NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.845

17 mars 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 845e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 20 janvier 2003, à 15 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de la Roumanie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Roumanie [CRC/C/65/Add.19; CRC/C/Q/ROM/2 (liste des points à traiter); CRC/C/RESP/19 (réponses écrites)] (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation roumaine reprend place à la table du Comité.

2.Mme COMAN (Roumanie) dit que dans le cadre de la décentralisation, afin de favoriser la coordination et le suivi de l’action menée à l’échelon local, deux types d’institutions pour la protection de l’enfance ont été créés: les Commissions pour la protection de l’enfance − implantées à l’échelon régional et dotées de pouvoirs décisionnels −, qui représentent la direction décentralisée des différents ministères intéressés; les Directions de la protection des droits de l’enfant − qui relèvent des conseils régionaux. Les Directions analysent la situation et les besoins des enfants privés de soins parentaux, proposent des mesures aux Commissions et appliquent les décisions prises par ces dernières. La mise en place de ces institutions s’accompagne de programmes de formation du personnel et d’assistance technique ainsi que de l’allocation de fonds. En outre, des mesures ont été prises dans le cadre de la nouvelle législation pour assurer des services sociaux de proximité à l’échelon des communautés et des villages.

3.Mme TIGERSTEDT-TÄHTELÄ voudrait savoir à quel organisme l’enfant ou sa famille peut s’adresser pour faire valoir ses droits à telle ou telle prestation.

4.Mme COMAN (Roumanie) dit que la Commission pour la protection de l’enfance est habilitée à recevoir ce type de demande. L’enfant ou sa famille contestant la décision de la Commission peut saisir la justice.

5.Mme KARP fait observer que malgré les mesures de décentralisation le recensement des familles à risque se fait, selon certaines sources, encore au niveau national et aimerait avoir des précisions à ce sujet.

6.M. CALCIU (Roumanie) dit que ce sont les mairies qui remplissent cette fonction, en appliquant les normes établies au niveau central. Pour éviter que les enfants ne soient systématiquement privés de leur environnement familial en cas de problème, des dispositions sont prévues dans la nouvelle législation relative au réseau d’aide sociale pour venir en aide aux familles en fournissant des services sociaux intégrés tenant compte non seulement des besoins de l’enfant mais aussi de ceux des parents.

7.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, demande si le gouvernement central peut intervenir lorsqu’une institution régionale abuse manifestement des pouvoirs qui lui sont délégués dans le cadre de la décentralisation, ou s’il appartient uniquement au Conseil régional de le faire.

8.M. CALCIU (Roumanie) dit que la décentralisation des services de protection de l’enfance s’accompagne malheureusement de certains dysfonctionnements, dont des cas de détournement de fonds et d’autres ressources. Le Gouvernement roumain n’en est pas moins foncièrement attaché à ce processus et continuera donc à adopter des dispositions réglementaires et à établir des modalités d’inspection en vue, notamment, de vérifier l’utilisation qui est faite des fonds publics.

9.Mme COMAN (Roumanie) précise que, depuis 2000, les activités en faveur des enfants sont financées pour moitié par le budget central, le reste des ressources provenant, à parts égales, des conseils régionaux et des collectivités locales. De plus, les collectivités locales qui souhaitent bénéficier de l’exécution de programmes nationaux ou internationaux doivent présenter leurs demandes en précisant le contexte régional du projet envisagé, afin que les autorités centrales puissent examiner ces demandes non seulement en tant que telles mais aussi du point de vue de leurs incidences économiques et sociales pour la région.

10.Mme CHUTIKUL demande si le Gouvernement a mis en place un mécanisme pour contrôler l’utilisation des fonds alloués, non seulement par les administrations nationales et locales, mais aussi dans le cadre des programmes d’assistance internationale.

11.Mme COMAN (Roumanie) dit qu’en tant que principal agent d’exécution des projets internationaux, l’État est responsable du suivi de l’utilisation des fonds. De plus, les partenaires internationaux, dont l’Union européenne, ont leurs propres mécanismes de vérification. Chaque projet, national ou international, visant à améliorer la situation des enfants au niveau local doit prévoir des dispositions particulières concernant ce suivi, et la responsabilité de leur application incombe, selon le cas, à l’Autorité nationale pour la protection de l’enfance et les adoptions, au Ministère du travail et de la solidarité sociale ou aux conseils régionaux.

12.Mme DRAGATOIU (Roumanie) ajoute que la nouvelle législation prévoit la création d’une commission de médiation sociale à laquelle il sera possible de s’adresser pour faire connaître les cas de mauvaise utilisation des fonds alloués aux autorités locales.

13.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ demande s’il existe un organisme indépendant chargé de vérifier les comptes de l’administration centrale.

14.M. CALCIU (Roumanie) dit que, au niveau de l’État, c’est la Cour des comptes qui vérifie l’utilisation des fonds publics. Chaque administration, y compris l’Autorité nationale pour la protection de l’enfance, a son propre service de vérification, qui intervient aussi bien au moment de l’adoption d’un nouveau projet qu’en cas de problème pendant la phase d’exécution. En outre, toutes les administrations possèdent un organe de contrôle interne et celui des services du Premier Ministre a récemment été désigné pour remplir des fonctions analogues à celles de l’Office européen de lutte antifraude.

15.M. NICOLAESCU (Roumanie) dit que la maltraitance d’enfants ne constitue pas une infraction distincte dans le Code pénal mais que des poursuites peuvent être engagées du chef de violence à enfant, à la demande de la victime, de ses parents, de son représentant légal ou d’autres personnes. Les fonctionnaires bénéficient depuis quelque temps d’une formation pour venir en aide aux victimes et un manuel de bonnes pratiques a été publié.

16.Mme CHERCIU (Roumanie) dit que, pour combattre la violence à l’école, en décembre 2002 il a été décidé de créer une structure chargée de protéger les droits de l’enfant qui s’appellera «L’avocat des élèves» vers laquelle pourront se tourner les élèves estimant que leurs droits ou leur dignité ont été bafoués; cette structure examinera la situation et prendra des mesures pour y remédier

17.Mme KARP demande si l’État partie envisage de légiférer pour interdire la violence dans la famille et aimerait savoir pourquoi l’enfant ne peut, en dessous d’un certain âge, porter plainte contre ses parents que dans les cas de violence grave.

18.Mme NEGRUTIU (Roumanie) dit que, conformément au Code pénal adopté en 2000, il n’est pas nécessaire que l’enfant battu porte plainte lui‑même pour que des poursuites pénales soient engagées. Quiconque est témoin d’une scène de brutalité à l’égard d’un enfant ou sait que celui‑ci est régulièrement battu peut s’adresser à la police et obtenir que des poursuites soient engagées d’office. La loi prévoit des sanctions plus lourdes pour les parents et autres membres de la famille qui se rendent coupables de tels actes.

19.Le PRÉSIDENT, intervenant en sa qualité d’expert, demande si la législation relative à la protection de l’enfance prévoit l’obligation, pour les médecins ou les travailleurs sociaux notamment, de signaler les cas de mauvais traitements.

20.Mme NEGRUTIU (Roumanie) dit qu’à l’heure actuelle cette obligation ne vise que les médecins.

21.Mme OUEDRAOGO demande des précisions sur le fonctionnement des 27 lignes téléphoniques mises à la disposition des enfants pour signaler les cas de maltraitance et sur la suite donnée aux plaintes.

22.Mme COMAN (Roumanie) dit que l’on ne dispose pas encore de données permettant d’évaluer l’efficacité de ces lignes directes, mises en place récemment, mais que l’on a constaté qu’elles étaient encore très peu utilisées; c’est pourquoi des dispositions sont prises en vue de mieux informer la population de leur existence et de leur utilité ainsi que de former les agents chargés de répondre aux enfants.

23.S’il est vrai que la législation pénale en vigueur n’incrimine pas la brutalité et la négligence à l’égard d’enfant, il faut signaler que dans le projet de loi sur la protection des droits de l’enfant figurent des dispositions interdisant expressément ces pratiques.

24.M. NICOLAESCU (Roumanie) dit que le Gouvernement collabore avec divers organismes internationaux et organisations non gouvernementales pour assurer la délivrance de pièces d’identité aux membres de la minorité rom, comme cela a été le cas, par exemple, à Bucarest où la municipalité a été assistée par les autorités centrales et une ONG représentant cette minorité. De plus, des antennes mobiles se déplacent dans le pays pour délivrer les documents en question aux intéressés.

25.Mme MINDROIU (Roumanie) dit que plusieurs mesures ont été prises pour prévenir l’abandon des nouveau‑nés dans les maternités. Au niveau communautaire, on s’efforce de prendre activement en charge, en les suivant par des visites à domicile notamment, les femmes enceintes considérées à risque. De plus, le programme de rénovation des maternités et des unités de néonatalogie, lancé en 2002, prévoit d’augmenter le nombre des services sociaux afin de pouvoir intervenir précocement.

26.Mme COMAN (Roumanie) dit que, dans de nombreuses régions, un travailleur social de la Direction de la protection des droits de l’enfant est affecté à mi‑temps dans les maternités pour prévenir l’abandon d’enfants. En outre, le nouveau projet de loi prévoit que tout devra être fait pour que l’enfant de moins de 2 ans privé de soins parentaux retourne dans sa famille d’origine (élargie, le cas échéant) ou soit placé dans une famille d’accueil.

27.M. CALCIU (Roumanie) dit que les causes d’abandon d’enfants sont diverses. Cela étant, la grande majorité des enfants roumains vivent dans leur famille, comme en témoignent les chiffres concernant les mineurs pris en charge par les services de protection de l’enfance, à savoir un peu moins de 100 000 par rapport au nombre total de Roumains âgés de moins de 18 ans (6 millions), soit 1,5 à 2 % seulement.

28.Le PRÉSIDENT, intervenant en sa qualité d’expert, demande qui déclare la naissance et sous quel nom est enregistré un nouveau‑né en cas d’abandon à la maternité.

29.Mme CHUTIKUL demande si des poursuites pénales sont engagées contre les parents qui abandonnent l’enfant.

30.M. CALCIU (Roumanie) dit qu’il ressort d’enquêtes ponctuelles (menées par des ONG ou par des administrations locales dans le cadre de l’aide internationale) que les mères qui abandonnent leur enfant à la naissance sont surtout des femmes célibataires et très jeunes. La plupart des femmes accouchent à l’hôpital, où elles sont enregistrées. La naissance de l’enfant est officiellement déclarée aux services compétents de la mairie, même lorsque la mère n’est plus là pour le faire ou s’est présentée sous une fausse identité.

31.Certains sont tentés de sanctionner les mères qui abandonnent leur enfant, mais l’opinion qui prédomine aujourd’hui en Roumanie est que ce problème concerne l’ensemble de la société et que l’accent doit être mis sur la prévention.

32.Mme NEGRUTIU (Roumanie) souligne que l’abandon constitue une infraction pénale et que la mère ou les deux parents, le cas échéant, peuvent être poursuivis.

33.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, demande si la loi est réellement appliquée et si l’on dispose de statistiques indiquant le nombre de mères qui auraient été traduites en justice.

34.Mme COMAN (Roumanie) dit que les pouvoirs publics s’efforcent de combattre le mal à la racine en apportant aux femmes le soutien nécessaire pour mener leur grossesse à terme dans de bonnes conditions et garder leur enfant..

35.Mme CHUTIKUL demande ce qui est fait pour sensibiliser les hommes à leurs responsabilités.

36.M. CALCIU (Roumanie) répond que les mesures de soutien et les campagnes de sensibilisation visent les familles dans leur ensemble.

37.Mme MINDROIU (Roumanie) explique que le nombre d’avortements reste élevé et que ce phénomène tient notamment au manque d’information en matière de contraception. Un programme de planification familiale, dont le lancement remonte à une dizaine d’années, cible particulièrement les adolescentes et les femmes des zones rurales. Les contraceptifs sont gratuits pour les mineures et les femmes appartenant aux groupes défavorisés.

38.Mme KARP souhaiterait obtenir des précisions sur les mesures visant à faciliter l’intégration des enfants handicapés et demande si les établissements scolaires doivent obligatoirement être accessibles aux handicapés.

39.Mme JORA (Roumanie) dit que la loi 519/2002 relative à la protection spéciale et à l’intégration des handicapés est venue compléter un arsenal législatif déjà bien développé. La législation roumaine est conforme aux instruments internationaux pertinents. Il existe des ateliers qui emploient des jeunes handicapés dès l’âge de 17 ans. En outre, lorsqu’un employeur recrute un jeune handicapé, le salaire de ce dernier est intégralement versé par l’État durant les deux premières années du contrat, à charge pour l’employeur de conserver le jeune à son service durant trois années supplémentaires.

40.Mme CHERCIU (Roumanie) signale que diverses mesures sont prises en faveur des enfants handicapés pouvant être scolarisés dans les établissements ordinaires, notamment la formation des enseignants ou la fourniture de l’équipement médical éventuellement nécessaire pour les trajets et dans la classe. Les enfants qui présentent un handicap lourd sont accueillis dans des établissements spécialisés ou scolarisés à domicile, voire à l’hôpital − dans le cadre de programmes mis en œuvre en partenariat avec des ONG. Il n’est pas encore obligatoire que les établissements scolaires soient accessibles aux handicapés mais les pouvoirs publics sont en train d’examiner cette question.

41.Mme COMAN (Roumanie) dit que, pour faire évoluer les mentalités à l’égard des enfants handicapés, une campagne de sensibilisation est en cours de préparation avec le concours de l’UNICEF. Le principal slogan retenu, «Différents mais égaux», incitera handicapés et non‑handicapés à mieux vivre ensemble.

42.Mme AL-THANI s’étonne que les enfants atteints du VIH/sida soient classés dans la même catégorie que les enfants handicapés, et souligne que cela risque de porter préjudice aux deux groupes.

43.M. CALCIU (Roumanie) dit que certaines voix s’élèvent en Roumanie pour que les enfants malades du sida soient assimilés à des handicapés, mais que les pouvoirs publics s’appliquent à établir clairement la distinction entre ces deux groupes, tant dans la mise en œuvre de programmes que dans l’allocation de ressources.

44.M. IFRIM (Roumanie) dit que les enfants des rues sont au nombre d’environ 3 000, dont un millier à Bucarest. Pour 2003 un budget de 3 millions de dollars a été affecté au programme entrepris à l’échelle nationale en vue de réduire rapidement ce nombre. En 2002, ce programme a permis de créer dans la capitale cinq centres d’accueil d’urgence disposant chacun de 400 places. Trois ONG, dont Save the Children, y collaborent, mais il faudrait que la société civile prenne elle aussi ce problème plus à cœur.

45.Mme CHERCIU (Roumanie) dit qu’en outre plusieurs projets visent à inculquer aux enfants des rues des rudiments d’écriture et de calcul afin de leur donner une chance de s’intégrer dans la société.

46.Mme ILINOIU (Roumanie) dit que la traite des enfants est un problème d’envergure internationale et que les pays concernés doivent absolument coopérer. Outre une législation spécifique et un plan d’action couvrant le territoire national, la Roumanie a adopté des mesures visant à protéger les enfants roumains qui se trouvent à l’étranger. Les autorités roumaines collaborent ainsi avec les autorités des autres pays en vue d’assurer l’identification et le rapatriement des enfants abandonnés à l’étranger ou victimes de la traite.

47.Mme CHUTIKUL aimerait savoir si, comme l’indiquent certaines sources, il arrive que les autorités traitent les enfants faisant l’objet d’un trafic comme des coupables et non des victimes. Un grand nombre d’organisations non gouvernementales luttent contre la traite d’enfants sans toutefois bénéficier d’un soutien financier de l’État − ce qui est regrettable − et elle se demande si l’État coordonne néanmoins les différentes initiatives de ces organisations. Elle aimerait également savoir si les ressources sont suffisantes pour mettre en œuvre le plan d’action national, qui semble très ambitieux, et quelles sont les relations entre les services de police et le Comité sur la traite d’êtres humains.

48.Mme KARP demande si l’État partie s’est penché sur le lien possible entre adoption internationale illégale et traite d’enfant.

49.M. CITARELLA aimerait savoir si la Roumanie a signé des accords spéciaux avec des pays de la région pour prévenir la traite ou assurer la réinsertion des enfants à leur retour sur le territoire.

50.M. NICOLAESCU (Roumanie) indique qu’en matière de lutte contre le trafic d’êtres humains, le Ministère de l’intérieur a pour double objectif la prévention, en particulier par le canal de l’Institut de recherche et de prévention − chargé d’élaborer des campagnes de sensibilisation − et la répression, qui repose sur la police judiciaire ainsi que sur la Direction générale de lutte contre le crime organisé pour le dépistage des réseaux. Le Comité pluridisciplinaire et pluriministériel sur la traite, créé en application du plan d’action national, concentre ses efforts sur la prévention et associe à l’occasion la police nationale à ses initiatives.

51.Mme ILINOIU (Roumanie) dit que le Gouvernement a l’intention d’accroître et de systématiser son aide aux ONG en matière de lutte contre la traite. La Roumanie n’est du reste pas seulement un pays de transit pour la traite mais aussi de destination et collabore d’ores et déjà avec l’Union européenne à la conception de programmes contre ce fléau car, dès 2007, la Roumanie constituera la frontière orientale de l’Union.

52.Le Comité interministériel sur la traite d’êtres humains a une structure similaire à celle du Comité pour la protection de l’enfance, avec lequel les échanges d’informations sont réguliers. L’organe national pour la protection de l’enfance et pour l’adoption y est représenté.

53.Mme COMAN (Roumanie) signale que la Roumanie a conclu avec la France un premier accord de coopération bilatérale pour le rapatriement et la protection spéciale des victimes de traite. Cet accord impose aux deux États signataires de veiller à ce que les victimes soient en premier lieu accueillies dans un centre d’urgence où leurs besoins peuvent être évalués, puis placées, soit dans leur famille ou dans une famille d’accueil, soit en institution. Des négociations sont en cours avec la Hongrie en vue de la signature d’un accord similaire. Sur le continent européen, les différences de législation sont trop marquées pour que ce type de discussion puisse avoir lieu sur une base multilatérale.

54.Mme CHUTIKUL, signalant que dans son enquête sur la protection des victimes de la traite des personnes, le Département d’État des États‑Unis a classé la Roumanie dans la catégorie des pays qui ne déploient pas des efforts suffisants pour combattre ce fléau, demande s’il y a déjà eu des poursuites et des sanctions à l’encontre de trafiquants d’êtres humains.

55.Mme ILINOIU (Roumanie) indique qu’après avoir effectivement été classée dans cette catégorie pendant plusieurs années, la Roumanie a été citée l’an passé comme un des fers de lance de la lutte contre la traite des êtres humains.

56.Mme NEGRUTIU (Roumanie) dit que la loi sur la traite d’êtres humains prévoit des sanctions très lourdes contre les coupables de tels agissements mais que ce texte n’est entré en vigueur qu’en 2001, si bien que les poursuites lancées en application de ce texte n’en sont encore qu’au stade de l’instruction et que les sentences n’interviendront pas avant plusieurs mois.

57.En l’état actuel de la législation, les victimes de traite peuvent effectivement, en théorie, être inculpées de franchissement illégal des frontières, mais c’est là une anomalie dont les autorités ont conscience et qu’elles sont déterminées à abolir. Dans la pratique quotidienne, les enfants ayant fait l’objet de traite sont considérés comme des victimes et non comme des délinquants.

58.Mme COMAN (Roumanie) dit que dans toutes les réponses de la Roumanie, les nombres et pourcentages d’enfants placés en institution doivent s’entendre comme désignant l’ensemble de ces enfants et non ceux d’entre eux souffrant d’un handicap. À la fermeture des institutions dont il a été question, les enfants ont été pris en charge − en ordre décroissant − dans leur famille biologique, par des membres de leur famille élargie, en famille d’accueil. La plupart d’entre eux bénéficient encore d’un ensemble de services tels qu’accueil en centre de jour, services spécialisés de réinsertion ou conseil aux familles. Tout enfant qui quitte une institution est en principe suivi par des travailleurs sociaux pendant au moins six mois. L’année 2000 a marqué l’accélération du transfert de responsabilités des autorités centrales aux autorités locales pour certaines institutions accueillant des enfants à problèmes.

59.Mme KARP aimerait avoir davantage de détails sur les conditions de vie dans ces institutions, dont on sait qu’elles ont été montrées du doigt par le Rapporteur spécial sur la torture, ainsi que sur le personnel qui y est employé.

60.Mme COMAN (Roumanie) répond que de grands progrès ont été réalisés, aussi bien en termes d’environnement et de conditions de vie qu’en termes de prise en compte des besoins de l’enfant. Remédier à la pénurie de personnel qualifié reste une priorité. Malheureusement, les professions d’assistant social et de psychologue sont encore relativement nouvelles en Roumanie. Le problème le plus important est de recruter suffisamment d’ergothérapeutes et de kinésithérapeutes pour répondre aux besoins des enfants handicapés.

61.M. CALCIU (Roumanie) dit qu’avoir décentralisé les responsabilités avant les financements a été une grave erreur, laquelle explique une partie des problèmes relevés par le Comité. En 2000, la Roumanie s’est dotée d’une autorité nationale unique chargée de la question de l’enfance, en particulier en termes d’aide sociale.

62.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, dit que sur la période 1997‑2001, l’on a recensé 400 cas bien documentés de mauvais traitements par les forces de police, dont 190 concernaient des mineurs, et demande si la délégation a connaissance de l’ouverture d’enquêtes dans ces affaires et, le cas échéant, de leur état d’avancement.

63.M. NICOLAESCU (Roumanie) répond que les services de police sont dotés de leur propre système de surveillance et de sanction, dans le cadre duquel il est dûment donné suite à chaque plainte déposée pour brutalités policières. Il ne peut apporter de réponse immédiate dans le cas précis évoqué mais transmettra la question aux autorités.

64.Mme CHERCIU (Roumanie) dit que depuis 1990 d’importants changements ont été introduits en vue de garantir aux minorités nationales l’exercice du droit à l’éducation. De nombreux enseignants ont été formés pour dispenser un enseignement dans les langues de ces minorités, aussi bien dans le primaire que dans le secondaire, voire dans les établissements préscolaires. Des inspecteurs d’académie ont de plus été recrutés parmi les membres des minorités hongroise et rom et il est désormais possible de passer tous les examens de fin d’études primaires et secondaires dans toutes les langues des minorités nationales. Parmi les autres réalisations, on peut citer la mise en place de centres aérés interculturels.

65.Mme KARP fait observer qu’il est tout aussi nécessaire d’organiser des activités scolaires ou extrascolaires dans un souci d’intégration et que les enfants roms, par exemple, ont donc à la fois besoin de continuer à utiliser leur langue d’origine et d’apprendre à maîtriser la langue de leur pays d’accueil, seule à même de leur ouvrir les portes de l’enseignement supérieur.

66.Mme CHERCIU (Roumanie) dit que les parents ont la possibilité d’inscrire leurs enfants soit dans des centres aérés regroupant les enfants par culture et par langue soit dans d’autres rassemblant des enfants de plusieurs cultures, les deux formules étant proposées. L’enseignement des langues des minorités nationales est proposé à titre optionnel à raison de quatre heures de cours par semaine et ne se substitue en aucun cas à l’enseignement de la langue roumaine, qui est obligatoire.

67.Le PRÉSIDENT, en sa qualité d’expert, demande si les diverses allocations destinées à protéger la famille sont effectivement versées à tous ceux qui y ont droit et comment l’État les finance.

68.Mme KARP se demande si la lenteur du processus de modification de la législation relative à l’adoption internationale − modification que le Comité avait recommandée suite à l’examen du rapport initial de l’État partie en 1994 − n’est pas le signe que cette révision nuirait à certains intérêts.

69.M. CALCIU (Roumanie) rappelle que la loi relative à l’adoption − applicable à l’adoption internationale − a été modifiée une première fois en 1997 et souligne que les enjeux sont suffisamment importants et complexes pour que la nouvelle révision ne se fasse pas dans la précipitation. Dans le cadre de la législation en préparation, la Roumanie entend veiller à ce que l’alinéa b de l’article 21 de la Convention soit respecté, à savoir que l’adoption à l’étranger ne soit envisagée qu’en dernier ressort. Les chiffres relatifs à l’adoption se sont au demeurant inscrits en baisse au cours des trois dernières années, en raison de la suspension de l’adoption internationale, revenant de 3 500 enfants en 2000 à 1 500 environ en 2001 puis à quelque 600 en 2002.

70.Aucun programme d’aide internationale ou bilatérale n’est lancé sans consultation préalable de toutes les parties prenantes, à savoir les gouvernements ou organismes donateurs, les autorités nationales et locales, voire les ONG présentes sur le terrain. Pour tout ce qui touche à l’enfance, c’est l’Autorité nationale pour la protection de l’enfance qui assure cette coordination.

71.Mme COMAN (Roumanie) explique que les statistiques relatives à l’adoption internationale peuvent être faussées par le fait que la loi autorise les tribunaux à casser les décisions d’adoption de ce type de manière définitive et irrévocable dans un délai d’un an. La suspension des adoptions internationales a pris effet en octobre 2001 mais les demandes en cours d’instruction − au nombre de 600 − ont été traitées et soumises aux tribunaux roumains pour approbation. En outre, le Gouvernement a demandé à ce que la législation en la matière soit modifiée, parallèlement à l’élaboration d’une loi sur les droits de l’enfant.

72.Mme CHUTIKUL demande si tous les enfants roms bénéficient d’un enseignement dans leur langue maternelle et s’il est vrai que certains professeurs sont réticents à les accepter dans leurs classes de crainte qu’ils ne fassent baisser la moyenne des résultats scolaires de leurs élèves. Elle voudrait en outre savoir si les programmes d’intégration des enfants roms dans le système éducatif est toujours en vigueur.

73.Elle demande s’il est vrai que les employés des crèches reçoivent une formation davantage axée sur les soins que sur la pédagogie, si le Gouvernement entend pallier ce problème et, dans l’affirmative, de quelle manière. En outre, elle souhaiterait que la délégation indique si les enseignants spécialisés dans l’instruction civique sont effectivement en nombre insuffisant et si ces cours sont dans certains cas dispensés par des étudiants en sciences sociales.

74.Mme AL‑THANI demande comment s’explique la persistance d’un taux de mortalité infantile aussi élevé et pourquoi les infections respiratoires restent la principale cause de mortalité. Elle souhaite savoir s’il existe, outre le programme de santé mentale destiné aux enfants et adolescents qui ont déjà fait une tentative de suicide, un programme qui aurait pour objectif de repérer les enfants particulièrement fragiles et donc à risque.

75.Mme KARP demande s’il est envisagé d’étendre à l’ensemble du pays le projet «Club des parents» mis en place dans quelques écoles pour offrir aux parents des conseils spécialisés quant à l’éducation de leurs enfants et aux élèves des services d’orientation et de conseil.

76.Mme CHERCIU (Roumanie) dit que dans le primaire la grande majorité des matières sont enseignées aux petits Roms dans leur langue maternelle, par des enseignants roms ayant reçu une formation pédagogique, mais qu’il n’en est pas de même dans le secondaire car le nombre de professeurs spécialisés est insuffisant, l’enseignement de la langue et de la culture roms à l’université étant encore trop récent pour qu’une promotion ait été diplômée.

77.Il est vrai que les cours d’instruction civique sont dispensés dans le primaire par des enseignants spécialisés alors que, dans le secondaire, ils sont assurés par des étudiants en sciences sociales. Les autorités compétentes sont cependant en train de revoir la teneur des programmes dans cette matière et de mettre au point une nouvelle méthodologie en vue de réduire l’écart entre la théorie et la pratique. Dans cette optique, des activités extrascolaires devraient être mises en place pour chaque niveau d’enseignement. Des «clubs des parents» devraient être créés prochainement dans toutes les écoles du pays pour aider les parents à mieux comprendre leurs enfants et aider les enfants à traverser les périodes de crise liées à leur développement.

78.Mme DRAGATOIU (Roumanie) fait observer que le taux de mortalité infantile s’inscrit en baisse et que la persistance de ce taux à un niveau élevé s’explique par le manque de structures de soins de santé primaires et de médecins dans les zones rurales et par le fait que les parents consultent souvent trop tard dans ces régions.

79.La Roumanie a récemment adopté une loi relative à la santé mentale pour prévenir les suicides chez les jeunes mais il n’existe pas encore de services spécialisés ni de personnel qualifié pour procéder à un dépistage efficace des adolescents à risque et à leur prise en charge.

80.M. CITARELLA, se référant aux réponses écrites, souhaiterait savoir ce qu’il advient des mineurs de moins de 14 ans ayant commis une infraction pénale ou des mineurs âgés de 14 à 18 ans qui ne sont pas pénalement responsables. Enfin, il demande si l’État partie entend instituer des tribunaux pour enfants.

81.Mme KARP estime particulièrement préoccupant qu’un grand nombre d’enfants soient placés en détention avant même que leur culpabilité n’ait été établie et qu’environ 30 % des enfants délinquants se voient infliger une peine privative de liberté au lieu de bénéficier d’une mesure de substitution. Se référant au rapport, elle aimerait en outre savoir ce qui peut justifier qu’un procureur donne ordre de suspendre les contacts entre un mineur poursuivi au pénal et son avocat pour une période maximale de cinq jours, et notamment en quoi cela peut être «dans l’intérêt de l’instruction pénale».

82.M. NICOLAESCU (Roumanie) dit que les mineurs de moins de 14 ans reconnus coupables d’une infraction pénale ne peuvent faire l’objet que d’un placement d’urgence d’une durée maximale de 15 jours. Le Gouvernement tend à privilégier les peines de substitution telles que les travaux d’intérêt général. La réforme de la justice pour mineurs, qui devrait entrer en vigueur au printemps 2003, va dans ce sens, et prévoit la création de tribunaux pour enfants et la sensibilisation des fonctionnaires de la justice et de la police aux questions relatives aux droits de l’enfant.

83.Mme CHUTIKUL dit que dans ses observations finales, le Comité mettra l’accent sur un certains nombre de points, tels que l’importance de l’adoption de mesures d’application générale et de la mise en œuvre des principes généraux, notamment de la non‑discrimination, ainsi que de la nécessité d’adopter des mesures de protection spéciale pour les plus défavorisés et des programmes d’assistance aux familles.

84.Mme COMAN (Roumanie) se félicite du dialogue constructif instauré avec les membres du Comité.

La séance est levée à 18 h 5.

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