Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.93328 janvier 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 933e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 21 janvier 2004, à 15 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Inde (suite)

La séance est ouverte à 15 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Inde (CRC/C/93/Add.5; liste des points à traiter (CRC/C/Q/IND/2); réponses écrites du Gouvernement indien (CRC/C/RESP/49)) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation indienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme SARDENBERG souhaiterait savoir si le système de collecte de données en place permet de recueillir des informations sur tous les domaines couverts par la Convention, notamment sur le travail des enfants, et à quel point l’État partie utilise ces données pour formuler ses politiques en faveur de l’enfance.

3.Il serait également bon de savoir si les différents groupes d’âge et les enfants extrêmement pauvres − qui présentent souvent un retard en matière d’instruction − bénéficient de programmes d’éducation spécifiques.

4.Mme KHATTAB demande quelles mesures le Gouvernement indien a mises en œuvre pour faire appliquer la loi de 1994 relative aux techniques de diagnostic prénatal.

5.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, s’interroge sur les peines encourues par les médecins pratiquant l’avortement des fœtus de sexe féminin.

6.Mme RAO (Inde) admet que l’Inde connaît un réel problème de répartition par sexe de sa population, d’autant plus que les écarts se sont encore récemment creusés chez les moins de 6 ans. Face à cette situation, le Gouvernement a décidé en 2003 de durcirla loi de 1994 relative aux techniques de diagnostic prénatal afin d’interdire toute intervention médicale ayant pour but le choix du sexe de l’enfant à naître. Une amélioration globale a cependant été enregistrée puisque l’Inde compte aujourd’hui 933 femmes pour 1 000 hommes.

7.Malgré les nombreuses garanties entourant la pratique de l’avortement en Inde, des médecins peu scrupuleux ou des parents peu éclairés peuvent toujours contourner ou manipuler la loi. La solution réside à la fois dans la mise en place et le respect d’un véritable code de conduite et dans un changement des mentalités.

8.Le Ministère du développement des femmes et des enfants, le Ministère de la santé et l’Association médicale indienne ont engagé un large débat avec toutes les parties prenantes et mené de nombreuses consultations auprès des responsables communautaires, des chefs religieux de toutes les croyances et confessions et des groupes de femmes, qui ont également joué un rôle central dans la lutte contre la discrimination à l’égard des filles et l’évolution des comportements en matière de santé, de nutrition et de protection. Les campagnes de sensibilisation menées sur le sujet et les cours dispensés sur l’égalité entre les sexes et l’habilitation des femmes ont ainsi permis, dans certaines régions, de réduire les taux de mortalité infantile et maternelle.

9.Mme SARDENBERG demande si l’État partie a conclu des accords bilatéraux ou interétatiques avec ses pays voisins pour lutter contre le phénomène de la traite d’enfants et de femmes auquel il est confronté.

10.Mme RAO (Inde) répond que le Gouvernement indien a adhéré à la Convention de l’Association sud-asiatique de coopération régionale en la matière mais que ce texte n’est pas encore entré en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications. Une collaboration étroite a toutefois déjà été instaurée avec des ONG et des agences gouvernementales de la région aux fins de la prévention et de la répression de la traite.

11.La loi relative à la traite des êtres humainsest en cours d’amendement et le Gouvernement fédéral attend que les différents États lui communiquent leur décision. Il convient toutefois de noter que ces États sont plutôt hostiles à la proposition de création d’une agence fédérale, inspirée de l’Office central des stupéfiants, craignant de perdre une partie de leurs compétences.

12.Dans le même ordre d’idées, les recommandations formulées par le Ministère des affaires intérieures et de la Commission indienne des lois au sujet du projet de révision du Code pénal indien, qui vont dans le sens d’un élargissement de la définition du viol et de l’incorporation de dispositions supplémentaires en faveur des femmes et des enfants, sont actuellement examinées par les gouvernements des États.

13.Le Parlement devrait prochainement adopter le projet de loi relatif à la prévention de la violence familiale à l’égard des femmes.

14.Mme SARDENBERG demande si le projet de création d’une commission nationale de l’enfance qui ferait également office de bureau du Médiateur ne risque pas de faire double emploi avec la procédure dite d’intérêt public et si les enfants ont la possibilité de porter plainte devant les tribunaux. Il serait également utile de disposer de renseignements sur l’état d’avancement du document d’orientation appelé Charte nationale de l’enfant.

15.Mme RAO (Inde) dit que le projet de loi prévoyant la création d’une commission nationale de l’enfance, structure indépendante appelée à assurer la protection, la surveillance et la réalisation des droits de l’enfant, a été transmis au Parlement en décembre 2003. Cette instance, qui sera composée de six professionnels de l’enfance placés sous la direction d’un juge de la Cour suprême et assurera également la fonction de médiateur, aura tous pouvoirs pour recevoir et instruire les plaintes, ordonner la visite d’institutions de placement pour enfants et formuler des recommandations à l’intention des gouvernements locaux. Chacun des États pourra se doter d’une commission de l’enfance, mais on veillera à éviter le chevauchement de toutes les activités en faveur de l’enfance menées dans le pays. Le citoyen indien reste à tout moment investi du droit d’intenter une procédure d’intérêt public.

16.La Charte nationale de l’enfant est un document d’orientation qui énonce la politique de l’Inde en faveur de l’enfance et régit toutes les questions liées à l’enfance. Ce texte de référence, élaboré au terme d’une étroite concertation avec les ONG et les experts, synthétise les dispositions de la législation indienne relative aux enfants, de la Constitution indienne et de la Convention relative aux droits de l’enfant.

17.Mme SMITH demande si la Charte peut être invoquée devant les tribunaux.

18.Mme RAO (Inde) répond par l’affirmative, soulignant que la Convention relative aux droits de l’enfant − qui fait désormais partie du droit interne − et que la Charte nationale de l’enfant sont deux textes complémentaires pouvant l’un et l’autre être directement invoqués devant les tribunaux nationaux.

19.La question de la création d’une commission nationale de l’enfance et de l’élaboration d’une charte nationale de l’enfant a été soumise à la population en général, ces deux projets ayant été affichés sur l’Internet pour permettre à toute personne intéressée de formuler des commentaires.

20.L’État partie travaille en étroite collaboration avec les ONG et l’UNICEF sur toutes les questions liées à la défense des intérêts de l’enfant. À l’issue d’un large processus participatif, l’Inde entend d’ailleurs prochainement se doter d’un nouveau plan national d’action en faveur de l’enfance qui reprendra, dans leurs grandes lignes, les obligations internationales contractées par le pays.

21.Mme ALUOCH se demande si le recours à l’Internet est une mesure efficace compte tenu du pourcentage de la population ayant accès à cette technologie.

22.Mme RAO (Inde) répond que les ONG et autres partenaires ont leur propre capacité de faire circuler l’information dans toutes les couches et groupes cibles possibles de la population.

23.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, relève que le projet de loi prévoyant la création de la Commission nationale de l’enfance a été commenté en détail par des enfants, ce qui témoigne effectivement d’un dialogue étroit avec la société civile.

24.Mme RAO (Inde) dit que l’Inde est effectivement soucieuse de faire participer les enfants, lorsque leur âge et leur degré de maturité le permet. Le rapport à l’examen a ainsi été débattu avec des enfants dans le cadre d’ateliers régionaux. Le principe de la participation de l’enfant gagne chaque jour du terrain dans les communautés, notamment en matière d’éducation, et c’est avant tout aux ONG ainsi qu’à certains projets novateurs entrepris en coopération avec diverses organisations internationales qu’on doit cette évolution.

25.Pour ce qui est de la participation de la société civile, chaque programme en faveur de l’enfance s’appuie sur un partenariat avec des ONG et chaque ministère dispose de crédits destinés spécialement aux activités menées par les ONG dans le cadre de tels partenariats − dans des conditions convenues au préalable. L’utilisation des crédits fait l’objet d’une surveillance par le ministère concerné et, dans les rares cas où les fonds demandés par un État pour la mise en œuvre d’un programme ne sont pas dégagés à temps par le Gouvernement fédéral, l’incident se règle généralement aisément, grâce à une interaction constante et à une correspondance entre responsables.

26.En termes de sensibilisation, les leviers les plus efficaces sont sans conteste les groupes d’auto-assistance de femmes. Ces groupes font véritablement évoluer les choses dans les zones rurales et c’est pourquoi les autorités ont élaboré en 2003 des modules de formation destinés à préparer ces groupes à faire de l’information sanitaire et nutritionnelle, en particulier dans le domaine de la santé des adolescents, mais aussi de la prévention de la traite d’êtres humains. Sur le plan de la discrimination à l’égard des filles aussi, en seulement cinq ans, ils ont permis de réaliser des changements visibles dans les communautés. Dans ce domaine, les efforts des différents ministères dans le cadre de leur stratégie propre de lutte contre la discrimination à l’égard des filles portent d’abord sur la scolarisation des filles et l’amélioration de leur santé. Cela passe notamment par la prévention de l’anémie et l’élévation de l’âge moyen du mariage.

27.Mme KHATTAB demande, eu égard au niveau très élevé d’analphabétisme en Inde, si les groupes d’auto-assistance possèdent toutes les compétences requises pour accomplir le travail de sensibilisation que l’État semble leur déléguer.

28.M. LIWSKI aimerait savoir si des organisations de jeunes sont associées aux initiatives gouvernementales, en particulier aux programmes de santé, et si des crédits budgétaires suffisants sont alloués aux soins de santé primaires.

29.Mme RAO (Inde) dit que les initiatives publiques ne donnent véritablement des résultats que depuis qu’elles sont menées en coopération avec les groupes d’auto-assistance et que ces résultats sont la meilleure preuve de l’extraordinaire dynamisme et de l’engagement sans faille de ces groupes de femmes. Elle invite les membres du Comité à se rendre en Inde pour y constater par eux-mêmes ce dont sont capables ces groupes. En permettant aux femmes de maîtriser des ressources, ces groupes ont de surcroît contribué à améliorer la gestion des ressources sur le terrain. Enfin, grâce à ce nouveau mode de fonctionnement, les femmes ont trouvé une place dans les villages et se sentent enfin soutenues, aussi bien par les hommes de leur communauté qu’au niveau politique, ce qui est très important.

30.Un module destiné à apprendre aux organisations communautaires à traiter avec les adolescents des problèmes vient d’être achevé dans le cadre d’un programme national ayant pour but d’inculquer aux adolescentes les connaissances indispensables en matière de santé et de nutrition et à les préparer à devenir de bonnes maîtresses de maison. Le programme national en faveur des clubs de jeunes gens et de jeunes filles favorise la réalisation d’activités culturelles et sportives, en fonction des besoins exprimés sur la scène locale.

31.Des statistiques récentes indiquent que 56 % des naissances sont enregistrés, contre seulement 47 % en 1999. Ce chiffre moyen masque toutefois de grandes disparités selon les États. La situation est prise au sérieux par les autorités, qui ont simplifié les formalités et saisissent toutes les occasions, du type Journée de l’enfant, pour mettre le problème en lumière. Un programme en trois phases d’enregistrement des enfants non encore enregistrés a été lancé. La conjonction de ces différentes actions devrait permettre d’accroître encore le taux d’enregistrement des naissances.

32.Après une longue période de stagnation, le taux de mortalité infantile commence à baisser tout en demeurant à un niveau préoccupant. Les actions à mener face à ce problème complexe − imputable à la combinaison de facteurs multiples − sont depuis trois ans au centre de débats publics qui ont largement orienté les recommandations récemment formulées dans le cadre du réexamen du programme sur la santé de la reproduction et la santé des enfants. Les décès des enfants de moins de 5 ans interviennent pour les deux tiers alors que l’enfant n’est encore qu’un nourrisson, et même pour une bonne part dans la semaine suivant la naissance. Dès lors, une bonne prévention doit se faire aussi au niveau de la mère et passe donc aussi par la lutte contre l’anémie et les mariages et grossesses précoces. Une fois encore, les initiatives de sensibilisation menées dans le cadre des groupes d’auto-assistance donnent des résultats encourageants. Il reste aussi à renforcer l’accès aux soins obstétriques et à en faciliter l’accès. Augmenter la proportion des accouchements en milieu médicalisé − qui n’atteint encore que 36 % − devrait avoir des effets positifs à la fois sur la mortalité infantile, sur l’enregistrement des naissances et sur la mortalité maternelle, elle aussi encore trop élevée (4 pour 1 000 naissances vivantes). Parallèlement, les accouchements à domicile devront être rendus plus sûrs, grâce à la formation des accoucheuses dans les villages.

33.Parmi les autres priorités figurent la couverture vaccinale, qu’il faut étendre en renforçant les synergies entre les différents prestataires de services, et la promotion de l’allaitement maternel. La gestion intégrée des maladies néonatales et infantiles fait l’objet de nombreuses discussions avec l’OMS, l’UNICEF et le Ministère de la santé. Une stratégie pilote en la matière est en cours d’introduction dans une quarantaine de districts − la formation des formateurs est maintenant achevée − et ses résultats sont attendus avec une grande impatience. La pollution à l’arsenic est effectivement un problème dans un petit nombre d’États, ce qui a motivé la mise en œuvre, avec la participation de l’UNICEF, d’un programme visant à apprendre à la population à éviter d’utiliser les eaux contaminées et à repérer de nouvelles sources.

34.Mme CHANDRA (Inde) indique qu’après avoir signé la Convention de La Haye, l’Inde a entrepris de réviser ses procédures relatives à l’adoption internationale pour les mettre en conformité avec cet instrument. Les modifications, mineures, devraient être finalisées sous peu. L’adoption est régie par deux lois, dont l’une concerne l’adoption par des personnes pratiquant la religion hindoue et l’autre toutes les autres situations d’adoption. Le contenu de ces deux textes est exposé en détail à quiconque envisage une adoption par les agences de coordination chargées du placement. Lorsque la religion d’un enfant adoptable leur est connue, ces agences tentent dans toute la mesure possible de le confier à une famille adoptive de cette même religion. Mais leur premier souci est de lui trouver une famille à l’intérieur du pays, et même, dans l’idéal, dans sa région d’origine afin de lui éviter tout choc culturel. C’est donc seulement lorsqu’il n’a pas été possible de lui trouver un foyer convenable en Inde malgré des recherches approfondies que l’enfant peut être déclaré disponible à l’adoption internationale. Pour éviter toute pratique contraire à l’éthique de la part des agences de placement, les frais qui peuvent être demandés aux familles à la recherche d’un enfant sont plafonnés. Il est par ailleurs expressément prévu que les fratries ne doivent pas être séparées. La disposition qui interdisait dans un État à une famille d’adopter plus d’un enfant du même sexe a été abrogée et ce type d’interdiction est exclu depuis l’entrée en vigueur des nouveaux textes.

35.La permanence téléphonique pour l’enfance est un bel exemple de partenariat entre la société civile et les pouvoirs publics. L’agence centrale responsable, la Childline India Foundation, composée de 11 personnes, est notamment chargée de déterminer les zones d’implantation, de l’interaction avec les organisations non gouvernementales, de la liaison entre les décideurs et les personnes concernées et de l’évaluation du service. Au niveau local, la coordination est assurée par le réseau des conseils consultatifs municipaux. Le niveau inférieur est celui des centres d’appel, qui fonctionnent 24 heures sur 24 et sont gérés localement par des organisations publiques ou privées, dont certaines appartiennent au secteur associatif. Le numéro d’appel − gratuit − est le même sur l’ensemble du territoire. Les services fournis par l’intermédiaire de cette permanence téléphonique sont constamment évalués depuis le début du projet, ce qui permet d’en déterminer les forces et les faiblesses. Le Gouvernement s’est engagé à augmenter les crédits budgétaires affectés à cette initiative. Des efforts seront faits pour améliorer la gestion des ressources dans le but de rendre ce projet accessible à 100 % de la population enfantine.

36.Le Bureau du Haut-Commissaire pour les personnes handicapées est habilité à recevoir et à traiter en toute indépendance les plaintes de tout individu ou toute institution se considérant victime d’une violation des droits des handicapés ou de discrimination fondée sur le handicap. Au bout de près de trois années relativement laborieuses de mise en place, cette institution est devenue un réel organe indépendant de surveillance, qui a déjà donné suite à plus de 6 300 plaintes tout en s’employant très activement à faciliter l’accès des handicapés aux lieux et bâtiments publics et autres.

37.Le Ministère de l’éducation a pour politique de scolariser les enfants handicapés dans les écoles primaires ordinaires, chaque fois que possible. Les enseignants suivent une formation appropriée pour être en mesure de répondre aux besoins spécifiques des enfants souffrant d’un handicap et les établissements scolaires sont équipés pour être accessibles aux handicapés. Les statistiques révèlent une tendance marquée à l’intégration des enfants handicapés dans le système d’enseignement traditionnel, seuls les enfants atteints de handicaps lourds étant placés dans des écoles spécialisées, où on les aide à acquérir une autonomie fonctionnelle. Des programmes ont en outre été mis en place pour former les personnes chargées de s’occuper des enfants arriérés mentaux ou autistes.

38.Le Ministère de la justice et de l’émancipation sociale a fixé à 3 % la proportion de places réservées aux handicapés au sein de l’enseignement supérieur et technique et il attribue chaque année 500 bourses à des jeunes handicapés qui préparent une maîtrise ou un doctorat.

39.Le nombre de handicapés est effectivement particulièrement élevé en Inde et les résultats définitifs du recensement de 2001, dont une section entière est consacrée à cette question, seront communiqués ultérieurement au Comité.

40.M. ACHARYA (Inde) dit que le meilleur moyen de résoudre le problème des abandons scolaires et de l’absentéisme − des élèves comme des professeurs − est de déléguer la responsabilité de ces questions aux autorités locales chargées de l’éducation et aux associations de parents d’élèves, plus particulièrement aux groupes de mères, ainsi qu’aux associations d’enseignants. Le projet de loi sur l’éducation gratuite et obligatoire prévoit d’ailleurs la création, au niveau local, de comités chargés d’engager une réflexion sur ces questions, d’informer les autorités compétentes de l’évolution de la situation et les parents des progrès scolaires de leur enfant et, le cas échéant, de son absentéisme.

41.Ce projet de loi a également pour objectif de remédier aux facteurs ayant entravé l’instauration de l’enseignement gratuit et obligatoire jusqu’à présent, tels que l’affectation des professeurs à des tâches qui ne sont pas en relation avec l’enseignement − recensement de la population, supervision des élections ou encore la gestion des catastrophes naturelles.

42.Améliorer la qualité de l’enseignement et la formation des professeurs est une nécessité, mais l’Inde est confrontée à un dilemme à cet égard, la seule alternative étant de pourvoir les postes de maîtres d’école dans les campagnes en y affectant des professeurs très qualifiés − qui ne souhaitent pas s’installer à la campagne et sont de ce fait souvent absents car ils font la navette tous les jours − ou par des professeurs moins qualifiés issus de la communauté dans laquelle ils exercent. En termes pratiques, la deuxième solution semble préférable et plus efficace. Le Conseil national pour la formation des enseignants est l’autorité chargée d’établir le niveau de formation que doivent recevoir les enseignants du primaire et du secondaire.

43.Le projet de loi susmentionné prévoit en outre de qualifier de «faute professionnelle» tout recours aux châtiments corporels de la part des professeurs.

44.Améliorer la situation scolaire des enfants handicapés constitue une autre nécessité impérieuse et c’est pourquoi le Gouvernement a prévu d’augmenter de 50 % les crédits destinés à la scolarisation des enfants handicapés dans le primaire. Au titre du programme en faveur de ces enfants, il est prévu d’identifier les handicaps et de mesurer l’ampleur du phénomène à l’échelle du pays en vue d’y apporter une réponse, notamment grâce à la formation de quelque 4 millions d’enseignants spécialisés.

45.Le Gouvernement entend créer des écoles destinées à accueillir les enfants qui se trouvent dans des zones rurales reculées et n’ont pas pour l’instant accès à l’éducation, mais ces enfants devront à terme intégrer des établissements ordinaires de plus grande taille ou même des internats − s’ils habitent trop loin pour faire le trajet tous les jours.

46.Enfin, il convient d’appeler l’attention sur un programme très important en faveur des pauvres, qui consiste à distribuer chaque jour un plat chaud aux 105 millions d’enfants scolarisés dans l’enseignement primaire.

47.Mme ALUOCH demande pourquoi seuls sept États ont mis en œuvre la nouvelle loi sur la justice pour mineurs entrée en vigueur le 1er avril 2001, qui est chargée au niveau des États de surveiller la mise en place et le fonctionnement des comités de protection de l’enfance et qui assure le suivi de leurs travaux. Elle aimerait savoir si dans sa décision du 15 mai 2000 la Cour suprême s’est fondée sur la loi de 1986 relative à l’administration de la justice pour mineurs ou sur le nouveau texte en vigueur et si l’État partie a relevé l’âge de la responsabilité pénale, antérieurement fixé à 7 ans.

48.M. LIWSKI demande où en est la mise en œuvre du programme en faveur des enfants victimes de conflits armés dans le Pendjab et si des mesures sont prises pour favoriser la réinsertion de ces enfants dans la société et dans un environnement familial.

49.Il aimerait savoir si l’État partie s’est doté d’un mécanisme d’enregistrement des plaintes, que pourraient saisir les enfants victimes de violences policières ou encore de traitements cruels, inhumains ou dégradants au sein des institutions où ils sont placés, si des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs de tels actes et si les jeunes victimes bénéficient de mesures de réinsertion. Enfin, il serait utile de savoir si le Gouvernement a lancé une campagne nationale de prévention de la torture.

50.Mme KHATTAB, se félicitant des efforts entrepris par l’État partie pour lutter contre le travail des enfants, demande si l’État partie envisage de ratifier la Convention no 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants et de retirer la réserve qu’il a formulée au sujet de l’article 32 de la Convention.

51.Notant que des enfants sont réduits en servitude dans de nombreuses branches d’activité, dont l’industrie de la soie, l’agriculture et le travail en entreprise familiale, elle souhaite savoir si l’Inde envisage d’adopter une approche fondée sur les droits de l’homme et si l’on peut espérer que l’exemple de l’État du Kerala, qui prévoit d’interdire toute forme de travail des enfants, fera école dans le reste du pays.

52.Mme SMITH demande si le remplacement des «tribunaux pour mineurs» par des «commissions de justice pour mineurs» en application de la nouvelle loi sur la justice pour mineurs aura des répercussions sur l’administration de la justice, et notamment si les mineurs pourront toujours se faire assister d’un avocat et si les juges préféreront les peines de substitution aux peines de prison.

53.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC demande sur quels critères se fonde l’État pour accorder ou refuser le statut de réfugié, si le pays d’origine de la personne concernée influe sur la décision des autorités compétentes et si les enfants réfugiés ont accès à l’éducation. Elle souhaite savoir si l’État partie a connaissance de l’existence de groupes militaires armés recrutant des enfants.

54.M. CITARELLA demande comment l’État partie entend faire appliquer la nouvelle loi sur la justice pour mineurs dans tous les États.

55.Mme ORTIZ souhaite savoir dans quelle mesure les services de santé et d’éducation assurent la prise en charge des enfants des rues, qui seraient au nombre de 100 millions, et quels organismes, aux niveaux central et local, ont pour mission de s’attaquer à ce phénomène particulièrement préoccupant.

56.M. FILALI demande ce que fait le Gouvernement pour empêcher que les groupes d’autodéfense de l’État du Jammu‑et‑Cachemire ne recrutent des adolescents et si les enfants qui ont été victimes de violence dans l’État du Gujerat en 2002 et 2003 font l’objet d’une prise en charge par le Gouvernement.

57.M. KOTRANE souhaiterait savoir si l’Inde a ratifié la Convention de l’OIT sur l’inspection du travail, conformément à la recommandation formulée par le Comité à l’occasion de l’examen du rapport initial de l’État partie.

58.Mme SARDENBERG rappelle que le Comité avait également recommandé d’améliorer les méthodes de collecte de données, en particulier de celles relatives aux enfants vivant dans des bidonvilles ou appartenant à des castes inférieures, victimes d’exploitation sexuelle ou économique, handicapés ou ayant été impliqués dans des conflits armés. Elle demande par ailleurs ce qui est fait pour gérer de manière intégrée les effets des catastrophes naturelles en tenant compte des besoins spécifiques des enfants.

59.M. PURI (Inde) dit que l’Inde a signé plusieurs Conventions de l’OIT et que ses expériences en la matière ont été positives pour les unes et négatives pour les autres. C’est pourquoi avant de signer ce type d’instrument elle attend désormais d’être convaincue qu’elle en retirera des avantages.

60.La principale raison pour laquelle l’Inde n’est pas partie à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 est que ce texte repose sur une conception très occidentale, peu adaptée à la situation d’un pays comme l’Inde − très étendu et aux frontières ouvertes, notamment avec le Bhoutan et le Bangladesh. L’Inde continue toutefois à accueillir des millions de réfugiés et à s’acquitter de ses obligations en appliquant le principe du non-refoulement.

61.En ce qui concerne les protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention contre la torture, le Gouvernement est pleinement conscient du retard important qui est intervenu mais l’examen de ces instruments en est à présent à un stade très avancé.

62.Les autorités ne recrutent aucun enfant dans les forces armées ni dans les forces paramilitaires et, contrairement à ce qu’affirment certaines sources, le Gouvernement ne ferme pas les yeux sur les agissements des groupes non étatiques ayant recours à de telles pratiques.

63.M. CHANDRAMOULI (Inde) dit que, grâce à une série de plans annuels mis en route au début des années 90 et bénéficiant de crédits en constante augmentation (jusqu’à 6 milliards de roupies en 2002), le nombre d’enfants qui travaillent est passé de 11,5 millions en 1991 à moins de 10 millions en 2000 − ce malgré la croissance démographique. Près de 250 000 enfants ont pu réintégrer le primaire ou entamer une formation professionnelle et les filles sont toujours plus nombreuses à bénéficier de ces efforts. D’ici à 2007, tous les enfants devraient être scolarisés. Le Gouvernement s’efforce en outre d’aider certains parents à rembourser leurs dettes pour mieux lutter contre le travail des enfants en servitude. On peut espérer que dans les années à venir d’autres États indiens suivront l’exemple du Kerala, le premier à avoir formellement interdit le travail des enfants.

64.Mme CHANDRA (Inde) dit que la loi sur la justice pour mineurs de 2000 est applicable dans tous les États, à l’exception du Jammu ‑et ‑Cachemire (déjà doté de sa propre législation) mais que le manque de ressources humaines et financières a empêché certains de ces États de constituer un nombre suffisant de comités de protection de l’enfance et de commissions de justice pour mineurs. Ces dernières sont composées d’un magistrat, d’un professionnel de la protection de l’enfance et d’un psychologue, l’un au moins devant être une femme. L’âge de la responsabilité pénale reste fixé à 7 ans, mais jusqu’à 12 ans la considération primordiale est le degré de maturité de l’enfant. Tout enfant comparaissant devant une commission de justice pour mineurs bénéficie d’une assistance juridique et ses parents ou tuteurs peuvent être présents à tous les stades de la procédure. Aucun mineur ne peut être condamné à mort ni à la réclusion à perpétuité.

65.Au sujet des enfants des rues, il convient de souligner qu’ils sont très difficiles à atteindre et à suivre. À l’heure actuelle, les principaux acteurs sur ce terrain sont les ONG. Les discussions engagées avec l’UNICEF au sujet d’une étude ayant notamment pour objet de mesurer l’ampleur du phénomène n’ont malheureusement pas abouti. Le Gouvernement escompte toutefois que les mesures globales de lutte contre la pauvreté contribueront à réduire le nombre de ces enfants.

66.Mme ORTIZ fait observer qu’il est essentiel de s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène, qu’il s’agisse des expulsions forcées, pour les enfants vivant dans les rues avec leurs parents, ou de la violence familiale, pour ceux qui ont fui leur domicile.

67.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, demande des précisions sur la violence en milieu institutionnel.

68.Mme CHANDRA (Inde) dit que, malgré le nombre relativement faible de cas, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs programmes de sensibilisation s’adressant en particulier aux policiers et aux membres des commissions de justice pour mineurs. Si nécessaire, des sanctions sont appliquées conformément à la législation en vigueur.

69.M. KRAPPMANN remercie la délégation d’avoir donné une image plus précise de la situation dans le pays et des progrès accomplis. Dans ses observations finales, le Comité mentionnera plusieurs sujets de préoccupation et il faut espérer que le Comité et l’État partie maintiendront un authentique partenariat dans le souci d’un meilleur avenir pour les enfants indiens.

70.Mme RAO (Inde) dit que le Gouvernement indien est fermement déterminé à améliorer la situation des enfants et n’y parviendra que par le canal du développement économique du pays.

La séance est levée à 18 h 5.

-----