Nations Unies

CAT/C/75/D/947/2019

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

24 janvier 2023

Original : français

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no947/2019 * , **

Communication présentée par :

E. M. et A. C. (représentées par un conseil, de l’Entraide protestante suisse)

Victime(s) présumée(s) :

Les requérantes

État partie :

Suisse

Date de la requête :

13 juin 2019 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 114 et 115 du Règlement intérieur du Comité, transmise à l’État partie le 26 juillet 2019 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

4 novembre 2022

Objet :

Renvoi vers la Grèce

Question ( s ) de procédure :

Juridiction

Question(s) de fond :

Risque de torture en cas de renvoi (non-refoulement)

Article (s) de la Convention :

3

1.1Les requérantes sont E. M., de nationalité éthiopienne, née en 1973, et sa fille A. C., née en 2009. Elles font l’objet d’une décision de renvoi vers la Grèce et considèrent qu’un tel renvoi constituerait une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention. L’État partie a fait la déclaration prévue à l’article 22 (par. 1) de la Convention le 2 décembre 1986. Les requérantes sont représentées par un conseil.

1.2Le 26 juillet 2019,en application de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a rejeté la demande des requérantes de prier l’État partie de ne pas les expulser vers la Grèce tant que leur requête serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par les requérantes

2.1E. M. a quitté l’Éthiopie en 1995 à la suite d’un mariage forcé. Elle a vécu au Liban et en République arabe syrienne dans des conditions précaires pendant dix ans. En 2005, elle est arrivée en Grèce, et y a déposé une demande d’asile et obtenu le statut de réfugiée. ÀAthènes, E. M. a vécu en ménage commun pendant huit ans avec A. C. N., le père d’A. C. Après la naissance de cette dernière, elle a fait deux fausses couches.À partir de 2013, la situation économique d’E. M. est devenue très difficile. Elle ne trouvait plus de travail. Dans la précarité, elle et son mari, qui ne trouvait pas d’emploi fixe en Grèce, ont dû vivre dans la rue et dormaient parfois dans une église. De plus, ils n’avaient pas d’assurance maladie et n’avaient pas accès aux soins médicaux. En raison de ces difficultés croissantes, la famille a dû quitter la Grèce. A. C. N. a rejoint l’Angleterre. Il a appelé E. M. une seule fois, depuis la France. E. M. ignore où se trouve son mari à ce jour.

2.2Les requérantes ont déposé une demande d’asile en Suisse le 12août 2016.Le 20décembre 2016, le Secrétariat d’État aux migrations a décidé de ne pas entrer en matière sur cette demande. Selon celui-ci, le renvoi était licite étant donné que la Grèce était liée par la directive européenne 2011/95/UE relative aux normes minimales, qui prévoit un certain nombre de garanties juridiques en matière d’accès à l’emploi, au système éducatif et à l’aide sociale en faveur des réfugiés reconnus.

2.3Le 9 janvier 2017, les requérantesont recouru contre cette décision. Leur recours a été rejeté par le Tribunal administratif fédéral le 29 mars 2017, au motif qu’elles n’avaient pas établi qu’ellesfaisaient face à une situation de discrimination par rapport à d’autres ressortissants étrangers ou grecs démunis, et qu’E. M. n’avait pas démontré qu’elle avait recherché un emploi ni que les autorités grecques seraient demeurées indifférentes à sa situation sur son éventuelle demande d’aide sociale. Le Tribunal a aussi considéré qu’aucun élément du dossier ne permettait de penser que les conditions de vie en Grèce se seraient à ce point dégradées qu’elles rendraient le transfert en Grèce des requérantes contraire aux obligations découlant de l’article 3 de la Conventiondesauvegardedesdroitsdel’hommeetdeslibertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme).

2.4Le 14décembre 2017, les requérantes ont soumis une première demande de reconsidération de la décision de renvoi, sur laquelle le Secrétariat d’État aux migrations n’est pas entré en matière par décision du 23 janvier 2018.Les requérantesont reçu un plan de vol à destination d’Athènes pour le 5 avril 2018, vol auquel elles ne se sont pas présentées.

2.5A. C. est suivie en psychothérapie de soutien, en raison d’une enfance difficile passée en Grèce. Elle présente des troubles importants de l’endormissement et du sommeil, une hypervigilance et un état d’angoisse important, notamment avec une peur d’être abandonnée. E. M. suit une psychothérapie de soutien depuis octobre 2017, pour un état d’anxiété, des troubles du sommeil, des ruminations et un abaissement de l’humeur. Elle est sans nouvelles de son mari et assume seule les responsabilités parentales à l’égard de sa fille.

2.6Le 15mai 2018, les requérantesont introduit une deuxième demande de reconsidération de la décision de les renvoyer en Grèce.Le 17 mai 2018, elles ont été assignées à résidence pour une durée de six mois par les autorités de l’État partie. Le 25 mai 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté la demande de reconsidération et confirmé le renvoi des requérantes en Grèce.Le 16 juillet 2018, la police est venue chercher les requérantes en vue de leur accompagnement à l’aéroport de Genève,en exécution de la mesure de renvoi. Toutefois,elles ne se trouvaient pas au centre d’hébergement cette nuit-là. Le 1er avril 2019, les requérantes ont soumis une troisième demande de reconsidération.

2.7Le 3 avril 2019, le Secrétariat d’État aux migrations a refusé d’accorder les mesures provisoires suspensives en faveur des requérantes, qui ont recouru contre cette mesure le 11 avril 2019. Le 24 avril 2019, le Tribunal administratif fédéral a rejeté ce recours. Par une décision du 3 mai 2019, le Secrétariat d’État a décidé de ne pas entrer en matière sur une nouvelle demande de réexamen soumise par les requérantes et a confirmé leur renvoi en Grèce. Les requérantes n’ont pas recouru contre cette dernière décision. Elles précisent qu’elles ont épuisé toutes les voies de recours internes disponibles et que leur requête n’a été déposée auprès d’aucune autre instance internationale.

Teneur de la plainte

3.Les requérantes allèguent qu’en les renvoyant en Grèce, l’État partie violerait l’article 3 de la Convention. Elles allèguent également que leur renvoi en Grèce les exposerait à la détresse et au dénuement, ce qui porterait atteinte à leur existence et à la dignité humaine.Elles soutiennent que des conditions de vie incompatibles avec le respect de la dignité humaine, notamment l’absence de logement et de moyens minimaux pour assurer leur sécurité physique et leur subsistance, constituent un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article3 de la Convention. Ellesfont valoir qu’une femme seule et une enfant de 10ans vivant sans logement et sans aide sociale sont exposées à des risques élevés d’agression, notamment sexuelle, et à un dénuement rendant impossible toute intégration sociale ou existence digne, ce qui constitue une forme de torture. Elles soulignent que les femmes sont particulièrement exposées à la perte des repères et de l’identité sociale, à la mendicité, à la détresse psychique pouvant conduire à la folie, et à la maladie du fait de l’insécurité sanitaire et alimentaire.Les requérantessoutiennent que de nombreux rapports internationaux constatent l’absence d’aide sociale en faveur des réfugiés en Grèce.Elles font valoir en outre qu’elles n’ont pas de réseau de soutien social ou familial en Grèce, et qu’elles risquent de se trouver rapidement dans une grande détresse, sans aucune ressource, les exposant aux violences de rue, ce qui constitue un risque de torture au sens de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 19 décembre 2019, l’État partie a soumis des observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il y a rappelé les faits et les procédures engagées par les requérantes en Suisse pour obtenir l’asile, et noté que les autorités compétentes en matière d’asile avaient dûment pris en considération les arguments des requérantes.

4.2L’État partie soutient que, concernant l’existence d’un risque lié à la mise en œuvre de l’article 3 de la Convention, le Comité a précisé les éléments devant être pris en compte pour faire apparaître le risque comme sérieux, c’est-à-dire : a) des preuves de l’existence dans l’État intéressé d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ; b) l’existence d’actes de torture ou de mauvais traitements subis dans un passé récent ainsi que l’existence d’éléments de preuve provenant de sources indépendantes ; c) l’exercice par le requérant d’activités politiques à l’intérieur ou hors de son État d’origine ; et d) des preuves quant à la crédibilité du requérant. L’État partie souligne que la charge de la preuve quant à l’existence d’un tel risque incombe, en principe, aux requérantes, qui doivent présenter des arguments défendables, c’est-à-dire circonstanciés, montrant qu’un tel risque existe.

4.3En ce qui concerne la situation générale en Grèce, l’État partie soutient que les requérantes ne sont pas en mesure de prouver l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives, ni de démontrer qu’elles risqueraient personnellement d’être soumises à la torture dans ce pays. L’État partie soutient par ailleurs que l’existence d’un ensemble de violations des droits de l’homme, mentionné à l’article 3 (par. 2) de la Convention, ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu’un individu risquerait d’être victime de tortures à son retour dans son pays. L’État partie affirme que la Grèce ne connaît pas l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives et qu’en conséquence, la situation politique en Grèce ne s’oppose pas au renvoi des requérantes dans ce pays.

4.4L’État partie soutient que la situation en Grèce des bénéficiaires d’une protection internationale ne peut pas être assimilée à celle des demandeurs d’asile. Dans leur accès à l’emploi, à l’assistance sociale, aux soins, à l’éducation et au logement, les personnes disposant du statut de réfugié ont les mêmes droits que les nationaux, conformément aux obligations découlant pour la Grèce du droit européen. Tout en reconnaissant qu’une crise économique frappe la Grèce depuis plusieurs années et que les conditions de vie pour les bénéficiaires d’une protection internationale sont plus précaires en Grèce que dans d’autres États européens, l’État partie observe que les ressortissants grecs sont eux-mêmes confrontés aux mêmes conditions de vie. Il rappelle que le Tribunal administratif fédéral a déclaré dans sa jurisprudence récente que le système de protection sociale grec était critiqué non seulement pour les demandeurs d’asile, mais aussi pour les personnes bénéficiant d’un statut de protection. L’État partie observe que le niveau du chômage est élevé en Grèce, en particulier pour les personnes ayant un statut de protection reconnu. Il rappelle en outre que le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a relevé qu’il existait dans la pratique une discrimination par les ressortissants grecs à l’égard des personnes ayant un statut de protection. Cette situation est également liée au fait que les étrangers concernés ne sont pas déférés aux autorités compétentes. L’État partie souligne l’appréciation du Tribunal administratif fédéral selon laquelle si les conditions de vie des réfugiés en Grèce ne peuvent être qualifiées de faciles, il ne s’agit pas pour autant d’un traitement inhumain ou dégradant.

4.5L’État partie souligne que les requérantes n’ont jamais prétendu que la procédure d’asile en Grèce avait été entachée d’irrégularités, ou qu’elles auraient été menacées de renvoi dans leur pays d’origine. Il ne met pas en doute les difficultés d’E. M. et de son mari pour trouver un emploi ni les conditions difficiles auxquelles la famille a probablement été confrontée en Grèce. Toutefois, il estime qu’il appartient, en principe, aux requérantes de présenter des arguments circonstanciés de nature à démontrer que, dans leur cas particulier, il y a un risque de torture prévisible, actuel, personnel et réel. L’État partie relève que les requérantes n’ont jamais été soumises à la torture ou à de mauvais traitements par les autorités grecques, et n’ont pas non plus fourni d’éléments de preuve pour étayer un défaut de protection de la part des autorités grecques. Il estime que le renvoi d’une personne sur le territoire de l’État où elle a obtenu le statut de réfugiée, quand bien même elle y connaîtrait une dégradation importante de ses conditions de vie matérielles et sociales, ne saurait constituer une violation qu’en présence de considérations humanitaires exceptionnelles et impérieuses.

4.6L’État partie reconnaît que les requérantes ont été prises en charge pour de sérieux problèmes de santé, notamment psychologiques, liés au départ d’A. C. N. et à la précarité de leur situation migratoire. Toutefois, il estime que ces problèmes n’apparaissent pas d’une gravité telle qu’il faille conclure à une vulnérabilité extrême qui ferait obstacle à leur renvoi en Grèce au titre des obligations découlant de l’article 3 de la Convention. L’État partie estime également que la Grèce dispose des infrastructures médicales nécessaires pour traiter les problèmes des requérantes de manière adéquate. Il estime en outre que les rapports montrent en effet que leurs problèmes psychologiques sont notamment liés à l’absence d’A. C. N. et à leur statut illégal en Suisse, ainsi qu’à la menace de quitter la Suisse. L’État partie conclut que la communication laisse plutôt apparaître qu’E. M. a choisi d’émigrer dans un autre pays avec sa fille, pour y trouver un avenir meilleur et plus sûr. Il rappelle en outre qu’A. C. était scolarisée en Grèce et qu’il n’est pas établi qu’elle s’oppose à un renvoi en Grèce.

4.7L’État partie indique que les requérantes n’allèguent pas qu’elles auraient subi des tortures ou des mauvais traitements par le passé, élément qui devrait être pris en compte pour apprécier le risque qu’elles courent en cas de renvoi. Il indique également qu’E. M. ne s’est pas livrée à l’intérieur ou hors de son État d’origine à des activités politiques. L’État partie souligne en outre que le paiement des frais de voyage et le fait de se procurer des documents falsifiés, malgré le manque de moyens allégué et une prétendue absence de contact avec le mari et de soutien en Grèce, ne sont pas crédibles.

4.8En conséquence, l’État partie estime que rien n’indique qu’il existe des motifs sérieux de craindre que les requérantes soient exposées concrètement et personnellement à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas de renvoi en Grèce, et que les allégations soumises ne permettent pas de considérer que le renvoi les exposerait à un risque prévisible, réel et personnel d’être torturées. L’État partie demande au Comité de constater que le renvoi en Grèce des requérantes ne constituerait pas une violation de ses engagements internationaux au titre de l’article 3 de la Convention.

Commentaires des requérantes sur les observations de l’État partie

5.1Le 24 mars 2020, les requérantes ont transmis des commentaires relatifs aux observations de l’État partie. Elles soutiennent qu’en l’espèce, la condition qui concerne l’existence d’un risque concret et sérieux de mauvais traitements en cas de renvoi est réalisée, compte tenu de la situation difficile qu’elles ont vécue en Grèce. Elles ajoutent que ce risque s’est aggravé par suite de la perte de contact avec A. C. N., dont elles dépendaient économiquement et qui garantissait leur sécurité. Elles réitèrent que la situation de précarité dans laquelle elles ont vécu en Grèce constitue un mauvais traitement au sens de l’article 3 de la Convention.

5.2Les requérantes soutiennent qu’après plusieurs mois de séjour en Grèce, elles n’avaient eu droit ni à une aide sociale ni à un logement procuré par les autorités. Elles estiment que les barrières administratives les ont empêchées de bénéficier effectivement d’une telle aide, vu que les personnes sans abri ne peuvent y accéder, faute de logement et de domicile, qui sont des prérequis. Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur les conditions matérielles des requérants d’asile en Grèce, les requérantes font valoir que l’exposition à une situation d’extrême pauvreté, portant atteinte à leur dignité, fait d’elles des personnes vulnérables qui ont un besoin important de protection.

5.3Les requérantes réitèrent qu’elles font face à un risque réel, concret et sérieux en cas de retour en Grèce. Elles relèvent en outre que l’État partie reconnaît les importantes difficultés sociales auxquelles les ressortissants grecs eux-mêmes peuvent être confrontés et le manque de soutien de l’État grec en matière sociale. A fortiori, elles soutiennent que ces difficultés sont plus grandes pour elles qui sont exposées à des mauvais traitements, notamment à des risques importants d’agression vu leur situation de précarité extrême. E. M. fait valoir qu’en l’absence de son mari, elle n’a plus aucune structure d’aide sociale ou familiale sur place. Elle souligne qu’en tant qu’étrangère, elle ne parle pas bien la langue du pays et n’a pas une connaissance suffisante des institutions grecques. Les requérantes soutiennent qu’en l’espèce, des considérations humanitaires exceptionnelles et impérieuses s’imposent, exigeant de renoncer à leur renvoi en Grèce. Elles indiquent que, par suite du refus du Comité d’octroyer des mesures provisoires en leur faveur pour empêcher leur renvoi en Grèce sur la base de l’article 3 de la Convention, la voie de recours offerte par le Comité a perdu toute signification. Les requérantes indiquent qu’elles séjournent actuellement en France.

Observations complémentaires de l’État partie

6.Le 27 mars 2020, l’État partie a soumis des observations complémentaires. Il rappelle que selon les dispositions de l’article 22 de la Convention, le Comité peut examiner une communication présentée par un particulier qui prétend être victime d’une violation par un État partie, à condition que l’intéressé relève de la juridiction de cet État. L’État partie soutient qu’en l’espèce, les requérantes ont quitté le territoire suisse et vivent en France depuis au moins le 13 février 2020. Il estime que les requérantes ne relèvent plus de sa juridiction et qu’elles ne peuvent pas être renvoyées en Grèce par la Suisse. De ce fait, l’article 3 de la Convention ne s’applique pas. En conséquence, l’État partie invite le Comité à déclarer la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement.

Commentaires des requérantes sur les observations complémentaires de l’État partie

7.Le 16 juin 2020, les requérantes ont informé le Comité qu’elles étaient toujours intéressées par la procédure pendante par-devant le Comité, bien qu’elles se trouvent à cette date en France en tant que demandeuses d’asile. Elles indiquent qu’elles ne disposent pas de titre de séjour en France et que leur demande d’asile n’a pas encore été traitée. Elles estiment que leur séjour est toujours instable, et qu’il demeure un risque qu’elles reçoivent une décision de renvoi vers la Suisse, où elles ont séjourné pendant sept ans en tant que demandeuses d’asile. Les requérantes soutiennent que, si elles sont parties en France, c’était pour éviter un renvoi vers la Grèce, où elles risquaient d’être exposées à la précarité et à la misère.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité doit déterminer si elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention et de son règlement intérieur.Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article22 (par. 5 a)) de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2En vertu de l’article 22 (par. 1) de la Convention, le Comité peut examiner une communication présentée par un particulier qui prétend être victime d’une violation par un État partie d’une disposition de la Convention, à condition que l’intéressé relève de la juridiction de cet État et que ce dernier ait déclaré qu’il reconnaissait la compétence du Comité au titre de l’article 22.

8.3Le Comité note que, selon les requérantes elles-mêmes, elles ont quitté la Suisse et se sont installées en France comme demandeuses d’asile dans ce pays. L’article 3 de la Convention interdit le refoulement par un État partie d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. En l’espèce, le Comité constate que le départ des requérantes du territoire suisse a entraîné l’incompétence des autorités de l’État partie pour prendre une quelconque mesure d’éloignement à leur égard et que, par conséquent, la compétence de l’État partie prévue à l’article 22 (par. 1) de la Convention ne peut s’exercer sur ces personnes. Dans ces circonstances, l’article 3 de la Convention ne s’applique pas. L’examen de la communication étant devenu sans objet, le Comité conclut que celle-ci est irrecevable. Compte tenu des motifs d’irrecevabilité précités, le Comité n’a pas à se prononcer sur l’argument de l’État partie selon lequel la plainte des requérantes au titre de l’article 3 devrait être déclarée irrecevable, car elle est manifestement dénuée de fondement.

8.4Le Comité conclut, en application de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 (al. b)) de son règlement intérieur, que la requête est manifestement dénuée de fondement et qu’elle est de ce fait irrecevable.

8.5En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 22 (par. 1) de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée aux requérantes et à l’État partie.