NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.140629 juin 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Cinquante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1406e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 28 mai 2009, à 15 heures

Présidente: Mme LEE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de la Mauritanie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (suite)

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Mauritanie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/MRT/2; document de base (HRI/CORE/1/Add.112); liste des points à traiter (CRC/C/MRT/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/MRT/Q/2/Add.1) (suite)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation mauritanienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme VILLARÁN relève que le droit à l’éducation est garanti par la loi 2001-054 de juillet 2001, que 95 % des enfants seraient scolarisés et qu’il y aurait une relative parité entre le nombre de garçons et le nombre de filles à l’école. Elle note toutefois qu’il faut encore faciliter l’accès à l’école, améliorer la qualité de l’enseignement et faire en sorte que l’école soit un moyen d’intégration sociale pour tous les enfants, sans discrimination liée au sexe, à la culture ou à la langue.

3.La délégation voudra bien donner des chiffres sur les investissements publics et privés consacrés à l’éducation, indiquer si la scolarité est réellement gratuite et préciser le nombre d’élèves terminant le cycle primaire et le nombre d’élèves terminant le cycle secondaire. Elle pourrait aussi décrire les mesures prises pour faciliter la scolarisation de tous les enfants, comme par exemple l’octroi de subvention visant à aider les familles les plus démunies, et pour mettre en place des programmes d’aide alimentaire et de promotion de la santé au sein des écoles maternelles et primaires.

4.Il serait également utile d’avoir des données actualisées sur le pourcentage d’enfants qui travaillent et de savoir si des politiques sont mises en place pour lutter contre le travail domestique des filles, combattre l’esclavage des enfants et réintégrer les enfants talibés dans les écoles publiques, garantir le droit à l’éducation des enfants étrangers en transit dans le pays et aider les jeunes filles enceintes à rester ou à retourner à l’école.

5.Il serait aussi intéressant de connaître les résultats des examens officiels de lecture et de mathématiques, de savoir si l’enseignement est donné dans la langue des groupes ethniques, comment sont enseignés les droits de l’homme et les droits de l’enfant et quelles mesures sont prises pour prévenir et sanctionner les châtiments corporels ou humiliants à l’école.

6.Mme HERCZOG aimerait connaître les résultats des plans nationaux relatifs à la santé de la procréation, et savoir si ces plans, arrivés à échéance en 2007, ont été prorogés. Elle souhaiterait notamment savoir si la proportion de femmes ayant bénéficié de soins prénatals et d’une assistance à l’accouchement a augmenté.

7.Elle voudrait des informations sur la vaccination des jeunes enfants. Relevant que, d’après le Programme alimentaire mondial, des dizaines de milliers de jeunes enfants souffriraient de malnutrition et que, d’après la revue scientifique médicale britannique The Lancet, beaucoup d’enfants présenteraient des carences en fer, zinc et iode, elle demande si des programmes sont mis en œuvre pour remédier à ces problèmes.

8.La délégation voudra bien indiquer également si le personnel de santé bénéficie de programmes de formation consacrés aux besoins des nouveau-nés et des jeunes enfants, si un budget est alloué à ces programmes et si d’autres professionnels, tels que des travailleurs sociaux, apportent un soutien aux familles en matière d’éducation et de santé.

9.M. KOOMPRAPHANT souhaiterait des informations sur les enfants qui travaillent et savoir notamment s’il existe des mécanismes permettant de contrôler leurs conditions de vie et de travail, quels sont les critères d’évaluation des conditions de travail, si les employeurs ont l’obligation de garantir la protection et le bien-être de ces enfants, et si le Gouvernement a mis en place des programmes éducatifs ou récréatifs à leur intention. Il demande en outre qui aide ces enfants à se défendre pour obtenir de meilleures conditions de travail et de vie et si un enfant qui voudrait poursuivre son employeur en justice peut obtenir une aide judiciaire.

10.En ce qui concerne la violence sexuelle, l’exploitation sexuelle et la traite d’enfants, il serait utile de savoir quelles sont les autorités compétentes pour venir en aide aux victimes et quel est le type d’assistance qu’elles proposent.

11.M. PURAS souhaiterait des éclaircissements sur les services disponibles pour les enfants handicapés, qu’ils vivent en institut spécialisé ou dans leur famille. Il rappelle que le Comité promeut l’aide communautaire, plus économique et plus respectueuse des droits de l’enfant, plutôt que le placement en institution. À ce propos, il demande quelle autorité veille au respect des droits des enfants placés en institution.

12.En ce qui concerne la fourniture de soins de santé, qui aurait diminué, il voudrait savoir comment sont allouées les ressources, si les ressources humaines sont suffisantes en matière de soins de santé primaire et s’il existe des disparités géographiques dans ce domaine.

13.La délégation voudra bien préciser si les campagnes de vaccination sont financées par l’aide de donateurs étrangers ou par l’aide publique. L’orateur relève que, si la stratégie accélérée pour la survie et le développement de l’enfant a été adoptée, il faut maintenant une volonté politique forte pour la mettre en œuvre. Il demande enfin quelles sont les mesures prises ou prévues pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement en matière de santé.

14.M. KRAPPMANN invite la délégation à décrire les activités entreprises pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la politique nationale pour le développement des jeunes enfants, et notamment les mesures prises pour garantir la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants et pour réduire les inégalités.

15.Relevant que le Gouvernement mauritanien estime que le bien-être et le développement de l’enfant relèvent avant tout de la responsabilité des familles et de la communauté, il demande quelles en sont les conséquences pratiques. Il souhaite obtenir des précisions sur les infrastructures et les services de garde d’enfants existants ou prévus.

16.Enfin, il déplore l’absence d’étude sur la pauvreté. Il salue l’adoption du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et les progrès réalisés en la matière, mais regrette qu’aucune des mesures envisagées ne cible les familles ou les enfants. Il invite la délégation à décrire les mesures qu’elle a mises en œuvre pour réduire la pauvreté.

17.M. KOTRANE s’étonne que l’État partie n’ait pas fixé l’âge minimum d’accès à l’emploi à 16 ans, mais à 14 ans, contrairement à ce que le Comité avait préconisé en 2001 et demande si l’État partie compte étendre la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Soulignant que, selon le paragraphe 223 du rapport de l’État partie, le Code de protection pénale des enfants est conforme aux dispositions de la Convention, il souhaiterait avoir des éclaircissements sur les distinctions entre les catégories d’âge et notamment sur le fait qu’un enfant de 7 à 15 ans, en conflit avec la justice est susceptible d’être condamné à des mesures de protection, ce qui semble en contradiction avec l’Observation générale no 10 du Comité.

18.L’orateur demande en outre si des formations de spécialisation, organisées éventuellement dans le cadre de la coopération internationale, sont prévues à l’intention des juges, et si des mesures sont prises pour éviter que les victimes de violences sexuelles ne soient poursuivies au pénal.

19.MmeAL-ASMAR rappelle que, selon les préceptes de la charia, il suffit d’avoir l’approbation du père et la présence de deux témoins pour marier une jeune fille. Elle aimerait savoir si la nouvelle loi sur le mariage permet des chevauchements entre pratiques traditionnelles et droit positif.

20.Elle évoque un contre-rapport qui révèle que des enseignants d’écoles coraniques se livreraient au trafic d’enfants dans le but de les contraindre à la mendicité. Elle souhaiterait savoir à ce propos si la nouvelle stratégie de promotion des droits de l’enfant mise en place par le gouvernement de l’État partie prévoit la création d’autres structures et programmes de développement du jeune enfant, qui puissent faire office d’alternative aux écoles coraniques.

21.M. POLLAR salue le fait que la Mauritanie ne soit impliquée dans aucun conflit armé. Se référant au paragraphe 218 du rapport, qui indique que l’État partie est susceptible d’accueillir sur son territoire des enfants réfugiés fuyant les hostilités faisant rage dans des pays voisins, il souhaiterait avoir des précisions sur les enfants que la Mauritanie aurait accueillis dans ces circonstances. Il dit qu’une vaste région du nord du pays est touchée par le problème des mines terrestres: quelles mesures sont mises en place pour remédier à ce problème et éviter les accidents?

22.Enfin, il constate avec satisfaction que l’État partie a mis en place un programme de retour des réfugiés, bénéficiant principalement aux réfugiés du Sénégal, mais il semblerait que certains réfugiés, dont de nombreux enfants, aient dû retourner dans leur pays d’origine, pour des raisons peu claires. Des commentaires sur ce point seraient les bienvenus.

23.Mme AIDOO regrette que le rapport ne comporte pas davantage d’informations sur les questions de santé en général et plus particulièrement sur les mesures prises pour assurer la santé des adolescents, notamment en ce qui concerne la santé de la procréation et les soins de santé mentale. Les services sociaux et de conseils sont-ils suffisamment axés sur les besoins des adolescents et sont-ils à même de leur garantir la confidentialité et l’attention particulière dont ils ont besoin?

24.Elle se félicite que le taux de prévalence du VIH/sida soit de 1 % à l’échelle nationale mais s’étonne toutefois que ce taux atteigne 7 % chez les adolescents, selon l’enquête en grappes à indicateurs multiples de 2007. Il ressort aussi de cette enquête que seulement 5 % des femmes de 15 à 49 ans sont en mesure de citer deux moyens de se prémunir contre le virus, taux qui chute à 1,5 % dans les zones rurales. Il semble donc y avoir un vrai manque d’information dans ce domaine. Le taux de mortalité maternelle est aussi un des plus élevé d’Afrique de l’Ouest, même s’il est en baisse.

25.Reprenant les données du rapport qui mentionne que, selon l’enquête de 2007, 43 % des femmes mariées sont des jeunes filles de moins de 18 ans et 19 % d’entre elles ont moins de 15 ans, elle demande dans quelle mesure la stratégie nationale de promotion de la femme est axée sur la santé des adolescents et la mortalité maternelle des adolescentes. La question du viol et de la violence sexuelle pose un grave problème, surtout lorsque ces actes sont perpétrés dans la sphère familiale ou communautaire, notamment parce que la culture du silence prédomine et dissuade les victimes de parler. Elle aimerait savoir comment l’État partie s’efforce de sensibiliser les enfants, les familles, les chefs religieux et les chefs de village aux risques d’exploitation sexuelle.

26.Notant que 52 % des enfants qui travaillent sont des employés de maison, pour l’essentiel des jeunes filles à peine rémunérées issues de familles pauvres et parfois victimes de la traite, elle constate que ces conditions sont propices à l’exploitation sexuelle. Si des progrès ont été faits en ce qui concerne la traite d’enfants jockeys à destination des pays du Golfe, il semblerait qu’il existe encore des filières de traite de jeunes épouses qui sont envoyées vers ces pays. Qu’en est-il? Existe-t‑il des études et des recherches sur l’exploitation sexuelle, la prostitution des adolescentes, la traite des jeunes filles? Il serait aussi intéressant de savoir s’il existe des structures d’accueil et des services de soutien psychosocial et financier destinés aux mères adolescentes qui sont dans l’impossibilité d’élever leurs enfants.

27.Mme KHATTAB relève qu’une loi interdisant l’excision a été promulguée en 2005. La délégation voudra bien apporter des précisions à ce sujet, et notamment indiquer si l’excision est réprimée uniquement en cas de séquelles ou si elle est passible de sanctions pénales dans tous les cas. Elle mentionne qu’un arrêté ministériel interdit l’excision, sauf dans les cas où elle est «jugée nécessaire», ce qui laisse la porte ouverte aux abus. Elle souhaiterait aussi savoir si les victimes de mutilations génitales féminines ont des possibilités de recours, si leur droit à la vie privée est respecté et si elles ont la possibilité de se confier à quelqu’un dans des conditions de confidentialité. Les médecins ayant pratiqué ces mutilations risquent-ils d’être poursuivis et y‑a‑t‑il eu des condamnations? La délégation pourrait aussi préciser si l’État partie coopère avec les organisations internationales en la matière et si le Gouvernement est disposé à mettre en place un numéro de téléphone gratuit à l’intention des victimes de ces pratiques.

28.En ce qui concerne l’éducation et le taux de scolarisation, Mme Khattah aimerait savoir comment l’État partie lutte contre l’abandon scolaire et quelles mesures il prend pour que les jeunes filles ne soient pas mariées précocement et qu’elles poursuivent leurs études. Il ressort du rapport que les familles qui n’envoient pas leurs enfants à l’école sont passibles d’une amende, aussi aimerait-elle savoir ce que fait l’État partie pour encourager concrètement les familles pauvres à scolariser leurs enfants au lieu de les envoyer travailler.

29.Par ailleurs, un complément d’informations sur la formation des enseignants et sur les mesures prises pour valoriser cette profession serait bienvenu. Enfin, la discrimination dont sont victimes les enfants de certaines ethnies fait-elle l’objet de mesures de sensibilisation et les pouvoirs publics militent-ils en faveur de davantage de tolérance?

30.Mme ORTIZ aimerait savoir quelles mesures prend l’État partie pour lutter contre l’abandon des nouveau‑nés, notamment les enfants illégitimes ou issus d’un viol. Il serait souhaitable d’avoir davantage d’informations sur la k afala et sur les mesures adoptées par l’État partie pour qu’un plus grand nombre d’enfants puissent être pris en charge dans des familles et ne soient pas placés en institution.

La séance est suspendue à 15 h 55; elle est reprise à 16 h 15.

31.M. BEIDY (Mauritanie) dit que la réserve générale à la Convention, que l’État partie avait émise lors de sa ratification et qui rendait inapplicables toutes les dispositions incompatibles avec la charia, revenait à vider la Convention de sa substance, aussi le Gouvernement a-t-il décidé de lever cette réserve et de la remplacer par des réserves spécifiques pour certains articles. Il a pour ce faire mis en place un mécanisme de suivi des recommandations du Comité et organisé des concertations entre les divers représentants des courants de la pensée islamique pour qu’ils se prononcent sur les réserves spécifiques à émettre. M. Beidy évoque la dualité des sources du droit mauritanien et souligne que la religion d’État est l’islam, que les préceptes de la charia priment sur la Constitution et que les instruments ratifiés doivent eux aussi être compatibles avec les règles de la charia. Il dit que le système judiciaire mauritanien a été réformé et n’établit plus de distinction entre les juges de droit musulman et les juges de droit moderne.

32.En ce qui concerne la définition de l’enfant, il rappelle que le Comité avait, déjà en 2001, fait des recommandations dans le sens d’une harmonisation des dispositions concernant l’âge minimum d’accès à l’emploi et l’âge de la scolarité obligatoire: l’âge en deçà duquel un enfant ne peut travailler a été fixé à 15 ans et les conditions d’emploi des jeunes entre 15 et 18 ans ont été adaptées à leur âge. L’âge officiel pour contracter mariage a, quant à lui, été fixé à 18 ans, exception à laquelle il n’est pas dérogé, sauf si l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige. Dans le cas où il est manifeste que le tuteur a marié l’enfant dans son propre intérêt et non dans celui du mineur, le juge peut annuler le mariage et sanctionner le tuteur.

33.Le Fonds pour les générations futures, créé en 2006 et alimenté par les revenus tirés des ressources pétrolières, est domicilié à l’étranger et géré de manière transparente par le Gouvernement et des représentants de la société civile.

34.La polygamie est sujette à diverses conditions prévues par le Code du statut personnel, lesquelles tendent à décourager cette pratique.

35.M. OULD RAMDAN (Mauritanie) dit que l’État a publié une ordonnance relative à la protection de l’enfant qui est conforme à la définition de l’enfant telle qu’énoncée dans la Convention. Il précise que les mesures de protection auxquelles un enfant de 7 à 15 ans peut être soumis excluent la détention et tiennent compte de son intérêt.

36.Il explique que l’État, par l’intermédiaire de la Commission nationale des droits de l’homme, mène des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les séquelles de l’esclavage en collaboration avec les ONG, qui secondent l’État dans ces efforts et apportent un appui en matière d’encadrement des victimes. Il précise que le Code de l’enfant habilite les ONG qui se consacrent à la protection de l’enfant à se porter parties civiles dans les affaires impliquant une violation des droits de l’enfant.

37.M. CITARELLA, revenant sur la question de l’âge de la responsabilité pénale, souhaiterait avoir des éclaircissements sur le fait que l’adoption de mesures de protection pour les enfants entre 7 et 15 ans implique une condamnation devant une juridiction pénale et un procès devant magistrat.

38.M. KOTRANE dit que, aux termes de la Convention, l’enfant en deçà d’un certain âge ne peut pas être soumis à la justice pénale car il est présumé incapable d’enfreindre la loi. Au sujet de la réserve générale, il rappelle que l’État partie n’est plus habilité à émettre de nouvelles réserves moins restrictives et ne peut donc que retirer sa réserve générale, comme l’ont déjà fait d’autres pays.

39.M. ZERMATTEN souhaiterait savoir si l’État partie a fait des progrès en matière de décentralisation de la justice des mineurs. Il demande aussi qui prend les décisions de placement en centre de rétention et si une instance est chargée de contrôler les modalités d’administration de ces structures.

40.M. FILALI demande quel est le statut d’une jeune fille de moins de 18 ans victime de viol qui comparaît devant un tribunal. Il aimerait avoir des précisions sur la différence que fait l’État partie entre «attentat à la pudeur», «attentat aux mœurs» et «détournement de mineur» et s’il existe une typologie précise décrivant ces infractions.

41.De plus, il aimerait savoir quelle protection est offerte à un enfant qui traverse le territoire mauritanien, pour des raisons de migrations par exemple: a-t-il accès à des soins de santé, peut-il suivre une scolarité dans sa langue maternelle s’il est retenu dans un centre de rétention? Qu’en est-il des jeunes filles qui tombent enceinte durant le voyage: peuvent-elles bénéficier d’une prise en charge médicale et sociale?

42.M. OULD RAMDAN (Mauritanie) dit que le placement en centre de rétention relève d’une décision administrative qui est susceptible de recours. En ce qui concerne le niveau de décentralisation de la justice pour mineurs, il explique que chacune des 13 régions du pays est dotée d’un tribunal pour mineur et, dans certains cas, d’un juge d’instruction spécialisé dans la justice pour mineurs. Il explique que le cas d’une mineure victime de viol serait considéré par la justice comme relevant de l’attentat aux bonnes mœurs ou du détournement de mineur; dans tous les cas, le viol est une infraction clairement définie dans la loi.

43.Pour ce qui est de l’enfant en transit, son éventuel placement en rétention est décidé par les autorités administratives, lesquelles se chargent, en fonction des moyens, de faire le nécessaire en ce qui concerne sa santé ou sa scolarité.

44.Les restes explosifs hérités du conflit du Sahara occidental posent problème aux populations nomades qui sont contraintes de traverser les zones minées, à la frontière marocaine, pour faire paître leur bétail. Un programme mené en partenariat avec l’UNICEF vise à informer la population des risques liés aux mines et à organiser des activités génératrices de revenus pour les victimes, pour faciliter leur réinsertion et leur réadaptation.

45.M. MOHAMED JEREB (Mauritanie) dit que le Mouvement national en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’enfant, qui s’inscrit dans la nouvelle dynamique instaurée depuis la ratification de la Convention, vise à créer une véritable culture générale des droits de l’enfant dans le pays. Il a permis la constitution de réseaux et d’alliances rassemblant des acteurs nationaux et internationaux. Des mouvements régionaux ont en outre été créés au niveau des wilayas.

46.Des mesures ont été prises pour permettre aux enfants de s’exprimer et de participer à la vie de la société. Ainsi, une journée nationale de l’enfant a été proclamée et dix enfants mauritaniens participent au Parlement international des enfants. Un parlement des enfants, qui dispose de larges compétences sur les plans législatif et juridique, a été institué; il a organisé de nombreuses campagnes d’information.

47.Actuellement, le Gouvernement s’attache à créer des conseils municipaux des enfants et à faire connaître le rapport de l’ONU sur la violence contre les enfants. Les réseaux en place se mobilisent pour préparer les célébrations du vingtième anniversaire de la Convention et sensibiliser à cette occasion l’opinion publique aux droits de l’enfant. Des comités ont par ailleurs été mis en place pour intégrer les questions relatives aux enfants dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et établir des budgets spécifiques à cette fin. Enfin, une commission a été créée pour assurer le suivi des recommandations qui ont été formulées par le Comité comme suite à l’examen du rapport initial, lesquelles recommandations ont été largement diffusées.

48.Les enfants talibés sont des enfants qui reçoivent un enseignement coranique et qui, du fait de leurs conditions de vie très difficiles, se livrent à la mendicité. En 2008, un centre national pour l’accueil et la protection de ces enfants a vu le jour, dans le cadre de la stratégie nationale pour la réinsertion des enfants. À ce jour, le centre a pu aider plus de 70 enfants et a conclu avec certaines écoles coraniques des accords visant à améliorer le sort des élèves. Le centre prend également en charge les enfants nés d’unions illégales. Heureusement, du fait des nombreuses demandes de la part de familles d’accueil, les enfants ne restent jamais très longtemps dans ce type de centres.

49.Le rapport, qui a été soumis en 2007, ne comporte pas d’informations détaillées sur l’enseignement préscolaire, mais des mesures importantes ont été prises depuis. Un programme national tenant compte des spécificités de l’enfant et tendant à rapprocher les méthodes d’enseignement coranique et moderne a été mis en place. Le but est de faire évoluer les méthodes pédagogiques des écoles coraniques, qui restent caractérisées par une relative violence.

50.Mme VILLARÁNDE LA PUENTE demande des précisions sur les formes de violence qui existent dans les écoles coraniques.

51.M. MOHAMED JEREB (Mauritanie) explique que, dans les écoles coraniques, les élèves apprennent à lire et à écrire en arabe, la langue du coran, et qu’ils doivent apprendre et répéter par cœur des versets du Coran. Les enseignants ont souvent recours aux châtiments corporels. Le Gouvernement a décidé de modifier la législation en vigueur et de mettre en place des programmes d’enseignement qui encouragent les enseignants à appliquer des méthodes plus modérées. Il convient de mentionner toutefois qu’il n’est pas possible de supprimer la totalité des centres coraniques, qui sont les principales structures d’accueil pour les jeunes enfants. Actuellement, 10 écoles coraniques devraient faire l’objet d’améliorations.

52.Mme KHATTAB demandent si les enfants diplômés des écoles coraniques trouvent facilement un emploi.

53.M. CITARELLA souhaiterait savoir s’il existe dans l’État partie des écoles privées non coraniques.

54.Mme AL-ASMAR demande si l’enseignement des écoles coraniques prépare suffisamment les élèves à entrer dans la vie active et à faire face à la réalité de la vie.

55.M. MOHAMED JEREB (Mauritanie) indique que l’expérience a montré que les enfants issus des écoles coraniques se débrouillaient mieux à leur entrée à l’école primaire que les autres. Le Gouvernement, dont l’un des objectifs principaux est de promouvoir la justice sociale entre les élèves, s’est beaucoup attaché ces dernières années à améliorer la qualité de son système éducatif, notamment en prenant des dispositions pour augmenter le taux d’inscription scolaire, en luttant contre l’abandon scolaire, en instaurant la gratuité de l’enseignement, de l’école primaire à l’université, et en distribuant dans toutes les provinces du pays des manuels à prix modique. Grâce au plan décennal (1999-2009) mis en place par le Gouvernement, le taux d’inscription scolaire des filles a nettement progressé.

56.La PRÉSIDENTE s’enquiert des dispositions régissant la scolarité obligatoire, des sanctions auxquelles s’exposent les parents négligents, du coût des études et des mesures prises pour lutter contre l’abandon scolaire.

57.M. MOHAMED JEREB (Mauritanie) dit que les manuels scolaires sont vendus à un prix que le Gouvernement estime accessible pour toutes les familles et que le matériel scolaire (crayons, par exemple) est fourni gratuitement aux enfants. Pour encourager la scolarisation des filles, des services de bus ont été mis en place dans les zones reculées pour leur faciliter l’accès aux établissements d’enseignement secondaire. Les jeunes filles résident même parfois sur place, au plus près de leur école. Le Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille s’emploie à sensibiliser la population à l’importance de la scolarisation des jeunes filles, y compris dans l’enseignement supérieur. Il soutient les associations de parents d’élèves, qui jouent un rôle très important à cet égard.

58.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) ajoute qu’à l’heure actuelle les filles représentent 50,3 % des élèves du primaire. Malheureusement, la tendance s’inverse dans le secondaire. En effet, les filles éprouvent des difficultés à poursuivre leurs études car il n’y a pas d’établissement d’enseignement secondaire dans toutes les agglomérations. C’est pourquoi le Gouvernement a mis à disposition de la communauté, dans certaines zones pilotes, des bus gratuits permettant aux filles d’accéder aux établissements. Les résultats étant satisfaisants, il est à espérer que l’expérience sera bientôt généralisée.

59.La scolarisation des enfants n’entraîne aucun frais pour les parents, à l’exception du coût des cahiers et des manuels scolaires. Ces derniers sont aujourd’hui vendus par l’État à un prix fixe. En outre, le millier de cantines scolaires qui existent sur l’ensemble du territoire national permettent de lutter efficacement contre l’abandon scolaire, puisque les enfants sont assurés de bénéficier ainsi d’un repas par jour.

60.Mme AL-ASMAR souhaiterait obtenir un complément d’informations sur les raisons qui, outre les frais de scolarité, peuvent pousser les parents à retirer leurs enfants des établissements scolaires, sachant que ces derniers invoquent souvent le caractère ennuyeux et l’inadéquation des programmes, principalement ceux destinés aux jeunes filles.

61.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) précise que le Gouvernement mauritanien s’emploie à éradiquer, l’une après l’autre, les difficultés auxquelles les jeunes filles se heurtent. Il a pris récemment des dispositions législatives pour lutter contre le mariage précoce.

62.M. FILALI demande s’il existe dans l’État partie des programmes de subvention destinés à aider les familles les plus pauvres à s’acquitter du coût des fournitures scolaires.

63.Mme VARMAH demande si les cantines scolaires sont gratuites et situées dans les établissements scolaires.

64.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) fait savoir que les cantines scolaires se trouvent dans les écoles et que le coût des repas est intégralement pris en charge par le Gouvernement. Pour l’année scolaire 2008-2009, les élèves ont reçu un sac contenant l’ensemble des fournitures scolaires nécessaires. Malheureusement, il ne s’agit pas encore là d’une pratique institutionnalisée.

65.Un accord a été signé entre le HCR, la Mauritanie et le Sénégal en vue de permettre le rapatriement volontaire des réfugiés mauritaniens. L’État mauritanien a mis sur pied une institution chargée de préparer leur retour et de faciliter leur réinsertion et s’est doté de programmes d’accueil. Selon les tout derniers chiffres disponibles, 11 000 des 18 000 réfugiés qui avaient manifesté la volonté de rentrer en Mauritanie sont déjà rentrés, après avoir librement choisi leur lieu d’établissement. L’opération est directement supervisée par le Gouvernement mauritanien, en collaboration avec le HCR et le Sénégal.

66.La Présidente souhaiterait connaître les moyens déployés pour encourager la vaccination et lutter contre la malnutrition des enfants.

67.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) dit que les pouvoirs publics mauritaniens s’attachent à renforcer le système de santé, aux fins de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, notamment les objectifs nos 4 (réduction de la mortalité infantile des moins de 5 ans de 2/3 d’ici 2015), 5 (réduction de la mortalité maternelle de ¾ sur cette même période), 6 (enrayer la propagation du VIH/sida et du paludisme d’ici 2015). Aujourd’hui, 72 % des Mauritaniens se trouvent à moins de 5 km d’une structure de santé. Le budget de la santé a considérablement augmenté ces dernières années; il est passé de 8,7 milliards d’ouguiyas en 2007 à 9,34 milliards d’ouguiyas en 2008.

68.Malgré un taux de prévalence du VIH/sida relativement faible (0,62 %), la Mauritanie reste vigilante. Selon la dernière enquête en grappes à indicateurs multiples, moins de 10 % des femmes consultées connaissaient les modes de transmission de la maladie et ses modalités de prévention. Toutefois, par rapport à 2001, deux fois plus de femmes ont accepté en 2007 de subir un test de dépistage. Le pays s’est doté en 2006, dans le cadre de la stratégie nationale de suivi et de développement de l’enfant, d’une stratégie de prévention de la transmission mère-enfant.

69.Depuis plusieurs années, le Gouvernement mauritanien achète ses vaccins par l’intermédiaire de l’UNICEF. En dépit de la disponibilité des vaccins, la couverture vaccinale des enfants, notamment en milieu rural, reste insuffisante: 78 % seulement pour le vaccin contre la rougeole et 57 % pour le DTC. Il est à espérer que le vaccin pentavalent, disponible depuis 2008 et qui évite la multiplicité des vaccins, incitera les familles à faire vacciner leurs enfants.

70.Les indicateurs relatifs à la malnutrition restent alarmants puisque, selon la dernière enquête réalisée, 30 % des enfants souffrent d’insuffisance pondérale et 12 % souffrent de malnutrition sévère, mais la situation n’empire pas. Les taux de mortalité infantile et maternelle demeurent également inquiétants mais, grâce à l’action de services de santé, on enregistre des progrès sensibles.

71.Le taux d’enregistrement des naissances s’établit à 57 % en moyenne, mais passe à 81 % dans le cas des accouchements assistés par un personnel qualifié. Le problème ne réside pas dans l’indisponibilité des services d’état civil, qui existent même dans les zones reculées du pays, parfois sous forme ambulante, mais dans la lenteur de l’évolution des mentalités. Le Gouvernement doit mobiliser plus d’énergie pour faire changer les comportements.

72.MmeMAURÁS PÉREZ(Rapporteuse pour la Mauritanie) demande si, pour lutter contre cet état de fait et encourager une prise de conscience plus large, l’État partie envisage de faire appel à la société civile.

73.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) estime que, même si l’enregistrement des naissances a fait l’objet de suffisamment de publicité, notamment de la part des médias, il y a effectivement tout lieu de mettre à contribution la société civile, ainsi que tous les autres acteurs possibles, en particulier dans les zones reculées, à des fins de promotion.

74.MmeMAURÁS PÉREZ(Rapporteuse pour la Mauritanie) remercie la délégation mauritanienne pour ses réponses, estimant que le dialogue a été particulièrement riche. Elle prend acte des efforts de codification et de législation du Gouvernement mauritanien en matière de droits de l’homme, même si des interrogations subsistent quant à la possibilité de rendre compatibles des concepts issus de systèmes juridiques inspirés à la fois par la charia et les coutumes et pratiques, notamment s’agissant de la définition de l’enfant. Elle se félicite des avancées réalisées dans le domaine de la scolarisation des filles, en particulier au niveau de l’enseignement secondaire, mais fait remarquer que beaucoup d’interrogations demeurent concernant le financement de l’éducation, la qualité de l’enseignement et l’octroi d’allocations pour les plus pauvres.

75.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) remercie le Comité pour l’accueil qu’il a réservé à la délégation. Il l’assure que ses recommandations feront l’objet d’une attention particulière en vue de leur mise en œuvre.

76.La délégation mauritanienne se retire.

La séance est levée à 18 heures.

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