assassinat de l’artiste bien connu Hachalu Hundessa, le 29 juin 2020, une manifestation organisée en signe de protestation dans certaines parties de la région Oromiya et d’Addis-Abeba a fait plusieurs morts et entraîné la destruction de biens. Bien que des agents des forces de l’ordre aient été accusés d’avoir recouru de façon excessive à la force, l’enquête a fait apparaître que les pertes en vies humaines, les blessures et la destruction de biens avaient été orchestrées et causées par de simples citoyens. Plus de 400 personnes qui s’étaient livrées à des activités criminelles pendant la manifestation ont eu à répondre de leurs actes. Il a par ailleurs été reproché au Gouvernement et aux forces de l’ordre en particulier de ne pas avoir empêché ou évité ces débordements.

49.Les événements survenus en octobre 2019 dans la région Oromiya étaient liés au fait que M. Jawar Mohammed s’était plaint, en direct sur les réseaux sociaux, de la décision administrative qui avait été prise de retirer les gardes affectés à sa protection. Ce message diffusé sur les réseaux sociaux a engendré un mouvement de protestation dans une partie de la région Oromiya et abouti à la mort de civils et à la destruction de biens. Une enquête a été menée par le Procureur général et la Commission de la police de la région Oromiya, avec l’appui du Bureau du Procureur général. Plusieurs personnes, dont des policiers soupçonnés d’être impliqués dans des meurtres et la destruction de biens, sont actuellement jugées et la plupart d’entre elles ont déjà été condamnées par le tribunal.

50.Les faits survenus en juillet 2019 dans ce qui était alors la zone Sidama de la Région des nations, nationalités et peuples du Sud, devenue depuis l’État régional Sidama, se sont produits après une manifestation importante organisée par des militants et des dirigeants d’Ejjetto, un groupe de jeunes protestataires sidama, en vue de déclarer unilatéralement l’existence de l’État Sidama. La manifestation a fait des victimes, ce qui a en grande partie été attribué aux manifestants, et les forces de sécurité ont été accusées d’avoir recouru de façon excessive à la force. Une enquête a été ouverte contre les forces de sécurité soupçonnées d’avoir fait un usage excessif de la force, mais aucune preuve ou témoignage convaincant n’a été fourni à l’équipe chargée de l’enquête.

51.L’enquête de la commission sur les faits survenus en janvier 2019 dans l’État régional Amhara est de portée générale. De violents affrontements intercommunautaires entre les Amhara et les Kemant ont débuté le 10 janvier 2019 mais ont pour point de départ la création en 2018, par un groupe d’individus se réclamant d’un Comité d’autodétermination et d’identité kemant, d’un mouvement médiatique revendiquant l’auto-administration de la communauté kemant. Les forces de sécurité ont été accusées d’être impliquées dans ces violences. Il leur a cependant été vivement reproché de n’être intervenues que tardivement pour contrôler la situation et éviter les dégâts qui en ont résulté. Une enquête est en cours contre les forces de l’ordre soupçonnées d’implication et celles qui n’ont pas agi rapidement pour éviter les violences.

52.Les événements du 17 septembre 2018 ont fait suite à une manifestation organisée à Addis-Abeba pour dénoncer les violences intercommunautaires dans certaines zones de la région Oromiya. Des jeunes présumés membres du Front de libération des Oromos ont mené des attaques, qui se sont soldées par des morts et par la destruction de biens, dans les localités de Burayu et des environs. Les forces de sécurité chargées du maintien de la paix et de l’ordre se sont trouvées face à des manifestants qui en auraient tué ou blessé d’autres. À la suite des enquêtes menées sur ces faits, plusieurs personnes, dont des policiers, ont été poursuivies et certaines d’entre elles ont déjà été condamnées.

53.Une enquête menée par la police et le parquet de la région Amhara a été ouverte après que les forces de sécurité ont fait l’objet d’allégations et de plaintes pour usage excessif de la force contre des civils non armés qui participaient à la fête annuelle de l’Église orthodoxe éthiopienne de l’Épiphanie dans la ville de Woldia, située dans la région Amhara. Ces violences ont fait suite à un face à face entre les forces de sécurité et un groupe de jeunes hommes qui affirmaient que la police fédérale leur interdisait de danser en ronde et de chanter.

54.Entre novembre 2015 et octobre 2016, l’Éthiopie était sous le coup d’un état d’urgence déclaré en réaction à des manifestations de plus en plus nombreuses, organisées notamment dans les régions Amhara et Oromiya. Après la réforme de 2018, des enquêtes approfondies ont été menées afin d’identifier et de traduire en justice les membres des forces de sécurité qui auraient fait un usage excessif de la force. Cependant, faute d’informations suffisantes et fiables sur l’administration précédente, il est difficile de traduire en justice les membres des forces de l’ordre et de sécurité faisant l’objet de telles accusations.

55.Les mesures prises par le Gouvernement en matière de réparation sont présentées au paragraphe 38 du présent document.

56.L’Éthiopie reconnaît les limites de la définition globale de la torture qui est donnée dans l’ordonnancement juridique national et prend bonne note de la préoccupation exprimée à ce sujet. Elle a déjà accepté les recommandations formulées en la matière et se prépare à rédiger des dispositions législatives exhaustives sur le crime de torture, qui comprendront une définition conforme aux normes internationales.

57.Il est toutefois important de mentionner que la position de l’Éthiopie concernant l’incorporation dans le droit interne de la Convention contre la torture est définie de façon plus précise par la Constitution. S’agissant du statut et de l’application des instruments internationaux, l’article 9 (par. 4) de la Constitution dispose en effet que tous les accords internationaux ratifiés par l’Éthiopie font partie intégrante de la législation nationale. C’est dans ce cadre que la Convention a acquis sa légitimité en tant que législation nationale. Bien que la Constitution et d’autres lois éthiopiennes protègent sans équivoque les individus contre la torture, la Convention, dans son intégralité, et la définition donnée à l’article premier en particulier, font déjà partie du droit interne.

58.La prévention des actes de torture et des traitements cruels ou dégradants et l’application du principe de responsabilité sont au cœur des réformes politiques en cours. Le Gouvernement a ainsi publiquement reconnu que les forces de sécurité et les forces de l’ordre avaient systématiquement bafoué le droit, notamment dans le cas des personnes soupçonnées de terrorisme. Une enquête criminelle a conduit à l’arrestation de membres du Service national de renseignement et de sécurité, de la police et de l’administration pénitentiaire, et notamment de hauts responsables soupçonnés d’avoir commis des actes de torture.

59.En plus de garantir l’application du principe de responsabilité, le Gouvernement a pris plusieurs mesures, parmi lesquelles figuraient la fermeture des centres de détention qui étaient des lieux de torture, la mise en place d’une structure (un conseil) chargée de visiter régulièrement les centres de détention (adaptée au niveau régional par les instances correspondantes) et l’accès régulier et sans restriction de la Commission éthiopienne des droits de l’homme à tous les lieux de détention. Grâce à leur mobilisation croissante, les médias contribuent aussi manifestement à dénoncer des actes de torture et des traitements inhumains et dégradants et à faire appliquer le principe de responsabilité.

60.À la suite des vastes réformes menées en ce qui concerne le traitement des détenus, aucun cas de torture ou de mauvais traitements infligés à des personnes placées dans des centres de détention, et en particulier à des personnes soupçonnées de terrorisme, n’a été signalé. L’Éthiopie réaffirme que le Gouvernement poursuivra ses efforts de réforme afin de prévenir les actes de torture et toute autre forme de mauvais traitement dans les centres de détention.

61.La Constitution, la politique de justice pénale et le Code pénal de la République fédérale démocratique d’Éthiopie interdisent expressément l’admission par les tribunaux de preuves obtenues illégalement, et notamment d’aveux forcés. C’est l’une des principales raisons qui a conduit, au début de la réforme, en 2018, à libérer des milliers de personnes arrêtées et détenues ou à abandonner les poursuites intentées contre elles.

62.Tout en menant une série de réformes au sein de la police et des services de renseignement afin de garantir que toutes les enquêtes criminelles se déroulent dans le strict respect de la loi, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures concrètes visant à faire en sorte que les violations des droits de l’homme ne restent pas impunies. La réforme des tribunaux a considérablement renforcé l’indépendance du pouvoir judiciaire, ce qui a permis aux juges de n’admettre que les aveux obtenus légalement.

63.Le Gouvernement a fait tout son possible pour réformer le système d’enquête criminelle en accordant une importance particulière aux questions relatives aux droits de l’homme. Comme cela a été indiqué dans les paragraphes précédents, le Bureau du Procureur général a été chargé de mener, de superviser ou de suivre chaque enquête criminelle. Cette mesure a pour unique objectif de mettre en place un mécanisme de protection des droits de l’homme. La visite régulière des centres de détention par les procureurs permet également de s’assurer du respect de la loi dans ces lieux et de faire en sorte que les allégations de torture et de mauvais traitements donnent lieu sans tarder à de véritables enquêtes.

64.Ayant adopté une politique de tolérance zéro à l’égard des actes de torture et mauvais traitements ainsi que de leurs auteurs, le Gouvernement a témoigné de la fermeté de sa position en ouvrant une enquête criminelle contre toutes les personnes impliquées dans de tels actes, y compris de hauts responsables des forces de l’ordre et l’un de leurs dirigeants à l’échelle régionale. La mise en œuvre d’un plus grand nombre de programmes de réforme ainsi qu’une série de formations successives portant sur l’attitude, les connaissances et les compétences en matière d’enquêtes requises des agents des forces de l’ordre permettront de poursuivre cette action.

65.À la suite de cette réforme, un changement de paradigme a eu lieu en Éthiopie en ce qui concerne l’organisation, les effectifs et la systématisation des forces de l’ordre. La reconnaissance explicite par le Gouvernement des violations des droits de l’homme qui avaient eu lieu a marqué le début de grands changements. La motivation qui était à l’origine de ce changement d’attitude a conduit à nommer les personnes les plus qualifiées à la tête de tous les services des forces de l’ordre et de leurs divisions. Le groupe des enquêtes est notamment composé de policiers et de procureurs de rang supérieur connus pour leur intégrité et leurs compétences en matière d’investigation.

Liberté et sécurité de la personne

66.Avant le début de la réforme politique, de graves allégations avaient été formulées concernant l’arrestation et la détention arbitraires de dissidents politiques, ce qui était l’une des raisons pour lesquelles la population exigeait des changements. À la lumière de ce constat, l’une des mesures de réforme prises par le Gouvernement en 2018 a consisté à libérer des milliers de prisonniers qui avaient commis des infractions d’ordre politique. Pour compléter cette action, le Gouvernement a, dans le cadre de son projet de réforme institutionnelle, réussi à renforcer les organismes d’observation des droits de l’homme tels que la Commission éthiopienne des droits de l’homme, afin que ceux-ci soient en mesure de déceler et de contester toute pratique répréhensible et toute violation émanant du Gouvernement, y compris des détentions illégales. Le Gouvernement a également fait adopter une nouvelle loi sur les médias (la loi no 1238/2021) qui protège mieux les journalistes contre la détention arbitraire.

67.Il convient toutefois de noter que l’appartenance à un parti politique ou le fait d’être journaliste ne confère aucune immunité en cas de responsabilité pénale. Certains membres de partis politiques et journalistes ont ainsi été arrêtés et traduits en justice pour avoir commis des actes criminels qui n’avaient rien à voir avec leur appartenance politique ou leur profession. Ces personnes ont bénéficié du droit à une justice équitable, impartiale et rapide que leur confèrent le Pacte et la Constitution de la République fédérale démocratique d’Éthiopie.

68.Afin de remédier au problème du surpeuplement et des mauvaises conditions matérielles dans les prisons et les centres de détention, de nouveaux établissements pénitentiaires sont en cours de construction, ce qui améliorera considérablement la situation. En outre, le Gouvernement a, en collaboration avec ses partenaires, fait construire des lieux de détention supplémentaires dans les postes de police qui manquaient particulièrement de place. À cet égard, cinq centres de détention supplémentaires ont été construits et trois sont en cours de construction à Addis-Abeba, où ce problème de surpeuplement est fréquent. Afin de réduire le surpeuplement dans les centres de détention provisoire, les tribunaux et la police ont joué un rôle de premier plan en libérant sous caution des suspects conformément aux dispositions du Code de procédure pénale.

69.Le Gouvernement a également approuvé une hausse importante du budget affecté à la fourniture de services essentiels tels que l’alimentation des détenus. En outre, la Commission fédérale des prisons a, en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), fait en sorte que les établissements pénitentiaires disposent de leur propre approvisionnement en eau au moyen de puits.

70.La Commission fédérale des prisons fournit des soins de santé aux détenus dans ses propres centres de soins ainsi que dans des hôpitaux publics. Chaque établissement pénitentiaire dispose de dispensaires dotés de professionnels de santé. Ces dispensaires accueillent tout détenu ayant un problème de santé de quelque nature que ce soit et l’orientent vers d’autres services lorsqu’ils ne sont pas en mesure de lui fournir un traitement adéquat. Le détenu est alors transféré à l’hôpital général de la Commission fédérale des prisons, dans tout hôpital public ou, parfois même dans des institutions médicales privées de son choix. Cependant, l’Éthiopie manquant d’établissements médicaux spécialisés en santé mentale, les prisonniers atteints de graves problèmes psychiatriques qui ont besoin de soins spécialisés sont obligés d’attendre plus longtemps avant d’être pris en charge.

71.Les établissements pénitentiaires suivent de strictes mesures de prévention de la propagation de la pandémie de COVID-19. Les nouveaux détenus font à cet égard l’objet d’un examen médical approfondi avant de pouvoir rejoindre le reste de la population carcérale. En outre, les prisonniers qui présentent des symptômes de la COVID-19 sont tenus à l’écart des autres pendant plusieurs semaines afin de prévenir toute contagion. Les centres de redressement fédéraux et régionaux disposent d’un quartier ou d’une zone séparés réservés aux délinquants juvéniles âgés de plus de 15 ans et les autorités compétentes veillent régulièrement au maintien de cette séparation. Il existe aussi un centre de réadaptation réservé aux enfants de 9 à 15 ans en conflit avec la loi. Le CICR ainsi que les ONG locales qui défendent les droits des détenus ont la possibilité de visiter les établissements pénitentiaires. Par exemple, de janvier 2019 à décembre 2020, le CICR a rendu visite à plus de 105 000 détenus incarcérés dans 34 lieux de détention, dont des établissements pénitentiaires fédéraux et des prisons des régions Amhara, Oromiya et Benishangul-Gumuz, ainsi que des postes de police et des centres pour mineurs. Lors de ces visites, le CICR procède notamment à l’inspection des cellules des détenus, ainsi que des documents et de toute information portant entre autres sur les conditions de détention et les possibilités de visite des familles.

72.De nets progrès ont été réalisés en vue de remédier au problème de la détention prolongée. Il a par exemple été possible de mener à terme les enquêtes visant plus de 3 000 suspects qui avaient été placés en détention pour différentes infractions pénales à la suite de la mort de Hachalu Hundessa et de les faire comparaître devant les tribunaux dans un délai de deux mois.

73.En ce qui concerne la fourniture d’une aide juridictionnelle gratuite, le Bureau des défenseurs publics a réussi à représenter, de juillet 2020 à janvier 2021 seulement, 13 027 prévenus ou accusés qui n’avaient pas les moyens d’engager leur propre avocat. De plus, la nouvelle loi sur la société civile devrait renforcer les capacités des prestataires non gouvernementaux de services d’aide juridictionnelle gratuits et instaurer des conditions propices aux partenariats avec l’État car elle a éliminé toutes les difficultés d’accès imposées par la loi précédente. La loi no 1113/2019 sur les organisations de la société civile a ainsi supprimé les restrictions, notamment d’ordre financier, qui avaient été mises en place par la loi précédente (no 621/2009). En conséquence, toutes ces organisations ont désormais la possibilité d’œuvrer en faveur des droits de l’homme, notamment en fournissant une aide juridictionnelle gratuite aux indigents.

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes

74.L’Éthiopie élabore actuellement une politique migratoire et a déjà adopté une stratégie de prévention de la criminalité visant à prévenir et à combattre les migrations irrégulières en accordant une importance particulière aux infractions de traite des êtres humains et de trafic de migrants.

75.L’Éthiopie a adopté la loi no 1178/2020 relative à la prévention et à l’élimination de la traite et du trafic d’êtres humains. Cette loi a eu pour effet de mettre en place différents mécanismes préventifs et répressifs susceptibles de contribuer de façon décisive à la lutte contre la traite des personnes. Elle a établi un Conseil national, dirigé par le Vice-Premier Ministre, ainsi qu’une coalition de partenariat national qui rend compte au Conseil. Ces cadres institutionnels visent à assurer une meilleure coordination des activités menées, notamment en ce qui concerne la protection et l’assistance à apporter aux victimes ainsi que leur réadaptation, et la formulation et la mise en œuvre de politiques. Des coalitions similaires visant à lutter contre les infractions de traite et à garantir la protection et la réadaptation optimales des victimes ont également été établies dans six États régionaux et deux administrations municipales.

76.En outre, les tribunaux ont créé des sections spécialisées chargées de connaître des affaires de traite de personnes et de trafic de migrants. Les juges affectés à ces sections ont également suivi des formations spéciales sur le jugement de telles affaires.

77.Des séries de formations et d’ateliers ont été organisées à l’intention des policiers et des professionnels du secteur de la justice sur la prévention, les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de traite de personnes et de trafic de migrants. De 2017 à 2020, des formations ont été dispensées à 432 policiers et professionnels du secteur de la justice (370 hommes et 62 femmes). Ces formations visaient principalement à renforcer les capacités de ce personnel en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de traite des personnes. L’OIM a également permis à une centaine de procureurs, juges et policiers de suivre des formations sur la traite des personnes dispensées à Nairobi (Kenya).

78.En ce qui concerne les enquêtes et les poursuites contre des trafiquants, entre le 29 octobre 2018 et le 26 décembre 2020, 1 183 suspects ont fait l’objet de poursuites et 541 accusés ont été condamnés (y compris pour avoir exploité autrui par le travail ou à des fins sexuelles), les autres affaires étant en instance.

79.La loi no 1178/2019 prévoit également la création d’un fonds visant à prévenir et combattre les crimes de traite de personnes et de trafic de migrants et à assurer la réadaptation des victimes. Ce fonds est financé par l’État, par le produit de la vente des biens confisqués aux auteurs de tels crimes et les amendes qui leur ont été infligées conformément à la loi, par des contributions volontaires de particuliers, par le secteur privé, par des organisations de la société civile et par des dons de divers organisations et bailleurs de fonds internationaux. Le Fonds a pour vocation d’apporter une assistance aux victimes, d’organiser des formations et de prendre en charge les frais liés aux réparations à accorder aux victimes, ainsi qu’à leur réadaptation et à leur réinsertion et à la construction de lieux d’accueil temporaire. Il peut aussi bénéficier aux victimes de tortures commises dans le cadre de la traite.

80.En collaboration avec l’OIM, cinq lieux d’accueil ont été ouverts aux points de sortie de différentes régions du pays, tels que Semera, Dire Dawa, Togowuchale et Metema. Ces lieux accueillent des migrants de retour et des victimes de la traite ou du trafic de personnes. De 2018 à 2021, 9 764 migrants en situation de vulnérabilité (5 752 de sexe masculin et 4 015 de sexe féminin), dont 803 mineurs non accompagnés, ont ainsi été accueillis et ont bénéficié d’un abri, de nourriture, d’eau, de premiers soins, d’une orientation vers des services médicaux, d’un soutien psychosocial et de la prise en charge de leurs frais de transport ultérieurs. Le Gouvernement a également fourni des possibilités d’emploi à 36 741 victimes de retour en Éthiopie.

Traitement des étrangers, notamment des réfugiés et des demandeurs d’asile

81.En ce qui concerne les points de la liste du Comité concernant le traitement des étrangers, notamment des réfugiés et des demandeurs d’asile (CCPR/C/ETH/Q/2, par. 16), l’Éthiopie fait partie des pays qui comptent le plus de réfugiés. Elle accueille actuellement 961 056 réfugiés et demandeurs d’asile provenant de 26 pays ; 98 % de ces réfugiés sont originaires du Soudan du Sud, de la Somalie, de l’Érythrée et du Soudan, et les 2 % restants du Kenya, du Yémen, de Syrie, des pays de la région des Grands Lacs et d’autres États.

82.Les mécanismes et mesures que l’Éthiopie a adoptés concernant les réfugiés sont en grande partie régis par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967 ; la Convention de 1969 de l’Organisation de l’unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ; la loi très progressive et complète de l’Éthiopie sur les réfugiés, promulguée en 2019 ; et d’autres politiques, lois et cadres institutionnels internationaux, régionaux et nationaux connexes.

83.En particulier, lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne qui demande à bénéficier de la protection internationale doit être considérée comme un réfugié, la Convention de 1951 et son Protocole de 1967 s’appliquent aux États parties. Il est également essentiel de noter que les lois de l’État d’accueil relatives aux réfugiés auront leur rôle à jouer à cet égard. En vertu de la Convention et de son Protocole, le statut de réfugié peut être accordé d’emblée (prima facie) ou au terme d’une procédure individuelle de détermination de ce statut. L’Éthiopie applique ces deux modalités depuis de nombreuses années, bien que la grande majorité des réfugiés se trouvant en Éthiopie aient obtenu leur statut prima facie.

84.La procédure de détermination individuelle du statut de réfugié n’a pas été strictement appliquée au grand nombre de réfugiés qui ont été reconnus d’emblée comme tels. Mais cette absence fréquente de contrôle a entraîné un afflux important de mineurs non accompagnés, de migrants en situation irrégulière et d’autres personnes qui ne satisfont pas aux critères d’obtention du statut de réfugié énoncés dans les instruments internationaux. En conséquence, le Service chargé des réfugiés et des rapatriés a appliqué à l’examen des demandes d’asile d’Érythréens de strictes méthodes d’évaluation, la détermination du statut de réfugié s’effectuant en partie prima facie et en partie au cas par cas en tenant compte des circonstances propres à chaque individu. Ces pratiques seront étendues et appliquées à l’ensemble des réfugiés accueillis en Éthiopie.

85.À cette fin, les faits et conditions actuels propres au pays d’origine, y compris les informations sur les droits de l’homme, la situation en matière de sécurité et les conditions socioéconomiques, humanitaires et autres, seront rigoureusement analysés en étroite collaboration avec les acteurs clefs, et il sera tenu compte de considérations relatives à la protection internationale et de la situation dans le pays concerné, afin que les décisions prises se fondent sur des éléments factuels.

86.En outre, en ce qui concerne la détermination du statut de réfugié au cas par cas, l’Éthiopie a des méthodes très transparentes, adaptées à chaque situation et tout à fait adéquates, et les mécanismes de recours nécessaires ont déjà été mis en place afin de garantir des procédures équitables, efficaces et de qualité qui confèrent les mêmes droits à tous les demandeurs d’asile arrivant dans le pays.

87.En ce qui concerne les enfants réfugiés, y compris les mineurs non accompagnés, il existe un mécanisme clairement défini dans le cadre duquel le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et la procédure qui en découle sont mis en œuvre en collaboration avec des partenaires. Pour être précis, dans le cadre plus général de la protection de l’enfance, le principe de l’intérêt supérieur est respecté pour chaque enfant, y compris lors de la détermination du statut de réfugié. À cet égard, l’évaluation et la détermination de l’intérêt supérieur d’un enfant constituent deux éléments procéduraux essentiels permettant de prendre des décisions visant à assurer son bien-être.

88.Il convient de noter à ce stade que ce léger ajustement de la procédure nationale d’octroi de l’asile ne remet nullement en cause la politique de la porte ouverte adoptée depuis longtemps par le Gouvernement éthiopien ni les engagements novateurs pris en vue d’améliorer les conditions de vie des réfugiés. Pour preuve, pas un seul demandeur d’asile ou réfugié n’a été refoulé d’Éthiopie par la force ; le Gouvernement a maintenu sa politique de la porte ouverte adoptée de longue date en ce qui concerne l’asile des personnes ayant fui leur foyer à la suite de catastrophes naturelles ou causées par l’homme, malgré ses propres difficultés sur les plans socioéconomique et politique ainsi que les conséquences qu’entraîne l’accueil d’un grand nombre de réfugiés ; et, contrairement à d’autres pays, l’Éthiopie a continué à ouvrir ses frontières et à se montrer accueillante, ainsi qu’à permettre aux demandeurs d’asile qui se trouvaient sur son territoire d’accéder aux secours humanitaires et d’être protégés, même pendant la pandémie de COVID-19.

89.De manière générale, les opérations menées actuellement en Éthiopie en faveur des réfugiés s’inscrivent dans le contexte de situations d’urgence prolongées et très complexes, dans lesquelles de nombreux réfugiés vivent dans le pays depuis cinq ans ou plus alors même qu’arrivent des centaines de milliers de nouvelles personnes. La plupart des réfugiés se trouvant en Éthiopie sont des jeunes, des femmes et des enfants, y compris des mineurs non accompagnés.

90.L’Éthiopie continue à accueillir des demandeurs d’asile et des réfugiés de manière digne et sûre, à leur arrivée dans différents lieux d’accueil qui sont pour la plupart situés près de points d’entrée répartis le long de la frontière avec leur pays d’origine. Au cours de leur séjour dans ces structures d’accueil, les arrivants sont enregistrés et reçoivent une assistance pendant quelques jours avant d’être transférés dans des camps de réfugiés ou des structures similaires pour y vivre. Certains réfugiés vivent également dans divers endroits autres que des camps, à la campagne ou en ville, y compris dans la capitale, Addis-Abeba, selon la politique adoptée par l’Éthiopie à cette fin.

91.En étroite collaboration avec les organismes des Nations Unies et d’autres partenaires, le Gouvernement fournit protection et assistance aux réfugiés se trouvant dans le pays. Les réfugiés ont notamment accès aux services de base et aux services sociaux, y compris à des produits alimentaires et non alimentaires et à des services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène, d’hébergement, d’éducation, de santé et de nutrition. Ils reçoivent également une aide en espèces, parfois en sus de l’assistance en nature qui leur est accordée.

92.Pour associer les réfugiés aux décisions les concernant, une approche axée sur la communauté permet de favoriser leur participation active, en tant que partenaires clefs, à la planification, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des programmes et projets qui leur sont destinés.

93.Diverses activités de consolidation de la paix sont également mises en œuvre dans les camps en vue d’assurer la coexistence pacifique des réfugiés et des communautés qui les accueillent.

94.Lorsqu’elle a été introduite pour la première fois en 2010, la politique « hors camps » du Gouvernement éthiopien ne s’appliquait qu’aux réfugiés érythréens, auxquels elle donnait la possibilité de vivre en dehors des camps à Addis-Abeba et dans d’autres lieux de leur choix. Cependant, lors du Sommet des dirigeants sur la crise mondiale des réfugiés, qui s’est tenu le 20 septembre 2016 à New York, le Gouvernement éthiopien s’est engagé à faire bénéficier de cette politique tous les réfugiés accueillis par l’Éthiopie, quelle que soit leur nationalité.

95.La politique « hors camps » n’ayant été que récemment étendue aux réfugiés d’autres nationalités, les réfugiés érythréens sont plus nombreux à en bénéficier que ceux d’autres pays. Actuellement, environ 70 000 réfugiés érythréens vivent en dehors des camps dans des zones rurales ou urbaines, dont plus de 50 000 à Addis-Abeba. La politique « hors camps » permet aux réfugiés non seulement d’avoir des contacts avec les membres de leur communauté d’accueil, mais aussi de bénéficier des possibilités qui existent sur le plan socioéconomique et de devenir autonomes, car ils sont libres de se déplacer et peuvent poursuivre leur éducation ainsi que gagner leur vie en travaillant dans le secteur informel de l’économie.

96.Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, le Gouvernement éthiopien déploie, en collaboration avec les parties prenantes concernées, de vastes efforts pour éviter que les interventions d’ordre purement humanitaire ne monopolisent l’attention. En conséquence, de grands progrès ont été et sont encore réalisés en vue de poursuivre, sans perdre l’élan acquis, la mise en œuvre du pacte mondial pour les réfugiés et du cadre d’action global qui s’y rapporte, ainsi que de traduire plus rapidement les engagements nouveaux et existants du Gouvernement en résultats concrets fondés sur le principe de la coopération internationale (c’est-à-dire sur un partage équitable des contraintes et des responsabilités).

97.Divers mécanismes sont mis en place pour faciliter l’élaboration progressive de services intégrés destinés à bénéficier à long terme aux réfugiés et aux communautés d’accueil éthiopiennes, au lieu de privilégier l’action humanitaire. À cet égard, le Gouvernement a continué à prendre d’importantes mesures visant à mettre en place des structures de gouvernance efficaces et globales permettant de soutenir et d’accompagner la bonne application du cadre d’action global pour les réfugiés en tenant compte du contexte propre à chaque région.

98.Dans le cadre des réformes socioéconomiques et politiques menées à l’échelle du pays, le Gouvernement a également pris de remarquables mesures visant à instaurer des conditions favorables à cette évolution sur le plan juridique et en matière de politiques, ainsi que des dispositions institutionnelles efficaces portant sur tous les aspects de la situation des réfugiés se trouvant en Éthiopie. Pour ne citer que quelques-unes des mesures phares prises, l’élaboration d’une stratégie nationale globale d’action à long terme relative aux réfugiés est maintenant achevée. Une fois approuvée, cette stratégie permettra d’articuler les interventions menées dans les domaines de l’action humanitaire, du développement et de la consolidation de la paix ; de fermer progressivement les camps de réfugiés et de s’acheminer vers une action plus globale en faveur des réfugiés en matière d’infrastructures et de services nationaux, en privilégiant une prise en charge plus viable de ces populations qui remplacera leur placement dans des camps ; de diriger et d’orienter l’apport de réponses complètes à cet égard dans le pays ; et de promouvoir une consultation et une coordination véritables à tous les niveaux avec un vaste ensemble de parties prenantes, y compris le secteur privé.

99.La nouvelle loi permet aux réfugiés de bénéficier de divers avantages découlant de leurs droits, notamment d’accéder aux services de base et aux services sociaux, y compris en matière d’éducation et de santé ; de tirer parti de davantage de possibilités sur le plan socioéconomique ; de se déplacer librement dans le pays ; d’accéder aux services de l’État en ce qui concerne l’enregistrement des faits d’état civil et les autres documents connexes ; de travailler et d’acquérir de nouvelles compétences ; et de contribuer de façon positive non seulement à leur pays d’asile, mais aussi à leur pays d’origine ou au pays dans lequel ils s’installeront à l’avenir.

100.Le Gouvernement a également entrepris d’élaborer des dispositions législatives dérivées qui sont indispensables à la réalisation des engagements ambitieux qu’il a pris, en procédant à un examen approfondi du droit éthiopien des réfugiés, qui est très progressiste. En conséquence, des procédures opérationnelles sont élaborées afin d’assurer une mise en œuvre et une interprétation correctes de la nouvelle loi sur les réfugiés, notamment pour ce qui est de faciliter l’obtention de permis de travail et de séjour en dehors des camps. Entre autres, ces procédures permettront aux réfugiés présents dans le pays d’obtenir des permis de travail et d’accéder au marché de l’emploi ; de vivre en dehors des camps, là où ils seront davantage en mesure d’exercer leurs droits, par exemple, de se déplacer, de tirer parti de l’économie locale et d’y contribuer, et de s’intégrer dans leur communauté d’accueil ; et également de faire part de leurs doléances et d’obtenir réparation s’il y a lieu et de donner leur avis sur l’ensemble du système de protection et d’assistance.

101.Un nombre important de réfugiés présents en Éthiopie étudient dans des établissements d’enseignement supérieur publics ou privés, certains faisant des études universitaires supérieures. Des réfugiés sont également inscrits à différents programmes d’enseignement et de formation techniques et professionnels qui visent à accroître leurs perspectives socioéconomiques en améliorant leurs compétences professionnelles, leur employabilité et leur participation à des projets assurant des moyens de subsistance, menés notamment dans les petites et moyennes entreprises. En ce qui concerne la formation professionnelle, 629 étudiants réfugiés au total (242 femmes et 387 hommes) ont à présent obtenu un diplôme d’établissement d’enseignement et de formation techniques et professionnels, et 394 (184 femmes et 210 hommes) suivent actuellement de tels programmes.

102.À la suite de l’attribution de terres irrigables par le Gouvernement et grâce à l’appui direct que des partenaires ont apporté à la construction d’infrastructures d’irrigation, des réfugiés et des agriculteurs des communautés d’accueil travaillent côte à côte, dans le cadre d’une coopérative agricole, sur des terres irriguées, et récoltent maintenant des cultures et des fruits dont ils bénéficient sur un pied d’égalité. On s’emploie actuellement à étendre ces bonnes pratiques à d’autres régions du pays qui accueillent des réfugiés, en tenant compte des approches locales et des chaînes de valeur agricoles.

103.Différentes initiatives sont également conçues et mises en œuvre dans le but d’ouvrir davantage de perspectives d’ordre socioéconomique tant pour les réfugiés que pour les communautés d’accueil. À cet égard, en juillet 2020, un inventaire des moyens de subsistance a été réalisé, l’accent étant mis sur les débouchés économiques existants. Il en est ressorti que 4 107 réfugiés exerçaient différentes activités économiques, principalement dans les domaines du petit commerce, de la production agricole, de l’élevage, de la pêche, de l’apiculture et des coopératives, ainsi que dans le cadre d’emplois salariés. Sur ce total, 2 865 réfugiés qui remplissaient les critères fixés ont reçu un permis de séjour/de travail.

104.En outre, dans le cadre de son ambitieux projet visant à assurer l’intégration socioéconomique des réfugiés dans les systèmes nationaux, le Gouvernement s’emploie, entre autres, à élargir également leur accès à l’enregistrement des faits d’état civil et à la délivrance des documents dont ils ont besoin, y compris à l’enregistrement et à la certification des données d’état civil, au permis de conduire, aux comptes bancaires et aux services de télécommunications ; et à mener des travaux préparatoires pour faciliter leur intégration locale, en particulier en cas de déplacement de longue durée.

105.En ce qui concerne la question de l’apatridie et du statut des apatrides, il reste à l’Éthiopie à ratifier la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d’apatridie. Ce n’est pas par manque de volonté et de détermination qu’elle ne l’a pas encore fait, mais parce qu’elle est fermement convaincue qu’il convient de procéder au préalable à un examen approfondi permettant d’établir l’existence du problème dans le pays et d’en déterminer l’ampleur.

Personnes déplacées

106.L’Éthiopie a ratifié la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) ; entrepris la mise en œuvre d’un plan stratégique national visant à mettre fin aux déplacements dus à des conflits et établi un mécanisme de responsabilité en la matière. Elle met également en œuvre une politique et une stratégie nationales de gestion des risques de catastrophe.

107.Le plan stratégique national visant à mettre fin aux déplacements dus à des conflits a en particulier pour objectif de mener des entretiens sur la paix à tous les niveaux et des campagnes en faveur de la paix faisant intervenir les aînés et notables locaux, de faire appliquer l’état de droit et de veiller à la sécurité et la sûreté de toutes les collectivités. L’Éthiopie a également lancé l’Initiative pour des solutions durables, qui vise à intégrer les questions liées aux déplacements dans les principaux documents d’orientation générale et à mettre en place des programmes législatifs et institutionnels, dirigés par les pouvoirs publics et menés par les populations locales, en ce qui concerne les retours volontaires, la réinstallation et l’intégration locale.

108.Un service d’alerte et d’intervention rapides établi au sein du Ministère de la paix a également mené de nombreuses activités pour éviter des déplacements internes ou en réduire les effets. Le Gouvernement a fourni une aide humanitaire immédiate aux personnes déplacées à la suite de catastrophes naturelles ou d’origine humaine. Un budget important a été alloué à la prise en charge des besoins fondamentaux des personnes déplacées, notamment en matière d’alimentation, de vêtements, d’abri et de soins de santé, lors de leur déplacement ainsi que de leur réadaptation ou de leur réinstallation. Des partenaires du système des Nations Unies et d’autres organismes internationaux ont participé à l’apport d’aide humanitaire.

109.Le Gouvernement fédéral collabore étroitement avec toutes les administrations fédérales, régionales et locales concernées afin d’inciter les personnes déplacées à retourner dans leur lieu de résidence, ou à se réinstaller ailleurs ou à s’intégrer de leur plein gré dans leur communauté d’accueil. L’aide humanitaire n’est pas seulement fournie lors des déplacements, mais également pendant la réinstallation ou à la réintégration des personnes déplacées. Des consultations sont généralement organisées directement avec les personnes déplacées ou leurs représentants avant que des décisions soient prises sur les solutions les concernant.

110.Les personnes déplacées sont très vulnérables face à la COVID-19, qui est source d’immenses difficultés dans tous les secteurs de la société. Pour réduire cette vulnérabilité, des informations sur la COVID-19 ont été données à toutes les personnes déplacées, avec le concours du Ministère de la santé. Avec l’aide de partenaires, du matériel sanitaire et de prévention, y compris des masques, des gants et d’autres articles médicaux, a été fourni aux personnes déplacées, pour les aider à contrôler la propagation de la pandémie. Des organisations telles que le HCR et l’OIM soutiennent également les activités de lutte contre la COVID-19 menées par le Gouvernement auprès des personnes déplacées vivant dans les camps.

Accès à la justice, indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable

111.Il convient de rappeler que, comme l’Éthiopie l’a indiqué dans son rapport, l’équipe spéciale sur la réforme des affaires judiciaires a pour mission de définir et de recommander des mesures qui renforceront l’indépendance et le professionnalisme des tribunaux. Ce comité a maintenant atteint les objectifs qui lui avaient été fixés et a été déchargé de ses fonctions.

112.Sur la base des recommandations de l’équipe spéciale et à la suite d’autres activités menées de concert, la loi no 1233/2021 sur l’administration judiciaire fédérale et la loi no 1234/2021 sur les tribunaux fédéraux ont été adoptées par la Chambre des représentants du peuple, l’organe législatif suprême de l’Éthiopie.

113.Compte tenu du rôle vital des tribunaux dans l’administration de la justice, la nouvelle loi no 1233 de 2021 sur l’administration judiciaire fédérale a ainsi établi un Conseil d’administration judiciaire fédérale, dont l’objectif premier est d’assurer l’indépendance des tribunaux fédéraux et la possibilité d’y accéder.

114.Le Conseil est notamment chargé de sélectionner des candidats qualifiés aux fonctions judiciaires des tribunaux fédéraux de première instance et de grande instance et d’élaborer des procédures de travail, un code de conduite judiciaire et un règlement disciplinaire. Il a déjà adopté un ensemble de règles régissant le code de conduite des juges et les procédures disciplinaires.

115.La loi no 1234/2021 sur les tribunaux fédéraux a remplacé la loi no 25/1993 (telle que modifiée), qui était le principal instrument régissant le mandat et le fonctionnement des tribunaux fédéraux.

116.Comme le préambule de la loi l’indique, l’adoption de ce nouveau texte se justifiait principalement par la nécessité de faire en sorte que les tribunaux fédéraux fournissent des services efficaces, efficients, transparents et prévisibles dans le respect de l’indépendance judiciaire, qui fait partie des principes fondamentaux inscrits dans la Constitution de la République fédérale démocratique d’Éthiopie.

117.Dans le cadre de ces objectifs, la loi a introduit des modifications et de nouvelles dispositions relatives à la compétence matérielle des tribunaux, au rôle des médiateurs désignés par les tribunaux et à la gestion des dossiers, ainsi que d’autres améliorations similaires, qui ont toutes pour but de faciliter l’accès aux tribunaux.

118.Afin de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, la gestion du budget et des ressources humaines fait l’objet d’un chapitre entier de la nouvelle loi (art. 36 à 40), qui dispose que les tribunaux fédéraux doivent soumettre directement leur budget provisionnel, pour approbation, à la Chambre des représentants du peuple.

119.En ce qui concerne l’indépendance des procureurs, deux ans se sont écoulés maintenant depuis que le règlement no 44/1997 du Conseil des ministres sur l’administration des procureurs fédéraux a été remplacé par le règlement no 433/2018. L’interdiction explicite faite aux procureurs d’adhérer à des partis politiques, de participer à des activités politiques ou de s’en faire l’écho dans le cadre de leurs fonctions est l’une des principales nouveautés de ce règlement pour ce qui est de l’indépendance et de l’impartialité des procureurs.

Liberté d’expression

120.Le droit à la liberté d’expression est reconnu à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l’article 29 de la Constitution de la République fédérale démocratique d’Éthiopie. L’article 19 (par. 3) du Pacte et la Constitution consacrent tous deux le principe selon lequel le droit à la liberté d’expression peut légitimement être limité pour protéger l’intérêt public ainsi que les droits et la réputation d’autrui. Le Gouvernement est habilité à restreindre toute forme d’expression susceptible de nuire à la société. Compte tenu de la responsabilité qui lui incombe de protéger toutes les personnes, le Gouvernement a adopté la loi no 1185/2020 sur la prévention et la suppression des discours de haine et de la désinformation. La législation criminalise les discours de haine et la diffusion de désinformation et impose une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement lorsque de tels paroles ou actes ont entraîné une attaque contre des individus ou un groupe ou que des violences ou des troubles publics en ont résulté.

121.De plus, la législation privilégie l’emprisonnement simple plutôt que l’emprisonnement en régime sévère et donne aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d’éviter de condamner à une peine de prison une personne dont ils estiment qu’elle pourrait être remise sur le droit chemin par d’autres moyens. La loi prévoit également des sanctions autres que des amendes et peines d’emprisonnement, telles que des travaux d’intérêt général obligatoires.

122.En ce qui concerne les préoccupations du Comité relatives aux coupures d’Internet, le Gouvernement éthiopien est convaincu que la liberté d’expression est un droit fondamental, et les restrictions imposées aux sites Web et aux chaînes de télévision, organes d’information et blogs compris, en raison du caractère politique de leurs contenu ou émissions, ont été levées, notamment depuis le début de la réforme. Cependant, certains individus et militants ont incité à la violence par le biais des réseaux sociaux et il est ainsi arrivé que des centaines de personnes meurent à cause d’un simple message. Par exemple, les affrontements mortels qui se sont produits en octobre 2019 à Addis-Abeba et dans différentes villes de l’État régional Oromiya ont fait suite à des messages diffusés sur les réseaux sociaux le 23 octobre 2019 par un militant qui accusait les autorités gouvernementales de menacer de mettre fin à son service de protection. Ces messages ont à eux seuls entraîné de violents affrontements interethniques qui se sont entre autres soldés par des attaques contre des civils, le pillage de biens et la mise à feu de magasins et d’entreprises. Une bonne centaine de personnes ont trouvé la mort lors de ces manifestations violentes ; d’autres ont été blessées et des biens d’une valeur totale de plusieurs millions de birr ont été détruits. Des messages similaires diffusés sur les réseaux sociaux à la suite de divers événements ont également causé la mort de plusieurs personnes dans différentes parties du pays.

123.Dans ces conditions, il est apparu clairement que, pour éviter ou du moins réduire au minimum les répercussions de messages diffusés sur les réseaux sociaux à la suite de certains événements, les coupures d’Internet étaient un moyen inévitable de protéger l’intérêt général. Ces coupures n’ont cependant pas de fondements politiques et constituent plutôt une mesure légitime visant à défendre les droits humains de la population, notamment pendant la période ayant suivi avril 2018.

Liberté de réunion pacifique

124.En ce qui concerne les points de la liste du Comité concernant la liberté de réunion pacifique, il existe deux catégories de restrictions imposées au droit de réunion en vertu de la loi no 3/1991 sur les manifestations pacifiques et les réunions politiques publiques. La première, d’ordre procédural, oblige les personnes qui veulent organiser une manifestation ou une réunion politique publique à en informer par écrit au préalable les autorités compétentes des municipalités ou des administrations locales. En ce qui concerne les restrictions de fond, un rassemblement, une manifestation ou une réunion politique publique ne doit pas nuire aux droits que la loi confère à autrui. En outre, la manifestation ou la réunion politique publique ne peut avoir lieu dans certains lieux tels que les ambassades, les organisations internationales, les institutions religieuses, les cimetières, les hôpitaux, les centrales électriques et les barrages, ainsi que les places de marché les jours de marché. Il est en outre interdit d’organiser une manifestation ou une réunion politique publique qui a pour but de prôner la discrimination fondée sur la race, la couleur de peau, le sexe ou tout autre facteur, ou de promouvoir le racisme et de se livrer à des provocations susceptibles de susciter la haine et la méfiance entre les nations, les nationalités et les peuples de l’Éthiopie.

125.En plus de cette loi, il est précisé dans la Constitution de la République fédérale démocratique d’Éthiopie que ce droit ne dispense pas des responsabilités découlant des lois promulguées pour protéger le bien-être de la jeunesse ou l’honneur et la réputation des individus, ainsi que des lois interdisant toute propagande en faveur de la guerre et toute expression publique d’opinions visant à porter atteinte à la dignité humaine.

126.La liberté de réunion et de manifestation pacifique n’est pas un droit absolu. Elle peut être soumise, conformément à l’article 21 du Pacte, à des restrictions liées à la protection de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public, de la santé publique et d’autres facteurs similaires. À cet égard, des manifestations et rassemblements publics, y compris des conférences de presse, ont été annulés par l’État afin de préserver la sûreté et l’ordre publics. Certains d’entre eux, notamment ceux prévus contre les mesures de prévention de la COVID‑19 et l’état d’urgence qui restreignait les rassemblements publics, ont été interdits par les autorités publiques compétentes. Par ailleurs, un certain nombre de conférences de presse ont également été annulées en raison de différends contractuels entre les organisateurs et les hôtels où elles étaient censées se tenir. Dans tous les autres cas, la police et les autres autorités publiques compétentes n’ont jamais fait obstacle à la tenue de conférences de presse et de manifestations pacifiques des forces politiques, quelles qu’elles soient.

Droits de l’enfant

127.Dans le cadre d’une approche globale visant à remédier aux problèmes que rencontrent les enfants, le Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse a mis en place des structures de coopération intersectorielle avec les domaines de la santé, de l’éducation, de la justice et de la protection sociale sur de grandes thématiques telles que la maltraitance des enfants, la nutrition, le développement du jeune enfant, le travail des enfants, la traite et les enfants des rues.

128.Chaque ministère, service, commission, autorité et autre organe gouvernemental fédéral a été doté d’une direction chargée des femmes, des enfants et des jeunes qui a pour mission d’intégrer dans les plans et programmes adoptés les questions relatives aux droits et à la protection de l’enfant. Des experts des droits et de la protection des enfants sont nommés au sein de ces directions et un budget est alloué à l’exécution de leurs activités d’intégration.

129.Parmi les autres outils et systèmes pertinents qui devraient améliorer l’obtention de données ventilées sur les enfants figurent les centres d’assistance téléphonique contre la maltraitance et l’exploitation des enfants et le cadre national de gestion des dossiers relatif aux services de protection et de soutien des enfants. Cent tribunaux adaptés aux enfants, 8 services d’assistance téléphonique, 34 centres polyvalents et 16 centres d’accueil ont ainsi été établis dans différentes régions.

130.Des numéros d’urgence permettant aux enfants de signaler les mauvais traitements et les violences qui leur sont infligés ont été mis en place. Cinq d’entre eux sont actuellement ouverts à Addis-Abeba, Dire Dawa, Benshangul-Gumuz, Harar et Oromiya. Ces services d’assistance téléphonique accessibles et faciles à utiliser permettent aux enfants comme aux adultes de signaler aux autorités gouvernementales compétentes des cas de maltraitance, de négligence, de violence et d’exploitation et facilitent l’obtention de services complets pour les enfants victimes.

131.Un système de gestion de données actuellement mis en place sous l’égide du Bureau du Procureur général permettra d’obtenir des données ventilées sur la maltraitance et les abus sexuels infligés aux enfants. Les régions disposeront également de leur propre système de gestion des données pour enregistrer, même au niveau local, les cas signalés. Le système national de base de données sur le bien-être des enfants recueille et enregistre également des données sur la maltraitance et l’exploitation des enfants.

132.Le Gouvernement éthiopien s’emploie à éliminer les châtiments corporels dans le cadre familial, ainsi que dans les écoles et les institutions, par des mesures législatives ou d’autre ordre. À cette fin, le Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse a, en collaboration avec le Ministère de l’éducation, adopté un manuel sur la discipline positive. Ce manuel vise à préserver les enfants des châtiments corporels à l’école, dans les orphelinats et dans le cadre familial. Des activités sont régulièrement organisées dans divers secteurs de la société pour faire connaître ce manuel et veiller à son application.

133.Différents mécanismes ont également été mis en place pour que les enfants et les adultes puissent signaler les violences et les actes de maltraitance, y compris les châtiments corporels, infligés dans le cadre familial, à l’école ou dans des institutions. Des efforts ont été déployés pour protéger les enfants des châtiments corporels grâce aux structures de police de proximité. Lorsque les enfants risquent de subir ou subissent de telles punitions, ils peuvent eux-mêmes, comme toute autre personne préoccupée par la situation, signaler les faits à la police de proximité, qui est facilement localisable et accessible dans les établissements scolaires et là où ils vivent.

Participation aux affaires publiques

134.L’Éthiopie a procédé à de nombreuses réformes juridiques et institutionnelles visant à garantir la tenue d’élections libres et équitables. Le Conseil électoral national, qui a été rétabli, est présidé par une femme qui était auparavant membre d’un parti politique connu, la Coalition pour l’unité et la démocratie. Les autres membres du Conseil ont également occupé des fonctions de premier plan dans la société civile et le monde universitaire. L’immunité conférée aux membres du Conseil pendant leur mandat, dans le cadre d’un système qui prévoit notamment des sanctions pour les membres qui seraient affiliés à des partis politiques, vise à garantir l’indépendance et l’impartialité de cet organe.

135.La promulgation de la loi no 1162/2019, ainsi que de plus de 30 nouvelles directives, et une série de consultations avec les partis politiques et le public ont permis de tenir une élection transparente, équitable et inédite dans l’histoire électorale de l’Éthiopie. Pour affirmer son indépendance institutionnelle, le Conseil électoral national a présenté son projet de budget directement au Parlement, qui a décidé des allocations. Le Conseil s’est employé à renforcer ses capacités internes et ses opérations en recrutant environ 150 000 nouveaux agents électoraux et en associant d’autres parties prenantes à ses efforts. Il a contribué à la modernisation du processus électoral en introduisant des urnes transparentes et cadenassées qui présentaient un haut degré de sécurité.

136.Le Conseil a mis en place une structure permettant de communiquer des informations en temps réel dans le cadre d’une série de conférences de presse, ainsi qu’un mécanisme de plainte. Afin de garantir la participation à l’élection, il a organisé plus de 50 réunions consultatives avec des représentants de partis politiques. Contrairement à la tendance précédente, des décisions du Conseil ont fait l’objet de plusieurs plaintes qui ont été portées devant les tribunaux et, dans certains cas, annulées par ceux-ci. Par exemple, le Conseil a rejeté 1,3 million de bulletins de vote pour se conformer à une décision de justice et a inclus quatre participants autorisés à prendre part au processus électoral. Il a également prolongé l’élection dans la région Harar afin d’exécuter une décision en cassation de la Cour suprême fédérale. À la suite d’une plainte, le Conseil a décidé de tenir une nouvelle élection dans dix circonscriptions en raison de manquements avérés qui portaient atteinte à la crédibilité de l’élection.

137.La mise au point de matériel électoral dans cinq langues nationales et la traduction des informations connexes en 14 autres langues, la représentation des partis par des symboles et l’utilisation des noms et des photos des candidats ont garanti l’égalité d’accès. Le Conseil électoral national a en outre ouvert des bureaux de vote dans chaque localité pour rendre l’élection accessible à tous.

138.À en juger par le nombre de femmes, de personnes handicapées et de candidats présentés par 46 partis politiques, les partis politiques ont bénéficié de ressources équitables. Un temps d’antenne de 620 heures pour 21 stations de radio et de 425 heures pour 23 chaînes de télévision, ainsi que 615 rubriques de magazine ont été alloués à la campagne. Cent soixante-neuf organisations nationales de la société civile accréditées pour informer les électeurs ont participé activement à des activités de sensibilisation, tandis que 44 560 observateurs nationaux issus de 46 organisations de la société civile enregistrées au niveau national et observateurs internationaux de l’Union africaine, de la Chambre civile de la Fédération de Russie, de l’International Republican Institute et d’autres organismes ont suivi le processus électoral.

139.Le droit des citoyens de prendre part aux affaires politiques et d’examiner plus avant la question de l’auto-administration est protégé par la loi no 1162/2019. Cette loi définit les procédures à suivre en ce qui concerne les élections, les inscriptions et le code de conduite des partis politiques. Elle garantit la participation directe des citoyens aux élections, sans discrimination de quelque sorte que ce soit, toutes les voix comptant autant les unes que les autres. Les personnes âgées d’au moins 18 ans ont le droit de voter et celles âgées d’au moins 21 ans de présenter leur candidature, sauf s’il a été établi qu’elles ne disposent pas de tout leur discernement en raison de troubles mentaux confirmés par une autorité compétente ou si leur droit de vote a été restreint par une décision de justice. Les juges, les procureurs, les soldats et les membres de la police et des autres forces de l’ordre, des services de sécurité et du personnel du Conseil ne peuvent apporter leur appui à un candidat pendant la période électorale. L’élection périodique doit avoir lieu tous les cinq ans, la pandémie de COVID-19 ayant exceptionnellement prolongé cet intervalle d’un an dans le cas de l’élection nationale récemment organisée. La loi garantit également l’accès à un contrôle juridictionnel.

140.La délimitation des circonscriptions est décidée par les Chambres de la Fédération, compte tenu d’études et de propositions communiquées par le Conseil électoral national. La réalisation du recensement national ayant pris du retard, le Conseil électoral national s’est servi de données du recensement obtenues auprès de l’Institut central de statistiques ainsi que de ses propres données démographiques provenant de la dernière élection générale, tenue en 2015. Des taux de croissance ont été calculés afin d’évaluer de façon plus réaliste le nombre d’habitants, et l’étude des méthodes de délimitation antérieures a permis de comprendre l’histoire et la logique de l’établissement de la carte électorale. Le Conseil électoral national avait délimité des circonscriptions pour les élections approuvées par la Chambre de la Fédération. Le 21 juin 2021, 436 d’entre elles avaient déjà tenu une élection.

141.Pour répondre aux besoins de tous, le Conseil électoral national est parvenu, sauf dans les circonscriptions dans lesquelles des nationalités comptaient un faible nombre de personnes, à mettre en place des bureaux de vote spéciaux pour les étudiants des universités, le personnel militaire, les éleveurs nomades et les personnes déplacées vivant en dehors de leur circonscription. La nouvelle loi électorale a intégré les besoins des femmes et des personnes handicapées et le Conseil en a dûment tenu compte dans ses activités. La participation des personnes déplacées au processus électoral a également été assurée par la Convention de Kampala adoptée par l’Éthiopie et la loi électorale no 1162/2019 qui autorise la création de bureaux de vote spéciaux pour ces personnes. Les personnes déplacées ont voté lors de la sixième élection nationale en participant là où elles se trouvaient à l’élection tenue dans leur circonscription d’origine. Le Gouvernement s’est tout particulièrement efforcé de leur permettre d’exercer leur droit de vote en leur fournissant des moyens de transport et en assurant leur sécurité lors du processus électoral.

Droits des minorités

142.En ce qui concerne le paragraphe 23 de la liste de points (CCPR/C/ETH/Q/2), l’Éthiopie regroupe un ensemble complexe de nations, de nationalités correspondant à différents groupes linguistiques, et de coutumes et de cultures diverses. Compte tenu de ces multiples langues et groupes ethniques, le Gouvernement est déterminé à faire en sorte que le processus démocratique permette de promouvoir durablement le pluralisme, la diversité ethnique et culturelle, la tolérance et le respect des droits de l’homme, ainsi que la paix et le développement.

143.Malgré cet engagement et les politiques adoptées en vue de promouvoir la tolérance et l’inclusion des divers groupes ethniques, des violences ont eu lieu dans certaines régions entre différents groupes ethniques et ont entraîné la mort de centaines de personnes et la destruction de biens. Des violences se sont par exemple produites dans les zones Sidama et Wolayta en 2019 et 2020 et dans certaines parties de l’État régional Oromiya à différents moments. Certaines enquêtes portant sur ces faits ont déjà été menées à terme et des charges ont été retenues contre des personnes soupçonnées d’avoir commis des atrocités. Des enquêtes adéquates sont également en cours afin d’identifier les responsables d’autres faits et de les tenir responsables de leurs actes.

144.En ce qui concerne les violences récemment perpétrées contre des personnes appartenant en grande partie au groupe ethnique amhara dans la région Oromiya, il ressort des éléments de preuve disponibles que les atrocités ont été commises par des membres d’un groupe terroriste activiste du nom de Shene, qui est désormais désigné comme organisation terroriste et proscrit par la Chambre des représentants des peuples de la République fédérale démocratique d’Éthiopie, conformément à la loi no 1176/2020 du 8 mai 2021 relative à la prévention et à la répression des crimes terroristes.

145.En ce qui concerne le paragraphe 24 de la liste de points (CCPR/C/ETH/Q/2), le projet Gibe III est l’un des projets de production d’hydroélectricité à très grande échelle du pays. Le site est en cours d’exploitation et contribue de façon considérable à la production d’énergie en Éthiopie. Comme il s’agit d’un projet de très grande envergure, des études d’évaluation de l’impact environnemental et social et un plan de gestion environnementale et sociale ont été réalisés comme il se devait avant la construction du barrage, conformément aux directives internationales et éthiopiennes existantes en matière de protection de l’environnement.

146.L’étude a révélé que le projet pourrait avoir une incidence sur quatre woredas situés en aval de la rivière Omo : Dasenech, Selamago, Hamer et Nyangatom. La culture des terres fertilisées par les crues de la rivière contribue pour beaucoup à la subsistance des agropasteurs et des pasteurs qui résident dans ces zones.

147.En conséquence, les mesures d’atténuation et d’amélioration à prendre ont été clairement indiquées dans le plan de gestion environnementale et sociale et le Gouvernement les a scrupuleusement mises en œuvre.

148.Conformément à ces recommandations, des dispositions adéquates ont été prises, telles que l’écoulement contrôlé de crues artificielles visant à préserver l’agriculture de décrue, les pâturages et les ressources halieutiques ; des consultations ont été menées avec les principales parties prenantes avant la mise en place de ce système ; des travaux d’endiguement ont été réalisés à des points sensibles des rives de l’Omo dans les villes d’Omorate et de Kangaten et leurs environs ; des informations ont été diffusées en temps voulu par différents médias ; des aides financières ont été accordées et des bateaux ont été loués et mis à disposition pour faciliter le transport de personnes depuis les îles.

149.Bien qu’il n’y ait pas eu de transfert de population en aval du barrage Gibe III, la modification du régime hydrologique de la rivière Omo a entraîné des déplacements d’ordre économique. Des mesures ont par conséquent été prises pour assurer la subsistance des familles vivant le long du cours inférieur de l’Omo qui subiront des effets négatifs du projet. Pour permettre aux communautés concernées non seulement de rétablir leurs revenus mais aussi d’améliorer leur niveau de vie, le Gouvernement a eu à cœur de soutenir et de financer la mise en œuvre de divers programmes de rétablissement de revenus et de développement communautaire.

150.En ce qui concerne la mine d’or de Lega Dembi, le Gouvernement reconnaît que les allégations selon lesquelles les émissions toxiques de la mine ont entraîné différents effets secondaires et maladies parmi la population sont préoccupantes. En conséquence, l’Éthiopie a suspendu en 2018 la licence d’exploitation de l’entreprise d’extraction d’or (MIDROC) en attendant de mener une étude d’évaluation indépendante sur l’impact de la mine sur l’environnement et la santé, en collaboration avec l’ambassade du Canada à Addis-Abeba, et a assuré que ces activités ne reprendraient pas tant que les questions liées aux déchets toxiques n’auraient pas été réglées et que tout danger n’aurait pas été écarté.

151.Après la suspension de la licence de MIDROC, le Gouvernement a fait en sorte que soit réalisé un processus d’évaluation qui comprend un audit d’impact environnemental, une enquête sur la santé de la population locale et une évaluation de l’impact socioéconomique.

152.Des consultations continues et successives ont été menées avec les parties prenantes, notamment l’État régional Oromiya et l’administration et les populations locales. Sur la base des résultats de l’évaluation, un protocole d’accord a été signé entre l’État régional Oromiya et la compagnie minière sur la mise en œuvre d’un plan d’action visant à remédier aux impacts sociaux, sanitaires et environnementaux de l’exploitation minière.

153.Parmi les mesures adoptées figurent la réinstallation volontaire de la population locale touchée par les déchets toxiques miniers et autres produits chimiques déversés ou déposés, le versement d’une indemnisation adéquate aux riverains ayant déjà subi les effets négatifs des émissions de substances toxiques de la mine, et l’apport d’un appui aux activités menées par l’administration locale pour développer l’ensemble de la zone dans laquelle est située la compagnie minière et qui est concernée par ses opérations. En outre, un mécanisme a été mis en place afin de garantir que les activités de la société minière se déroulent dans la transparence et dans le respect du principe de responsabilité.