Nations Unies

CCPR/C/YEM/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 avril 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme 104 e sessionNew York, 12-30 mars 2012

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Yémen

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/YEM/5) à ses 2868e et 2869e séances (CCPR/C/SR.2868 et 2869), les 14 et 15 mars 2012. À ses 2886e et 2887e séances (CCPR/C/SR.2886 et 2887), les 27 et 28 mars 2012, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission dans les délais prescrits du cinquième rapport périodique du Yémen et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer son dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période couverte par le rapport pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité regrette de ne pas avoir reçu de réponses écrites à la liste des points à traiter mais sait gré à la délégation de s’être montrée disposée à répondre aux préoccupations et aux questions des membres.

3.Le Comité note que le Yémen traverse actuellement une période d’instabilité et d’insécurité politiques qui se sont aggravées en février 2011. Il accueille donc avec satisfaction l’achèvement de l’initiative du Conseil de coopération du Golfe qui visait à rétablir la légalité et à engager des réformes législatives et politiques.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction l’annonce de l’ouverture d’un bureau au Yémen du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et espère que l’État partie permettra au Haut-Commissariat de s’acquitter de toutes les fonctions prévues dans son mandat, notamment de la surveillance du respect des droits de l’homme et de la conduite d’enquêtes.

5.Le Comité salue les efforts que l’État partie continue de déployer pour répondre aux besoins de l’afflux de migrants provenant principalement de la corne de l’Afrique et la protection et l’assistance qu’il s’est engagé à offrir aux personnes déplacées à l’intérieur du pays à la suite de la sixième guerre dans les gouvernorats du nord.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité note que l’État partie a la volonté de faire cesser le cycle de violence et de répression que le pays a connu au cours des quelques dernières années mais il craint que certains des mécanismes prévus pour atteindre cet objectif, même s’ils font partie d’un règlement plus large négocié à l’échelon international, ne soient pas compatibles avec les obligations qui découlent du Pacte. Le Comité est préoccupé en particulier par l’adoption le 21 janvier 2012 de la loi d’amnistie qui accorde une amnistie générale à l’ancien Président Saleh et «l’immunité de poursuites pour tous les crimes politiques à l’exception des actes de terrorisme» à tous ceux qui ont servi le régime de l’ancien Président pendant trente-trois ans (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait abroger la loi d’amnistie n o  1 de 2012 et respecter le droit international des droits de l’homme qui interdit d’accorder l’immunité aux responsables de violations graves de s droits de l’homme dont les États sont tenus de traduire les responsables en justice.

7.Le Comité note que, comme l’a affirmé la délégation pendant le dialogue, l’État partie s’est engagé à mettre en place une institution nationale des droits de l’homme dans la première année de la période de transition, mais il relève que cet engagement avait déjà été exprimé dans le dernier rapport périodique de l’État partie et n’avait pas été concrétisé (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place une institution nationale des droits de l’homme selon les disposi tions des principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Le Comité engage l’État partie à faire appel à l’ assistance du Haut ‑ Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour mettre en place ce mécanisme.

8.Le Comité comprend que l’État partie doive prendre des mesures pour lutter contre les actes de terrorisme, notamment élaborer des textes législatifs appropriés pour punir de tels actes, mais il regrette l’incidence, dont il reste à évaluer la portée, que la multiplication de ces mesures a eue sur l’exercice des droits consacrés dans le Pacte (art. 2).

L’État partie devrait rassembler des données sur la mise en œuvre des lois antiterroristes et montrer comment l’exercice des droits consacré s par le Pacte s’en trouve touché. Il devrait faire en sorte que la législation nationale non seulement définisse les infractions terroristes en fonction de leur objet mais aussi définisse la nature de ces actes avec suffisamment de précision pour permettre aux particuliers de régler leur conduite en conséquence et veiller à ce que cette législation n’impose pas de restriction injustifiée à l’exercice des droits consacrés par le Pacte.

9.Le Comité regrette l’inertie de l’État partie dans les questions liées aux pratiques discriminatoires à l’encontre des femmes et la persistance de la violence au foyer. Il est particulièrement inquiet d’entendre la délégation répondre que les mutilations génitales féminines constituent une pratique traditionnelle qu’il est difficile d’éliminer et qui n’est toujours pas interdite. Le Comité regrette aussi que la délégation ait déclaré que le viol conjugal n’existe pas et que la réponse apportée face à la violence au foyer consiste simplement à offrir aux victimes un refuge provisoire. Aucune attention n’a été accordée à la question de l’incrimination de ces pratiques, des poursuites pénales à engager contre les auteurs présumés et de leur condamnation s’ils sont reconnus coupables (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

Conformément aux précédentes observations finales du Comité (CCPR/CO/84/YEM, par. 11 et 12), l’État partie devrait intensifier ses efforts pour mettre fin aux traditions et aux coutumes qui sont discriminatoires et contraires à l’article 7 du Pacte, comme les mutilations génitales. Il devrait s’employer davantage à sensibiliser l’opinion à la question des mutilations génitales féminines, en particulier dans les communautés où cette pratique est encore très répandue. Il devrait faire de cette pratique une infraction pénale et veiller à ce que les personnes qui pratiquent les mutilations soient traduites en justice. L’État partie devrait établir l’incrimination du viol conjugal et d’autres formes de violence au foyer , de façon que des poursuites soient engagées contre les responsables présumés de telles infractions et que ceux-ci soient condamnés à une peine en rapport avec la nature de l’infraction commise. Il devrait promouvoir une culture des droits de l’homme dans la société et une meilleure connaissance des droits des femmes, en particulier du droit à l’intégrité physique. L’État partie doit aussi prendre des mesures plus efficaces pour prévenir et réprimer la violence au foyer et pour apporter une assistance aux victimes.

10.Le Comité regrette qu’il n’y ait pas eu de progrès sur la voie de l’abrogation de toutes les dispositions discriminatoires comme celles qui figurent dans la loi sur le statut personnel et dans le Code pénal. Il note en particulier avec préoccupation qu’un âge minimum pour le mariage n’a toujours pas été fixé et que cette idée se heurte à une grande résistance au Parlement. Le Comité est également préoccupé par le caractère discriminatoire de l’article 23 de la loi sur le statut personnel qui dispose qu’en ce qui concerne le mariage le «silence d’une vierge» vaut consentement. S’il donne acte à l’État partie d’avoir annoncé des actions en vue d’éradiquer la pratique du mariage temporaire, il demeure préoccupé par le maintien en vigueur de cette pratique qui vise à soumettre les jeunes filles à l’exploitation sexuelle. Il note que l’État partie n’a toujours pas abrogé les textes législatifs qui prévoient des peines atténuées pour les hommes accusés de crimes d’honneur. Enfin il regrette que l’État partie n’ait donné effet à aucune des recommandations qu’il avait formulées en 2002 et en 2005 en ce qui concerne la discrimination à l’égard des femmes, en particulier la nécessité d’éradiquer la polygamie (art. 3, 7, 8, 17 et 26).

Conformément à ses observations finales pr écédentes (CCPR/CO/84/YEM, par.  9; CCPR/CO/75/YEM, par. 7 à 11), le Comité engage instamment l’État partie à assurer l’égalité des hommes et des femmes dans l’exercice de tous les droits consacrés par le Pacte, ce qui exige l’abrogation de toutes les dispositions discriminatoires relatives au mariage, au divorce, au témoignage et à l’héritage. À ce t effet , l’État partie devrait notamment : a) fixer un âge minimum du mariage qui soit conforme aux normes internationales; b) abroger l’article 23 de la loi sur le statut personnel; c) supprimer la pratique du mariage temporaire qui vise à l’exploitation sexuelle des enfants; d) faire en sorte que les crimes d’honneur emportent une peine en rapport avec leur gravité. L’État partie devrait lancer des campagnes officielles et systématiques de sensibilisation afin d’éradiquer la polygamie, qui est une forme de discrimination à l’égard des femmes.

11.Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement s’est engagé à apporter une modification à la Constitution prévoyant l’introduction de quotas pour les femmes dans l’administration mais il constate avec préoccupation que les femmes sont toujours sous-représentées dans le secteur public et le secteur privé, en particulier aux postes de décision et que le Parlement actuel se montre peu enclin à faire que la situation change. Le Comité est préoccupé en outre par le taux très élevé d’analphabétisme chez les femmes et les filles, ce qui constitue un obstacle à l’exercice de tous les droits fondamentaux (art. 2, 3 et 26).

Conformément à s es précédentes observations finales (CCPR/CO/84/YEM, p ar.  8 et 10) , le Comité engage instamment l’État partie à prendre des mesures pour préserver les acquis obtenus par les femmes dans le contexte des manifestations pacifiques de 2011 en ce qui concerne la participation à la vie publique, et de concrétiser ces avancées de façon durable notamment en apportant une modification à la Constitution qui prévoie l’introduction de quotas pour les femmes dans l’administration. L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures concrètes pour garantir l’accès des femmes et des filles à l’alphabétisation et à l’enseignement.

12.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant une discrimination et une marginalisation persistantes de certains groupes minoritaires comme la communauté akhdam, dont les membres sont analphabètes à 80 % et vivent dans la plus grande pauvreté, et n’ont pas un accès suffisant aux soins de santé, à l’eau et à d’autres services essentiels. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que, pendant les troubles de 2011, la communauté akhdam a subi des actes d’agression et d’intimidation, qui n’auraient pas donné lieu à ce jour à des enquêtes ni des poursuites (art.2, 7 et 26).

L’État partie devrait veiller à ce que tous les membres des minorités ethniques, religieuses et linguistiques bénéficient d’une protection réelle contre la discrimination et soient en mesure de jouir de leur propre culture et d’avoir en toute égalité accès à l’enseignement, à la santé et aux services publics. Les victimes de discrimination devraient bénéficier de recours utiles et de réparation, notamment d’une indemnisation.

13.Le Comité relève avec préoccupation que la législation yéménite prévoit toujours l’incrimination d’homosexualité, qui emporte la peine de mort (art.2, 6 et 26).

L’État partie devrait abroger ou modifier toutes les lois qui prévoient des poursuites et une condamnation en raison de l’orientation sexuelle ou qui peuvent avoir ce résultat.

14.Le Comité est toujours préoccupé de constater que les infractions emportant la peine de mort ne sont pas compatibles avec les prescriptions du Pacte. Il s’inquiète également de ce que la loi permet de facto l’application de la peine de mort à des personnes qui n’avaient pas 18 ans au moment des faits. Le Comité est également gravement préoccupé d’apprendre qu’il est proposé d’apporter au Code pénal une modification qui permettrait aussi de prononcer la peine de mort contre des enfants. Il relève avec préoccupation que des méthodes d’exécution cruelles, comme la lapidation, sont toujours légales au Yémen (art.6 et 7).

Conformément aux observations finales précédentes du Comité (CCPR/CO/84/YEM, par. 15), l’État partie doit réviser sa législation relative à la peine de mort de façon qu’elle ne soit appliquée que dans le strict respect des prescriptions de l’article 6 du Pacte, qui limite les circonstances susceptibles de justifier la peine capitale, et garantit le droit de tout condamné à mort à solliciter la grâce. L’État partie devrait respecter les dispositions du paragraphe 5 de l’article 6 du Pacte qui interdisent de prononcer une sentence de mort pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans. Le Comité rappelle en outre qu’une condamnation à mort prononcée à l’issue d’un procès inéquitable qui s’est déroulé en violation des dispositions de l’article 14 du Pacte constitue une violation de l’article 6 du Pacte. L’État partie devrait abroger officiellement la condamnation à mort par lapidation et l’exécution de cette peine. Enfin il devrait envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

15.Le Comité s’inquiète des informations faisant état d’un usage excessif et disproportionné de la force meurtrière, de la torture, des détentions arbitraires et des menaces visant des civils qui ont participé aux manifestations pacifiques organisées en 2011 pour demander un changement politique et démocratique. Il note qu’il a reçu des informations dénonçant les mêmes pratiques dans le cas des troubles qui se sont produits dans le sud et dans le nord du pays ainsi que dans le contexte de la lutte contre le terrorisme (art.2, 6 et 7).

L’État partie devrait ouvrir une enquête indépendante et transparente, répondant aux normes internationales, sur tous les cas dans lesquels est dénoncée la participation de membres des forces de l’ordre et des forces de sécurité aux meurtres de civils, à l’utilisation excessive de la force, à la détention arbitraire ainsi qu’à des disparitions forcées, des tortures et des mauvais traitements, que ce soit dans le contexte des troubles de 2011 ou des troubles dans le sud, du conflit dans le nord et de la lutte contre la présence d’ Al-Qaida sur le territoire. De plus, l’État partie devrait faire ouvrir des poursuites pénales contre les auteurs présumés de tels actes, condamner ceux qui sont reconnus coupables et offrir une réparation aux victimes, y compris sous la forme d’une indemnisation adéquate.

16.Le Comité n’ignore pas les difficultés que l’État partie connaît actuellement pour rétablir et maintenir l’ordre public sur son territoire. Il note que l’armée est divisée en factions et que la cohésion entre les forces de sécurité et leur contrôle total restent encore à rétablir. À ce sujet, le Comité s’inquiète du nombre croissant de forces de sécurité dont les pouvoirs et la hiérarchie restent obscures. Il note également avec préoccupation que des acteurs publics et privés dans tout le pays possèdent des quantités importantes d’armes et qu’il n’y a pas de contrôle adéquat du stockage et de la distribution de ces armes (art.2 et9).

Reconnaissant que le rétablissement de l’ordre public est une condition préalable à l’exercice de tous les droits consacrés par le Pacte, le Comité encourage vivement l’État partie à assurer la subordination complète des forces de sécurité au pouvoir civil et à entreprendre une réforme complète de l’appareil de sécurité, y compris les forces armées. Le Comité demande instamment que le mandat et les fonctions de chaque organe de sécurité soient clairement définis de façon à bannir les arrestations et les détentions illégales. L’État partie devrait investir dans la formation aux droits de l’homme des membres des forces de sécurité, conformément aux normes internationales. Il devrait également travailler en coopération avec la communauté internationale à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un programme effectif de désarmement, de démobilisation et de réintégration des acteurs extérieurs à l’État, comportant notamment la collecte, le contrôle, le stockage et la destruction des armes qui ne sont pas nécessaires.

17.Le Comité est préoccupé par l’état de l’appareil judiciaire, qui souffre d’une corruption endémique. Il est également préoccupé par l’existence d’organes juridictionnels spéciaux, comme la Cour pénale spécialisée, qui sont incompatibles avec les garanties énoncées à l’article 14 du Pacte (art.2, 14 et 26).

L’État partie devrait procéder à une réforme complète et approfondie de son appareil judiciaire de façon à en garantir l’indépendance et le bon fonctionnement. Il devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la corruption en ouvrant sans délai des enquêtes approfondies sur tous les cas où il y a soupçon de corruption. S’il est établi qu’il y a eu corruption, des sanctions pénales et non pas seulement disciplinaires devraient être prononcées. L’État partie devrait également s’attacher davantage à la formation des juges et des procureurs. De plus tous les organes juridictionnels d’exception, comme la Cour pénale spécialisée, devraient être supprimés afin de garantir que tous les prévenus, quelle que soit leur situation , bénéficient des garanties prévues à l’article 14 du Pacte.

18.Le Comité souligne avec préoccupation que l’absence d’un appareil judiciaire indépendant et efficace a une incidence sur les dysfonctionnements du système pénitentiaire. Il est particulièrement préoccupé par la surpopulation dans les centres de détention, l’absence de mécanismes de surveillance pour superviser les lieux de détention et l’absence de contrôle du nombre de personnes privées de liberté. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des femmes seraient maintenues en détention après avoir exécuté leur peine (art.2, 3, 9, 10 et 26).

L’État partie devrait garantir que le maintien en détention de toutes les personnes privées de liberté soit réexaminé par un juge comme l’exige l’article 9 du Pacte. Les juges et les procureurs devraient exercer une surveillance de tous les lieux de privation de liberté et veiller à ce que nul n’y soit détenu illégalement. L’État partie devrait remettre en liberté les femmes qui ont exécuté leur peine et leur procurer des refuges adéquats si nécessaire.

19.Le Comité relève avec préoccupation que la législation nationale ne comporte pas une définition complète de la torture comprenant tous les actes interdits à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est particulièrement préoccupé par le fait que la définition donnée dans la Constitution interdit la torture uniquement comme moyen d’obtenir des aveux pendant l’arrestation, l’enquête, la détention et l’emprisonnement et que les peines prévues ne s’appliquent pas aux complices. Le Comité s’inquiète également de ce que la législation nationale prévoit des délais de prescription pour les infractions comportant des actes de torture. Il est préoccupé aussi par les informations indiquant que des aveux obtenus par la force continuent d’être utilisés comme preuve dans des procédures judiciaires alors que cette pratique est illégale (art.2, 7 et 14).

L’État partie devrait retenir une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il devrait également faire en sorte que la loi contienne des dispositions adéquates pour permettre de poursuivre et de condamner les auteurs et les complices de tels actes, en rapport avec leur gravité. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que les aveux obtenus par la torture ou la contrainte soient dans tous les cas irrecevables devant les tribunaux, conformément à sa législation et à l’article 14 du Pacte.

20.Le Comité est préoccupé par le fait que les châtiments corporels, c’est-à-dire la flagellation, l’amputation et la lapidation, sont prévus par la loi comme forme de sanction pénale. Il est également préoccupé par les informations indiquant que les châtiments corporels sont appliqués aux enfants en dehors de la sphère judiciaire, comme dans la famille et à l’école (art. 6, 7 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire cesser la pratique des châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager l’utilisation de moyens de discipline non violents à la place des châtiments corporels et devrait mener des campagnes d’information pour sensibiliser la population aux effets préjudiciables des châtiments corporels.

21.Si le Comité apprécie les efforts déployés par l’État partie pour répondre à l’afflux massif de migrants, en particulier en provenance de la corne de l’Afrique, il est préoccupé par le fait que la même attention ne soit pas portée au traitement des réfugiés non somaliens qui recherchent une protection. Les migrants de la corne de l’Afrique reçoivent d’emblée le statut de réfugié alors que les autres sont considérés systématiquement comme des immigrants illégaux et sont placés dans des centres de détention (par. 2, 7 et 26).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour que la procédure de détermination du statut de réfugié et toutes les procédures d’asile soient adéquates pour les migrants de toutes nationalités. Les demandeurs d’asile et les réfugiés ne devraient pas être détenus dans des conditions pénales.

22.Le Comité est préoccupé par le sort des personnes déplacées à l’intérieur du pays, dont le nombre est estimé à 400 000, plus de la moitié à la suite des conflits précédents avec les Houthis dans le nord. Il est particulièrement préoccupé par les informations indiquant que des personnes déplacées auraient été l’objet d’attaques, en particulier dans le sud du pays, dans la région d’Abyan (art. 2, 7 et 26).

L’État partie devrait assurer la protection de tous ceux qui ont été touchés par le conflit préexista nt ainsi que de ceux qui ont fui à cause des troubles de 2011. Il devrait en particulier augmenter ses capacités pour répondre aux multiples besoins de protection des personnes déplacées, par exemple en adoptant le projet de stratégie de 2010 sur les personnes déplacées à l’intérieur des frontières du Yémen, et s’efforcer de trouver une solution durable pour mettre fin aux déplacements.

23.Le Comité est gravement préoccupé par des informations révélant l’utilisation d’enfants, c’est-à-dire de mineurs de 18 ans, dans les effectifs armés chargés de la surveillance des postes de contrôle militaires et de la protection des protestataires pendant les troubles de 2011 (art. 6 et 24).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire l’emploi d’enfants soldats, conformément à l’article 24 du Pacte et aux obligations qu’il a contractées en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant. À cette fin, l’État partie devrait mettre en place un mécanisme fiable, prévoyant notamment que toute personne qui souhaite s ’engager dans les forces armées présente un certificat de naissance afin que son âge puisse être déterminé avec précision. L’ emploi d’enfants armés aux postes de co ntrôle et pour la protection de manifestants devrait être strictement interdit .

24.Le Comité a reçu des renseignements inquiétants faisant état d’actes violents perpétrés par des acteurs non étatiques pendant le conflit qui sévit depuis longtemps ainsi que pendant les troubles récents de 2011. Il est aussi préoccupé par d’autres renseignements qui confirment l’existence de centres de détention privés, dirigés par des chefs tribaux ou des groupes d’opposition, et l’utilisation d’enfants soldats par des acteurs non étatiques (par. 2, 6, 7, 9, 10 et 24).

Dans son action visant à rétablir l’ordre public, l’État partie devrait déterminer tous les lieux où des individus pourraient être privés de liberté ou soumis à un traitement contraire aux dispositions du Pacte. Il devrait conduire une enquête complète et approfondie dans tous les cas de décès, d’ arrestation, de détention, de torture et de mauvais traitements imputés à des acteurs non étatiques, engager des poursuites pénales et condamner les responsables. L’État partie devrait prendre toutes les mesures en son pouvoir pour qu’aucun enfant, c’est-à-dire aucun mineur de 18 ans, ne soit recruté, formé ou armé pour combattre.

25.Le Comité est préoccupé par les violations graves de la liberté d’expression de manifestants pacifiques commises pendant les troubles de 2011. Il est particulièrement préoccupé par les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse et la liberté d’expression des journalistes, dont les arrestations massives, les détentions illégales, les menaces pour leur intégrité physique et les exécutions extrajudiciaires. Le Comité s’inquiète également de l’utilisation de la Cour pénale spécialisée pour juger les journalistes ainsi que les prisonniers politiques et les personnes accusées de terrorisme. Le Comité est également préoccupé par la création du Tribunal spécialisé pour la presse et les publications, chargé d’examiner toutes les affaires en cours relatives à l’application de la loi de 1990 sur la presse et les publications, qui porte sérieusement atteinte à la liberté de la presse (art. 2, 9, 6, 7, 14 et19).

L’État partie devrait remettre en liberté tous les journalistes arrêtés à la suite des troubles de 2011. De plus , dans le cadre de l’initiative du Conseil de coopération du Golfe qui vise notamment à engager d’importantes réformes législatives et politiques, l’État partie devrait garantir la liberté d’expression et la liberté de la presse, consacrées par l’article 19 du Pacte et analysées plus avant dans l’Observation générale n o  34 (2011) du Comité relative à la liberté d’opinion et d’expression. L’État partie devrait également mener des enquêtes complètes et approfondies sur les plaintes pour torture, mauvais traitements, menaces et exécutions extrajudiciaires sur les journalistes et toute personne qui n’ont fait qu’exercer leur droit à liberté d’expression, engager des poursuites pénales contre les responsables et assurer aux victimes ou à leur famille une réparation appropriée, y compris sous la forme d’une indemnisation. L’État partie devrait également supprimer le T ribunal spécialisé pour la presse et les publications.

26.Le Comité est préoccupé par les violations continues du droit à la liberté de réunion, spécialement pendant les troubles de 2011. Il s’inquiète en particulier des restrictions imposées par la loi no 29 (2003), que les autorités de l’État partie ont largement utilisée pour faire un usage excessif de la force afin de disperser les rassemblements non autorisés de manifestants (art. 9 et 21).

Dans le cadre de l’initiative du Conseil de coopération du Golfe , l’État partie devrait abroger immédiatement toutes les lois qui imposent des restrictions injustifiées à la liberté de réunion. Toutes les personnes privées de liberté du fait de l’application de ces lois devraient être immédiatement remises en liberté.

27.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction, qui portent sur les dispositions du Pacte.

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

28.L’État partie devrait diffuser largement le Pacte, le texte du cinquième rapport périodique et les présentes observations finales afin de les faire connaître auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi que du grand public. Le Comité demande à l’État partie de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales quand il établira le prochain rapport périodique.

29.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 7, 10, 15 et 21.

30.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devrait lui parvenir avant mars 2015, des renseignements spécifiques et à jour sur toutes ces recommandations et sur le Pacte dans son ensemble.