NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/TCD/16 juin 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Rapport initial

TCHAD*

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Introduction1 − 53

Article premier − Droit des peuples 6 − 533

A.Le droit à l’autodétermination16 − 265

B.Le droit de disposer librement de ses richesses et ressources naturelles27 − 337

Article 2 − Le droit à la non‑discrimination34 − 858

A.La discrimination liée à la race, à la couleur et au sexe40 − 719

B.Les recours juridictionnels72 − 8514

Article 3 − Égalité entre hommes et femmes86 − 11315

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Paragraphes Page

Articles 4 et 5 − Mesures restrictives des droits et mesures dérogatoires aux droits114 − 12519

Article 6 − Respect de la personne humaine126 − 14521

Article 7 − Torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants146 − 15124

Article 8 − Esclavage et travaux forcés152 − 15425

Article 9 − Liberté et sécurité des personnes155 − 16926

Article 10 − Conditions de détention170 − 17727

Article 11 − Emprisonnement pour obligation civile178 − 19029

Article 12 − Liberté d’aller et de venir191 − 19231

Article 13 − L’expulsion des étrangers193 − 19531

Article 14 − Le droit à des garanties de procédure196 − 21931

Article 15 − Légalité des infractions et des peines22034

Article 16 − Les droits à la reconnaissance de la personnalité juridique 221 − 22434

Article 17 − Protection de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance225 − 23635

Article 18 − Liberté de pensée, de conscience et de religion 237 − 24337

Article 19 − Liberté d’expression et d’opinion244 − 24938

Article 20 − L’interdiction de la propagande en faveur de la guerre250 − 25138

Article 21 − Le droit de réunion252 − 25439

Article 22 − La liberté d’association255 − 26239

Article 23 − Le droit au mariage263 − 26540

Article 24 − Les droits de l’enfant266 − 27341

Articles 25 et 26 − Le droit de participer sans discriminationà la direction des affaires publiques274 − 27942

Article 27 − Droit des minorités280 − 28142

Introduction

1.En sa qualité de membre de l’Organisation des Nations Unies et au titre des engagements internationaux qu’il a librement souscrits, le Tchad a établi le présent rapport en application de l’article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce rapport met en évidence les différents mécanismes législatifs, administratifs et judiciaires conçus en vue de donner effet aux obligations contenues dans les dispositions du Pacte.

2.Le présent rapport, qui regroupe le rapport initial et les premier et deuxième rapports périodiques, doit être lu parallèlement avec les rapports précédents du Tchad et notamment ceux en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant et le document de base qui expose la situation générale du pays aux plans géographique, économique, politique et administratif.

3.Le Tchad a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques le 9 juin 1995. Étant engagé dans la voie de la démocratie et du respect des droits de l’homme, il n’a formulé aucune réserve ni fait de déclarations interprétatives au moment de l’adhésion.

4.La mise en œuvre effective du Pacte est fortement limitée par le taux élevé d’analphabétisme, un lourd passif de violence et l’extrême pauvreté de la population. Conscient de cette situation, le Gouvernement tente d’y remédier par la mise en place d’institutions pérennes de formation et de sensibilisation, la réforme du programme éducatif et l’exploitation des ressources naturelles devant apporter une contribution substantielle à la lutte contre la pauvreté.

5.La volonté du Tchad d’établir un régime démocratique à la suite d’une dictature sanglante qui a endeuillé toutes les familles tchadiennes, annoncée en 1990, s’est concrétisée lors de la Conférence nationale souveraine de 1993 qui a formulé des directives précises en ce qui concerne la création d’institutions de protection des droits de l’homme. La mise en place de ces différentes institutions, débutée dès 1994 avec la création de la Commission nationale des droits de l’homme, s’est poursuivie par l’adoption de la Constitution en 1996, la création de la Cour suprême, du Conseil constitutionnel, du Haut Conseil de la communication (HCC), de la médiature nationale, du Conseil économique et social après la révision constitutionnelle de 2005; elle est en phase de s’achever avec les futures élections locales.

Article premier − Droit des peuples

6.Dans le cadre de l’application de l’article premier du Pacte, le Tchad, pays indépendant et démocratique, reconnaît les principes généraux de droit international consacrés par la Charte des Nations Unies. Convaincu que le pouvoir de l’État émane du peuple tchadien dans son ensemble, le Tchad est résolu à se conformer au mieux aux principes consacrés aux paragraphes 1 et 2 de l’article premier du Pacte.

7.Le Tchad est particulièrement soucieux du droit des peuples de disposer d’eux‑mêmes. C’est en vertu de ce droit que le Tchad, qui était sous colonisation française, s’est activé pour se proclamer République le 28 novembre 1958 et indépendant le 11 août 1960. C’est également ainsi qu’il ne cesse de recourir au référendum afin de permettre au peuple tchadien de déterminer librement son statut politique et disposer de ses richesses. En l’espace de dix ans, le peuple tchadien a été convoqué deux fois pour se prononcer par référendum. Les citoyens tchadiens ont été également convoqués à plusieurs reprises pour exprimer leurs suffrages lors d’élections libres et multipartites. Il s’agit des consultations suivantes:

1996: Référendum constitutionnel en vue d’adopter une nouvelle constitution;

1996: Élection du Président de la République;

1997: Élection des députés à l’Assemblée nationale;

2001: Élection du Président de la République;

2002: Élection des députés à l’Assemblée nationale;

2005: Référendum constitutionnel en vue d’approuver la révision de la Constitution;

2006: Élection du Président de la République.

8.Depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale le 11 août 1960, le Tchad a toujours fait du principe des droits des peuples une constante de sa politique au plan international. La République du Tchad n’a en aucune manière mené une politique, à quelque moment que ce soit, qui consiste à remettre en cause son existence ou celle d’autres pays. D’ailleurs, dans le préambule de la Constitution du 31 mars 1996 révisée par la Loi constitutionnelle no 08/PR/2005 du 15 juillet 2005, le peuple tchadien a affirmé sa «volonté de coopérer dans la paix avec tous les peuples partageant nos idéaux de liberté, de justice et de solidarité, sur la base des principes d’égalité, d’intérêts réciproques, du respect mutuel et de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de non‑ingérence».

9.Il faut noter que, pendant la période de colonisation, plusieurs mouvements de résistance formés au Tchad se sont opposés à la domination. Depuis son indépendance, la République du Tchad a toujours soutenu les mouvements de libération nationale ou les organisations en lutte pour l’indépendance de leurs communautés. Il en a été ainsi pour l’Afrique du Sud et l’Organisation de libération de la Palestine.

10.Sur le plan interne, le Tchad est organisé en collectivités territoriales décentralisées dont l’autonomie administrative, financière, patrimoniale et économique est garantie par la Constitution (titre 12, art. 202 à 212). Deux lois ont été promulguées le 16 février 2000 qui traitent spécifiquement de ces collectivités. Il s’agit de la loi no 002/PR/2000 portant statut des collectivités territoriales décentralisées et la loi no 003/PR/2000 portant régime électoral des collectivités.

11.Puisque l’environnement fait partie des conditions d’existence, de la qualité de vie, la Constitution en son article 48 fait obligation aux collectivités territoriales décentralisées de le protéger et en fait un devoir pour tous les citoyens (art. 52). Les conditions de stockage, de manipulation et d’évacuation des déchets toxiques ou polluants provenant d’activités nationales sont déterminées, selon l’article 48 de la Constitution, par la loi. De même, selon le même article, sont interdits le transit, l’importation, le stockage, l’enfouissement, le déversement sur le territoire national de déchets toxiques ou polluants étrangers.

12.La protection de l’environnement est assurée par la loi no 014/PR/98 du 17 août 1998 portant principes généraux pour la protection de l’environnement au Tchad; cette loi définit les principes généraux de la protection de l’environnement au Tchad et interdit toute pollution pouvant causer une gêne ou un danger pour la santé, la salubrité publique, la sécurité ou le bien‑être des personnes ou une atteinte ou des dommages à l’environnement ou aux biens. Un organe d’application des politiques et stratégies du Gouvernement en matière de l’environnement est mis en place. Il s’agit du Haut Comité national pour l’environnement.

13.Un ministère est chargé d’appliquer les politiques gouvernementales en matière d’environnement. Il s’agit du Ministère de l’environnement et de l’eau. De nombreux projets sont mis en place en ce sens. Par ailleurs, le Tchad est partie à plusieurs conventions internationales qui assurent la protection de l’environnement.

14.Dans le cadre de l’exploitation de son pétrole, le Gouvernement tchadien, soucieux de la préservation de son environnement, a exigé du consortium pétrolier une étude complète sur la manière dont il pense gérer la question de l’environnement. C’est cette étude, publiée en cinq volumes, qui sert de ligne directrice au Gouvernement en matière de contrôle des activités pétrolières et de leurs impacts sur l’environnement.

15.Malgré ces actions, le Gouvernement est conscient des difficultés qu’il rencontre en vue d’assurer à tous les Tchadiens un environnement de qualité. Cela est dû en partie à l’avancée du désert, à l’immensité du territoire et à l’absence de moyens humains et financiers conséquents.

A. Le droit à l’autodétermination

16.Le principe qui gouverne la République du Tchad est celui dit du gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, fondé sur la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire (art. 7 de la Constitution).

17.Aux termes de l’article 60 de la Constitution, le Président de la République est le chef de l’État. Il veille au respect de la Constitution. Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est garant de la souveraineté et de l’unité nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités et accords internationaux. Il est élu pour un mandat de cinq ans au suffrage universel direct. Aussi, à la lecture de l’article 61 de la Constitution, le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une seule fois.

18.L’article 83 de la Constitution dispose que lorsque le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est menacé par des crises persistantes entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ou si l’Assemblée nationale, en l’espace d’un an, renverse à deux reprises le Gouvernement, le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des présidents des deux assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.

19.Les élections générales ont lieu dans un délai de quarante‑cinq jours après la dissolution de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le quinzième jour ouvrable qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors des périodes prévues pour les sessions ordinaires, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours. Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections.

20.Le pouvoir législatif est exercé par l’Assemblée nationale dont les membres, qui portent le nom de députés, sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de quatre ans renouvelable (art. 106 et 107 de la Constitution). L’Assemblée nationale vote les lois dans les différents domaines définis par la Constitution (art. 121), autorise la déclaration de guerre (art. 123), est informé de l’instauration de l’état de siège et de l’état d’urgence (art. 124) et peut renverser le Gouvernement par une motion de censure (art. 137).

21.Selon l’article 137 de la Constitution en son alinéa 2, «… L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième (1/10) au moins des membres de l’Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante‑huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée nationale.». Quant à l’article 138, il dispose que lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier Ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement.

22.Dans le cadre des relations entre pouvoirs exécutif et législatif, le Gouvernement est tenu, aux termes de l’article 140 de la Constitution, de fournir à l’Assemblée nationale toutes les explications qui lui sont demandées sur sa gestion et ses activités. Les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale sur l’action du Gouvernement sont: l’interpellation, la question écrite, la question orale, la commission d’enquête, la motion de censure, l’audition en commissions. Ces moyens sont exercés dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

23.Le pouvoir judiciaire, composé d’un seul ordre de juridiction dont la Cour suprême est l’instance suprême, est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Il est exercé par la Cour suprême, les cours d’appel, les tribunaux et les justices de paix. En outre, il est gardien des libertés et de la propriété individuelle et veille au respect des droits fondamentaux (art. 141 et 143 de la Constitution).

24.La révision de la Constitution en date du 15 juillet 2005 institue, en son article 178, un organe consultatif dénommé Conseil économique, social et culturel. Ce Conseil est chargé de donner son avis sur des questions à caractère économique, social ou culturel portées à son examen par le Président de la République, le Gouvernement ou l’Assemblée nationale. Il peut être consulté sur tout projet de plan ou de programme à caractère économique, social ou culturel (art. 179). Le Conseil peut également procéder à l’analyse de tout problème de développement économique et social. Ses conclusions sont soumises au Président de la République et au Gouvernement.

25.La composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil sont fixés par la loi no 19/PR/2006 du 4 mai 2006. Les membres du Conseil, nommés par décret no 042/PR/2007 du 19 janvier 2007 se répartissent comme suit:

Cinq représentants de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture, des mines et d’artisanat;

Trois représentants des activités artistiques et culturelles;

Quatre représentants du monde rural;

Deux représentants des coopératives;

Deux représentants des associations féminines;

Deux représentants des associations des jeunes;

Deux représentants des banques et établissements financiers;

Quatre représentants des syndicats professionnels;

Deux représentants des professions libérales;

Cinq personnalités ressources.

26.Il faut noter que le Tchad, ancienne colonie française, n’a jamais eu la charge d’administrer un territoire sous tutelle conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.

B. Le droit de disposer librement de ses richesses et ressources naturelles

27.Le droit des peuples à disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles figure parmi les grands principes politiques et philosophiques de l’État tchadien. C’est de cette manière que le Tchad a pris des dispositions pour empêcher qu’un autre État ou une autre personne morale ne puisse s’approprier tout ce qui relève de sa souveraineté nationale.

28.C’est ainsi que la Constitution affirme en son article 57 que «l’État exerce sa souveraineté entière et permanente sur toutes les richesses et les ressources naturelles nationales pour le bien‑être de toute la communauté nationale. Toutefois, il peut concéder l’exploration et l’exploitation de ses ressources naturelles à l’initiative privée».

29.Comme richesse, le Tchad a également l’immensité de son territoire. Les articles 1er et 51 de la Constitution assurent l’intégrité du territoire et font un devoir à tout citoyen d’y veiller. En vertu de cette exigence, le Tchad a réclamé et obtenu devant la Cour internationale de justice la bande d’Aozou qui fait désormais partie intégrante de son territoire (affaire du différend territorial [Jamahiriya arabe libyenne c. Tchad], arrêt du 3 février 1994).

30.Soucieux du devenir de sa population, le Tchad a engagé l’exploitation de ses ressources naturelles, notamment le pétrole. Ainsi, pour manifester son droit de disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles, il a instauré, dans son code pétrolier, une obligation d’obtenir un permis H (permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux) pour mener toutes recherches sur son sous-sol. À ce titre, il a décidé d’engager des négociations qui ont abouti à la conclusion des conventions pétrolières respectives de 1988 et de 2004 avec le consortium pétrolier composé aujourd’hui d’Exxon-Mobil, Pétronas et Chevron Petroleum.

31.Afin d’assurer une bonne et efficiente gestion de ses ressources, le Tchad a adopté la loi no 001/PR/99 du 11 janvier 1999, modifiée par la loi no 02/PR/2006 du 11 janvier 2006 portant gestion des revenus pétroliers. Cette loi, qui est une parfaite illustration de la bonne gestion, accorde 5 % de revenus pétroliers à la région productive, en application de l’article 211 de la Constitution qui alloue aux collectivités territoriales décentralisées un pourcentage sur le produit des ressources du sol et du sous‑sol exploitées sur leur territoire. Conçue au départ pour ne prendre en compte que quelques départements prioritaires, la modification a pris en considération des besoins qu’il y avait à satisfaire dans d’autres départements ministériels prioritaires.

32.Tout récemment, s’étant rendu compte de certaines erreurs dues au manque de certains éléments d’appréciation lors des négociations des conventions pétrolières de 1988 et de 2004, le Tchad a décidé de renégocier ces Conventions et ce, en vertu de son droit de disposer de ses ressources. Une commission nationale de négociation des conventions pétrolières a été créée par décret en date du 28 août 2006. Pour y procéder, le chef de l’État avait mis un accent particulier sur le fait que le Tchad doit jouir pleinement de toutes ses ressources pétrolières, minières et autres.

33.De manière générale, il faut relever que les efforts faits par le Tchad pour permettre la pleine jouissance de tous les droits restent limités en raison de l’extrême pauvreté de la population et d’autres contraintes auxquelles il fait face. Toutefois, avec l’appui et la coopération des partenaires du développement et l’exploitation pétrolière, un grand pas sera franchi d’ici là dans la jouissance effective de ces droits par tous les Tchadiens.

Article 2 − Le droit à la non ‑discrimination

34.La Constitution tchadienne affirme l’égalité de tous devant la loi. Les articles 12, 13 et 14 précisent que les libertés et les droits fondamentaux sont reconnus et leur exercice garanti aux citoyens, et les Tchadiens des deux sexes ont les mêmes droits et devoirs: ils sont égaux devant la loi. Par ailleurs, l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. Il a le devoir de veiller à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme et d’assurer la protection de ses droits dans tous les domaines de la vie privée et publique.

35.Pendant la période de dictature, qui a pris fin en 1990, la réalisation de tous les droits civils et politiques sans distinction aucune n’était qu’un leurre. Depuis 1990, le Tchad a renoué avec les principes démocratiques et le droit à l’égalité, qui suppose la non‑discrimination, devient progressivement une réalité.

36.Par son adhésion au Pacte, le 9 juin 1995, le Tchad a pris un engagement international de faire bénéficier les droits civils et politiques à tous sans discrimination. Étant une république démocratique fondée sur le règne de la loi et de la justice, le Tchad a souscrit à la plupart des instruments internationaux directement liés à la promotion et à la protection des droits de l’homme, à savoir la Convention sur les droits politiques de la femme, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

37.Sur le plan institutionnel, le Gouvernement du Tchad a créé en 1994 une Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) par la loi no 031/PR/94. Cette structure, rattachée aux services du Premier Ministre, est chargée de:

a)Formuler les avis au Gouvernement concernant les libertés et les droits de l’homme, y compris la condition de la femme, les droits de l’enfant et des handicapés;

b)Assister le Gouvernement et les autres institutions nationales et internationales pour toutes les questions qui concernent les droits de l’homme au Tchad;

c)Procéder à des enquêtes, études et publications sur les questions concernant les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

38.La CNDH dispose d’une faculté d’autosaisine et peut être saisie par les citoyens pour des cas de violations des droits de l’homme. Cependant, sur le plan pratique, cette institution rencontre certaines difficultés d’ordre technique empêchant ainsi son meilleur fonctionnement. C’est en raison de cela que le Gouvernement tchadien a sollicité la coopération technique internationale en matière de droits de l’homme en vue de renforcer les capacités de cette institution à laquelle le Gouvernement attache un grand prix.

39.C’est dans cette même optique que le Gouvernement a créé un département ministériel chargé des droits de l’homme, pour s’assurer d’un meilleur suivi des questions liées à cette problématique sur l’ensemble du territoire.

A. La discrimination liée à la race, à la couleur et au sexe

40.Par sa position géographique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, la population du Tchad est cosmopolite et multiethnique. Malgré cette composition, il ne s’est nullement posé de problème lié à la race. Aucune discrimination n’est observée à l’égard des personnes de différentes couleurs même d’origine étrangère. En effet, beaucoup d’étrangers travaillent au Tchad et bénéficient de tous les droits et protection au même titre que les nationaux.

41.La Constitution tchadienne réprouve sévèrement la discrimination en formulant l’interdiction de la discrimination liée à la race en son article 14.

42.Le Tchad compte plus de 140 ethnies réparties sur 17 régions administratives, plus la ville de N’Djamena qui constitue en elle‑même une région. Deux fortes majorités se distinguent, à savoir les Arabes musulmans, souvent nomades au nord (15 %), et les Saras sédentaires chrétiens ou animistes au sud (30 %). Les spécialistes jugent cependant réductrice l’explication des problèmes du pays par une opposition nord-sud même si les Tchadiens eux‑mêmes lui accordent un certain crédit, en raison de nombreux conflits liés à l’accès aux ressources qui prennent souvent la forme de conflits intercommunautaires.

43.De fait, le brassage des populations, les solidarités transversales, les politiques menées tant par les colonisateurs que par les régimes autoritaires postindépendance, ont brouillé les cartes et généralisé les tensions à l’ensemble du territoire. Ainsi les Arabes sont présents sur l’ensemble de l’espace national. Chacune de leurs communautés correspond à une dynamique historique différente, sans pour autant empêcher un fort sentiment d’appartenance à un même groupe. Au nord de la zone saharienne, on trouve les Toubous, qui ont de nombreux parents de l’autre côté de la frontière libyenne. Dans la partie sud, cette zone est le domaine des Goranes (6 %), également présents dans le Kanem.

44.Au recensement général de la population et de l’habitat de 1993, plus d’une centaine d’ethnies ont été répertoriées. Ces ethnies ont été regroupées en 13 grands groupes ethniques en tenant compte des similitudes linguistiques, des mœurs, des us et coutumes et de la gestion d’un même espace. Il s’agit des groupes suivants:

No

Groupe

Pourcentage

1

Ouaddai

10,3

2

Peul‑Foulbé

1,1

3

Sara

23,3

4

Tandjilé

6,6

5

Gorane

4,7

6

Hadjarai

7,4

7

Kanem‑Bornou

11,7

8

Lac‑iro

2,2

9

Mayo‑kebbi

10,0

10

Arabe

12,6

11

Baguirmi

1,4

12

Fitri Batha

4,0

13

Autres ethnies − étrangers

4,7

Source: EDST II-2004.

45.Comme dans d’autres régions d’Afrique, on enregistre non seulement des frictions entre agriculteurs sédentaires et éleveurs nomades à propos de la dégradation des sols, du droit de chasse et du droit d’accès à l’eau et aux pâturages. Il faut noter que la sécheresse et l’insécurité créent des conflits intercommunautaires. Aussi, les clivages interethniques affectent considérablement l’unité nationale.

46.Parmi les mesures en vigueur pour remédier à ces difficultés, le Gouvernement a inscrit dans son programme pour le cursus scolaire l’éducation à la culture de la paix, la démocratie et la tolérance. Il faut noter que la société civile mène des actions également dans ce sens.

47.Les informations détaillées sur la répartition ethnique de la population sont contenues dans le rapport périodique du Tchad soumis au Comité contre la discrimination raciale.

48.Les étrangers de différentes races vivent au Tchad mais ne sont nullement discriminés. À l’égard des étrangers, il faut noter que la société tchadienne est très accueillante. Cela résulte des traditions mêmes du pays qui accordent une place de choix à celui qui vient d’ailleurs. Très facilement les étrangers s’intègrent dans la société tchadienne et ce, à différents niveaux. La Constitution va même plus loin dans le sens de la protection des droits des étrangers. En effet l’article 15 dispose que: «sous réserve des droits politiques, les étrangers régulièrement admis sur le territoire de la République du Tchad bénéficient des mêmes droits et libertés que les nationaux». Ainsi, les ressortissants étrangers vivant sur le territoire tchadien bénéficient de la même protection que les nationaux. Ils sont accueillis et circulent librement à travers le territoire. Ils exercent des activités commerciales et ne font l’objet d’aucune discrimination.

49.La législation tchadienne permet aux étrangers d’avoir la nationalité tchadienne. Ainsi, l’ordonnance no 33/PG.INT du 14 août 1962 portant Code de la nationalité tchadienne permet l’acquisition de la nationalité par l’effet du mariage, de la réintégration, de la naturalisation et de l’adoption.

50.Toutefois, en ce qui concerne l’accès à la fonction publique, il est réservé exclusivement aux Tchadiens d’origine ou naturalisés depuis au moins cinq ans (art. 36 de la loi no 17 portant statut général de la fonction publique).

51.En ce qui concerne la lutte contre les discriminations vis‑à‑vis des handicapés, il est clairement énoncé qu’un handicap physique ne peut être pris en considération pour l’accès à la fonction publique si ce handicap n’affecte pas les capacités intellectuelles, morales et mentales de l’intéressé. Un projet de loi spécifique protégeant tous les droits des personnes handicapées est en cours d’adoption.

52.En ce qui concerne la couleur, les Tchadiens arabes de couleur blanche et les autres cohabitent sans difficulté majeure. Les étrangers de couleur blanche et autres vivant au Tchad ne font l’objet d’aucune discrimination.

53.Pour ce qui est de la discrimination fondée sur le sexe, il faut reconnaître que le Tchad est un pays où les us et coutumes sont encore vivaces, surtout en zone rurale où ils peuvent constituer un frein à l’épanouissement de la femme. Cependant, ces pesanteurs sont dénoncées du fait du niveau de scolarisation élevé des femmes qui revendiquent de plus en plus leurs droits.

54.En zone rurale, malgré la place importante des femmes dans le secteur agricole, les usages leur interdisent de posséder en propre la terre.

55.Sur le plan économique, si les activités informelles qu’elles pratiquent contribuent pour plus de 25 % au produit intérieur brut non agricole, elles ne représentent dans l’emploi formel que 10 % des 34 000 fonctionnaires et 1,5 % des 17 200 employés du secteur privé. Cet état de choses est facilité par le taux élevé d’analphabétisme féminin qui est de 78 % alors qu’il est de 56 % pour les hommes (population âgée de 15 ans et plus).

56.D’autres faits justifient cette discrimination, notamment les pratiques traditionnelles qui affectent par ailleurs le bien‑être des jeunes filles. Souvent mariées très jeunes, elles deviennent mères de famille très tôt. Ainsi, près de 40 % des femmes âgées de 15 à 19 ans ont déjà un ou plusieurs enfants et on estime à 40 % la proportion de celles qui ont subi une mutilation génitale. La polygamie est fréquente: 20 % des hommes et 40 % des femmes vivent en union polygame. Le projet de code de la famille qui aura à résoudre en partie cette situation, élaboré en 2000, sera bientôt promulgué malgré les réticences prévisibles de certains milieux conservateurs.

57.Concernant la langue, l’article 9 de la Constitution tchadienne consacre deux langues officielles parlées et écrites, à savoir le français et l’arabe. Les autres langues nationales font l’objet de promotion. À cet effet, il est créé une Direction de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales au sein du Ministère de l’éducation nationale.

58.Sur les 130 langues parlées au Tchad, seules 18 sont pratiquées par plus de 50 000 locuteurs. Les langues officielles sont utilisées par l’administration et la justice, mais restent largement secondaires au sein d’une population qui, spontanément, parle des dialectes comme l’arabe tchadien (première langue pour 10 % des individus, surtout au nord, et langue véhiculaire pour 60 %, notamment sur les marchés) ou le sara (10 % langue véhiculaire au sud). Pour ce fait, l’État utilise certaines langues non officielles telles que l’arabe local, le sara, le kanembou, le toupouri et bien d’autres pour mieux sensibiliser la population en cas d’épidémies ou dans le cadre de la sensibilisation à la lutte contre la pandémie du VIH/sida. Des tranches de temps sont accordées aux langues nationales par les médias publics et privés.

59.En matière judiciaire, et notamment sur le plan pénal, l’auteur présumé de l’infraction ou l’accusé qui ne parle pas les deux langues officielles a droit au service d’un interprète qui l’assiste tout au long de la procédure judiciaire. C’est ainsi que l’article 49 du Code de procédure pénale dispose que chaque fois qu’il est utile, le magistrat, ou la juridiction saisie, a le devoir de désigner un interprète. Il en a l’obligation lorsque l’inculpé, le prévenu ou l’accusé, les assesseurs, les juges et les témoins parlent des langues différentes. Il peut y avoir nécessité de désigner un ou plusieurs interprètes. L’article 53 du même code exige en outre que si l’inculpé, le prévenu ou l’accusé est sourd‑muet et ne sait pas écrire, la personne qui a le plus l’habitude de converser avec lui soit désignée comme interprète.

60. Concernant la discrimination liée à la religion, l’article premier de la Constitution dispose que «le Tchad est une république souveraine, indépendante, laïque, sociale, une et indivisible […]. Il est affirmé la séparation des religions et de l’État».

61.Le Tchad se compose de trois grandes tendances religieuses à savoir l’islam, le christianisme et l’animisme. Selon le recensement de 1993, 54 % de la population sont musulmans, 20 % catholiques et 14 % protestants, 7 % animistes, 3 % sans religion et 2 % se disent indéterminés.

62.La question de la discrimination fondée sur la religion ne s’est jamais posée au Tchad de façon visible, que ce soit dans le secteur public ou privé. Chacun jouit d’une égale protection et peut exercer librement sa liberté de culte sur un pied d’égalité.

63.Il faut reconnaître cependant qu’en raison de la répartition géographique et linguistique, qui coïncide souvent avec la répartition religieuse, les conflits peuvent rapidement prendre une connotation religieuse. La situation de pauvreté qu’exploitent certains extrémistes religieux de tous bords, y compris certaines sectes religieuses, a quelquefois poussé à la confrontation directe les adhérents de différents cultes religieux, amenant ainsi le Gouvernement à prendre des sanctions appropriées pour empêcher de tels débordements.

64.Par rapport aux libertés, l’article 27 de la Constitution garantit «les libertés d’opinion et d’expression, de communication, de conscience, de religion, de presse, d’association, de réunion, de circulation, de manifestations et de cortèges» à tous. Leurs limitations ne sont possibles que par «le respect des libertés et des droits d’autrui et par l’impératif de sauvegarder l’ordre public et les bonnes mœurs». En ce qui concerne les conditions de leur exercice, elles sont déterminées par la loi.

65.La Constitution interdit toute discrimination fondée sur les opinions et positions politiques (art. 14). La loi no 45 du 14 décembre 1994 portant charte des partis politiques prévoit dans son article 6 que «les partis politiques doivent, dans leurs programmes et activités, proscrire l’intolérance, le tribalisme, le régionalisme, le confessionnalisme, la xénophobie, l’incitation et/ou le recours à la violence sous toutes ses formes». Ils doivent en outre contribuer à:

La défense de la souveraineté nationale;

La consolidation de l’indépendance nationale;

La sauvegarde de l’unité et de l’intégrité territoriale;

La protection des droits et libertés fondamentaux de la personne humaine et du citoyen;

Au développement économique, social, culturel et au bien‑être des populations.

66.À la faveur de cette charte des partis politiques, plus de 70 partis politiques sont nés et animent en toute liberté la vie politique tchadienne. Cependant, la charte interdit à certaines catégories de personnes d’être membres des partis politiques si elles sont en activité. Il s’agit des membres de la force armée, des magistrats de l’ordre judiciaire et des membres du Conseil constitutionnel. L’article 13 ajoute que les agents de commandement et les diplomates en poste ne peuvent pas diriger un parti politique ou en animer les cellules.

67.Des mesures ont été prises au plan interne pour donner plus d’effets aux dispositions du Pacte notamment en ce qui concerne certains droits. Le Code du travail dans son article 6 stipule que: «sous réserve de dispositions expresses du présent Code ou de tout autre texte de nature législative ou réglementaire protégeant les femmes et enfants ainsi que les dispositions relatives à la condition des étrangers, aucun employeur ne peut prendre en considération le sexe, l’âge ou la nationalité des travailleurs pour arrêter ses décisions en ce qui concerne l’embauche, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement, la promotion, la rémunération, l’octroi d’avantages sociaux, la discipline ou la rupture du contrat de travail».

68.L’article 7 du Code du travail interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance ou non à un syndicat, l’activité syndicale, l’origine ou les opinions religieuses et politiques.

69.La loi no 17 du 31 décembre 2001 portant statut de la fonction publique dispose dans son article 5 que: «l’accès aux emplois publics est ouvert à égalité des droits sans distinction de genre, de religion, d’origine, de race, d’opinion politique, de position sociale à tout Tchadien remplissant les conditions prévues au titre IV de la présente loi».

70.La loi no 025 du 22 juillet 1994, relative à la déclaration de la politique de population, énonce entre autres principes que la politique de population est fondée sur la recherche de la promotion d’une plus grande cohésion nationale, par la réduction des déséquilibres et des disparités interrégionales, une meilleure utilisation des ressources et de l’espace national.

71.En définitive, il y a lieu d’affirmer que la création du Ministère en charge des droits de l’homme, l’existence de la CNDH et de la médiature nationale et bien d’autres institutions, notamment la Cour suprême, le Conseil constitutionnel, le Haut Conseil de la communication, sont autant d’éléments favorisant une mise en œuvre effective des dispositions du Pacte.

B. Les recours juridictionnels

1. Les recours offerts par le système judiciaire

72.Les recours juridictionnels sont prévus par le Code de procédure pénale et le Code de procédure civile.

73.En ce qui concerne le recours en matière pénale, l’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. Elle peut être mise en mouvement par la partie lésée. Selon l’article 6 du Code de procédure pénale, l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. L’article 7 précise: «l’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction. Elle sera recevable pour tout chef de dommages matériels, corporels ou moraux qui découleront des faits objets de la poursuite».

74.En matière civile, en vue de la réparation des dommages, le Code de procédure civile énonce que «l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage direct causé par l’infraction» (art. 6). Il précise en outre en son article premier que l’action publique peut être mise en mouvement par la partie lésée.

2. Les recours en contestation de la constitutionnalité des lois

75.Bien que le citoyen ne puisse pas saisir directement le Conseil constitutionnel par voie d’action, la Constitution lui offre le moyen de le faire par voie d’exception. En effet, l’article 166 dispose que: «tout citoyen peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité devant une juridiction dans une affaire qui le concerne. Dans ce cas, la juridiction sursoit à statuer et saisit le Conseil constitutionnel qui doit prendre une décision dans un délai maximum de quarante‑cinq jours».

76.Les autorités administratives et judiciaires ont pris toutes les dispositions pour garantir les recours et développer les possibilités de ces recours juridictionnels. Les voies d’appel sont prévues par les textes en vigueur.

77.Le Code de procédure civile énonce en son article 18 que: «les juges, les membres du ministère public et les officiers de la police judiciaire peuvent être pris à partie dans les cas suivants: s’il y a déni de justice». Cela apparaît également dans l’article 20: «lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état d’être jugées». Tout recours justifié a droit à une suite car le déni de justice est prohibé par les textes.

3. Les recours non juridictionnels

78.Aux termes de l’article 11 de la loi créant la CNDH, «nonobstant la faculté d’autosaisine reconnue à la Commission, toute personne qui s’estime victime de la violation d’un droit civil, politique, social ou culturel consécutif à une action ou une inertie de l’administration ou de toute autre personne morale ou physique peut adresser une requête à la Commission».

79.De nombreux citoyens saisissent de plus en plus aussi des associations des droits de l’homme pour avoir une vue claire sur leurs droits. C’est le cas de l’Association des femmes juristes du Tchad (AFJT) qui a désormais une bonne audience auprès des femmes tchadiennes.

80.Médiature nationale: il s’agit d’une exigence de la Conférence nationale souveraine de 1993. Cette dernière a recommandé et consigné dans le cahier des charges la création d’une instance de médiation. Un décret no 380 du 24 juillet 1993 a créé l’organe, déterminé sa mission et fixé les conditions d’exercice de la fonction.

81.Il s’agit, selon le texte de base, d’une structure autonome dotée de larges pouvoirs de négociation.

82.Ce décret sera abrogé par un autre portant le numéro 340 du 12 août 1997. Le nouveau texte étend le champ d’action aux questions de gouvernance administrative et politique, des droits de l’homme, de l’état de droit et de la démocratie.

83.Les services du Médiateur sont gratuits et accessibles à tous. Sur le plan de la saisine, le Médiateur peut s’autosaisir ou être saisi par les citoyens victimes des violations de leurs droits ou les ONG.

84.La Médiature a pour rôle d’assurer la paix civile, la réconciliation nationale. Cependant, il faut noter que cette institution reste peu connue des citoyens. Toutefois, nombre de règlements de conflits sont à mettre à l’actif de cette institution, notamment les conflits agriculteurs éleveurs et autres.

85.Il y a lieu de mentionner au passage que les chefs de race et certaines associations des droits de l’homme (ADH) contribuent comme instances non juridictionnelles à la résolution de certains conflits. À titre d’exemple pour les ADH, nous pouvons citer les cliniques juridiques de l’Association pour la promotion des libertés fondamentales au Tchad (APLFT), les boutiques des droits de l’homme de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH) et les initiatives de règlement amiable de l’AFJT.

Article 3 − Égalité entre hommes et femmes

86.Au Tchad, aucun texte ne fait une différence entre les droits de l’homme et ceux de la femme. Ils ont tous les mêmes droits (art. 13 de la Constitution) et sont égaux devant la loi.

87.Au plan éducationnel, il y a désormais une égalité d’accès à la scolarisation des filles et des garçons. L’effectif minime des filles scolarisées par rapport aux garçons est essentiellement dû aux pesanteurs socioculturelles. Mais, de plus en plus, une prise de conscience est en train de naître et les Tchadiens mesurent l’importance d’envoyer les filles à l’école. De son côté, le Gouvernement mène des campagnes de grande envergure et adopte des stratégies consistant à encourager la scolarisation des filles et leur maintien à l’école. C’est dans cette optique qu’une division de la promotion de l’éducation féminine a été créée au sein du ministère de tutelle pour mettre en œuvre la politique de l’État dans ce domaine.

88.Les établissements publics et privés sont ouverts aux femmes au même titre que les hommes. Cependant, pour remédier aux écarts accumulés depuis des années et qui ont suffisamment limité le taux de scolarisation de la jeune fille tchadienne, des mesures ont été prises pour assurer la gratuité de l’enseignement public.

89.En ce qui concerne la famille, le Code civil français dans sa version de 1958 est toujours applicable au Tchad; mais la Constitution et les lois permettent l’application, dans les milieux où elles sont reconnues, des coutumes qui ne sont pas contraires à l’ordre public. Les trois grandes tendances religieuses que sont l’islam, le christianisme et l’animisme influent profondément l’orientation des lois et des coutumes notamment sur le plan matrimonial.

90.C’est ainsi que sous l’influence de l’islam et de l’animisme, l’ordonnance no 03/INT SUR du 2 juin 1961 portant réglementation de l’état civil autorise la polygamie à la condition expresse cependant que la mention soit faite au moment de la signature de l’acte de mariage. Le choix de la monogamie est irréversible.

91.Les religions musulmane et animiste règlent également les questions d’héritage et de succession. La tendance toutefois est de soumettre aux juridictions civiles les contestations résultant de la mauvaise gestion de ces affaires par ces autorités qui discriminent les femmes et les enfants.

92.L’article 31 de la Constitution garantit l’accès aux emplois publics des Tchadiens des deux sexes. L’article 5 du statut général de la fonction publique dispose que: «L’accès aux emplois publics est ouvert à égalité de droits sans distinction de genre, de religion, d’origine, de race, d’opinions politiques, de position sociale à tout Tchadien remplissant les conditions prévues…».

93.Aux termes de l’article 36 du Code du travail, «Nul ne peut être intégré comme fonctionnaire:

a)S’il n’est citoyen tchadien à titre originaire ou s’il s’est naturalisé depuis au moins cinq ans;

b)S’il ne jouit de ses droits civiques et s’il n’est de bonne moralité;

c)S’il ne remplit pas les conditions d’aptitudes physiques et mentales exigées pour l’exercice de la fonction; un handicap physique ne peut être pris en considération pour l’accès à la fonction publique si ce handicap n’affecte pas les capacités intellectuelles, morales et mentales de l’intéressé;

d)S’il est reconnu, soit indemne de toute affection incompatible avec l’exercice des fonctions publiques, soit définitivement guéri;

e)S’il n’est âgé de 18 ans au moins et 40 ans au plus.».

94.Dans le domaine de l’emploi, on constate une certaine disparité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les types de travail, les risques, les prestations telles que les congés réguliers et les congés de maternité. Le congé régulier est de un mois pour l’homme et la femme. Par contre, la femme bénéficie d’un congé de maternité allant de six semaines avant l’accouchement et huit semaines après l’accouchement soit en moyenne trois mois et demi.

95.Selon les dispositions de l’article 205 du Code du travail, le travail de nuit des femmes est interdit dans les industries. Toutefois, cette interdiction ne s’applique pas aux femmes occupant des fonctions d’encadrement, celles occupées dans les services n’impliquant pas les travaux manuels et celles travaillant dans les établissements occupés par les membres de la même famille.

96.Quant au travail des enfants, l’article 206 du même code interdit le travail de nuit des enfants âgées de moins de 18 ans. De même, l’accès à la fonction publique n’est possible qu’aux individus âgés de 18 ans au moins.

97.Toutes ces dispositions assurent que la femme et l’homme viennent en concurrence sur une base d’égalité en ce qui concerne l’accès à la fonction publique. Si par le passé la femme n’avait pas le droit d’exercer certaines activités commerciales du fait des pesanteurs socioculturelles, aujourd’hui elle le fait librement. Elle peut être chef de ménage ou être nommée aux fonctions de commandement (préfet, maire, sous‑préfet…).

98.L’illustration la plus éloquente de cette évolution des mentalités en faveur du travail des femmes est que certaines occupent des fonctions de chefs traditionnels autrefois réservées exclusivement aux hommes: chefs de village, chefs de quartier, chefs de terre, etc.; toutefois, leur proportion est très minime.

99.L’héritage de la guerre et de la violence n’épargne pas les familles; c’est ainsi que de nombreux cas de violences domestiques ou conjugales visant les enfants et les femmes sont enregistrés. Néanmoins, les auteurs sont toujours sévèrement réprimés lorsque les cas sont portés à la connaissance des autorités judiciaires. Il faut noter cependant que les familles dissimulent souvent les cas de ces violences de peur de rompre l’unité familiale. Ce qui rend la répression difficile. Toutefois, le Gouvernement accorde une attention particulière à ces problèmes et a pris des mesures pour prévenir et éradiquer la violence, en particulier les violences sexuelles contre les femmes.

100.C’est ainsi qu’a été promulguée la loi no 06/PR/2002 portant promotion de la santé de la reproduction, qui interdit toutes les formes de violence telles que les mutilations génitales féminines (MGF), mariages précoces, violences domestiques et violences sexuelles.

101.D’autres mesures sont en cours d’adoption. Il s’agit du projet de loi portant code des personnes et de la famille, du projet de loi portant code de protection de l’enfant, du Plan national d’action et de lutte contre les abus et l’exploitation sexuelle des enfants, du projet de politique de développement intégral de l’enfant. Ce sont, entre autres, autant de mesures prises en faveur de la protection de l’enfant et de la femme.

102.En ce qui concerne la prostitution, le Code pénal réprime sévèrement, dans ses articles 279 à 282, le proxénétisme. Selon le Code, est proxénète toute personne qui, d’une manière quelconque, aide, assiste ou protège sciemment la prostitution d’autrui ou le racolage en vue de la prostitution; ou qui partage les produits de la prostitution d’autrui ou reçoit les subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ou qui, vivant sciemment avec une personne se livrant habituellement à la prostitution, ne peut justifier des ressources suffisantes pour lui permettre de subvenir seule à sa propre existence. Est également proxénète toute personne qui embauche, entraîne ou entretient, même avec son consentement, une personne, même majeure, en vue de la prostitution ou la livre à la prostitution ou à la débauche. Les intermédiaires à un titre quelconque et ceux qui exploitent ou rémunèrent la prostitution d’autrui sont également considérés comme proxénètes.

103.Les peines peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 1 million de francs d’amende. Ces peines peuvent être portées à cinq ans et 2 millions de francs d’amende si le délit a été commis à l’égard d’un mineur ou accompagné de contraintes, d’abus d’autorité ou de vol, ou sous la menace d’une arme; lorsque l’auteur est époux, père, mère ou tuteur de la victime, instituteur ou serviteur; ou, à un titre quelconque, a autorité sur elle, ou encore lorsque l’auteur est appelé à participer, de par ses fonctions, à la lutte contre la prostitution, à la protection de la santé ou au maintien de l’ordre public.

104.Dans la pratique, le phénomène de prostitution prend une allure de plus en plus inquiétante. Mais la tendance adoptée ces dernières années, qui entre dans la stratégie de lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le VIH/sida, est la sensibilisation eu égard aux fortes pressions sociales liées à l’extrême pauvreté des jeunes filles qui les poussent à la prostitution. Cette pratique dangereuse a pour conséquences immédiates les grossesses non désirées et les infections au VIH/sida.

105.Le Code pénal réprime également sévèrement l’exposition et le délaissement d’enfants hors d’état de se protéger par eux‑mêmes en raison de leur état physique ou mental. La peine est un emprisonnement de six mois à cinq ans et une amende de 5 000 ou 500 000 francs (art. 250). S’il en est résulté une maladie ou une incapacité de plus de vingt jours ou autres infirmités, la peine sera d’un à dix ans d’emprisonnement et l’amende de 10 000 à 500 000 francs. En cas de mort de la victime, le coupable sera condamné aux travaux forcés à perpétuité.

106.En ce qui concerne les enlèvements d’enfants, l’article 286 dispose que les auteurs d’enlèvement, de recel et de suppression d’un enfant tendant à compromettre son état civil seront punis des travaux forcés. De même, ceux qui auront substitué un enfant à un autre ou auront supposé un enfant à une femme qui n’aura pas accouché seront punis de deux à dix ans d’emprisonnement sans préjudice des peines prévues pour le faux, s’il y a lieu (art. 287). S’il est établi que l’enfant n’est pas vivant ni viable, la peine sera de six mois à cinq ans d’emprisonnement.

107.L’enlèvement ou le détournement d’un mineur de 15 ans sans fraude ni violence sera puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 5 000 à 100 000 francs. Toutefois, la loi conditionne la poursuite et la condamnation de l’auteur d’enlèvement qui aura épousé la personne enlevée ou détournée à un dépôt de plainte des personnes qui ont qualité pour demander l’annulation du mariage et après que cette annulation aura été prononcée (art. 289). Il en va autrement si l’infraction se produit par fraude ou violence, la peine sera un emprisonnement de cinq à dix ans.

108.S’agissant des fonctions électives, aux élections de 2002 il y a eu 9 femmes parlementaires sur 155 sièges à l’Assemblée nationale et cela est un progrès. Cependant, au plan du droit coutumier, le problème se pose différemment car la femme n’est pas souvent considérée comme l’égale de l’homme, elle a peu de droits et est souvent marginalisée.

Les discriminations et violences exercées contre les enfants et les femmes

109.Dans un passé peu lointain, la situation de la femme tchadienne était peu enviable. La discrimination à l’égard de la femme tchadienne se manifestait dès sa naissance à travers le processus de socialisation de la petite fille. Celle‑ci avait peu de chances d’accéder à une autre forme d’éducation que celle qui la prépare à assurer le rôle d’épouse et d’agent reproducteur de l’espèce humaine.

110.La discrimination dont la femme était victime dans la jouissance et l’exercice de ses droits était constatée à divers niveaux. Sur le plan du mariage, certaines lois coutumières et religieuses qui s’appliquent au Tchad n’ont rien prévu pour la limite d’âge. La notion de majorité est un fait relatif d’une ethnie à une autre. Pour la plupart des cas, les décisions étaient prises par les parents, sans le consentement de la future épouse et selon les règles coutumières.

111.Dans la pratique, priorité était donnée au garçon qui était le premier à être envoyé à l’école. Beaucoup de Tchadiens pensent qu’envoyer une fille à l’école n’aboutira à rien, elle est faite pour le foyer et pour mettre au monde des enfants. La femme tchadienne subit aussi souvent différentes formes de violences: domestiques, sévices sexuels ou psychologiques. Le taux d’analphabétisme reste jusqu’à ce jour très élevé chez les femmes.

112.Dans le cadre de l’emploi, jusqu’en 2003, les données relevaient pour le secteur public que seuls 10 % des fonctionnaires étaient des femmes, confinées pour la plupart dans les emplois subalternes. Soixante‑dix pour cent des femmes fonctionnaires exerçaient dans les trois ministères, à savoir l’éducation nationale, la santé publique et les affaires sociales. Elles occupaient en grande partie des fonctions d’exécution. Sur les 125 députés de l’Assemblée nationale au départ, il n’y avait que 3 femmes. Aux élections de 2002, il y en a eu neuf.

113.Cependant, il faut relever que depuis 1990, le Tchad s’est lancé dans la voie de l’épanouissement de la femme. Le Tchad a participé à la Conférence de Beijing de 1995 et à bien d’autres conférences internationales (Nairobi, Dakar, etc.) à l’occasion desquelles d’importantes mesures ont été prises pour renforcer les droits de la femme.

Articles 4 et 5 − Mesures restrictives des droits et mesures dérogatoires aux droits

114.Les mesures restrictives des droits et dérogatoires aux droits sont prévues par la Constitution tchadienne en son article 87 comme étant des mesures exceptionnelles exigées par les circonstances, pouvant survenir lorsque «les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu». Ces mesures sont arrêtées par le Président de la République en Conseil des ministres, après consultation du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Conseil constitutionnel. Leur durée ne doit pas excéder quinze jours. La prorogation n’est possible qu’après avis conforme de l’Assemblée nationale et le Président de la République en informe la nation par un message.

115.Ces mesures exceptionnelles ne sauraient justifier, selon le même article, les atteintes au droit à la vie, à l’intégrité physique et morale et aux garanties juridictionnelles accordées aux individus. L’objectif étant d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Enfin, l’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.

116.Des dispositions constitutionnelles prévoient également l’état de siège et l’état d’urgence. Aux termes de l’article 124 de la Constitution, l’état de siège et l’état d’urgence sont décrétés en Conseil des ministres. Le Gouvernement en informe le Bureau de l’Assemblée nationale. Leur prorogation au‑delà de douze jours ne peut être autorisée que par l’Assemblée nationale.

117.C’est en vertu de cette disposition que le Gouvernement a pris le récent décret portant sur l’état d’urgence, en respectant scrupuleusement les prescriptions constitutionnelles, et ceci en vue de juguler la situation des conflits intercommunautaires dans certaines régions du pays. Il s’agit du décret no 014/PR/PM/MAT/2006 du 13 novembre 2006 imposant l’état d’urgence dans les régions de Ouaddaï, Salamat, Waddi Fira, BET, Hadjer Lamis, Mandoul, le Moyen‑Chari et dans la ville de N’Djamena.

118.Le délai de douze jours étant épuisé et devant la persistance de la crise, le Gouvernement a formulé à l’Assemblée nationale une demande relative à la prorogation de l’état d’urgence pour six mois. C’est ainsi que l’Assemblée nationale, réunie le 23 novembre 2006, a délibéré et adopté cette demande. Le Gouvernement a assuré aux élus du peuple qu’il n’avait aucune intention de nuire aux libertés: il évitera l’excès de pouvoir et les brimades.

119.Dans la pratique, les forces armées et de la sécurité interviennent régulièrement pour la protection des biens et des personnes ainsi que le rétablissement de l’ordre public. Il faut noter que, lors de ces interventions, il peut survenir quelques bavures policières qui sont, selon leur gravité, déférées aux autorités judiciaires qui y donnent les suites requises. C’est ainsi qu’un collectif de femmes agressées par la police a pu poursuivre en justice un haut responsable de la police tchadienne en 2001.

120.Le Tchad est convaincu de la nécessité de protéger les droits fondamentaux énoncés dans le Pacte. C’est pourquoi, dans des situations d’urgence menaçant la vie du citoyen et la survie de l’État, le Gouvernement ne peut déroger aux obligations prévues que sous certaines conditions. La loi soumet la proclamation de la situation d’urgence à un acte officiel; les mesures exceptionnelles ne doivent être prises qu’en cas de strictes nécessités et ces dernières ne doivent pas entraîner de discrimination.

121.Certaines situations de crise peuvent avoir pour conséquences indirectes la limitation de certains droits et libertés. En ce qui concerne particulièrement la presse, la loi no 29 du 22 août 1994 relative au régime de la presse au Tchad prévoit dans son article 37 que la saisie provisoire des journaux ou périodiques, des imprimés ou autres éléments d’information résultant d’une infraction à la loi ou d’une faute civile peut être ordonnée après débats contradictoires par le Président du tribunal territorialement compétent.

122.L’article 38 ajoute que, lorsque la saisie permanente intervient, le tribunal prononce la destruction de tous les exemplaires. En cas de relaxe du prévenu ou lorsque le tribunal en vient à la conclusion que la saisie n’était pas justifiée, il peut prononcer au profit de l’entreprise ou de la personne visée par la saisie des dommages et intérêts et la mainlevée de la saisie.

123.Le récent décret instituant l’état d’urgence impose également une censure aux journaux couvrant ces événements. Un arrêté du maire de la ville de N’Djamena interdit toute ouverture de bars, la tenue de réunions et autres manifestations à partir de minuit.

124.Toutes ces mesures prises pour restreindre les libertés et les droits fondamentaux de l’homme ne sont pas incompatibles avec les autres obligations que le droit international impose à l’État. Elles n’ont entraîné aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, la langue ou l’origine sociale.

125.Le Haut Conseil de la communication (HCC), organe de régulation de la presse, est chargé de garantir la liberté d’information et de communication. Il doit veiller au respect de l’expression pluraliste, des courants de pensées et d’opinions dans la presse écrite et l’audiovisuel. Cet organe administratif indépendant est institué par la Constitution dans ses articles 182 et suivants. Il statue sur les violations de la liberté de la presse et encourage l’excellence professionnelle des journalistes et des entreprises de presse. Il lui incombe enfin d’autoriser l’exploitation, par des personnes privées, des services de radiodiffusion et de télévision.

Article 6 − Respect de la personne humaine

126.Le droit à la vie de la personne humaine est expressément reconnu par la Constitution tchadienne en son article 17 qui dispose que: «la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à l’intégrité de sa personne, à la sécurité, à la liberté et à la protection de sa vie privée».

127.L’avortement volontaire pratiqué par la femme elle‑même ou par une autre personne constitue un délit au Tchad et sanctionné comme tel. Aux termes de l’article 296 du Code pénal tchadien, «quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen aura procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 francs».

128.Le récidiviste encourt des peines plus lourdes, à savoir l’emprisonnement de cinq à dix ans et l’amende de 100 000 à 1 million de francs s’il est établi qu’il se livre habituellement aux actes visés au paragraphe précédent. De même, la femme qui se sera procuré l’avortement à elle‑même ou aura tenté de se le procurer, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet sera punie d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 5 000 à 50 000 francs.

129.Les médecins, sages‑femmes, chirurgiens dentistes, pharmaciens, ainsi que les étudiants en médecine, les étudiants ou employés en pharmacie, herboristes, bandagistes, marchands d’instruments de chirurgie, infirmiers, masseurs, qui auront indiqué, favorisé ou pratiqué les moyens de procurer l’avortement seront condamnés aux peines prévues aux paragraphes premier et second du présent article. La suspension pendant cinq ans au moins et l’incapacité absolue de l’exercice de leur profession seront, en outre, prononcées contre les coupables. «Quiconque contrevient à l’interdiction d’exercer sa profession prononcée en vertu du paragraphe précédent sera puni d’un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et d’une amende de 100 000 francs au moins et de 1 million de francs au plus.».

130.Ces dispositions sont souvent appliquées par les juridictions tchadiennes lorsque de tels cas sont portés à leur attention.

131.Le Tchad a adhéré également à presque toutes les conventions et traités relatifs aux droits de la personne humaine.

132.Au Tchad, la peine de mort n’est pas encore officiellement abolie. Le Code pénal prévoit en son article 4 que les peines criminelles principales sont la mort, les travaux forcés à perpétuité et les travaux forcés de cinq à vingt ans. L’article 5 du même code poursuit que: «les condamnés à mort seront fusillés». Pour les femmes enceintes, l’article 7 dudit code précise que, si elles sont condamnées, elles ne subiront la peine qu’après leur délivrance.

133.De 1992 à 2003, il a existé un moratoire de fait sur l’exécution des condamnés à mort. L’État a cessé de recourir à des exécutions capitales après la suppression de la Cour martiale sur recommandation de la Conférence nationale. Mais, en 2003, afin de donner une réponse énergique à un crime crapuleux particulièrement spectaculaire commis en pleine ville par des grands bandits, le Gouvernement a dû recourir à l’exécution des condamnés à mort les 6 et 9 novembre 2003, d’autant plus que certains crimes avaient été commis par des condamnés à mort évadés de prison.

134.Cependant, à la suite des vives critiques et de la réprobation que cela a suscitées, aucun condamné à mort n’a été exécuté depuis lors et toutes les peines de mort ont été commuées en perpétuité. D’ailleurs, les états généraux de la justice se sont prononcés contre la peine de mort, et le Tchad prépare l’esprit de la population à accepter la suppression de la peine de mort, que certains considèrent à tort comme étant l’impunité totale pour les grands bandits qui ne pourront plus être dissuadés. La crise pénitentiaire est en grande partie responsable de cette situation amenant beaucoup à considérer la peine de mort comme une des solutions radicales et efficaces pour réduire la criminalité. Il faut signaler enfin que le Tchad n’a pas encore ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de la peine de mort.

135.Lors de la tenue des états généraux de la justice du 17 au 21 juin 2003, la question de l’abolition ou non de la peine de mort a été posée. Les états généraux ont recommandé au Gouvernement son abolition. Par la suite, l’Assemblée nationale a été saisie du sujet. Le problème reste donc entier à l’état actuel du droit.

136.Dans la pratique, les personnes condamnées peuvent bénéficier d’une grâce. Le Président de la République dispose du droit de grâce pour les condamnés à mort (art. 89 de la Constitution). Il s’agit d’un pouvoir régi par l’article 3 du décret 230/PR‑MJ du 19 octobre 1970 portant réglementation du droit de grâce.

137.Dans son article 2, le décret 230 sus‑indiqué mentionne que «tout condamné qui veut obtenir une remise ou une commutation de peine doit adresser une supplique au Président de la République ou au Ministre de la justice. La requête peut être également présentée par son conseil».

138.L’article 3 de poursuivre: «La grâce peut être prononcée d’office dans l’intérêt de la justice ou des raisons d’humanité, en l’absence de tout recours du condamné. En cas de condamnation à la peine de mort, le recours est instruit d’office par le parquet général. Il en est de même lorsque des raisons graves s’opposent à l’exécution de la peine, notamment si l’état de santé du condamné est incompatible avec la détention. Les magistrats du parquet avisent le Ministre de la justice des mesures de commutation ou de réduction qu’ils estiment devoir être prises. Ils ne peuvent toutefois recevoir ni instruire des recours formés par les condamnés sans y avoir été invités par le Ministre de la justice. Les chefs d’établissement pénitentiaire peuvent également, en dehors du cadre des grâces générales annuelles, adresser par l’intermédiaire du parquet, au Ministre de la justice, des propositions de grâce en faveur des détenus particulièrement méritants en vue de contribuer au maintien de la discipline dans les prisons.».

139.Le Tchad a ratifié les traités et conventions relatifs aux droits de l’enfant et de la femme. Ainsi, il n’y a pas de peine de mort pour les mineurs et les femmes enceintes ne peuvent être exécutées qu’après avoir délivré. Il est créé, au sein de chaque tribunal de première instance, une chambre pour enfants statuant en matière correctionnelle et criminelle (loi no 007 du 6 avril 1999). Aux termes de l’article 30 de cette loi, la chambre pour enfants pourra prononcer soit une des mesures de garde ou de rééducation prévues, soit une condamnation pénale. Si la peine encourue par le mineur est la peine de mort, celle‑ci sera substituée par la peine d’emprisonnement de dix ans ferme. Dans tous les cas il pourra être mis, par le jugement, sous le régime de l’interdiction de séjour pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.

140.Par ailleurs, l’article 2 de la loi no 007 dispose que: «la chambre pour enfants prononcera, suivant le cas, des mesures de protection, d’assistance, de surveillance ou d’éducation qui sembleront appropriées. Elle peut donc prononcer une condamnation pénale conformément aux dispositions de l’article 52 du Code pénal. Toutefois, si une peine ferme d’emprisonnement doit être prononcée, celle‑ci sera la moitié de la peine minimale». L’article 4 de la même loi dispose qu’en cas d’infractions commises par un mineur, le Procureur de la République en saisira directement le juge des enfants par un réquisitoire introductif.

141.Toutes les juridictions d’exception sont supprimées et seule la cour criminelle qui est une formation non permanente des cours d’appel s’occupe de la prononciation des principales peines criminelles qui sont la mort, les travaux forcés à perpétuité et les travaux forcés de cinq à vingt ans.

142.Aux termes de l’article premier de la loi no 004 du 26 mai 1998 portant organisation judiciaire, la justice est rendue dans la République du Tchad par un seul ordre de juridiction qui comprend:

La Cour suprême;

Les cours d’appel;

Les cours criminelles;

Les tribunaux de première instance;

Les tribunaux du travail;

Les tribunaux de commerce;

Les justices de paix.

143.Selon l’article 18 de la même loi, une cour criminelle est une formation non permanente de chaque cour d’appel appelée à juger les crimes dont elle est saisie. Conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, la cour criminelle se compose comme suit: le Président de la cour d’appel ou un conseiller président; deux conseillers de la cour d’appel et quatre jurés.

144.Pour les infractions graves telles que crime contre l’humanité, crime de génocide et crime de guerre qui sont susceptibles de sanctions au titre du droit international humanitaire, aucune disposition législative ou réglementaire ne les prévoit pour l’instant. Cependant, il s’agit de catégories de crimes qui choquent la conscience humaine et qui n’ont plus droit de cité dans les nations civilisées. Le Tchad a adhéré aux Conventions de Genève du 12 août 1949 sur le droit international humanitaire et est depuis le 1er janvier 2007 partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. La réforme en cours tiendra compte de cette nouvelle donne en codifiant les infractions relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.

145.Dans la pratique, et ce depuis 1990, le Tchad n’a jamais été accusé ni informé d’une certaine politique ou pratique tendant au génocide ou au crime contre l’humanité.

Article 7 − Torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants

146.Selon l’article 18 de la Constitution, nul ne peut être soumis, ni à des sévices ou traitements dégradants et humiliants, ni à la torture. Ce qui veut dire que tout individu a droit au libre épanouissement de sa personne.

147.Le Tchad est partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et toutes les informations relatives à la mise en œuvre de cette Convention sont disponibles dans son rapport périodique remis concomitamment avec le présent rapport. Les mesures internes d’harmonisation de la législation sont en cours et pourront aboutir très prochainement.

148.La Constitution interdit, en son article 21, les arrestations et détentions illégales et arbitraires. Le Code pénal réprime ces infractions en ses articles 149 et 152. Dans les maisons d’arrêt, les soins médicaux sont dispensés par un service médical qui surveille l’état de santé des détenus, soigne les malades et suit les grossesses des détenues enceintes. Les détenus toxicomanes et les détenues enceintes ou venant d’accoucher sont traités comme des patients. Les détenus ayant fait l’objet d’un jugement définitif peuvent bénéficier de permissions de sortie temporaires. Ils ont également le droit de demander une mise à l’épreuve ou une réduction ou commutation de peine ainsi que le droit de former un recours en grâce.

149.Les détenus ont le droit de recevoir des visites et de communiquer avec les personnes de l’extérieur ou leurs avocats. Les détenus ont droit à la nourriture, au logement et à l’habillement. Ils ont également droit à l’exercice physique et de marcher en dehors de leurs cellules. Les gardiens des prisons ou maisons d’arrêt ne doivent pas se livrer à des actes de torture sur les détenus.

150.Cependant, on constate quelquefois une non‑observation de ces mesures dans les commissariats de police et les locaux de gendarmerie. Le Gouvernement prête une attention particulière à de tels déraillements. Le Procureur de la République fait des descentes régulières dans les commissariats, gendarmeries et maisons d’arrêt pour veiller à ces situations.

151.Les associations relèvent souvent dans leurs rapports de visite des maisons d’arrêt, comme sujet de préoccupations, la non‑séparation des quartiers entre les condamnés adultes et les mineurs. Par contre, elles notent avec satisfaction le fait que le quartier des femmes est séparé de celui des hommes dans certaines maisons d’arrêt du Tchad. L’État tchadien ne perd pas de vue que des efforts restent à fournir en matière de conditions de détention qui ont fait l’objet d’un minutieux examen lors des états généraux de la justice. Les mesures en cours aboutiront, dans les années à venir, à améliorer substantiellement les conditions de détention au Tchad. Lors de ces assises, il a été relevé l’insuffisance manifeste des moyens matériels et humains pour faire face à la situation.

Article 8 − Esclavage et travaux forcés

152.Aux termes de l’article 20 de la Constitution, «nul ne peut être soumis en esclavage ou en servitude». L’article 5 de la loi no 038 du 11 décembre 1996 portant Code du travail dispose que: «le travail forcé ou obligatoire est interdit. On entend par travail forcé ou obligatoire tout travail ou tout service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré».

153.Le Tchad a ratifié les différentes conventions de l’OIT interdisant les travaux forcés. Il s’agit de la Convention no 29 (1930) concernant le travail forcé ou obligatoire et la Convention no 41 (1934) concernant le travail de nuit des femmes; Convention no 105 (1957) sur l’abolition du travail forcé.

154.Certaines pratiques en zones rurale et urbaine sont considérées comme étant de l’esclavage moderne en raison de l’exploitation abusive des employés. Il s’agit des cas des enfants des sédentaires utilisés pour garder le troupeau d’éleveurs nomades (enfants bouviers), des «mouhadjirines» ou celui des domestiques de maison. Le Gouvernement examine, avec ses partenaires en développement et en consultation avec les communautés, les voies et moyens pour éradiquer ce phénomène social qui prend de plus en plus d’ampleur, malgré ses conséquences néfastes pour la vie et la santé des victimes. La stratégie de lutte contre la pauvreté prend largement en compte ce phénomène.

Article 9 − Liberté et sécurité des personnes

155.L’article 12 de la Constitution tchadienne assure la protection de la liberté et de la sécurité des personnes en ces termes: «les libertés et les droits fondamentaux sont reconnus et leur exercice garanti aux citoyens dans les conditions et les formes prévues par la Constitution et la loi». Dans le même sens, les articles 17, 19 et 21 de cette même constitution consacrent respectivement les principes de la liberté, de la sécurité et du libre épanouissement de la personne en interdisant les arrestations et détentions arbitraires.

156.Aux termes de l’article 19 de la Constitution, «Tout individu a droit au libre épanouissement de sa personne dans le respect des droits d’autrui, des bonnes mœurs et de l’ordre public.». Des possibilités d’actions et de sanctions sont prévues par les Codes pénal et de procédure pénale.

157.Ainsi, le Code de procédure pénale, par exemple, consacre en ses articles 1er et 6 les possibilités d’exercer l’action publique et l’action civile respectivement en ces termes: «l’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. Elle peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée»; «l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction».

158.L’article 7 du Code de procédure pénale prévoit que «l’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction. Elle sera recevable pour tous les chefs de dommages matériels, corporels ou moraux qui découleront des faits objets de la poursuite.». Ces procédures sont souvent engagées dans l’intérêt des citoyens ou de la société. En cas de violation de ces dispositions, le Code pénal prévoit des sanctions dans ses articles 142 à 146, 148 et 150 à 152. Les auteurs sont généralement passibles d’une amende allant de 5 000 à 5 millions et d’un emprisonnement de six mois à cinq ans.

159.Aux termes de l’article 142 du Code pénal, «lorsque par attroupement, voies de fait ou menace, on aura empêché ou tenté d’empêcher un ou plusieurs citoyens d’exercer leurs droits civiques, chacun des coupables sera puni de six mois à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 à 500 000 francs. Quiconque aura faussé ou tenté de fausser le résultat d’un scrutin par falsification, soustraction ou addition de bulletins de vote sera puni des peines portées à l’alinéa précédent. Quiconque aura, dans une élection, acheté ou vendu un suffrage, sera puni des peines prévues à l’article 229 pour la corruption de fonctionnaire».

160.L’article 143 quant à lui condamne de six mois à cinq ans d’emprisonnement avec une amende allant de 5 000 à 5 millions de francs d’amende tout fonctionnaire public, agent ou préposé du Gouvernement qui aura ordonné ou fait quelque acte arbitraire ou attentatoire, soit à la liberté individuelle, soit à la Constitution.

161.Le Code pénal fait obligation de dénoncer les détentions illégales en ces termes: «les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure, seront punis d’un mois à un an d’emprisonnement et tenus des dommages‑intérêts».

162.Les dispositions du Code pénal qui suivent formulent aussi des sanctions aux différentes entraves à la liberté. Les articles 149 et suivants du Code pénal sanctionnent les arrestations illégales. L’article 152, par exemple, dispose que «toute convention affectant la liberté des personnes, telle que cession, mise en servitude, remise en gage, sera punie des peines prévues pour la séquestration arbitraire…».

163.Le Code pénal sanctionne aussi les violences illégitimes exercées par les officiers publics ou administrateurs envers des personnes dans l’exercice de leurs fonctions (art. 156).

164.Le Tchad a même prévu des sanctions aux entraves à la liberté du travail, à la liberté des enchères et à la liberté du commerce dans les articles 157 à 160 du Code pénal.

165.La mission de garantir la sécurité des personnes et des biens est, selon la Constitution, confiée à la gendarmerie nationale, à la police nationale et à la garde nationale et nomade. En vertu de l’article 195, la gendarmerie a pour mission d’assurer la protection des personnes et des biens, le maintien et le rétablissement de l’ordre public, le respect des lois et des règlements.

166.Selon l’article 197, la police nationale doit aussi veiller à la sécurité de l’État, assurer le maintien et le rétablissement de l’ordre public, veiller à la sécurité et à la protection des personnes et des biens, à la tranquillité et à la salubrité publique, assurer le respect des lois et règlements.

167.Conformément à l’article 199, la garde nationale et nomade, quant à elle, a pour mission de maintenir l’ordre en milieu rural et nomade, la garde et la surveillance des maisons d’arrêt. Aussi est‑elle chargée de la protection des autorités politiques et administratives et la protection des édifices publics.

168.Toutes ces institutions chargées de la sécurité exercent leurs missions sur l’ensemble du territoire national dans le respect des droits de l’homme et des libertés (voir les articles 196, 198 et 200 de la Constitution).

169.En vertu des dispositions suscitées et des institutions existantes, le citoyen tchadien bénéficie d’une protection de ses libertés et de sa sécurité même si quelques failles sont remarquables dans la pratique. Tel en est le cas des arrestations et détentions arbitraires, du phénomène des coupeurs de route (bandits de grand chemin qui dépouillent les voyageurs de leurs biens et même les tuent). Des procédures judiciaires existent et des poursuites sont souvent engagées contre des auteurs de tels actes.

Article 10 − Conditions de détention

170.La détention est une privation de la liberté dont les conditions sont établies par les textes fondamentaux du Tchad. Le Tchad a le souci de traiter avec humanité la personne privée de liberté, au moment de son arrestation, de sa détention et de l’enquête, que la personne soit détenue en vertu d’un mandat judiciaire ou d’un jugement définitif. C’est ainsi que l’article 18 de la Constitution dispose que: «nul ne peut être soumis à des sévices ou traitements dégradants et humiliants, ni à la torture».

171.Le traitement réservé par la législation tchadienne à la personne privée de liberté est conforme à l’article 10 du Pacte, que l’affaire soit en instance devant la police, la gendarmerie, le tribunal ou l’administration pénitentiaire.

172.Par ailleurs, l’article 243 du Code de procédure pénale tchadien consacre le principe de séparation des prévenus et des condamnés en ces termes: «la détention préventive doit être subie dans une prison et dans un quartier séparé de ceux des condamnés». C’est ainsi que les personnes détenues sont placées dans des établissements pénitentiaires. Ces établissements sont régis par le décret no 371/77/CSM/MJ du 9 novembre 1977 portant statut des établissements pénitentiaires au Tchad et rattachés au Ministère de la justice. Selon l’article premier de ce décret, l’organisation pénitentiaire comporte des maisons de force, une maison d’arrêt au siège des tribunaux et de justice de paix, des centres de rééducation des mineurs délinquants, des camps pénaux.

173.Dans la pratique, sur les 58 maisons d’arrêt prévues, seules 44 sont fonctionnelles à ce jour. Les établissements pénitentiaires sont placés sous l’autorité d’un directeur. Le personnel de chaque établissement pénitentiaire se compose d’un régisseur, d’un greffier comptable, d’un gardien chef et des gardiens. Ces établissements sont visités par le Procureur général, les juges d’instruction, les procureurs de la République et sont placés sous le contrôle de la Commission de surveillance et de gestion.

174.Aux termes de l’article 29 du décret suscité, la Commission de surveillance et de gestion se réunit une fois par trimestre en séance ordinaire avec possibilité des séances extraordinaires sur convocation de son président. Selon l’article 30, elle se compose de la façon suivante:

a)Dans les justices de paix d’un président (juge de paix), d’un membre (responsable du corps médical);

b)Dans les tribunaux d’instance autres que N’Djamena, un président (président du tribunal), trois membres (Procureur de la République, sous‑préfet et médecin);

c)Au tribunal de N’Djamena, un président (président du tribunal de première instance), trois membres (Procureur de la République, maire ou son représentant, médecin).

175.Il est à noter que les associations de défense des droits de l’homme et les communautés religieuses, le Comité international de la Croix‑Rouge et l’ordre de Malte sont également autorisés à visiter les lieux de détention après s’être fait délivrer une autorisation de visite par le directeur de l’administration pénitentiaire.

176.Toutefois, en raison de contraintes budgétaires qui empêchent la construction de lieux de détention séparés, les auteurs présumés d’une infraction sont placés en détention provisoire dans les mêmes lieux que les condamnés. Il peut arriver que lors de ces détentions provisoires, des exactions soient commises sur eux par certains auxiliaires de justice.

177.Le délai de garde à vue n’est pas souvent respecté dans les locaux des commissariats et les brigades de la gendarmerie.

Article 11 − Emprisonnement pour obligation civile

178.La contrainte par corps est régie par l’article 334 du Code de procédure civile tchadien en ces termes: «à la requête du créancier poursuivant, le président de la juridiction civile à qui appartient le contrôle de l’exécution pourra, par ordonnance motivée, autoriser l’exercice de la contrainte par corps contre le débiteur de mauvaise foi, sans préjudice des peines portées à l’article 310 du Code pénal».

179.Aux termes de l’article 310 du Code pénal, «sera puni des peines prévues pour l’escroquerie quiconque dans l’intention de faire fraude aux droits de ses créanciers aura, depuis l’échéance de la date, la sommation de payer ou l’introduction de l’instance judiciaire, dissimulé, détourné ou dissipé, par quelque moyen que ce soit, tout ou partie de son patrimoine. La poursuite ne pourra être exercée que sur la plainte de l’intéressé et sera arrêtée par le paiement de la dette ou l’exécution de l’obligation par le débiteur lui‑même ou par tout autre, pour lui».

180.L’article 335 précise que «le réquisitoire d’incarcération sera délivré par le magistrat du parquet au vu de l’ordonnance autorisant la contrainte». Le Procureur de la République ou le juge de paix peut en faire recours, par ordonnance motivée, contre les débiteurs de mauvaise foi. Au‑delà de cette mauvaise foi, il faudrait souligner que le niveau de vie de la population nécessite l’application de cette sanction.

181.Pour les autres modalités, l’article 336 du Code de procédure civile dispose que «les dispositions des articles 489, 490, 491, alinéa 2, concernant le libellé du réquisitoire, 493 à 496 du Code de procédure pénale seront, en outre, appliquées».

182.Selon l’article 489 du Code de procédure pénale, la durée de la contrainte par corps est réglée ainsi qu’il suit:

Dix jours lorsque l’amende et les condamnations pécuniaires n’excèdent pas 5 000 francs;

Vingt jours si elles sont comprises entre 5 001 et 15 000 francs;

Trente jours si elles sont comprises entre 15 001 et 30 000 francs;

Cinquante jours si elles sont comprises entre 30 001 et 50 000 francs;

Trois mois si elles sont comprises entre 50 001 et 100 000 francs;

Six mois si elles sont comprises entre 100 001 et 200 000 francs;

Dix mois si elles sont comprises entre 200 001 et 500 000 francs;

Seize mois lorsqu’elles excèdent 500 000 francs.

183.Lorsque la contrainte par corps garantit le recouvrement de plusieurs créances, sa durée résulte du total des condamnations.

184.Un critère d’âge et de lien familial est retenu pour l’exercice de la contrainte par corps. Elle ne peut être exercée ni contre les individus âgés de moins de 18 ans accomplis ni contre ceux qui ont commencé leur soixantième année (art. 490). Elle ne peut non plus être exercée simultanément contre le mari et la femme, même pour le recouvrement de condamnations différentes.

185.Pour ce qui concerne le recouvrement des condamnations pécuniaires au profit du Trésor, le Code de procédure civile indique (art. 491) que la contrainte par corps est exercée sans autres avis que ceux prévus à l’article 486.

186.Le Procureur de la République, le juge résident ou le juge de paix, dès que le réquisitoire d’incarcération constate l’expiration du délai, énonce le montant de la créance et fixe, en se référant aux dispositions des articles 489 et 490, la durée de l’incarcération. Les réquisitions sont exécutées par les agents de la force publique et autres fonctionnaires chargés de l’exécution des mandats de justice et dans les formes prévues pour l’exécution desdits mandats.

187.Aux termes de l’article 492 du Code de procédure civile, les particuliers qui entendent faire contraindre par corps un condamné adressent au parquet de la juridiction qui a prononcé ou à celui du domicile ou de la résidence du condamné une requête à fin d’incarcération. Cette requête doit être accompagnée d’une copie de la sommation de payer faite au débiteur. Le magistrat compétent établit alors un réquisitoire d’incarcération et en assure l’exécution conformément au Code.

188.Cependant l’article 493 du Code de procédure civile prévoit qu’au moment de son arrestation, le débiteur peut requérir qu’il en soit référé. Il est, dans ce cas, immédiatement conduit devant le président de la juridiction du lieu de l’arrestation, statuant en état de référé. Le même droit appartient au débiteur déjà détenu à qui est exhibé le réquisitoire d’incarcération. Le contraignable peut prévenir ou faire cesser les effets de la contrainte en payant une somme suffisante pour éteindre la dette. Le magistrat des référés peut accorder à celui‑ci des délais de paiement et surseoir, pendant une année au plus, à l’exécution de la contrainte par corps.

189.La contrainte par corps est subie dans les mêmes conditions que l’emprisonnement correctionnel, c’est ce que prévoit l’article 494 du Code de procédure pénale. Selon l’article 495, lorsque la contrainte par corps a pris fin pour une cause quelconque, elle ne peut plus être exercée ni pour la même dette, ni pour des condamnations pécuniaires antérieures à moins que ces condamnations n’entraînent par leur quotité une contrainte plus longue que celle déjà subie. Dans ce dernier cas, la première incarcération doit toujours être déduite de la nouvelle contrainte. Il faut noter cependant que, selon l’article 496, le condamné qui a subi une contrainte par corps n’est pas libéré du montant des condamnations pour lesquelles elle a été exercée.

190.Cette législation, qui date de 1967, répond aux exigences de l’époque pour résoudre la question de la mauvaise foi des débiteurs qui peuvent exploiter la gentillesse des créanciers. Avec la réforme en vue et vu l’évolution des mentalités et des techniques modernes d’octroi et de recouvrement des créances, cette législation sera profondément revue.

Article 12 − Liberté d’aller et de venir

191.La liberté d’aller et de venir est garantie par l’article 44 de la Constitution tchadienne qui dispose que tout Tchadien a le droit de circuler librement à l’intérieur du territoire national, d’en sortir et d’y revenir. Sur l’ensemble du Tchad, aucun document administratif n’est exigé pour voyager d’une ville à une autre, contrairement aux années 80 où un laissez‑passer était exigé. De même, le Gouvernement a fait relever certaines barrières et postes de contrôle de police et de gendarmerie qui jonchaient les routes du pays. Seuls des postes sont visibles dans les entrées et sorties de grande villes et ce, en vue d’assurer la sécurité et de secourir en cas d’accident.

192.La restriction des libertés peut cependant être prononcée par décision de justice à l’encontre des personnes comme peines complémentaires, pour des raisons de sécurité nationale et de maintien de l’ordre public. Pour les mêmes raisons, les autorités administratives peuvent quelquefois restreindre cette liberté d’aller et de venir.

Article 13 − L’expulsion des étrangers

193.En vertu de l’article 15 de la Constitution, les étrangers légalement entrés au Tchad bénéficient des mêmes droits et libertés que les nationaux. Ils sont tenus de se conformer aux lois nationales. Cependant, un étranger peut être expulsé par mesure administrative lorsqu’il est entré sur le territoire sans autorisation préalable des autorités. La même mesure peut être prise pour des résidents légaux qui constituent par la suite des menaces à l’ordre public et à la sécurité publique.

194.Allant dans le même sans, la loi no 22/PR/95 du 28 septembre 1995 relative au contrôle de la drogue dispose en son article 142 que «l’interdiction du territoire national est prononcée à l’encontre d’un étranger … entraîne de plein droit la reconduction du condamné à la frontière à l’expiration de la peine d’emprisonnement». L’autorité compétente en la matière est le Ministre de la sécurité publique et de l’immigration.

195.La question de l’expulsion des étrangers est abondamment abordée dans le rapport au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qui peut être lu parallèlement au présent rapport.

Article 14 − Le droit à des garanties de procédure

196.Dans l’ordre interne, la Constitution, le Code pénal et le Code de procédure pénale consacrent amplement les dispositions de l’article 14 du Pacte. En vertu des articles 13 et 14 de la Constitution, aucune discrimination fondée sur la différence d’origine, de langue, de race, de sexe, de conditions physiques ou d’état de santé, de conviction religieuse ou d’opinion politique n’est autorisée.

197.Ces dispositions de la Constitution sont louables par tous, cependant, dans la pratique, la discrimination est récurrente en matière de procédure.

198.En fonction du principe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire posé par l’article 7 de la Constitution, l’État tchadien assure à tous l’égalité devant les tribunaux et des garanties judiciaires et de procédures. Aux termes de l’article 141 de la Constitution, «le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif». Au Tchad, il est institué un seul ordre de juridiction dont la Cour suprême est l’instance suprême. Le pouvoir judiciaire est exercé par cette cour, les cours d’appel, les tribunaux et les justices de paix (voir les articles 142 et 143). La Constitution a assigné au pouvoir judiciaire une mission très déterminante: «il est le gardien des libertés et de la propriété intellectuelle et veille au respect des droits fondamentaux», c’est ce que précise le deuxième alinéa de l’article 143.

199.Pour ce qui est de l’indépendance de la magistrature, la Loi fondamentale en son article 145 mentionne que le Président de la République en est le garant. À ce titre, il veille à l’exécution des lois et des décisions de justice avec l’assistance du Conseil supérieur de la magistrature. Il garantit l’indépendance et l’impartialité des magistrats.

200.Dans le sens de l’article 2 du Pacte, l’article 24 de la Constitution tchadienne pose le principe de la présomption d’innocence en disposant que tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès régulier offrant des garanties indispensables à sa défense.

201.S’agissant toujours de la procédure, l’article 64 du Code de procédure civile consacre le caractère public de l’audience à quelques exceptions près pour des cas jugés dangereux pouvant perturber l’ordre public ou les bonnes mœurs.

202.Le Code de procédure tchadien prévoit l’action judiciaire en son article premier en ces termes: l’action civile pour obtenir la reconnaissance ou la protection d’un droit est portée devant les juridictions de première instance et la cour d’appel, conformément aux dispositions de la loi d’organisation judiciaire.

203.La loi no 004/PR/PM/98 portant organisation judiciaire prévoit que tant en matière civile que répressive, nul ne peut être jugé sans être mis en mesure de présenter ses moyens de défense. Cette défense peut être personnelle ou avec l’assistance des avocats, surtout d’office, pour les personnes démunies tel que prévu par les articles 38 et 39 du Code de procédure civile.

204.Aux termes de l’article 38 du Code de procédure civile, l’assistance judiciaire peut être accordée en tout état de cause à tout plaideur, lorsqu’en raison de l’insuffisance de ses ressources, il se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses droits en justice, soit en demandant, soit en défendant. Elle est applicable à tous litiges et à tous actes de juridiction gracieuse.

205.L’article 39 du Code de procédure civile détermine ce que comporte cette assistance. Elle dispense de consigner les frais qui sont avancés par le trésor et ordonnancés sur les fonds de justice criminelle, permet éventuellement l’assistance gratuite d’un avocat et le concours gratuit d’un agent d’exécution. Elle s’étend de plein droit aux actes et procédures d’exécution.

206.À ce jour, l’assistance d’office n’est effective qu’en matière criminelle à défaut de textes d’application prévus par l’article 40 du Code de procédure civile devant fixer les conditions de l’admission au bénéfice de l’assistance judiciaire.

207.Le Code de procédure civile détermine aux citoyens comment ils peuvent introduire une action en justice. Selon l’article 41, les actions sont introduites par le dépôt au greffe de la juridiction soit d’une requête soit d’un exploit de citation. La requête introductive d’instance est déposée par le demandeur ou par son mandataire, accompagnée d’autant de copies sur papier libre qu’il y a des parties ayant un intérêt distinct. Le déposant doit justifier de son identité, soit par titres, soit par témoins.

208.Pour des besoins de preuve, le Code de procédure civile en ses articles 96 à 101 et le Code de procédure pénale dans ses articles 78 à 86 prévoient l’audition des témoins pour guider la décision du juge. Le Code de procédure pénale, dans son article 49, fait obligation de faire appel à un interprète en cas de nécessité.

209.On assiste parfois au non-respect des procédures exigées par les textes. À titre illustratif, l’affaire des journalistes arrêtés en 2005.

210.Au Tchad, les textes ont prévu l’unicité et le double degré de juridiction. À ce titre, plusieurs tribunaux de première instance ont été créés ainsi que des justices de paix dans le souci de rapprocher la justice des justiciables. Il faut noter également la création de la chambre pour enfants afin de statuer sur les cas de mineurs. Ces instances sont chapeautées respectivement par les cours d’appel et la Cour suprême. Dans le même ordre d’idées, les justiciables peuvent faire recours auprès de ces institutions en vertu de l’article 39 de la loi no 004/98 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et l’article 216 du Code de procédure civile. Malgré la clarté des textes, l’on est au regret de constater la lenteur judiciaire. Cela est dû à l’insuffisance des infrastructures et du personnel judiciaire mais aussi au degré de coopération des justiciables.

211.Il existe au Tchad quelques dispositions visant à rétablir les victimes des erreurs judiciaires ou leurs ayants droit dans leurs droits. Cette réparation peut se faire sur la base de la responsabilité administrative contre l’État tout comme contre les dénonciateurs et les faux témoins en cas de recours contre la partie civile.

212.En ce qui concerne la responsabilité administrative, la saisine du tribunal de première instance peut être engagée sur la base de l’article 30 de la loi no 004/98 portant organisation judiciaire selon laquelle le tribunal de première instance connaît des affaires de plein contentieux administratif parmi lesquelles le contentieux de la responsabilité administrative. Dans le même sens, l’article 31 de la loi précitée dispose que le tribunal de première instance est compétent pour statuer sur les demandes tendant à rendre l’État ou une autre collectivité publique responsable de ses agents ou préposés.

213.Cette démarche tend à éviter l’engagement de la responsabilité personnelle du magistrat qui, selon l’article 3 de l’ordonnance no 008 de 1991 portant organisation de la magistrature, ne peut en aucune manière être inquiet en raison des actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions et précisément les décisions qu’il a rendues ou auxquelles il a pris part. C’est à cet effet que les articles 409 et 411 du Code de procédure pénale prévoient des dommages-intérêts pour réparer les préjudices causés aux victimes des erreurs judiciaires.

214.Au Tchad, en matière pénale, au regard de l’article 264 du Code de procédure pénale, l’inculpé à l’égard duquel a été rendue une ordonnance de non-lieu ne peut plus être recherché à raison du même fait, sauf s’il survient des nouvelles charges telles que les déclarations des témoins, des pièces et des procès-verbaux qui n’ayant pu être soumis à l’examen du magistrat et qui sont de nature soit à fortifier les charges qui auraient été trouvées trop faibles, soit à donner aux faits des nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité. La décision de réouverture du dossier appartient au ministère public. Cependant, en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée, nul ne peut faire l’objet d’une poursuite supplémentaire après qu’un jugement définitif a été rendu en sa faveur.

215.Jusqu’en octobre 1997, le contentieux des élections relevait de la compétence de la chambre constitutionnelle de la cour d’appel de N’Djamena. C’est ainsi, par exemple, que suite aux élections de 1996, neuf candidats ont saisi par requête en date du 21 juin 1996 la cour d’appel pour l’annulation de la décision no 003/CENI/96 en date du 13 mai 1996. En effet, pour les requérants, la décision de la CENI a violé les dispositions des articles 38, 39 et 69 de la loi no 004/PR/95 du 22 mars 1995. Par décision 001/96 du 5 juin 1996, lesdites requêtes avaient été déclarées recevables mais non fondées.

216.La Constitution, en ses articles 68 et 161, a créé le Conseil constitutionnel et lui a attribué la gestion du contentieux des élections présidentielles et législatives, ainsi que la vérification de la régularité des opérations du référendum. La loi no 019/PR/98 du 22 novembre 1998 a été publiée pour régir l’organisation et le fonctionnement de cet organe.

217.Parmi les décisions déjà rendues, l’on peut citer celles relatives au référendum constitutionnel du 6 juin 2005 où certaines irrégularités ont été relevées d’office, notamment: la discordance entre le total des voix obtenues et les suffrages exprimés, le non-respect de l’heure d’ouverture des bureaux de vote, le nombre des votants exorbitant, l’absence de fiches de résultat, l’insuffisance de signatures requises, le vote excessif des personnes en déplacement, les signatures non conformes, l’absence de signature, la contradiction entre procès-verbal et fiche de résultat, etc.

218.Aussi, lors des élections législatives de 2002, plusieurs candidats ont pu saisir le Conseil constitutionnel par rapport à leurs candidatures non validées. Ainsi, sur 28 requêtes enregistrées au greffe du Conseil constitutionnel, certaines ont été déclarées fondées et ont été validées. Par contre, d’autres estimées non fondées ont été rejetées par décision no 002/PCC/SG/02 du 15 mars 2002 portant examen des éligibilités des candidats aux élections législatives du 21 avril 2002.

219.Pour une bonne garantie de la justice, on note l’installation des deux cours d’appel à Abéché et Moundou.

Article 15 − Légalité des infractions et des peines

220.Le principe de la légalité des infractions et des peines, en tant que principe général du droit, est applicable au Tchad. La Constitution tchadienne affirme en son article 23 que nul ne peut être arrêté ni inculpé qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés. De même, le Code pénal dispose en son article premier que nul crime, nul délit, nulle contravention ne peut être puni des peines qui n’étaient pas prononcées par la loi avant qu’ils fussent commis.

Article 16 − Les droits à la reconnaissance de la personn alité juridique

221.La Constitution tchadienne, dans sa version révisée, reconnaît à tous une personnalité juridique. Elle dispose expressément en son article 13 que les Tchadiens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont tous égaux devant la loi. Elle ajoute encore en son article 14 que l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. Il a le devoir de veiller à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme et d’assurer la protection de ses droits dans tous les domaines de la vie privée et publique. Aussi la CNDH et les ADH apportent une contribution assez conséquente par la sensibilisation et les émissions radiodiffusées.

222.Le projet de code des personnes et de la famille n’étant pas encore promulgué, le Tchad utilise toujours le Code civil français dans sa version de 1958 pour régler les questions de la famille. L’article 488 dudit code dispose que la majorité est fixée à 18 ans accomplis; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile. Est néanmoins protégé par la loi, soit à l’occasion d’un acte particulier, soit d’une manière continue, le majeur qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts.

223.Peut pareillement être protégé le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses obligations familiales. Ce code consacre aussi la capacité des jouissances de certains droits civils pour les mineurs par le mécanisme de la représentation légale.

224.Dans la pratique, ces libertés et droits fondamentaux constitutionnellement reconnus sont violés par certaines autorités censées en assurer leur protection et promotion. Le phénomène d’analphabétisme et l’ignorance des titulaires de ces droits constituent un blocage dans l’application effective des textes en la matière. Cependant, le Gouvernement a pris des dispositions pour permettre la vulgarisation des textes relatifs aux droits de l’homme, dans les établissements scolaires. La création du Ministère chargé des droits de l’homme témoigne de la volonté du Gouvernement de faire des droits de l’homme une de ses priorités.

Article 17 − Protection de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance

225.Les textes fondamentaux de la République du Tchad garantissent la protection des droits de la famille et de la personnalité. Selon l’article 17 de la Constitution: la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à l’intégrité de sa personne, à la sécurité, à la liberté, à la protection de sa vie privée et de ses biens.

226.Le Code pénal tchadien dans son titre 3 traite des questions relatives à la famille. Il prévoit des sanctions contre les atteintes à l’état des personnes. On peut citer entre autres l’article 286 de ce code qui dispose que les coupables d’enlèvement, de recels, de suppression d’enfants tendant à compromettre son état civil seront punis des travaux forcés à temps. L’article 288 précise que ceux qui, ayant été chargés d’un enfant ne le restitueront point aux personnes chargées de le réclamer, seront punis des peines prévues à l’article 286.

227.Aussi, faut-il le rappeler, certaines coutumes tchadiennes protègent la famille en condamnant des pratiques telles que l’abandon de famille, l’adultère, l’avortement, etc.

228.La protection du domicile est assurée par la Constitution qui dispose en son article 42 que le domicile est inviolable. Il ne peut y être effectué des perquisitions que dans les cas et les formes prescrites par la loi.

229.L’article 154 du Code pénal affirme que tout fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire, tout officier ou agent de police, tout commandant ou agent de la force publique, qui, agissant en sa dite qualité, se sera introduit dans le domicile d’un citoyen contre le gré de celui‑ci, hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu’elle a prescrites, sera puni d’un emprisonnement de six jours à un an et d’une amende de 5 000 à 500 000 francs, sans préjudice du second paragraphe de l’article 143.

230. Pour ce qui concerne la violation du domicile par les personnes privées, l’article 155 prévoit que tout individu qui se sera introduit à l’aide de menace ou de violence dans le domicile d’un citoyen sera puni d’un emprisonnement de six jours à six mois et d’une amende de 5 000 à 50 000 francs.

231.Pour l’article 156 de ce même code, lorsqu’un fonctionnaire ou un officier public, un administrateur, un agent ou un préposé de la police ou du Gouvernement, un exécuteur des mandats de justice ou jugements, un commandant en chef ou en sous‑ordre de la force publique aura, sans motif légitime, usé ou fait usage de violence envers les personnes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, il sera puni selon la nature et la gravité de ses violences, conformément aux dispositions des articles 252 à 255. Les dispositions de l’article 31 pourront en outre leur être appliquées.

232.La Constitution du Tchad consacre le secret de la correspondance et des communications. C’est ainsi qu’elle prévoit en son article 45 que le secret de la correspondance et des communications est garanti par la loi. L’article 44 de la loi no 029/PR/94 relative au régime de la presse fait mention que toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.

233.La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, mais si elle est faite sans forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification n’est pas rendue possible par les termes des discours, par les images, par les écrits ou imprimés, par les photographies ou les affiches incriminées. Toute expression outrageuse qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure.

234.Toutefois, ne constitue pas une infraction au sens du présent article lorsque l’énoncé d’opinion ne fait que rapporter des propos tenus par autrui sur les faits et gestes posés par une personne dans l’exercice d’une fonction publique.

235.Le Code civil français de 1958 étant en vigueur au Tchad, toutes les responsabilités édictées par ce code sont applicables notamment en ce qui concerne les responsabilités du fait de choses, de personnes, d’enfants, d’apprentis ou d’animaux.

236.L’immixtion arbitraire dans la vie privée est souvent le fait de quelques agents zélés qui ne manquent pas dans l’administration de l’État. Des possibilités de recours sont offertes par la loi aux victimes qui peuvent exercer des actions en responsabilité pénale ou civile. L’article 154 du Code pénal prévoit des sanctions à cet effet (voir le paragraphe 229 ci‑dessus).

Article 18 − Liberté de pensée, de conscience et de religion

237.Les libertés de pensée, de conscience et de religion sont garanties par la Constitution. Le préambule de la Constitution en son paragraphe 3 réaffirme l’attachement des Tchadiens aux principes des droits de l’homme tels que définis par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. L’article premier de la Constitution dispose que le Tchad est une république souveraine, indépendante, laïque, sociale, une et indivisible, fondée sur les principes de la démocratie, le règne de la loi et de la justice. Il est affirmé la séparation des religions et de l’État.

238.De même, son article 14 déclare que l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinions politiques ou de position sociale. Il a le devoir de veiller à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme et d’assurer la protection de ses droits dans tous les domaines de la vie privée et publique.

239.De plus, l’article 27 dit que les libertés d’opinion et d’expression, de communication, de conscience, de religion, de presse, d’association, de réunion, de circulation, de manifestations et de cortèges sont garanties à tous. Elles ne peuvent être limitées que par le respect des libertés et des droits d’autrui et par l’impératif de sauvegarder l’ordre public et les bonnes mœurs. La loi détermine les conditions de leur exercice.

240.Enfin, l’article 32, alinéa 3, de ladite constitution déclare que: «nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de ses opinions, de ses croyances, de son sexe ou de sa situation matrimoniale».

241.Ces libertés sont rendues effectives par l’article 5 de la loi no 017/PR/2001 portant statut général de la fonction publique qui dit que l’accès aux emplois publics est ouvert à égalité de droits sans distinction de genre, de religion, d’origine, de race, d’opinions politiques, de position sociale à tout Tchadien remplissant les conditions prévues au titre IV de la présente loi, sous réserve des conditions d’aptitude physique et mentale ou de sujétions propres à certains emplois déterminés par les statuts particuliers.

242.La loi no 029 de 1994 relative au régime de la presse au Tchad énonce en son article 58 que la poursuite des délits et contraventions de police commis par la voie de presse ou par tout autre moyen de communication s’engagera selon les procédures ci‑après: dans les cas d’injures ou de diffamations envers les personnes mentionnées à l’article 45 et dans les cas de diffamation envers les particuliers prévus par l’article 49, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée. Toutefois, la poursuite pourra être exercée par le ministère public lorsque la diffamation ou l’injure commise envers un groupe de personnes appartenant à une race ou à une religion déterminée aura eu pour but d’inciter à la haine tribale ou religieuse.

243.Le Code du travail tchadien en son article 7 dit qu’aucun employeur ne peut, pour arrêter les décisions prévues à l’article précédent (conditions d’embauche et de travail), prendre en considération l’appartenance ou la non‑appartenance à un syndicat, l’activité syndicale, l’origine ou les opinions, notamment religieuses politiques du travailleur.

Article 19 − Liberté d’expression et d’opinion

244.Au Tchad, la liberté d’opinion et d’expression est reconnue à tous. Chacun est libre de rechercher et recevoir les informations car la Constitution dispose que les libertés d’opinion et d’expression, de communication, de conscience, de religion, de presse, d’association, de réunion, de circulation, de manifestations et de cortèges sont garanties à tous. Elles ne peuvent être limitées que par le respect des libertés et des droits d’autrui et par l’impératif de sauvegarder l’ordre public et les bonnes mœurs (art. 27).

245.Les textes nationaux reconnaissent la liberté de créer un parti politique ou d’appartenir à celui de son choix. En ce qui concerne les partis politiques, une charte a été instituée par la loi no 45 du 14 décembre 1994 portant charte des partis politiques. Plusieurs partis politiques sont créés et fonctionnent librement sur l’ensemble du territoire.

246.Par ailleurs, la liberté d’opinion est reconnue aux fonctionnaires. L’article 10 du Statut général de la fonction publique déclare que: «la liberté d’opinion est reconnue aux fonctionnaires». Aucune discrimination ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe ou de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques. Toutefois, il leur est demandé d’exprimer leurs opinions politiques, philosophiques ou religieuses en dehors du service. Aucune mention de ces opinions ne doit figurer dans le dossier individuel du fonctionnaire. L’État ne peut prendre en considération l’appartenance à une organisation syndicale, politique, philosophique, religieuse ou associative pour prendre des mesures disciplinaires à l’encontre du fonctionnaire.

247.De même, la liberté d’exprimer ses idées et ses opinions par tout moyen de communication est reconnue à tout citoyen, et la presse et l’imprimerie sont libres (art. 1er et 2 de la loi relative au régime de la presse). Il existe actuellement au Tchad de nombreux journaux et radios indépendants qui contribuent à l’expression de ces libertés.

248.Le Gouvernement tchadien a publié une loi pour réglementer la presse. Il s’agit de la loi no 029 du 12 août 1994 relative au régime de la presse au Tchad. La liberté d’expression reconnue par les textes est exercée par tous les citoyens. Des débats contradictoires portant sur des questions politiques sont diffusés même sur les antennes de la radio nationale. Les radios privées sont régies au Tchad par un texte spécifique, à savoir la décision no 007/HCC/P/SG/99 du 10 juin 1999 portant cahier des charges des radios privées.

249.L’analphabétisme, la pauvreté d’une grande partie de la population, l’indigence des moyens des journaux et radios privés (faibles tirages des journaux, faible rayon d’action des émetteurs radio), les conséquences psychologiques des longues années de répressions politiques constituent des entraves à l’épanouissement de ces libertés publiques.

Article 20 − L ’ interdiction de la propagande en faveur de la guerre

250.Le Tchad a terriblement souffert de la guerre et tous ses textes condamnent sans réserve toute apologie de la guerre. Le paragraphe 11 du préambule de la Constitution dit que nous affirmons notre volonté de coopérer dans la paix et l’amitié avec tous les peuples partageant nos idéaux de liberté, de justice et de solidarité sur la base des principes d’égalité, d’intérêts réciproques, du respect mutuel et de la souveraineté nationale, de l’intégrité et de la non‑ingérence. L’article 5 de la Constitution dispose que: «toute propagande à caractère ethnique, tribal, régional ou confessionnel tendant à porter atteinte à l’unité nationale ou à la laïcité de l’État est interdite».

251.Les articles 40 et 43 de la loi no 29/94 relative au régime de la presse prévoient des sanctions pour ces cas d’atteintes. Toute la politique du Gouvernement vise à développer la culture de la paix tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Article 21 − Le droit de réunion

252.Le droit de réunion pacifique a été reconnu et proclamé officiellement par l’article 27 de la Constitution. Mais son exercice est soumis à une autorisation préalable, l’article premier de l’ordonnance no 45/62 relative aux réunions publiques dispose que: «les réunions publiques ne peuvent avoir lieu sans autorisation préalable…».

253.En période de circonstances exceptionnelles (état d’urgence, état de siège) et pendant les élections, pour des raisons d’ordre public et de sécurité, le Gouvernement a été amené à restreindre provisoirement ces libertés publiques (art. 124 de la Constitution). Les réunions publiques ne peuvent avoir lieu sans autorisation préalable. Elles doivent, d’autre part, observer les conditions prescrites par l’ordonnance no 45/62. Elles sont interdites sur la voie publique. En ce qui concerne les manifestations sur la voie publique, le décret no 193/INT.‑SUR du 6 novembre 1962 portant réglementation des manifestations sur la voie publique soumet les manifestations à l’obligation d’une déclaration préalable et à l’obtention d’une autorisation. Tous cortèges, défilés, sorties et, d’une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique. Toutefois, sont dispensées de cette obligation les sorties sur la voie publique, conformes aux usages locaux.

254.Cependant, l’interdiction est formulée de façon nette pour ce qui concerne les attroupements armés ou ceux susceptibles de troubler l’ordre public. L’ordonnance no 46 du 28 octobre 1962 relative aux attroupements interdit sur la voie publique ou dans un lieu public tout attroupement armé et tout attroupement non armé susceptible de troubler l’ordre public. Selon ce texte, est considéré comme attroupement tout rassemblement de personnes susceptibles de troubler la tranquillité publique.

Article 22 − La liberté d’association

255.Depuis l’adoption des différents textes relatifs à la liberté d’association, surtout après l’année 1990, on assiste à une éclosion d’associations diverses et de syndicats. On compte aujourd’hui deux grandes centrales syndicales: l’Union des syndicats du Tchad (UST) et la Confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT), et près de 3 000 associations œuvrant dans divers domaines.

256.La liberté syndicale est reconnue par l’article 28 de la Constitution et un syndicat ne peut être dissous que par voie judiciaire ou statutaire (art. 30 de la Constitution).

257.En ce qui concerne les associations, l’ordonnance no 27 du 28 juillet 1962 les réglemente. Au titre des articles 3, 4 et 5, sous réserve des exceptions de l’article 2, les associations de personnes pourront se former, moyennant déclaration et autorisation, mais ne jouiront de la capacité juridique que si elles le demandent expressément. Cependant, toutes les associations pourront percevoir des cotisations et les utiliser suivant les termes de leurs statuts. Tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année en cours, sauf dispositions statutaires contraires.

258.La déclaration de fondation d’une association sera faite au chef‑lieu de la préfecture dans le ressort de laquelle l’association aura son siège social. Cette déclaration, en trois exemplaires, mentionnera le nom et l’objet de l’association, le siège de son établissement et ceux des annexes ainsi que les noms, profession et domicile de ceux qui, à titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction. Il sera donné récépissé de cette déclaration.

259.Le Ministre de l’intérieur se prononcera sur l’autorisation ou le refus de fonctionner dans un délai de trois mois du dépôt de la déclaration constaté par la date du récépissé. Trois exemplaires des statuts doivent être joints à la déclaration.

260.Les associations sont tenues de faire connaître dans les trente jours, à l’autorité administrative qui a reçu la déclaration de fondation, tous les changements intervenus dans leur administration ou direction, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts. Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu’à partir du jour où ils ont été déclarés.

261.Les modifications et changements seront, en outre, consignés sur un registre spécial qui devra être présenté aux autorités administratives ou juridiques chaque fois qu’elles en feront la demande. Le registre peut être celui où sont consignés les statuts et les procès‑verbaux des réunions et séances de l’association.

262.La fondation d’une association doit être insérée dans le Journal officiel. Les modifications ultérieures sont soumises à la même formalité. Le décret no 165 du 25 août 1962 détermine les modalités d’application de ladite ordonnance.

Article 23 − Le droit au mariage

263.La notion de famille est fondamentale et préside à toute l’organisation de la société tchadienne. L’éducation des enfants est orientée vers la formation à assumer plus tard des responsabilités familiales et sociales. Le droit coutumier également protège la famille.

264.L’âge nubile au mariage et le consentement des futurs époux se heurtent à la persistance de certaines coutumes. C’est pourquoi le Code pénal tchadien intervient pour réprimer le mariage des filles de moins de 13 ans en édictant, en son article 277, que «la consommation d’un mariage coutumier avant que la fille n’ait atteint l’âge de 13 ans est assimilée au viol et punie comme tel».

265.De toutes les façons, le Gouvernement espère que l’adoption du projet de code des personnes et de la famille pourrait mettre fin à ces pratiques. De même, cette loi abrogera les dispositions du Code civil français de 1958 qui consacre la primauté de l’homme au sein de la famille.

Article 24 − Les droits de l’enfant

266.Le Tchad a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant. Des mesures d’incorporation dans l’ordre juridique interne ont été prises. L’article 38 de la Constitution fait obligation aux parents d’élever et d’éduquer leurs enfants. Ils sont soutenus dans cette tâche par l’État et les collectivités territoriales décentralisées.

267.L’article 254 du Code pénal interdit formellement les châtiments corporels infligés aux enfants; de même, l’article 7 de la loi no 007/PR/99 du 6 avril 1999 fixe la durée de garde à vue des enfants à dix heures maximales. Cette loi institue un juge et une chambre pour enfants.

268.Le travail de nuit des enfants âgés de moins de 18 ans est interdit par l’article 206 du Code du travail.

269.Pour pallier les insuffisances liées à l’organisation actuelle de l’état civil régi par l’ordonnance no 03/INT du 2 juin 1961, le Gouvernement tchadien a, dans le cadre du projet de modernisation de l’état civil, élaboré un document de stratégie nationale de l’état civil dont l’un des objectifs est la sensibilisation des populations sur l’importance de l’état civil et un avant‑projet de loi portant organisation de l’état civil qui, s’il venait à être promulgué, répondra aux préoccupations du Comité en matière d’enregistrement des naissances. Ces réponses sont la déclaration obligatoire des naissances aussi bien pour les populations sédentaires, nomades que celles des zones rurales avec la possibilité d’avoir des bureaux itinérants pour les populations nomades. Le délai accordé pour la déclaration est également revu en baisse. Il sera d’un mois au lieu de deux pour les populations sédentaires et de deux mois au lieu de quatre pour les nomades.

270.Les éléments clefs d’identité, notamment les nom et prénoms, date et lieu de naissance, sexe, nom des père et mère de l’enfant ou de celui qui le reconnaît, sont pris en compte au moment de l’enregistrement à l’état civil. En outre, des campagnes de sensibilisation à l’intention des leaders d’opinion et des communautés sur l’importance de l’enregistrement des enfants à la naissance, les formations des travailleurs sociaux et des agents de santé ont été menées.

271.Tout enfant a le droit d’acquérir une nationalité conformément au Code de nationalité qui prévoit l’octroi de la nationalité aux enfants légitimes ou naturels nés au Tchad et qui n’ont aucune nationalité d’origine, aux enfants nés au Tchad de parents inconnus ou aux enfants nés au Tchad de parents étrangers (art. 9 et 10 du Code de nationalité).

272.Malgré l’arsenal juridique existant en la matière, le Tchad éprouve d’énormes difficultés à honorer ses engagements internationaux. Les pesanteurs socioculturelles et l’ignorance des parents qui ne comprennent pas l’utilité de déclarer les naissances, le mode de vie nomade d’une partie de la population, l’immensité du territoire qui crée des difficultés d’accès aux centres d’état civil et la modicité des moyens de l’État ne permettant pas l’enregistrement de naissances sur toute l’étendue du territoire national.

273.Le Gouvernement envisage la ratification très prochaine du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

Articles 25 et 26 − Droit de participer sans discrimination à la direction des affaires publiques

274.Au Tchad, plusieurs textes interdisent la discrimination fondée sur le sexe, l’âge, la religion et la nationalité. La Constitution confie la gestion des affaires publiques, soit directement au citoyen, soit indirectement à ses représentants (art. 3) et ce, sans distinction de sexe, de religion et de toutes autres considérations (art. 13 et 14).

275.Le Code électoral reconnaît le droit de vote à tous les Tchadiens des deux sexes, âgés de 18 ans révolus (art. 3 du Code électoral). Le droit d’éligibilité est soumis à des conditions d’âge selon les types d’élections (présidentielles, législatives et locales) (art. 115 du Code électoral).

276.L’égal «accès aux emplois publics est garanti à tout Tchadien sans discrimination aucune, sous réserve de conditions propres à chaque emploi» (art. 31 de la Constitution). Cette égalité constitutionnelle est rendue effective par la loi no 017/PR/2001 portant statut général de la fonction publique.

277.En effet, l’article 5 de cette loi dispose que «l’accès aux emplois publics est ouvert à égalité de droits sans distinction de genre, de religion, d’origine, de race, d’opinion politique, de position sociale, à tout Tchadien remplissant les conditions prévues au titre IV de la présente loi».

278.Enfin, aucun employeur ne peut fonder ses décisions sur l’origine nationale des travailleurs en ce qui concerne notamment l’embauche, la répartition du travail, la formation professionnelle, la promotion, la rémunération ou la rupture du contrat de travail (art. 6 du Code du travail).

279.Cependant, et malgré la sévérité des sanctions encourues, la pratique de la corruption et du népotisme par certains agents des administrations publiques et privées crée une certaine discrimination dans l’égal accès aux emplois. La création du ministère chargé du contrôle d’État et de la moralisation est destinée à traquer et punir les agents véreux et indélicats.

Article 27 − Droit des minorités

280.Au Tchad, il existe des minorités mais celles‑ci ne font l’objet d’aucune discrimination officielle. Cependant, certaines survivances de pratiques traditionnelles de paria, qui établissent les castes (exemple: les forgerons communément appelés «Haddad») font que ceux‑ci souffrent d’un ostracisme multiséculaire dans la partie septentrionale du pays. Cette situation constitue une préoccupation permanente pour le Gouvernement qui tente d’y remédier en favorisant l’accès à l’éducation pour tous et la nomination aux postes de responsabilité des personnes issues de ces milieux.

281.Au Tchad, il n’est pas fait mention de l’origine ethnique des individus dans les pièces d’identité officielles ni dans d’autres documents administratifs.

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