Nations Unies

CAT/C/75/D/972/2019

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 janvier 2023

Original : français

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 972/2019 * , **

Communication présentée par :

B. T. M. (représenté par un conseil, du Centre suisse pour la défense des droits des migrants)

Victime(s) présumée(s) :

Le requérant

État partie :

Suisse

Date de la requête :

22 novembre 2019 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles114 et 115 du Règlement intérieur du Comité, transmise à l’État partie le 25novembre 2019 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

11novembre 2022

Objet :

Expulsion vers le Zimbabwe

Question(s) de procédure :

Néant

Question(s) de fond :

Risque de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas d’expulsion vers le pays d’origine

Article(s) de la Convention :

3 et 16

1.1Le requérant est B. T. M., un citoyen du Zimbabwe, né le 1er décembre 1993. Il a déposé une demande d’asile en Suisse le 22 juillet 2019. Sa demande d’asile a été rejetée le 30 août 2019. Le requérant a ensuite déposé une demande d’appel au Tribunal administratif fédéral, qui a également été rejetée le 27 septembre 2019. Le requérant fait ainsi l’objet d’une décision de renvoi vers le Zimbabwe et considère qu’un tel renvoi constituerait une violation par l’État partie des articles 3 et 16 de la Convention. Il craint d’être exposé à un risque réel de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants s’il était placé en détention après son renvoi vers le Zimbabwe. L’État partie a fait la déclaration prévue à l’article 22 (par. 1) de la Convention le 2 décembre 1986. Le requérant est représenté par un conseil du Centre suisse pour la défense des droits des migrants.

1.2Le 25 novembre 2019, en application de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers le Zimbabwe tant que sa requête serait en cours d’examen. Le 26 novembre 2019, la Suisse a accepté la requête de n’entreprendre aucune démarche en vue de l’exécution du renvoi du requérant.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est né le 1er décembre 1993 à Masvingo, au Zimbabwe. Il a étudié le droit à la Midlands State University et a obtenu son diplôme fin 2017. Après avoir obtenu son diplôme, il a travaillé à Bulawayo.

2.2Le requérant a ensuite rejoint le cabinet d’avocats Gundu, Dube et Pamacheche, dans la ville de Gweru, où il a travaillé sous la direction de l’associé principal, Brian Dube, député représentant le district urbain de Gweru pour le Mouvement pour le changement démocratique, parti d’opposition. M. Dube est également un défenseur des droits humains bien connu et membre de la direction juridique du Mouvement.

2.3Dans ce cabinet d’avocats, le requérant a travaillé sur des affaires liées aux droits humains. En janvier et février 2019, il a représenté des militants du Mouvement pour le changement démocratique qui avaient organisé des manifestations notamment contre les hausses du prix du carburant, lesquelles ont été sévèrement réprimées par les autorités zimbabwéennes du Gouvernement constitué par le parti ZANU-Front patriotique. Les incidents ont fait l’objet d’une condamnation internationale et ont suscité la visite du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, Clément Nyaletsossi Voule, qui a noté des informations extrêmement troublantes faisant état d’un usage excessif, disproportionné et meurtrier de la force contre les manifestants ainsi que d’arrestations arbitraires massives et de torture.

2.4Dans ce contexte, le requérant a personnellement traité environ 30 cas de personnes accusées d’infractions pénales à la suite des manifestations de janvier 2019. Il a également travaillé sur 10 autres affaires très médiatisées avec son patron, M. Dube, et avec son collègue, M. Davira. Ces affaires concernaient des parlementaires. Les accusations criminelles portées contre ses clients étaient motivées par des considérations politiques, et le requérant a pu obtenir l’acquittement dans de nombreux cas. Au cours des procès, il a présenté des éléments de preuve, y compris des enregistrements vidéo des brutalités policières généralisées qui avaient eu lieu pendant la répression des manifestations. Les preuves comprenaient des images des blessures physiques subies par les manifestants prouvant le caractère aveugle des attaques de la police et de l’armée.

2.5En janvier 2019, peu après le début des procédures judiciaires, le requérant a commencé à recevoir des messages écrits menaçants provenant de plusieurs numéros de téléphone inconnus. Le contenu de ces messages était toujours très similaire, ce qui indique qu’ils étaient coordonnés et/ou provenaient de la même source. Les messages indiquaient par exemple que « toute personne qui s’est opposée au Gouvernement n’a jamais survécu » et qu’il serait sage « de ne pas participer à la représentation des criminels qui avaient pris part aux manifestations ». Des avocats d’autres provinces recevaient des menaces similaires.

2.6Vers le 29 mars 2019, le requérant a été agressé physiquement par trois inconnus qui l’attendaient non loin de chez lui. Ils lui ont dit qu’il avait déjà été « correctement averti ». L’un d’eux portait une chemise du parti ZANU-Front patriotique. Ils l’ont renversé, et lui ont donné des coups de poing et de pied avant de disparaître. Le requérant a notifié cet incident à la police, mais celle-ci a refusé d’enquêter sous prétexte qu’il n’était pas en mesure d’identifier ses agresseurs. Le requérant a également demandé un traitement médical pour ses blessures.

2.7En juin 2019, le requérant a échappé à une tentative d’enlèvement par des inconnus qui l’ont accosté dans la rue et ont tenté de le forcer à monter dans une voiture. Après cette tentative d’enlèvement, il a vécu dans la peur constante pour sa vie. À peu près au même moment, la police de Gweru lui a téléphoné et l’a convoqué pour l’interroger. Il a refusé de se présenter, car le policier n’était pas en mesure de lui donner une explication légitime, lui indiquant simplement « vous verrez quand vous entrerez ».

2.8Craignant pour sa vie, le requérant a quitté le Zimbabwe. Pour limiter le risque de détection par les autorités, il a traversé la frontière à Beitbridge le 19 juillet 2019 et a pris un vol pour Zurich, en Suisse, depuis Johannesburg, en Afrique du Sud.

2.9Le requérant est arrivé en Suisse le 21 juillet 2019. Le 22 juillet 2019, il a déposé une demande d’asile en Suisse. Le 30 août 2019, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté sa demande d’asile et ordonné son expulsion vers le Zimbabwe, estimant qu’il n’avait pas été en mesure d’établir une crainte crédible de persécution parce qu’il ne semblait pas jouer un rôle important au sein du Mouvement pour le changement démocratique, et que son témoignage à cet égard était « vague ». En outre, le Secrétariat d’État a constaté que, puisqu’il avait quitté le pays en montant à bord d’un vol à Harare, son allégation selon laquelle les autorités zimbabwéennes le recherchaient n’était pas crédible. Enfin, le Secrétariat d’État a rejeté d’emblée les preuves documentaires qu’il avait présentées, y compris : a) le mandat d’arrêt parce qu’il s’agissait d’un document qui pouvait facilement être falsifié ; b) le dossier médical qu’il avait présenté comme preuve de l’agression, parce qu’il ne montrait pas à première vue que l’agression était liée à un motif politique ; et c) l’article de journal sur l’agression de son patron, M. Dube, en audience publique, parce qu’il n’y avait prétendument aucun lien avec sa demande d’asile.

2.10Le 9 septembre 2019, le requérant a déposé un recours devant le Tribunal administratif fédéral en invoquant de multiples violations de la procédure régulière, notamment une « violation du droit d’être entendu ». Le requérant a fait valoir que le Secrétariat d’État aux migrations n’avait pas correctement établi les faits et avait rejeté les preuves documentaires sans prendre les mesures nécessaires pour vérifier leur authenticité ou leur pertinence pour la procédure.

2.11Plus précisément, le Secrétariat d’État aux migrations s’était concentré presque exclusivement sur le témoignage du requérant concernant ses activités politiques au nom du Mouvement pour le changement démocratique, alors qu’en fait, la persécution qu’il alléguait découlait principalement de ses activités professionnelles en tant qu’avocat défendant des victimes de violences par l’État. En ce qui concernait sa conclusion défavorable en matière de crédibilité, le Secrétariat d’État s’était fondé sur une erreur de fait concernant la manière dont il avait quitté son pays d’origine. Le Secrétariat d’État n’avait pas examiné les nombreuses preuves documentaires pour la raison générale que ces documents étaient « facilement falsifiables », mais sans prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour vérifier leur authenticité. Ces mesures auraient pu inclure une demande à l’ambassade de Suisse à Harare d’enquêter sur l’authenticité du document. À l’appui de cette affirmation, le requérant renvoie à la jurisprudence constante du Tribunal administratif fédéral, qui « admet dans ce genre de situations que le devoir d’instruction du Secrétariat d’État aux migrations lui incombe aussi d’user de moyens d’enquête adéquats tels que la voie diplomatique afin d’éclaircir plusieurs points de grande importance pour l’issue de la cause ».

2.12Le 27 septembre 2019, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours du requérant comme manifestement non fondé. Dans une décision à juge unique et sommairement motivée, sans l’échange d’écritures habituel, le Tribunal a suivi le raisonnement du Secrétariat d’État aux migrations sur tous les points.

2.13Par la suite, et sous la pression du Secrétariat d’État aux migrations, le requérant a consenti à un plan de retour volontaire assisté pour son rapatriement au Zimbabwe, estimant que c’était l’option la plus sûre pour lui. Selon lui, les autorités zimbabwéennes étaient moins susceptibles de prendre note de son retour s’il quittait la Suisse par des moyens réguliers. La solution de l’expulsion forcée attirerait nécessairement l’attention des autorités, par l’intermédiaire de leur ambassade en Suisse, sur son statut de demandeur d’asile débouté de retour. Cette éventualité augmenterait considérablement pour lui le risque d’arrestation immédiatement à son retour au Zimbabwe. Toutefois, le requérant fait toujours face au même niveau de persécution au Zimbabwe.

2.14Le requérant attire l’attention du Comité sur le fait que dans l’affaire N. A. c. Finlande, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le rapatriement volontaire d’une personne faisant l’objet d’une mesure d’expulsion définitive ne constituait pas un obstacle à la recevabilité d’une plainte au titre de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme). Selon la Cour, un tel départ ne pourrait pas être qualifié à juste titre de volontaire : « la Cour ne voit aucune raison de douter que [le requérant] ne serait pas retourné [en Iraq] dans le cadre du régime du “retour volontaire assisté” sans la mesure exécutoire d’éloignement prononcée à son encontre. Par conséquent, son départ n’était pas “volontaire” aux termes de libre choix. ».

2.15Le 13 novembre 2019, les avocats du requérant ont déposé une demande de réexamen auprès du Secrétariat d’État aux migrations, accompagnée d’une demande d’effet suspensif. La demande était fondée sur des éléments de preuve supplémentaires, sous la forme d’une lettre de M. Dube, ancien employeur du requérant, qui indiquait notamment ce qui suit :

[Le requérant] est un membre de l’équipe juridique qui a été harcelé et persécuté pour avoir représenté des militants prodémocratie en janvier 2019. À une de ces occasions, il a été violemment battu et a dû dormir chez moi par peur pour sa vie. Il n’y a aucun doute que ces attaques n’étaient que politiquement motivées, car ce n’était pas une coïncidence s’il a été attaqué après qu’un autre membre de son cabinet d’avocats et lui-même ont été publiquement exposés pour avoir pris en charge ces affaires.

2.16Le 20 novembre 2019, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté la demande de réexamen du requérant, estimant que les nouveaux éléments de preuve présentés par le requérant étaient des écrits de complaisance qui avaient peu de valeur probante. Le requérant rappelle que le document en question est une lettre de M. Dube, un membre éminent du Parlement zimbabwéen qui est son ancien employeur. M. Dube a confirmé que le requérant avait travaillé sur des affaires politiquement sensibles, ce qui l’avait amené à être une cible directe du Gouvernement zimbabwéen. Sa lettre contient tous les indices de fiabilité et appuie le récit du requérant ; elle n’aurait pas dû être rejetée d’emblée comme peu fiable sans enquête supplémentaire des autorités suisses.

2.17Selon le requérant, un recours contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 20 novembre 2019 ne constituerait pas un recours effectif, car l’effet suspensif n’est pas automatique et il est très peu probable qu’il soit accordé par le Tribunal administratif fédéral. Une demande de réexamen est de toute façon un recours discrétionnaire qui n’a pas besoin d’être épuisé aux fins de la recevabilité d’une plainte individuelle devant le Comité.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant allègue qu’il court le risque d’être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas de renvoi vers le Zimbabwe, car il a été agressé physiquement par trois inconnus et a été recherché par les autorités le 2 août 2019. En tant qu’avocat, il a représenté des victimes de violences par l’État et des membres du Mouvement pour le changement démocratique, un parti d’opposition politique, ce qui augmente le risque pour lui.

3.2Le requérant considère qu’un tel renvoi constituerait une violation par l’État partie de ses obligations au titre des articles 3 et 16 de la Convention. Dans les situations où le requérant a satisfait à l’exigence de démontrer l’existence d’un risque réel, il incombe au Gouvernement de dissiper tout doute quant à ce risque.

3.3La situation du requérant est semblable à celle de l’affaire M. A. c. Suisse : tant le Secrétariat d’État aux migrations que le Tribunal administratif fédéral ont rejeté les documents présentés au motif général de non-pertinence, les documents en question pouvant « facilement être falsifiés ». Dans son recours au Tribunal, le requérant a expressément demandé que l’authenticité du mandat d’arrêt démontrant qu’il était recherché pour des accusations pénales de « sape de l’autorité du Président telle que définie à l’article 33 de la loi pénale (loi sur la codification et la réforme) » soit établie par une enquête de l’ambassade de Suisse à Harare. Il renvoyait au précédent du Tribunal à cet égard. Ses demandes ont été ignorées. Le requérant a de nouveau demandé une procédure d’authentification dans le cadre de sa demande de réexamen du 13 novembre 2019, à laquelle il n’a reçu aucune réponse des autorités suisses.

3.4De plus, si le Tribunal administratif fédéral n’avait pas adopté une procédure accélérée à juge unique pour l’appel, le requérant aurait été en mesure de fournir des explications sur plusieurs des préoccupations soulevées par le Tribunal au sujet de l’authenticité du document intitulé « Demande de renvoi ».

3.5Parmi ces explications, le requérant allègue qu’il s’agit d’un document qui fournit la base juridique permettant aux autorités chargées par le Procureur d’obliger la personne désignée à répondre à des accusations pénales spécifiées, y compris en se présentant à la police pour interrogatoire sur demande. Le requérant se réfère également à la décision du Tribunal administratif fédéral du 27 septembre 2019 d’adopter une procédure d’appel à juge unique au titre de l’article 111, alinéa e), de la loi sur l’asile du 26 juin 1998, faisant valoir que cette disposition est destinée aux recours qui sont jugés manifestement non fondés après seulement un examen sommaire par le Tribunal. Le requérant estime que l’examen de ses arguments et éléments de preuve était par définition sommaire, et donc en violation des obligations procédurales de l’article 3 de la Convention.

3.6Enfin, le requérant se réfère à différents rapports sur la situation au Zimbabwe, affirmant que le mandat du Président Mnangagwa est marqué par une « attaque systématique et brutale contre les droits humains ». Il ajoute que les manifestations sont violemment réprimées et que chaque personne qui ose critiquer le Gouvernement est persécutée sans pitié. Le Zimbabwe restreint et criminalise de plus en plus le droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 12 juin 2020, l’État partie a soumis des observations sur la recevabilité et le fond. D’abord, l’État partie a rappelé la teneur de la communication et le déroulement des procédures internes.

4.2Le requérant est un ressortissant du Zimbabwe. Comme devant les instances internes, il prétend qu’en cas de renvoi dans son pays d’origine, il serait exposé à des actes de torture. Le 22 juillet 2019, il a déposé une demande d’asile auprès du Secrétariat d’État aux migrations. Après l’avoir entendu personnellement à deux reprises, le Secrétariat d’État a rejeté cette demande par une décision rendue le 30 août 2019. Il a estimé que le récit concernant les responsabilités et le rôle du requérant au sein du Mouvement pour le changement démocratique était vague et stéréotypé, et que les raisons pour lesquelles il aurait été agressé par des gens proches du parti ZANU-Front patriotique étaient de nature superficielle. Il a en outre noté l’absence de convocation officielle ou d’arrestation du requérant à cause de son appartenance à un parti politique d’opposition. Le Secrétariat d’État a estimé peu fiable un mandat d’arrêt concernant le requérant pour deux motifs. D’une part, de tels documents sont destinés aux postes de police, et le requérant n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles son amie en aurait reçu un exemplaire original en mains propres. D’autre part, ledit document a été remis sous forme de copie de mauvaise qualité.

4.3Le requérant, représenté par un conseil, a recouru contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations le 9 septembre 2019. Le Tribunal administratif fédéral a rejeté ce recours par un arrêt rendu le 27 septembre 2019. Il a examiné notamment les différentes critiques portant sur l’établissement des faits par le Secrétariat d’État. Les circonstances entourant l’obtention d’un mandat d’arrêt visant le requérant justifiaient que le Secrétariat d’État ait écarté ce document. Le Tribunal a en outre réfuté l’allégation du requérant selon laquelle le Secrétariat d’État n’avait pas évalué correctement ses activités. Le Tribunal a cependant retenu que le Secrétariat d’État avait, à tort, constaté que le requérant avait quitté son pays par l’aéroport de Harare, mais que le fait que le requérant était effectivement parti par le poste-frontière de Beitbridge pour rejoindre l’Afrique du Sud par voie terrestre avant de continuer son voyage par avion n’était pas pertinent. Ce qui importait était que le requérant avait quitté son pays de manière non clandestine, sans être inquiété, ce qui constituait un indice fort qu’il n’était pas recherché. Le Tribunal a également examiné la nature des activités politiques du requérant à la lumière de ses propres déclarations lors des auditions, avant de les qualifier de faibles et de retenir que son lien avec le Mouvement pour le changement démocratique était limité à l’exercice de son activité professionnelle.

4.4Le 13 novembre 2019, le requérant, représenté par un conseil, a saisi le Secrétariat d’État aux migrations d’une demande de réexamen. Dans sa décision du 20 novembre 2019 rejetant la demande, le Secrétariat d’État a relevé que les moyens de preuve remis à l’appui de cette demande n’étaient pas de nature à modifier ses conclusions dans la procédure d’asile que le Tribunal administratif fédéral avait confirmées dans son arrêt du 27 septembre 2019. Le 20 décembre 2019, le requérant, représenté par un conseil, a déposé un recours au Tribunal contre la décision du Secrétariat d’État. Il y demandait tant la restitution de l’effet suspensif que l’assistance judiciaire gratuite. En substance, il faisait valoir la violation du devoir d’instruction en ce qui concernait le mandat d’arrêt le concernant. Selon lui, le risque de persécution serait établi par différentes attestations, dont une de son ancien employeur au Zimbabwe, et par ses déclarations lors des auditions.

4.5Le 9 janvier 2020, le Tribunal administratif fédéral a rendu une première décision incidente. Il a relevé que les nouveaux éléments de preuve − une lettre de l’ancien employeur du requérant, et des lettres d’un journaliste et de l’amie du requérant − ne contenaient pas de fait nouveau et qu’à première vue, le recours semblait voué à l’échec. Il a ainsi décidé de ne pas restituer l’effet suspensif et a rejeté la demande d’assistance judiciaire gratuite. Saisi d’une demande de reconsidération datée du 15 janvier 2020, qui mentionnait entre autres le mandat d’arrêt à l’encontre du requérant, le Tribunal a confirmé le 16 janvier 2020 sa décision incidente du 9 janvier 2020, rappelant que ledit mandat d’arrêt avait été analysé lors de la procédure d’asile et qu’en cas de non-versement de l’avance de frais dans le délai imparti, il n’entrerait pas en matière sur le recours. Le 31 janvier 2020, l’avance de frais n’ayant pas été versée, le Tribunal a décidé de ne pas entrer en matière.

4.6Dans sa requête, le requérant fait valoir une violation des articles 3 et 16 de la Convention en raison de vices procéduraux, dans la mesure où ni le Secrétariat d’État aux migrations ni le Tribunal administratif fédéral n’auraient donné suite à sa demande de vérifier l’authenticité du mandat d’arrêt daté du 2 août 2019, du fait que le Tribunal, dans son arrêt du 27 septembre 2019, aurait examiné le cas de manière sommaire et qu’en raison de ses activités d’avocat, il serait toujours recherché par les autorités du Zimbabwe.

4.7Par rapport à la recevabilité, l’État partie considère que le requérant n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Devant le Comité, le requérant fait valoir que le recours au Tribunal administratif fédéral contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 20 novembre 2019, qu’il a malgré tout choisi de déposer, ne constituerait pas un recours effectif puisqu’il serait dépourvu d’effet suspensif automatique.

4.8L’État partie rappelle qu’il doit avoir la possibilité d’apprécier les nouveaux éléments de preuve avant de se saisir de la communication pour examen, conformément à l’article 22 de la Convention. D’après la pratique du Comité, le principe de l’épuisement des voies de recours internes suppose également que le requérant ait saisi les autorités nationales compétentes de tout élément nouveau survenu après le rejet définitif de la demande d’asile.

4.9L’État partie rappelle également la pratique du Comité selon laquelle le caractère illusoire du recours est généralement écarté, dès lors que le requérant n’a pas fourni d’éléments étayant que ces recours auraient peu de chances d’aboutir. Le Comité a ainsi déjà indiqué qu’en principe, il ne relève pas de sa compétence d’évaluer les perspectives de succès des recours internes ; il lui appartient uniquement d’examiner si ce sont des recours appropriés aux fins recherchées par l’auteur. Toujours selon la pratique du Comité, le recours se révèle inapproprié lorsqu’il est dépourvu de tout effet suspensif ou que le coût de la procédure s’avère trop élevé.

4.10S’agissant de la demande de réexamen en tant que voie de recours extraordinaire pour faire valoir des faits nouveaux, celle-ci est réglée par l’article 111b de la loi sur l’asile, qui indique en son paragraphe 3 que l’autorité compétente pour la traiter, à savoir le Secrétariat d’État aux migrations, peut accorder l’effet suspensif à la demande de réexamen. Dans tous les cas, la décision de suspendre l’exécution du renvoi ou de qualifier un recours comme une nouvelle demande d’asile est prise après un examen individuel du cas. Le risque d’un traitement contraire à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi fait partie d’un tel examen. Les mêmes garanties valent pour la procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral en vertu de l’article 55 (par. 3) de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968, selon lequel « [l]’autorité de recours, son président ou le juge instructeur peut restituer l’effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif est traitée sans délai ». La décision rendue sur une demande de réexamen peut faire l’objet d’un recours au Tribunal comme toutes les décisions en matière d’asile. Il convient de souligner que ce recours constitue une voie de recours ordinaire. En d’autres termes, le Tribunal doit entrer en matière sur un éventuel recours, pour autant bien entendu que les conditions de recevabilité soient remplies. En cas d’admission de ce recours, le Tribunal statue lui-même sur l’affaire ou exceptionnellement la renvoie avec des instructions impératives au Secrétariat d’État. Par conséquent, cette voie de recours est sans conteste de nature à octroyer une réparation efficace au requérant.

4.11En outre, toute personne qui estime ne pas être en mesure de payer les honoraires de son conseil ou de prendre à sa charge les frais de procédure peut déposer une demande d’assistance judiciaire gratuite. L’État partie rappelle par ailleurs que le Tribunal administratif fédéral peut, à titre exceptionnel, entièrement remettre les frais de procédure normalement mis à la charge de la partie qui succombe. Dans tous les cas, la question d’une éventuelle indigence en lien avec la possibilité de se voir octroyer l’assistance judiciaire de même que l’éventualité d’une dispense exceptionnelle des frais de procédure devaient être tranchées par le juge et non par le requérant lui-même. En l’espèce, la question de l’octroi de l’effet suspensif à la demande de réexamen a été abordée tant par le Secrétariat d’État aux migrations que par le Tribunal administratif fédéral, à la lumière des éléments présentés par le requérant. L’argument tiré de l’absence d’effet suspensif automatique ne saurait donc convaincre. Dans la mesure où le requérant prétend que la demande de réexamen constituerait un recours discrétionnaire qu’il n’aurait pas l’obligation d’épuiser, il convient de rappeler la pratique du Comité selon laquelle le requérant doit saisir les autorités nationales compétentes de tout élément nouveau survenu après le rejet définitif de la demande d’asile. La demande de réexamen est en outre prévue par le droit interne, formalisée et dotée de voies de recours. Il ne s’agit donc pas d’un recours discrétionnaire ou ineffectif.

4.12L’État partie ajoute que le requérant a non seulement déposé une demande de réexamen, mais également déposé un recours au Tribunal administratif fédéral alors que, selon lui, celui-ci ne constituerait pas un recours effectif. Les décisions incidentes relatives aux chances de succès du recours ainsi qu’à l’avance de frais ont, par ailleurs, été prises par le juge unique du Tribunal chargé de l’instruction. Si l’avance de frais est payée, le jugement sur le fond peut être rendu par le juge unique à condition qu’un second juge donne son accord. À défaut de cet accord, le jugement sur le fond est rendu par un collège de trois juges. La décision incidente ne préjuge ainsi pas du jugement sur le fond. Or, le requérant n’a pas fait preuve de diligence pour épuiser le recours ouvert, puisqu’il ne s’est pas acquitté des frais de procédure. Il ne ressort en outre pas du dossier que l’avance de frais demandée au requérant l’aurait empêché, par l’ampleur de son montant, d’épuiser ce recours. Au vu de ce qui précède, le requérant n’a donc pas épuisé les recours internes disponibles, et sa requête doit par conséquent être déclarée irrecevable.

4.13En ce qui concerne l’article 3 de la Convention, l’État partie soutient que le Comité a concrétisé l’application de cette disposition dans son observation générale no 4 (2017), dont les paragraphes 38 et suivants prévoient que le requérant doit prouver qu’il existe pour lui un risque prévisible, actuel, personnel et réel d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine. En outre, l’existence d’un tel risque doit reposer sur des motifs sérieux, ce qui est le cas lorsque les allégations y relatives se basent sur des faits crédibles. La charge de la preuve incombe donc, en principe, au requérant, qui doit présenter des arguments défendables, c’est-à-dire des arguments circonstanciés montrant qu’un tel risque existe.

4.14Le paragraphe 49 de l’observation générale no 4 (2017) du Comité énumère les éléments qui doivent être pris en compte pour conclure à l’existence d’un tel risque. Concernant des preuves de l’existence dans l’État intéressé d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives, l’État partie soutient que le Zimbabwe ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée sur l’ensemble de son territoire qui permettrait d’emblée − et indépendamment des circonstances de l’espèce − de présumer l’existence d’une mise en danger concrète. Lors de l’examen de la situation, il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé court personnellement un risque prévisible et réel d’être victime de torture dans le pays où il serait renvoyé.

4.15En ce qui concerne, d’une part, les allégations de torture ou de mauvais traitements subis dans un passé récent et, d’autre part, l’existence d’éléments de preuve provenant de sources indépendantes et étayant ces allégations ainsi que l’accès à ces éléments, l’État partie considère que la torture ou les mauvais traitements qu’aurait subis le requérant par le passé constituent l’un des éléments devant être pris en compte pour apprécier le risque couru par l’intéressé d’être à nouveau soumis à la torture ou à des mauvais traitements en cas de retour dans son pays. Selon la lettre du 9 octobre 2019 de son ancien employeur, le requérant aurait été agressé gravement en janvier 2019. Selon ses propres déclarations, il aurait le 29 mars 2019 été attaqué et battu par des inconnus qui l’auraient en outre menacé. Le rapport médical correspondant, qui a été examiné par le Secrétariat d’État aux migrations dans sa décision du 30 août 2019, ne permet cependant pas de tirer des conclusions quant à la gravité ou à l’origine des blessures subies ni quant aux personnes qui les ont infligées.

4.16Un autre élément devant être pris en compte pour évaluer le risque pour le requérant d’être soumis à la torture en cas de retour dans son pays est le fait pour lui de s’être livré, à l’intérieur ou hors de son État d’origine, à des activités politiques. Le requérant a essentiellement travaillé comme avocat dans le cabinet de son ancien employeur, membre du Parlement représentant le Mouvement pour le changement démocratique. Devant le Comité, il ne prétend plus avoir développé lui-même des activités politiques. Celles qu’il avait mentionnées lors de la procédure d’asile ont fait l’objet d’un examen circonstancié, tant par le Secrétariat d’État aux migrations que par le Tribunal administratif fédéral.

4.17De plus, l’État partie souligne les incohérences factuelles dans les affirmations du requérant, et le fait que les autorités ont remis en question sa crédibilité. Une allégation est insuffisamment fondée lorsque, sur un point essentiel, les détails précis et circonstanciés font défaut, preuve que le requérant n’a pas vécu les événements décrits. De même, une allégation est invraisemblable lorsque, sur un point essentiel, elle se révèle contraire à toute logique ou à l’expérience générale. Le Secrétariat d’État aux migrations et le Tribunal administratif fédéral ont analysé les motifs d’asile dans leurs décisions et arrêts, et les ont rejetés pour les motifs exposés ci-dessous. Dans la mesure où le requérant reproche aux autorités suisses de ne lui avoir pas accordé le bénéfice du doute et de n’avoir pas procédé à une analyse approfondie de certains éléments de preuve tels que le mandat d’arrêt du 2 août 2019, il convient de rappeler que ces éléments ont bien été examinés par les instances nationales.

4.18D’une part, les instances nationales ont relevé dès le début que le mandat d’arrêt était un document à usage interne des autorités, et que l’explication quant à l’obtention de son original n’était pas plausible. D’autre part, les instances nationales se sont, entre autres, étonnées que les autorités zimbabwéennes auraient recherché le requérant le 2 août 2019 seulement. En ce qui concerne la distinction entre request for remand et arrest warrant, l’État partie note que le requérant, avocat au Zimbabwe, avait explicitement qualifié le document en question de mandat d’arrêt lors de son audition du 20 août 2019. Le cas d’espèce diffère donc considérablement de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M. A. c. Suisse, dans lequel les instances internes n’avaient pas motivé le refus de prendre en considération des copies de trois documents concernant la même procédure (deux convocations et l’arrêt).

4.19On ne saurait ainsi reprocher au Secrétariat d’État aux migrations et au Tribunal administratif fédéral d’avoir mis en doute la crédibilité d’un document interne dont la police aurait tout simplement remis l’original à l’amie du requérant, ce dernier n’ayant pas réussi à expliquer de façon plausible comment celle-ci l’aurait obtenu. La mise en doute de la crédibilité du récit du requérant et du document précité est encore renforcée par le fait que le requérant s’est servi de documents falsifiés pour obtenir un visa de séjour de courte durée (visa Schengen). De plus, le requérant a pu quitter légalement son pays d’origine, sans rencontrer de difficultés. L’explication de la date du mandat d’arrêt figurant dans la communication initiale n’est donc pas de nature à dissiper les doutes relevés quant à son authenticité. Indépendamment de ce qui précède, il convient de rappeler que si le requérant avait été sous le coup d’un mandat d’arrêt, en raison des causes à défendre qui lui avaient été confiées par son employeur, il l’aurait forcément informé de ses problèmes, lesquels se seraient de surcroît accentués, et il n’aurait pas simplement démissionné sans donner d’explications.

4.20La lettre du 9 octobre 2019 de son ancien employeur ne permet pas non plus de conclure à un risque de persécution du requérant. D’une part, elle a été établie immédiatement après la fin de la procédure d’asile en Suisse. D’autre part, elle est vague et diffère du récit du requérant en ce qui concerne les mauvais traitements subis. Il en ressort également que l’ancien employeur n’avait connaissance ni des difficultés du requérant en juin 2019 ni des motifs d’arrêt de travail. En outre, il semble que la police ne l’aurait contacté que le 26 septembre 2019 concernant son ancien employé, alors que les événements déterminants remonteraient à janvier 2019. L’État partie constate que l’ancien employeur du requérant, M. Dube, en tant que membre important du Mouvement pour le changement démocratique et défenseur d’opposants au régime, est nettement plus exposé à des représailles du Gouvernement zimbabwéen que ne l’est ou l’était le requérant, qui ne jouait qu’un rôle d’auxiliaire de son employeur. Or, comme l’indique la lettre du 9 octobre 2019, ce dernier exerce toujours son métier d’avocat.

4.21En résumé, il ne ressort ni du dossier ni de la communication d’élément concret rendant crédible le fait que le requérant serait exposé à un danger prévisible, personnel et réel d’être soumis à un acte de torture au sens de l’article 3 de la Convention en cas de retour au Zimbabwe. L’État partie invite le Comité à constater, à titre subsidiaire, que le renvoi du requérant au Zimbabwe ne constituerait pas une violation des obligations de la Suisse au titre des articles 3 et 16 de la Convention.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 2 février 2021, le requérant a transmis des commentaires relatifs aux observations de l’État partie, rappelant qu’il avait épuisé les recours internes. Les arguments de l’État partie, au contraire, sont contredits par ses propres organes judiciaires et sont totalement incompatibles avec la procédure en l’espèce.

5.2La procédure interne comportait une décision négative du Secrétariat d’État aux migrations sur la demande d’asile du requérant, le recours direct contre cette décision, et la décision finale du Tribunal administratif fédéral rejetant le recours. Dans l’ordre juridique suisse, les recours en matière d’asile tranchés par le Tribunal ne sont pas soumis à d’autres révisions. Le Tribunal lui-même a explicitement déclaré que sa décision dans le cas du requérant était définitive : « les décisions rendues par le Secrétariat d’État aux migrations concernant l’asile peuvent être contestées, par renvoi de l’article 105 [de la loi sur l’asile], devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d’extradition déposée par l’État dont le requérant cherche à se protéger (art. 83, al. d) 1 [de la loi sur le Tribunal fédéral]), exception non réalisée en l’occurrence ».

5.3Le fait que le requérant a par la suite demandé au Secrétariat d’État aux migrations de réexaminer sa décision du 30 août 2019 n’a aucune incidence sur le résultat ci-dessus. Les demandes de réexamen peuvent être soumises dans les trente jours suivant un nouveau fait important révélé après qu’une décision finale a déjà été prise. Ce recours est discrétionnaire, et les organismes internationaux n’ont jamais considéré qu’il était nécessaire aux fins de l’épuisement. Si tel était le cas, il y aurait une grande incertitude quant à ce que constitue une décision nationale définitive, parce que l’existence d’un nouveau fait important serait presque certainement contestée par les parties et qu’elle peut survenir à tout moment après une décision finale.

5.4Nonobstant ce qui précède, le requérant soutient qu’il a également donné suite à sa demande de réexamen de sa conclusion logique sous la forme d’une deuxième décision (négative) du Tribunal administratif fédéral. Dans la mesure où tant le Secrétariat d’État aux migrations que le Tribunal ont rejeté sa deuxième demande, il a également épuisé cette mesure corrective. L’affirmation selon laquelle les recours n’ont pas été épuisés ne peut être suivie pour cette raison supplémentaire.

5.5Certes, l’État partie reproche au requérant de n’avoir pas payé les 1 500 francs suisses comme avance imposée par le Tribunal administratif fédéral, non-paiement ayant conduit le Tribunal à constater son appel irrecevable. Cet argument est tout à fait injuste dans la mesure où le requérant est indigent et avait demandé au Tribunal de renoncer aux frais sur cette base. Il a exposé que sa situation financière ne lui permettrait pas de supporter les frais de la procédure. En effet, le requérant étant un demandeur d’asile débouté, il n’a pas le droit d’exercer une activité lucrative et dépend actuellement entièrement de l’aide d’urgence, recevant une allocation en espèces de 300 francs suisses par mois. Son indigence est donc manifeste. Il a également demandé à bénéficier d’une assistance juridique pour engager un avocat, compte tenu de la complexité de son affaire.

5.6Le 9 janvier 2020, après un examen anticipé et sommaire du bien-fondé de l’appel, le Tribunal administratif fédéral a jugé qu’il était sans fondement (« voué à l’échec »), et a rejeté les demandes de dispense d’avance de frais et d’aide juridique pour engager un avocat (« assistance judiciaire totale »). Le Tribunal est allé jusqu’à indiquer que toute autre demande, y compris de paiement des frais anticipés au moyen d’un plan d’acomptes provisionnels ou de prolongation du délai de paiement, ne serait pas acceptée. Le 15 janvier 2020, le requérant a demandé au Tribunal de reconsidérer sa décision interlocutoire du 9 janvier 2020, réitérant qu’il avait besoin d’une dispense de frais. Le 16 janvier 2020, le Tribunal a rejeté la demande de réexamen de sa décision interlocutoire. Le 31 janvier 2021, le Tribunal a déclaré le recours du requérant irrecevable au motif qu’il n’avait pas payé les frais anticipés. Le requérant soutient qu’en lui imposant une avance financière de 1 500 francs suisses, le Tribunal lui a arbitrairement refusé l’accès à la seule voie de recours dont il disposait à ce moment-là et qui pouvait empêcher son expulsion, la rendant effectivement indisponible.

5.7Dans d’autres affaires aux circonstances similaires sur le plan procédural, le Comité a rejeté les arguments de l’État partie concernant l’absence d’épuisement. Par exemple, dans l’affaire M. G. c. Suisse, impliquant un demandeur d’asile érythréen qui était indigent et ne pouvait pas payer l’acompte de 600 francs suisses imposé par le Tribunal administratif fédéral en appel direct, le Comité a considéré qu’il n’était pas raisonnable de la part de l’État partie de refuser au requérant la possibilité d’un réexamen effectif pour des raisons financières, étant donné qu’il était indigent. Le Comité a conclu que, dans de telles circonstances, le recours en question n’était en fait pas disponible. Le requérant soutient qu’il serait logique que le Comité suive en l’espèce le même raisonnement que dans l’affaire M. G. c. Suisse, compte tenu du caractère analogue des affaires.

5.8En outre, dans la présente procédure, le Tribunal administratif fédéral a refusé un effet suspensif aux deux appels du requérant (en appel direct et en appel en réexamen) malgré le fait qu’il avait établi prima facie une violation de l’article 3 de la Convention en prévoyant des témoignages complets, des preuves documentaires individualisées et des informations pertinentes sur la situation générale des droits humains au Zimbabwe, en particulier en ce qui concerne les défenseurs des droits humains comme lui, qui ont tous démontré un risque réel et personnel.

5.9Le refus du Tribunal administratif fédéral d’appliquer l’effet suspensif dans ces circonstances a exposé le requérant à un risque de violation de ses droits en vertu de l’article 3 de la Convention, et a rendu son appel inefficace en ce qui concernait l’évitement de la réalisation de ce risque. Le Comité a considéré l’application de l’effet suspensif comme l’une des garanties procédurales nécessaires dans les procédures nationales d’expulsion. Le refus du Tribunal de l’appliquer constitue un manquement aux obligations procédurales inhérentes à l’article 3 de la Convention.

5.10Sur le fond, le requérant rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle, lorsqu’un requérant a établi prima facie une violation de l’article 3 de la Convention, l’État partie a l’obligation d’entreprendre un examen « efficace, indépendant et impartial » de son récit. Au cours de la procédure interne, le requérant a présenté des témoignages détaillés, des preuves documentaires et des informations sur la situation au Zimbabwe.

5.11Le requérant fait valoir qu’il avait satisfait à l’exigence consistant à établir prima facie une violation de l’article 3 de la Convention en cas d’expulsion, et qu’il l’a fait au mieux de ses capacités. Les éléments de preuve qu’il a présentés portent, d’une part, sur la situation générale au Zimbabwe et, d’autre part, sur sa situation personnelle, y compris les actes de harcèlement et les agressions physiques dont il a souffert, et le fait que les autorités zimbabwéennes le recherchaient activement. En outre, concernant la mise en doute de la crédibilité de son témoignage et de l’authenticité des preuves documentaires, le requérant renvoie à son deuxième recours du 20 décembre 2019, dans lequel il a réfuté chacun des points soulevés par les autorités suisses.

5.12Le requérant soutient que la charge de la preuve a été transférée aux autorités suisses, qui doivent procéder à un examen rigoureux de sa demande, exigence qu’elles n’ont pas respectée. En adoptant une procédure accélérée à juge unique en vertu de l’article 111 de la loi sur l’asile, une disposition destinée à traiter les pourvois manifestement non fondés, le Tribunal administratif fédéral n’a pas procédé à un examen « efficace, indépendant et impartial ». Dans les deux appels, le Tribunal n’a appliqué qu’une évaluation précoce et sommaire pour déterminer l’issue probable de la procédure, une procédure spécifiquement prévue à l’article 111a (par. 2) de la loi sur l’asile, qui stipule que « [l]e prononcé sur recours au sens de l’article 111 n’est motivé que sommairement ».

5.13Le requérant rappelle que le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté d’emblée toutes les preuves documentaires qu’il a présentées, y compris : a) la demande de renvoi démontrant qu’il était recherché par la police zimbabwéenne, considérant qu’il s’agissait d’un document qui pouvait facilement être falsifié (« l’autorité relève en premier lieu que dans la mesure où ils sont aisément falsifiables, de tels documents ne revêtent qu’une valeur probante restreinte, voire nulle ») ; b) le dossier médical démontrant qu’il avait été agressé, celui-ci ne montrant pas à première vue que l’attaque était liée à un motif politique (« celle-ci n’apporte aucunement la preuve de votre prétendue agression liée à vos motifs d’asile car elle ne mentionne qu’un arrêt de travail de trois jours ») ; et c) l’article de journal sur l’agression de son ancien employeur, M. Dube, en audience publique, parce qu’il n’y aurait eu aucun lien avec sa demande d’asile (« il fait uniquement état d’un incident qui ne vous concerne pas »).

5.14Plus tard, lors d’un réexamen, le requérant a présenté de nouveaux éléments de preuve sous la forme d’une lettre détaillée de M. Dube, que le Secrétariat d’État aux migrations a également rejetée d’emblée comme un document égoïste (« écrit de complaisance ») à faible valeur probante (« le témoignage de l’employeur de l’intéressé […] produit sous cet angle n’a qu’une valeur probante très réduite et la crédibilité des faits dont il y est fait état est fortement sujette à caution ».). M. Dube est un éminent député de l’opposition au Zimbabwe. Il a confirmé que le requérant avait travaillé sur des affaires politiques et sensibles dans son cabinet d’avocats, l’amenant à être directement ciblé par des autorités et à subir une agression physique. Selon le Tribunal administratif fédéral, la lettre de M. Dube démontre au mieux le contraire de ce que le requérant fait valoir, à savoir que M. Dube, en raison de son statut très médiatisé au Zimbabwe en tant que membre du Parlement de l’opposition, au sein du Mouvement pour le changement démocratique, est beaucoup plus à même de subir des actes de persécution de la part du Gouvernement zimbabwéen que le requérant lui-même. Le requérant soutient que cet argument est fondamentalement erroné, parce que c’est précisément le statut très médiatisé de M. Dube qui le protège des représailles par le Gouvernement. Si le Tribunal n’avait pas rejeté l’appel du requérant dans le cadre d’une procédure sommaire, il aurait pu démontrer que bon nombre des victimes d’enlèvements et de tortures au Zimbabwe sont en fait de jeunes militants politiques et de jeunes professionnels, parce qu’ils constituent une cible plus facile et moins « coûteuse » pour le régime en termes de potentielles retombées publiques.

5.15Dans sa demande de réexamen et son appel subséquent, le requérant a précisément demandé au Secrétariat d’État aux migrations et au Tribunal administratif fédéral de prendre des mesures pour vérifier s’il était connu des autorités zimbabwéennes et authentifier la demande de renvoi. Le Tribunal n’a pris aucune mesure de ce type. En appel devant le Tribunal, le requérant a réitéré cette demande en citant la jurisprudence du Tribunal à l’appui de sa requête d’enquête de l’ambassade de Suisse à Harare pour authentifier le document, une procédure que le Tribunal a utilisée dans d’autres cas où la demande de protection reposait en partie sur l’authenticité de certains documents clefs. La demande du requérant a de nouveau été ignorée.

5.16En rejetant tous les éléments de preuve documentaires présentés par le requérant sans prendre de mesures raisonnables pour les authentifier, l’État partie a violé les droits procéduraux du requérant au titre de l’article 3 de la Convention. Cette situation est analogue à celle de l’affaire M. G. c. Suisse. Le requérant conclut donc que les autorités suisses ont exercé une mauvaise appréciation des faits qui a conduit à une violation du droit. Il soutient que son renvoi violerait les articles 3 et 16 de la Convention.

Observations complémentaires de l’État partie

6.Le 2 août 2022, l’État partie a fait valoir qu’il n’avait pas d’autres observations à formuler.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité doit déterminer si celle-ci est recevable au regard de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 22 (par. 5 a)) de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité rappelle que, conformément à l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention, il ne peut examiner aucune requête émanant d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donnent, à l’issue d’un procès équitable, satisfaction à la victime présumée.

7.3Le Comité note qu’en l’espèce, l’État partie conteste la recevabilité de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes. L’État partie fait valoir que le requérant n’a pas démontré que le recours au Tribunal administratif fédéral contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations sur la demande de réexamen aurait été inefficace, que l’avance de frais demandée l’aurait empêché d’épuiser ce recours, ni qu’il a fait preuve de diligence pour épuiser le recours ouvert. Le Comité note l’argument du requérant selon lequel après l’arrêt définitif du Tribunal daté du 27 septembre 2019, confirmant le rejet par le Secrétariat d’État de sa demande d’asile en Suisse le 30 août 2019, il a déposé, le 13 novembre 2019, une demande de réexamen accompagnée d’une demande d’effet suspensif auprès du Secrétariat d’État. Le Comité observe que ce dernier a rejeté la demande de réexamen du requérant le 20 novembre 2019. Le requérant allègue qu’un recours au Tribunal contre cette dernière décision du Secrétariat d’État ne constituerait pas un recours effectif, car l’effet suspensif n’est pas automatique, une demande de réexamen est un recours discrétionnaire, et l’évaluation de ses allégations par le Tribunal a été sommaire, sans décision motivée. Dans la mesure où tant le Secrétariat d’État que le Tribunal ont rejeté sa deuxième demande, le requérant maintient qu’il a également épuisé cette mesure corrective. Le Comité note aussi l’argument du requérant selon lequel il aurait risqué d’être renvoyé au Zimbabwe pendant la procédure extraordinaire de réexamen ou de révision dans la mesure où, dans sa décision incidente du 9 janvier 2020, le Tribunal avait refusé de l’autoriser à demeurer en Suisse pendant la suite de la procédure, et sa demande d’assistance judiciaire gratuite était rejetée. Le Comité note également que le requérant estime : a) qu’il se trouve dans une situation d’indigence, puisqu’il n’est pas autorisé à travailler ; b) que cette situation l’a empêché de couvrir les frais de procédure ; c) qu’il a demandé au Tribunal de renoncer aux frais sur cette base ; et d) que l’exigence d’avance de frais de 1 500 francs suisses l’a privé d’accéder à l’examen approfondi et diligent de son dossier par le Tribunal sur un recours contre la décision du Secrétariat d’État rejetant sa demande de réexamen.

7.4Le Comité considère que, dans les circonstances personnelles du requérant, l’ensemble des arguments et des moyens de preuve du requérant à l’encontre de la décision du Secrétariat d’État aux migrations sur la demande de réexamen n’a fait l’objet que d’une appréciation anticipée et sommaire par le Tribunal administratif fédéral pour déterminer quelle serait l’issue vraisemblable de la procédure, sans qu’un examen effectif de son recours ait été effectué. De plus, le Comité rappelle que la responsabilité mise à la charge du requérant de payer la somme de 1 500 francs suisses afin que son recours au Tribunal soit recevable était inéquitable. Cette constatation émane du fait que le requérant est indigent, qu’il n’est pas autorisé à travailler sur le territoire de l’État partie et que l’assistance qu’il reçoit s’élève à 300 francs suisses par mois. Il semble dès lors difficile de refuser au requérant la possibilité de s’adresser à la justice sur des considérations financières alors que sa situation financière est précaire. Ce recours n’était donc pas disponible pour le requérant.

7.5Dans ces circonstances, le Comité conclut que l’exception d’irrecevabilité pour non‑épuisement des voies de recours internes ne peut être retenue dans le cas présent. En l’absence de toute autre question relative à la recevabilité de la requête, le Comité la déclare recevable, étant donné qu’elle soulève des questions au titre des articles 3 et 16 de la Convention et que les faits et la base des demandes du requérant ont été dûment étayés, et procède à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 22 (par. 4) de la Convention, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant vers le Zimbabwe constituerait une violation de l’obligation incombant à l’État partie au titre des articles 3 et 16 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

8.3Le Comité doit apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture en cas de renvoi au Zimbabwe. Pour ce faire, conformément à l’article 3 (par. 2) de la Convention, il doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence éventuelle d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour établir qu’une personne donnée risquerait d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. Inversement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

8.4Le Comité rappelle son observation générale no 4 (2017), selon laquelle, premièrement, l’obligation de non-refoulement existe chaque fois qu’il y a des « motifs sérieux » de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture dans l’État vers lequel elle doit être expulsée, que ce soit à titre individuel ou en tant que membre d’un groupe susceptible d’être torturé dans l’État de destination, et, deuxièmement, le Comité a pour pratique de déterminer qu’il existe des « motifs sérieux » chaque fois que le risque est « prévisible, personnel, actuel et réel ». Il rappelle également qu’il incombe au requérant de présenter des arguments défendables, c’est-à-dire des arguments circonstanciés montrant que le risque d’être soumis à la torture est prévisible, personnel, actuel et réel. Toutefois, lorsque le requérant se trouve dans une situation où il ne peut pas donner de détails sur son cas, la charge de la preuve est renversée et il incombe à l’État partie concerné d’enquêter sur les allégations et de vérifier les informations sur lesquelles est fondée la communication. Le Comité accorde un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie ; toutefois, il n’est pas lié par ces conclusions et il apprécie librement les informations dont il dispose, conformément à l’article 22 (par. 4) de la Convention, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes pour chaque cas.

8.5En l’espèce, le Comité prend note de l’argument du requérant selon lequel, en cas de renvoi vers le Zimbabwe, il serait considéré comme opposant pour avoir représenté, en tant qu’avocat, des victimes de violences par l’État et des membres du Mouvement pour le changement démocratique, ce qui augmente le risque car il a été agressé physiquement et a été recherché par les autorités le 2 août 2019.

8.6Le Comité note la conclusion de l’État partie selon laquelle rien n’indique qu’il existe des motifs sérieux de craindre que le requérant serait exposé concrètement et personnellement à la torture en cas de retour au Zimbabwe, et que ses allégations et moyens de preuve ont été jugés invraisemblables et non crédibles. Le Comité note toutefois que l’État partie admet, par exemple, qu’il y a un risque limité pour des défenseurs des droits humains, et que les détenus sont vulnérables aux violations des droits humains, notamment à la torture, car les procédures et les garanties juridiques, telles que l’accès aux membres de leur famille, aux avocats et aux médecins, leur sont refusées. Néanmoins, selon l’État partie, il n’existe pas au Zimbabwe un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives.

8.7Dans ce contexte, le Comité prend note du déroulement de la procédure de demande d’asile du requérant devant les autorités suisses. Il note les incohérences et contradictions présumées des propos et communications du requérant sur lesquelles l’État partie a attiré l’attention. Le Comité observe toutefois que le requérant fait valoir des vices procéduraux, dans la mesure où : a) ni le Secrétariat d’État aux migrations ni le Tribunal administratif fédéral n’auraient donné suite à sa demande de vérifier l’authenticité du mandat d’arrêt du 2 août 2019 ; b) les autorités suisses ont appuyé leur raisonnement sur la contestation de l’authenticité des documents produits par le requérant sans que des mesures soient prises pour en vérifier l’authenticité ; c) le Tribunal a refusé un effet suspensif aux deux appels du requérant (en appel direct et en appel en réexamen) ; et d) le Tribunal a décidé le 9 janvier 2020, après un examen anticipé et sommaire du bien-fondé de l’appel, de rejeter la demande de dispense d’avance de frais et la demande d’aide juridique pour engager un avocat, sans prendre en compte de nouveaux éléments de preuve. À cet égard, le Comité rappelle que le droit à un recours utile que contient l’article 3 de la Convention exige, dans ce contexte, qu’il soit possible de procéder à un examen effectif, indépendant et impartial de la décision d’expulsion ou de renvoi, une fois la décision prise, si l’on est en présence d’une allégation plausible mettant en cause le respect de l’article 3. En l’espèce, l’État partie n’a pas donné la possibilité au requérant de démontrer les risques qu’il courrait en cas de retour forcé au Zimbabwe. Le Tribunal a procédé sur la deuxième reprise seulement à une appréciation anticipée et sommaire des arguments du requérant, sur la base d’une remise en question de l’authenticité des documents fournis, mais sans prendre de mesures pour vérifier celle-ci. En outre, l’exigence des frais de procédure, alors que le requérant se trouvait dans une situation financière précaire, l’a privé de la possibilité de s’adresser à la justice afin de voir son recours examiné par les juges du Tribunal. Par conséquent, en l’espèce, au vu des renseignements dont il dispose, le Comité conclut que l’absence d’un examen effectif, indépendant et impartial de la décision du Secrétariat d’État d’expulser le requérant constitue un manquement à l’obligation de procédure d’assurer l’examen effectif, indépendant et impartial requis par l’article 3 de la Convention.

9.Compte tenu de ce qui précède, le Comité, agissant en vertu de l’article 22 (par. 7) de la Convention, conclut que le renvoi du requérant au Zimbabwe constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Ayant conclu à une violation de l’article 3 de la Convention en cas de renvoi du requérant, le Comité n’estime pas nécessaire d’examiner le grief de violation de l’article 16 de la Convention.

10.Le Comité estime que l’État partie est tenu par l’article 3 de la Convention d’examiner le recours du requérant au regard de ses obligations en vertu de la Convention et des présentes constatations. L’État partie est également prié de ne pas expulser le requérant tant que sa demande d’asile sera à l’examen.

11.Conformément à l’article 118 (par. 5) de son règlement intérieur, le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner suite aux observations ci-dessus.