NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/TCD/CO/1

11 août 2009

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-sixième sessionGeneva, 13- 31 juillet 2009

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT Á L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

TCHAD

Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial du Tchad (CCPR/C/ TCD/1 ) à ses 26 34 e 2 6 35 e et 26 36 e séances, les 16 et 17 juillet 2009 (CCPR/C/SR. 2 634, 2635 et 2636 ) . Il a adopté les observations finales ci-après à sa 2652 e  séance (CCPR/C/SR .2652 ), le 29 juillet 2009 .

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du rapport initial du Tchad, tout en regrettant qu’il ait été présenté avec douze ans de retard. Le Comité invite l’État partie à tenir compte de la périodicité établie par le Comité pour la présentation des rapports. Il remercie l’État partie d’avoir adressé les réponses écrites (CCPR/C/TCD/Q/1/Add.1) à sa liste de questions (CCPR/C/TCD/Q/1 et Corr. 1) suffisamment à l’avance pour permettre leur traduction dans les autres langues de travail du Comité. Le Comité est reconnaissant des informations détaillées que l’État partie a fournies sur sa législation. Il regrette, toutefois, l’insuffisance des informations concernant l’application effective du Pacte.

Le Comité se félicite du franc dialogue entamé avec la délégation de l’État partie sur les divers problèmes qui se posent dans l’État partie. Il regrette toutefois qu’une délégation de l’État partie n’ait pu être présente à sa quatre-vingt-quinzième session à New York, les 18 et 19 mars 2009, date à laquelle l’examen du rapport de Tchad était initialement prévu, ce qui a entravé le bon déroulement de ses travaux.

Le Comité attend avec intérêt les conclusions du forum sur les droits de l’homme que l’État partie envisage d’organiser au mois de novembre 2009. Il espère que l’attention voulue sera accordée à la nécessité d’assurer le respect des dispositions du Pacte.

B. Aspects positifs

Le Comité note que, conformément à l’article 222 de la Constitution de 1996, modifiée en 2005, le Pacte a une autorité supérieure à celle des lois internes.

Le Comité note avec satisfaction l’adoption de la loi nº 06/PR/2002 du 15 avril 2002, qui interdit les mutilations génitales féminines, le mariage précoce et les violences domestiques et sexuelles.

Le Comité note avec intérêt la mise en place de la Commission nationale chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme qui ont eu lieu dans l’État partie pendant les événements de février 2008.

Le Comité note avec intérêt la création du Ministère chargé des droits de l’homme et de la promotion des libertés en 2005, ainsi que la mise en place d’un comité technique interministériel chargé du suivi des instruments internationaux.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

L e Comité note avec préoccupation que les droits protégés par le Pacte n’ ont pas été pleinement intégrés dans la législation interne, et que le Pacte n’est pas suffisamment diffusé de manière à pouvoir être facilement invoqué devant les tribunaux et les autorités de l’Etat partie (art icle  2 du Pacte).

L' É tat partie devrait veiller à ce qu’il existe des voies de recours pour garantir l’exercice des droits reconnus dans le Pacte. Il devrait faire connaître le Pacte à l’ensemble de la population et particulièrement aux responsables de l’application de s loi s et veiller à son application effective.

Le Comité note avec préoccupat ion, et particulièrement dans le contexte des conflits armés , que de graves violations des droits de l’homme ont été commises en toute impunité et continuent de l’être sur le territoire du Tchad, notamment des meurtres, des viols, des disparitions forcées, des détentions arbitraires, de s cas de torture, des destructions de propriétés, des déplacements forcés et des attaques contre la population civile. Le Comité est en particulier préoccupé par l’ina ptitude de l’État partie à lutte r contre l’impunité s ur son territoire ainsi que par l ’absence d’exemples de crimes graves ayant été poursuivis et sanctionnés (articles  2, 3, 6, 7 et 12 du Pacte).

L’État partie devrait  prendre toutes les mesures appropriées pour mettre fin à de telles violations et garantir que toutes les violations des droits de l’homme portées à sa connaissance fassent l’objet d’enquêtes et que les responsables de telles violations soient poursuivis et sanctionnés pénalement . Il devrait aussi s’ assurer que les organes et agents de l’État apportent la protec tion nécessaire aux victimes de violations des droits de l’homme et s’engager , en toutes circonstances , à garantir aux victimes un accès effectif à des recours et à une réparation appropriée.

Toute en prenant note avec satisfaction de l’adoption de la loi nº 004/PR/00 du 16 février 2000, portant répression des détournements des biens publics, de la corruption, de la concussion, des trafics d’influence et des infractions assimilées, ainsi que de la création du Ministère chargé de la moralisation et du contrôle général d’État, le Comité demeure préoccupé par la persistance du haut degré de corruption dans l’État partie et par ses répercussions néfastes sur la pleine jouissance des droits garantis par le Pacte (article 2 du Pacte).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour lutter efficacement contre les détournements des biens publics, la concussion, l es trafics d’influence et le haut degré de corruption , y compris celles visant à un changement de com portements dans la société , afin que la corruption n e soit plus perçue comme inévitable.

Tout en notant que le mandat de la Commission nationale des droits de l’homme vise à promouvoir les droits de l’homme , le Comité demeure préoccupé par le fait que cette institution n’exerce pas ses fonctions de manière effective et n’est pas pleinement conforme aux Principes de Paris (art icle 2) .

L’État partie devrait  prendre les mesures nécessaires pour garantir rapidement le fonctionnement adéquat de la Commission nationale de s droits de l’homme. En particulier, il devrait doter la Commission d’un budget propre , renforcer son mandat , élargir ses pouvoirs de surveillance , et prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir pleinement son indépendance conformément aux Principes de Paris.

Le Comité note avec préoccupation qu’entre 2007 et 2008 , environ 160 000 Tchadiens ont été déplacés à l’intérieur de leur propre pays, principalement dans les régi ons de Dar Sila et de l’Ouaddai . Il regrette l’absence de mesures prises pour garantir la protection des personnes déplacées et de moyens mis à disposition afin de permettre leur retour dans des conditions s û res et dignes. Le Comité note avec préoccupation que la plupart de s déplacés ont moins de 18 ans et que d e s femmes déplacées sont victimes de viols et d’autre s formes de violences sexuelles de la part de milices et de groupes armées (articles 2, 3, 7, 12 et 24 du Pacte ) .

L’État partie devrait, conformément à l’ensemble des normes internationales en la matière, y compris les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays , prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour  :

a) accroître la protection des personnes déplacées tant à l’intérieur qu’aux alentours des camps ;

b ) renforcer sa capacité à assurer la protection des femm es déplacées, mener des enquêtes, entamer des poursuites, sanctionner tout auteur de violences sexuelles et octroyer aux victimes toute l’assistance nécessaire  ;

c ) préparer et adopter un cadre légal ainsi qu’une stratégie nationale qui couvre toutes les phases de déplacement  ;

d ) créer des conditions offrant des solutions durables pour les personnes déplacées , y compris leur retour librement consenti en toute sécurité.

Le Comité note avec préoccupation le niveau élevé de violence domestique contre les femmes, malgré l’existence de lois sanctionnant cette pratique (art icles 3, 7 et 26 du Pacte) .

L’État partie devrait  prendre des mesures efficaces pour éradiquer la violence domestique . Il devrait encourager les victimes à dénoncer les faits et leur octroyer une assistance effective . L’État partie devrait aussi adopter un texte d’application permettant un recours accru à la loi nº  06/PR/2002 , et veiller à ce que les auteurs de violence domestique soient effectivement sanctionnés .

Tout en prenant note de la l oi nº  06/PR/2002 du 15 avril 2002 , l e Comité reste préoccupé du fait que les mutilations génitales féminines sont pratiquées au Tchad sur un nombre considérable de femmes et que cette pratique contraire à la dignité humaine revêt l’une de ses formes les plus graves (infibulation) (art icles 3, 7 et 24 du Pacte).

L’ État partie devrait appliquer fermement la loi nº  06/PR/2002 et traduire les auteurs de mutilations génitales en justice . Il devrait aussi prendre les mesures nécessaires pour sensibiliser la population tchadienne afin d’ éradiquer totalement cette pr a tique, en particulier au sein des communautés de la frontière de l’est où elle est encore très répandue .

Le Comité regrette l’existence de l a polygamie au sein de l’État partie , pratique discriminatoire qui porte atteinte à la dignité de la femme et qui est incompatible avec les principes consacrés par le Pacte (art icles  3 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires , y compris législatives , pour l’abolition de la polygamie , adopter et appliquer des mesures éducatives susceptibles de la prév e nir. À cet égard, le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  28 (2000) relative à l’égalité des droits entre hommes et femmes.

Tout en notant la volonté de l’État partie d’engager une réflexion sur la condition de la femme et , particulièrement , son intention de revoir et codifier le droit coutumier conformément à sa Constitution, le Comité demeure préoccupé par le fait que la mise en œuvre des droits du Pacte n’est pas garantie dans l’État partie, notamment à cause de règles et pratiques coutumières qui violent le Pacte et qui sont extrêmement préjudiciables , en particulier aux femmes, y compris dans le cadre du régime successoral et de la propriété. Le Comité est aussi préoccupé par la faible représentation des femmes dans la vie publique (articles 3, 25 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait :

a) redoubler ses efforts pour rendre le droit coutumier et les pratiques coutumières conformes aux droits prévus dans le Pacte , en octroyant à cette ques tion un rang élevé de priorité;

b) accorder une attention particulière à la pleine participation des femmes à l’examen et au processus de codification du droit coutumier et des pratiques coutumières en cours;

c) promouvoir davantage la participation des femmes à la vie publique, renforcer leur éducation et garantir leur accès à l’emploi.

Le Comité note avec préoccupation le manque de clarté des dispositions juridiques qui permettent de déclarer l’état d’urgence et de déroger aux obliga tions prévues par le Pacte (article  4 du Pacte).

L’État partie d evrait veiller , conformément à l’article 4 du Pacte, et en tenant compte l’observation général e nº  29 (2001) sur les dérogations en période d’ é tat d’urgence, à ce que sa législation soit conforme aux dispositions du Pacte afin de s’assurer , notamment , de l’absence d’atteintes aux droits non dérogeables .

Tout en notant avec intérêt que l’État partie envisage de prendre des mesures menant à l’abolition de la peine de mort, l e Comité demeure préoccupé par les informations faisant état de cas d’exécutions extrajudiciaires qui ont lieu au sein de l’État partie . Il regrette par ailleurs que celui-ci a it mis fin au moratoire de fait relatif à la peine de mort . Le Comité note en outre avec préoccupation les informations selon lesquelles , en novembre 2003, plusieurs personnes ont été exécuté e s après un procès conduit selon les procédures sommaires et alors que la cour ne s’était pas encore prononcé e sur leur recours en cassation (art icles 6 et 14 ) .

L’État partie devrait envisager d’ abolir la peine de mort ou, à défaut , mettre à nouveau en vigueur le moratoire la con cernant . Il devrait s’assurer que la peine de mort, si elle est appliquée, ne devrait l’être que pour les crimes les plus graves et que , chaque fois que la peine de mort est imposée, les exigences de s article s 6 et 14 sont pleinement satisfaites. En outre, l’État partie devrait envisager de commuer toutes les peines capitales et de ratifier le deuxième protocole facultatif au Pacte visant à abolir la peine de mort.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de nombreuses victimes de disparition s forcées , par fois maintenues dans des centre s de détention clandestins , et regrette que les recommandations de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme ayant eu lieu lors des événements de février 2008 n’aient pas été mise s en œuvre par l’État partie et qu’une réponse n’a it toujours pas été apportée au sort des disparus , dont Ibni Oumar Mahamat Saleh . Le Comité note avec préoccupation que ces recommandations n’ ont pas donné lieu à des poursuites à l’encontre des agents de l’État responsables de violations graves de droits de l’homme au cours de cette période (articles 6 et 9 du Pacte) .

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces pour traduire en justice les responsables des violations graves des droits de l’homme, y compris celles qui ont eu lieu à l’occasion des événements de février 2008. Il devrait mettre en œuvre rapidement les recommandations de la Commission d’enquête de 2008.

Tout en notant que l’article 18 de la Constitution consacre le principe de l’interdiction de la torture, l e Comité est préoccupé par le fait que la torture n’est pas érigée comme infraction dans le Code pénal , ainsi que par l’absence de recours disponibles pour les victimes de torture. Le Comite note avec préoccupation que la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants constitueraient de pratiques courantes à l’encontre des détenus, notamment les prisonniers de guerre et les opposants politiques au sein de l’État partie (article 7) .

L’État partie devrait  :

a) ériger la torture en infraction autonome pour garantir la conformité à l’article 7 du Pacte ;

b) garantir que toutes les allégations de torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent l’objet d’enquêtes menées par une autorité indépendante , que les responsables de tels actes soient poursuivis et sanctionnés de manière conséquente et que les victimes reçoi vent une réparation adéquate ;

c ) améliorer la formation des agents de l’État dans ce domaine, afin d’assurer que toute personne arrêtée ou déten ue soit informée de ses droits  ;

d ) fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les plaintes déposées pour de telles violations, le nombre de personnes poursuivies et condamnées, y compris les membres des forces de la sécurité nationale, et préciser les réparations accordées aux victimes .

Le Comité est préoccupé par le fait que , dans la pratique , la garde à vue peut être prolongée pour de longues périodes, sans que le détenu ai t accès à un avocat ni à un médecin (article 9 du Pacte) .

L’État partie devrait prendre l es mesures nécessaires et appropriées pour faire respecter les droits des personnes en garde à vue. Des informations sur l es méthodes de supervision des conditions de garde à vue , ainsi que sur leurs résultats, devraient être fournies dans le prochain rapport périodique.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de conditions carcérales déplorables , aussi bien dans les brigades de gendarmerie, dans les commissariats de police que dans les maisons d’arrêt de l’État partie, concernant entre autres la surpopulation , le manque accru d’ hygiène , l’accès très limité aux soins médicaux , l’insuffisance et la mauvaise qualité de la nourriture . Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations faisant état de prisonniers enchainés dans certaines prisons , notamment à la prison de Mao. (article 7 et 10 du Pacte).

L’État partie devrait adopter des mesures urgentes et efficaces pour remédier au surpeuplement dans les centres de détention et garantir le respect de conditions de détention dans la dignité, conformément à l’article 10 du Pacte. Il devrait , en particulier , prendre des mesures pour que l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus énoncées par l’O rganisation des Nations Unies soit respecté . Des inspections régulières devraient être effectuées en toute indépendance à cette fin.

L e Comité note avec préoccupation que, bien que le principe de séparation des prévenus des condamnés soit établi à l’article 234 du Code de procédure pénale t chadien, il n’existe pas de quartiers séparés dans les maisons d’arrêt pour les condamnés et les prévenus d’une part, les mineurs et les adultes d’autre part, faute de structures adéquates (article 10) .

L’État partie devrait mettre en place un système po ur assurer que les prévenus soient séparés des condamnés et les mineurs des autres détenus , en conformité avec l’article 10 du Pacte .

Le Comité note avec préoccupation que les cas d’emprisonne m ent pour non-remboursement de dettes sont courant s (article 11 du Pacte ) .

L’ É tat partie devrait prendre des mesures appropriées pour mettre fin à l’emprisonnement pour non-remboursement de dettes, en conformité avec l’article 11 du Pacte.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état du disfonctionnement des institutions judiciaires de l’État partie, du fait du manque de juges et de procureurs et de lacunes sur le plan de l’ infrastructure, ainsi que par l’absence d’avocats de la défense à l’ E st du pays. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’ étendu e de la corruption et des interférences avec l’ indépendance des magistrats (article 14 du Pacte) .

L’ É tat partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces afin d’assurer le respe ct des garanties liées au droit à un procès équitable et garantir pleinement le fonctionnement adéquat et l’indépendance de la justice . En particulier, l’État partie devrait mettre en œuvre rapidement la ré forme judiciaire recommandé e pour la période de 2005-2015 , issue des états généraux de la justice tenus en 2003. Un calendrier pour sa mise en œuvre devrait être fixé à cette fin .

Le Comité note avec préoccupation le nombre très élevé de naissances qui ne sont pas enregistrées, particulièrement dans les zones rurales (articles 16 et 24 du Pacte) .

L ’État partie devrait adopter les mesures nécessaires, y compris sur le plan budgétaire, pour garantir l’enregistrement de toutes les naissances ainsi que celui des adultes non enregistrés . La mise en place d’unités mobiles d ’enregistrement de l’état civil devrait être renforcée . Le Comité invite l’État partie à lui fournir dans son prochain rapport des informations sur les résultats des projets de «  modernisation de l’état civil et d’appui aux renforcements de l’état civil  » , mis en œuvre avec l’appui des institutions spécialisées de l’Organisation des Nations U nies et de l’Union européenne .

Le Comité note avec préoccupation les cas d’immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée qui ont souvent lieu au Tchad, tel que reconnu par l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par les violations de domicile, les effractions, par fois accompagnées de viols, et les « déguerpissements » qui ont eu lieu notamment à N’Djamena lors des événements de février 2008 (article 17 du Pacte).

L’État partie devrait veiller au respect des dispositions de l’article 17 du Pacte et prendre des mesures efficaces pour éliminer les immixtions arbitraires ou illégales , pour mettre des recours à la disposition des victimes et pour juger et sanctionner les responsables .

Le Comité note avec préoccupation que l’exercice de la liberté d’association et de réunion pacifique est soumis à une autorisation préalable et que l’état d’urgence serait utilisé aux fins de contrôle et de censure de la presse libre. Il regrette les informations selon lesquelles les atteintes à la liberté d’expression, et en particulier, à la liberté de la presse, ont été multiples lors des événements de février 2008, notamment par l’adoption de l’ordonnance 05 du 20 février 2008 portant sur le régime de la presse, qui aggrave les peines prévues à l’encontre des journalistes pour les délits de presse (article 19 du Pacte).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces, y compris d’ordre législatif, afin de garantir l’exercice de la liberté d’association et de la liberté d’expression, et assurer effectivement la liberté de presse, conformément à l’article 19 du Pacte.

Le Comité s’inquiète des informations reçues selon lesquelles de nombreux défenseurs des droits de l’homme ne peuvent exercer leurs activités sans entrave, du fait qu’ils font l’objet de harcèlements, d’intimidations, d’agressions et d’interdiction de leurs manifestations par les services de sécurité (articles 21 et 22 du Pacte).

L’ É tat partie devrait respecter et protéger les activités des défenseurs des droits de l’homme, et veiller à ce que toute restriction de leurs activités soit compatible avec les dispositions des articles 21 et 22 du Pacte.

Le Comité note avec préoccupation la situation des enfants tchadiens qui est caractérisée par de s violations des droits de l’homme tels que l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, l’enlèvement , la traite, le mariag e précoce et l’esclavage moderne s’agissant des enfants bouviers et domestiques . En outre, l e Comité note que des enlèvements peuvent être passés facilement pour des actes d’adoption, et que les enfants vivant dans la rue sont particulièrement susceptibles d’être victimes de tels actes .

L’ É tat partie devrait prendre les mesures nécessaires et appropriés pour:

a) éradiquer l’exploitation des enfants bouviers et domestiques et trouver de s solutions durables pour les familles en situation de pauvreté, afin qu’elles puissent dûment prendre soin de ces enfants et assurer leur protection;

b) mener des investigations sur l’enlèvement et le sort des enfants disparus;

c) adopter un cadre juridique pour l’adoption des enfants en conformité avec l’article 24 du Pacte, et pour sa mise en œuvre;

d) appliquer strictement sa législation en matière pénale en sanctionnant les auteurs de crimes et violences perpétrés contre les enfants, et octroyer la assistance nécessaire aux victimes.

L e Comité relève avec préoccupation le cas de la mineure Khadi dja Ou s mane Mahamat , qui a été forcée à un mariage précoce à l’âge de 13 ans et demi et accusée d’avoir empoisonné son mari de 70 ans . N on encore jugée , elle est en prison depuis 2004, où elle a été violée par un responsable de prison des œuvre s duquel elle a eu un enfant et où elle continue à être victime d’abus sexuels ( articles 2, 7, 8,24 du Pacte ) .

L’État partie devrait protéger Khadidja Ou s mane Mahamat , lui octroyer toute l’assistance nécessaire , et juger et sanctionner les auteurs des violences perpétrées contre elle . L’État partie est invité à inclure dans son prochain rapport périodique des informations à ce sujet .

Le Comité note avec préoccupation la présence d’enfants soldats au sein de groupes armés ainsi que le recrutement d’enfants dans l’Armée nationale tchadienne, notamment dans les camps de personnes déplacées (articles 8, 9 et 24 du Pacte).

L’État partie devrait mettre un terme à tout recrutement d’enfants soldats, y compris de filles, dans les groupes armés. À ce tte fin, il devrait mettre en place un systèm e de contrôle, comprenant des visites régulières de contrôle dans les camps mi litaires et les centres d’entraî nement militaire , afin d’éviter tout nouveau recrutement de mineurs. L’État partie devrait prendre de s mesures d’accompagnement et de réinsertion de s enfants engagés dans l’armée .

Le Comité est préoccupé par le manque de mesures effectives prises par l’État partie pour faire connaitre les droits de l’homm e en général , et le Pacte en particulier , auprès de s agents de l’État et de sa population.

L ’État partie devrait mettre en place un programme national d’éducation aux droits de l’homme . Des formations sur tous les sujets abordés dans les présentes observations finales devraient être organisées à l’intention de tous les agents de l’ É tat , y compris la police, les magistrats et avocats, ainsi que pour les chefs traditionnels et la population en général . L’État partie devrait faire largement connaître le texte du rapport initial , les réponses écrites qu’il a apportées à la liste de questions à traiter établie par le Comité et les présentes observations finales.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 10, 13, 20 et 32 ci-dessus.

Le Comité fixe au 31 juillet 2012 la date à laquelle le deuxième rapport périodique du Tchad devra lui être soumis. Il demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements concrets à jour sur toutes ses recommandations et sur le Pacte dans son ensemble Le Comité demande également à l’État partie d’élaborer le deuxième rapport périodique avec la participation de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans l’État partie.

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