Nations Unies

CAT/C/75/D/1065/2021

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 février 2023

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Soixante-quinzième session

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 1065/2021 * , **

Communication soumise par :

A. D. (représenté par un conseil, Yegor Boychenko)

Victime(s) présumée(s):

Le requérant

État partie:

Chypre

Date de la requête:

18 mars 2021 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 114 et 115 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 29 mars 2021 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

4 novembre 2022

Objet:

Expulsion vers la Fédération de Russie

Question(s) de fond:

Risque de torture en cas de renvoi vers le pays d’origine (non-refoulement) ; torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; mesures visant à empêcher la commission d’actes de torture ; obligation de l’État partie de veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale

Question(s) de procédure:

Fondement des griefs

Article(s) de la Convention:

2, 3, 11 et 16

1.1Le requérant est A. D., de nationalité russe, né en 1972. Il affirme que son renvoi vers la Fédération de Russie constituerait une violation par l’État partie des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention. Il affirme également que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2, 11 et 16 de la Convention. L’État partie a fait la déclaration prévue à l’article 22 (par. 1) de la Convention le 8 juillet 1993. Le requérant est représenté par un conseil, Yegor Boychenko.

1.2Le 29 mars 2021, en application de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers la Fédération de Russie tant que sa communication serait à l’examen. Le 8 avril 2021, le Comité a réitéré sa demande de mesures provisoires auprès de l’État partie. Le 13 avril 2021, le Comité a décidé de ne pas accéder à la demande de levée des mesures provisoires formulée par l’État partie le 9 avril 2021.

1.3Le 15 juillet 2021, en application de l’article 115 (par. 3) de son règlement intérieur, le Comité a décidé d’examiner la recevabilité de la requête en même temps que le fond.

1.4Le 7 septembre 2021, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a rejeté la nouvelle demande de mesures provisoires du requérant visant à obtenir sa libération immédiate de la prison centrale de Nicosie afin d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé (par. 7.1 à 7.7 ci-après).

1.5Le 8 septembre 2021, conformément à l’article 22 de la Convention, la Rapporteuse chargée de la question des représailles, a envoyé à l’État partie une lettre l’informant que depuis le 15 juillet 2021, le requérant aurait fait l’objet de pressions psychologiques et physiques constantes de la part d’autres détenus de la prison centrale de Nicosie et du personnel pénitentiaire en raison de la requête qu’il avait soumise au Comité. La Rapporteuse a attiré l’attention de l’État partie sur les obligations mises à sa charge par la Convention. Étant donné la gravité des allégations, elle a demandé à l’État partie de lui communiquer des informations sur la situation du requérant. À ce jour, aucune information n’a été reçue.

1.6Le 8 décembre 2021, en application de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a demandé à l’État partie de faire en sorte que le requérant bénéficie d’une mesure de substitution à la détention tant que sa communication serait à l’examen. Les réponses de l’État partie figurent au paragraphe 8.1 de la présente décision.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un ancien homme d’affaires et actionnaire de la plus grande entreprise de transformation de viande du territoire du Primorié. Il a démarré son activité dans les années2000 et en tant qu’entrepreneur, il n’avait aucun lien avec les autorités locales. Ilexplique que pour réussir dans les affaires en Fédération de Russie, il faut avoir des relations avec des responsables publics. Dans le territoire du Primorié, les affaires sont contrôlées par des groupes criminels locaux qui entretiennent des liens étroits avec des autorités locales corrompues. Le requérant affirme que les chefs criminels utilisent les violences physiques et les menaces de meurtre pour faire pression sur les entrepreneurs individuels et les obliger à transférer leurs entreprises à leur nom. En parallèle, les services de police lancent des accusations pénales inventées de toutes pièces au lieu de protéger les véritables victimes. En raison de l’influence des groupes criminels organisés locaux dans la région, le requérant a été contraint de partager son entreprise avec un autre homme d’affaires, S. H., qui était membre d’un groupe criminel et entretenait des liens étroits avec les autorités locales.

2.2En novembre 2014, le requérant a reçu un appel téléphonique d’un autre actionnaire de sa société, I., qui lui a confié que S. H. exigeait qu’il lui cède ses actions et menaçait d’engager des poursuites pénales contre lui en cas de refus. I. a également averti le requérant que S. H. avait l’intention de forcer tous les actionnaires à lui céder leurs actions. En décembre 2014, I. a été retrouvé mort à son domicile et son décès a été officiellement déclaré comme un suicide par balle. Le requérant pense néanmoins que S. H. était impliqué d’une manière ou d’une autre dans ce décès.

2.3À la suite de cet événement, craignant pour sa vie et son intégrité physique et celles de sa famille, le requérant a décidé de mettre fin à toute relation d’affaires avec S. H. Il a proposé à S. H. de racheter les actions qu’il détenait dans deux sociétés où ils étaient associés, ce que S. H. a accepté. Cependant, le 30 octobre 2015, S. H. a obtenu frauduleusement ces actions en imitant la signature du requérant sur des documents de transfert de propriété et a ensuite refusé de les payer.

2.4En mars et décembre 2016, le requérant a intenté deux procès pour annuler le transfert d’actions. Il a également déposé une plainte pénale pour fraude contre S. H. et ses partenaires auprès du Ministère de l’intérieur de la Fédération de Russie. Dans ce contexte, le requérant a fourni aux autorités des rapports médico-légaux confirmant que le contrat de vente et d’achat des actions ne portait pas sa véritable signature. Cependant, s’appuyant sur les conclusions d’un autre rapport médico-légal selon lesquelles tous les documents de transfert étaient signés de la main du requérant, l’enquêteur a refusé d’ouvrir une enquête pénale.

2.5À la suite du dépôt de la plainte pénale, le requérant a commencé à recevoir des menaces de violences physiques et de poursuites pénales émanant d’associés de S. H. Peu après, trois de ces associés ont déposé des plaintes pénales l’accusant de diverses activités commerciales illicites liées à ses entreprises, ce qui a entraîné l’ouverture de quatre enquêtes pénales. Le 1er juin 2017, une autre procédure pénale a été engagée contre lui pour fraude, en application de l’article 159 (par. 4) du Code pénal. Cependant, le requérant n’en a pas été informé et n’a reçu aucune convocation pour une quelconque mesure d’enquête. Il affirme que son avocat a découvert l’existence de cette affaire par hasard, en août 2017, alors qu’il participait à une audience du tribunal consacrée à une autre affaire. L’avocat du requérant a demandé une copie du dossier mais aucun document ne lui a été fourni. En février 2018, le requérant a été interrogé en qualité de témoin par un enquêteur à Moscou. Il affirme que l’enquêteur lui a menti en lui disant qu’il n’était qu’un simple témoin car, comme il l’a découvert plus tard, à partir de juillet 2017, toutes les enquêtes pénales concernant ses entreprises ont été fusionnées en une seule affaire dans laquelle il était le principal suspect.

2.6En juin 2018, le requérant et sa famille ont quitté la Fédération de Russie pour des vacances en Europe et le 21 décembre 2018, l’intéressé a été arrêté à l’aéroport international de Larnaca (Chypre) sur la base d’une notice rouge de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL). D’après les documents qui lui ont été présentés, il avait été placé sur la liste des personnes recherchées par la Fédération de Russie le 4 juillet 2018 et un mandat d’arrêt international avait été émis le 5 septembre 2018. Le requérant est convaincu que les autorités chargées de l’enquête ont émis le mandat d’arrêt international en violation du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie puisqu’il n’était pas en fuite. Il a appris par la suite que le 5 septembre 2018, le tribunal du district Ussuriysk avait rejeté la demande de l’enquêteur tendant à ce qu’il soit placé en détention. Le requérant affirme que le 29 septembre 2018, il a été accusé d’une autre infraction et que le tribunal du district Ussuriysk a alors ordonné son placement en détention dans l’attente du jugement.

2.7Le requérant affirme qu’après son départ pour l’Europe en juin 2018, il n’a eu aucune connaissance des procédures judiciaires le concernant car aucun document n’a été envoyé à son adresse à Moscou, qui était pourtant connue de l’enquêteur, ou à son avocat. Il affirme également que lorsque l’enquêteur a obtenu, en son absence, un mandat d’arrêt et une ordonnance de mise en détention provisoire, un avocat lui a été commis d’office alors qu’il était déjà représenté. Selon le requérant, l’avocat ainsi désigné n’a pas fait appel de l’ordonnance de mise en détention pour une durée de deux mois car il a laissé passer la date limite de dépôt.

2.8Le 22 janvier 2020, le tribunal de district de Larnaca a rejeté la demande d’extradition de la Fédération de Russie visant le requérant et ordonné que celui-ci soit libéré. Le tribunal a constaté que la demande d’extradition émanant de la Fédération de Russie ne comportait pas de description détaillée de l’infraction dont le requérant était accusé. Il a en outre estimé qu’il y avait une possibilité raisonnable que le droit du requérant à un procès équitable soit violé comme il l’avait déjà été au stade de l’audience par contumace qui avait abouti à l’ordonnance de mise en détention. Bien que le requérant ait évoqué la question de la persécution par un groupe criminel local ayant des liens avec des responsables publics, ainsi que le risque d’être soumis à la torture ou d’être tué en cas de renvoi vers la Fédération de Russie, le tribunal a estimé que ces griefs n’étaient pas étayés.

2.9Le 8 octobre 2020, la Commission de contrôle des fichiers d’INTERPOL, saisie à la suite du recours du requérant, a jugé que le traitement des données concernant l’intéressé n’était pas conforme aux règles d’INTERPOL et a ordonné la suppression de ces données des fichiers de l’organisation. La Commission a affirmé que les autorités russes n’avaient pas notifié au requérant les charges pénales retenues contre lui et a exprimé des doutes quant aux poursuites engagées.

2.10Le 17 février 2021, à la suite d’un recours introduit par le Procureur général de Chypre, la Cour suprême de Chypre a annulé la décision du tribunal de district de Larnaca et ordonné l’extradition du requérant et sa détention avant son renvoi. Le requérant affirme qu’il n’a pas bénéficié des services d’un interprète lors de l’audience et qu’il a donc été privé de son droit de participer effectivement à la procédure d’extradition. La Cour suprême a estimé que la demande d’extradition contenait une description détaillée et cohérente des faits de l’espèce et qu’aucune information supplémentaire n’était requise. En violation du droit du requérant à un procès équitable, elle a jugé que comme l’intéressé avait quitté la Fédération de Russie en juin 2018 et était introuvable à l’adresse communiquée à l’enquêteur, les autorités n’avaient pas pu l’informer de l’affaire pénale le concernant. De plus, elle a pris note des assurances diplomatiques données par la Fédération de Russie dans sa demande d’extradition et a estimé que le requérant n’avait pas démontré en quoi les garanties d’un procès équitable données par le Bureau du Procureur général de la Fédération de Russie ne seraient pas respectées. Elle n’a pas examiné les griefs du requérant, soulevés à l’audience de première instance, concernant la persécution et le risque d’être soumis à la torture car le tribunal de district de Larnaca avait estimé qu’ils n’étaient pas étayés.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que s’il était extradé vers la Fédération de Russie, il serait placé dans le centre de détention temporaire du territoire du Primorié, sous le contrôle exclusif des autorités pénitentiaires, elles-mêmes contrôlées par S. H. et ses acolytes. Par conséquent, il serait exposé à un risque imminent de subir des actes de torture de la part du personnel pénitentiaire ou des détenus, qui chercheraient à le forcer à avouer l’infraction dont il est accusé ou à accepter les conditions de S. H. concernant le transfert des actions au profit de ce dernier, sans paiement. En outre, il connaîtrait des conditions de détention assimilables à des mauvais traitements, comme en attestent diverses organisations internationales de défense des droits de l’homme. Le requérant souligne l’absence de garanties d’un procès équitable en Fédération de Russie et affirme que la situation générale des droits de l’homme continue de se dégrader, la torture restant répandue dans les lieux de détention et la police ayant souvent recours à cette pratique pour extorquer des aveux aux détenus.

3.2Le requérant affirme que S. H. entretient des liens très étroits avec les milieux criminels et avec les autorités administratives et policières du territoire du Primorié. En effet, parmi les nombreuses plaintes qu’il a envoyées au Ministre de l’intérieur, au Chef du Comité d’enquête et à d’autres personnes, aucune n’a donné lieu à l’ouverture d’une quelconque enquête pénale sur S. H. ou sur ses partenaires. De plus, le requérant fournit des captures d’écran montrant des messages que sa femme, actuellement en Fédération de Russie, aurait reçus de S. H. après son placement en détention à Chypre. S. H. y profère des menaces, affirmant que les choses « vont mal finir pour le requérant et sa famille » si l’intéressé est renvoyé dans le territoire du Primorié et n’accepte pas les conditions fixées par lui.

3.3Le requérant affirme que son expulsion vers la Fédération de Russie constituerait une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention contre la torture. Il prie le Comité de recommander à l’État partie de surseoir à son expulsion et d’annuler l’arrêt de la Cour suprême de Chypre en date du 17 février 2021.

Informations complémentaires reçues du requérant

4.1Le 2 avril 2021, le requérant a soumis des informations complémentaires et indiqué que le 30 mars 2021, date fixée par la Cour suprême de Chypre pour examiner sa demande d’habeas corpus, il avait demandé le remplacement de son avocat, qui s’était retiré de l’affaire. Comme il n’avait pas été en mesure de trouver un autre avocat pour l’audience dans les deux heures que le juge lui avait accordées, il s’était représenté lui-même avec le concours d’une interprète. Le requérant affirme que l’interprète ne connaissait pas suffisamment bien la langue russe et ne lui a pas permis de comprendre correctement les délibérations de la Cour, en violation de l’article 3 de la Convention.

4.2Le requérant indique également que le juge de la Cour suprême de Chypre a rejeté la demande de mesures provisoires du Comité, estimant qu’elle était sans rapport avec la procédure d’habeas corpus.

4.3Le 31 mars 2021, à 10 heures, le requérant a été prié de quitter sa cellule avec ses bagages. Ne voyant aucun autre moyen d’empêcher son extradition, il s’est blessé aux avant‑bras en se tailladant les veines. Les gardiens de la prison ont appelé une ambulance une heure après les faits. Lorsque celle-ci est arrivée, ils ont tenté de passer des menottes aux poignets du requérant alors qu’il n’avait ni la force ni l’intention de résister.

4.4Le requérant affirme avoir perdu beaucoup de sang pendant le transport vers l’hôpital. Lorsqu’il a été emmené d’urgence au service de chirurgie, les gardiens de la prison ont pressé le médecin de terminer l’opération au plus vite afin qu’ils puissent le remettre aux autorités russes à l’heure convenue. Ce n’est que lorsque le médecin leur a dit qu’il ne pourrait pas terminer avant 15 heures et leur a demandé de partir qu’ils ont quitté la salle d’opération. Selon le requérant, l’intervention sur ses avant-bras a duré cinq heures mais il a dû rester deux heures de plus à l’hôpital pour subir un examen psychiatrique avant d’être ramené en prison dans sa cellule.

4.5Le requérant signale qu’aucun analgésique ne lui a été fourni le lendemain, qu’il n’a pas pu dormir en raison de douleurs extrêmes et que ses blessures n’ont pas été soignées. Il indique que des antibiotiques lui ont été administrés deux jours après l’opération, et seulement après qu’il a vu des médicaments sur la table du gardien de prison alors qu’il revenait de l’unité médicale et regagnait sa cellule.

4.6Le requérant affirme que l’État partie a violé l’article 16 (par. 1) de la Convention pour les motifs suivants : les gardiens de prison ont tenté de le menotter alors qu’il saignait et n’avait ni la force ni l’intention de résister ; il a été ramené en prison immédiatement après l’opération ; le personnel a tenté de faire un prélèvement sanguin malgré ses blessures évidentes aux avant-bras ; il n’a pas reçu un traitement médical et des médicaments appropriés après l’opération. Il affirme également que l’État partie a violé l’article 22 de la Convention en ce qu’il n’a pas respecté la demande de mesures provisoires du Comité.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1Les 9 et 15 avril, et le 5 mai 2021, l’État partie a demandé la levée des mesures provisoires et contesté la recevabilité de la communication.

5.2L’État partie fait savoir que le 22 janvier 2021, le tribunal de district de Larnaca a rejeté la demande d’extradition du requérant au motif qu’en Fédération de Russie, celui-ci n’était pas représenté par un avocat de son choix mais par un avocat commis d’office par l’État qui n’avait pas fait appel de l’ordonnance de placement en détention provisoire. Le tribunal a jugé qu’en cas de renvoi en Fédération de Russie, le requérant serait détenu pendant deux mois, ce qui constituerait une violation des droits qu’il tenait de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme).

5.3L’État partie fait observer que le tribunal de district de Larnaca a examiné les éléments de preuve relatifs à la persécution dont le requérant serait victime en raison de ses opinions politiques et a rejeté ces allégations pour défaut de fondement. Le requérant n’a pas fait appel de cette décision alors que le droit interne autorise l’introduction d’un recours devant la Cour suprême. L’État partie renvoie à plusieurs affaires internes de même nature dans lesquelles les défendeurs ont introduit de tels recours. Il fait valoir qu’il ne saurait être tenu responsable étant donné que le requérant n’a pas formé de recours, alors même qu’il était représenté par un conseil. Le requérant n’a donc pas épuisé les recours internes disponibles et sa requête devrait être déclarée irrecevable.

5.4L’État partie fait également observer que le 17 février 2021, après un examen approfondi des éléments de preuve fournis, la Cour suprême a décidé d’infirmer les conclusions du tribunal de district de Larnaca et a établi que le requérant était introuvable à l’adresse qu’il avait communiquée aux autorités russes. À la suite de son interrogatoire en qualité de témoin, le requérant avait modifié son acte de naissance en prenant un autre nom avant de fuir la Fédération de Russie pour se soustraire à des poursuites pénales. La Cour suprême a estimé que le requérant n’avait pas suffisamment étayé les allégations selon lesquelles il ne serait pas représenté par un avocat de son choix et ses droits à un procès équitable ne seraient pas respectés.

5.5S’agissant du grief du requérant relatif à la décision d’INTERPOL d’effacer les données le concernant de son système informatique, l’État partie note que cette décision ne change rien à l’arrêt de la Cour suprême et que le requérant n’a pas soulevé ce grief devant la Cour alors qu’il avait toute latitude pour le faire.

5.6L’État partie fait observer en outre que le 19 mars 2021, le requérant a introduit un recours en habeas corpus pour demander à la Cour suprême de statuer que sa détention dans l’attente de son extradition était illégale. Le 30 mars 2021, date de l’audience prévue pour examiner le recours, le requérant a décidé qu’il ne voulait pas être représenté par son avocate, C., et a demandé le report de l’audience jusqu’à la désignation d’un nouvel avocat. Le Bureau du Procureur général s’est opposé à cette demande car l’extradition avait déjà été organisée avec les autorités russes, le requérant devant partir de l’aéroport de Larnaca le 31 mars 2021 à 14 h 35. La Cour a reporté l’audience de quelques heures afin d’accorder au requérant un délai suffisant pour trouver un avocat de son choix. Le requérant n’a cependant pas réussi à trouver un nouvel avocat et a décidé de se représenter lui-même devant la Cour avec l’aide d’un interprète.

5.7La Cour suprême a rejeté le recours en habeas corpus et déclaré que sa décision était définitive et non susceptible d’appel. Elle a fait observer qu’il n’était pas possible de statuer sur le fond de la demande principale ou d’accepter des éléments de preuve supplémentaires au cours de la procédure d’habeas corpus.

5.8S’agissant du grief du requérant selon lequel la qualité de l’interprétation ne lui a pas permis de bien comprendre l’audience du 30 mars 2021 devant la Cour suprême, l’État partie relève que la Cour avait désigné l’interprète le 26 mars 2021 après avoir obtenu le consentement du conseil. Si le requérant était, comme il l’affirme, mécontent de l’interprétation, il n’a cependant pas demandé le remplacement de l’interprète. L’État partie fait observer que ce grief n’a pas été soulevé dans le cadre de la procédure interne mais auprès du Comité et que de ce fait, il devrait être déclaré irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

5.9L’État partie conteste les griefs de violation de l’article 22 de la Convention, affirmant que la demande de mesures provisoires du Comité a été respectée et que le Comité en a été informé par la lettre du Ministère de la justice et de l’ordre public datée du 15 avril 2021.

5.10L’État partie rejette en outre les allégations du requérant selon lesquelles, après s’être infligé des blessures, il a été soumis à des mauvais traitements par les gardiens de la prison. Ilprécise à ce sujet que le 31 mars 2021, immédiatement après les faits, l’ambulance a été appelée et le médecin de la prison et le personnel infirmier (et non les gardiens de la prison comme l’a affirmé le requérant) ont prodigué les premiers soins afin de stopper l’hémorragie. Le requérant était très agité et refusait de coopérer, il donnait des coups de pied. Les gardiens de la prison n’ont en aucun cas tenté de lui passer des menottes aux poignets au moment où il a quitté l’établissement. En revanche, ils lui ont menotté les chevilles pour des raisons de sécurité, à la fois pour le protéger et pour éviter qu’il ne s’inflige de nouvelles blessures. À l’hôpital général de Nicosie, ces menottes ont été retirées et le requérant a été emmené dans la petite unité de chirurgie du service des premiers secours. Les images du système de vidéosurveillance attestent qu’au moment de son départ, le requérant n’était pas limité dans ses mouvements par des moyens de contention. Une fois que toutes les plaies du requérant ont été suturées, la direction de la prison a donné l’ordre de ne pas le ramener de l’hôpital avant que le psychiatre de service n’ait pu effectuer un examen psychiatrique. Les menottes ne lui ont été passées qu’en attendant l’arrivée du psychiatre, et avec beaucoup de précautions, car le requérant était toujours très réactif et risquait de s’échapper. L’État partie souligne que l’affirmation du requérant selon laquelle son retour de l’hôpital a été précipité ne peut donc être acceptée comme fondée. Les gardiens de la prison ont suivi la procédure établie pour la prise en charge médicale des détenus et leur examen par le service de santé mentale en cas d’automutilation, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé.

5.11L’État partie réfute l’affirmation du requérant selon laquelle aucun médicament ne lui a été fourni après l’opération. Il affirme qu’une fois revenu en prison, le requérant a pris des antibiotiques pendant six jours, du 31 mars 2021 jusqu’à la nuit du 6 avril 2021, conformément aux instructions du médecin qui l’avait examiné à l’hôpital général de Nicosie. L’État partie joint des statistiques annuelles sur le nombre de détenus ayant bénéficié de divers traitements médicaux dans les centres médicaux du Département des prisons et dans les hôpitaux privés et publics.

5.12Se fondant sur les arguments exposés ci-dessus, l’État partie prie le Comité de déclarer la communication irrecevable.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

6.1Le 11 juin 2021, le requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité. Il y affirme que les recours internes évoqués sont inefficaces et qu’il est peu probable qu’il obtienne réparation par ce moyen. Il avance qu’il n’existe aucune clarté ou certitude juridique concernant les recours disponibles dans les affaires d’extradition. Il renvoie à la jurisprudence interne qui montre que dans les affaires d’extradition, le défendeur n’a pas le droit de faire appel si la juridiction de première instance a autorisé l’extradition. En pareil cas, le seul recours disponible est une procédure d’habeas corpus. Le requérant trouve donc contradictoire l’affirmation de l’État partie selon laquelle il avait le droit d’introduire un recours en l’espèce.

6.2D’après les règles de procédure civile chypriotes, l’introduction d’un appel n’est pas considérée comme un recours devant être épuisé. Le requérant fait observer que tous les arguments et éléments de preuve qu’il a présentés au tribunal de district de Larnaca, y compris ceux qui concernaient le risque d’être soumis à la torture ou d’être tué en cas de renvoi vers la Fédération de Russie, ont également été présentés à la Cour suprême. Toutefois, celle-ci a choisi de ne pas les examiner et a rejeté les conclusions du tribunal de district de Larnaca.

6.3Enfin, le requérant affirme qu’un appel contre la décision du tribunal de district de Larnaca relative à ses griefs concernant le risque d’être soumis à la torture ou d’être tué en cas de renvoi vers la Fédération de Russie n’avait aucune réelle chance d’aboutir. Il relève que jusqu’à présent, la Cour suprême de Chypre n’a accepté aucun argument de cette nature dans des affaires d’extradition et qu’en règle générale, elle a accepté les assurances diplomatiques données par la Fédération de Russie ou d’autres pays requérants pour rejeter les arguments relatifs à la torture.

6.4L’introduction d’un appel reposant sur des arguments relatifs à la torture pourrait saper les efforts déployés par le requérant pour défendre les conclusions du tribunal de district de Larnaca concernant la violation flagrante de son droit à un procès équitable. Il ressort de la jurisprudence constante que la Cour suprême ne peut revenir, en appel, sur l’appréciation des éléments de preuve faite par la juridiction de première instance, à moins que celle-ci soit illogique ou contradictoire. En l’espèce, la Cour suprême n’a pas expliqué en quoi les conclusions du tribunal de district de Larnaca étaient erronées et les a en revanche réexaminées au détriment du requérant.

6.5Le requérant affirme en outre que le délai de quinze jours entre la décision du Comité relative aux mesures provisoires et la confirmation officielle de la décision de l’État de s’y conformer constitue une violation de l’article 22 de la Convention.

6.6S’agissant des services d’interprétation lors de l’audience du 30 mars 2021, le requérant explique que son avocate s’était retirée de l’affaire la veille, à la suite d’un malentendu entre eux. C’était bien la même interprète qui était présente à l’audience du 26 mars 2021 mais ses compétences n’avaient pas été testées correctement. Ce n’est que le 30 mars 2021, alors que l’interprétation était essentielle, que le requérant s’est rendu compte que ses compétences n’étaient pas conformes aux normes établies.

6.7Le requérant réaffirme que l’État partie ne lui a pas fourni de traitement postopératoire approprié, soulignant qu’il n’a commencé à recevoir des antibiotiques que le 2 avril 2021 (c’est-à-dire le troisième jour suivant l’opération) alors que ceux-ci avaient été prescrits le 31 mars 2021.

6.8Le requérant a soumis ses griefs tirés de l’article 16 de la Convention au Département des prisons, qui a répondu que le requérant avait bénéficié d’un traitement médical pour ses blessures et n’est pas entré dans le détail des questions soulevées.

6.9Le requérant fait valoir que le dépôt de la plainte auprès de la Commission pénitentiaire ne pourrait pas être considéré comme un recours utile. En effet, d’après la loi, les résultats de l’enquête et les propositions de la Commission pénitentiaire n’ont aucune force contraignante pour les autorités et ne permettent pas aux requérants d’obtenir une réparation appropriée sous la forme d’une amélioration de leurs conditions de détention ou de leur traitement médical, ou bien d’une indemnisation.

Informations complémentaires reçues du requérant

7.1Le 16 août 2021, le requérant a fait savoir que depuis le 15 juillet 2021, il était devenu la cible de pressions psychologiques et physiques permanentes de la part d’autres détenus de la prison centrale de Nicosie. Certains cherchaient constamment à l’entraîner dans des bagarres, créant ainsi des situations où il risquait d’être blessé ou même tué. Selon lui, ces pressions étaient directement liées à la décision du Comité de poursuivre l’examen de sa requête.

7.2Le requérant indique que le 15 juillet 2021, un nouveau prisonnier a été placé dans l’aile no 5 de la prison centrale de Nicosie, où lui-même est détenu. Cet homme l’a un jour abordé dans le couloir et a provoqué une dispute, en tentant de l’attirer dans la zone des douches, qui n’est pas équipée de caméras de surveillance. Le requérant a remarqué que l’autre détenu était muni d’un surin et a donc refusé de quitter le couloir. Les deux hommes se sont battus mais comme ils étaient en présence d’autres détenus et sous la surveillance des caméras, l’agresseur n’a pas utilisé son arme contre le requérant. Le lendemain, l’autre détenu a été transféré dans une autre aile.

7.3Le requérant affirme qu’à partir du 26 juillet 2021, des détenus soupçonnés de crimes violents ont commencé à l’inciter à se battre pendant les promenades quotidiennes. Il ajoute que certains prisonniers, qualifiés de « responsables », l’ont approché et lui ont demandé de retirer sa plainte concernant les conditions de détention sous peine d’être transféré dans une autre cellule. Conscient qu’en cas de transfert dans l’aile no 2 de la prison, placée sous le contrôle du « responsable » ayant le plus d’autorité parmi les détenus, il s’exposait à un risque imminent pour sa vie et sa santé, le requérant a retiré sa plainte concernant ses conditions de détention.

7.4Le requérant affirme en outre que d’autres détenus l’incitaient aussi à se battre, l’exposant ainsi à un grave risque d’être blessé ou tué. Il avance que l’administration pénitentiaire cherchait à exercer une pression psychologique sur lui pour lui faire retirer non seulement sa plainte concernant les conditions de détention mais aussi, à terme, sa requête devant le Comité.

7.5Le requérant fait savoir que depuis le 26 juillet 2021, il se trouve en situation de détresse, d’angoisse et de crainte permanente pour sa santé et sa vie. De plus, il a appris qu’une personne influente en Fédération de Russie a ordonné de le tuer. Il pense que ce pourrait bien être S. H. qui le persécute en s’appuyant sur ses contacts dans le monde criminel, loin de la Fédération de Russie.

7.6Le requérant soumet les déclarations de deux témoins qui sont détenus avec lui à la prison centrale de Nicosie et confirment les faits décrits plus haut. Il affirme qu’il y a eu violation des articles 2, 11 et 16 de la Convention étant donné que les pressions psychologiques et physiques dont il a fait l’objet constituent une forme de torture et que l’État partie est impliqué dans ces actes.

7.7Le requérant prie le Comité de demander des mesures provisoires et de recommander qu’il soit immédiatement libéré de la prison centrale de Nicosie afin d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé.

7.8Le 5 octobre 2021, le requérant a été appelé pour un interrogatoire avec un agent de police. L’entretien devait se dérouler en anglais, sans interprète, et en présence du gardien de prison qui était accusé d’actes illicites, à savoir d’avoir organisé des pressions physiques et psychologiques et incité à exercer de telles pressions. Le requérant a donc refusé de se soumettre à l’interrogatoire de la police. Il en a informé par écrit le Ministre de la justice et de l’ordre public et le quartier général de la police à Nicosie et leur a demandé d’organiser son interrogatoire de manière confidentielle et en présence d’un interprète.

7.9Le 26 novembre 2021, le requérant a été placé à l’isolement pour six jours dans la cellule no 32, dans l’aile no 5 de la prison. Il affirme qu’on ne lui a pas expliqué les motifs de cette sanction mais suppose qu’elle pourrait être liée à la présence dans sa cellule d’un téléviseur qui ne lui appartenait pas et qu’il n’utilisait jamais. Le requérant était autorisé à sortir de sa cellule deux fois par jour pour faire une promenade ou prendre une douche. Il devait sonner pour aller aux toilettes et les gardiens ouvraient rarement la porte. Ce n’est que le 28 novembre 2021 qu’il a été autorisé à téléphoner à sa femme. L’entretien n’a duré que quelques minutes avant que la ligne ne soit coupée. Le requérant explique que s’il a réussi à informer sa femme de sa mise à l’isolement, il n’a pas pu appeler son avocate à Chypre suite à la coupure de la ligne. Le 30 novembre 2021, il a reçu la visite de son avocate et lui a parlé des représailles qu’il subissait en raison de la requête qu’il avait soumise au Comité. Il lui a également dit que selon une rumeur circulant parmi les détenus, le Directeur de la prison encourageait les provocations afin d’avoir un motif de le transférer dans une autre aile où il ne connaissait personne et où il serait possible de le faire assassiner par des détenus violents en faisant croire à un suicide. L’avocate n’a pas pu remettre directement au requérant les documents concernant sa demande d’habeas corpus, ce qui constitue une grave violation des garanties de confidentialité dans les relations entre un avocat et son client.

7.10Le même jour, à 21 heures, environ six à huit détenus, dont M. et G., ont ouvert la porte de la cellule du requérant alors qu’elle était censée être fermée à clef et l’ont lourdement frappé à la tête avant de le poignarder avec des surins ou des couteaux en plastique. Ils ont également tenté de le soulever à la hauteur du lit supérieur et de le faire tomber pour qu’il se brise la nuque. Aucun gardien n’est venu interrompre ce passage à tabac, qui a duré cinq minutes avant que d’autres détenus ne viennent l’arrêter. Le requérant gisait au sol dans sa cellule, il saignait et avait perdu la vue. Un gardien est venu le voir au bout de deux heures mais a refusé d’appeler une ambulance. Au bout d’une demi-heure, il est revenu avec le médecin de la prison qui a alors demandé au requérant de s’asseoir sur la chaise, mais celui‑ci n’a pas pu se lever. Le gardien a giflé le requérant pour qu’il se lève, puis le gardien et le médecin l’ont soulevé et forcé à s’asseoir sur la chaise. Le médecin a suturé ses plaies à la tête et lui a fait une injection. Aucun analgésique ne lui a été administré. Le requérant n’a pas été emmené à l’unité médicale pour effectuer des examens complémentaires et surveiller son état, alors qu’il présentait tous les symptômes d’une commotion. Aucun antidouleur ne lui a été fourni et aucun examen de sa vue n’a été pratiqué.

7.11Le gardien de prison l’a ensuite jeté sur le lit et laissé là. Le requérant affirme qu’il n’a même pas été emmené à l’unité médicale alors qu’il souffrait de maux de tête et de vertiges et que sa vue était brouillée. Selon lui, les gardiens ont continué à lui infliger un traitement cruel et dégradant en refusant pendant toute la nuit d’ouvrir la porte lorsqu’il sonnait pour aller aux toilettes.

7.12Le requérant signale que ni sa femme ni son avocate n’ont été informées de ce qui s’était passé. Sa femme l’a appris fortuitement, le 1er décembre 2021, par l’intermédiaire de l’avocat du codétenu du requérant, qui se trouvait être dans le même tribunal et a transmis le message. Le requérant ajoute que son avocate a pu lui rendre visite le lendemain.

7.13Le 1er décembre 2021, un agent du poste de police de Nicosie s’est rendu à la prison pour interroger le requérant à propos des plaintes déposées par K., qui contenaient des informations relatives à des menaces à l’encontre du requérant et de sa famille. Le policier a interrogé le requérant sur les faits survenus le 30 novembre 2021 et a prié le médecin légiste d’examiner l’intéressé et d’établir un rapport. À la suite de la visite de la police, le requérant a été transféré tout d’abord dans l’aile no 9 de la prison centrale de Nicosie pendant plusieurs heures, puis dans l’aile no 10. Il affirme que l’administration pénitentiaire ne l’a pas autorisé à passer des appels téléphoniques.

7.14Le requérant fait valoir qu’il a échappé à la mort et demande au Comité d’intervenir d’urgence pour exiger des mesures provisoires et obtenir sa libération.

7.15Le 23 décembre 2021, le requérant a fait savoir qu’à la suite de la demande de mesures provisoires formulée par le Comité le 8 décembre 2021, tendant à ce que l’État partie applique une mesure de substitution à la détention, il s’était tourné vers les autorités nationales pour leur demander de veiller à ce que la demande du Comité soit respectée. Il relate que peu de temps après, deux représentants de l’administration pénitentiaire, dont le chef des gardiens de la prison, lui ont rendu visite dans sa cellule. Ils l’ont accusé d’avoir fourni de fausses informations et ont fait pression sur lui pour qu’il retire ses requêtes. Le requérant signale également que des personnes travaillant sur son dossier ont commencé à recevoir des messages de menace.

Observations de l’État partie sur le fond

8.1Le 3 janvier 2022, l’État partie a produit une lettre du Ministre de la justice et de l’ordre public datée du 31 décembre 2021. Il a fait savoir qu’en réponse à la demande de mesures provisoires du Comité, le requérant avait été transféré, le 18 décembre 2021, dans l’aile de la prison qu’il avait choisie. Se référant aux multiples demandes et aux diverses allégations formulées dans les observations complémentaires du requérant en date du 23 décembre 2021, l’État partie a expliqué qu’une fois que les autorités nationales concernées auraient complètement et correctement examiné celles-ci, un rapport détaillé serait dûment soumis au Comité.

8.2Les 5 et 20 janvier 2022, l’État partie a indiqué que le requérant avait fait appel de la décision de la Cour suprême concernant le recours en habeas corpus et que la date de l’audience d’examen n’avait pas encore été fixée. En outre, le requérant avait adressé à la Cour deux demandes intermédiaires d’autorisation de présenter des témoignages supplémentaires ; l’audience était prévue pour le 12 janvier 2022.

8.3S’agissant des griefs du requérant concernant les conditions de détention, l’État partie signale qu’ils ont été examinés par tous les mécanismes indépendants compétents, notamment le Commissaire à l’administration et à la protection des droits de l’homme, ainsi que par le Conseil de l’administration pénitentiaire, et ont été rejetés pour défaut de fondement. Au cours de l’enquête, les 35 détenus russophones ont tous fait savoir par écrit qu’ils étaient très satisfaits des conditions de vie dans les prisons. Ils ont affirmé que les griefs du requérant ne correspondaient pas à la réalité et aussi ont exprimé leur gratitude pour leurs conditions de détention.

8.4L’État partie fait observer que l’extradition du requérant a été reportée parce qu’il fallait attendre que l’intéressé soit examiné par un psychiatre. Il n’existait aucune autre raison médicale susceptible de faire obstacle à son départ en avion.

8.5L’État partie rejette les affirmations du requérant concernant l’absence de recours utile et la référence au Conseil de l’administration pénitentiaire. Il fait valoir que le requérant n’a jamais soumis aucun de ses griefs aux agents du Conseil ou au Commissaire à l’administration et à la protection des droits de l’homme lors de leurs visites dans la prison et qu’il n’a pas non plus déposé de plainte concernant ses conditions de détention. En outre, le requérant ne s’était jamais plaint auparavant auprès du personnel en service dans l’aile de la prison ou du responsable de l’aile, qui parle couramment le russe. Il avait plutôt pour stratégie de déposer des plaintes infondées pour obtenir sa libération et la suspension de son extradition. Selon l’État partie, de multiples griefs infondés présentés par l’avocate du requérant ont également été examinés par les deux institutions indépendantes et par le Département des prisons.

8.6L’État partie rejette catégoriquement les griefs du requérant concernant son placement à l’isolement et indique que cette mesure a été prise dans le cadre de l’enquête sur des infractions disciplinaires liées à la possession illégale d’appareils électroniques (téléviseur et lecteur DVD). L’enquête a révélé que ces objets appartenaient à une personne qui avait été libérée mais que le requérant n’avait jamais demandé l’autorisation de se les approprier. L’État partie fait observer que le requérant a présenté des informations erronées et déformées concernant l’absence de communication avec son avocate. Il affirme que la rencontre avait été autorisée, même si aucun rendez-vous n’avait été fixé pour une visite.

8.7Le Département de l’administration pénitentiaire affirme qu’il a dûment été répondu en temps voulu à toutes les lettres de l’avocate du requérant. Les griefs du requérant concernant la restriction des communications/contacts avec son avocate sont donc selon lui déformés, et il les rejette catégoriquement. L’insistance de l’avocate à réclamer que son client soit traité différemment des autres, alors qu’il a commis des infractions disciplinaires, est incompatible avec les principes du Département de l’administration pénitentiaire. Celui-ci assure un traitement égal à plus de 800 détenus et s’efforce de prévenir tout type de discrimination. L’État partie fait observer que les demandes de l’avocate sont contraires à l’éthique et inacceptables car elles visent la non-application de la législation pertinente, ce qui porte atteinte à la discipline et à l’état de droit dans les prisons.

8.8S’agissant du passage à tabac du requérant qui aurait été perpétré le 30 novembre 2021, l’État partie indique que la police mène actuellement une enquête à ce sujet.

8.9Pour ce qui est des griefs du requérant concernant l’insuffisance du traitement médical fourni ce jour-là, l’État partie relève qu’immédiatement après les faits, survenus au moment de la fermeture des cellules pour la nuit, un agent du centre médical a rendu visite à la fois au requérant et à un autre détenu blessé par celui-ci. Le requérant a refusé tout traitement et a brutalement repoussé l’agent hors de sa cellule. Le médecin de garde et une infirmière du Ministère de la santé ont alors été appelés pour soigner les détenus et ils ont examiné les deux blessés. L’État partie fait savoir que le requérant avait une attitude provocatrice et querelleuse à l’égard de ses codétenus, ce qui lui a valu d’être transféré le lendemain dans une autre aile où il a préféré rester.

8.10Concernant le grief du requérant selon lequel après les faits, il n’a pas été autorisé à se rendre aux toilettes, l’État partie considère que celui-ci est infondé, qu’entre le moment où le médecin est parti et l’ouverture des cellules à 6 heures, l’agent de service et le gardien en chef de cette aile ont effectué huit patrouilles. Pour ce qui est des problèmes de communication allégués, l’État partie relève que c’est le requérant lui-même qui a informé sa femme des faits survenus. L’avocate a demandé à effectuer une visite après la fermeture de la prison, ce qui est interdit pour des raisons de sécurité ; c’est pourquoi sa rencontre avec le détenu a été organisée le lendemain.

8.11S’agissant du grief du requérant selon lequel un gardien de prison a délibérément ouvert sa cellule afin qu’il puisse être « assassiné », l’État partie affirme qu’un tel argument est inacceptable et n’a aucun sens. Il indique que les faits se sont produits au moment de la fermeture des cellules, lorsque la porte de la cellule du requérant a été ouverte à distance depuis le centre de contrôle, après communication avec l’agent de service, pour permettre à son codétenu d’y entrer. L’État partie indique en outre que selon les témoignages recueillis, les détenus qui sont entrés dans la cellule ont tenté d’empêcher le requérant de se blesser. L’incident a duré environ une minute, et non cinq comme l’affirme le requérant, et les détenus et le personnel sont arrivés immédiatement sur les lieux. L’État partie affirme que cette prison est connue pour afficher un des taux de violence les plus faibles au monde et que les allégations du requérant sont donc fausses.

8.12L’État partie fait observer que c’est le requérant qui a décidé de communiquer par l’intermédiaire de sa femme et non directement avec ses avocats, dans la mesure où il n’a jamais fourni les numéros de ses avocats afin qu’ils soient inscrits sur la liste des numéros de téléphone.

8.13L’État partie relève aussi que contrairement aux allégations du requérant, le gardien de prison n’était pas présent lors des entretiens avec la police. D’après les images du système de vidéosurveillance, le gardien est parti juste après avoir accompagné le prisonnier pour sa rencontre avec le policier.

8.14Le 15 novembre 2021, un psychiatre a examiné le requérant et confirmé que celui‑ci ne souhaitait coopérer ni avec les services de santé mentale ni avec les services médicaux.

8.15L’État partie fait observer que pendant toute la durée de son emprisonnement, le requérant avait librement accès à des procédures efficaces pour contester la légalité de sa détention et porter plainte sur ses conditions de détention, ce que l’administration pénitentiaire lui a permis de faire sans délai, en transmettant ses griefs aux autorités compétentes.

8.16L’État partie conclut que les griefs du requérant sont dénués de fondement et sans rapport avec la réalité.

Observations complémentaires des parties

Observations du requérant

9.1Le 10 février 2022, le requérant a réaffirmé qu’il serait exposé à un risque imminent pour sa vie et son intégrité physique s’il était renvoyé en Fédération de Russie et qu’il continuait de subir des actes constitutifs de traitements cruels, inhumains et dégradants, voire de torture. Selon ses déclarations, il a continué d’endurer chaque jour des souffrances morales et des traitements cruels en prison : en hiver, il a été placé dans une cellule dépourvue de chauffage et aucun vêtement chaud ne lui a été fourni ; les autres détenus l’ont averti de ne pas manger la nourriture servie dans sa cellule car selon une rumeur, on pourrait tenter de l’empoisonner ; il n’a pas obtenu de faire ajouter les numéros de ses avocats sur la liste des numéros de téléphone autorisés ; des détenus continuent de l’approcher pour lui demander de retirer toutes ses plaintes.

9.2Le requérant relève que la police de Nicosie enquête sur le passage à tabac qu’il a subi, ce qui est, en théorie, conforme aux dispositions de la Convention. Cependant, il fait valoir que la décision finale du Procureur général d’engager ou non des poursuites n’est pas susceptible d’appel. En outre, il affirme qu’aucune information n’est disponible sur l’état d’avancement de l’enquête, ce qui est contraire à la loi sur les droits des victimes. Ilajoute que les lettres qu’il a adressées au Ministre de la justice et de l’ordre public concernant les mauvais traitements subis en prison sont restées sans réponse. Le6 décembre 2021, il a déposé une plainte urgente auprès du Commissaire à l’administration et à la protection des droits de l’homme pour dénoncer les tortures et mauvais traitements subis à la prison centrale de Nicosie. Cette plainte a été enregistrée le 3 janvier 2022 et est en cours d’instruction.

9.3Le requérant réaffirme que l’État partie a violé l’article 22 de la Convention en ce qu’il n’a pas respecté les deux demandes de mesures provisoires du Comité.

9.4Le requérant fait savoir que le 8 décembre 2021, la Cour suprême a admis les mesures provisoires accordées par le Comité comme un nouvel élément de preuve. Lui‑même et le Procureur de la République disposent respectivement de dix et quinze jours pour déposer leurs observations sur le fond.

9.5Le requérant prie le Comité de recommander à l’État partie de prendre les mesures suivantes: le remettre immédiatement en liberté ; surseoir à son extradition ; annuler l’arrêt de la Cour suprême du 17 février 2021 ; s’acquitter de son obligation de respecter la demande de mesures provisoires du 8 décembre 2021 ; lui verser la somme de 2 millions d’euros pour préjudice moral et rembourser les frais qu’il a engagés pour faire valoir ses droits devant les tribunaux nationaux (23 348 euros) et les instances internationales (50600euros).

9.6Le 29 mars 2022, le requérant a fait savoir qu’il se trouvait toujours en détention, et ce malgré la demande de mesures provisoires adressée par le Comité à l’État partie le 8 décembre 2021, tendant à ce qu’une mesure de substitution à la détention lui soit appliquée. Il a ajouté que l’audience d’examen de son recours en habeas corpus devant la Cour suprême était prévue le 6 avril 2022.

9.7S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel il a présenté de nouveaux griefs concernant des préjudices moraux, le requérant fait observer que ces griefs figuraient déjà dans sa lettre initiale.

9.8Le 1er août 2022, le requérant a fait savoir que le 8 juillet 2022, en raison de l’exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), le collège de cinq juges de la Cour suprême avait fait droit à son recours contre l’arrêt rendu par la Cour suprême (siégeant en formation de juge unique) le 20 juillet 2021 et ordonné sa libération immédiate. Bien que la décision de la Cour ait en partie remédié à la situation, le requérant prie le Comité de tenir compte du fait que la Cour suprême a omis d’analyser et d’évaluer correctement ses allégations concernant les actes de torture auxquels il serait exposé en cas d’extradition vers la Fédération de Russie et ceux qu’il a subis à la prison centrale de Nicosie. Le requérant prie donc le Comité d’examiner tous ses griefs au titre des articles 2, 3, 11, 16 et 22 de la Convention afin que tous les responsables soient traduits en justice et qu’une indemnisation lui soit versée pour couvrir les frais de justice engagés et réparer le préjudice moral subi. Le 3 novembre 2022, le requérant a répété ses griefs.

Observations de l’État partie

10.1Le 17 mars 2022, l’État partie a rejeté tous les griefs formulés dans les dernières observations du requérant, en particulier sa demande d’indemnisation pour préjudice moral. Si toutefois le Comité entend examiner ce point, l’État partie demande à bénéficier d’un délai supplémentaire afin de pouvoir fournir des observations détaillées, d’autant que le Comité n’est pas le cadre approprié pour rendre une décision à ce sujet. L’État conclut en réaffirmant que les griefs soulevés par le requérant sont inconsistants et visent à retarder son extradition.

10.2Les 25 juillet et 27 octobre 2022, l’État partie a fait savoir que le 8 juillet 2022, dans le cadre d’un recours en habeas corpus, la Cour suprême avait ordonné la libération du requérant et l’annulation de la décision d’extradition vers la Fédération de Russie. La Cour suprême avait fondé sa décision sur le fait que le Conseil de l’Europe avait suspendu l’adhésion de la Fédération de Russie, qui n’était donc plus partie à la Convention européenne des droits de l’homme (à compter du 16 septembre 2022). Par conséquent, les droits et garanties énoncés dans la Convention européenne, en particulier le droit à un procès équitable, ne pouvaient plus être garantis. Dans ce contexte, l’État partie a prié le Comité de rejeter la communication du requérant relative à l’extradition puisqu’elle était désormais sans objet.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

11.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme l’article 22 (par. 5 a)) de la Convention lui en fait l’obligation, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

11.2Le Comité rappelle que, conformément à l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention, il n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note que dans sa lettre initiale du 18 mars 2021, le requérant a affirmé que son expulsion vers la Fédération de Russie constituerait une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention. En outre, dans ses observations ultérieures datées des 2 avril, 16 août et 3 décembre 2021, invoquant les articles 2, 11 et 16 de la Convention, le requérant a allégué avoir été victime de torture et de mauvais traitements à la prison centrale de Nicosie.

11.3S’agissant des griefs tirés de l’article 3 de la Convention, le Comité prend note de l’objection de l’État partie selon laquelle la requête est irrecevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés. L’État partie fait valoir que le requérant n’a pas formé de recours devant la Cour suprême pour faire appel du jugement du tribunal de district de Larnaca, qui a rejeté ses allégations concernant les risques de persécution et de torture en cas de renvoi en Fédération de Russie. Le Comité note que le requérant fait valoir que, d’après les règles de procédure civile, un tel appel n’est pas considéré comme un recours devant être épuisé. Il prend également note des arguments suivants, avancés par le requérant : les griefs concernant le risque de torture en cas d’extradition vers la Fédération de Russie avaient déjà été rejetés par la Cour suprême ; l’introduction d’un appel contre les conclusions du tribunal de district n’avait aucune chance d’aboutir car la Cour suprême n’avait accepté aucun argument de cette nature dans des affaires d’extradition et avait accepté les assurances diplomatiques données par la Fédération de Russie ou d’autres pays requérants pour rejeter les arguments relatifs à la torture. Dans ces circonstances, et compte tenu du fait que l’État partie n’a fourni aucune information complémentaire pour étayer son argument, le Comité conclut que les dispositions de l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention ne l’empêchent pas de procéder à l’examen de la communication.

11.4Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle le 8 juillet 2022, dans le cadre d’un recours en habeas corpus, la Cour suprême a ordonné la libération du requérant et l’annulation de la décision d’extradition vers la Fédération de Russie. Il constate que la communication du requérant relative à l’extradition est ainsi devenue sans objet. Dans ce contexte, il prend note de l’argument du requérant selon lequel, bien qu’il ait été libéré, la Cour suprême n’a toujours pas examiné les allégations selon lesquelles il serait soumis à la torture s’il était extradé vers la Fédération de Russie. Le Comité considère toutefois que l’affaire est devenue sans objet du fait que le requérant a déjà été remis en liberté et que la décision d’extradition le concernant a été annulée. En conséquence, il estime que puisque le requérant ne risque pas, actuellement, d’être extradé par l’État partie vers la Fédération de Russie, le grief tiré de l’article 3 est incompatible avec les dispositions de la Convention et donc irrecevable au regard de l’article 22 (par. 2) de la Convention. En rendant cette décision, il sait qu’en tout état de cause, le requérant aurait la possibilité de lui soumettre une nouvelle requête visant l’État partie s’il était de nouveau menacé de renvoi forcé vers la Fédération de Russie.

11.5S’agissant des griefs que le requérant tire des articles 2, 11 et 16 de la Convention, le Comité fait observer que le requérant devait exposer tous ses griefs dans sa lettre initiale, avant que l’État partie soit invité à présenter ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication, sauf si le requérant peut expliquer pourquoi il ne lui était pas possible de soulever tous ses griefs en une seule fois. En l’espèce, le Comité note que le requérant a formulé plusieurs allégations graves revêtant un caractère d’urgence, qui devaient être examinées rapidement par l’État partie. Ces allégations sont les suivantes : le requérant subissait des pressions physiques et psychologiques de la part des détenus et du personnel pénitentiaire ; le 30 novembre 2021, il avait été placé à l’isolement puis battu par d’autres détenus ; les gardiens de la prison n’avaient pas empêché une bagarre entre détenus impliquant le requérant ; après les faits, le requérant n’avait pas été emmené à l’unité médicale pour des examens complémentaires et il avait continué à subir une pression psychologique dans sa cellule, ce qui selon lui constitue une violation des droits qu’il tient des articles 2, 11 et 16 de la Convention. Préoccupé par la gravité de ces allégations, le Comité a demandé à l’État partie, en application de l’article 114 de son règlement intérieur, de faire en sorte que le requérant bénéficie d’une mesure de substitution à la détention. Le Comité note que le 18 décembre 2021, l’État partie a transféré le requérant dans l’aile de la prison que celui-ci avait lui-même choisie. Il note également que les 5 et 20 janvier 2022, l’État partie a présenté des observations détaillées concernant les griefs du requérant et confirmé avoir ouvert une enquête sur le passage à tabac survenu le 30 novembre 2021. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité estime que l’État partie aurait dû avoir la possibilité d’apprécier les nouveaux éléments de preuve avant que la communication ne soit soumise pour examen en application de l’article 22 de la Convention. Le Comité conclut donc que la partie de la communication se rapportant aux articles 2, 11 et 16 de la Convention est irrecevable pour non-épuisement des recours internes conformément à l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention. La conclusion ci-dessus est sans préjudice de la possibilité pour le requérant de soumettre une communication distincte concernant toute violation présumée de ses droits au titre de la Convention.

12.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable ;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.