NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l'enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.679

30 janvier 2001

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 679ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le lundi 15 janvier 2001, à 10 heures

Président : Mme OUEDRAOGO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Égypte

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES(point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Égypte [CRC/C/65/Add.9; HRI/CORE/1/Add.19; CRC/C/Q/EGY/2; CRC/C/A/EGY/2; réponses écrites aux questions posées dans la liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)].

1.Sur l'invitation de la Présidente, Mme Khattab, M. Gabr, M. El-Guindi, Mme Badran et Mme Rakka prennent place à la table du Comité.

2.Mme KHATTAB (Égypte) souligne que des progrès importants ont été accomplis depuis la présentation du rapport initial de l'Égypte, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Au début du mois de janvier, l'Égypte a présenté au Secrétaire général de l'ONU un rapport sur le suivi du Sommet mondial pour les enfants, en prévision de la session extraordinaire de l'Assemblée générale qui doit se tenir en septembre 2001. Les ONG et la société civile ont été associées à l'élaboration de ce rapport, qui représente une évaluation méthodique et objective de la situation des droits de l'enfant en Égypte et vient compléter les informations exposées dans le deuxième rapport périodique.

3.L'Égypte s'emploie actuellement à préparer la session extraordinaire de l'Assemblée générale, notamment avec l'organisation d'une conférence régionale préparatoire de haut niveau pour les pays arabes, prévue au Caire en avril 2001 sous les auspices de la Ligue arabe, et de la réunion de l'OUA sur les enfants africains dans les conflits armés, qui sera également accueillie au Caire, en mai 2001. Cette dernière sera l'occasion d'encourager les États africains qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier la Charte africaine des droits et du bien‑être de l'enfant et de mettre au point un ordre du jour commun aux pays d'Afrique pour la session extraordinaire de l'Assemblée générale.

4.Les résultats obtenus dans le cadre de la première Décennie pour la protection et le développement de l'enfant en Égypte, qui s'est achevée en 1999, ont été examinés avec la participation des enfants eux-mêmes et une deuxième décennie (2000-2010) a été proclamée par le Président de la République qui a notamment préconisé à cette occasion une amélioration des dispositions législatives se rapportant aux enfants et le renforcement des activités menées en faveur des enfants dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la culture.

5.Créé en 1988, le Conseil national pour l'enfance et la maternité (CNEM) mène une action qui a permis des progrès appréciables sur le plan législatif et dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la culture. Le CNEM s'est récemment doté d'un comité consultatif technique, chargé de formuler des politiques. Lors de sa première réunion, tenue en février 2000, celui‑ci a défini une série de priorités, mettant notamment l'accent sur les jeunes délinquants, le travail des enfants, les enfants handicapés et l'aide aux mères démunies et à leurs enfants; il a mis en place des sous‑comités chargés d'étudier ces diverses questions et de proposer des mesures spéciales.

6.Dans toutes ses activités, le CNEM s'est efforcé de renforcer la collaboration avec la société civile et les ONG. Six des 20 membres du Comité consultatif technique sont ainsi des représentants d'ONG. Dans le prolongement d'un atelier sur les partenariats avec les ONG, le CNEM a en outre institué un bureau de liaison avec les ONG. Ces dernières sont associées à la mise en œuvre de divers projets pilotes visant à lutter contre la pauvreté et ses effets funestes sur le bien‑être des enfants et à favoriser le développement de l'enfant aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Un programme élargi pour la formation du personnel travaillant avec les enfants handicapés a de plus été mis sur pied.

7.Répondant aux préoccupations du Comité, le CNEM a engagé des consultations avec des juristes et des chefs religieux sur la question du maintien des réserves relatives aux articles 20 et 21 de la Convention. La charia contient un certain nombre de règles garantissant la protection des enfants privés de leur milieu familial, sous la forme de la kafalah. De l'avis général, les réserves faites par l'Égypte ne sont donc pas incompatibles avec l'objet et le but de la Convention. Outre les difficultés d'ordre culturel et social, leur retrait poserait de nombreux problèmes juridiques ou constitutionnels mais le CNEM entend poursuivre ses consultations et tiendra le Comité informé de leurs résultats.

8.De nombreuses mesures ont été prises en matière d'information et de sensibilisation. Par son action, menée en collaboration avec le Ministère de l'information, le CNEM est parvenu à renforcer et à améliorer le rôle des médias dans les campagnes de sensibilisation aux objectifs et aux dispositions de la Convention. Les ONG jouent également un rôle essentiel dans ce domaine. L'élaboration du rapport présenté au Secrétaire général en prévision de la session extraordinaire a également contribué à faire mieux connaître le Sommet mondial et la Convention. La version en arabe de ce rapport sera d'ailleurs diffusée dans tout le pays.

9.Le Code de l'enfant, promulgué en 1996, interdit toute forme de discrimination entre les enfants égyptiens et stipule que toutes les décisions et procédures concernant des enfants doivent donner la priorité à la protection et à l'intérêt supérieur de l'enfant. La sensibilisation insuffisante de certains groupes constitue néanmoins un obstacle à l'application du principe de non‑discrimination et des efforts particuliers doivent donc être faits pour améliorer la situation à cet égard, notamment promouvoir les droits des fillettes. Dans cette optique, le CNEM a pris diverses mesures tendant à sensibiliser les fonctionnaires des différents ministères, les médias et les responsables locaux. Plusieurs ateliers vont être organisés en Haute‑Égypte, dont un sur les besoins spécifiques des fillettes et un autre sur l'éducation des fillettes. D'autres ateliers du même type seront organisés à travers le pays à l'initiative de la nouvelle unité du CNEM pour les femmes et le développement. Le Gouvernement s'est fixé pour objectif de prendre en compte les besoins des femmes et des fillettes dans toutes les composantes du plan quinquennal afin d'éliminer toute forme de discrimination entre garçons et filles. Il convient à cet égard de signaler la création en mars 2000 du Conseil national pour les femmes ainsi que la création récente du Ministère de la jeunesse, qui remplace le Conseil supérieur de la jeunesse et des sports.

10.Des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine de la santé. La couverture vaccinale n'a cessé d'augmenter au cours des années 90 et, aujourd'hui, environ 93 % des enfants de 2 ans ont reçu toutes les vaccinations nécessaires. Les programmes pour l'élimination de la poliomyélite, la lutte contre les affections respiratoires aiguës, les maladies diarrhéiques, entre autres, ont permis d'améliorer considérablement la santé des enfants et de réduire les taux de mortalité infantile et maternelle. Les mutilations génitales féminines restent un sujet de préoccupation. Le Ministère de la santé et de la population a mis sur pied une stratégie visant à éliminer cette pratique et un décret a été promulgué dans ce sens. Là encore, les activités de sensibilisation jouent un rôle primordial.

11.La scolarisation des enfants et la lutte contre l'analphabétisme restent des priorités pour le Gouvernement qui, en 1990, a mis en route un programme national de réforme de l'enseignement prévoyant notamment une augmentation des fonds alloués à l'enseignement, une révision des programmes scolaires, la construction de nombreuses écoles modernes et l'introduction des technologies de l'information et de la communication à l'école. Grâce aux mesures prises, les taux de scolarisation ont augmenté et l'écart entre garçons et filles s'est réduit au niveau du primaire. De nouvelles formes d'éducation axées sur la communauté, la participation de l'enfant et l'auto‑apprentissage ont donné des résultats très probants dans les zones rurales reculées et défavorisées. Récemment, l'accent a été mis sur l'éducation des enfants en âge préscolaire, l'objectif du Gouvernement étant de parvenir à un taux d'inscription de 60 % d'ici à 2010. En outre, le CNEM met actuellement sur pied une équipe spéciale pour l'éducation des filles, qui collaborera étroitement avec son homologue que les organismes des Nations Unies représentés dans le pays doivent créer. L'importance accordée aux loisirs et aux activités culturelles, consacrée dans la Constitution et divers textes législatifs, s'est traduite par de très nombreux programmes et activités en faveur des enfants, tels que la campagne "lecture pour tous" ou la création de bibliothèques et de clubs.

12.Les autorités égyptiennes ont pour objectif à long terme d'éliminer le travail des enfants, problème étroitement lié à la pauvreté et à l'analphabétisme. Le CNEM a lancé un projet pilote visant à améliorer la qualité de la vie des enfants au travail en leur donnant accès à des services éducatifs, sanitaires et culturels, et une enquête va être menée pour recueillir des données précises sur le travail des enfants. Le Gouvernement a récemment signé un accord avec l'OIT concernant le lancement d'une campagne nationale de sensibilisation aux incidences négatives du travail des enfants et un comité interministériel est chargé de coordonner la lutte contre ce phénomène. Des dispositions juridiques - pleinement conformes aux normes internationales en vigueur - ont été adoptées pour protéger les enfants au travail, notamment contre d'éventuels risques sanitaires. L'Égypte a ratifié les Conventions 138 et 182 de l'OIT et a participé activement aux travaux sur l'élaboration du projet de protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants.

13.M. RABAH constate que de réels progrès ont été accomplis par l'Égypte dans la mise en œuvre de la Convention, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la culture, la santé et la situation des enfants en zone rurale, même s'il ne semble pas exister de mécanisme de coordination entre les nombreux ministères s'occupant de questions liées aux droits de l'enfant et le CNEM.

14.Les autorités envisagent‑elles de lever les réserves formulées au sujet des articles 20 et 21 de la Convention vu que le paragraphe 3 de l'article 20 prévoit que la protection de remplacement à assurer à un enfant privé de son milieu familial peut prendre la forme de la kafalah de droit islamique ?

15.Dans le rapport, il est indiqué que le Ministère des collectivités locales n'a reçu que 71 millions de livres égyptiennes au titre des projets relatifs à la maternité et à l'enfance dans le cadre du quatrième plan quinquennal, ce qui est faible par rapport aux crédits alloués pour ces mêmes activités au Ministère des affaires sociales et au Conseil supérieur de la jeunesse et des sports, par exemple. Comment s'explique cette répartition budgétaire ?

16.Les informations sur le travail des enfants figurant dans le rapport ne semblent pas refléter l'ampleur du problème et la question des enfants des rues de même que celle de la discrimination entre les sexes y sont totalement passées sous silence. Rien ne prouve non plus que l'intérêt supérieur de l'enfant soit dûment pris en considération, par exemple dans le cadre des procédures judiciaires. À cet égard, il est regrettable que l'âge de la responsabilité pénale soit fixé à 7 ans ‑ âge bien trop bas selon le Comité. Est‑il envisagé de modifier cette disposition ? Enfin, est‑il exact que les enfants de mère égyptienne mais de père étranger ne peuvent obtenir la nationalité égyptienne ?

17.M. FULCI prend note avec satisfaction de la qualité du deuxième rapport de l'Égypte, qui complète bien les informations contenues dans le rapport initial et est conforme aux directives du Comité. Les auteurs du rapport auraient toutefois pu faire preuve d'un peu plus d'esprit critique concernant la situation des enfants handicapés, des enfants en zone rurale et des fillettes - encore soumises à un traitement discriminatoire. Il aimerait savoir si les autorités égyptiennes comptent élaborer un plan d'action national pour la promotion et la protection des droits des enfants.

18.Quel crédit faut-il accorder aux allégations selon lesquelles la diffusion de la Convention auprès de la population aurait été essentiellement le fait d'ONG insuffisamment dotées en ressources financières et les conclusions adoptées par le Comité à l'issue de l'examen du rapport initial de l'Égypte n'auraient pas fait l'objet d'un débat public. Enfin, il espère que le Gouvernement fera, à l'avenir, participer plus activement les médias à la diffusion de la Convention auprès de tous les citoyens.

19.Mme KARP se félicite de l'autorisation récemment accordée aux femmes mariées de voyager sans la permission de leur mari, à l'issue de discussions menées entre des juristes et des chefs religieux mais il serait bon également d'accorder aux enfants nés de mère égyptienne et de père étranger le bénéfice de la nationalité égyptienne. En revanche, il est regrettable de ne trouver dans le rapport aucune mention de l'importance qu'il convient d'accorder à l'image que l'enfant a de lui‑même ni de la nécessité pour lui d'être le sujet de sa propre vie.

20.Elle aimerait savoir si le Ministère des finances est représenté au sein du CNEM, quels sont les liens établis entre ce dernier et la Commission pour les femmes - récemment mise en place -, si des dispositions de la Convention ont déjà été invoquées devant les tribunaux et si les autorités procèdent à une analyse des plaintes déposées par des enfants auprès du CNEM en vue d'améliorer les politiques pertinentes.

21.Notant que selon certaines sources, environ 30 % des adolescentes vivant dans les zones rurales sont mariées avant l'âge de 14 ans, alors que l'âge légal du mariage est fixé à 18 ans, elle demande ce qui est entrepris pour faire respecter la loi.

22.Sachant que les enfants ne peuvent témoigner dans les procès au pénal qu'à partir de 14 ans, elle se demande comment procèdent les tribunaux pour tenir compte de l'opinion de l'enfant dans les affaires de violence familiale ou d'inceste. Par ailleurs, quels ont été les résultats de l'étude conduite par le Gouvernement pour connaître les attentes des enfants dans les différentes zones géographiques et quels enseignements en ont été tirés ? Où en sont les discussions sur la création d'un organe de suivi externe de type médiateur ? L'État partie a‑t‑il besoin d'une assistance technique dans ce domaine ?

23.Mme MOKHUANE demande si les notions d'enfance et d'enfant, au sens de la Convention, ont fait l'objet d'une réflexion générale au sein de la population et si le CNEM jouit d'une certaine indépendance par rapport au Gouvernement. Elle salue la ratification par l'Égypte, de la Convention 182 de l'OIT mais s'interroge sur la possibilité de mettre en œuvre ses dispositions, étant donné que le travail des enfants reste un problème très aigu dans le pays. De quelle façon le développement de l'enfant, en particulier de l'enfant handicapé, est‑il pris en considération dans l'élaboration des programmes gouvernementaux ? De quelles stratégies nationales l'Égypte s'est-elle dotée pour assurer le suivi de la Convention dans des domaines comme l'éducation et la santé ?

24.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ aimerait connaître le nombre et la teneur des plaintes déposées à ce jour auprès du CNEM. Ces plaintes sont-elles déposées par les enfants eux‑mêmes et sont‑elles transmises au Procureur lorsque l'affaire est grave ? Des recours sont‑ils possibles ? Elle constate que le CNEM est en outre chargé du suivi et de la coordination de la mise en œuvre de la Convention; son mandat est donc très étendu et l'on peut de plus s'interroger sur l'objectivité d'un organe chargé d'évaluer lui-même l'effet des mesures qu'il a prises. L'État partie n'envisage‑t‑il pas dès lors de créer un organe indépendant chargé du seul suivi ? Au sujet des ONG, il serait utile que la délégation précise s'il faut avoir 21 ans pour créer une ONG ou en être membre et pourquoi on a jugé nécessaire d'adopter une nouvelle loi sur les ONG avant même l'entrée en vigueur de la première loi y relative.

25.M. DOEK note avec satisfaction que la part du budget consacrée au secteur social a augmenté mais demande s'il s'agit d'une hausse nette hors inflation. La délégation pourrait-elle indiquer si l'âge de la majorité en Égypte est fixé à 18 ou à 21 ans vu que les paragraphes 46 et 73 du rapport se contredisent sur ce point.

26.Des sources extérieures ont exprimé leur préoccupation au sujet de deux formes de discrimination : d'une part, l'image des filles et des femmes que renvoient aussi bien les médias que les programmes scolaires n'est pas égalitaire; d'autre part, les enfants de la rue et les enfants travailleurs, déjà privés de leur droit à l'éducation, se voient dénier leur droit aux soins de santé puisque ces soins sont garantis aux seuls enfants scolarisés. Quelle mesure spécifique l'État partie prend‑il pour améliorer la situation dans ces deux domaines ? Enfin, il aimerait que la délégation précise quels critères sont appliqués pour déterminer si un enfant a ou non le droit d'être entendu dans une procédure judiciaire.

27.Mme RILANTONO regrette que trop peu de place ait été réservée à l'autocritique dans le rapport et se demande si cette lacune n'est pas le reflet d'un manque de consultation avec la société civile au stade de l'élaboration du rapport. Elle aimerait avoir davantage d'informations sur le CNEM : quelle est sa composition exacte, quelles ONG y sont représentées, des mécanismes ont-ils été mis en place pour assurer la coordination des programmes au niveau régional ?

28.Sur le fond, le CNEM respecte‑t‑il la perspective holistique de la Convention ? Il serait à ce propos intéressant d'en savoir plus sur le contenu du plan d'action national du CNEM et sur les objectifs assignés à la deuxième Décennie pour la protection et le développement de l'enfant en Égypte.

29.Elle demande si la loi sur les ONG prévoit certaines mesures, l'exemption fiscale par exemple, pour faciliter leurs activités. Enfin, sachant que, selon une étude de 1999, beaucoup d'enfants travailleraient huit heures par jour sans pause déjeuner dans des entreprises de culture du coton, elle demande ce qui est fait concrètement pour inspecter et superviser les conditions de travail des enfants, en particulier dans les entreprises privées.

La séance est suspendue à 11 h 50; elle est reprise à midi.

30.Mme KHATTAB (Égypte) précise que le CNEM est présidé par le Premier Ministre et que sept ministères dont les travaux concernent directement les enfants y sont représentés mais que ce chiffre devrait augmenter car les nouveaux ministères de l'environnement et de la communication et de la technologie devraient y faire prochainement leur entrée. L'organe d'élaboration des politiques du CNEM, à savoir le Comité technique consultatif, se compose d'experts et est présidé par la Première Dame du pays. Des représentants d'ONG et de la société civile peuvent assister à ses débats. La Commission nationale pour les femmes, elle aussi présidée par la Première Dame, est désormais indépendante et compte 30 membres, sa principale compétence étant la promotion et la responsabilisation des femmes. De par leur composition ces instances sont interdisciplinaires et participent donc d'une conception holistique de la Convention.

31.L'évaluation de la première Décennie pour la protection et le développement de l'enfant en Égypte, effectuée en 1999, a fait apparaître que de nouvelles initiatives s'imposaient du fait que certains problèmes, par exemple la persistance des mutilations génitales féminines, ne pouvaient se résoudre en une seule décennie. La période 2000‑2010 a donc été proclamée deuxième Décennie pour la protection et le développement de l'enfant en Égypte.

32.Mme Khattab ne sait pas de quelle source provient le chiffre de 30 % de jeunes filles mariées avant l'âge de 14 ans, cité par Mme Karp, mais, en tout état de cause, il est vrai que les mariages précoces font problème en Égypte même si la situation tend à s'améliorer sensiblement. La solution passe par l'éducation puisqu'il est établi que plus les filles sont scolarisées moins elles tendent à se marier jeunes.

33.Le CNEM est chargé de recueillir les plaintes des enfants et joue en pratique le rôle d'un médiateur. L'Égypte a engagé des consultations avec l'UNICEF et avec divers pays, dont la Suède, sur les moyens de mettre au mieux en pratique le concept de médiateur tout en faisant évoluer les choses progressivement de façon à ne pas susciter de résistance de la part de la population.

34.Les initiatives en faveur des droits de l'enfant se développent également au niveau local. Un représentant du CNEM ainsi que des représentants de différentes ONG et de plusieurs ministères sont ainsi en place dans chaque gouvernorat.

35. Le Gouvernement a augmenté à trois reprises le budget de l'éducation mais beaucoup reste à accomplir dans le domaine du développement social car les moyens sont limités - d'autant plus que le programme d'ajustement structurel pèse sur la capacité d'investissement. Aux stratégies pour la mise en œuvre de la Convention - la première élaborée en 1992, la seconde en 1999 -

s'ajoute une stratégie nationale pour les enfants ayant des besoins spéciaux, au titre de laquelle de nombreuses mesures ont été prises aussi bien par le Ministère de la santé que par le Ministère de l'éducation.

36.Les femmes sont bien représentées dans les instances décisionnelles de l'État. C'est davantage dans les milieux pauvres et peu éduqués que l'on constate une discrimination à l'encontre des femmes et c'est pour y remédier que le CNEM s'est doté d'une unité pour les femmes et le développement. C'est également sur ces milieux défavorisés qu'il faut faire porter les efforts de sensibilisation à la Convention.

37.Pour ce qui est de l'absence d'autocritique mentionnée par plusieurs membres du Comité, Mme Khattab renvoie au document que l'Égypte a adressé au Secrétaire général en décembre 2000, qui complète dans une perspective critique le deuxième rapport périodique. Enfin, s'agissant du maintien des réserves à la Convention, l'Égypte a sollicité des avis et continue à travailler sur la question et on peut espérer que des progrès seront rapidement accomplis. Le Comité sera informé de tout fait nouveau à ce sujet.

38.Mme BADRAN (égypte) dit que dans la culture égyptienne, l'enfant est considéré comme la propriété de la famille mais que, conscient de la nécessité de faire changer les mentalités, le Gouvernement a chargé les ministères concernés de sensibiliser la population aux dispositions de la Convention. À cet effet, le Ministère de la culture publie des ouvrages à l'intention des enfants et organise des réunions-débats s'adressant à la fois aux enfants et aux parents car la prise de conscience de leurs droits par les enfants suppose un changement d'attitude de la société dans son ensemble. Dans cette optique, le Gouvernement a en outre mis en place une stratégie participative qui a débouché sur la création de parlements permettant aux enfants de rencontrer des ministres et d'exposer leurs sujets de préoccupation. Le Ministère de l'éducation a quant à lui institué dans les établissements scolaires des groupes de discussion donnant aux écoliers la possibilité de débattre de leurs problèmes. Pour ne pas exclure la population rurale de cette stratégie, le Ministère de la culture recourt à des caravanes qui sillonnent les villages pour sensibiliser la population, notamment au moyen de chansons et de pièces de théâtre.

39.Face à la mondialisation, le Ministère de la culture a approfondi sa réflexion sur les valeurs à inculquer aux nouvelles générations et est parvenu à la conclusion que les enfants devaient s'imprégner des richesses de la culture égyptienne tout en étant ouverts aux influences extérieures et conscients de l'importance que revêtent les droits de l'homme. Depuis 10 ans, on a pu observer un changement des mentalités, tant de la part des enfants que de leurs parents ou des autorités. Dire que tous les problèmes ont disparu serait exagéré mais on peut être satisfait des résultats obtenus jusqu'à présent.

40.M. GABR (égypte) souligne le rôle important que jouent les ONG et leur large représentation au sein des différents organismes sociaux : le CNEM compte quatre représentants d'ONG et son comité consultatif technique six. La Croix-Rouge égyptienne mène des activités de sensibilisation des mères et œuvre au renforcement des droits des femmes, en mettant notamment à leur disposition des conseillers juridiques. Les ONG ont également mis au point des programmes diffusés sur la chaîne consacrée aux enfants et à la famille.

41.S'agissant du budget, les tableaux qui figurent dans la documentation soumise au Comité ne reflètent pas la distribution des ressources aux administrations locales, dans le domaine de la santé en particulier.

42.Dans ce dernier domaine, l'Égypte a atteint les objectifs fixés lors du Sommet mondial pour les enfants en ce qui concerne la réduction de la mortalité et de la morbidité infantiles, la couverture vaccinale et la lutte contre la malnutrition. Les objectifs relatifs aux retards de croissance et à l'insuffisance pondérale n'ont pas encore été atteints car cela demande beaucoup plus de temps mais l'Égypte ne compte plus aucun cas de malnutrition aiguë. L'Égypte a rendu obligatoires la vaccination contre deux maladies, la rubéole et les oreillons, qui ne font pas partie des vaccinations obligatoires retenues par les autorités sanitaires internationales. En vertu d'un nouveau décret, tous les nouveau-nés et jeunes enfants doivent être couverts par une assurance maladie, accessible à moindre prix, jusqu'à ce qu'ils soient en âge d'aller à l'école; ils sont alors couverts automatiquement par le système obligatoire d'assurance maladie des établissements scolaires, privés ou publics.

43.L'Égypte a mis en place un vaste programme de prise en charge des handicapés qui prévoit notamment les mesures suivantes : dépistage systématique à la naissance du crétinisme - maladie due à une carence en iode (l'Égypte a interdit la production de sel de table non iodé et 80 % de la population a déjà accès au sel de table iodé); soins à la mère au cours du travail (les souffrances fœtales sont à l'origine de nombreux handicaps physiques et mentaux).

44.Un décret interdisant les mutilations génitales féminines sur tout le territoire a été adopté en 1996 et on a observé une baisse de 20 % du nombre d'excisions depuis. En matière de santé, les filles ne font pas l'objet de discrimination : en 2000, la mortalité des moins de 5 ans était identique pour les deux sexes. Enfin, un mécanisme a été mis en place par le Ministère de la santé, avec l'appui notamment de l'Agency for International Development des États‑Unis, pour effectuer tous les cinq ans une évaluation de l'état de santé des femmes et des enfants égyptiens.

45.M. EL-GUINDI (Égypte) explique que les réserves formulées par l'Égypte au sujet des articles concernant l'adoption ne portent pas sur le principe même de l'adoption, qui a pour équivalent la kafalah en droit islamique, mais sur l'interdiction faite par la charia de donner à un enfant un nom qui n'est pas le sien. Les conventions internationales ratifiées par l'Égypte primant sur le droit interne, l'Égypte a dû formuler ces réserves pour que la Convention ne soit pas en conflit avec la législation nationale, et notamment avec les articles premier et 2 de la Constitution.

46.L'Égypte s'est dotée des structures nationales nécessaires pour assurer la mise en œuvre de la Convention, dont un groupe de travail relevant du CNEM et chargé d'harmoniser la législation nationale avec les dispositions de la Convention. Depuis la loi No 12 de 1996, tous les articles de la Convention ont été transposés en droit interne.

47.L'âge de la responsabilité pénale est de 7 ans, comme dans 70 % des pays du monde. Qu'un enfant de 7 ans puisse être jugé responsable au pénal ne signifie pas pour autant qu'il puisse encourir une peine privative de liberté. L'enfant peut être placé sous contrôle judiciaire ou en institution. C'est seulement à partir de 15 ans que les enfants peuvent être condamnés à une peine pénale. La majorité civile est quant à elle fixée à 21 ans. Les enfants peuvent témoigner quel que soit leur âge. Toutefois, ils ne peuvent prêter serment qu'à partir de 14 ans; au-dessous de cet âge, le témoignage est consigné mais son appréciation est laissée à la discrétion du juge.

48.Le droit égyptien prévoit la protection des enfants vulnérables et entend par là tout enfant dont l'éducation, la vie, la sécurité physique, mentale ou financière ou la santé est menacée ou encore tout enfant qui s'adonne au jeu, consomme de l'alcool ou des drogues, se livre à des actes de violence ou à la mendicité. Un tel enfant est pris en charge par des travailleurs sociaux ou des psychologues. En cas de problèmes au sein de la famille, l'enfant peut être placé dans sa famille proche ou dans une institution de remplacement.

49.Si le travail des enfants est une réalité incontournable, du fait de la pauvreté en particulier, le Code du travail leur garantit cependant une protection minimale : heures de travail réduites, congés, interdiction du travail de nuit, interdiction d'imposer des conditions de travail pouvant présenter un risque pour leur santé, couverture médicale à la charge de l'employeur et interdiction d'abandonner les études avant la fin de la scolarité obligatoire. Un comité composé d'un grand nombre d'experts, de spécialistes et d'ONG a été mis sur pied au sein du Comité consultatif technique pour lutter à la fois contre le travail des enfants et contre le phénomène des enfants des rues, leurs causes étant identiques. Ces deux problèmes font du reste l'objet d'une coordination entre les différents comités, organisations et ONG concernés.

50.Une nouvelle loi a été adoptée pour faciliter les démarches des femmes et des jeunes filles devant la justice et il est désormais possible aux femmes d'engager une procédure de divorce de leur propre chef.

51.La loi sur les ONG a été jugée anticonstitutionnelle non pour sa teneur mais parce qu'elle n'avait pas été soumise à l'examen du Sénat. Un nouveau projet de loi a été élaboré et devrait être promulgué prochainement. Ce nouveau texte interdit au Gouvernement de refuser la création d'une ONG, sauf si ses activités sont illégales aux termes du droit égyptien. En vertu de cette loi, les ONG bénéficient d'exemptions fiscales et douanières. Seule restriction : les ONG doivent demander l'autorisation du Gouvernement pour bénéficier d'un financement d'origine étrangère.

La séance est levée à 13 heures.

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